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 Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya

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Luna Montoya



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MessageSujet: Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya   Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya EmptySam 19 Mar 2016 - 22:11
La nuit n'avait pas été mauvaise. Ni bonne. Juste éreintante.
Après avoir couru aux quatre coins de la ville délivrer le peu de pain blanc qu'elle avait et le noir acheté en cours de route, elle était restée au chevet d'une de ses protégées de la famille Marville qui habitait malheureusement dans le goulot depuis peu.
La pauvre fille avait épousé un commerçant qui avait trouvé le moyen de tellement s'endetter qu'ils avaient fini par s'installer il y avait trois jours dans un de ces taudis aux toits fuyants et aux murs si délabrés qu'ils sentaient un mélange d'urine et de chien mouillé.
Trop fière, l'enfant avait refusé de retourner chez sa mère. A présent, elle tombait malade, trop faible pour survivre à ces lieux putrides.
Même si elle le souhaitait fort, il n'y avait point de boucs méchants, psylles aux corps grêles ou d'aspioles frêles, qui comme un flot de grêles, fondaient en ces ruelles pour les enchanter et les rendre davantage vivables. Si il n'y en avait pas plus dans les autres quartiers, ici surtout, c'était la maladie qui déformait les ombres, les mauvaises habitudes qui animaient les ténèbres et le sexe qui créait les effluves nauséabondes. Une geôle même aurait été mieux.

Il n'y avait pas d'avenir pour ce couple tant qu'ils resteraient dans cette fange. Il n'existait qu'un passé amer, une réminiscence qu'aucun d'eux ne pourrait recouvrir. Un rêve insipide et en même temps délicieux qu'ils ne pourraient plus toucher, ailleurs que dans leur sommeil médiocre entrecoupé de bruits disgracieux. L'époux avait beau avoir retrouvé un travail, leurs dettes étaient trop grandes pour pouvoir faire autre chose qu'espérer. Ce sentiment si noble ne suffirait malheureusement pas à sauver la femme.
Elle se plaignait que le remugle l'incommodait, quand bien même elle aérait chaque matinée. Elle susurrait que l'odeur la suivait partout tel un chien affamé que l'on a nourri une fois et dont on ne parvenait pas à se débarrasser. Même chez le boucher.
Elle tempêtait aussi contre l'odeur des latrines qui remontait de la rue, des parfums salés, terribles et disparates que le vent ramenait sous son nez même à l'intérieur. Ils se retrouvaient tous dans la boue qui maculaient toutes les cottes qu'elle pouvait porter.

A la fin de l'entretien, la femme hurlait contre les dieux d'un ton geignard et bas, n'entend point pourquoi aucun n'écoutait ses prières de retrouver déjà une vie meilleure. Aucun ne se montrait jamais, disait-elle, et si tout le monde était leurs multiples enfants, pourquoi ne prenaient-ils pas davantage soin d'eux ? Une mère ou un père digne de ce nom ne laissait pas ses gosses sans nouvelles ! Ils leur prenaient la main, les aidaient à se relever, quand ils tombaient plus bas que terre. Ils ne les laissaient pas grouiller dans des coins infâmes, enfermés comme des porcs prêts à passer sur la table du boucher.
Luna avait laissé à l'époux enfermé dans son mutisme ses dernières rations avant de disparaitre loin des récriminations. Sa patience avait quand même des limites.

Maintenant elle trainait donc des pieds dans ces ruelles obscures, la fille Montoya, évitant les pots de chambre que l'on lançait des fenêtres sans regarder qui était en dessous. Il lui fallait se presser, le petit matin s'annonçait déjà, mais elle se sentait lasse. A peine arrivée il faudrait déjà faire semblant de se réveiller et elle tituberait sans doute toute la journée durant, éreintée.
La nuit avait pris un ton violacé, annonçant la renaissance du soleil. Les étoiles au milieu des nuages de fumée des cheminées ou des feux à même le pavé se faisaient moins visibles.

Elle étouffa un bâillement, serra un peu plus fort son balluchon contre son sein. Ce n'était pas ainsi que ses cernes allaient disparaitre. Mais ce n'était pas si important, n'est-ce pas ?
Avec un sourire crispé elle hocha la tête à l'intention d'une putain en guenilles qui faisait le guet devant une porte crasseuse et continua sa route. Il y avait des choses différentes qu'il fallait régler au plus vite. Par exemple, le fait que la cuisine ne contenait plus beaucoup de denrées à la maison... Comment alors nourrir tous ses protégés ?

Une ombre, plus loin, sortit d'une maisonnée. Elle n'y prêta guère attention, forcée de relever légèrement ses jupons pour éviter qu'une flaque ne les tâche trop. Mais tandis qu'elle s'approchait davantage, elle sentit son pouls s'affoler en la percevant enfin. Ce n'était pas... Non ? Si ?
Un pas se fit, poussé par une curiosité malvenue. Deux. Le troisième fut de trop car elle fut totalement visible alors pour celui qu'elle dévorait du regard. Vêtue d'une jolie robe dans les tons ocres et corail, protégée par un manteau à capuche bordeaux, ses cheveux relevés en un chignon fait seule, elle n'avait clairement pas sa place, là. Pas plus d'un coté que celui qui à présent pouvait la mirer de tout son saoul.

Et mince, c'était bien lui. Elle pâlit soudainement violemment, ses doigts se crispèrent sur le morceau de tissu qu'elle tenait. Se souvenant brusquement de son éducation, la jeune fille plongea en une profonde révérence. Lorsqu'elle se releva, ce fut pour fixer le sol, l'air profondément coupable. Troublée.
Sa voix s'éleva rapidement, très bas, trop, intimidée, bouleversée autant que les battements de son cœur, à l'intention de son interlocuteur.

" Bonjour, Père. "

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MessageSujet: Re: Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya   Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya EmptyDim 20 Mar 2016 - 12:25
Je savais déjà qu'elle sortait la nuit. Depuis plusieurs mois.
Dans un premier temps la chose m'avait affolée. Je n'arrivais pas à deviner quels vices ma fille pouvait satisfaire en ville, mais mon imagination travaillait pour moi. Je repensais à ce que moi je pouvais faire à dix sept ans. Est ce héréditaire ? J'ai pensé aux autres jeunes filles qui avaient causé des scandales et déshonoré leurs familles au cours de ces dernières années. Luna ne leur ressemblaient pas. Ca j'en étais certain. Lorsque nous étions invités à des repas mondain, je voyais les autres gamines se comporter comme des petits animaux lascifs, s'entraînant à parler à des monsieur beaucoup plus vieux d'un ton suave et à user des coquetteries que les jeunes filles ont l'air de trouver utiles. Une fois mémorable, lors d'un repas très long et très arrosé, une ex-future vicomtesse s'était assise sur mes genoux pour me murmurer des conneries, j'en avais été très choqué - la jeune dame a fini au couvent deux ans plus tard, impossible à marier, suite à un scandale avec un certain jeune homme.
Luna, elle, parlait littérature aux vieilles dames. Elle posait des questions pertinentes aux adultes, sur des sujets graves ou difficiles. Elle jouait de la musique pour distraire l'assemblée, et les mélomanes hochaient la tête en l'écoutant avant de venir me féliciter d'avoir engendré tant de talent. En voyant ce genre de chose j'avais envie de me rouler par terre en couinant de fierté.

