Rééquilibrer la balance [Finn - Terminé]

« Barrowmer est en escorte de convois, mais elle devrait être rentrée avant la fin d’la journée, si elle a pas trop la poisse. »

S’était bien ma veine…
Se lever avant l’aube, pour partir avec les premiers rayons du soleil, se faire quelque frayeur sur la route, pour finalement me faire dire que j’avais loupé Valériane. Je lâchais un soupir contrarié en quittant la caserne. Avec tout mon équipement et plus particulièrement mon arc et mon carquois je j’avais attiré quelques regards, surtout des regards un peu dubitatifs. L’arrivé des mordeurs avait peut-être permis aux femmes d’être autorisé à porter et manier les armes de manière officielle, mais ça ne voulait pas dire que s’était admis par tout le monde. Combien de fois j’avais entendu Val’ me raconter les remarques, des réactions aux seins de la milice, le moins qu’on pouvait dire c’est qu’elles n’étaient pas vraiment positives. Moi aussi, je me prenais encore des pics sur le fait d’être une femme.

Fin’ bon, s’était pas râler sur la vie qui allait occuper ma journée. Qu’est-ce que je pouvais bien faire ? Rentrer à Traquemont ? Après la marche j’avais pas spécialement envie de refaire le chemin inverse.

Pour repousser ma décision, j’avais décidé d’aller poser mes affaires chez ma sœur, enfin chez nous. Cette maison qui nous avait vu vivre, même dans nos moments les moins reluisants. A peine passer la porte que les automatismes avaient repris le dessus. J’avais enlevé mon barda, mon chaperon, ma veste, avant d’aller m’affaler sur ce qui un jour avait été mon lit. En fond la bruit de la ville qui parvenait étouffé. Le problème restait entier, toujours rien à faire.

J’avais tenu une heure, possiblement un peu moins, avant de n’en plus pouvoir, être inactive, je pouvais pas le supporter. Du coup, je m’étais résolue à sortir, pour faire quoi ? Je savais pas encore vraiment. Renouer avec la ville où j’avais passé toute ma vie ? Peut-être, qui s’en foutait ?
Laissant derrière moi mon arc, j’avais gardé mon couteau, les rues des bas quartiers avaient jamais été sûres, mais avec les migrations ça devait pas s’être amélioré. Puis bon, un arc, dans les ruelles, face à des loubards, ça servait pas à grand-chose.

L’atmosphère de la ville avait changé, elle était plus tendue, plus peuplée. Encore un peu et je reconnaîtrais pas le quartier où j’avais grandi. A force de déambuler, même sans passer deux fois au même endroit, j’avais fini par me faire repérer. Les regards, les petits mots, les invectives, j’y prêtais pas trop attention, s’était ça de balader seul, s’pas comme si j’avais été au courant de ce que je risquais. Mais eux, ce groupe de trois, qui se trouvait au coin de la rue, j’avais repéré qu’il m’avait repéré. De l’âge de Val’, peut-être un peu moins, ça devait être des pov’ type qui traînait dans la rue à longueur de journée faute de boulot pour eux. Pas la peine d’essayer de faire la maligne, il y avait un temps pour tout, là, il fallait pas les regarder, juste passer, d’autant plus que la venelle était plutôt déserte. A leur hauteur l’un d’entre eux m’avait attrapé le bras.

Oh les cons…

J’avais eu le réflexe de choper le poignet de celui qui avait osé m’emmerder et de la tordre, encore un peu, encore un peu de pression et le craque caractéristique d’une articulation qui se brise pourrait retentir.

« - Wow, la donzelle on se clame. On voulait juste causer…

- Et moi je voulais juste passer. »

J’aurais pas dû m’arrêter, j’aurais pas dû leur parler, juste dégager mon bras et partir, là ils en avaient profité pour m’encercler. En fait s’était moi qui étais conne.
J’avais lâché le crétin qui m’avait attrapé pour essayer de me faufiler entre eux, mais ça servait à rien, j’étais tombé dans le piège comme une gamine.

« - Elle a de la poigne la rouquine.

