Tisser des liens ne tient qu'à un fil [Aelys & Callista]

Callista savait trouver les mots qu'il fallait, encore que l'idée de périr dans à peine une demi-année ne soit pas pour rassurer la jeune femme à ses côtés qui, à cette mention, se sentit frappée d'amertume et d'inquiétude. Aelys se considérait encore comme trop jeune pour perdre la vie et elle espérait au contraire pouvoir vivre de longues et belles années, prendre mari et fonder un foyer, en plus de développer son commerce de confection. Certes, pour une jeune fille, c'était là encore quelques rêves assez développés, mais ils demeuraient accessibles et réalisables, aussi refusait-elle l'idée de mourir avant d'avoir accompli cette destinée qu'elle espérait. Préférant se concentrer sur la fin de la tirade concernant le fait qu'il faille continuer à vivre en attendant son heure, elle tira son nécessaire à couture et réfléchit brièvement à ce qu'elle devait utiliser, continuant d'écouter sa cliente en acquiesçant à ses propos.

- Je puis sans difficulté vous exposer les détails de mon art, cependant j'ignore si j'en serais capable pendant que j'opèrerais ici sur cette noble défunte.

Car bien que sa pâleur ait partiellement reflué, elle demeurait encore secouée et essayait par tous les moyens de ne plus réfléchir à ce qu'elle s'apprêtait à faire. Repoussant quelque peu l'échéance, elle commença par prendre les mesures pour le linceul et les nota sur un petit carnet destiné à cet effet, rangeant le tout pour choisir une aiguille à la fois fine et solide dont elle testa entre ses doigts la résistance. Énumérant mentalement les fils à sa disposition, elle choisit un couleur blanc cassé et inspira profondément pour juguler au mieux son angoisse et son appréhension. Sa voix, au timbre blanc, s'éleva doucement entre elles deux.

- Je gage qu'elle sera maquillée ensuite par vos soins, aussi je pense que cette teinte conviendra pour tout arrangement que vous jugerez nécessaire par la suite.

Elle chercha du regard une représentation de la Trinité qui pourrait se trouver dans le tombeau, puis ferma brièvement les yeux pour ravaler un sanglot de peur, implorant mentalement les Trois de lui pardonner et de lui donner la force de mener à bien cette tâche. Passant le fil dans le chas de l'aiguille et le doublant pour plus de solidité, elle prit une nouvelle et profonde aspiration avant d'approcher ses mains tremblantes du cou du cadavre.

- Elle est si froide.

Souffla dans un gémissement craintif la couturière, dont les yeux s'embuaient déjà de larmes malgré tous ses efforts. Elle toucha du bout des doigts les bords de l'immonde plaie, puis en grimaçant entreprit de les rapprocher, essayant tant bien que mal de faire abstraction du bruit humide que cela produisait. Une fois le tout à peu près accolé, elle pria encore une fois les Trois, puis piqua la peau près du bord de la plaie, commençant son ouvrage avec une lenteur contrôlée.