Et maintenant la chair de ma chair va faire quelques conneries en ville ? C'était une gamine trop parfaite, voilà, et maintenant elle va se mettre dedans jusqu'au cou, me suis je dis. Néanmoins, avant de pousser des hauts cris et de courir partout, j'ai envoyé le garçon d'écurie - en qui j'ai confiance, j'l'ai quasiment élevé ce gamin - la suivre dans ses expéditions nocturnes. Je dois prendre l'affaire avec des pincettes, me suis je dis, je dois prendre le temps de réfléchir. Et de toute façon, quel que soit le mal, il était fait. Retarder la prise de décision deux jours n'aggraverait rien.
Et qu'est ce que Luna faisait de si horrible ? Dans quelle ornière de la vie avait elle trébuché sans que je m'en rende compte ?
Elle faisait la charité aux pauvres. Toute la nuit. La pauvre gamine allait boiter à travers les rues sales des bas fonds de la ville pour donner du pain blanc à des crève-la-dalle qui ne comprendraient jamais l'étendue de ses efforts.

J'en ai eu les larmes aux yeux de fierté. On aurait dit un vieux conte sur les femmes inspirées par Anür à sacrifier leur temps, leur existence ou leur bonheur pour le bien commun. Ca ne me serait jamais venu à l'esprit de faire des choses pareilles, mais moi je suis un connard. Inquiet quand même, j'ai demandé au garçon d'écurie de continuer de la suivre. De ce qu'il m'en a dit, maintenant que la petite routine de ses expéditions est installée, les gens des quartiers pauvres gardent sur elle un oeil bienveillant. Les malandrins - qui ont eux aussi une petite maman et de la famille dans les taudis - ne lui jettent même pas un regard, et les habitants protesteraient de voir leur arrivée de picotin se faire agresser en venant. Ca n'exclue pas tous les dangers, certes, et je tremble qu'un jour ma petite fille se fasse agresser par un connard qui passait par là, mais... comment je pourrais lui interdire ses petites promenades nocturnes ? Puis l'apocalypse a bouleversé pas mal mes priorités. La gamine veut glorifier le nom des Montoya en lui donnant un lustre qu'il n'a jamais eu ? Soit. J'm'interpose pas dans les missions divines moi. J'ai juste veillé à ce que la cuisine contienne toujours des denrées facilement transportables pour une personne seule, calmé la cuisinière qui devenait hystérique sur les disparitions de bouffe en lui disant que j'avais des crises de boulimie nocturne, et voilà. Et j'ai rien dit. Je savais pas quoi dire, d'ailleurs.

Par contre, ça pose un problème que je n'avais pas prévu : croiser le petit ange quand, moi, je reviens d'activités beaucoup moins honorables. Chuis tellement bourré que j'ai pas reconnu la chair de ma chair avant de quasiment trébucher dessus. Quand j'ai entendu le "bonjour, père", j'ai failli m'évanouir. Faut dire qu'une heure avant, j'imprimais ma sueur dans des draps beaucoup plus sales que les miens, et croiser de la famille quand on a le bas ventre encore sensible et palpitant des excès précédents c'est quand même pas très prestige. Du coup je fixe d'un oeil hébété ma progéniture, en sentant fort la pine et l'alcool. Bravo l'exemple paternel hein. Je me concentre très fort fort tenir droit et pas trop m'approcher pour pas qu'elle sente de délicieux effluves de ma part, et je dis d'un ton quasiment clair :

- Bonjour Luna.

Je reconnais ce regard là. Je l'ai déjà vu. On élève pas quelqu'un pendant quasiment vingt ans sans reconnaître un pur "j'ai peur de me faire engueuler". Je me souviens d'une fois - elle était toute petite - où elle a donné un kilos de sucre à un de mes chevaux "pour lui faire plaisir". La pauvre bête a failli mourir, j'ai rien pu faire avec pendant près de deux mois et ça m'a foutu une belle vente de saillie en l'air. Je me souviens d'une autre fois où elle a dessiné des traces de patte de chat sur toutes les touches en ivoire du piano dans le salon, et s'est dit après coup que c'était peut être une sacrée connerie. J'en avais rien à foutre vu que le piano est là uniquement pour la décoration - personne ne sait en jouer dans la maison - mais sa mère a crisé comme jamais. Ouais, ce regard là. Ce regard là précisément.
Si on pouvait mourir de honte, je serais étendu raide mort là.

- Je crois qu'il faut que nous discutions, mais pas ici, viens.

Comme un con je lui chope le bras un peu fort - ivresse oblige - pour quasiment la remorquer derrière moi. Ce qui me provoque cet élan de panique, c'est qu'on est clairement dans le quartier pédé du coin. C'est pas flagrant, on voit pas des mecs à poil faire la roue sur la chaussée, mais moi ça me perturbe beaucoup. Certes, il y a des lieux pour les gens bien nés qui ont ce genre de tare, mais j'ai jamais réussi à m'habituer à ces histoires de plumes dans le cul, de rideaux en satin rouge et d'obèses qui mangent du raisin allongé sur un divan. Mes origines roturières probablement. Puis ça me gêne de croiser tous ces tarés en repas mondains par la suite.
Faudrait trouver un salon de thé ou quelque chose comme ça, mais ce genre d'établissement est rarement ouvert aux petites heures de la nuit. Au bout de cinq cents mètres de ma marche effrénée pour préserver ma réputation de père honorable, je tique que je fais probablement mal à la gamine et qu'elle croit qu'elle va se faire engueuler. Je peux pas lui faire ça. Je me retourne vers Luna avec toute la grâce qu'un mec bourré peut y mettre, et je lui tapote maladroitement le sommet du crâne. En fait, comme je vois ma fille un peu double, j'lui caresse un peu l'oreille au passage. Soyons lucide : malgré mes ruses de sioux, elle a bien dû voir de temps à autre que papa se mettait des grosses races. Surtout que ma femme fait preuve de la discrétion d'un ours quand il s'agit de me reprocher des choses, vu qu'elle a la pudeur d'une poissonnière - sauf sur toute cette histoire de pédé, qui lui fait beaucoup de honte. Moi je dis jamais du mal d'elle devant Luna, parce que j'ai du respect. Mais bref. Jamais elle ne m'avait vu saoul perdu en pleine rue. Tellement la honte.