- Mais elle est mignonne surtout.

- Manque un peu de chair après l’os quand même, pis elle est un peu masculine… »

Mais ça allait aller là ?!

« Et c’est quoi ton petit nom ? »

Ce qui semblait être le chef de la bande avait approcher la main, je savais pas trop ce qu’il allait faire, mais son ton, son regard, toute son attitude me plaisait pas, le coup était parti tout seul. J’étais pas certaine que mon poing dans ses dents ça allait le calmer, mais au moins, ça les avait assez surpris pour que je puisse filer courir.

Fin' j’avais pas fait cinq foulés que le plus costaud s’était jeter sur mon mois pour me coller au mur. J’avais lâché un souffle comprimé, même amaigrit, il avait une carrure bien supérieure à la mienne je m’étais retrouvée écrasée. Ses potes avait pas vraiment traîné pour faire les quelques pas qui nous séparait. Le chef de groupe avait un air coléreux.
Ses larbins avaient pas tardé à se mettre à deux pour essayer de me tenir, mais j’étais pas vraiment décidé à me faire. Je me débattais gigotant comme un poisson hors de l’eau.

« Alors on se prend pour un bonhomme connasse ? Je vais te montrer ce que c’est un homme, un vrai. »

Ça sentait mauvais, très mauvais, si j’avais pas eu beaucoup de doute sur ce qu’il risquait de m’arriver, j’en avait plus du tout maintenant. Et ça me plaisait pas, je commençais à paniquer, vraiment.

Le connard qui en voulait à mon cul s’était approcher, bien trop rapproché, j’essayais bien de lui foutre un coup de genou, mais ça marchait pas vraiment. Il s’était mis à essayer de défaire l’attache de son pantalon, tandis que je priais pour que quelqu’un m’entende brailler et vienne m’aider.

« Chiante jsuqu’aux bout, c’est quoi cette manie de mettre les pantalons ! »

Une journée relativement tranquille, une météo clémente malgré l'humeur des gens concernant les Fangeux, des nouvelles du Labret relativement positives bien que les habitants rencontrent plusieurs difficultés. Les affaires marchaient au ralenti, comme une accalmie au cœur d'une violente tempête, prémices d'une profonde agitation qui allait grandissante et qui promettait bien des chambardements. En attendant la vie continuait, bon gré mal gré, chacun vaquant à ses occupations et, en l'occurrence, Finn avait profité d'un moment de repos pour aller acheter quelques nourritures à un petit vendeur populaire, ne pouvant hélas pas payer une fortune, mais parvenant à quérir du pain frais, un peu de fromage et quelques légumes qui ajouteraient aux prochains repas de la Compagnie, remplissant ainsi un sac de tissu pesant facilement une dizaine de kilos, relativement encombrant, mais qu'il tenait d'une poigne de fer. Passer par les ruelles n'était pas un problème quand on était Mercenaire, mais pour autant l'homme ne comptait pas s'attarder et pressait le pas, quand des cris d'appel au secours retentirent à moins de trente mètres de lui, dans ce qui semblait être la ruelle jouxtant la sienne. Il eut une brève hésitation, puis décida de foncer au pas de course voir de quoi il retournait, conscient que sans doute personne d'autre ne bougerait, chacun préférant se terrer chez soi quand des incidents avaient lieu loin des yeux de la Milice. Étrange comme l'Humain peut se montrer lâche et couard quand la situation exige l'inverse. Arrivant à l'entrée de l'autre ruelle, il s'immobilisa en fronçant les sourcils face à la scène qui se déroulait sous ses yeux et qui faisait naitre une vague de fureur dans ses yeux clairs, son sang ne faisant qu'un tour alors que ses muscles se crispaient d'envie d'en découdre. Il n'aurait pas du s'en étonner, parait-il que ces choses-là étaient courantes dans les grandes cités comme Marbrume, pourtant en un an de présence ici, il n'arrivait et n'arriverait de toute façon jamais à passer son chemin. Un trio d'emmerdeurs comme on il en existe partout, le genre qui fait chier son monde chaque jour que les Trois font et qui n'ont d'autres aspirations que des actes égoïstes et criminels. Le genre que la Milice adore pendre, le genre qu'un homme comme Finn ne pouvait qu'avoir envie de cogner. Jetant un bref regard à son sac de provisions, il soupira discrètement puis interpella l'agresseur le plus proche de lui d'une voix forte et vive.

