L'algue et le coquillage [Salvador - Terminer]

Un grand soleil pâle brillait dans le ciel, à peine voilés par un fin voile de nuages. Sous cette lumière tout semblait su cru, froid, délavé. Un monde auquel on aurait enlevé ses couleurs.
Le sifflement du vent et le grondement sourd des quelques vagues qui s’échouaient sur la plage accompagnaient harmonieusement ce paysage désert. Au loin, la sombre silhouette à la fois inquiétante et rassurante de Marbrume se dessinait, complétant majestueusement le tableau.

Dans le sable qui ressortait d’un gris, légèrement teinté de jaune, au milieu des algues échouées du bois flotté et des traces suspectes, l’on pouvait suivre ce qui semblait à un chemin, des traces de pas. Légère, plus profond, celui qui les avait laissés semblait plutôt tranquille, l’espacement de ses pas ne laissait pas présager à une course effrénée pour sa vie, mais seulement à quelqu’un qui avançait tranquillement, ramassant à l’occasion ce qui lui fallait.

Suivant la piste il était aisé de tomber sur cette silhouette fine emmitouflée dans une étole de laine usée. Elle se pencha pour ramasser un tas d’algue d’un rouge violacé sombre, laissant entrevoir la couleur légèrement trop sombre de sa peau en même temps que sa capuche improvisée laissa échapper une longue mèche souple d’un noir profond. Se relevant Denea posa une main sous son ventre. Il était maintenant impossible de cacher outre mesure le parasite qui semblait s’accrocher si désespérément à la vie. Il qui était encore possible de berner quelqu’un quelques minutes grâce à l’ampleur et la superposition des vêtements, mais son vilain secret était désormais facilement devinable.

Déposant sa prise dans le panier qu’elle tenait, la jeune femme poussa un bref soupir soulagé. Il était plutôt plein, les marées avaient charrié assez d’algues sur la plage et comme l’extérieure angoissait beaucoup trop les foules, il n’y avait presque personne pour piller cette manne pourtant si proche.

Son regard se perdit un instant sur l'immensité grisâtre de la mer. Au-delà de son relatif calme, elle semblait être une frontière si infranchissable. Est-ce qu’au-delà il y avait encore une terre ou l’humanité prospérait à l’abri du fléau, ignorant même jusqu’à son existence ?

Je regardais vaguement les vagues qui venaient s'écraser contre le sable de cet endroit. Je pouvais me perdre des heures à regarder ce spectacle hypnotisant sans que rien ne vienne me déranger. Voilà quelques heures que je devais être ici. J'avais allumé ma pipe à quelques reprises et je d'aspirer les dernières réserves d'herbe qu'il me restait. Bientôt je ne pourrais plus fumer comme je le faisais habituellement et même si je savais que ce n'était pas quelque chose de nécessaire le goût allait me manquer. Enfin je ne pouvais pas vraiment me plaindre, le peuple n'avait pas le dixième de ce que je possédais. Lorsque je rangeai ma pipe, je caressai de ma main libre l'épée qui pendait à ma ceinture, seul artefact de ma famille. La cape au armorie de ma famille ainsi que mon bouclier était attacher dans mon dos et je ne portais que comme seule pièce d'armure mes brassards de fer. J'étais dehors en pleine journée et je savais me défendre, avec ou sans armure, je n'avais pas réellement peur des fangeux.

Je me levai lentement en baillant. Je devrais sûrement rentré, mais je me décidai à longer le littoral, je n'avais pas la force de m'arracher à cette vue magnifique. Je quittai à regret la plage pour marcher sur l'herbe vue que mes bottes s’enfonçaient dans le sable et m’empêchaient de marcher normalement. Je pouvais voir les remparts de Marbrume d'où j'étais et je pouvais deviner le travaille que j'aurais à réaliser dans les quartiers plus pauvres de la cité lorsque je reviendrais. L’hiver touchait à sa fin je savais que la cité commençait à mourir de faim. Il faudrait vite recommencer à sortir hors des murs pour que les paysans recommencent leurs champs

