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MessageSujet: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyMar 9 Fév 2016 - 12:34
Je suis couché en chien de fusil malade sur une table collante de crasse. J'suis chez un guérisseur qui présente le grand avantage d'être aussi métèque que moi. Sa langue maternelle ressemble assez à la mienne, en parlant fort et en articulant bien on arrive quasiment à se comprendre - on pourrait parler en marbrumien bien sûr, mais c'est un plaisir de converser à l'ancienne, même en hurlant. Le mec doit avoir un problème au visage ou à la bouche quand même, chépa, parce qu'il marmonne en bavant à moitié la plupart du temps. Faut dire qu'il est méga vieux. Tout sec, le visage comme une vieille pomme fripée, la barbe jaunie, ça c'est un mec qui a eu le temps d'affûter son art très longtemps. C'est comme les tâches de sang partout et les outils rouillés, j'trouve ça rassurant que tout ce bordel ait servi aussi longtemps. Ca c'est d'la bonne crasse de mec qui travaille. Tout, absolument tout dans son échoppe, du sol aux meubles en passant par les flacons plein de substances chelou, est couvert d'une saleté grasse, collante et pleine de poussières engluées, comme au dessus du four d'une vieille qui commence à sucrer les fraises. Et, bizarrement, le prix défie toute concurrence.

J'ai emprunté l'argent à Lendemain pour venir de toute façon. J'ai argumenté ferme pour lui faire cracher trois piécettes, il croyait que c'était un prétexte pour picoler en ville avec. Mais j'arrivais plus à lever le bras droit à hauteur de mon épaule, que j'lui explique. Du coup ça faisait de moi un quasi manchot, vu qu'à l'autre bras j'ai que trois doigts valides, et que ça me baise pas mal niveau dextérité. L'argument l'a fait fléchir. J'profite de l'occasion pour faire le contrôle technique, vu que l'ensemble de la machinerie a été mise à rude épreuve ces derniers mois. J'ai négocié ferme pour que le vieux me fasse les chicots pourri et la maladie vénérienne pour le même prix. Cette dernière, je l'ai bien laissé traîné plusieurs mois, et j'en étais venu à prendre trois quarts d'heure pour pisser, appuyé contre un arbre pour pas perte l'équilibre en m'évanouissant de douleur. Il fallait faire quelque chose. J'en ai parlé à personne évidemment.

C'est comme ça que je me suis retrouvé tout merdique, vautré sur la table sale du guérisseur, du sang plein la bouche, l'épaule bandée et un espèce d'onguent qui sent la chèvre étalé sur mes parties génitales. Même si le toubib a l'air de yoyoter, il a réussi à me remettre l'épaule - après moult douleurs - et à m'arracher deux dents noires d'infection - avec encore plus de souffrance - sans me tuer. Comme il m'a donné du sirop de pavot pour me calmer le temps des opérations, j'ai l'air un poil éteint. Le fait de baver une écume rouge de sang me donne pas l'apparence d'un fin intellectuel non plus. Mis à part mon bras collé à mon corps par des bandages modérément propres, je suis torse nu. Le monde - du moins celui qui irait dans l'échoppe - peut contempler une collection d'ecchymoses digne des grands jours, dans un camaïeu de violet, de jaune et de vert. Le trajet de Traquemont jusqu'à la ville m'a aussi pas mal sali, niveau boue et sueur, et j'ai les cheveux gras. Un authentique petit animal post-apocalypse, parfaitement adapté à son milieu, prématurément usé de la vie. J'ai la musculature noueuse et les tendons gonflés du grand marcheur en milieu marécageux - dix mille fois plus dur que la ville - et les cicatrices qui témoignent d'un fort penchant à se mettre dans la merde. Le guérisseur m'a laissé me vautrer là en attendant que je me remette de ses soins. C'est surtout le sirop de pavot qui me nique la gueule, j'ai fait des cauchemars bizarres et flous, et j'vois encore les murs danser. Le vieux est parti faire je sais pas quoi, j'suis tout seul dans la pièce là.
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyJeu 11 Fév 2016 - 12:22
Cours.

Cours !

Cours, mordiable !


« On va te choper, pleutre ! »

Ils riaient. Et ils n'avaient pas l'air de s'épuiser. Grim, si. Il avait l'impression qu'il courait ainsi depuis deux heures au moins, comme un demeuré, jambe après l'autre, enjambant, sautant obstacles à sa fuite, à sa liberté. Il avait grimpé, aussi. Mais à présent, ses chasseurs étaient trop près pour qu'il ne parvienne à se hisser à temps sur les hauteurs.
Alors il courait encore, les poumons en feu, effrayé, mort de trouille même. Il savait ce qui lui attendait si jamais il venait à se faire attraper. Ce n'était pas des miliciens. Il s'agissait des hommes d'Ecuviel.

Il n'avait jamais aimé s'enfoncer dans les Bas-Quartiers. Trop faible pour tenir le coup, peut-être. Pourtant, ce jour-là, il avait pensé que c'était peut-être une bonne idée. Enfin, en fait, non : il n'avait pas réfléchi. Il allait là où ses pieds l'emmenaient, là où son instinct le poussait à aller.
Et à peine s’immisçait-il dans ses profondeurs périlleuses que les gueux affluaient. Dans l'ensemble, les rues délabrées étaient calmes. Mais à chaque recoin se cachait l'un de ses êtres misérables. Une odeur de pourriture, de cadavres en putréfaction planait dans l'air. Heureusement, l'adrénaline qui parcourait les veines du fuyard était telle qu'il ne se focalisait absolument pas sur son environnement, aussi morbide soit-il.

Se faufilant dans les petites ruelles à l'aveuglette, il se permit un regard derrière lui. Les éclats de voix de ses agresseurs lui semblaient plus lointaines.
Dans l'une de ses ruelles, un petit panneau, à l'entrée, attira son attention. Sans réfléchir, il bondit sur la poignet et s'infiltra à l'intérieur. Il se retint de justesse de claquer la porte derrière lui et se força à la fermer avec la plus grande douceur possible. Juste au cas où.

Après ça, haletant, il s'appuya sur elle, mains sur les genoux pour récupérer son souffle. S'il avait un peu plus discuté avec son ami Bôdan, il aurait appris que lui aussi, il y a quelques temps, avait vécu quelque chose de plus ou moins similaire. Ce qui, peut-être, les aurait bien fait rire. Ils avaient, décidément, beaucoup de points communs.
L'ennui était qu'il n'avait pas spécialement envie de rire. Maintenant que l'adrénaline retombait lentement, il se rendit compte qu'avec la précipitation, il s'était lacéré le bras gauche, contre un mur en pierre peut-être, ou un rebord affûté. Il grimaça : la plaie était peu profonde, mais la douleur était bien présente. La blessure partait de l'arrière de son épaule jusqu'au-dessous du coude. Et ça saignait. Ça avait déchiré et tâché sa chemise.

Subitement et comme il se sentait épié, il redressa la tête, braquant immédiatement son regard sur l'épave humaine étalée sur une table, au centre d'une pièce sombre et misérable. Ses yeux verts d'eau parcoururent rapidement la salle, faisant rapidement l'inventaire de ce qu'il voyait, de ce que cela pouvait représenter, et du danger que cela pouvait signifier pour lui. Il conclue finalement que, de toute manière, ça ne pourrait pas être pire que ce qui l'attendait dehors.

Il avança prudemment, sans détacher son regard du corps qui gisait devant lui. Au départ, il cru qu'il s'agissait d'un cadavre. Mais il pouvait voir son ventre s'élever et s'abaisser lentement au rythme de ses respirations. Et, honnêtement, il se disait que le fait qu'il soit vivant relevait du miracle vu les blessures affreuses qui décoraient son corps.

- Par les Trois … souffla-t-il quand il eut détaillé cette carcasse meurtrie.

Un bruit, à l'extérieur, le fit faire vivement volte-face. Il demeura dans cette position un moment, les sens en alerte, jambes un peu pliées, prêt à bondir, avant de se détendre de nouveau, légèrement, et de se retourner vers l'homme allongé.

- Mon père m'a un jour dit : 'Cesse de te lamenter sur ton sort, fillot. Tu croiseras des êtres bien plus misérables dans ta vie. Tes douleurs et tracas te sembleront alors bien futiles.'

Une moue embêtée, un peu enfantine, se dessina sur son visage.