- HEY TOI !

Le plus proche pivota à demi, tournant la tête vers lui alors qu'il projetait le sac dans sa direction, visant délibérément le haut de son corps.

- ATTRAPE !!!

Le projectile vola vers le torse de l'individu, l'obligeant à lâcher prise pour le rattraper, un réflexe que bon nombre de gens avaient faute d'un entrainement approprié, alors même que le Mercenaire fonçait à la suite du sac, percutant le premier d'une bourrade de l'épaule tandis qu'il dégainait son couteau, lacérant sans hésiter l'abdomen de celui qui avait commencé à défaire le pantalon de la femme. Bien sûr qu'il risquait gros si jamais la Milice venait à s'en mêler, surtout avec les cris qui avaient été poussés, mais à moins d'une patrouille dans les environs, chose assez rare dans les ruelles des Bas-Quartiers, il devrait avoir la paix un moment et finir son affaire sans être dérangé. Le blessé recula en portant les mains à son ventre tandis que celui qui avait été blessé se redressait, tirant à son tour une lame alors que l'autre continuait de maintenir la fille, quoique visiblement perturbé par cette attaque surprise. Ce fut à cet instant précis que la victime choisit d'agir.

Les dieux avaient pitié de moi, ou alors ils avaient envie de faire durer mon calvaire pour leur propre amusement. Entre le fait que je restais pas tranquille, la ceinture et les lacets du pantalon, il s’en sortait pas l’ordure. J’avais beau protester, crier, me débattre comme je pouvais, personne semblait vouloir m’aider, personne semblait même s’intéresser à ce qu’il se passait.

L’humanité était toujours aussi pourrie, même quand elle était en danger…

Mon cœur battait à tout rompre lorsque la ceinture était tombée. Non, non, NON !

Le bruit de la boucle tombant sur les pavés dégueulasses de la ruelle, sonnait comme une condamnation. J’y croyais plus vraiment là. Mais visiblement le jeu était fini, quelqu’un avait fini par montrer un peu d’humanité.

Je l’avais même pas regardé, s’était juste une vague présence imposante qui avait déjà pris en charge deux des trois connards. S’était LA chance, LE moment. Il croyait vraiment que me tenir vaguement le bras et l’épaule allait me garder sage, regardant le bon samaritain mettre une déculotté à ses deux couillons ?

Il était tellement sur le cul que quelqu’un ait eu le cran de venir les interrompre que seulement le repousser l’avait déstabilisé, il avait lâché mon épaule, mais s’accrochant à mon avant-bras comme une moule à son roché, essayant de m’attirer à lui pour me contraindre encore. Mon poing avait fini par rencontrer son ventre, puis quand il avait commencé à se plier son le choc, mon genou avant que sa tête cogne fort contre le mur à proximité. Il était pas dans les pommes, j’étais pas assez forte pour ça, mais au moins il allait mettre un certain temps avant de se relever.

Ils étaient tous avec leurs couteaux, les bagarres de rues, ça m’avais pas manqué.

Celui qui savait visiblement pas modérer ses pulsions de raclure en rut se tenait le ventre, on lui avait visiblement fait un belle entaille. J’aurais dû finir de m’occuper de l’autre, j’aurais dû m’assurer qu’il se relève pas avant un moment. Mais l’occasion de le venger … J’allais pas le laisser se regarder la plaie comme ça. Je me jetais sur lui, j’étais peut-être pas bien lourde pas avec la force du mouvement, s’était pas dur de clouer quelqu’un au mur l’avant-bras contre la gorge appuyant fort.

« Alors, ça te plaît de te retrouver contre le mur connard ?! »

Il couinait, râlait, la respiration saccadée.