- Je ne te disputerai pas : j'étais déjà au courant. Mais j'aimerais que... - une vieille toux pleine de glaires me prend - j'aimerais que l'on en discute dans un lieu plus adapté. Tu as une idée ? Je suis un peu pris de court là.

Je lui fais un sourire fatigué de mec bourré. Au milieu de ma titanesque gêne, je suis quand même bêtement content de la voir.
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MessageSujet: Re: Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya   Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya EmptyDim 20 Mar 2016 - 23:06
Spoiler:

Les Montoya n'étaient que des humains, chacun possédant ses faiblesses et ses vices, même quand ils se débrouillaient tous pour donner l'illusion d'une vie de famille vertueuse et parfaite. Ce qui n'était pas franchement fréquent, même si cela faisait dix-sept ans qu'ils vivaient tous trois ensemble, et cette absence faisait donc que chacun avait encore gardé certains de ses propres secrets. Ou en avait créé d'autres. Ainsi, Luna n'avait pas conscience de tous les défauts de son père et fort heureusement d'ailleurs.
Elle ne savait rien de son attirance pour l'argent d'abord, ou si peu, puisque ses parents s'arrangeaient pour qu'elle ne manque de rien d'important. De son goût ensuite pour les lits qui n'étaient pas le sien en propre et du nombre de putains au sexe divers qu'il avait couché ici et ailleurs, parfois à même une table vermoulue.
Détestait-il d'ailleurs sa femme au point de n'aimer presque que les hommes ? La question ne se posait pas, puisqu'elle n'entendait pas ce point. Et bien d'autres choses encore lui échappaient continuellement.

Elle n'était par contre pas ignorante du fait qu'il aimait régenter leur demeure. Du moins de son point de vue. Sa mère se plaignait parfois à mi-mots quand elles étaient seules que son époux lui avait refusé telle ou telle chose. Et ses aquarelles au fur et à mesure du temps devenaient de plus en plus sombres et tristes.
Aux malheurs de sa parente cependant, elle ne répondait jamais rien qu'un sourire vague et compatissant. Père était le maitre chez lui. se mettre en colère contre cet état de fait, comme sa génitrice le faisait fort violemment en face de son épousé ne pourrait rien changer à cet état de fait. Les années le lui avait prouvé. Elle les entendait malgré tout toujours, parfois, quand elle allait chercher un livre. Ils avaient beau s'enfermer pour qu'on ne les perçoive point hurler, leurs voix traversaient le bois. Malgré ces confrontations donc, rien n'avait été modifié dans leur manière de vivre, à part qu'une partie du manoir avait été fermée et des domestiques renvoyés.
Leur vie était merveilleusement confortable, alors pourquoi se plaindre ? Elles n'avaient pas, elles, à sortir tous les matins chercher de l'eau à un puits verglacé. Leurs robes étaient neuves et leur table toujours garnie. On n'avait pas à camoufler de vilains accrocs sur les rideaux des salles que l'on utilisait en mettant des fleurs devant. Aucune n'avait besoin de se prostituer pour survivre. Leur quartier était propre, plaisant. Il faisait bon dans leur demeure à toute heure. Parfois, l'homme de la maison les gâtait et en plus de leur pécule mensuel leur offrait quelques babioles. Tout ce que Père demandait en échange était qu'elles aient la vertu de l'obédience. Était-ce si cher payé ?
Elle savait que parfois son haleine puait quand il rentrait l'embrasser. Qu'il ne marchait pas toujours totalement droit, comme ce soir. Si l'alcool était une explication, une autre était - pour elle - le poids de tout ce que sa charge mettait sur ses épaules. Il devait être éreinté chaque jour que les dieux faisaient. Il était donc normal qu'il cherche à se distraire. Et puis, il ne les avait jamais frappées comme pouvaient le faire de vrais ivrognes, alors qu'il en avait totalement le droit.

De plus si l'on devait faire la liste des vices de chacun des membres de la maisonnée, aucun de ses parents ne remportait la palme de la plus longue. Surtout pas son papa qui avait tant à gérer. D'après elle, elle les battait à plat de couture, malgré l'affection qu'ils lui portaient. Elle était loin d'être l'ange qu'ils voyaient. Déjà, elle était née femme et boitait, même si fort heureusement ils étaient au courant de ces deux points.
Mais si ils apprenaient notamment les sentiments ingrats qui naissaient parfois dans son cœur, ils la haïraient. La jalousie, l’égoïsme et tant d'autres encore étaient loin de lui être inconnus.
Si ils savaient le nombre de conneries - innombrable - qu'elle avait fait et caché avant de décider de devenir une enfant sage, ils seraient sidérés. Le vase préféré de Mère, notamment, n'avait pas été brisé par une servante, mais par elle. Oh, ce n'était pas volontaire, elle avait trébuché et voulu se rattraper à la première chose qui passait. En l’occurrence le pot en question barbouillé par ses doigts dix minutes auparavant afin de le rendre plus beau.
Devant la banshee qu'était devenue sa mère quand elle était rentrée d'une visite chez son médecin, elle n'avait osé avouer sa double faute, terrorisée et était partie se cacher pour ne pas avoir à se justifier.
Une fois aussi elle était entrée dans le bureau du chef de famille. Sur une lettre pleine de chiffres, elle qui apprenait à peine à écrire, elle avait rajouté des 1 et des 3, pour rendre le total des nombres marqués plus harmonieux. Oh elle s'était bien faite sermonnée ensuite et n'était plus beaucoup entrée dans les appartements de ses parents sans leur accord. Juste un peu.
Elle continuait à faire des inepties, malgré les ans, mais différentes.


Mais bref, là tout de suite dans la seconde, si on lui avait demandé quel défaut chez elle elle haïssait le plus, elle aurait répondu sans hésiter son habitude de tout passer sous silence. Par les c... Zut. Crotte. Bique. Fangecredi. A force de lui cacher des choses, voilà que son paternel découvrait la pire d'un point de vue de l'étiquette. Ce qu'il devait penser en la voyant ainsi trainer seule était honteux. Infâme.
Elle se promit, coupable, de répondre à chacune de ses interrogations et d'accepter toute punition qu'il jugerait nécessaire pourvu qu'il ne la renie pas. Car si il ne la songeait plus vertueuse, quel autre choix lui restait-il ? Le couvent ? L'enfermer dans ses quartiers ? Elle devait tellement le décevoir à présent qu'il connaissait une partie de la vérité...