- Ses mots me semblent aujourd'hui étonnamment justes. Que t'ait-il arrivé ?
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyVen 12 Fév 2016 - 10:19
J'me vautrais dans l'euphorie procurée par le sirop de pavot, et soudain, un mec au dessus de moi. Je l'ai pas entendu approcher, peut être qu'il a même joué une fanfare en arrivant, j'en sais rien, j'étais dans le gaz. Quand même assez lucide pour différencier hallucinations et réalité, je me tape un gros flip. Qui c'est ce con ? Qu'est ce qu'il fout là ? Pourquoi il est aussi près ? De surprise, je me crache sur le menton le sang que j'avais dans la bouche. Le mec fait un peu peur à voir comme ça au réveil, on dirait un enfant vieux. Un visage un peu féminin, mais des petites rides aux coins des yeux. Bizarrement je l'imagine bien prêtre. J'en ai pas vu beaucoup de près, mais de loin ils ont tous l'air fluets et pâles. Ils font des trucs étranges et terribles, comme... lire toute la journée. Sachant à peine déchiffrer quelques mots de ma langue maternelle, et uniquement en situation d'extrême urgence, la chose me semble très austère. Probablement douloureuse. Ensuite j'avise d'un oeil méfiant les fringues pas très religieuses dans l'ambiance et la blessure au bras. Ca fout mon classement social en l'air. Donc, on en revient au point de départ : c'est qui ce con ? La drogue me plonge dans la confusion la plus totale quant à la marche à suivre.

Le temps que je mobilise mon cerveau durement éprouvé pour faire des phrases ou lui sauter dessus et le taper, le mec flippant prend l'initiative de la conversation. Et... bordel de merde ! Il se met à parler comme personne parle, les yeux brillants de pitié, à me sortir des... des horreurs. Mon sentiment premier c'est une immense, colossale, honte. Ca passe même la barrière du pavot tellement j'suis choqué. Un petit mec fringué comme un gitan avec une blessure au bras, parfaitement inconnu, viens me dire, à moi, que j'lui fais pitié. Son émotion a même été tellement intense qu'il me sort des conneries mystiques spontanément. Je le fixe les yeux écarquillés pendant quelques secondes. J'envisage très sérieusement pendant quelques secondes de le taper à m'en péter les mains, pour lui montrer comment ça arrive de finir avec des bleus. Mais j'suis défoncé, alors je temporise :

Oh mais... calme toi ! Enfin, je...

Mes yeux commencent à devenir plus humides, j'ai une boule dans la gorge, je... Non ! Merde ! Je serre les dents à m'en broyer les molaires. Ouf, non, je me mets pas à pleurer devant le mec bizarre qui vient foutre la honte aux gens. Rien m'avait préparé à une guerre psychologique pareille. Il est malade lui ! Je remets de l'ordre dans mes pensées. C'est pas moi qui est un être misérable, c'est lui qui vient foutre sa merde. Un espèce de sadique. Probablement frustré par sa gueule de fille. Connard. En plus il reste au dessus de moi comme si je risquais pas de lui foutre un coup pour lui apprendre à faire chier les gens.
Après ce réalignement de ma vision du monde, j'me sens beaucoup mieux.

Mais casse toi de là ! J'viens pas t'insulter dans la gratuité totale moi ! Tout le monde devient fou dans le coin, c'est pas possible. C'est toi l'être misérable, avec... avec ta gueule de tarlouze là !

C'était la pire insulte dans mon répertoire. J'ai pas vraiment la notion de ce qu'est exactement une tarlouze, mis à part dans la pratique. J'imagine des espèces de vieux clodo mal lavés qui parlent tout seul. Bref. Faut agir. Je me redresse péniblement sur un coude, afin de tenter la position assise. Je crache un beau molard de sang sur le sol crasseux pour me récompenser de mes efforts. Je préfère pas l'avaler. Ca rend probablement malade, et la dernière chose que j'ai envie de faire avec des dents fraîchement arrachées, c'est de mettre du vomi dessus. Ca pique.
Dans le mouvement je tique quelque chose.

Je suis torse nu, donc on voit très bien mon bras. Celui qui a une brûlure qui dit que je suis très dangereux et que j'ai pas le droit de venir ici. Bon, j'ai le sociopathe qui est là... où est le vieux qui m'a soigné ? J'voudrais cacher la marque avec mon autre main, mais elle est coincée dans un bandage. J'essaye de l'enlever, mais il a été fait avec grande expertise et il me faudrait plusieurs minutes pour en venir à bout de la main gauche. Merde. J'étais trop défoncé, déjà choqué d'avoir eu à montrer ma teub à un vieux, j'ai pas pensé à ce détail. Ca devrait être évident pourtant ! Je suis trop con.

Il est où le vieux qui était là ?

Mon ton est plus maîtrisé, j'suis sur un terrain connu : celui des embrouilles.
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyDim 14 Fév 2016 - 10:44
Il fronça les sourcils, sceptique. Vraiment, il ne pensait pas une telle réaction de sa part … Il s'en voulut un peu, Grim, et espérait réellement que l'autre ne se mettrait pas à pleurer. Réellement. Parce qu'il ne s'en remettra jamais de faire du mal à quelqu'un, même – peut-être surtout – psychologiquement parlant. Après tout, c'était vrai : il ne connaissait pas cet homme. Il ne savait rien de son histoire, ni les raisons de son état. Peut-être avait-il vécu quelque chose de traumatisant.

Du coup, il y eut un moment de silence gênant. Le jongleur, à regarder par à coup le blessé, et le blessé, à lutter contre de gros sanglots. Le petit homme aurait pu s'excuser, là, sur le champs, mais rien ne sortit. Il craignait qu'avec ses excuses, l'autre ne craque aussitôt.

Finalement, il se calma. Enfin, en quelque sorte, car l'agressivité qui teintait autant sa voix que ses propos firent faire deux pas en arrière à l'artiste. Ce dernier haussa les sourcils, étonné d'une telle démonstration de violence, avant de tiquer un instant sur l'insulte qui lui était attribué.

Tarlouze … C'était pas ce qui servait à déboucher les toilettes, ça ?

L'autre se redressa. Grim fit deux pas en arrière, s'attendant à se recevoir un coup bien placé. Un mollard écœurant atterrit proche de ses pieds. Et, peut-être au même moment où l'homme blessé y pensait, le regard du jongleur s'arrêta sur la marque sur son bras. Une exclamation mourut dans sa gorge tandis que ses prunelles, soudainement teintées de curiosité et d'une certaine crainte, remontèrent sur cette gueule cassée.
Grim eut envie de repartir. Il ne savait pas pourquoi il était banni, et n'avait pas envie de le savoir. La seule chose qu'il savait, c'était qu'il venait de dehors. C'était qu'il était devait côtoyer les Fangueux assez régulièrement. C'était qu'accessoirement, il devait être dangereux.

Malheureusement, Grim ne sortirait pas. Il n'était pas fou, il était sûr qu'à la seconde où il franchirait la porte, les chiens d'Ecuviel allaient lui tomber dessus.
Alors il resta là, les bras ballants, à dévisager cet inconnu qui à présent, lui faisait peur.

- Il est où, le vieux qui était là ?

Désarçonné, il bégaya, regardant partout autour de lui :

- Le … le vieux ? Je … je sais pas. Je l'ai pas vu.

Bien malgré lui, ses yeux revenaient toujours sur la trace de brûlure symbolique sur le bras de son interlocuteur. Comme si, à tout moment, elle pouvait s'extraire de sa chair pour se jeter à son visage et lui cramer la face.

- Je … je voulais pas te vexer. J'ai pas réfléchi avant de parler.

Il se mordit la lèvre inférieur et porta une main à son bras blessé. Il avisa un vieux chiffon, juste à côté du banni, l'attrapa vivement et vint presser la plaie, tâchant d'éviter de croiser le regard de son interlocuteur.
Le cracheur de feu était malgré tout secoué d'une curiosité malsaine à l'égard de l'autre. Au-delà de la peur, c'était bien une sorte de fascination qu'il ressentait à son égard. Il venait de dehors ! Pourquoi était-il donc là ? Pourquoi était-il si mal en point ? Pourquoi semblait-il si jeune ? Car, oui, il était jeune : malgré ses traits tirés et les poches sous ses yeux, Grim pouvait cerner les traits juvéniles de son visage. À moins qu'il ne soit victime du même sortilège que lui, et que son corps ne subisse pas les affronts du temps.

- Tu es seul ici ? Dit-il encore pour combler le silence.

Question stupide : il venait tout juste de mentionner la présence d'un vieil homme. Tout ce que Grim pouvait espérer, c'était qu'il ne soit pas aussi agressif que l'autre type.