Alors que j'étais plongé dans mes pensées je discernai une silhouette près de l'eau. Je n'arrivais pas à savoir si c'était un homme ou une femme ou même l'âge tant elle était recouverte de couche de vêtement. Seule chose sur elle pauvre vue ses vêtements crasseux et rapiécer. Il idée me vint soudain... peut-être que c'était un banni? je me retins de tirer mon épée et m'approchai lentement de la silhouette. Si elle m’attaquait ma tunique noire ne me protégerait certainement pas et pour une rare fois je regrettais de ne pas posséder mon armure. En même temps elle semblait assez mince et svelte, probablement que je n'aurais aucun mal à la maîtriser. Lorsque je suis arrivé à environ cinq mètres de la silhouette je dis le plus doucement possible.

Vous savez c'est dangereux ici.

Lorsqu'elle se retourna je pus remarquer le visage d'une jeune femme aux cheveux noirs et au regard froid. Je lui souris un peu, pas moqueusement, mais simplement pour lui faire comprendre que je ne lui voulais pas de mal. De toute façon, la plupart de gens qui avisaient mes habits et mon épée comprenaient que je n'étais pas un bandit et que je n'étais pas une menace.

Je ne disais pas sa pour vous dérangez et veuillez me pardonner... seulement il est rare de voir des gens par ici par les temps qui cours et cela pourrait être dangereux pour vous. Si vous le voulez je peux vous raccompagner ou encore si vous avez encore des tâches à accomplir je peux vous offrir mon aide.

Après avoir fini la phrase j'inclinai légèrement la tête. Je pouvais bien restez encore un peu dehors pour aider une paysanne.

Happée par la beauté brute et inquiétante de la scène, Denea pensait, rabâchant ses souvenirs de ces derniers mois. Si en apparence rien n’avait changé, abstraction faite de la fange, pour elle tout semblait plus terne. Une sourde fatalité avait infiltré son esprit. Il avait tout brisé. Dans le peu qu’elle avait réussi à remettre sur pied ne semblait pas figurer une certaine candeur, un peu d’insouciance.

Le bruit diffus des pas dans le sable lui parvint. Un fangeux ?
Certainement pas, si une de ses bêtes l’aurais vu surement qu’elle ne se serait pas tranquillement approchée. Elle serait déjà attrapée, déchiquetée, ou en train de sombrer dans cette étendue grise attendant de revenir d’entre les morts pour semer un peu plu le chaos autour de la ville.

La voix qui se fit entendre était celle d’un homme. Quelque chose d’inconscient s’affola un instant en elle, mais Denea pris sur elle pour calmer cet élan. Tous n’étaient pas tous comme lui.

En se retournant, la jeune femme esquissa un mouvement qui aurait eu pour finalité de protéger son ventre. Insidieuse tentative de ce que beaucoup appelaient l’instinct maternel. Cette sale manie qui ne visait qu’a protéger sa progéniture. Mais cette chose qui grandissait en elle n’arrivait pas à la considérer comme tel, pas encore, peut-être n’y arriverait-elle jamais.

Dubitative face au propos de l’inconnu, l’herboriste le regarde de bas en haut et de haut en bas. Il n’avait guère l’air un paysan, ou même d’un pauvre péquin trimant pour sa survie.

« Et vous, vous savez que dans la ville c’est la famine ? Et que sur le peu de mer que j’ai longé, il y avait au moins de quoi nourrir une dizaine de personnes aujourd’hui ? Mais aussi de quoi en soigner un certain nombre. »

Il pouvait bien voir pendre à son bras ce panier remplis de cette masse rouge sombre. Elle était plus méfiante qu’agressive, s’assurant de rester à distance raisonnable de l’inconnu.

« Pourquoi je voudrais de votre aide ? Parce que je suis une femme seule et que vous n’avez pas l’air d’un bandit ? De toute façon ne j’ai rien à voler. Le fait que vous portiez les couleurs d’un seigneur devrait me rassurer sur le fait que vous êtes forcément du bon côté ? »

Les gardes portaient bien les couleurs du Duc, pourtant, ils n’étaient pas tous de ce fameux bon côté. Peu importe de qui l’homme d’armes prenait ses ordres, rien n’indiquait que ses intentions n’étaient que louables.

