Même le chroniqueur à la plume des plus experte ou le barde le plus célèbre du Royaume n'arriverait à rendre l'Historie de la maison de Tourres palpitante. Une maison accrochée à son comté, perdu à la frontière Sud du comté des Terressang, depuis des siècles et des siècles, n'ayant jamais brillée dans le moindre domaine. Dans ce pays où quant il ne pleut pas il grêle, où les femmes sont plus proche physiquement de l'ours et où les seules distractions sont la bière tiède et les bagarres dans les tavernes, l'on pardonnera aux hommes de devenir alcooliques.
C'est dans un château gris et froid, dans un territoire pauvre et reculé que naquit Thibault II de Tourres, futur baron.
Thibault était un de ces nobles d'une simplicité désespérante que seul un territoire aussi morne pouvait façonner. Un esprit étroit et dépourvu d'imagination, Thibault était un homme pieux, aux abords froid comme son père, et le père de son père l'avaient été eux aussi... héritant aussi de la carrure solide et imposante de ces mêmes ancêtres.
Un physique de brute et des manières frustes qui servirent le noble baron durant son unique expérience de guerre lors de ce que l'on appellera plus tard comme la "campagne d'Havrelac".
Cette campagne débuta en automne 1134 avait pour but de pacifier une bonne fois pour toute une portion de la frontière Sud du comté, sujette jusque là à de trop nombreux raids et pillages orchestrés par divers groupes de bandits, cachés bien souvent dans des camps en forets voir contrôlant mêmes certains villages. 4 barons unirent leurs forces pour soumettre une bonne fois pour toutes les pillards.
Thibault II partis avec une lance de vingt chevalier et plus d'une centaine de sergents d'armes pour guerroyer.
La campagne se révéla bien plus difficile que prévu, l'ennemi préférant l'escarmouche et l'embuscade à toute confrontation directe. Et les mois passaient.
Et l'hiver finit par arriver.
Terrible hiver.
Ordre fut donner d'opter pour une stratégie plus brutale : celle de la chevauchée. Stratégie de court terme visant à s'enfoncer en territoire ennemi et à brûler et piller de façon systématique les ressources de l'adversaires (ses champs et ses fermes), permettant ainsi aussi de ravitailler ses propres troupes à moindre frais.
Les exactions les plus terribles eurent lieux lors de l'assaut d'Havrelac, un village prit et fortifié par les brigands au milieu de l'hiver.
La ville prise, l'on découvrit qu'une partie de la population du village s'adonnait à des rites hérétiques et à des pratiques monothéistes païennes ! La centaine de villageois survivants aux combats furent exécutés, car les Dieux l'ont voulu ainsi.
Thibault revint dans son comté satisfait, en conquérant, voilà qui animera les discutions lors des banquets pendant des années !
La même année il fut marié à Anne Terressang, un mariage d'alliance dépourvu d'amour. Mais le baron s'acquitta de son devoir conjugal comme on attendait de lui et vinrent au monde le frêle et peureux Louis et le fort et beau garçon Philippe de Tourres.
Son retour à une vie morne et répétitive fut bien difficile après l’excitation guerrière qu'il avait pu goûter.
Les mêmes habitudes s’installèrent de nouveau : chasses, banquets et ripailles, et encore plus de chasses au sanglier.
Tout aurait pu rester ainsi, une vie sans surprise et sans aucun accomplissement notable comme celle de son père, et du père de son père...
Jusqu'à l'arriver d'une nouvelle courtisane à la cours.
Isabelle, une femme magnifique au charme exotique. Son seul physique était irrésistible, mais ajouter à cela un sens de l’humour aiguisé et un esprit aussi vif que revêche, Thibault tomba immédiatement en amour bien malgré lui et ses obligation matrimonial envers sa grosse truie de femme d'Anne Terressang.
Isabelle sut être d'un réconfort parfait lorsque Thibault perdu son fils Louis puis sa femme... Tout le monde s'en aperçu à la cours.
Personne ne soupçonnait une seule seconde que Thibault et la courtisane entretenait une relation sulfureuse depuis des semaines, et encore moins que Thibault avait empoisonné Anne !
Le baron était fou d'amour, un sentiment grisant totalement inconnu jusqu'alors pour lui. Il épousa Isabelle sans hésitation et eurent deux enfants les deux années suivant le mariage : Blaise né en 1143 et Mathilde en 1142.
Tout sembla alors aller magnifiquement bien pour le baron : un mariage heureux avec une femme qui lui faisait découvrir l'étendu des plaisirs de la chaire, et son fils Philippe comme héritier légitime. Thibault n'aurait jamais oser fantasmer un tel bonheur au cours de sa vie.
D'une fierté débordante pour son fils, il passa le plus clair de son temps avec lui, faisant le tour de leur bannerets leur exhibant la superbe de son héritier, là était l'orgueil de Thibault, sa plus grande réussite, le sens de sa vie. Thibault était bien décidé d’être pour Philipe le propre père qu'il aurait voulu avoir.
Et déjà le baron voyait son propre fils comme lui en plus jeune; et dans le futur il le voyait déjà comme lui à présent.
Et le baron avait bien raison sur ce point : Philippe et Thibault se ressemblait tellement qu'ils avaient les mêmes goûts. Exactement les mêmes.
Surtout en matière de femme.
Ainsi Philippe de Tourres commit un péché irréparable, innommable, ignoble aux yeux des hommes et des dieux.
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« Hé, c'est mon histoire, il serait peut être temps que j'intervienne non ?
L'histoire de Blaise de Tourres, Blaise le Glorieux, Blaise le Magnifique.
Né dans un château gris et froid entouré de gens gris et froid, dans un comté gris et... vous avez compris.