- Enfin ... à par le vieux ?
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyDim 14 Fév 2016 - 13:08
Je pousse sur mon bras pour me mettre en position assise ; j'ai l'impression de bouger un continent. J'aurais bien dormi quelques heures de plus, le sirop de pavot me ralentie encore salement. J'essaye à la fois de me concentrer sur le petit mec qui me parle et sur les recherches du vieux métèque, mais la drogue me pousse juste à regarder mon environnement d'un air hébété sans arriver à prendre la moindre décision. Gérer le type que j'ai sous le nez ou m'inquiéter de la possible disparition du vieux qui pourrait me balancer à la milice ? Ca fait beaucoup pour un mec qui se bave du sang dessus. Je suis tellement dans la confusion que j'arrive presque pas à écouter le gars qui parle à un mètre de moi. Pourtant je saisis hm... l'intention à peu près bienveillante de mon interlocuteur.
C'est pas normal ça.

Je plisse les yeux pour observer le petit mec. Il me détaille d'un air gêné, son regard saute d'un endroit à l'autre, il se mordille la lèvre. Pourtant il se met pas à crier et à sauter partout. Je fronce les sourcils. Mes pensées traversent mon cerveau en mode ralenti, les souvenirs sont tous couvert d'un flou artistique qui rend l'interprétation difficile. Mais il me semble bien que, d'habitude, quand les gens apprennent que j'suis un banni, il s'en suit toute sortes d'événements. Des événements chiants. J'suis obligé de faire un tas de trucs, y a des gens qui courent partout, ça bordelise instantanément une situation qui aurait pu être simple. D'habitude les gens me répondent pas "ah pardon je voulais pas te vexer, tu as donc besoin de mon aide pour chercher un vieux ? Je t'en prie explique moi". J'me sens déstabilisé. Mon agressivité retombe comme elle est venue. Sa façon de parler me rappelle le... le temps d'avant. Avant l'apocalypse. Ces souvenirs là, j'ai l'impression qu'ils appartiennent à quelqu'un d'autre. L'époque où on vivait pas dans un sentiment d'urgence permanent. Ca existe plus tout ça, et comme ça existe plus je me raccroche à quelque chose que je comprends :

Le vieux c'est... le guérisseur qui bosse ici. Il est où ?

J'ai la bouche pâteuse, ma voix est faible, mes gestes imprécis. Je me frotte le visage de la main gauche.

- C'est un métèque comme moi, petit, il est très très vieux et il... il était là tout à l'heure. M'a arraché deux dents. J'me suis endormi. Il est où ?

Le petit mec a pas l'air de savoir. Je m'en désintéresse temporairement pour tituber vers la vitrine crasseuse de l'échoppe. J'ai la tête qui tourne en me levant, les murs dansent pendant une seconde ou deux. Puis ça va mieux. Les vitres du magasin ne sont plus transparentes depuis longtemps, faut d'entretien. Je frotte le verre du poing pour regarder dehors. La rue est calme, pas de miliciens en train de hurler "chopez le". Y a deux enfants en train de jouer à faire flotter des feuilles sur la rivière d'immondices qui coule au milieu de la chaussée. Deux gonzesses sortent ivres mortes d'une taverne en s'accrochant l'une à l'autre. Rien à signaler. Ah si !
Y a un mec armé qui a l'air de chercher quelque chose. On le remarquerait presque pas avec ses fringues du même gris que la rue, le ciel, les maisons, les gens. J'aime pas les mecs armés qui ont l'air de chercher quelque chose. Ca m'inspire pas confiance.
J'me sens pas plus rassuré quand je vois le mec armé rejoindre un autre mec armé qui remontait la rue dans l'autre sens, quand je les vois se parler puis désigner la taverne du doigt avant d'y aller. Le premier reste à monter la garde dans la rue en essayant d'avoir l'air nonchalant pendant que le second rentre dans le bar. Ca ressemble clairement à des recherches bien organisées. J'aime pas ça. Faut que je fasse quelque chose. Je sais pas quoi. J'suis trop défoncé pour gérer une situation pareille. Je traverse quelques secondes de panique où j'arrive plus du tout à réfléchir. Puis je récapitule : faut que je me casse, mais sans croiser les mecs devant. Comment je fais ?
Sortir par derrière.

Y a forcément une porte, une cour, une fenêtre par laquelle passer. Plein d'endroits où me planquer le temps que ça se tasse. Ca va aller. D'abord, récupérer mon bordel. Mes fringues, mon arbalète. J'peux pas sortir dans cet état. Ensuite... non, d'abord, me débarrasser de cette saloperie de bandage. Je vais aller nul part si j'ai seulement ma main gauche de libre. C'est celle qui est en puzzle en plus. Putain j'vais galérer.
Ah oui c'est vrai y a le petit mec. J'l'avais quasiment oublié vu qu'il a pas l'air de vouloir me taper et qu'il saigne du bras dans un coin. Petit mec va m'aider. J'suis un barjot qui a l'air de s'être fait piétiné par un cheval - et plusieurs fois. J'peux trouver des arguments qui vont frapper son imagination. La mienne est déjà solidement sollicitée, j'peux rendre ça contagieux. J'ai vraiment pas envie qu'on me trouve. J'découvre depuis quelque mois l'étendue immense de mon besoin de pas être trouvé, et ce que je suis capable de faire pour le satisfaire. Expliquer longuement au petit mec, le regard hanté, à quel point nos intérêts convergent dans cette affaire c'est une promenade dans le parc à coté de ce que j'ai déjà fait :

- Y a des mecs armés dans la rue qui ont l'air de chercher quelqu'un.

Vu la tête que tire le gitan, cette phrase a vachement plus d'impact que je le pensais. Je continue en exposant mon plan. J'ai l'air calme, mais c'est la drogue qui fait ça. En vrai je balise comme un porc :

- Ils ont l'air putain d'énervé, genre tendus quoi. J'voudrais que tu m'aides à retirer le bandage là, puis que tu m'aides à bloquer la porte de devant. On sortira par une fenêtre derrière ou quoi, si y a pas de porte.

Ensuite faut que je trouve des trucs menaçants à dire. Ca existe pas des mecs qui m'aideraient à échapper à l'autorité juste pour me faire plaisir. En plus c'est possiblement dangereux. Mais la science de l'intimidation est complexe, surtout quand on a une tête d'enfant battu et une main dans le dos. Je dis un tas de conneries clichés, soit ça passe soit ça casse :

- Comme ça, de loin ça a l'air galère de m'aider, plus que de se casser simplement. Surtout que j'ai un bras attaché. Mais j'te jure que c'est en fait plus simple de faire ce que je dis ! Les mecs dehors ils aiment pas les témoins. Moi j'ferais rien si tu m'y obliges pas. J'suis juste venu me faire arracher les dents, quoi, merde...

Mon regard se perd dans le vague, puis un détail me revient, un détail important :

- Ah me fous pas les bandages en l'air quand tu les auras retiré, hein. J'les remettrais après quand j'serais posé, ça coûte de l'argent ces trucs.
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyDim 14 Fév 2016 - 16:58
- Le vieux c'est … le guérisseur qui bosse ici. Il est où ?

Haussement d'épaules impuissant du côté du saltimbanque. Il n'osait pas vraiment parler. En fait, il était impressionné de voir tout ce que le corps pouvait endurer sans mourir. Et puis, il ne connaissait pas ce type, mais il ressentait déjà une sorte de pitié, de sympathie pour lui. Il n'avait pas l'air si dangereux que ça, pour un banni.

- C'est un métèque comme moi, petit, il est très très vieux et il … il était là tout à l'heure. M'a arraché deux dents. J'me suis endormi. Il est où ?
- Mais … mais je sais pas !

Du coup, un peu paniqué, Grim se décida à remuer un peu. Il s'enfonça légèrement dans la salle, le nez en l'air, fouillant du regard un peu partout, histoire de voir s'il n'y avait pas un vieux qui ne serait pas en train de se cacher, par là. À l'évidence, ne pas savoir où il se trouvait avait l'air de plonger le jeune homme blessé dans une profonde angoisse.

Tout en réfléchissant et en se grignotant nerveusement la peau des doigts, Grim s'était mis à fouiner. Sans vraiment oser déplacer, il touchait, s'approchait d'objets étranges en s'imaginant leurs utilités. Il ne savait pas trop où il était tombé. Il ne savait pas qui était ce vieux, ni ce jeune homme au lourd passé. Il ne savait pas où il serait le plus en sécurité. La seule chose qu'il savait, c'était qu'il était profondément dans la merde. C'était que les chiens de Théodémar allaient le choper, tôt ou tard.

