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 Servir et protéger [pv. Valériane]

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Nicole BoutefeuMilicienne
Nicole Boutefeu



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MessageSujet: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptySam 30 Avr 2016 - 15:02


Servir et protéger

with Valériane



Le ciel crache une pluie fine et glacée, de celles qui vous rongent les os et vous font trembler les mains avec la violence d’un vieux sur le déclin. Nicole se tient là, à l’angle, reniflant piteusement en attendant la venue de Martin pour l’entrainement. Elle a tassé la paille de sa couche, nettoyé ses armes ainsi que son armure, faisant même briller sa côte de maille qu’elle a enfilé pour le principe. Aujourd’hui, elle doit apprendre à manier son épée courte avec sa dextérité habituelle. Nicole n’est quand même pas inconsciente au point de croire qu’elle s’arrachera une victoire – Martin est plus fort et connait bien mieux les passes d’armes qu’elle ne le pourra jamais. Mais la perspective d’apprendre, même en tombant, et de gérer le poids de son attirail sans trop d’essoufflement parvient à lui mettre du baume au cœur. Depuis quelques semaines, elle a pris du muscle et sa silhouette fine se dessine étrangement plus femme, Rikni en soit louée.

D’aucun ne pourrait dire qu’elle ne met pas le cœur à l’ouvrage et pourtant, ils sont nombreux ici à ne voir en elle qu’un vague trou à remplir entre ses cuisses scellées. Ils l’appellent la putain, ou la vierge effarouchée c’est selon. Quand ils ne la tabassent pas, ce sont leurs doigts qui fouillent et pincent. Plus d’une fois elle a manqué de tomber dans des traquenards ignobles que leurs supérieurs ne souhaitent pas réguler. Pire, certains participent même, jouant de leur hiérarchie pour faire céder la fille – car après tout, elle n’est pas la seule.

Mais depuis que Martin l’a pris sous son aile, ces agressions ont diminué de moitié et, consciente des choses, elle parvient même à éviter les risques inutiles. Les cuisses sanglées dans un pantalon de cuir, en uniforme et la poitrine collée à une chemise de coton, elle se protège comme elle peut de la pluie sous un auvent, cherchant Martin des yeux. L’homme est bon avec elle, du genre paternaliste et c’est bien tout ce qui lui manquait ici : retrouver le souvenir d’Edrick pour continuer de la motiver. Il y a bien sûr Dinah, qu’elle peut parfois observer dans son temps libre, à rôder près des quartiers nobles où elle l’a envoyé. La petite participe aux courses et si ses mains se tordent aux paniers trop chargés, elle la voit vivre, en sécurité. Cela lui suffit amplement.

Et cela l’aide aussi à passer les portes pour foncer protéger les ravitaillements, dehors. Là où les fangeux prospèrent.

Elle chasse une goutte d’eau perlant à son nez. Évite le regard d’une garnison en marche qui rentre justement de service. Le cliquetis des armes et des pas sur la boue l’hypnotisent un instant.

Puis elle entend le cri.

C’est un appel de femme. Ça vient de derrière, dans une autre ruelle formée par le rassemblement des garnisons et de leurs maisons improvisées. D’un angle noir qu’elle connait bien pour l’avoir facilement repéré. Nicole se tient droite, le souffle court, à hésiter. Quand le second cri, plus tragique, en vient à la décider.

C’est sans courir qu’elle s’y dirige. La main sur le pommeau de son arme, l’autre passant sur sa hanche pour effleurer du bout des doigts son bouclier. Elle déglutit avec difficulté mais ne blêmit pas pour autant. Avoir la gueule d’un fangeur à dix centimètres de son pif aide à relativiser certaines choses depuis quelques mois. Ce n’est pas deux soldats qui vont l’impressionner.

Quatre par contre, c’est autre chose.

Ils sont rassemblés autour d’un corps dénudé qu’elle ne voit qu’à moitié et quand elle se place au milieu de la ruelle, l’un défait déjà son pantalon. Les paroles abruptes sont incomprises par son cerveau, qui se concentre uniquement sur les armes et la carrure de ceux qu’elle va devoir affronter.

Affronter ?

Eh bien oui, elle n’est pas ici pour regarder, ou fuir après son avancée. Nicole va seulement sans doute le regretter. Sauf que la fille est blonde, à peu près du même âge qu’elle. Juste un visage de la milice qu’elle a sans doute déjà croisé. Elle ne connait pas le nom de cette étrangère mais ici, elle est volontaire pour servir et protéger.

Justement.

« Hey ! » Le cri rauque est un pet de souris. Ils ne se retournent même pas, l’obligent donc à gueuler. « Mordiable, retournez-vous ! A quatre sur une donzelle que voilà une belle bande de boursemolles ! »

On comprend finalement d’où vient la voix et relâchant son affaire, le déshabillé affronte du regard la morveuse qui les interpelle. La bouche un peu béante bave finalement un éclat de rire, après quelques secondes de malaise.

« V’là autre chose ! La puterelle est rejointe par sa consoeur ! Viens donc par-là ma jolie ! Que tu assumes l’ouvrage que la milice t’a commandé en t’amenant parmi nous ! » Il n’y a parmi eux ni coutiliers ni grand ponte. Juste le profil d’un baronnet de pacotille, déstitué de ses biens et tâchant sans doute de retrouver son honneur. Hélas pour lui, il ne se trouve pas entre les cuisses de cette demoiselle qui rampe à l’exact opposé avant de se faire immobiliser d’une main ferme par un autre des quatre gars qui n’a pas perdu son idée de vue.

Nicole dégaine aussitôt son Ensir, pour donner poids à ses mots.

« Je me suis engagée pour expier la truandaille de ses pêchés et j’vais m’faire un plaisir de commencer par vous autres. » Qu’elle crache, les pieds écartés, les genoux à demi-fléchis, pour assurer sa position.

« Chopons cette ribaude, elle y passe en premier. » Répond aussitôt le meneur, le regard luisant sous ses cheveux tondus.

Ca va faire mal.





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Valériane BarrowmerCoutilier
Valériane Barrowmer



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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyMer 4 Mai 2016 - 19:50
Maussade, ce fichu temps, pour changer. Et pourtant, la saison était aux floraisons, aux épanchements amoureux, aux parades séductrices, au réchauffement des terres et de l’air. Mais par un caprice des Dieux, voilà que la coutilière rentrait faire son rapport en ville, accompagnée par un crachin mou et vicieux, s’infiltrant partout où il le pouvait, provoquant de très, très désagréables frissons.

Un échec de plus. J’en ai vraiment marre. Comme si une ou deux unités envoyées comme un seau de merde par la fenêtre dans les marais pouvaient, juste parce qu’ils le voulaient, débusquer de nouvelles terres exploitables, un village dont, depuis le temps, on aurait oublié l’existence, et qui résisterait encore à l’envahisseur. Quand on voit ce que ces saletés sont capables de faire seules, c’est déjà un beau miracle que Lods tienne encore debout. Foutu village.

Et cette pluie, elle compte s’arrêter avant que j’me transforme en glaçon, ou bien ? En plus, évidemment, je me coltine le rapport seule. Parce que ces messieurs ont mieux à faire. Bourrer de la demoiselle, par exemple, et lâcher leur solde dans les quelques maigrelettes forcées de tapiner qui voudront bien d’eux. ‘Me demande comment elles font…

Mais puisqu’une journée de merde ne se termine que lorsque la suivante commence, il a fallu que cela continue, même une fois entrée dans l’enceinte du quartier milicien. Comme si à l’extérieur, y’avait pas déjà assez d’emmerdes comme ça.

C’est le cri d’une femme, suivi par une cavalcade effrayée qui m’alerta. Je passe souvent devant cette ruelle. A chaque fois que je viens ici, à vrai dire. Il ne s’y passe jamais grand chose, et de toute façon, ici, mieux vaut garder la tête basse et avancer comme si le monde n’existait pas. Croiser le regard d’un des animaux qui travaille ici, c’est pire que de courir nue dans la ville en appelant au dépucelage. J’en entends pas mal râler que le Goulot et la Hanse, c’est horrible à gérer, qu’on ramasse plus de cadavres que de pièces quand on touche son solde, que les gens respectent rien, que les grouillots nous chient limite dessus… Ben mon cochon, quand t’es milicienne, tu donnerais ton royaume pour y passer tes journées et éviter la caserne.

Bref. J’étais à l’opposé de l’action, en fait. Je plissai les yeux pour mieux discerner les silhouettes qui évoluaient dans le coupe-gorge humide, me demandant ce qui pouvait bien foutre un pareil remue-ménage. D’ordinaire, je laisserais faire. Ce genre de choses me donne envie de vomir, mais j’y peux pas grand chose. Mon ennemi, c’est la Fange. Si je commence à me faire des ennemis au sein même de la cité, je ne m’en sors plus - en soi, le simple fait d’être une femme soldat vous met la moitié de la ville à dos, mais passons - et j’ai besoin de toute ma concentration. Ca fait des mois que j’ai compris qu’il est inutile de raisonner ces types. L’arrivée du fléau aux portes de Marbrume a réveillé les pires instincts humains. Il est plus courant d’entendre parler de meurtre et de viol que de mariage ou de naissance heureuse. On vit tous dans un gigantesque cloaque. Tout ce qu’on peut faire, c’est s’y battre pour tenter de patauger dans la décadence le plus longtemps possible.

Là en revanche, une consoeur était impliquée. Si le sort de la pécore m’importait peu, celui d’une femme qui devait vivre exactement les mêmes tourments que moi, là par contre… Je ressentis un désagréable écho, un mélange de répulsion, de colère, et d’empathie à l’égard de cette femme. Les quatre tordus qui avaient décidé de vider leurs bourses dans la ruelle avaient visiblement décidé que tous ceux qui pénétraient là dedans passeraient à la casserole. Et moralement, je pouvais pas laisser faire une chose pareille.