« Par le temps qui court ce n’est pas vraiment une valeur sûre. »

Avait-elle conclu dissimulant au mieux une certaine amertume.

Je restai sans voix devant la méfiance de la jeune femme. On m'avait déjà regardé de travers parce que j'étais un chevalier, mais de là à dire que tous les soldats étaient des profiteurs... Cette jeune femme était ou très courageuse car beaucoup l'aura tabassé pour avoir dit ce genre de chose, ou elle était inconsciente, mais je préférais ne pas relever. Pour le reste, bien sûr que je savais que le peuple mourait de faim! C'était ma fortune personnelle que j'écoulais à vue d'oeil pour ainsi de nourrir tous ces gens que ce crétin de duc refusait d'aider. J'allais dire quelque chose lorsque je remarquai finalement que sa main était posée près de sa vente qui était relativement gonflée. Elle était enceinte? Je ne pouvais pas le jurer, mais avec la famine qui grondait justement, cela m'aurait étonné que ce soit autre chose. Je dis donc doucement d'une vois parfaitement calme et qui se voulait des plus rassurantes.

Il n'est vrai que par les temps qui courts les hommes de main du duc ne sont pas des exemples de bonté, mais je n'en font pas partie. Peut-être avez-vous entendu parler de moi, je suis le chevalier Salvador de Daragonne, de l'ordre draconien. Je ne suis pas au service du duc et ne le serais jamais si sa peu vous rassurez.

Je regardais maintenant la jeune femme d'un oeil calme en croisant les mains dans mon dos. Je ne savais pas si mes paroles allaient la rassurer. Les chevaliers de mon ordre qui avait le malheur de ne pas respecter les règles de l'ordre étaient vite pendu ou banni de l'ordre. Je comprenais malgré tout que ce n'était pas tous les soldats qui avaient été entraînés dès leur plus jeune âge dans le respect et la discipline. Mon épée était à ma ceinture et portais les armoiries de ma famille, pareille pour ma cape et mon bouclier. Je regrettais le temps où nous étions une centaine à porter ce symbole qui était signe d'honneur et de justice. Malheureusement c'était du passé et je serais sûrement le dernier à porter ses signes.

Quant à savoir pourquoi je vous offre mon aide, prenez ça pour de l'idiotie si vous le souhaitez, mais je continue de vivre selon les principes de mon ordre, qui a été battit sur le principe d'être le plus proche du peuple possible pour lui apporter son soutien... Malheureusement comme vous l'avez soulevé, les hommes du duc ne respectent pas vraiment ce principe.

je me rappelais amèrement de ce milicien qui m'avait humilié lors de la fête, à une époque je serais venue avait 30 chevaliers et j'aurais retourné la caserne de fond en comble pour le trouver, mais ce n'était plus possible. Je fis deux pas vers l'avant en observant bien sa réaction, je ne voulais pas l'effrayer, mais la raison de sa suspicion m’intriguait réellement. Je regardais les plantes sur la plage et je notai pour moi-même de revenir ici avec quelque personne pour en recueillir, c'est vrai que se pouvais être utile.

Elle avait bien compris qu’il n’était pas un homme du duc et qu’il ne les aimait pas vraiment plus qu’elle visiblement. Pourtant, cela n’avait pas réellement convaincu la jeune femme de se montrer moins méfiante. Il avait été assez futé pour noter son scepticisme et devait sûrement penser que l’annonce de son nom allait la rassurer, tout comme le fait de parler de son ordre et de ses préceptes. Mais, franchement ? Dire qu’elle n’en avait rien à faire aurait peut-être été un peu exagéré, pourtant, cela était dans l’idée.

Elle devait bien avouer avoir entendu parler d’un certain Daragonne, son nom revenait assez souvent ces derniers temps. Cependant, faire une bonne action de nourrir les pauvres ne faisait pas de lui quelqu’un d’inoffensif pour la demoiselle.