Le petit artiste se tourna vers le banni pile à l'instant où ce dernier fit volte-face pour s'adresser à lui. Et ce qu'il lui lâcha fit perdre toutes couleurs à son visage. Un hoquet mourut dans sa gorge. Il regarda par-dessus l'épaule du type, vers la fenêtre tout en sachant qu'il ne verrait rien de sa place. Ainsi, ils n'abandonnaient pas les recherches aussi simplement … il y avait de fortes chances pour qu'ils décident de fouiller les commerces, voir même les simples habitations. Après tout, dans les Bas-Quartiers, on pouvait tout faire.

- Ils ont l'air putain d'énervé, genre tendus quoi. J'voudrais que tu m'aides à retirer le bandage là, puis que tu m'aides à bloquer la porte de devant. On sortira par une fenêtre derrière ou quoi, si y'a pas de porte.

Il semblait concerné par cette affaire. Après tout, qui pouvait lui en vouloir ? Il devait s'imaginer avoir affaire à des miliciens à sa recherche, ou autre. Enfin, lorsqu'un banni était en ville, il était normal que ce dernier ne soit pas des plus rassurés.
Enfin, ce que Grim ne comprenait pas, c'était pourquoi est-ce qu'il sollicitait son aide. Lui, à sa place, aurait agi seul. Même pour retirer son bandage. Il n'avait pas envie de plonger les autres dans sa galère.
L'espace d'une seconde donc, il hésita à lui avouer, pour les mecs, dehors. Mais finalement, après une petite réflexion, il se dit que, puisqu'il était banni, il devait savoir se débrouiller seul. Il devait être doué dans la fuite, dans la débrouille, tout ça. Peut-être allait-il se révéler être d'une aide précieuse à Grim... C'était mal de penser ainsi, mais, seul … il allait se faire attraper en moins de deux.

Alors, le jongleur tira la table sur laquelle l'autre était couché un peu plus tôt pour la plaquer contre la porte. Il n'écoutait même pas les propos foireux de type. Dans sa tête passait un milliard de scénarios possibles sur la suite des événements.

- Ah, me fous pas les bandages en l'air quand tu les auras retiré, hein. J'les remettrai après quand j'serai posé, ça coûte de l'argent ces trucs.

Grim respirait fortement. Il venait d'entasser un tas de trucs plus ou moins lourds sur et sous la table dans l'espoir de ralentir le plus possibles ses assaillants. Il se passa une main sur le visage, tenta de ramener ses bouclettes en arrière, et se rua sur le banni, toujours silencieux. Ses mains tremblaient. Sa blessure au bras ne le dérangeait plus, il n'y faisait plus attention.

- Okay, okay, okay je te fais confiance, souffla-t-il en commençant à détacher les bandages.

Il s'efforça de les rouler le plus proprement possible. L'autre mec avaient les yeux rouges. Il semblait totalement défoncé. Pas sûr qu'ils aillent loin comme ça.

- J'ai peut-être quelques petits trucs à me reprocher, aussi. Enfin, pas vraiment. Mais les types, ils me reprochent quelque chose. Ça, c'est sûr.

On frappa à la porte. Le saltimbanque eut un sursaut de bien trente centimètres. Il se hâta de retirer les bandes, et une fois fait, tendit la bobine à son allié improvisé.

- Okay, okay, okay, répétait-il en courant dans tous les sens.

Il attrapa un vieux et long morceau de tissus et le jeta sur le jeune homme.

-Cache ta marque avec ça. C'est pas discret, mais on fait avec ce qu'on a. Si t'as des fringues à récupérer, c'est maintenant ou jamais. Okay ?

Lui avait un peu de mal à reprendre son souffle. On aurait pu croire à un petit animal effrayé tant son cœur frappait fort dans sa poitrine. Les coups se répétèrent à la porte, se firent plus insistants.
Il désigna l'arrière-boutique :

- On y va. Maintenant !
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyDim 14 Fév 2016 - 20:53
Je rougis de honte quand j'me rends compte à quel point le petit mec croit pas à mes menaces. Et moi qui pensait pouvoir l'impressionner ! J'ose même pas le regarder pendant qu'il trifouille mes bandages en marmonnant. Il a l'air de penser que les mecs sont là pour lui. De quoi ? Comment ? En plus j'me suis enfermé à attendre des mecs armés... pour rien ? J'essayerais plus jamais de menacer un adulte, j'ai vraiment l'air d'un con maintenant. En plus je comprends plus rien à ce qui se passe, mais j'préfère être un con qu'un mec menaçant avec des miliciens au cul. C'est avec un immense soulagement que je laisse à quelqu'un d'autre le rôle du Mec qui Sait. Moi j'ai pas l'âme d'un meneur. J'suis un suiveur.
Je grimace quand mon épaule doit de nouveau supporter le poids de mon bras. Je le replie contre ma poitrine. Le guérisseur a tiré dans tous les sens pour tout remettre, ça a fait très mal pendant une seconde, mais après ça allait beaucoup mieux. Il m'a dit que d'ici une semaine ou deux, si je faisais pas le con, je pourrais à nouveau vivre ma vie normalement. Mais c'est maintenant que j'ai besoin de mon bras.

Je pars à la recherche de mes affaires sans trop la ramener pendant que le gitan déplace des meubles devant la porte. Il me tend même un bout de tissu pour couvrir mon avant bras, si jamais j'étais trop con pour y penser moi même. J'enfile mes fringues à la va-vite et prends le reste de mes affaires sous le bras. Je regarde mes pieds et j'dis rien quand il m'ordonne d'aller dans la boutique, je m'exécute. Y a aussi qu'on entend les méchants frapper à la porte, ça me motive à me magner de sortir.

En rentrant dans la pièce où le guérisseur range ses réserves, je porte qu'une attention distraite à la grande table où se trouve soigneusement alignés des pots de jardinage avec de la terre dedans. Le meuble en est entièrement couvert. A ma droite il y a aussi des rangées d'étagère avec d'autres pots, mais cette fois ci avec des étiquettes collées dessus. Aucune plante visible. Juste des pots avec de la terre dedans. C'est en cherchant la porte qui mène dehors que le détail le plus surprenant me saute aux yeux.
Y a des pieds à hauteur de ma tête.

Je lève mon regard. Les pieds appartiennent à un homme pendu au plafond. Il oscille doucement au dessus de la table avec l'atelier jardinage posé dessus. Pour une raison qui m'échappe, il a le pantalon sur les chevilles. Et une gargantuesque érection.

- C'est... c'est quoi ce bordel ?

Je recule brusquement, me cogne contre la poitrine du gitan, cri de surprise. J'ai vu assez de cadavre dans ma vie pour savoir que celui là est très frais, et mon cerveau relève plein d'autres détails que j'avais surtout pas envie de connaitre. Il y a un espèce d'échafaudage artisanal derrière le pendu, qui pourrait servir par exemple à rendre la corde accessible à un monsieur très vieux. Mais au delà de ça, la scène n'a aucun sens. Aucun putain de sens. Ce qui me fout le plus en l'air, c'est le détail du pantalon sur les chevilles. Pourquoi ? Et pourquoi se galérer à pendre un type au dessus d'une vingtaine de pots en terre ? En plus il faut un type assez petit, du format du gitan par exemple, pour être pendu dans cette pièce. Le plafond est pas si haut que ça. C'est beaucoup se compliquer la vie pour pas grand chose.
Et d'un coup je comprends.
Il y a une légende que j'ai beaucoup entendu par chez moi, mais jamais ici, à propos d'une plante magique qui pousse en dessous des gibets. Elle donne la chance pour toute la vie, la richesse, la santé, la fécondité, tout ça, mais elle ne peut grandir que grâce à du sperme de pendu. C'est vraiment une légende très connue. Il y a même un monopole royal sur l'agriculture en dessous des exécutions publiques, pour dire, et c'est très traditionnel. Y a des gars payés à surveiller que personne aille trifouiller en dessous des gibets et tout. Ils ont même un uniforme assez classieux pour honorer la fonction. J'y ai repensé en venant ici, un vieil herboriste qui vient du pays ça aide à faire des associations d'idée. De loin ça ressemble à une bonne idée pour se faire de l'argent facile et sauver son cul des Fangeux, mais... comment dire. J'pense pas que le gars qui se trouve devant nous était d'accord pour participer à la confection d'une Mandragore.