En effet, Valériane entra dans le coupe-gorge d’un pas décidé, ensis en main, bien décidé à épauler cette jeune femme qu’elle ne connaissait ni de Rikni, ni d’Anür, mais peu importait à cet instant. Ce qu’elle voyait surtout, c’était ces quatre types, dont aucun ne semblait gradé, jouer aux durs - dans tous les sens du terme apparemment. Elle n’était pas grande, pas bien grosse, mais d’une, on l’avait promue suite à la reconnaissance de ses compétences, et de deux, ces types là n’était pas un quart des hommes qu’elle avait pu connaître avant son enrôlement. Même après, se dit-elle en repensant à la première escouade dont elle avait fait partie. Un bref ricanement intérieur la saisit. Elle avait particulièrement apprécié le feu de joie alimenté par le cadavre du coutilier Embaum après l’opération Labret.

Je saisis la main qui elle-même immobilisait la jeune femme, trempée et couverte de crasse, effrayée à en mourir, suppliant les cieux de l’épargner ou au moins, de rendre son tourment aussi rapide que possible. Une vague de pitié lorsque mes yeux plongèrent dans les siens. Je la repoussai immédiatement. C’était un sentiment de faiblard. Et je n’étais pas là pour elle, mais pour la milicienne, à l’autre bout de la ruelle, qui allait pas tarder à prier ses dieux aussi.

«Lâche. C’est un ordre.»


Le pouvoir est quelque chose dont je me fiche. Totalement. Mais peu de plaisirs sont aussi simples et jouissifs que le regard d’un soldat méprisant, hautain, dégoûté même, qui se décompose et pâlit à l’extrême en reconnaissant les galons propres à votre condition. Rien que ça suffit à légèrement rehausser l’estime que je portais à cette journée maudite.

Serrant sa main à lui en faire craquer les os, et ne lâchant que lorsqu’un léger grognement de douleur vint me confirmer sa douleur, je lui allongeai un vers de la main droite, gantée, qui claqua sèchement contre les murs de l’étroite passe, attirant au passage l’attention de ceux postés plus loin. Deux seulement se retournèrent, l’autre était nettement plus loin, et surtout plus concentré sur sa proie que ses suivants. Tant pis, c’était déjà bien.

J’abaissai mon bouclier devant moi, bien décidée, à défaut d’en découdre, à leur montrer que je n’étais pas là pour plaisanter. Je conseillai vivement, à voix basse, à la pécore de se tirer d’ici vite fait bien fait. Elle ne le se fit pas dire deux fois, et fonça hors du goulot, en quête d’un endroit plus tranquille. Et probablement d’une bonne dose d’alcool.

Un rictus mauvais ornait mes lèvres, tandis que mon attention se reportait sur les deux porcs que j’avais apostrophé, et je haussai le ton pour saisir celle du troisième. Je n’avais aucune envie de me battre. Pas après une journée dans le marais, et pas contre des étrons vivants, encore moins dans ma propre ville, sur mon lieu de travail. J’aurais pas hésité à les exécuter à l’extérieur, oui. Plus facile de planquer les corps (ou de les brûler sans attirer l’attention), et on pouvait prétexter une attaque de fangeux ou de bannis pour se couvrir. Là, ils nous rejetteraient la faute dessus. Et si c’était pas nous, ça serait sur d’autres femmes, qui en prendraient plein la poire (et plein le reste aussi) , pour une faute qu’elles seules pouvaient avoir commises, puisqu’elles n’étaient que des rajouts, des bras en plus qu’on acceptait que parce qu’on manquait d’effectif. Mais assez expérimentées pour commettre tous les crimes du monde, à les entendre.

Chassant la sensation de dégoût qui m’envahissait, et de plus en plus, la soif de leur extraire les entrailles du ventre, je m’avançai, et leur fit signe à tous trois.


«Soldats, garde à vous.»


Ma réponse ? Un rire. Grossier, gras, partagé. Forcément. Sous merdes.


«QUAND VOTRE SUPERIEUR VOUS DONNE UN ORDRE, VOUS OBEISSEZ.»

Ma voix tonna, brutalement. J’en sentis même des brûlures, tellement je forçai le ton. Mais suffisamment pour les tirer de leur moquerie répugnante, et faire un peu plus attention à ce qui se passait sous leur nez. En l’occurrence, la réprimande d’une personne qui oui, de fait, était plus gradé qu’eux. Peut-être que la lame que je glissai sous la gorge du premier primate aida aussi à se rafraîchir les idées. Qui sait.

En effet, Valériane tenait, avec une certaine nonchalance, son épée collée à la gorge d’un des quatre tordus, celui qui tenait quelques minutes auparavant la jeune femme désormais échappée. Et vu le regard mauvais de la jeune femme, il avait visiblement compris qu’elle n’hésiterait pas spécialement à lui passer le fil de la lame en travers de la gorge s’il s’avisait de commettre le moindre faux pas.

«Toi, là-bas, dit-elle en s’adressant à sa consoeur milicienne, viens ici. Les autres, foutez-moi le camp. Je vous connais tous les quatre, et je connais bien votre supérieur aussi. Si vous voulez pas que j’aille lui raconter tout un tas de trucs que vous avez jamais fait, mais qui vous coûteront votre poste et votre place à Marbrume, que j’vous reprenne plus à faire ce genre de saloperies. Vu ?!»

La pression qu’elle exerça sur sa lame, juste assez pour entamer la peau et faire perler le sang, sembla suffire à les dissuader de jouer la carte de l’agressivité. Et ils étaient assez disciplinés pour ne pas se mettre un gradé sur le dos, surtout si celui-ci connaissait leur supérieur direct.

Du bluff total. Valériane n’avait aucune idée de qui étaient ces personnes, et encore moins de qui était leur supérieur. Elle en connaissait quelques uns depuis la conquête du Labret, mais traitait essentiellement avec son sergent.

Une fois qu’ils eurent quitter la ruelle, au grand soulagement de Val’, elle porta son regard sur la milicienne, pas moins rude pour autant. Elle avait des choses à lui dire, à elle aussi.

«Toi, espèce de dinde. Tu m’expliques ce que...»

Le bruit d’une unité rentrant ou sortant de la caserne, elle n’aurait su le dire, l’alerta. Et dans cette ruelle, elles étaient surtout des cibles faciles.

«Viens avec moi. Mon rapport attendra, tant pis.»

Je la traînai, sans ménagement je dois l’avouer, jusqu’hors de l’enceinte de la caserne. J’étais énervée. Peut-être avec le recul, que je l’étais de façon démesurée par rapport à la situation.

«Je reprends. Qu’est-ce qui t’a pris de jouer les justicières, contre quatre types, armés en plus ? Si tu voulais te suicider, la milice est certes pas une mauvaise idée, mais ça prend du temps, alors allez piquer une sieste dans les marais aurait été plus efficace, tu crois pas ?»

Ma voix grondait, mon regard était fait d’éclairs et de colère. A vrai dire, je crois que la peur m’avait un peu poussé à avoir des réactions exagérées. Je me revoyais à mes débuts, en fait. Et il n’était pas bon de faire remonter ce genre de souvenirs, je vous le dis. De temps en temps, en parcourant certaines cours, je me souviens des courses que j’ai du faire, dans ce fichu uniforme, trempé de leur pisse… Suffit.

Je tentai, avec un maigre succès, de radoucir ma voix. Elle avait tenté d’agir pour le bien, je ne pouvais pas le lui reprocher.


«Faire ce genre de trucs, c’est parfaitement débile. C’est triste, mais faut laisser faire, si tu veux rester dans les rangs en un seul morceau. Compris ?»
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Nicole BoutefeuMilicienne
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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 11:32


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Concentrée sur la position de son arme entre ses mains moites, Nicole ne remarqua à aucun instant la silhouette féminine à l’autre bout du coupe-gorge, invitée surprise de cette scène cruelle et morbide. Elle n’avait d’oreilles que pour les gémissements épars de la victime de cette agression – victime avec laquelle elle partagerait sans doute le même lit de boue et de stupre dans quelques secondes. Et elle n’avait de pensée que pour les conseils de Martin auxquels s’ajoutait l’ordre ferme et implacable, entendu dans une rue de la Hanse, lors de l’attaque des Fangeurs, celui qui était pour elle autant une prière qu’un mantra.

Rester en mouvement.

En quoi pouvait-elle le rester, avec trois hommes s’avançant sur elle, arme au poing ? Calmement Nicole s’écarta des murs, s’éloignant d’un pas en direction de l’entrée de la ruelle, consciente que ses chances seraient bien plus grandes dans un large espace où sa rapidité jouerait pour elle. Coincée dans cet étau que formait la ruelle, ils n’auraient que l’occasion de la saisir pour la piétiner sans mal. Son épée se dressa entre elle et ses agresseurs, sans trembler cette fois. Et loin de garder pour elle l’insulte de la ribaude, elle se tint droite dans ses bottes de milicienne, affrontant son destin sans détours. Rikni la sauverait au besoin, si elle estimait sa valeur et son courage comme une âme à épargner.

Et sa surprise fut grande quand la déesse s’en vint en arborant les contours appréciables d’une femme, blonde, au regard aussi déterminé que ne l’étaient ses actions. Soutien inopiné dans tout ce cirque, elle s’amenait en contre-sens et put libérer la jeune fille qui ne perdit pas un instant avant d’obéir à son ordre, prenant la fuite loin de cette fange. Le regard aussi surprit que marqué par cette apparition, Nicole se perdit dans les quelques secondes de flottement qui suivirent les ordres et l'Ensir qu'on dressa contre les hommes, frôlant le cou de l'un d'entre eux.

Une gradée. Une coutilière, pas moins que ça. Devant les visages contrariés de ces simples miliciens. Même le baronnet n’osa pas répliquer, se contentant d’un rire moqueur avant de déchanter.

Obéissant comme le reste, Nicole se mit au garde-à-vous sans pour autant lâcher l’ensir et son regard brun passa de l’un à l’autre tandis que le charisme et les galons de cette inconnue parlaient pour elle et l’aidaient à se faire respecter.