Mon père, Thibault ? Distant ne serait pas le mot, absent non plus, ce serait entre les deux plutôt. Trop occupé à choyer son héritier prodige, et ça se comprend.
C'est ma mère qui m'a fait tel que je suis, à me chanter des chansons et à me conter des histoires de chez elle, de ce Sud lointain.
N'étant pas doué pour les arts de la guerre, on aurait pu croire logiquement que cette tare serait compensée par je ne sais quel talent de l'esprit.
Faux et archi faux. Lire me fait chier, je me ferais presque battre aux échecs par une poule et l'arithmétique ? Bha je préfère vraiment pas en parler...
En bref j'ai eut une enfance solitaire, mon grand frère me faisait aussi peur que mon père, je n'avais que ma mère et ma sœur Mathilde à mettre dans la case des "proches".
Mon baron de père me voyait comme un bon à rien, une personne fragile et à parler franchement un vrai branleur. Il faut dire qu'il m'avait bien cerné ce con là. Au final je n'existait quasiment pas pour lui et il vivait heureux alors que j'en souffrais, bien malgré mes efforts pour le haïr.
Ma vie se relança en intérêt à la naissance de mon petit frère, j'en était bien joyeux, tout gamin que j'étais, ne comprenant absolument pas ce que signifiait le mot "Bâtard".
Voilà que mon Philippe de frère avait succombé aux charmes de ma salope de mère.
Philippe, meurtri par la honte, s’enfuit pour la capitale, rejoignant les ordres.
Et Thibault... Ah Thibault, cet affaire le tua.
Imaginez vous : voilà que son fils parfait et sa femme parfaite venait de le cocu !
Notez surtout la relation quasi psychotique qu'avait le baron pour son héritier : l'histoire racontée plus haut ne vous a pas parlé de tout l'argent que Thibault avait dilapidé pour faire venir peintres et sculpteurs seulement pour immortaliser la gloire de son fils.
Thibault n'était pas seulement fier de son fils, mais carrément obnubilé par lui.
Et donc oui, imaginez ce qu'il a du se passer dans l'esprit de ce malade quant Isabelle lui a révélé l'affaire. Un ascenseur émotionnel tel qu'il en était resté cloué sur son lit trois journée à la suite, pris à certain moment de vomissement.
Etant gosse je ne saisissait pas de la même manière ces faits que je ne le fait aujourd'hui.
Le plus marrant dans tout cela ? Thibault essaya même de pardonner Isabelle, se forçant même à l'aimer de nouveau. A vrai dire il ne réussi jamais à fuir la vérité, il avait été blessé au plus profond de son âme, humilié de la plus horrible des façons.
Il avait perdu toute crédibilité, on se moquait ouvertement du baron cocu lors des banquets et dans les tavernes.
Thibault, pourtant déjà âgé, prit immédiatement un énorme coup de vieux, son esprit déjà malade c'était gâté pour de bon.
Il était devenu pire que pitoyable, vous l'auriez vu... et totalement soumis à ma mère.
Isabelle était la pire de tous, ne manquant aucune opportunité de blesser plus en profondeur l’ego et l'amour propre de ce qui avait été mon père. Elle le tenait par les couilles, elle avait la preuve qu'il avait assassiné sa première épouse Anne Terressang. O de toute façon, même si ça n'avait pas été le cas la situation aurait été la même, le vieux Thibault n'avait plus que la volonté d'un cafard, uniquement capable de faire le voyage de la cuisine à son lit.
Quant la dépression de mon père fut à un stade bien trop avancé et que je fut nommé régent, ma mère disparue.
Mais pas avant de m'avoir parlé une dernière fois, à moi et à ma sœur.
A nous dire pourquoi.
Pourquoi elle avait briser cet homme.
Vous vous rappelez de la campagne d'Havrelac ?
Des familles qu'on avait massacrées ? Crucifiés le long de la palissade entourant le village, une centaine d'hommes et de femmes. Des hérétiques peut être, et cela ne dépend au final que du point de vue, mais des êtres humains malgré tout non ?
Isabelle était la fille d'un couple de marchands "étrangers" (installés à Havrelac depuis deux générations néanmoins), les commerçants les plus riches du village, et monothéistes bien évidement.
Survivante du massacre, Isabelle n'eut plus d'autre raison de vivre que la seule et unique vengeance envers l'homme qui ordonna l'exécution des villageois.
Ah.
Ah ah ah.
Ma mère disparue et me voilà à la tete de la baronnie. Elle m'avait laissé son bien le plus précieux : les poèmes d'Herman, une traduction des cantiques monothéistes de son pays de naissance. "Il te guidera dans les moments les plus difficile de ta vie, comme il l'a fait pour moi".
Je ne l'ai ouvert ce livre qu'une seule fois : à la mort de Thibault, début janvier 1164. Les bannerets commencèrent alors à mettre en doute ma légitimité...
Le poème je ne m'en souvient plus exactement, seule la dernière phrase m'est restée : "Le monde était froid, pourtant l'Enfer était proche".
Deux mois après, les fangeux ont débarqués.»
Mathilde de Tourres
Mathilde est le portait craché de sa mère.
Du reste, c'est une femme cultivée et curieuse, talentueuse dans de nombreux arts, notamment la musique et la poésie. Derrière ses airs humble et tolérant, son allure de femme forte (sachant tirer à l'arc et monter à cheval) se trouve une personnalité orgueilleuse, suffisante, sure d’être une personne bien différente et supérieur à la plupart.
Sa grande beauté, son charme, son élégance naturelle lui ont valu mille poème (dont certains composés par elle même...). Pourtant, et bien peu le savent, ils se trouvent que la perle du comté de Tourres n'ai connu que très peu d'hommes... serait elle "de l'autre bord" ?