Ma belle assurance de tout à l'heure m'a bien abandonné, et j'essaye de me cacher derrière le gitan sans m'en approcher en même temps, ce qui me donne l'air foutrement con. Le pendu est entre la porte qui mène à la liberté et nous. J'arrive pas à... à juste m'en foutre et à passer à coté. Il est beaucoup trop sexuellement agressif pour un mort, mes nerfs peuvent pas supporter un spectacle pareil. Pour le coup j'ai vraiment l'air d'un enfant battu qui voit rentrer papa bourré. Je m'en remets à l'adulte avec une tête de vieux bébé, en le regardant avec de grands yeux. J'suis incapable de prendre une décision
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyDim 14 Fév 2016 - 23:52
Drame et horreur.

Alors qu'il était bien parti pour courir un bon moment sans s'arrêter, Grim se figea de la tête aux pieds. Il vint plaquer une main sur sa bouche pour étouffer un cri. Son sang se liquéfia dans ses veines et, de nouveau, il blêmit. Ses chastes prunelles claires fixèrent un long moment le spectacle morbide qui s'offrait à lui. Assez longtemps pour que son cœur lui remonte au bord des lèvres.

- C'est … c'est quoi ce bordel ? Souffla l'autre.

Il ne répondit pas. Il ne sursauta même pas quand l'autre lui rentra dedans, paniqué. Il demeura juste là, comme un mort, à regarder béatement le cadavre qui se balançait dans le vide.
Lentement, il avala sa salive. Ça bloquait dans sa gorge, ça avait un goût immonde. Dans son ventre, y'avait tout qui se tortillait douloureusement. Il en avait vu des choses horribles, Grim. Mais ça, c'était carrément immonde.

Il se détourna du banni quand il sentit ses hauts le cœur devenir plus insistants, fit quelques pas derrière une série d'étagères et, après s'être courbé en avant, rendit son maigre repas.

Fragile, lui ? Tout à fait.

Si le banni comptait s'en remettre totalement à lui pour faire quelque chose d'intelligent et de censé, il était mal tombé, le pauvre.

- Pourquoi j'ai pas continué de courir... lâcha-t-il quand il se sentit mieux.

Il n'osa même pas prendre de bout de chiffon pour s'essuyer la bouche, au cas où. Il ne savait pas où ils avaient traîné. Tant pis, il utilisa sa manche. De toute manière, sa chemise était fichue.
Après ça seulement, il refit face au jeune homme, qui n'était pas vraiment dans un meilleur état que lui.

- Okay... okay … C'est chaud. C'est … c'est horrible.

Un long frisson de dégoût le traversa de bas en haut quand il osa de nouveau poser un œil sur le corps suspendu.

- Es-tu sûr de vouloir savoir où se trouve le vieux ?

Maintenant, le vieil homme dont il parlait était un ennemi pour lui aussi. Et il devait sûrement se trouver devant eux.
Tremblant, Grim extirpa de sa ceinture la dague offerte par le milicien Maroti. Honnêtement, il n'avait pas spécialement envie de se retrouver dans la même situation que le mec pendu.

- Faut qu'on traverse, fit-il remarquer alors même que tout le monde le savait parfaitement. Faut qu'on passe à côté de cette chose …

Un bruit de fracas du côté de la rue l'empêcha de réfléchir convenablement. Les types étaient carrément en train de défoncer la porte !

- Il est où, le vieux ? S'enquit-il, pas à son aise.

Ç’aura été la question du jour.
De nouveau, du boucan de l'autre côté le fit sursauter. Il poussa le banni devant lui pour qu'il détourne le pendu, avant de le suivre, gardant un bras sur l'épaule de l'autre.. Grim gardait sa tête tournée de l'autre côté, paupières à moitié closes et dague en avant, au cas où les hommes d'Ecuviel n'apparaissent comme par magie devant lui. Il était presque pile-poil à hauteur de l'impressionnante protubérance, et cette vision lui … déplaisait.

- Je vous ai demandé de rester couché ! Qu'est-ce que vous fichez ici ?!

C'était le vieux qui braillait. Un cri échappa à Grim qui fit volte-face, puis se tourna encore, leva la tête, à la recherche du propriétaire de cette voix tonitruante. Sa main droite, sur son allié, se resserrait de plus en plus.

- Il est où ? Il est où ? Tu le vois ? Mordiable, tu le vois ?

Et lui de souffler comme un bœuf...
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyMer 17 Fév 2016 - 0:10
- Mais arrête de me pousser dessus ! Je veux pas être à coté ! ARRETE !

Il me met devant lui pour se protéger du pendu ! Comme si j'avais plus envie de le voir de près. Connard. Au début j'ai pas capté son petit manège, je me suis laissé guider comme un veau vers l'abattoir, puis j'ai pris deux secondes pour me sentir indigné et maintenant... il suffirait presque que je tende le bras pour toucher le cadavre. C'est beaucoup trop près. Je recule précipitamment, j'ai été tellement près que j'ai vu les tâches de sperme séché sur la terre cuite des pots de jardinage. Trop intense. J'suis essoufflé comme si j'avais couru tout autour du quartier. Et avant même que j'ai le temps de me remettre les idées en place, le vieux, l'horrible vieux, le plus terrifiant vieux de tout Marbrume, se met à me gueuler dessus.

Je tiens à faire une parenthèse sur le coté pas du tout rassurant de mon compagnon d'infortune. Quand il me poussait - oui, poussait, parfaitement - vers le pendu, il arrêtait pas de faire des remarques bien badantes du genre "allez, on passe à coté, oh là là c'est vraiment affreux dis donc. J't'ai fait remarquer à quel point c'était horrible et juste à coté de nous au fait ?" Et, conforme à cet état d'esprit, avant que j'ai le temps de ne serait ce que d'avoir un début de pensée cohérente, il se met à brailler. Ca vous pose tout de suite une ambiance, un mec qui se met à flipper au moindre truc, et je réagis par contagion alors qu'on est deux face à un vieux à peine valide.

Il est en train de descendre un escalier escarpé dans un angle de l'échoppe, caché par des étagères. En me penchant, je peux voir ses petits yeux de vieux nous fixer. Il a l'air en colère, surtout après le gitan, qu'il essaye de tuer du regard. Mais son attention se dirige vite vers les gens en train de défoncer sa porte et les meubles posés devant. Il fronce les sourcils, puis va à petits pas vers le bordel, pas inquiet pour un sou. Il s'adresse à moi en chemin - c'est forcément à moi, puisqu'il se met à parler dans la langue que nous avons en commun, comme un sale métèque qui veut pas être compris :

- Viens là, aide moi à bouger ces meubles où je te jette aux chiens dehors ! Et dis à celui qui est là de reculer !

Et bah... j'obéis. Entre les tarés devant, le cadavre à l'arrière, et le seul adulte digne de confiance dans les fraises, j'fais ce que dit celui qui a l'air d'avoir un plan. C'est qu'ils font peur aussi les mecs devant. Ils doivent être bien motivés pour défoncer une porte au pif histoire de vérifier si y a le mec qu'ils cherchent dedans. J'éloigne la table de devant la porte en essayant de me tenir aussi éloigné des armes que possible. J'fais des signes frénétiques au gitan pour qu'il se cache.
Les méchants sont enfin visibles. Ils sont tout rouge et tout colère. Ca ne les calme pas quand le vieux les engueule de bousiller sa porte, que c'était une belle porte, qu'il allait avoir du mal à en payer une nouvelle, et d'où ça vient de défoncer les portes des gens comme ça. Les méchants commencent à râler, comme quoi ils cherchaient un gars et que vu que la porte était fermée alors que l'échoppe indiquait être ouverte... le vieux a répondu qu'il déplaçait des meubles pour faire du rangement et que c'était pas la peine de s'exciter pour rien. Puis il leur a claqué la porte au nez.

Pendant ce temps moi j'me retenais de me faire pipi dessus de soulagement que ça soit pas après moi qu'on en ai. Ils étaient vraiment là pour le gitan ! J'vais pouvoir me coucher ce soir avec moins de bleus que la veille !
Ah ouais attends, le pendu. Cette histoire là.
Et donc, toujours dans le même ordre d'idée, le temps que je mobilise mon pauvre cerveau sous opium, des empires on eu le temps de naître et mourir, et le vieux a eu le temps de me mettre un coup de canne dans le dos pour attirer mon attention et me faire perdre le fil de mes pensées. Il a encore de la vivacité pour une vieille méduse toute fripée. Ensuite il se met à me brailler dessus en métèquien, pour pas que le gitan comprenne :

- Pourquoi tu l'as laissé aller derrière ce sale étranger ? - j'aurais du mal à traduire, mais il a utilisé des termes beaucoup plus insultants que "sale étranger" en vrai - On va avoir du mal à s'en débarrasser maintenant !