Y allait-il avoir promesse de continuité, dans cette vie ou dans l’autre ? Non, les hommes se contentèrent de regards peu amènes sur l’ensemble de la situation avant de piquer du nez et de disparaitre à leur tour. L’un se tenait le poignet, son voisin la gorge malmenée par la lame de l’Ensir, l’autre rembrayait ses affaires avec un empressement de puceau attrapé par son père. Le baronnet, seul, passa le nez en l’air en dernier affront, avant de presser le pas à son tour.

Il n’y eut plus rien que la chance et la colère de la femme, dirigée contre elle.

Troublée, Nicole ne s’en formalisa pas et s’inclina seulement, presque à effleurer le sol de sa chevelure à demi-défaite. Elle n’apparaissait pas dans une tenue des plus réglementaires de fait et la pluie n’arrangeait rien à son physique déjà malingre. Elle n’avait pas osé obéir à l’ordre en passant près des hommes et risquer ainsi le guet-apens. Elle le regrettait maintenant que l’autre se rapprochait.

Les bruits de pas d’une garnison l’empêchèrent de s’expliquer et ce fut presque penaude qu’elle lui emboita le pas vers la fin des ruelles. Elle allait sans doute se faire sermonner mais plus la perspective de cette discussion à venir creusait son chemin de sa cervelle, plus elle s’en sentait révoltée.

Ce fut donc à l’écart qu’elles firent pause dans cette marche rapide et jetant un regard alentour, Nicole caressa le pommeau de son arme déjà rengainée dès le premier ordre, le souffle un peu court et la nervosité aux cils de ses paupières.

« Coutilière, sans vous manquer de respect madame, en vous remerciant de vot’ aide, je dois vous dire que je partage pas la même idée, avec mes excuses vraiment. » Balbutia-t-elle, les épaules carrées, les pieds ancrés dans le sol comme si elle s’apprêtait à affronter une dizaine de fangeux.

« Si vous m’passez l’expression, Coutilière, on se démène l’arrière-train à assurer nos vivres c’est pas pour encourager les déviances et le pêché. L’homme a peut-être ses droits sur la femme que les dieux lui ont donné mais ce qu’ils allaient commettre sous l’étendard de la milice c’était un massacre, madame et j’pouvais pas l’accepter. »

Il y avait dans son ton la brutalité un peu bête du peuple, celui qui n’est pas tout à fait pauvre pour manquer de respect et pas connaitre la langue, mais pas encore assez riche pour présenter ses hommages de manière correcte. De fait, elle ne savait même pas lire et écrire, et se démerdait comme elle pouvait avec ce qu’elle avait entendu.

« C’était peut-être stupide mais les dieux ont une justice puisque vous êtes venue m’aider, Rikni soit vénérée. »

Puis plus haut encore.

« J’préfère encore rester en un seul morceau c’est vrai mais pas à perdre mon honneur madame. J’pouvais pas laisser passer et je risque de le refaire encore. Parce que c’est la justice pour laquelle j’me suis engagée, Coutilière. C’est ce que j’ose vous dire et croyez moi je veux pas vous insulter. »







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Valériane BarrowmerCoutilier
Valériane Barrowmer



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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 13:10
J’observais un moment la milicienne, ne sachant si je devais sourire pour son sens de la justice aussi honorable que naïf, ou lui en mettre une. Je dois avouer que les deux options étaient très tentantes. Alors je choisis la troisième option. Ni l’un ni l’autre, du coup. Je lâchais simplement un soupir, chassant au passage quelques gouttes accrochées à mes tresses blondes, et considérai un moment, en silence, la frêle jeune femme qui se tenait devant moi. Elle parlait avec une honnêteté que je ne lui reprocherais sûrement pas. Les codes de langage, toutes ces choses si importantes… J’avais assez vite tendance à les abandonner en dehors des quartiers de la milice et des missions qui m’étaient confiées. Encore que même dans les marais, je me faisais moins officielle, et un peu plus brutale. C’est qu’il fallait les dresser ces foutus mâles, et ceux dont j’avais hérité n’étaient certainement pas les plus disciplinés. Le règne par la terreur était bien plus efficace.

Avisant le froid qui semblait la tourmenter, je dégrafai le lourd manteau de cuir et de peaux qui pesait sur mes épaules, et le passai autour de celles de la jeune femme. Je ne connaissais même pas son nom tiens.

Je levai les yeux vers elle - oui, aussi gênant que cela pouvait paraître, elle me dépassait d’une bonne tête - et lâchai un nouveau soupir. Elle était sacrément plus jeune que moi, ça c’était certain. Au moins une dizaine d’années si ça n’était pas plus. A croire qu’ils allaient les recruter au berceau maintenant…


«Je vais pas te manger, détends-toi un peu.»


C’était tout à fait vrai. Valériane pouvait se montrer bien plus dure et brutale qu’un homme, au point d’ailleurs de terroriser son unité, mais elle n’était pas fondamentalement méchante. Elle avait juste un peu de mal à s’habituer réellement à sa nouvelle condition de soldat, et cela avait entraîné de grands changements chez elle. Oh, elle ne partait pas de rien, les hommes qu’elle avait connus lui avait déjà donné de solides base en terme de verve et d’effarouchement. Et ceux qui la connaissaient savaient tous que se mettre en travers du chemin d’une Valériane de mauvaise humeur, c’était courir à sa perte. Mais la jeune milicienne lui inspirait plus de compassion qu’autre chose. La colère qu’elle ressentait provenait surtout de l’inconscience de cette petite et du dégoût provoqué par les quatre porcs qui venaient de partir.

«Déjà, commence par me dire ce que tu fichais dans ce coin glauque, attifée comme ça, sans ton unité ou ton coutilier. C’est pas franchement un lieu où il fait bon de flâner, surtout pour nous.»

Je la jaugeai silencieusement, attendant sa réponse. Elle avait beau être armée, elle n’était certainement pas équipée pour une mission, quelle que soit sa teneur.


Ses paroles, en un autre temps, auraient sûrement été touchantes, je me voyais forcer de l’avouer. Avec le recul, je me rendais compte que j’avais passé ma vie à m’écraser et à subir, pour ma soeur et plus tard, pour mon fils, afin d’éviter le pire. D’obéir sagement, d’être simplement une bonne fille, une bonne soeur, une bonne mère, et une bonne épouse.


Quel que soit son âge, j’aurais sûrement été fière de me targuer d’un tel honneur et d’un sens de la justice aussi prononcé que le sien. Maintenant… C’était moins évident. Si je me sentais prête à secourir mon prochain, je ne pouvais pas me permettre de jouer à la justicière face aux porcs qui nous dirigeaient et nous servaient de collègues. Quoi que dans un lieu plus isolé, c’eût sûrement été possible. Mais là c’était de la pure inconscience. Je songeais avec une amertume mêlée d’une tendresse étrange qu’elle n’avait peut-être pas encore eu le temps d’être suffisamment déçue pour en venir à ce stade. Ce que je ne lui souhaitais pas, qui qu’elle puisse être.


«C’est très bien ce que tu fais, femme. Mais il faut savoir le faire. Crois moi, ç’aurait été un plaisir de voir ramper ces pourceaux dans leurs entrailles, mais pas dans l’enceinte de la caserne. Mais rien ne t’empêche, si jamais, disons, l’un d’entre eux venait à être un peu trop insistant ou vulgaire, dans une ruelle éloignée d’ici… de faire malencontreusement glisser ton épée. Les accidents arrivent souvent, par temps de pluie.»


J’agrémentai ma sentence d’un sourire mauvais et d’un clin d’oeil complice. Mais j’attendais toujours ma réponse. Si elle était là bas pour une raison officielle, elle risquait de se faire remonter les bretelles. Si j’avais encore le temps de rendre mon rapport, ne m’étant pas encore annoncée officiellement auprès de mes supérieurs, et donc techniquement encore en mission, ce n’était peut-être pas son cas.
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Nicole BoutefeuMilicienne
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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 13:53


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Les gestes de la milicienne la firent tressaillir d’étonnement mais à aucun instant Nicole ne songea à reculer, la remerciant simplement à demi-mots pour la présence de cette cape qui la réchauffait déjà bien mieux que ses pauvres vêtements. L’eau glissait encore sur sa cote de mailles, s’infiltrant à travers jusqu’à poisser sa chemise de coton et son pantalon lui collait aux cuisses de manière désagréable. Reniflant piteusement, la milicienne referma les pans de cette cape en jetant un regard critique sur la tenue de la coutilière, en uniforme bien évidemment. L'inconnue était certes plus petite qu’elle mais dégageait un tel charisme que Nicole s’en retrouva muette sur l’instant, redevenue l’adolescente discrète de la forge de son père. Ce ne fut qu’à ses questions, lui demandant des explications quant à sa présence de la ruelle, que la jeune fille retrouva l’adresse de sa langue.

« Notre garnison est en repos, nous sommes rentrés de mission ce matin. Les autres dormaient mais l’un des membres de la milice, Martin Ducrois, si vous l’connaissez, m’a demandé de le rejoindre pour un entrainement. Mon coutilier a pas dans l’idée de me forger mieux que ce que j’suis, car sans vouloir cracher dans l’soupe, il a d’autres hommes plus valeureux à équiper pour mener à bien des missions et moi j’suis pas la plus douée. Mais Martin a dans l’idée de me faire manier l’ensir mieux que ça pour pouvoir me défendre. J’suis véloce mais pas assez forte, madame. Et à c'propos, mon nom, c'est Nicole. Nicole Boutefeu. »

Elle digressait sans doute dans ses explications mais garda la tête haute, les bras un peu ballants mais la position toujours stricte du soldat en repos, pour expliquer encore.

« J’attendais à l’entrée de la caserne que Martin revienne avec de quoi nous équiper quand j’ai entendu l’cri, coutilière. Alors je me suis précipitée pour l’aider. J’ai pas pensé à prendre aut’chose que la cote de maille que je porte déjà et mon bouclier. J’sais bien que face à quatre gars vaillants comme eux j’aurais pas fait long feu mais je m’disais qu’il fallait tenter quand même. » Là encore elle se répétait et son visage se troubla d’une gêne passagère.