Il se mit à parler d'une voix calme qui la fit frissonner. Père paraissait trop serein et en même temps pas tout à fait sobre, ou trop fatigué. C'était en tout cas le même ton qu'il employait quand il tentait de dialoguer comme deux personnes sensées avec Mère - une fois tous les six ans tout au plus - ou encore dans des salons mondains ou quand ils parlaient normalement ensemble. Cela voulait dire tout et rien à la fois. Par Anür, cela promettait-il une colère froide de son cru ou au contraire rien du tout ? Le fait de ne pas savoir ajouta à son inquiétude.
La pression qu'il exerça vite sur sa chair, trop forte, lui fit craindre la première solution. Il la tira sans attendre de réponse comme on pressait un cheval récalcitrant d'avancer et l'enfant se vit forcée de trotter pour suivre le rythme imposé.
Se mordant la lèvre inférieure, elle tenta l'impossible de sa main libre : garder ses jupes propres en les relevant légèrement tout en ne perdant pas son balluchon et en maintenant son capuchon en place. Autant dire qu'en trottinant, des les premiers pas, elle menaça de lâcher son petit sac, que la vue de sa blonde chevelure fut offerte à tous et que ses jupons furent couverts de fange jusqu'en haut de ses chevilles.
Il voulait discuter avait-il dit ?
Son regard devint humide peu avant qu'il ne lâche son bras.

Toujours plongée dans son silence coupable, elle rentra légèrement la tête dans ses épaules quand il lui pilonna le dessus de sa chevelure de tapes paternelles.
Ce qu'il lui avoua ensuite lui fit ouvrir de grands yeux surpris et sa bouche prit grosso-modo la forme d'un "o" muet. Il... Quoi ? Il savait ? Abasourdie, elle ne répondit point à sa requête tout de suite, se contentant de le fixer de manière absolument idiote le temps que l'information fasse le tour de son cerveau.
Mais... Mais il ne pouvait pas savoir. Ils ne s'étaient jamais vus en ville avant et puis il ne l'avait jamais aperçue rentrer, si ? Il savait. Mais comment ? Pourquoi ? Le fait que la cuisinière ait pu déjà gueuler ne lui vint pas à l'esprit. Ni que les servantes aient pu lui parler des robes anormalement tâchées de sa fille. Et puis que savait-il au juste ?

Elle finit par se rappeler qu'il voulait un lieu où ils pourraient parler, loin des coupes-gorges sans doute. Fixant le sourire de son père, elle hocha la tête et se sentit sourire à son tour de manière très hésitante et intimidée. Sa gorge se serra.
N'osant parler de peur de briser ce songe qui commençait à s'installer, celui où il n'allait pas la pendre par des mots rudes sur place à cause de ses gestes, celui où il paraissait presque tendre et pas tout à fait lui-même, elle se contenta de poser ses doigts sur son bras à lui. Les effluves qu'il dégageait vinrent titiller son nez, mais elle ne dit rien.
Ainsi fait, comme si ils se rendaient à une réception dont eux seuls avaient le secret, elle guida son papa par delà le quartier malodorant.

Très rapidement cependant, sa paume quitta la manche qu'elle avait accaparé et la puinée se contenta de marcher sagement à coté de son géniteur. Frissonnant parfois, surtout lorsqu'elle se mettait à douter à propos de ce qui allait se passer, elle conduisit son paternel d'un pas lent et boiteux vers... Chez eux.
Un peu prise de court elle aussi, elle n'avait pas d'autre idée que rentrer à la maison où ils pourraient dialoguer assez en paix ; mère ne sortirait sans doute pas de ses appartements avant que les dix heures aient sonné.

Finalement, sur la route, se rappelant une fois encore son éducation, toute penaude, la jeune fille murmura à son tour pour briser le silence quelques mots difficiles à prononcer.

" Je suis désolée. "

Elle était navrée en effet. Mais non pas vraiment de lui avoir caché ses balades au final ou de les avoir faites, surtout parce qu'il avait dû les apprendre étrangement. Et parce qu'elle l'avait croisé, le forçant à changer ses plans si il en avait. Oh et pour les conséquences que tout cela aurait.

Si elle était curieuse de la chose qui avait fait quérir sa présence dans la rue morbide où elle l'avait croisé, elle n'osait l'interroger. C'était sans doute son devoir de châtelain qui l'y avait mené. Ou c'était une affaire d'homme qui ne la concernait pas, puisqu'elle n'en serait jamais un.
En jetant un énième coup d’œil à son interlocuteur du jour et remarquant à nouveau sa fatigue, elle rajouta sur une impulsion :

" Allez-vous bien, Père ? "

Il risquait de répondre non par sa faute, mais malgré la situation on ne peut plus gênante, elle s'inquiétait à présent véritablement pour sa santé. Il toussait.

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MessageSujet: Re: Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya   Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya EmptyVen 25 Mar 2016 - 15:24
Quand on est solidement alcoolique, on apprend à fonctionner quasiment normalement dans les pires états, dans la mesure du possible, selon les stocks disponibles. Je ne dis pas que je pourrais faire des calculs compliqué, mais je suis pas encore assez allumé pour me mettre à courir partout, vomir sur ma fille, me mettre à poil et essayer d'escalader un bâtiment - non ce récit n'est pas inspiré d'une anecdote véritable. J'entends les voix qui me disent de faire de la grosse merde, mais j'ai appris à ne pas toujours les écouter. J'essaye de réfléchir comme si j'étais normal, en rajoutant un soupçon d'inhibition, en faisant gaffe à pas parler trop fort. C'est donc avec une logique tordue de bourré qui essaye d'être intellectuellement sobre que je parle à ma Luna. A coté de la plaque, donc.

- Je... je vais bien, la soirée a été longue et... des rendez-vous d'affaire. J'ai hâte d'aller me coucher. Mais je vais bien Pupuce.

J'ai failli dire "et papa se fait vieux", mais je ne veux pas l'inquiéter en lui apprenant que, un jour, les gens vieillissent et meurent. Déjà que moi, y penser ça me met le trouillomètre à zéro, alors bon. Faut être honnête : je suis plus près de la fin que du début. Mais je peux pas dire ça à Luna, je ne peux même pas le mentionner. Elle serait capable de lancer une discussion avec des questions du genre "mais père, votre prostate grosse comme une orange vous fait mal ?" Elle est très forte en questions chiantes. Championne du monde.
D'ailleurs... ah merde j'ai dit "pupuce". C'est interdit ça. Par ma femme. Depuis des années. Pour lui apprendre l'étiquette bien, il faut parler convenablement. Les petits surnoms ça gâte le cerveau des enfants il paraît. Mais elle est assez vieille pour ne pas se mettre à appeler toutes ses connaissances "poto" hein ? Oh allez je m'en fous, je fais des folies, c'est la fin du monde après tout, quand on y pense. Et ça m'a manqué. J'ai déliré à plein tubes sur cette gamine, dès le départ. Comment une conception aussi glauque a pu donner une telle merveille ? Il fallait que j'imagine les pires horreurs, les yeux fermés, pour parvenir à finir. Et sa mère qui persistait à pas tomber enceinte ! Juste pour me faire chier, j'en suis intimement convaincu. Elle devait savoir que notre vie sexuelle allait en prendre un sacré coup dans l'aile dès son office accompli. Mais c'est pas marrant de se rayer le casque là dedans pendant une heure, je te le dis. Fallait au moins un bébé tout mignon pour justifier pareille horreur. Les plus beaux souvenirs que j'emporterai dans la mort, c'est ceux de ses toutes petites mimines avec des ongles minuscules, ses premiers rires, la bouille comique qu'elle faisait quand elle goûtait un nouvel aliment. Tout ça.