« C’est vous le type dont beaucoup parlent dans les bas quartiers ? »

Un peu surprise, mais pas réellement impressionnée, voilà ce qui ressortait ses dires. Cette question était presque une politesse, enfin si l’on pouvait dire, qu’une réellement interrogation. Il n’allait certainement pas lui dire qu’il ne l’était pas, ça n’aurait eu aucun sens.

Elle le vit lorgner quelques instants sur les masses sombres qui jonchaient la plage. Il ne lui fallut pas très longtemps pour comprendre, qu’après ce qu’elle avait dit, tout cela semblait bien intéressant et pourtant laisser à l’abandon.

« Les regardez pas comme ça, elles ne sont pas toutes comestibles. Vous ramassez la mauvaise et vous abrégez les souffrances d’un pauvre au lieu de lui remplir le ventre. »

Si il voulait rester, qu’il reste, mais Denea ne tenait pas réellement à s’éterniser ici. Pour le moment, le soleil brillait et aucune créature à l’horizon, mais ces deux constantes pouvaient très vite changée. Elle voulait en ramasser le plus possible avant de devoir rentrer. L’avantage avec les algues brut, ramasser sur la place, était leur aspect plutôt repoussant et un peu gluant pour certaines, n’incitait pas les miliciens à vouloir en prélever leur part.

Elle fit quelques pas, poussant du pied un amoncellement de végétaux aquatique, mais ne sembla guère trouver ce qu’elle cherchait.

Le même petit sourire amusé s'étirait doucement sur mes lèvres alors qu'elle me disait tout ça. Je ne répondis pas à sa question qui était plus une remarque et évidemment ça ne l'impressionna pas, loin de la. Un pensé m'effleura celle que j'étais en train de chercher une excuse pour rester avec une femme enceinte qui devait sûrement avoir un mari quelque part dans la cité. Puis je me dis que c'était sûrement pour la protéger des fangeux que je restais. Je remarquai par contre qu'elle semblait jeter des coups d’œils à mon épée. Je comprenais en partie sa peur face à cette arme qui avait déjà fauché bien des vies alors je pris la décision la plus stupide de ma vie pour gagner la confiance d'une femme.

J'en avais fait des choses stupides, mais c'était sûrement la pire. Après m'avoir assuré qu'aucun fangeux ne rodait dans les environs, je détachai dans un cliquetis métallique le fourreau de mon épée pour le poser doucement contre un rocher. Je ne me séparais jamais de mon épée habituellement et je n'avais même pas ma dague sur moi. Je me consolai intérieurement en me disant que j'avais encore mon bouclier et que c'était déjà pas mal.

Je suis désolé, je n'ai jamais vraiment porté attention au domaine des plantes comestible ou non, mais peut-être que si vous me montrez lesquelles son comestible je pourrais vous aider à en prendre plus et plus rapidement.

J'avais dit cette phrase avec un sourire sans malice comme un enfant qui demandait quelques pièces à ses parents. Je regardais le panier presque plein dans la jeune femme et me dis que je pourrais surement en porter quelqu'une dans les sacs qui étaient attachés à ma ceinture ainsi que dans mes mains. Je regardais toujours derrière nous de temps en temps, prêt à bondir pour prendre mon épée si un fangeux apparaissais. Malgré tout je ne paraissais pas du tout tendu, j'étais devenue habitué à rester sur mes gardes en tout temps. Je finis par ajouter à l'intention de la jeune femme.

Si vous le souhaitez bien sûr mademoiselle...

intérieurement je priais pour que soit réponse soit positive. Cette jeune femme m’intriguait et je tenais réellement à la connaitre un peu plus. Puis dans un sens si elle pouvait me donner des raisons de plus pour détester les soldats alors ce n'étais pas plus mal. Je disais sa parce qu'elle devait bien avoir une raison de se méfier des soldats comme moi.