J'lui réponds dans la même langue, parce que je suis un poil confus :

- Mais j'veux pas être pendu !

- Tu le seras pas espèce d'idiot ! Pourquoi je t'aurais soigné si c'était pour te pendre juste après ? Puis ton sperme doit pas apporter beaucoup de fortune.

Là il se met à pousser un vieux ricanement crado qui fait résonner ses glaires et à me tapoter le bras comme si sa remarque était très très drôle et que j'devais partager l'amusement. Mais je manque un peu d'humour là. Je jette un regard hébété au gitan, trop défoncé pour oser maîtriser physiquement un vieux. En plus il a dit sperme ! C'était gênant quoi, quand même.
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyVen 19 Fév 2016 - 13:19
Le banni recula, peu enclin à se laisser se faire diriger comme ça. Indigné, Grim bomba le torse, prêt à lui faire la morale comme quoi s'il continuait à faire la femmelette, jamais ils ne se retrouveraient à l'extérieur. Sauf que la voix du vieux qui raisonna l'empêcha de parler.
Lorsque finalement, le petit artiste remarqua sa présence et ce regard assassin qu'il braquait sur lui, il se fit tout petit et recula un peu.

Bizarrement, Grim était devenu muet. Il regardait tour à tour le vieux, le banni et le pendu, sans réussir à comprendre quelque chose. Il comprenait rien, en fait. Quelle langue parlait-il ?
Ils commencèrent à débarrasser la porte d'entrée. Et là, ce fut la panique. Grim fit un bond en arrière, se heurtant au cadavre, avant de se précipiter vers les étagères, de tout renverser sans faire exprès, et de finalement rester coincé en-dessous. Au moins, on le voyait pas, de là.
Il ne savait pas trop ce qu'il se passait, à côté. Mais il redoutait un peu la suite. Il redoutait … beaucoup la suite.

Des éclats de voix lui parvinrent. Oh, ça ne dura guère. Juste assez pour que le saltimbanque manque de se pisser dessus. Quand finalement, il entendit la porte claquer, il prit une grande inspiration, se rendant compte qu'il avait retenu sa respiration tout le long de l'altercation. Il patienta quelques secondes de plus, histoire d'être sûr que les chiens d'Ecuviel soient partis, avant d'oser, ne serait-ce de bouger son petit doigt.

Il s'extirpa avec difficulté de cette prison improvisée en écoutant d'une oreille attentive les paroles du vieux. Il n'avait pas l'air content. Et le fait de ne pas le comprendre ajoutait un peu au côté effrayant du personnage.
Du coup, il resta dans l'arrière-boutique pour tenir compagnie au pendu. Plaqué contre le mur, à présent, il n'arrivait plus à détacher son regard de cette personne morte. Ses yeux vides d'expression fixaient d'un air blasé le sol, comme s'il était dans ses pensées, et sa mâchoire pendait mollement sur le côté, laissant découvrir une dentition pourrie. Pour un peu, Grim aurait vomi de nouveau. Mais il devait être trop paniqué pour cela.

Le ricanement du vieux incita le petit homme à faire volte-face et à les rejoindre d'un pas hésitant. Il s'arrêta néanmoins au pas de la porte et échangea un regard avec le banni. Le gérant du bordel remarqua ce petit échange et se tourna vers Grim. Il ne riait plus.

- Ah ! Te voilà, toi ! Dis-moi, tu es bien curieux. Tes parents ne t'ont pas élevés ? C'est mal vu d'entrer chez les gens sans frapper.

Le visage du jongleur s'assombrit brusquement. Encore un qui pensait avoir affaire à un gamin. Il continua sur sa lancée, contournant la table pour être plus proche de lui.

- Tu sais, ce que tu as vu, derrière …
- Il n'y a rien, derrière, corrigea-t-il précipitamment. Je n'ai rien vu.
- Oh, ne me prends pas pour une bile, je te prie. Tu n'avais pas le droit d'y aller.
- J'ai … je n'aurais jamais imaginé me retrouver face à un cadavre en rut.

Le vieux s'approcha de Grim et tendit la main vers lui. Aussitôt, effrayé, ce dernier fit un saut en arrière pour l'éviter.

- Ne me touchez pas !

Puis, tel un oiseau paniqué, il se rua sur lui pour rejoindre Malachite, bousculant le gérant au passage.
Le saltimbanque se glissa derrière le banni et le souffla :

- Lui fais pas confiance ! On va finir comme l'autre, derrière ! Faut sortir. Mais pas par cette porte. Mais faut sortir. Allez.

Et il le poussa très légèrement en avant.
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyDim 21 Fév 2016 - 17:26
Le gitan vient encore se cacher derrière moi en braillant ! Je lui jette un regard indigné. Et chose promise, chose due, voici ce qui vit très exactement Grim en regardant mon petit minois maltraité. Oui c'est chiant les descriptions physiques, mais fallait pas en réclamer au joueur :

J'ai les cheveux noirs, cascadant en dessous des épaules et lâches. Puisque les barbares du nord aiment élever leurs poux dans un vaste espace capillaire, j'ai décidé d'adopter la coutume locale même si j'trouve ça bizarre et pas très hygiénique. Surtout qu'ils ont pas l'air de consacrer beaucoup de temps à tout ce qui est entretien et coiffure. La queue de cheval, c'est déjà de l'ordre de l'élégance grand luxe. Donc je fais pas. J'ai pas le matériel pour prendre soin de ma tignasse comme au pays, de toute façon. Puis comme ça j'peux cacher une grande partie de ma sale gueule derrière mes mèches grasses qui pendouillent devant. Toujours ça de pris. Puis ça tient chaud aux oreilles et à la nuque. Niveau texture, on part sur du cheveux lisse, très épais, abîmé et sec à prendre feu tout seul. Ca donne beaucoup plus de volume que le cheveux fin et châtain de l'indigène, un avantage certain dans le concours du pouilleux de l'année. Donc, une fois qu'on a retrouvé mon visage au milieu de ma grosse touffe, voici ce qu'on y trouve :

Le régime à la viande et les travaux au grand air de Traquemont ont accentué mes traits naturellement anguleux et effacé toute trace de rondeur juvénile. Un nez étroit, les yeux enfoncés dans des arcades bleuis de fatigue, des pommettes saillantes, un grand front - mais caché par les cheveux, suis un peu - et un menton pointu. Mes oreilles sont portées disparues depuis plusieurs mois, perdues dans un océan capillaire. Ma bouche est un peu disgracieuse pour un homme, elle prend trop de place ou les lèvres sont trop épaisses, je sais pas. J'ai les yeux assez commun, un peu globuleux, marron à l'intérieur et vert à l'extérieur, ce qui fait que quand j'ai les pupilles dilatées - par la terreur par exemple - on ne voit plus que le vert. Mais c'est loin d'être ce qui choque le plus.

Les rudes conditions de vie de ces derniers mois ont laissé leurs marques de façon plus frappante que les gènes de mes parents. J'ai des cicatrices autour de la bouche et des yeux, à cause des coups de poing que j'ai pris. La peau s'est fendue, parfois. Mon arcade sourcilière gauche s'est légèrement ressoudé de travers suite à une fracture, ce qui me donne l'air perpétuellement gogol. Miraculeusement, mon nez n'a jamais été cassé. J'ai des petites traces de brûlures sur la joue gauche, à cause du frottement contre le sol quand Oscar m'a pris le cul. Saloperies de sols en pierre. J'ai aussi une petite cicatrice sur le front, mais on la voit et j'l'ai chopé en trébuchant sur un tabouret quand j'avais sept ans, alors on s'en fout un peu. Mes problèmes d'acné se sont pas mal arrangé depuis que je suis à Traquemont, mais j'en ai encore un peu. Voilà pour la description de ma tête, dans sa glorieuse intégralité, aussi vraie qu'en photo. Tu crois que j'ai fini ? J'ai encore un paquet de corps humain basané à gérer !