Bref j'étais où je disais quoi ? Ca fait un moment que je regarde dans le vide en marchant là non ? Merde. J'embraye sur le monde réel, je cale, je re-embraye, le moteur prend feu et le conducteur se jette par la portière du véhicule en marche. C'est la meilleure métaphore que je puisse faire sur mon intellect là, c'est dire si il est plus très valide.

- Mais pour tes sorties nocturnes je... j'étais au courant. 'ai rien dit à ta mère, hein. Mais c'est... c'est bien de donner aux pauvres, oui. J'ai eu peur quand je t'ai su dehors mais... mais comme c'était pour faire des choses biens...

Je hausse des épaules, geste quelque peu dénué de noblesse, mais j'ai appris les subtilités de l'étiquette sur le tas. Bien sûr les bourgeois ne vivent pas comme des babouins non plus, mais ils singent sans comprendre leurs supérieurs sociaux. C'est après mon mariage que j'ai appris - à grand coup de remarques assassines - l'usage de la fourchette à salade et l'art subtil de tenir à la fois son verre, son petit toast et le programme de l'opéra pendant les réceptions sans tout faire tomber - j'ai encore quelques ratés à ce niveau là, stupide paperasse mondaine. Mais moi je sais gérer de l'argent. Chacun son truc.

- Enfin tu sais... la cuisinière a remarqué que de la nourriture disparaissait, elle est venue me le dire. Et j'étais inquiet, mais, t'es... t'es une gentille fille. Ne le dis pas à ta mère quand même, enfin... attends.

Je me suis immobilisé, j'ai cligné bêtement des yeux pour chasser les mouches que j'avais devant, puis je me suis brutalement écroulé, évanoui.
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MessageSujet: Re: Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya   Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya EmptyMar 29 Mar 2016 - 16:40
Samuel n'était pas vieux. A dire vrai, au regard de sa fille, l'homme n'avait toujours pas de rides. Oh elle les voyait bien, surtout celles de concentration, mais elle ne les comprenait pas comme il se devait. Celle du lion par exemple qui était présente même quand il ne fronçait pas les sourcils ou encore celle d'amertume qui s'étirait quand il ne souriait pas étaient justement trop habituelles pour être qualifiées d'autre chose que "traits du visage de père".
Papa ne vieillissait donc pas dans son esprit enfantin et les menus changements que les ans apportaient à son physique ne lui apportaient que plus de charme à ses yeux. Mais surtout pas d'âge. Il restait son géniteur, toujours le même, roc de la maisonnée et personne à qui elle devait rendre des comptes. Rien ne changeait. Il ne marchait pas plus lentement qu'avant, sa voix n'était pas devenue plus éteinte au fur et à mesure de ses discussions avec Mère. Père était père et le resterait sans doute à jamais.

Mais si il lui semblait normal que pour elle son ainé reste une image figée dans le temps qui ne prendrait jamais de cheveux blancs, elle ne put retenir un début de moue vraiment désespérée quand il l'appela " Pupuce ". Ne voyait-il pas qu'elle avait grandi ? Et pourquoi lui donner le nom d'un des anciens chiens de Mère ? Allait-il la gronder très fort malgré ses dires en lui rappelant le seul rôle qui était le sien ? Elle rabaissa son menton, fixa le sol battu qui défilait sous ses pieds.
Luna se remémora un instant l'un des petits sac à puces que la matrone Montoya avait adopté. L'animal avait fini par prendre la poudre d'escampette à force d'être martyrisé par tous et chacun. Du moins était-ce que la moujingue pensait : un jour il n'avait plus trainé dans ses pattes ou celles des domestiques qui n'en pouvaient plus de le percevoir. Par Serus qu'il était laid... Mère trouvait à l'époque amusant de l'étrangler avec des rubans féminins et de demander aux servantes de le sortir et lui faire prendre des bains. En échange du fait qu'il se laissait faire lorsqu'elle le tyrannisait, elle lui permettait tout, même de faire ses besoins sur les chers tapis familiaux.
Son appellation de base était un truc compliqué à quatre prénoms, mais l'on avait fini par réduire cela en "Pupuce". Ça faisait toujours plus sérieux que de le nommer "Jean Edouard Marquis Edmond " quand on l'engueulait.

A présent, Père balbutiait, paraissant chercher ses mots, comme si les palabres bataillaient sur le bout de sa langue et souhaitaient s'échapper toutes en même temps. Elle lui jeta maintes coups d’œil, son désespoir se muant en tendre sympathie.
Ne pas savoir s'exprimer était clairement un souci de famille, même si le contexte était différent. Les effluves qui s'échappaient de son paternel n'avaient pas la même odeur que son haleine. Enfin... Il n'avait clairement pas le ton argentin qu'il usitait en journée.
Lorsqu'il lui avoua l'avoir démasquée depuis bien longtemps, l'héritière Montoya rentra à nouveau un peu la tête dans ses épaules, se comportant telle une enfant que l'on sermonne. Son conseil cependant la surprit. Ne pas le dire à Mère. La croyait-il assez folle pour lui avouer ses pêchés à sa maman ? Celle-ci pousserait de grands cris éhontés et... Zut. Oh par tous les dieux.

... Le regard de la gosse s’agrandit de surprise tandis que Samuel s'effondrait sans manière dans la rue. Sa bouche s’entrouvrit en un "O" muet et elle resta immobile et silencieuse, le temps de deux, voir trois battements de cœur. Il ne se relevait pas.
Par les... La volonté d'Anur ! Papa venait de tomber comme... Comme une fillette. Oui. Non. Et il ne faisait pas mine de se remettre debout. Les hommes étaient forts et ne s'évanouissaient pas pour un rien. Il... Elle... Zut. L'angoisse qui la saisit la rendit dingue. Son paternel était au sol, plus pâle encore que la lune qui s'effaçait.
Incapable de décider que faire, affolée à l'idée que son géniteur était peut-être mort, foudroyé par on ne sait quoi, elle tourna la tête à gauche, à droite, cherchant de l'aide.
Au fond de sa gorge, les cris qu'elle aurait voulu pousser se tenaient silencieux. Elle releva légèrement à nouveau son visage et ses jupes qu'elle avait laissé choir, soudainement décidée à aller chercher un barbier puisque personne ne se présentait dans le coin et que cela devenait urgent, mais fit demi-tour à peine deux pas faits.
Non. Elle ne pouvait pas abandonner Père. Et si cela devenait pire en son absence ? Oh par Anür qu'elle se sentait mal aussi à présent. Et puis si il se réveillait alors qu'elle n'était pas là, que dirait-il ?