Essayait-elle d’obtenir ses faveurs en tentant de l’impressionner ? Non il n’y avait aucun orgueil dans ses mots, que la simplicité d’une femme tentant de bien faire, en bonne pâte.

« J’traine plus dans ce genre de coupe-gorge, j’ai été entrainée, madame. Z’ont déjà essayé de me pincer mais j’ai toujours su comment leur échapper et Martin m’a bien protégé. » Il lui était important de citer l’homme mais à répéter son nom, l'orpheline se demanda un bref instant si elle n’allait pas lui attirer des ennuis à le présenter comme un milicien se donnant les droits d’un instructeur. Se mordant la langue pour mieux se faire taire, elle rougit tout de même de plaisir, embarassée quand la coutilière approuva son action avant de lui céder quelques conseils qui ne manquèrent, une fois encore, de la surprendre.

« C’est que… » Se troubla Nicole. « J’ai jamais tué aut’chose que des fangeux alors des hommes, même porcs comme ça, je sais pas si j’aurais l’courage de leur apporter une punition mortelle. C’est pas un droit qu’on réserve à une jeune fille, j’pense. La loi devrait agir pour moi. »

Mais en tant que milicienne, ne la représentait-elle pas justement, cette loi ? Et qui défendait les femmes, dans ces heures de trouble et d’apocalyspe. Quand la moindre attaque pouvait leur coûter la vie, qui se souciait du bien-être de l’humanité. Surtout de celles qui n’étaient là que pour servir et contenter. Nicole se racla la gorge, consciente d’être en terrain instable dans ses pensées et finit par marmonner.

« Le fangeux, madame, on connait ses actions. On s’entraine pour le combattre. On sait ses faiblesses comme ses forces. On n'hésite pas à le tuer. Mais l’homme, c’est de notre race, de notre sang. C’est de notre ville. Et j’crois que mes principes ont pas encore dépassé la pitié. Ca fait d’moi quelqu’un de faible ? Je devrais pouvoir les massacrer comme eux-mêmes rêvent de l’faire ? Ou alors ça me place seulement à leur niveau dans la fange ? »

Son père ne l’avait pas élevé ainsi. Son père avait pourtant forgé des armes pour des guerres passées entre les hommes, celles qui ne s’embarrassaient pas de la justice, celles qui se contentaient de conquérir et de rassembler. Cette ignorance de ce que son père aurait pu dire et juger de ses actions la prit sur le fait et la laissa dépourvu de toutes réponses construites. La brune en espérait seulement de ne pas trop le décevoir et revint planter son regard dans celui de sa supérieure. Ne pouvant s’empêcher d’être fascinée par sa beauté bravache.

« J’dois m’attendre à des corvées m’dame, pour m’apprendre à m’occuper de mes affaires ? »

C’eut été une punition compréhensible, de fait.






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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 15:05
Ducrois. Je connaissais. Pas intimement, mais Embaum et lui avaient déjà mené des missions de concert dans le marais, quand je n’étais encore que simple conscrite. Il m’avait laissé bonne impression, j’avais souhaité ardemment échanger la place d’un de ses hommes contre la mienne. Il semblait moins pourri qu’Embaum. Ce qui, faut l’avouer, n’était pas très difficile.

Elle écouta la suite de la tirade de Nicole, puisque tel était son nom, sans rien dire, au début. Elle lui était assez sympathique, finalement. Si l’époque n’était pas aussi morbide, elle aurait sûrement beaucoup amusé Valériane, qui prenait un malin plaisir à voir les femmes faire ce que nombres d’hommes n’osaient concevoir, même en pensée. Comme le prouvait le mince sourire en coin qui flottait sur ses lèvres.

«Retiens juste une chose : les ennemis sont la fange, mais on en a aussi à l’intérieur des murs. Si tu les laisses faire sans répliquer, sans leur faire connaître le goût de la peur, ou de la douleur, ils continueront. Ces bestioles là sont très, très bêtes.»


Je souris légèrement, me disant qu’il n’était peut-être pas d’inciter une personne déjà assez ardente à la violence. D’un autre côté, je m’étais vite fait ma propre expérience, et m’étais rendue compte qu’à tout laisser passer, par principe, on finissait par se faire marcher dessus quoi qu’il arrive. Ceux qui pensent qu’à ignorer les problèmes, ceux qui les provoquent finissent par s’en lasser, sont de parfaits crétins. Le seul remède est parfois la terreur ou la violence, comme je venais de le souligner.

Valériane jeta un regard mauvais en direction du ciel, couleur de plomb, et lâcha un soupir.

«Allons attendre ton coutilier alors.»

Elle n’avait pas prévu de poireauter sous la pluie en attendant un homme qu’elle ne connaissait qu’à peine, mais tant pis. En parlant de morale, justement, il lui était impossible d’aller faire son rapport en la laissant là, sachant que les tordus qui l’avaient agressée toute à l’heure recommenceraient probablement, mieux préparés, si jamais Nicole se retrouvait seule, et qu’ils la voyaient ainsi. La présence de Valériane en dissuaderait plus d’un, et celle de son coutilier plus tard aurait encore plus d’impact. Elle haussa cependant le sourcil à la mention d’une éventuelle sanction.

«Des corvées ? Pourquoi ? Parce que tu as cru bon, même si c’était idiot, de voler au secours d’une femme innocente menacée par quatre connards ? Non, crois moi, c’est plus une récompense que tu mériterais.»

De retour sous un auvent, probablement celui que Nicole avait quitté quand elle s’était jetée à corps perdu dans cette bataille insensée, Valériane s’adossa au mur du baraquement derrière elle, jetant des regards furibards (en apparence) à quiconque levait, ou baissait les yeux vers elle. Peu avenante, elle savait y faire pour terroriser son prochain. Mieux valait que personne ne perce ce masque.

«Être faible, c’est être incapable de se battre quand c’est nécessaire. Ou fuir ses responsabilités. Ou prendre une mauvaise décision parce qu’une solution nous paraît plus facile qu’une autre. Visiblement, tu ne fais pas partie de ce type de personnes là. Sinon je t’aurais probablement laissé croupir avec tout ce beau monde dans cette ruelle. Simplement, quand on te met un coup, et là je parle pas des fangeux mais bien des hommes, il faut le leur rendre au triple. Sinon ils pigent rien. Fiche leur une trouille de tous les diables, et crois-moi qu’après, tu seras tranquille.»


Je me remémorais avec un plaisir malsain, je l’avoue, les débuts à mon poste. Gradé, s’entend. L’incompréhension de mes hommes, anciens séides d’Embaum, puis une certaine indiscipline, les gus étant relativement courroucés de se retrouver dirigés par une femme. Il avait suffi de deux missions pour les convaincre que m’emmerder était un très mauvais plan d’action, et que le moindre contrevenant serait sévèrement sanctionné.

Sur un convoi de ravitaillement pour le Labret, l’un des gars de l’équipe, un grand costaud du nom de Maël Béranger, s’amusait à picorer la bouffe que nous convoyions, profitant du fait que les paysans que nous accompagnions ne pouvaient ni répliquer, ni se défendre. Et ce, bien évidemment, en désobéissant totalement au moindre de mes ordres.

Retirer un boeuf de la charrette pour l’y mettre à la place l’a calmé. En plus d’avoir installé une appréciable ambiance au sein du petit groupe. On l’appelle le Boeuf, maintenant.


«Enfin, moi ce que j’en dis, tu verras vite par toi-même ce qu’il en est. Qu’est-ce qui t’a poussé à t’engager, d’ailleurs ?»
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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 15:38


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Valeriane comprendrait bien vite que Tomas de La Garte se fichait complètement du sort réservé à la jeune milicienne. Implacable et macho dans le meilleur des cas, il ne se souciait ni de son entrainement ni de sa survie et ne tendait pas à la défendre quand on lui rapportait les sévices infligés à la jeune demoiselle. Conforté dans son idée que lorsqu’on est volontaire, on n’a pas à se plaindre, il l’ignorait royalement et ne tolérait l’entrainement spécial de Martin que par le fait qu’ils le prenaient sur leur temps libre. Tomas était de fait fort occupé à converser avec d’autres coutiliers et n’allait pas se ramener de sitôt près des cases de sa garnison. Martin lui, cherchait Nicole à l’autre bout du camp, trop inquiet de ne pas la trouver pour penser à son retour à la maison. Les deux femmes avaient donc quelques longues minutes devant elles pour converser et la milicienne suivit le pas de son aînée, une énième fois, rassurée par ses propos quant à sa possible punition.

« On devrait pas avoir à féliciter c’genre de comportement, madame. Ça devrait être inscrit dans nos veines, de pas profiter d’l’autre, ni d’aucun faible en c’monde. Surtout maintenant qu’il reste que nous et les fangeux. Qu’est-ce qu’on d’viendra aux yeux des Dieux si on s’comporte comme des bestiaux ? »

Se protégeant de la pluie redoublant d’effort pour les détremper, Nicole vint se caler au plus près de la coutilière, sans la toucher. Elle l’effleurait seulement de sa présence, la surplombant encore, même tassée sur elle-même, adossée contre le mur. Jetant un regard nerveux sur les silhouettes endormis de ceux qui se reposaient encore de leur enième mission. Aalbert avait été mordu par un fangeux ce matin-là et si tous savaient la destination finale de son décès, prochain ou lointain, ils taisaient ce mauvais sort comme si le déni pouvait inverser les choses, lui souhaitant simplement du repos et la santé pour regrossir les rangs. Ce n’était pas tant de l’empathie que de la nécessité : ils étaient peu nombreux à combattre et chaque vie comptait dans l’état actuel des choses.

Nicole remit en place une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Et s’hasarda à répondre, un tant soit plus rassurée par la perspective de foutre la trouille à un gars que de le tuer. L’idée était même alléchante et ne l’engageait pas au meurtre, ce qui l’apaisait un brin.