Denea regarda stupéfaite ce qui semblait être un acte de bonne foi de la part du chevalier. Il avait décroché son épée pour la poser contre un rocher. Il était vrai qu’inconsciemment la jeune femme avait sûrement lorgné inquiète vers l’arme. Soit cet homme était particulièrement tordu et manipulateur, soit il voulait seulement faire preuve d’une certaine bienveillance. Il fallait bien avouer que la première catégorie, envisagée était plutôt minoritaire et qu’il y avait donc bien plus de chance d’être en face ce qui était simplement un bon gars.

Pas vraiment rassurée, mais plutôt apaisée, l’herboriste se dit qu’elle pouvait elle-même faire un geste. Elle rabattit sur l’arrière la partie de son étole qui lui couvrait les cheveux et ombrait quelque peu son visage. Les longues mèches noires étaient relevées sommairement, certaines trouvant tout de même le moyen de s’échapper, se laissant porter par la brise marine. Son visage accusait un quelque peu le coup de sa situation et de la famine, pourtant, elle n’était pas la moins bien lotie.

« C’est mon travail les plantes, ça serait malheureux que je ne sache pas reconnaître celles qui sont utiles d’une manière ou d’une autre. »

Tenta-t-elle avec un demi-sourire, même si on sentait encore ce malaise qu’elle ressentait bien malgré elle.

Dans tous les cas, elle n’allait certainement pas le reprendre sur la façon qu’il avait eue de l’appeler. Il avait raison après tout, elle n’était guère mariée, et pas assez vieille pour que le Madame de politesse soit de rigueur. Enfin tout cela s’était des appellations de bourgeois ou de nobles, on les entendait assez peu dans le Goulot ou dans le Labour.

« Vous êtes sure que vous dévirez la laissée là-bas ? »

Elle désigna l’épée posée sur le rocher. L’homme se retournait régulièrement pour la regarder, il devait se sentir nu sans elle, cette compagne dont le tranchant fatal devait être rassurant en ces temps trouble et brutaux.

« Non, parce que je veux bien que ça me mette pas très à l’aise, mais si vous devez rester je préfère autant que vous l’ayez sur vous au cas où un fangeux déciderait qu’on fait une jolie paire de proies. »

Autant être accompagnée, autant l’être par quelqu’une qui pouvait la protéger. Autant rendre la chose la plus utile possible. Elle avait bien vu qu’il ne semblait pas mal intentionné, maintenant qu’il avait démontré ses bonnes intentions, il serait stupide de laisser l’outil de protection si loin pour son simple confort, la survie passait avant.

« Le prenez pas mal, mais vous n'avez pas mieux à faire que d’aider une pauvre fille à ramasser ce que la mer a bien voulu charrier ? »

Le sens du devoir, les préceptes, tout ça, s’était bien, mais concrètement, il devrait bien avoir un ordre des priorités dans la vie.

Lorsque la jeune herboriste baissa un peu le tissu qui cachait son visage je compris que je venais de gagner un point. Je pris quelques secondes pour l'observer sans un mot. elle aurait pu être très jolie à une autre époque, mais la famine et les conditions de vie par les temps qui cours avaient été profondément gravé sur son visage et je pensa soudainement qu'elle devait probablement manger ses propres herbes depuis quelques semaines, mais tout ceci n'est que supposition. Alors que je m'avançai vers elle en laissant mes mains ouvertes sur le côté et regardant vaguement le panier qu'elle portait. Il semblait presque plein, mais je continuais de penser qu'il pouvait être rempli encore un peu.

Si vous le souhaitez je vais la reprendre.

Je me retournai et fis quelques pas avant de prendre mon épée et de la remettre à ma ceinture. C'était rassurant en ces temps troubles et j'étais plutôt content de l'avoir repris. Au moins j'avais commencé à gagner sa confiance, c'était déjà pas mal. Je suis revenue vers la jeune femme qui semblait regarder par terre pour chercher des algues que la mer avait rejetées avant de se retourner vers moi et me demanda si je n'avais pas d'autre chose à faire que de l'aider.

Ma seule priorité pour l'instant c'est vous. De toute façon aujourd'hui ma guilde n'a pas besoin de mes services.