En me concentrant très fort, j'peux peut être atteindre le mètre soixante dix. Faut dire que j'ai pas toujours bien mangé - ça date déjà d'avant mon bannissement - et que j'étais fait pour être grand à la base. Evidemment, je suis pas du genre gros. Mon corps est celui de quelqu'un de très jeune qui a vieilli très vite. J'ai le bassin et les épaules étroites, des petits muscles tout sec sont venus se coller à mon organisme ces derniers mois - merci la viande. Je fais beaucoup trop de sport, certaines de mes articulations sont gonflées et me font mal. J'ai là encore de belles cicatrices. Comme tu sais, j'ai un doigt en moins à la main gauche et celui d'à coté qui se plie plus. Un de mes pieds ressemble plus à rien, il est un peu plié et les orteils partent en couilles, ça me fait des problèmes pour trouver des bottes à ma taille, j'suis obligé d'en prendre des trop grandes et de les rembourrer avec quelque chose. J'ai une fracture aux côtes qui s'est ressoudé de travers, ça fait une petite bosse sur le flanc. Des petites traces par ci par là, cette fois où j'suis passé à travers un toit et que j'me suis ouvert la cuisse, cette autre fois où j'me suis entaillé sur une branche cassée en essayant d'échapper à des Fangeux. La peau qui s'est crevassée à cause du froid, parfois. Sinon j'ai quelques grains de beauté intéressants.

Voilà dans sa glorieuse intégralité ce que je pourrais dire de plus précis si j'avais à me décrire moi même. Ca semble évident mais je m'aime pas beaucoup physiquement. Déjà parce que je suis pas le grand costaud que je rêvais de devenir, ensuite, et surtout, parce que je déteste ce que ma gueule raconte. J'ai une tête de monstre, et je peux pas l'oublier. Je peux pas l'oublier à cause du regard choqué des gens, du fait que j'ai du mal à mâcher avec mes ratiches déglinguées. Je peux pas oublier que tous ces événements seront toujours entre moi et le monde, comme une barrière. Les gens finissent toujours par demander le pourquoi du comment, souvent avec les meilleures intentions du monde. J'les emmerde. On essaye de tout enterrer, de tout recouvrir de pierres et de laisser mourir, et y en a qui arrivent avec leurs p'tites pelles pour saloper le travail. J'les emmerde bien fort. La seule chose qui a pas laissé son récit clair et détaillé, c'est le viol. C'est bien le seul avantage du truc. Le fait que "ça se voit" m'a beaucoup inquiété les premiers temps, faute à mon immense ignorance. Peut être que des signes qui me sont imperceptibles me désignent comme une tarlouze. Comment font les pédé pour se retrouver entre eux si y en a pas ? Comme personne ne m'a rien dit jusque là, peut être que je peux laisser mourir l'histoire. En fait, elle pourrait déjà l'être si moi, j'arrivais à oublier. Mais y a toujours une connerie ou une autre qui m'y fait penser - par exemple un mec en train de triquer pendu au plafond - et les souvenirs affluent, à la fois flous et d'une cruelle précision.

Donc, de mes yeux brun-vert et globuleux, enfoncés dans leurs orbites bleuis de fatigue et entourés de cicatrices disgracieuses, je lance un regard indigné au gitan qui veut m'interposer entre lui et le bordel. Il réclame ma confiance, mais pourquoi j'ferais confiance à un mec qui arrête pas de me pousser dans le danger ? Le guérisseur me parle mal, certes, mais je comprends pourquoi il le fait. Nous venons tous les deux d'un pays avec un système de castes rigides où un homme comme lui ne parlerait pas à un vagabond comme moi. Les guérisseurs sont précieux. Aussi méchant qu'il soit, il m'a soigné pour un prix modique. C'est à prendre en compte.
D'un autre coté, le gitan est... gentil. Trouillard et condescendant, mais gentil. Puis plus proche en âge de moi, je suis sensible à ce genre d'argument. C'est que j'ai un problème de gros manque d'amis ces derniers temps. Du coup je m'invente des amis imaginaires avec le moindre inconnu qui passe. J'l'ai pas mentionné mais depuis que le gitan est entré, j'me suis successivement imaginé jouer aux cartes avec, nous taper une cuite ensemble, nous sauver mutuellement la vie pendant une guerre et assister à nos mariages respectifs comme témoin. Juste comme ça. Par solitude.
Mais le vieux... ben il vient du même endroit que moi, qui est très loin d'ici. Tu peux pas comprendre comme le mal du pays m'a tenaillé, comme je regrette d'avoir fugué et à quel point j'ai besoin que quelqu'un avec les mêmes valeurs que moi m'oriente. Trottiner derrière le lieutenant de la dame de Traquemont toute la journée, ça le fait moyen niveau figure paternelle. Peut être que j'en arriverais à un stade où je prendrais une main dans une chaussette pour ma mère.

Donc je suis bien emmerdé, dans les affres de l'indécision. Le fait que le vieux ait tué un mec me choque pas plus que ça. Moi aussi j'en ai tué des mecs. Si j'le condamne pour ça, j'peux me condamner aussi. Ce qui serait désagréable. Donc j'le fais pas. De toute façon le guérisseur me laisse pas le temps de réfléchir, il a l'air contrarié par la remarque du gitan et sa fuite. Il ne s'y attendait pas. Je sais qu'il n'aime pas les étrangers, qu'il les trouve stupides, on en a un peu parlé tout à l'heure avant que je me fasse arracher les dents. Il dit que si la Fange n'est pas encore dans la ville, c'est à cause de leurs trois esprits maléfiques, qu'ils vénèrent n'importe comment. Ils les rendent prétentieux avec leurs temples, c'est pour ça qu'ils se sont autant mêlé des affaires humaines et qu'ils ont envoyé l'apocalypse. Moi j'trouve l'argumentation frappée au coin du bon sens. J'aurais presque cédé si le vieux s'était pas mis à déconner. Il s'adresse d'abord à moi dans notre langue, ça commençait bien, il aurait pu gagner :

- Ecoute pas ce sale pleutre d'étranger et viens là ! Il te mettra un coup de couteau dans le dos dès que ça l'arrangera parce que tu as la marque sur le bras. Moi j'essaye de trouver une solution à la Fange, c'est pour ça la mandragore. Je cherche pas la fortune pour moi tout seul ! Y a le petit à la voisine qui m'a aidé à pendre le premier, à mon âge je peux plus faire ça. Le second c'était le tanneur du bout de la rue. Est ce que tu comprends ? Il ne s'agit pas seulement de dire que les barbares s'y prennent mal avec leurs esprits, il faut corriger ce qu'ils ont fait. Sinon nous allons mourir. Il y a déjà tant de.... quand j'ai vu mes petits enfants...

Le regard du guérisseur s'est perdu dans le vide quelques secondes. Je suis resté silencieux aussi.

- Peu importe. Viens là tout de suite ! Il faut que je te donne quelque chose.

Mes pieds me dirigent tout seul vers le vieux pendant qu'il farfouille sur un des étagères qu'on a pas malmené. J'ose pas regarder le gitan pendant que je le trahi comme un gros sale. Le vieux me tend un pot crasseux avec à l'intérieur une mixture d'une couleur malsaine que j'identifie pas. Il me dit ce que c'est, en marbrumien, pour me faire chier :

- Avant que j'oublie, prend ça, c'est pour la vilaine chaude pisse que tu as attrapé avec une salope du nord. Une fois par jour à étaler sur ton petit machin.

J'sais pourquoi il a fait ça, parce que c'est pas très bien vu de faire le gros queutard par chez moi, surtout avec des filles perdues. C'est le paradoxe éternel, il faudrait beaucoup baiser, mais seulement avec des vierges. Et c'est compliqué de baiser seulement les meufs qui veulent justement pas le faire, j'te ferais remarquer. Bref. Le vrai problème, c'est que cette bléno, je l'ai pas attrapé avec une fille mais avec Oscar. C'est à ce moment là exactement que le vieux m'a perdu. Parce que j'ai percuté un truc. Si ça se trouve, pour faire la mandragore, bah faut une participation manuelle on va dire. Genre sur le pendu. Pour le faire juter. J'sais pas comment ça se passe exactement, mais c'est possible. Et ce connard serait foutu de me demander de le faire. Hors de question. Je veux même pas avoir un débat là dessus, même pas mentionner l'idée, même pas m'imaginer en train de branler un mourant. Je range le pot dans ma poche, va vers le gitan et le chope par le bras, soudain très déterminé :

- Viens on se casse.

Et là j'affronte tout. Le regard du vieux qui ose pas s'interposer physiquement mais qui aimerait bien, les pots plein de foutre, le pendu en train de triquer, tout. J'affronte tout, j'ouvre la porte.
Dehors.
L'air me paraît presque sentir bon. J'me rendais pas compte à quel point ça sentait le dessous de couille dans l'échoppe. J'accuse lentement le coup.