Ses doigts se mirent à trembler. Que faire ? Toute couleur avait disparu de leurs deux faciès, mais elle ne se préoccupa pas du sien. La vision de son paternel s'étalant au sol se superposa avec la réalité. Elle fit encore deux allers -retours vers son ainé et vers une rue qui devait la mener loin. Potentiellement vers un soigneur, même si elle n'était plus sûre des adresses possibles de ceux-ci là tout de suite maintenant.

Abandonnant son balluchon, d'un pas plus que fébrile et boiteux, la gamine s'approcha finalement une dernière fois de l'homme et s'agenouilla tant bien que mal à son coté.
Le voir alors respirer enleva un poids monstrueux de sa poitrine et elle ferma brièvement les yeux de soulagement. Il fallait qu'elle se calme. Père n'était pas mort. Il était sans doute juste... Juste malade comme Mère parfois. Mais et si c'était grave ? Et si... ?
Sa paume frémissante vint se poser de manière chaotique sur la joue rugueuse. Il n'était pas brulant non plus. Elle s’exhorta à reprendre ses esprits et réussit à prononcer un simple mot, trop bas pour être entendu par qui que ce soit.

" Pa...Père. "

L'enfant sage à l'idée que le mythe qu'elle avait développé à propos de son père puisse se révéler faux avait laissé place à celle perdue. La même qui ne comprenait pas antan pourquoi les convenances l'empêchaient de se jeter au cou des gens dont elle appréciait la compagnie. Un "papa" faillit se glisser hors de ses lèvres, vite cependant oublié et remplacé par habitude par un "père".
Si on lui avait demandé à cet instant précis si les astres avaient arrêté leur route parce que son géniteur avait fait un malaise, lui d'habitude si fier et si droit, elle aurait peut-être répondu oui.

" Réveillez-vous, Père. "

Murmura-t-elle encore, toujours bien angoissée. Ses doigts continuèrent à cheminer sur la peau de son ainé, caressant à présent son front comme si il était un animal craintif qu'elle tentait de rassurer. Il fallait qu'il se relève. Tant pis si ils reportaient leur discussion, mais il fallait qu'il se redresse, pour rentrer à la maison. Là, elle ferait venir un guérisseur et qu'importe si cela devait trahir sa sortie précédente. Ils ne pouvaient pas rester là. Il n'y avait personne pour les aider.

" S'il vous plait. "

Plus il tardait à reprendre connaissance et plus elle retombait dans les méandres de la peur. Ses yeux finirent par se remplir de quelques larmes.
Père ne devait pas être malade. Il n'en n'avait pas le droit.
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MessageSujet: Re: Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya   Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya EmptySam 16 Avr 2016 - 15:05
Je me trouve dans le pays merveilleux où on va quand le cerveau rend les armes. Je suis sûr d'être assez bourré pour entendre les couleurs et voir les sons, là. J'crois que tout l'alcool que je gardais en stock quelque part m'est brutalement monté à la tête, c'est pour ça que j'ai décroché les wagons. En dépit des interpellations de ma fille, je persiste à rester évanoui de longues minutes. Et pourquoi cet élan de faiblesse soudain ? ... et pourquoi pas ? A mon âge, avec tout ce que je bois, l'étonnant c'est que ça ne me soit pas arrivé avant. Je crois que c'était... oui, il n'y a pas si longtemps. Deux ou trois ans. Je me levai avec une forte gueule de bois, je suis allé m'occuper des animaux comme tous les jours et... et j'ai compris. J'ai compris que j'étais horriblement vieux.

Les besoins de mon corps, je les gère avec des chèques en bois. J'ai noyé toutes les petites douleurs de la cinquantaine dans une piscine de whisky. J'ai un rythme de vie que je peux tout bêtement pas tenir. Je vais mourir bientôt.
Et je ne te raconte pas ça pour faire pleurer dans les chaumières, mais pour Luna. C'est à Luna que je pense. Je vais mourir, et elle va finir comme une indigente chez un lointain cousin de ma femme qui s'en occupera mal. Promis, promis, promis, si les Trois me laissent me réveiller cette fois ci, j'arrête de procrastiner et je marie ma fille. Même si c'est pas à l'homme parfait de sa vie. Mieux vaut ça qu'être seule. J'aurais aimé que son mariage soit un poil plus sous le signe de l'affection mutuelle que le mien, mais mon problème c'est de vivre dans un monde imaginaire, comme un gosse. Quand on s'écroule ivre mort en pleine rue, pendant l'apocalypse, on peut clairement pas se payer le luxe de rêver.

A travers le voile noir de l'inconscience, je sens des mains qui essayent de me déplacer. Je comprends que la sensation de perdition physique que je ressens vient du fait que mes pieds soient plus haut que ma tête. Jusqu'aux hanches, je suis sur le trottoir, mais la partie supérieure de mon corps se trouve dans le caniveau. J'ai la joue posée sur la saleté de la route. Par ce bref contact avec la réalité, je prends soudain conscience que j'ai horriblement mal. Dans le bassin, à la tête et dans la poitrine. Mon coeur bat fort et mal, comme un oiseau bourré en train de se cogner contre les parois de sa cage. Et y a quelque chose qui me gêne, qui me gêne beaucoup. Je sais pas ce que c'est, mais c'est effroyable, j'arrive plus à respirer, je...
J'entends un homme crier quelque chose avec panique, mais je ne comprends pas ce qu'il dit. Des mains masculines - fais moi confiance pour savoir la différence - me saisissent brutalement pour me tourner sur le coté, même si ça fait mal. Des gros doigts sales me forcent à ouvrir la bouche, j'essaye de mordre l'intrus mais j'ai pas assez de contrôle pour y arriver. Et avant de pouvoir faire quoique ce soit d'autre, je vomis abondamment. La violente odeur d'alcool et de bile me prend totalement le nez, mes sinus hurlent de douleur à cause de l'acidité. Quelque chose en moi proteste de ce gâchis imbécile de drogue. Mais je respire à nouveau. J'ai failli mourir noyé dans mon vomi juste devant ma fille. Bravo Sam. Du coup je perds connaissance à nouveau.