Après avoir dit cette phrase je fis un geste pour poser une main sur la garde de mon épée, mais je me retins avant de finir mon geste. Je ne voulais pas l'effrayer plus qu'elle l'était déjà, alors je me laissais mes bras croisés dans mon dos. Puis je dis doucement.

Vous savez qui je suis, mais ce n'est pas mon cas. Puis-je savoir le nom de la belle dame qui est à mes côtés.

J'écoutai sa réponse avant de regarder par terre vers les algues. Après quelques minutes à la regarder chercher sans qu'elle ne semble trouver ce qu'elle cherche. Je restai près d'elle sans montrer de signe d’agressivité bien au contraire, contant de pouvoir échapper à la cité quelque temps.

Alors... que cherchez-vous, lesquelles sont comestibles et utile?

Elle le regarda récupérer son épée non sans une certaine pointe d’appréhension. Ce n’était pas un sentiment fort, présent, seulement une vague diffuse, l’écho d’un mauvais souvenir.

« Je suis pas vraiment une Dame … »

Se penchant pour ramasser une longue tige bardée de membrane luisante d’un rouge fortement teinté de brun, elle interrompit sa phrase. Se relevant, elle se trouve gênée par sa condition. Ce ventre qui pourtant n’était pas si proéminent lui causait déjà quelques soucis d’ordre pratiques, en plus d’attiser les commérages et de lui rappeler un peu plus tous les jours, ce qui s’était passé il y a quelques mois de cela. Elle avait appris à vivre avec sans pour autant accepter ou pardonner.

« … Mais je m’appelle Denea. »

Acheva la jeune femme en montrant ce qu’elle avait dans les mains au chevalier. Quoi de mieux que l’exemple pour apprendre. Au moins, si il voyait au moins une fois de ses propres yeux ce qu’elle cherchait, peut être ramasserait-il plus vite et plus vite elle pourrait rentrer et le quitter. Il avait l’air d’entière bonne foi, pourtant, le sentiment de malaise provoquer par le fait d’être à côté d’un homme d’armes était bien plus fort que la volonté de l’herboriste.

« Celle qui se mangent sont brunes tendant sur le rouge, on dirait une très longue et étroite feuille d’arbre. »

L’explication semblait peut-être un peu sommaire, mais avec la véritable plante sous les yeux cela devait-être assez claire. Elle posa sa prise dans le panier, puis y fouilla quelques instants pour en sortir un amas vert. Comme ça, au premier coup d’œil on aurait dit un amas de filaments souples.

« Les vertes, une fois broyées sont utiles en cataplasme sur les plaies, ça les nettoie. »

C’était certes assez efficace, mais ce n’était pas le plus doux des remèdes, tout le sel que renfermaient ses petites choses avaient tendance à piquer, très fort, celui sur qui on apposait le broya. Cependant, ces derniers temps peu étaient ceux qui se plaignaient de la douleur infligée par les soins, trop contents de ne serait-ce que d’en recevoir.

Denea retourna à son occupation. Elle ne souhaitait pas particulièrement s’éterniser hors des murs, mais surtout elle ne savait pas trop quoi dire à cet homme qui, malgré tous les efforts qu’ils semblaient fournir ne la rassuraient pas particulièrement.

Après ses explications je commençais à recueillir le plus de plante de la bonne couleur que je le pouvais. J'avais bien vu la difficulté de la jeune femme à cause de son ventre, mais ses paroles m'avaient troublé. Elle était enceinte et pourtant elle n'était pas mariée. Enfin, une femme mariée était appelée une dame par chez moi. Je continuais à ramasser des herbes et des algues le plus rapidement possible en réfléchissant à cette situation. Elle semblait légèrement stressée par ma présence, mais j'étais patient et je comptais bien comprendre son malaise.

Denea... Un nom magnifique, toute comme la personne qui le porte.