« Leur chatouiller les bourses de la pointe de mon épée me semble une bonne technique pour qu’ils me foutent la paix mais j’vous dis, madame, j’suis protégée maintenant. Martin veille au grain et puis moi je m’entraine. Bientôt j’pourrais aller au-devant par force et pas seulement par vitesse. J’serais aussi capable que ces messieurs qui me prennent de haut plutôt que de me prendre tout court… »

Un toussotement lui racla la gorge en profondeur, faussement gênée de ses propres propos. Mais quand on vivait à la milice, dans la boue et la sueur, dans la crainte de crever du jour au lendemain, à voir ses comparses chier dans un sceau ou pisser devant vous, on abandonnait bien vite les idées de princesse – qu’elle n’avait jamais eues de toute façon.

En tout cas, elle aimait bien cette femme, qu’importe son nom. Elle aimait bien la voir sourire aussi, ça lui défroissait le visage comme un drap de coton étendu sur un fil. C’était plus pur que son armure.

« Pour vous répondre, coutilière, j’me suis engagée suite au massacre de la Hanse. J’sais pas si vous y avait trainé, avant, mais y’avait là mon père, Edrick Boutefeu. Le forgeron de l’angle, si vous voyez un peu le contexte. Mon plus jeune frère, Hurek, devait reprendre le flambeau, comme on dit. Moi et Dinah, ma jeune sœur, on visitait les hauts commerces pour que je lui confectionne une robe pour son anniversaire quand les fangeux sont sortis et ont tué tout le monde. Nous on a pu courir à l’abri quand l’alerte a été donnée. Mon père a préféré rester et s’battre avec mon frère, pour défendre la maison et les gens, c’était son genre. Maintenant ma petite sœur travaille pour une bonne maison. J’ai vendu la forge pour mes économies, à un type qui veille à notre argent en attendant. Et moi j’me suis engagée pour que ça arrive plus. »

Son seul regret dans tout ça était de n’avoir pas pris autre chose que l’ensir, le bouclier, la côte de maille et le filet sur lesquels elle veillait précautionneusement. Avec d’autres armes, peut-être aurait-elle pu acheter plus facilement sa tranquillité, ou au moins aurait-elle pu compter sur ses entrainements pour mieux les apprivoiser. Mais tout cela appartenait désormais à Théodemar Ecuviel.

« Et vous madame, si j’puis me permettre ? Vous vous êtes engagée pour quelles raisons ? C’est rare de voir une femme coutilière, c’est d’autant plus encourageant pour nous autres. J’aimerais bien en être à terme, si ça m’est possible. Pas pour diriger mais pour montrer qu’on a not’ place, vous voyez ? »

La pointe de sa botte racla la terre humide à en faire une petite meule.

« Et si j’peux savoir le nom de la supérieure qui m’a aidé, et qui a sauvé cette gamine qu’on risque plus de revoir avant un temps, ça me ferait bien plaisir aussi... »







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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 16:30
Je n’en étais pas sûre, mais je doutais que Rikni, Anür ou Serus ait un jour interdit à qui que ce soit d’étriper quelqu’un pour avoir bafoué notre honneur ou notre dignité. A en voir certains, c’était même une pratique plutôt encouragée. Et je préférais faire face au dieux coupable, mais digne, en ayant la conviction d’avoir toujours agi comme mon coeur et ma tête m’avaient commandé de le faire, que de m’être pliée aux lois édictées par de sombres crétins pour le seul plaisir de leur être soumise et obéissante. Là par contre ils pouvaient crever. Et si cela me retirait le droit d’accéder au Domaine d’Anür, soit. Je suis sûre que Rikni trouverait en moi une candidate idéale pour sa garde personnelle. Si tant est qu’elle ait besoin d’une garde.

Je ne répondis pas à sa question, qui m’avait de toute façon l’air d’être une question rhétorique. Je croisais plus fermement les bras autour de ma poitrine, me chauffant moi-même. Il faisait froid, fallait avouer. Mes cheveux, trempés par la pluie, pesaient le double de leur poids, et tombaient lourdement de chaque côté de mon visage bougon, renfermé, concentré à observer les miliciens qui allaient et venaient, imaginant pour certains, avec une créativité morbide, ce qu’ils donnaient, transformés en fangeux. Une chose était sûre, ils seraient tous très laids.


Valériane ne répondit pas non plus au sujet de la protection de ce Martin. Elle ne le connaissait pas, donc elle ne pouvait juger d’à quel point on pouvait compter sur lui, surtout en étant dans la position de Nicole. Elle, elle se contentait d’être très sceptique. La confiance, elle avait abandonné depuis déjà quelques années. Hormis une seule personne, en l’occurrence sa soeur cadette, Ilhanne, elle n’avait aucune raison de faire confiance à qui que ce soit.

«Mh. Sale histoire. J’avoue que j’étais pas mécontente d’être en mission en dehors de la ville à ce moment. Mais j’ai eu tout le loisir de constater les dégâts.»

L’esprit perdu dans ses souvenirs et pensées, elle se remémorait ce qui l’avait poussée à s’engager, alors qu’elle n’avait, à la base, rien d’une femme taillée pour le combat. La chasse, à la limite, grâce à son paternel, avant qu’il ne sombre dans la démence, mais rien de plus. Il y avait cependant des moteurs.

Oh ça oui, des moteurs j’en avais. Pour nous autres, la fange, c’était un peu comme une grande menace, mais totalement invisible. Je me souvenais, alors que la pluie clapotait sur le sol, des jours sombres qui amenaient avec leur pluie, similaire à celle qui me tombait sous le nez, des dizaines, des centaines, puis des milliers de migrants en quête d’asile, terrorisées, parfois à un cheveu de sombrer dans la folie, la plupart encore hébétés de ce qui leur tombait sur le râble.

J’observais à nouveau le ciel, me souvenant. La première chose pour laquelle j’avais décidé de me battre, c’était Ilhanne. Je l’avais protégée du mieux que j’avais pu durant notre enfance, et ça n’était pas des envahisseurs démoniaques qui allaient changer quoi que ce soit à ça, bien au contraire. Et puis Cyras. J’évitais de trop penser à lui. L’amour que je lui portais s’était, à mon grand dam, dilué avec le temps. Cela ne faisait que deux ou trois ans mais depuis l’arrivée de la fange, j’ai l’impression qu’il s’est écoulé dix ans.

Mes mains se crispèrent contre mes bras. Je ressentis encore cette brûlure amère au fond de la gorge. Je savais que j’avais pris la bonne décision en le confiant au Temple d’Anür. Mais je me sentais coupable d’une trahison qui allait bien au delà de la simple duperie. J’avais abandonné mon enfant. Une sensation particulièrement douloureuse. Au moins je faisais partie de ceux qui protégeaient la ville, et lui par conséquent, contre ceux qui tentaient de mettre fin à notre ère. C’était ça de pris.

Mon regard revint vers Nicole, quittant momentanément les pavés crasseux battus par une pluie passée de vicieuse à torrentielle, le visage vidé d’expression. Peut-être mes yeux laissaient-ils échapper une grande lassitude, ainsi qu’une pointe de regret.


«Pour ma soeur. Enfin… Je la protégeais de tout, auparavant. Des accès de violence de notre père, de l’acidité de mon incompétent et défunt époux. La fange… ca n’était qu’un obstacle de plus. Sur le moment ça m’a semblé être la seule chose intelligente à faire.»

J’évitai de mentionner Cyras. Je crois que la honte était encore trop présente, trop récente. Ce n’était pas le genre de discussion que je souhaitais avoir avec une jeune femme que je venais à peine de rencontrer, toute sympathique fut-elle.

«Barrowmer, dis-je doucement. Valériane Barrowmer.»
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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 16:51


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Valériane Barrowmer avait vécu une vie dissemblable à la sienne et pourtant si proche que leurs chemins avaient fini par s’entrecroiser. A l’entendre parler de sa sœur et de son besoin de la protéger, Nicole hocha la tête doucement, en soutien assuré. Comme elle la comprenait, cette femme baroudeuse aux épaules frissonnant de froid. Comme elle voyait dans son regard égaré les mêmes tourments qui l’avaient malmené pendant quelques nuits avant que sa décision ne soit prise de vendre la forge au premier intéressé. Elle sentait brûler en la blonde la flamme de Rikni, son besoin de protection et sa persévérance, ce qui l’avait conduit à saisir le poste de coutilière, qu’elle méritait sans aucun doute, l’instinct de Nicole parlant pour elle.

« Nous avons chacune une personne qui nous guide dans notre travail. Une personne qui compte bien plus que tout c’qu’on a pu vivre et voir, coutilière Barrowmer… » Murmura Nicole en regardant défiler les gens, le temps, lentement. Chaque goutte de pluie amenait avec elle un vent glacial et, maintenant à couvert, l'orpheline prit sur elle de dégrafer la cape pour la prendre dans sa largeur.

En recouvrant les épaules de Valériane en même temps que les siennes. Le geste, déplacé certainement envers une supérieure, fut toutefois confirmé par un simple regard assuré. Il lui tenait de ne pas lui faire attraper la mort avec ce froid qui s’infiltrait, à lui en chatouiller le nez. Ses yeux se plissèrent, et aussi vivement qu’une gifle, Nicole bascula la tête de l’autre côté pour mieux éternuer.

« Maudite pluie qui n’en finit pas. » Commenta-t-elle durement, retrouvant ses sourcils froncés, son visage rembruni par cette médiocrité de l’existence. Enfin, le soleil n’allait sans doute pas tarder à réapparaitre et la chaleur aiderait à consoler les cœurs douloureux.

« Ma vie a été plus tranquille que la vôtre, coutilière Barrowmer. Mon père nous frappait pas. Il était bon et juste. J’aurais dû me marier et prendre ma place dans une autre maison mais ma mère nous a quitté très tôt, quand Dinah n’avait que quatre ans. J’ai eu la responsabilité du foyer alors bon, ça m’est venu naturellement, de m’engager à la milice pour servir et protéger. Je le faisais déjà, à une moindre échelle pour sûr. Et j’crève encore parfois de trouille avant d’sortir mais la peur me fait courir plus vite. Si j’distance pas les fangeux, ça m’laisse le temps d’assurer ma prise. »

Deux miliciens passèrent près d’elles, portant un regard sur cette scène incongrue, ne retenant une moquerie graveleuse qu’en reconnaissant le visage de Valériane. Il était presque appréciable à cet instant de voir des hommes faire preuve de respect, même si c’était bien plus envers le grade de la coutilière qu’envers son honneur. Et Nicole sourit, secrètement confortée dans son idée.