**
*

Je me réveille... quelque part. Pas dans ma chambre. Le plafond de ma chambre ne jaunit pas, lui, et mes draps ne me grattent pas le cul, parce qu'il sont pas hors d'âge et trop lavés. D'ailleurs à tous les coups il est bourré à la paille, ce matelas. Et les meubles ! Par les Trois ! Qu'ils sont vilains. Qu'est ce que je fais ici ? Une rapide inspection m'apprend que j'ai encore toutes mes possessions matérielles sur moi - de toute façon, quand je pars en errance bourré pour soulager mes mauvais instincts, j'embarque pas des bijoux en or et toutes mes lettres de change. Bon, visiblement on ne me veut pas de mal.
Quelqu'un m'a nettoyé le visage. Je jette un regard méfiant à la petite fenêtre sur la droite. C'est le matin, le soleil a presque fini de se lever. Soit j'ai perdu connaissance une journée entière, soit deux heures. En tous cas faut que je me lève. J'ai rien à foutre là. Et où est Luna ? J'entends des voix à travers le mur. Peut être qu'elle est là.

L'homme a mis des millions d'années à se mettre debout, je vois pas pourquoi j'irais plus vite. J'ai la tête qui tourne. Je suis encore solidement bourré, et j'ai mal partout. Je m'appuie sur le mur, l'effort et la douleur me donnent envie de vomir. J'ai l'impression que mes jambes fines comme des allumettes vont se péter en plein milieu, elles tremblent comme un échafaudage branlant pris en pleine tempête. C'est surtout le mal de crâne qui me tue. On s'habitude à ces effets secondaires là, mais je vois pas comment je pourrais oublier complètement l'impression que mes dents vont se décrocher de ma bouche et qu'un petit lutin de l'ivrognerie m'a tapissé la langue avec ce qui ressemble à de la merde d'oiseau. Mais finalement ben... ça va. Je suis debout. Je veux rentrer chez moi maintenant. Je n'ai rien à faire là.

- Luna ?

J'essaye de retrouver une contenance. J'écarte mes cheveux de mes yeux, je remets mes fringues comme il faut. Qui sont les pécores qui m'ont embarqué comme ça ? Pourquoi on a pas envoyé des gens me ramener chez moi ?
Je suis encore assez solidement bourré pour ignorer la honte ou la reconnaissance.

Je sors d'un pas décidé. Je tombe sur une pièce à vivre. Elle est miteuse, mais très propre, comme la chambre. On a visiblement pris grand soin du peu qu'on avait, ici. Luna est en train de prendre le thé avec une femme et homme d'un certain âge. Je fronce les sourcils. Je sais pas où je suis, je sais pas qui sont ces gens, j'ai peu de souvenirs disponibles de ma soirée, on peut même carrément dire que je tourne avec des facultés cognitives dans les fraises, mais je suis sûr d'une chose : on va pas me faire chier.

- Qui êtes vous ?

Dis je en fixant l'assemblée avec l'oeil méfiant et injecté de sang de l'ivrogne sur le point de faire de la merde.
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Luna Montoya



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MessageSujet: Re: Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya   Tout se sait, mais rien ne se dit. ~ PV Samuel Montoya EmptyMer 20 Avr 2016 - 15:53
... Le transport du corps avait été chaotique. Après avoir fait vomir de force son père, son sauveur - qu'elle avait rapidement reconnu comme l'un de ses protégés - avait tenté de le soulever seul, mais c'était que la charge pesait son poids tout de même. Alors, suite à quelques pas avec son lourd paquet sur l'épaule, le héro de ces dames avait dû reposer la chose pour ne pas tomber et ne pas se retrouver dans une situation embarrassante à son tour.
Luna, elle, était presque aussi pâle de base que la cire d'une bougie et voir de gros doigts s'enfoncer sans chaleur dans la gorge de son paternel n'avait pas arrangé la chose. Elle s'était demandée un instant aussi si elle n'allait pas vomir. Heureusement, le concours de gerbe ne se transforma pas en activité familiale et elle réussit - quoique difficilement - à retenir ses haut-le-cœur.
La victime du trio, lui, avait paru vouloir se rebeller sous la torture de cette pression dans son gosier et avait eu des gestes qui s'apparentaient à ceux d'un chien fou qui tente d'expulser un bout de bois avalé par erreur. Puis plus rien, une fois la bile dégueulasse rependue en plusieurs secousses sous sa joue. Il était redevenu inerte, à l'instar d'une poupée de chiffon ; un cadavre qui ne déambulait pas.
Il n'avait donc pas réagi quand la main secourable avait proposé de le mener dans sa demeure. L'enfant avait hoché la tête, incapable de causer et toujours terrorisée à l'idée que son papa ne se relève jamais et ce malgré son souffle aux effluves puantes. Sa maison à lui devait être plus proche que la leur. Et puis Mère ferait un scandale si elle les voyait rentrer ainsi.

La cadette avait suivi le bonhomme d'un pas inattentif dès qu'ils étaient partis, oubliant derrière elle son balluchon. Et à présent qu'on s'était arrêté une première fois et qu'on lui avait assuré que son père allait s'en remettre, elle n'en menait pas bien large et ne savait plus que faire de sa tourmente qui refusait de la quitter. Il était son géniteur, tout de même, zut. Il était normal de s'inquiéter pour lui, surtout quand il lui semblait que sa conscience s'était faite la malle depuis une bien bien trop longue éternité.

Leur miracle aka leur soigneur temporaire après une hésitation proposa qu'elle prenne cette fois les pieds de son ainé, tandis qu'il se chargerait de sa tête et s'assurerait qu'elle ne valdingue pas partout. Elle obéit, presque automatiquement, chercha à se saisir donc des extrémités chaussées... Qui retombèrent deux pas plus tard.
Ce résultat n'était pas tant la conséquence de son manque de dextérité réellement. Elle avait beau sentir ses doigts être engourdis de froid et de cette fatigue que l'idée de la mort amène toujours, elle aurait pu tenir, peut-être si il n'y avait eu que cela. Mais c'était plutôt parce que une fois encore la charge était trop conséquente pour ses bras trop fins et jamais assez musclés. Et puis aussi parce qu'elle était toujours troublée et que ces fichues larmes discrètes et silencieuses ne voulaient pas s'arrêter de la rendre à moitié davantage aveugle.
Bref, ils se trouvaient à une impasse. Que faire ?

Il fut décidé, après que le chevalier servant eu rassuré encore la petite noble et déposé son paquetage vivant assez confortablement, qu'il allait aller chercher de l'aide parmi ses voisins. Des armoires à glace, hautes et fortes, capables de soulever Samuel en le portant sur leur petit doigt tout en buvant du thé dit-il. Laisser la jeune fille seule avec un corps inanimé n'était pas pour lui plaire, mais il n'avait guère le choix : elle refusait de quitter son inactif père et cela aurait été comme tenter de courir après sa propre queue si l'on en avait une que de la faire changer d'avis.
Bien sûr, il aurait aussi pu charger la jouvencelle là où son géniteur se trouvait avant et déguerpir pour la mettre en sécurité au passage. Mais le respect pour ses habitudes à elle et sa bouille pleine de larmes dignes le retinrent plus formidablement que tout le reste. Les pleurs, c'est toujours chiant à gérer.