J'avais laissé ses quelques mots m'échapper avec un petit sourire. J'avais pris l'habitude de faire des compliments avec toutes les femmes que j'abordais, c'était plus une simple formalité qu'une véritable technique pour courtiser. Je vis ses joues s'enflammer légèrement, mais je n'y prêtai pas vraiment attention, jusqu'à ce qu'un bruit fasse en sorte que je relève la tête, juste au bon moment pour voir un fangeux foncer sur nous. Je sautai vivement et me plaçai devant Denea juste à temps. J’arrêtai le fangeux juste à temps, mais sa force me souleva de terre de quelque centimètre avant que je puisse le reposer vivement.

Reste derrière moi!

J'avais dit ses quelques mots avant de tirer vivement mon Daragonne de son fourreau. Le soleil la faisait briller et je me plaçai en grimaçant en sentant du sang coulé le long de mon bras. Cette créature du démon avait ouvert un plaît avec ses griffes, à première vue ce n'était pas grave et cela n'avais pas blessé mon bras d'arme. Je fis rapidement mouliner mon épée en gardant à vue cette créature. Lorsqu'elle fonça à nouveau je donnai un rapide coup la tête et dragonne fit son sinistre travaille. La tête du fangeux tomba et roula par terre alors que son corps inanimé s'écroula au sol.

Désolé de vous avoir fait assister à ce genre de spectacle.

Ma vois était sincèrement désolé et je regainai rapidement mon épée avant de regarder autour de moi, il n'y avait plus âme qui vive, il devait être seul. Un fangeux en plein jour, c'était rare et je ne m'attendais pas à en voir un autre, alors je me retournai et soufflai en oubliant mon bras.

Le danger est écarté, comme je vous l'avais garantis.

Le petit sourire, le compliment, cela n’était pas passer. Qu’espérait-il avec son baratin ?
Il semblait croire qu’un petit mot-doux suffirait à l’amadouer, à la calmer, à la mettre dans sa poche. Pour quoi ? La jeune femme n’avait pas réellement envie de le savoir, elle n’allait certainement pas le laisser se tromper de toute manière. La correction arriva un peu sèche.

« Gardez vos boniments pour celles que ça intéresse. »

Car il devait bien y en avoir des intéressées. Objectivement, dans une autre situation, peut-être avec un autre passif, elle aurait été encline à admettre qu’il aurait pu être à son goût, cependant pour l’heure il en était hors de question.

Il ne voulut pas répondre ou n’en eut pas réellement le temps, peu importe, car au loin s’était dessiner une silhouette avançant rapidement d’une démarche étrange, presque bestiale. Elle avançait furieuse, affamée, tout crocs et griffes dehors. Le fangeux semblait se ruer sur Denea qui ne put esquisser un geste. Courageusement, il fallait bien l’admettre, l’homme d’armes s’était interposé prenant de pleins fouet la créature.

Une fois que son affreuse tête aux dents si acérée eut roulé par terre, laissant son corps tomber dans le sable, seulement animé de quelques derniers spasmes nerveux, Daragonne s’excusa, ce qui sonna quelque peu étrangement au vu de la situation. Il venait sûrement de sauver une vie, enfin, une vie et demie, ou deux, cela pouvait être matière é débat, mais ce n’était clairement pas le moment, et il présentait des excuses. Idée quelque peu surréaliste.

« Ce … ce n’est rien… »

Ce n’était pas tous les jours qu’on frôlait de près le fait de devenir le prochain repas d’un monstre. La jeune femme mit quelques instants à s’en remettre.

« S’était très aimable à vous, mais je vais rentrer, je … je voudrais pas tomber sur une autre de ces choses … et visiblement, elles sont décidées à sortir aujourd’hui malgré le soleil. »

La Chevalier insista pour la raccompagner. Quelque peu embêtée, gênée, l’herboriste n’eut pas vraiment le cœur de lui refuser cela. Il aurait été un peu ingrat de sa part de l’éconduire plus ou moins poliment alors qu’il venait de sauver sa peau, et qui plus était de se blesser à cause de cela.

Si elle consentait à se laisser accompagner, ce n’était pas pour autant qu’elle s’engageait à faire la conversation sur le trajet, elle était même plutôt déterminée à rester aussi muette qu’une tombe.