C’était à ça qu’elle aspirait. C’était à ça qu’elle se destinait, et si elle ne mourrait pas demain, foi de Rikni, elle le deviendrait.

« Vot’ sœur est en sécurité ? Dinah a neuf ans, bientôt dix. Et la vôtre ? » Était-il confortable de poser ce genre de questions et d’enrichir cette promiscuité empathique que la brune sentait naître entre elles ? Il lui importait en tout cas d’en apprendre plus sur sa vis-à-vis.

Un éclair fusa l’air, faisant lever le nez à certains, arrachant des marmonnements frustrés à d’autres. Dans le lointain, des chevaux hennirent avant même que le tonnerre ne s’annonce et dans la caserne, un homme poussa un cri rauque, presque un aboiement.

« C’est l’idée qu’elle soit au chaud, même à travailler, qui me met du baume au cœur dans ce genre de journée. Même si j’pense que Dinah m’en veut d’avoir choisi cette solution. Elle aurait préféré nous voir rester à la forge, sans penser à ce qui adviendrait de nos économies une fois le temps passé. Avec les miséreux qui se pressent aux portes et la nourriture qui se fait rare, ma couture et ma tenue de maison auraient même pas suffit à me gagner un bon parti pour nous protéger. Et je préférais encore l’éloigner de moi que de lui faire subir une union déplorable… »

Une union à laquelle Nicole n’aspirait en rien. Un soupir lui traversa la poitrine et elle cligna des yeux sous un nouvel éclair.

« Vous avez pas eu tort en choisissant la milice. C’était la seule chose intelligente à faire. Puis vous montrez le bon exemple, coutilier Barrowmer. Ça aurait été bien que je sois nommée sous vos ordres mais j’pense pas qu’ils aient dans l’idée de rassembler les femmes. Une garnison de points faibles, pour sûr, aux yeux de tous ces mâles… »






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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 17:25
J’eus du mal à cacher ma surprise devant le geste de Nicole. Je ne l’en appréciais pas moins, la seule chose qui m’empêchait de récupérer mon manteau, c’était qu’elle semblait avoir encore plus froid que moi. Mais, réchauffée tour à tour par mon corps puis par le sien, malgré la faible chaleur qu’ils dégageaient par ce temps, trempés sous les couches de cuir et de tissu… C’était une bonne protection. Je sentis immédiatement les quelques tremblements qui agitaient mes muscles s’atténuer, et quelques discrets frissons d’aise parcourir mon échine et mes bras. Ca faisait du bien.

«Mon père n’a pas toujours été un salaud. C’était même un bon père, soldat, et aimant. La mort de ma mère, peu après la naissance d’Ilhanne… il s’en est pas vraiment remis. Ma foi… c’est ainsi.»

Valériane n’aimait pas cette période de sa vie, qui fut difficile, mais sa soeur était là, et ensemble, elles avaient traversé cette ère sombre sans trop de problèmes. Du moment qu’elles restaient entre elles et s’entraidaient, tout allait bien. Et puis les occupations ne manquaient pas, quand bien même Ilhanne s’était mise au travail, tout comme elle. Finalement, le comportement de leur père avait contribué à en faire les battantes qu’elles étaient aujourd’hui. Le dénigrer aurait été stupide, et nombre des enseignements que lui avait prodigués son défunt paternel s’avéraient en cette heure troublée extrêmement précieux. Valériane le savait, et remerciait son père pour cela. Le reste… C’était les aléas de la vie, rien d’autre. Mieux valait raisonner ainsi, se disait-elle.

Elle fusilla du regard les deux miliciens au regard narquois et à l’expression goguenarde qui passèrent devant eux. Pas besoin d’être un devin pour savoir ce qui se passait derrière leur faciès de primate. Entre l’expression volontairement meurtrière de la milicienne et les galons toujours accrochés au manteau, ils tracèrent leur chemin en silence, non sans leur jeter un dernier regard en arrière.

«J’te jure...»

Levant les eux au moment où la fourche lumineuse fendit les cieux, un sourire, involontaire, s’inscrit sur mes lèvres l’espace d’une seconde. Etrangement, j’appréciais ces manifestations d’orage. Alors que, coup du sort ou non, allez savoir, la plupart des souvenirs marquants, et négatifs de ma vie avaient été marqués d’un jour de pluie torrentielle. Je peinais à me souvenir des bruits extérieurs, alors impossible de dire s’il s’était agi à l’époque de véritables orages. Mais j’aimais ce déchaînement des éléments. Peut-être faisait-il écho à une violence et une colère enfouies, qui n’aspiraient qu’à exploser librement et sans retenue.


«Ilhanne a une vingtaine d’années. Elle vit à Traquemont, aujourd’hui. Elle y chasse, y combat la Fange. C’est pas une Barrowmer pour rien, celle-là, je te le dis. J’ai eu du mal à l’encaisser au début mais bon. Elle était pas faite pour la Milice, et encore moins pour rester toute seule à attendre que sa soeur daigne rentrer, si possible en un seul morceau.»


Valériane avait, au fil du temps, appris à approuver et même admirer la décision de sa soeur. Elles se voyaient nettement moins souvent, mais cela rendrait leurs retrouvailles plus agréables encore. Et puis finalement, c’était le mieux pour elle. Traquemont ne tomberait pas de sitôt, et si elle tombait, il y avait fort à parier que Marbrume suive pas loin derrière, alors leur lot serait commun à tous.

«Tu as eu raison, pour ta soeur. Ilhanne a beaucoup pâti du mari que j’ai choisi, et tout ça, pour qu’il calanche connement au bout de trois ans d’enfer, tué en exercice. J’aurais mieux fait de me casser une jambe, le jour où on s’est rencontrés.»


Je lâchai un soupir de dépit. Cela m’avait au moins appris que ce que l’on tenait pour acquis, l’union nécessaire d’un homme à une femme afin de perpétuer les lignées, n’était que du flan. J’étais calmé, et voyais la fange comme une multitude d’époux que je n’avais qu’à cueillir de la pointe de mon épée ou à la flèche de mon arc. La lutte en devenait parfois ludique. J’esquissai un sourire mauvais à cette pensée, que je m’empressai de dissimuler.

Un rictus de surprise se plaqua sur mon visage, quand elle évoqua la possibilité de travailler sous mes ordres. Sa remarque était assez pertinente, même si je doutais que cela serve de justification à un sergent pour empêcher une affectation. Cela étant… je manquais de bras. Et avoir une jeune femme en plus nous placerait quasiment sur un pied d’égalité avec les autres crétins qui composaient mon unité.


«Je peux rien te promettre. Mais mon unité a été décimée lors de l’opération du Labret, et nous ne sommes que trois dedans, sans me compter. Donc si jamais tu tiens vraiment à changer de poste… Je peux essayer de voir avec notre sergent. Ca te va ? Par contre je te préviens, je ne sors pas de Marbrume pour aller cueillir des plantes. Si mes hommes m’obéissent, c’est qu’il y a une raison, lâchai-je, le ton faussement menaçant.»
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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 17:50


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Vingt ans. Une femme fière et combattante comme Dinah le serait peut-être à son âge. Vingt ans, cela semblait si loin et si improbable soudain, loin des années d’innocence passées à la forge. Quand Dinah aurait vingt ans, elle-même en aurait 28 et cette perspective l’effrayait. Où en serait-elle à ce point de son existence ? Mariée ? Tuée ? D'ailleurs, quel était l'âge de la jeune femme à ses côtés ? A contempler son visage à la fois grognon et souriant Nicole ne pouvait réellement statuer. Plus âgée qu’elle, assurément, mais pourtant pas si éloignée de ses propres battements de cœur. Une femme qui parlait de son union passée avec la simplicité de celle qui en avait déjà bien bavé. Et Nicole de murmurer encore :

« Existe-t-il d’autres mariages d’amour que ceux que j’ai pu connaitre ? Mon père et ma mère s’aimaient, c’est indéniable. Le vôtre devait aimer votre mère passionnément pour retomber aussi bas dans sa conscience – sans vouloir juger, m’dame. » Mais autour d’elle, elle ne voyait que des unions factices, des procédures d’enfantement plus que de liaison. Une nécessité pour reprendre à ce monde son berceau d’humanité et écraser la mort dans ce qu’elle avait conçu de plus cruel. Quel avenir réservait-on à ces enfants, de naître dans des berceaux sans tendresse. Peut-être était-ce une pensée trop étroite et cintrée pour son esprit peu amène à se pencher sur sa condition de femme en tant que telle.

Nicole ne pouvait pourtant perdre de vue la moindre expression passant fugacement sur le visage de sa compagne.

« Ce qui a été vécu ne peut être changé et maintenant vous êtes un peu plus libre. Vous combattez les fangeux sans faillir, vous avez un bon grade, votre sœur est en sécurité et aucun homme ne viendra prétendre à être votre mari, vous avez déjà donné. »

Avait-elle des enfants ? La question manqua de lui brûler les lèvres mais avec sa sagesse habituelle, Nicole préféra se taire. S’empourprant une nouvelle fois à l’offrande qui venait de lui être faite, soudain consciente que sa phrase de tantôt avait pu sonner comme une supplique.