Dernière édition par Malachite le Dim 21 Fév 2016 - 17:35, édité 2 fois (Raison : Sauter des lignes. Ca fait plus long comme ça.)
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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyLun 29 Fév 2016 - 15:27
Il était clair que le banni n’était pas non plus quelqu’un possédant un faciès plus rassurant. Néanmoins, Grim était très fort pour se convaincre de certaines choses. Et il était tout aussi vrai que le cadavre dans l’arrière-boutique aidait à convaincre. Peut-être que l’autre gueule cassée avait fait des choses pas très nettes – sûrement d’ailleurs, puisqu’il portait les marques du bannissement -, mais le jongleur ne les connaissait pas. Et quand on ne connaissait pas, c’était comme si ça n’existait pas. Du point de vue du Torren, bien évidemment.

Il y eut comme un flottement durant lequel les deux protagonistes se dévisageaient intensément. Était-ce le début d’une divine idylle ? Pas vraiment. Grim avait peur, rien d’autre. Il cherchait dans les prunelles de l’autre homme du réconfort, voir même une petite lueur qui lui indiquerait qu’il se rangeait de son côté et qu’il était prêt à l’aider.

Le vieux brailla encore dans sa langue étrange, faisant frémir le saltimbanque qui se retint de justesse de serrer le banni contre lui pour se donner du courage. Il y eut un petit silence ou le type semblait perdu dans ses pensées. Silence lourd qui comprimait les poumons de Grim. Heureusement, il reparla juste après. Et le banni s’approcha de lui, laissant le petit artiste prêt de la porte. Ce dernier le regardait d’un air ahuri, voir mauvais. Enfin, dans la mesure où Grim pouvait regarder quelqu’un d’un air mauvais.

- Avant que j’oublie, prends ça, c’est pour la vilaine chaude pisse que tu as attrapé avec une salope du nord.

Il haussa un sourcil en dévisageant le banni qui, d’un seul coup, paraissait un peu moins effrayant.
Avant même qu’il ne fasse un geste, le bras du jongleur se retrouva emprisonné dans la poigne dudit banni.

- Viens, on se casse.

Il se laissa se faire tirer, fermant les yeux au passage du mort, un peu surmené par tout ce qu’il venait de vivre. Une fois dehors, dans une petite rue où la lumière du jour ne passait pas, il avala une grande goulée de cet air putride avant de continuer d’avancer, tirant à son tour l’autre mec.

- J’ai pas envie de rester proche de cette boutique. J’ai pas envie de rester ici, en fait. On pourrait recroiser les deux armoires. Tu fais ce que tu veux, moi je vais sûrement monter sur le plus haut toit de Marbrume avec des vivres et une couverture et attendre qu’on me pense mort, en bas. Après, peut-être que je redescendrai.

Après tout, rien ne les forçait à rester ensemble.

- Je te remercie pour ton aide. C’était très … gentil. Je sais que je ne reviendrai jamais ici.

Un frisson le secoua des pieds à la tête. Il n’osait pas lui poser la question qui lui brûlait les lèvres. Pourquoi, et depuis combien de temps était-il banni ? Il aurait aussi aimé lui demander son identité, par pure curiosité, mais craignait que cela ne le déplaise. Alors, au lieu de tout ca, il se contenta de lui adresser un petit sourire piteux avant de sauter sur un gros tas de bois humide et de regarder en l’air à la recherche d’une prise stable.

- Je suis Grim, dit-il simplement.
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MalachiteMiséreux
Malachite



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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyLun 14 Mar 2016 - 19:59
- Moi c'est Malachite.

Mais j'parle déjà à un courant d'air. Le gitan - que j'peux maintenant appeler Grim dans ma narration - est déjà en train de chercher à escalader un toit pour se tirer. Les connards de tout à l'heure l'inquiètent probablement. Ils devraient me faire le même effet à moi aussi, si ils comprennent que j'étais avec celui qu'ils cherchaient ça va me faire des problèmes. Peut être que le vieux est déjà en train de nous balancer pour se venger. Je devrais me tirer, oui.

Je regarde Grim s'agiter pour élever son poids sur le toit. Si les armoires me tombent dessus, ils vont me maltraiter pour savoir où il est. Et j'aurais pas de réponse à leur fournir. En plus après toute ces émotions, faire le long chemin de retour jusqu'à Traquemont, tout seul, me semble angoissant. En vrai de vrai, j'aimerais bien un câlin de ma maman, et peut être un lait de chèvre tout chaud avec du miel dedans comme quand j'étais malade. Mais ça fait un moment que le monde m'offre plus ce genre de cadeau.

Hé attends.

Je le dis pas très fort. J'ose pas hurler, si ça faisait venir les méchants. Mais il m'entends pas. En fait, il est déjà sur le toit. Je décide de le suivre, en passant au même endroit que lui. Comme j'ai un corps quasiment conçu pour l'escalade et que j'ai suivi un entraînement intensif ces derniers mois, ça me pose pas beaucoup de difficulté. Il est là, à chercher des yeux le chemin le plus simple pour continuer à circuler de toit en toit. C'est pas très dur à faire dans le quartier métèque. C'est plein de pauvres qui font des petites maisons basses de plafonds et collées au maximum pour gagner de la place. La seule difficulté c'est de pas passer accidentellement à travers une toiture trop fragile. Les gens aiment pas qu'on leur bousille leur maçonnerie, même si elle se réduit à quelques planches pourries.

- Hé dis, y a pas de l'alcool sur ta couverture sur le toit ? J'aimerais bien boire, là maintenant. Je t'en trouve si tu veux.

J'essaye d'avoir l'air détaché. Je me sens bizarre, pas très ému de ce qui vient de se passer, mais en sachant que je vais me mettre à pleurer si je gamberge trop dessus. L'alcool et une conversation normale diluerait bien tout ça. J'veux pas avoir l'air d'un gamin traumatisé devant le gitan alors je prends mon meilleur air "jeune insolent".

- J'suis très fort pour trouver de l'alcool j'te jure.

Je me retiens avant de chouiner pour qu'il me laisse venir avec lui. Si on a de l'alcool on pourra rendre toute cette histoire très drôle. Peut être qu'il saura me convaincre que c'est pas très grave d'avoir vu une bite, qu'un tas de gens très bien en ont, même si ils sont morts. P'tète qu'il m'invitera à être témoin à son mariage dans la foulée.
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Grim TorrenCracheur de feu
Grim Torren



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MessageSujet: Re: A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim]   A conserver dans son emballage dans un endroit sec. [Grim] EmptyDim 27 Mar 2016 - 12:56
Enfin il pouvait mettre un nom sur cette gueule éclatée. Grim osa un petit sourire satisfait. C'était fou, comme les gens devenaient moins antipathiques lorsque l'on pouvait les identifier. Il avait par exemple la grande impression de l'avoir toujours connu et que cette aventure ne fut qu'une parmi tant d'autres.
Il patienta un peu, histoire d'être sûr que les deux personnes n'avaient plus rien à dire, avant de sauter et de s'agripper à une pierre du mur. Et de s'élever aisément sur les hauteurs. C'était une rencontre bien amusante. Mais très effrayante, aussi. Le saltimbanque allait probablement se réveiller en hurlant en plein milieu de la nuit pendant trois jours avant de réussir à oublier cette histoire.

Le vent qui, au sol, ne pouvait passer à cause des bâtisses, s'y donnait à cœur joie sur les toits. Automatiquement, Grim frissonna avant de frotter un instant ses mains l'une contre l'autre en observant autour de lui.

- Hé dis.

Il jeta un coup d'oeil derrière son épaule.

- Y'a pas de l'alcool sur ta couverture sur le toit ? J'aimerais bien boire, là, maintenant. Je t'en trouve si tu veux.

Un éclat de rire cristallin s'échappa des lèvres du petit artiste, comme si le banni venait de dire là la blague la plus drôle du monde.
Apparemment, Grim n'était pas le seul à avoir été choqué de cette mésaventure. Il avait beau vouloir le cacher, et le cachait plutôt bien d'ailleurs, le jongleur était tellement du genre à être traumatisé pour rien qu'il était simple pour lui de remarquer cela chez les autres. C'était une sorte de don, oui, tout à fait.

- J'suis très fort pour trouver de l'alcool j'te jure.

Un grand sourire peint sur sa face, l'artiste mit ses mains sur ses hanches et se tourna vers Malachite.

- Les toits ne m'appartiennent pas, ami.

Il lui fit signe de la tête pour l'inciter à le suivre. Étrangement, le fait qu'il soit banni ne le dérangeait pas. Tant qu'il ne connaîtrait pas la raison de cet exil, tout irait bien. Car Grim craignait ces raisons. Peut-être qu'il n'était pas si sympa que ce qu'il pensait. Alors, il préférait rester sur sa première impression. Ignorer, c'était être heureux.

HRP:
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