Il partit donc, d'un pas pressé, laissant derrière lui la petite famille en morceaux. Les ténèbres qui ne s'étiolaient pas encore assez eurent tôt fait de l'engloutir en leur sein noir, laissant une Luna un peu désespérée et qui avait la trouille de songer qu'on l'avait encore abandonnée.

Puis finalement, il revint. Elle aurait eu le temps de mourir cent fois de peur pour son papa si les étoiles n'avaient pas veillé sur elle et un soupir de soulagement lui vint aux lèvres quand elle vit qu'il était accompagné de deux silhouettes aussi énormes que des géants. Eux eurent tôt fait de trimballer le noble trop bourré d'un pas leste. A dire vrai un seul suffit et la damoiselle fut quelque peu rassurée. Père allait être soigné et au chaud.
Le porteur chargea Samuel sur son épaule comme si il n'était qu'un peu de paille et avança gaiement, la tête de son chargement ballotant à chaque pas trop grand. Le quatuor s'enfonça adonc dans les ruelles sans plus se retourner ou perdre ce qu'il devait veiller.

On finit par arriver après une marche laborieuse devant une bicoque sans intérêt de plusieurs étages, aux murs sentant aussi mauvais que l'haleine du saoulé. Les individus de sexe masculin qui s'étaient tenus assez silencieux durant le trajet, n'osant s'imposer à cause de la détresse toujours visible de la fille de bonne famille qui les accompagnaient, menèrent leurs deux invités à un petit appartement sans prétention après avoir grimpé deux escaliers.
Ce fut dans l'unique lit que fut déposé le châtelain qui répondit au contact des draps par un grognement. On enjoignit la donzelle à sortir en même temps que l'escorte, pendant qu'une femme au visage marqué par les ans entrait en tenant un broc d'eau qu'elle tendit à son épousé dans le but évident de faire la toilette au malade.
Percevoir la dame de son protégé - une accoucheuse - eut tôt fait de faire obéir Luna qui s'estima heureuse de savoir son papa en de si bonnes mains et elle se laissa guider à la cuisine où elle n'oublia pas de remercier les deux hommes qui profitèrent de l'occasion pour s'éclipser loin de son regard rougi par les larmes.

Alors, elle resta seule. Droite, le temps que la maîtresse de maison daigne revenir, elle se fit encore silencieuse, remontant en pensées les épisodes de la soirée telle une boite à musique et séchant ses pleurs.
Lorsque Marie la rejoignit, elle la trouva avec son sourire habituel, celui tout délicat qui ne voulait rien dire. Seul le bout rougi de son nez, sa pâleur, le frémissement qui agitait parfois les lignes de ses lèvres et la couleur de ses pupilles prouvaient qu'elle avait subi quelque choc cette nuit. L'enfant avait eu plus que le temps de déplier les froissements de sa tenue, de se recomposer son masque et de mettre ses mèches folles en place.

Elles discutèrent, de tout, de rien, comme si elles ne s'étaient guère vues quelques heures auparavant quand Luna lui avait porté à manger. Elles parlèrent du travail de Pierre - serveur - qui l'avait forcé comme tous les soirs à rentrer tard et l'avait mis sur leur route. L'ainée rassura la puinée en appuyant sur le fait que son papa allait s'en sortir sans encombre. Avec juste une énorme gueule de bois, promit-elle, même si elle n'était pas experte en ce genre de diagnostic. Elles débattirent du temps qu'il ferait demain, puis après demain. Des enfants que Marie avait fait naitre dernièrement. De ceux à venir. Des maladies.
Finalement, quand le dit Pierre pénétra à son tour dans la pièce, l'on lui permit de courir voir son père récuré presque autant qu'un sou neuf. Du moins pour les endroits lavables sans le déshabiller.

Elle le veilla, dix minutes seulement, mais profita de ce laps de temps pour le dévorer du regard. A présent, l'on aurait dit qu'il dormait, simplement, ce qu'il faisait d'après ses sauveurs. Dans la position où on l'avait installé, il avait en tout cas davantage forme humaine qu'auparavant.
Elle avait moins peur pour lui encore en le percevant respirer, là. Il ne mourait pas dans le caniveau et pas du tout en fait. Les grognements qu'il lâchait parfois ressemblaient à présent à des ronflements rassurants et non à des râles d'agonie.
Avec un tout petit peu de tendresse, elle déposa finalement sur le front paternel un baiser aussi furtif qu'une caresse puis se redressa pour suivre son hôtesse qui lui faisait signe de sortir.
Il ne fallait pas réveiller le malade en faisant trop de bruits.

...

L'arrivée du soigné dans la cuisine en mode furibond alors que le couple buvait un thé rare en leur foyer avec leur invitée la fit sursauter. Elle manqua de renverser sa chope en se levant sous l'aboiement.
Un air empli d'espoir remplaça cependant rapidement sa surprise quand elle le mira et elle répondit doucement en posant d'autres questions.

" Père. Vous portez-vous mieux ? "

L'enfant s'approcha d'un pas éreinté mais assuré, s'arrêta devant son ainé telle une petite fille trop sage. Ses mains jointes sur le devant de ses jupes, elle fronça les sourcils en découvrant certains des détails de sa " gueule du matin carabinée n'ayant toujours pas eu son petit déjeuner ".
Ce n'était pas comme si elle avait le plaisir de le voir ainsi tous les jours, mais l'expérience ne lui complaisait vraiment pas. C'était qu'il paraissait si fatigué, son papa que cela l'inquiétait à nouveau. Ses affaires étaient encore peu froissées, sa chevelure pas totalement en ordre et ses traits... Ses traits étaient trop tirés. Quant à la lueur dans son regard, elle ne signalait rien de bon.

" Avez-vous mal quelque part encore ? "

Fit l'apprentie infirmière en tentant de prendre son bras pour le mener à la table où des boissons attendaient. Un grand quignon de pain noir y trainait, à peine commencé.

" Laissez-moi vous... Vous présenter à messire Pierre et son épousée. Ils se sont chargés de veiller sur vous quand je ne savais que faire. "

Elle lui mit son propre thé entre les mains comme pour cacher sa culpabilité, sans attendre de réponse ou que Marie en fasse un nouveau pour le ronchon qu'il était.

" Je vous en prie, nourrissez-vous un peu seigneur. "

Ajouta derrière la femme des lieux en s'approchant du frugal aliment posé sur la table pour le couper. L'homme pendant ce temps avait offert un salut malhabile à Samuel et n'avait pas l'air de trop savoir ce qu'il fallait faire.

Il serait toujours tant de s'inquiéter des conséquences de leur arrivée à la maison tardivement. Pour le moment, elle voulait juste être sûre qu'il se portait bien et ne mentait pas. Pas comme dans la nuit quoi.
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