« C’était pas une demande, coutilière Barrowmer. Martin m’aide bien ici et puis je voudrais pas sembler abandonner une caserne pour une vie plus facile. Quoique j’suis pas du genre à trainasser et que j’vous pense pas solidaire dans ce sens, m’dame, ça non. Je ferai ma part comme chaque homme, à me remuer les fesses et à être digne de vot’ garnison mais… Enfin je ne sais pas si ça peut s’faire sans qu’ça joue contre moi et sans que j’culpabilise après, v'voyez ? »

Un autre éclair s’en vint illuminer la scène et les voix des hommes qui se rapprochaient non loin furent en une seconde particulièrement audibles. Relevant la tête, Nicole reconnu Tomas à sa silhouette avant d’entendre tonner ses éructions rauques de mâle viril. Il avait quarante ans, l’armure impeccable, jamais marié, jamais d’enfants. Sa main frappait à intervalles réguliers sur l’épaule d’un compère qui le salua de la main avant de regagner ses propres quartiers, tournant à gauche. Tomas, sans le savoir (et sans le vouloir), se dirigeait droit sur elles et son sourire sans joie se fana quand il aperçut les silhouettes de sa comparse Barrowmer ainsi que de sa jeune recrue, repliées sous l’auvent.

Nicole s’ébroua presque aussitôt, rendant la cape à sa propriétaire, avant de se mettre au garde-à-vous, le cœur battant à tout rompre.

« Boutefeu. » La salua-t-il sans réellement marquer de politesse avant de se tourner vers Valériane. « Y’a-t-il un problème, coutilière, que vous demeuriez en présence de cette milicienne. A-t-elle causé soucis à l’un des vôtres ? »

Par cela il entendait sans doute d’user de ses charmes pour grappiller une portion à moins que Nicole, entêtée comme jamais, ne se soit tout simplement mêlée des entraînements. Du haut de son mètre 90, le cheveux gris et raz, le visage confronté au temps, il fixait la jeune blonde avec une sévérité presque paternelle.

Et un dégoût à peine dissimulé.

15 ans dans la milice pour avoir à supporter ces femelles. C’était un comble, pour Tomas de la Garte. Un coup à le tuer direct s’il en voyait plus de deux traîner dans sa garnison.






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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 18:16
«Mouais. J’pense pas. On a plus le temps pour ça, de toute façon, disi-je un peu sèchement, amère.»

A part l’amour fraternel, non, je ne croyais plus vraiment à ce genre de sottises. Et je préférais même ne pas y penser. Je n’avais pas le loisir de me confondre en rêveries amoureuses, et pas spécialement envie non plus. J’avais depuis un moment abandonné le sentimental pour le concret le fonctionnel. Du moment que personne ne se mettait en travers de ma relative indépendance, tout roulait pour moi, et que ça dure le plus longtemps possible.

«Mh. Je comprends, c’est comme tu veux. Mais t’as pas à craindre d’ennuis, si c’est ça qui te taraude.»


Je haussai légèrement les épaules. Ce n’était pas à moi de décider qui rejoignait ou non mon unité de toute façon. Et je comprenais carrément les craintes de la jeune soldat. Certains pourraient prendre ça pour une trahison, et décider de lui pourrir la vie. Et quand je vis débouler son supérieur, j’avoue que cela me conforta dans mon idée.

Cela étant, il n’était pas question pour autant que je me la ferme. Ou que je m’écrase.

Je me redressai de tout mon mètre soixante, ce qui était, par rapport au golgoth qui se tenait face à moi, assez ridicule, et le fixai sans sourciller. Je signifiai là que le fait que notre grade soit le même mais pas notre sexe n’avait pour moi aucune importance. Et que s’il se décidait à jouer les durs sous prétexte que nous n’étions que deux pauvres femmes, il risquait de le regretter. La main que je posai sur le pommeau de mon épée était un avertissement des plus clairs.


«Aucun. Ayant largement le temps de rendre mon rapport, j’ai décidé d’attendre avec la conscrite Boutefeu, en attendant qu’elle soit rejointe. C’est tout. Cela pose un problème ?»

A dire vrai, le ton de Valériane indiquait surtout qu’il valait mieux que ça n’en soit pas un. Elle avait parfaitement vu le dégoût, qui suintait par tous les pores de la peau du coutilier, et elle-même renvoyait la même expression, doublée de cette agressivité qui la caractérisait tant. Ses hommes avaient appris à craindre cette expression, qui n’augurait généralement rien d’autre qu’un bain de sang ou de sévères réprimandes ou sanctions, et elle entendait bien le faire comprendre à ce grand gaillard, visiblement perturbé par la présence, nécessaire au demeurant, de la gente féminine au sein de la milice.

Elle se rappelait très bien de comment elle avait été traînée dans la boue (parfois au sens littéral de l’expression), par les autres hommes de l’unité d’Embaum, avant qu’elle n’en prenne le contrôle. Si l’opération Labret n’avait pas poussé Valériane à se surpasser et à se battre comme une lionne pour sa survie, elle en serait peut-être toujours cantonnée aux mêmes conditions, corvées pourries et insultes quotidiennes qui étaient son lot à l’époque. Si maintenant, les railleries fusaient toujours régulièrement, elles s’étaient faites un peu plus discrètes. Et elle disposait d’assez de pouvoir pour corriger les moins gradés qu’elle, ce qu’elle ne se privait jamais de faire quand ils lui donnaient cette occasion. Et, la stupidité inhérente à leur sexe semblait faire des miracles puisque cette occasion se présentait parfois plusieurs fois dans la semaine.
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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 18:39


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N’était-ce pas triste, de voir cette femme renoncer à l’amour aussi facilement ? Nicole n’avait jamais eu les mêmes rêves que toutes les filles, concevant une sourde angoisse à l’idée d’épouser un homme et d’accomplir son devoir de femelle. Mais de voir une coutilière remarquable répondre avec amertume à ses soupçons la rendait aussi triste que de croiser le regard des miséreux ayant tout perdu au-delà des limites de Marbrume. Fort heureusement pour son cœur, l’apparition de son supérieur parvint à souffler ses braises de consolation et encore une fois, elle s’écarta d’un pas de la coutilière, priant seulement pour que Valériane ne raconte rien de ses exploits.

Ce n’était une bonne chose que d’avouer à Thomas de la Garte qu’on avait osé tenir tête à des hommes, quel qu’ils soient. Et à voir son regard noir se poser sur la main au pommeau de sa comparse, Nicole sut qu’il y allait y avoir du grabuge avant même que le moindre mot soit prononcé. Barrowmer était beaucoup trop entêtée et Tomas bien trop certain de sa supériorité en tant qu’homme comme en tant que militaire pour perdre contenance comme les autres devant ce frêle morceau de jeune femme.

« Vous vous êtes engagées dans la milice pour jouer au chaperon, Barrowmer ? Me semble pas que Boutefeu ait besoin de qui que ce soit ici pour traînasser comme à son accoutumée. »

L’insulte lui coupa le souffle. Quand certains ronflaient encore dans leur dos, elle était prête à l’entrainement et à apprendre du mieux qu’elle pouvait. Nicole en regretta plus froidement encore l’absence de Martin à ses côtés, considérant le soutien de la coutilière avec une déception mêlée de froide compréhension : elle n’était qu’une femme, et un homme, même milicien, avait sans doute plus d'intérêt aux yeux de Tomas de la Garte qu’elle n’en aurait jamais.

« La tenue non réglementaire, la position contre le mur, vos cheveux défaits, votre manque de dynamisme, tout cela va encore vous coûter beaucoup Boutefeu. Vous serez de corvée aux latrines pour les quatre prochaines semaines, et de service aux repas comme à la curée des armes et des bottes de votre garnison. Je ne veux pas voir un brin de paille ou un crin de cheval traîner sur le sol de votre caserne, est-ce bien compris ? Cela sera un début pour vous apprendre à vous remuer le popotin pour autre chose que la bagatelle. »

Nul doute qu’elle serait aussi en première ligne pour les prochaines excursions en territoire ennemi mais Nicole remballa sa rage, gardant seulement ses habituels sourcils froncés, le visage blême, droite comme un i. Il ne fallait ni acquiescer, ni chercher à protester ou pire, démentir ! Il lui fallait affronter le mépris de cet homme, ce qui valait finalement bien mieux que n’importe quel attouchement. Des rumeurs parlaient de la condition des autres femmes, aux casernes. Du service obligatoire à la veillée, pour ces demoiselles qui finalement, n’étaient rien d’autres que des putains mal armées. Elle ne tenait pas à finir ainsi et évita soigneusement le regard de Valériane.

« Quant à vous, Barrowmer, je ne saurais que trop vous conseiller de rendre votre rapport au plus tôt pour ne pas faire attendre nos supérieurs. Ils ont assez à faire avec notre époque et ces maudits fangeux pour les faire attendre quand vous avez la possibilité d’accélérer le mouvement. Et lâchez moi donc cette arme. Prenez la mouche contre les monstres autant que vous le souhaitez mais ne vous essayez pas à mener un duel contre moi. J’ai 15 ans de service de plus que vous et autant de volonté à vous voir quitter votre poste. »

Nicole cilla néanmoins pour observer la ligne de la mâchoire de la blonde, sous un nouvel éclair qui, finalement, accompagnait cette scène avec justesse. A entendre le tonnerre trembler dans le lointain, elle eut l’impression d’en entendre simplement l’écho qui fourmillait certainement dans la poitrine de son aînée. Elle aurait voulu un geste ou un mot pour lui dire d’abandonner ce combat-là mis la curiosité de la voir répliquer, espérant même qu’elle renvoie Tomas là où son arrogance méritait d’être enfoncée, la fit rester au poste, à l’entrée de la caserne.

Choix dangereux mais Tomas, sans sourire, attendait la suite presque aussi impatiemment. Sous le regard des rares témoins alentours, eux aussi protégés de la pluie.









Dernière édition par Nicole Boutefeu le Jeu 5 Mai 2016 - 19:20, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 19:18

Au début, Valériane se contenta de hausser le sourcil, sans se départir de son calme apparent. Elle ne s’offusquait pas de ce genre de brimades, elles étaient permanentes. Même entre hommes parfois, où un supérieur ne manquait jamais de redescendre son subordonné plus bas que mérité. Elle écoutait, avec une attention pour le moins distraite. Un sermon de plus ou de moins, ça n’était pas grand chose.
En revanche, la suite de la discussion la fit tiquer, sévèrement.

«Je ne joue pas au chaperon. Je me contente d’attendre. Et j’en ai le droit, coutilier


J’insistai lourdement sur l’égalité de nos grades. Il n’avait aucun ordre à me donner, quand bien même son froc était plus rempli que le mien. Physiquement.

Je savais parfaitement que ce que je m’apprêtais à faire était une bêtise aussi stupide que monumentale, et rendrait caduques la moitié des conseils que j’avais donné ces dernières minutes à Nicole. De parfois faire fi de la justice interne, pour se concentrer sur celle qu’il fallait répandre à l’extérieur des murs. Je le savais très bien. Alors je me ravisai. Je serrai les dents à les en faire grincer, chaque muscle se ma mâchoire se tendant sous l’effort, laissant chaque ligne musculeuse apparente de chaque côté de mon visage, crispé de colère. Ne fais rien, ne fais rien, me dis-je, me hurlai-je intérieurement.


Il était comme presque tout le monde ici. Méprisant, hautain, odieux avec les femmes qui choisissaient la voie du soldat. Sans même se demander ce qui pouvait bien motiver le duc à changer des lois ancestrales, pour y intégrer la caste féminine. Cela signifiait très clairement que les hommes étaient insuffisants. Les femmes étaient certes là comme bras supplémentaires, peut-être bien par dépit, oui, mais le fait est que sans elles, la Milice serait dans un sous-effectif encore plus handicapant qu’il ne l’était déjà. Ce que semblait oublier ce paon arrogant, nota la milicienne.

Je jetai un regard en oblique à Nicole, qui n’en menait pas large. Pourtant, elle devait être au moins aussi furibarde que moi à cet instant. Tout du moins, je l’espérais. Cela voudrait dire sinon que je m’étais méprise sur son sens de l’honneur et sa fierté. Fierté qu’il était plus que vital de conserver et d’entretenir dans cette espèce de ménagerie qui constituait la “milice”.

… Je lâchai, sous les avisés conseils de l’autre faisan, le pommeau de mon arme. Parfait, Valériane. Tu n’as plus qu’à t’excuser. Allez, tu verras. Et ça évitera un certain nombre d’ennuis.

Voilà, laisse ta main là où elle est.

Je goûtai au crissement du renfort métallique de mon gant sur mon uniforme, puis soupirai doucement. Non, décidément, je ne pouvais pas laisser passer ça. Quinze, vingt, cent ans d’expérience, très bien, mais ça n’avait aucune signification. J’étais pas grande, mais j’avais une sacrée détente. Et, à force de combats, de marche forcée dans les marais, de dressage de canassons, acquis assez de force pour faire mal.


Associé à mon élan soudain, je bondis, et frappai avec le plus de violence qu’il m’était possible d’offrir l’arrière de la mâchoire de la Garte. Je sentis mes phalanges craquer sous l’effort, dans un bruit inaudible, mais que je devinais sinistre. M’arrêter là ? Ben tiens, et puis quoi encore ? Sitôt que mes pieds eurent touché terre que j’envoyais le gauche frapper avec allégresse la zone boursière de ce cher coutilier, sachant très bien quel genre de douleur j’allais provoquer. Certes nous n’étions pas aussi forte qu’eux, mais des armes, nous en disposions, et si elles étaient rares, elles brillaient avant tout par leur efficacité.

Profitant de ce que le coutilier était pencher, à deux doigts de rendre son repas, et avant qu’il ne reprenne définitivement ses esprits et se mette en tête de les égorger toutes les deux, Valériane le saisit brutalement au collet rapprochant son visage rosi par la rage du sien, les yeux remplis d’éclairs aussi brutaux que ceux qui tonnaient et fusaient au dessus d’eux.

«Ecoute-moi bien, éructa-t-elle, méprise nous si tu veux, mais je t’interdis, tu m’entends, je t’interdis de nous traiter de putain ! Je tiens mon arme et la dégaine si je veux, et tes quinze années de service, je te les fiche au cul, tu m’entends ?! Ose encore traiter une collègue de la sorte devant moi, et je te jure que je me sers de tes entrailles pour me faire un manteau, et de tes foutues couilles comme pendentif, c’est clair ?!»
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MessageSujet: Re: Servir et protéger [pv. Valériane]   Servir et protéger [pv. Valériane] EmptyJeu 5 Mai 2016 - 19:42


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Elle s’aplatissait, cette morveuse à peine moins âgée que lui, avec ses cheveux filasses et sa bouche pulpeuse qui aurait bien eu plus sa place autour de son vit qu’à se morfondre à son rôle de coutilière. Tomas eut le regard brillant de satisfaction malsaine quand il vit la main se détendre, relâcher le pommeau et Valériane demeurer les bras ballants, mâchoire certes crispée mais ô combien silencieuse. Un seul coup d’œil à sa recrue lui permit de statuer que la colère de Boutefeu était au moins équivalente à celle de sa supérieure et l’envie lui prit de claquer sa figure de morveuse pour lui apprendre les bonnes manières. Il tâchait pourtant de l’ignorer, avec un succès tout relatif, puisque la jeune fille se débrouillait tout de même pour rester en vie sans traîner dans ses pattes. Mais l’occasion était trop belle de rabaisser ces deux femmes devant des hommes, des miliciens de carrière qui, toujours en retrait, observaient en mangeant, nettoyant, affûtant leurs lames un vague sourire au coin des lèvres.

Cela aurait dû en rester ainsi, sous cette pluie diluvienne. Mais à trop se conforter dans son assurance, Tomas en oubliait les principes élémentaires de sécurité. Il ne se voyait pas être attaqué par une bonne femme, donzelle de pacotille qui se pensait militaire par simple poids des armes. Néanmoins, Valériane réussit à le déstabiliser, sautant devant son champ de vision avant de lui adresser un coup copieux qui lui fit remonter la douleur le long de son oreille.

Loin de crier, Tomas recula tout de même d’un pas. Le regard soudain écarquillé par une telle volonté imbécile. Et se prit dans l’instant qui suivit un coup de poing bien placé dans les roubignoles. Son regard se troubla, son entrejambe fut en feu et des éclairs parcoururent ses reins, glacés puis brûlants de choc. Le souffle court, le gémissement au bord des lèvres, il se plia pour mieux être rattrapé par la poigne ferme de la jeune femme, n’écoutant qu’à moitié ses propos féministes.

Nicole, à ses côtés, en demeurait comme deux ronds de flanc, incapable d’agir.

« Putain. »
Répéta néanmoins Tomas entre ses dents. Et bien vite il dégaina son arme pour porter un coup de pommeau au visage de Valériane, sans lui offrir la possibilité de parer ce premier jet. Lui avait-il cassé l’arcade, ou bien la pommette, l’avait-il seulement marqué d’un bleu ? Il fit jouer de l’épée entre ses doigts jusqu’à pointer la lame envers le couple ainsi formé, pointant d’abord Valériane pour Nicole.

« Vous paierez pour cet affront, Barrowmer. » Hors de question de l’appeler coutilière, elle ne méritait pas ce grade. « Qu’importe les queues que vous avez du épuiser pour en arriver à ce terme, votre petite gloire en est finie à partir d’aujourd’hui. Aucun membre de notre hiérarchie ne supportera votre caractère de furie ! Rikni m’en soit témoin, on vous renverra à la fange d’où on vous a extirpé et vous y vendrez votre cul comme la traînée de mère qui vous a enfanté ! »

Furieusement, il cracha au sol, se redressant peu à peu. Trouvant soudain entre lui et Valériane la silhouette d’une Nicole enfin ébranlée. La main face à la poitrine de la femme, l’autre tirant l’ensis de son fourreau pour la deuxième fois, elle prenait enfin les armes contre un supérieur hiérarchique et l’angoisse lui piqueta le visage de marbrures rouges ensanglantées.

« Traitresse infâme et pestilentielle, tu vas la suivre bien vite, tu peux me croire !
- Pour manquer de chair sacrificielle ?! Si vous êtes autant persuadé de vot' place, coutilier De la Garte, pourquoi avoir ouvert les portes aux femmes si c'est pas pour prendre les devants et assurer une sécurité relative aux hommes ? Vous savez bien que c’est bien pour être en première ligne qu’on nous a appelés ! Mais la coutilière Barrowmer en demeure pas moins vot’ égale sur l’papier ! Pour les grands dans leurs châteaux, c’pas la femelle ou l’homme qui fait la différence tant que les murs et le ravitaillement sont protégés ! »

Les lames s’entrechoquèrent mais malgré la pression exercée par Tomas, poussé par le regard des témoins qui l’exhortaient en silence à répandre le sang de la justice masculine, Nicole demeura droite dans ses bottes, incapable de laisser la coutilière endosser la totalité de leurs responsabilités.

« Vous avez pas envie qu’j’sois dans vos rangs et j’veux pas être une plaie si c’est ce que vous pensez d’moi ! Mais la coutilière Barrowmer fait son travail comme vous autres ! Alors si j’dois m’tirer pour vous foutre la paix, vaut mieux trouver une aut’ solution. »

Et cette solution se trouvait dans la cervelle malmenée d’un milicien avec 15 ans de carrière. Les yeux noirs se plantèrent sur le visage marqué de Valériane, sa crinière blonde, sa petite taille. Tuer une femme ici ne valait pas grand-chose. Mais tuer une gradée risquait sans doute de lui porter préjudice, au moins pour quelques temps.

C’est donc avec pédance que Tomas rengaina son arme, ricanant froidement.

« Vous trancher la tête ne m’apporterait aucun honneur. Les femelles comme vous devriez rentrer au-delà des remparts plutôt que de prendre la place de braves valeureux. Votre service est d’enfanter, pas de tenir une épée. Si on vous a pas mis un vit entre les jambes c’est pas pour que vous en maniez un de fer ! »

Puis farouchement, il éructa.

« Vous allez déguerpir de ma caserne et vous, Boutefeu, vous allez me faire le plaisir d’être nommée ailleurs ou d’aller vous faire foutre ! »







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