« Je vais… te baiser… pétasse. »

Ça avait la tête dur, un bas de plafond.

Une femme, vêtue d'un pantalon dont la ceinture trainait apparemment au sol, c'est ce que mon regard avait brièvement eu le temps d'accrocher avant que la suite des évènements ne s'enchaine précipitamment. Tout d'abord, celui qui venait de tirer son couteau tenta d'en asséner un coup, mais heureusement Finn avait assez de réflexes pour bondir en arrière, évitant la première attaque, la deuxième entaillant son habit alors qu'il pivotait de côté à la dernière seconde, la troisième entaillant sa joue sans gravité et lui tirant un grognement de se voir ainsi presque acculé au mur opposé, tandis que de l'autre côté la "victime" en collait une au dernier des trois que le Mercenaire calcula vaguement comme finissant à terre. Le deuxième assaillant bondit alors vers lui et ils se retrouvèrent à serrer fortement leurs poignets respectifs, maintenant ainsi les lames aussi loin que possible de leurs chairs. Il y avait pourtant deux différences qui importaient dans ce combat : la taille et la nutrition. Finn n'était pas spécialement épais, mais il était tout en muscle et mangeait à peu près à sa faim, en outre il dépassait l'agresseur d'une demi-tête et, comble de malchance, avait maille à partir avec plus costaud en entrainement. Tordant fortement le poignet de son adversaire, le Mercenaire eut un rictus de rage alors qu'il y allait d'un grand coup sec, lui arrachant craquement et cri de douleur dans la foulée, le faisant lâcher prise sur son propre poignet. La lame vint lui taillader la gorge sans autre forme de procès, juste avant qu'un grand coup de botte ne l'envoie valdinguer en arrière. La femme de son côté maintenait le premier ennemi blessé qui trouvait encore la force de la menacer.

- J'crois pas non.

Lâcha le Mercenaire en s'avançant rapidement, arme à la main, ne s'occupant pas pour l'instant des provisions répandues au sol tout autour d'eux : la nourriture, pourtant, était plus précieuse que jamais en ces temps de disette. Finn hésita un peu, puis observant celui à terre qui semblait revenir à lui, se pencha pour lui placer la lame sous la gorge, le regard brillant d'une sombre colère.

- Toi, ne bouge pas.

Puis, s'adressant à celle à qui il venait de porter assistance.

- Que voulez-vous faire d'eux ?

Encore qu'ils connaissaient leurs visages, il était sans doute préférable de s'assurer qu'ils ne puissent jamais parler, d'autant plus que leur crime était à son sens trop grand pour être pardonné... Mais s'ils les tuaient, ils devraient alors les décapiter pour s'assurer qu'ils ne renaissent pas en Fangeux, sans parler des explications que lui-même devrait donner à son Capitaine. Oh bordel, dans quelle embrouille venait-il de plonger tête baissée ?

Le bruit des os qui craquent, un grand-chose de douleur puis les râles de quelqu’un qui se noyait dans son propre sang. Ce sont que j’avais entendu de si près, que j’avais provoqué chez ce banni, ce jour étrange et éprouvant. Il faudrait que je me méfie ce celui qui était venu à mon secours, il venait d’égorger un homme sans effort.

Qu’est-ce que je voulais en faire ?
Bonne question. Les laisser partir comme ça, ils le méritaient pas. Les tuer, s’était une justice qu’on pouvait pas rendre nous-même … en revanche

« C’est quoi ton p’tit nom mon tout beau? Fatalement il y avait une bonne grosse dose de dégoût et d’ironie dans mes mots.

- Qu’est … ce que ça peu … bien … te foutre. »

Mauvaise réponse. Pour le punir j’avais frappé dans sa blessure, ce qui lui avait arraché un cri tout sauf fier et viril.

« - Ta gueule et réponds.

- Marcelin. Cracha-t-il du bout des lèvres

- Quel nom de merde. Marcelin comment ?

- Vas te faire … j’appuyais fort contre sa gorge jusqu’à ce qu’il en couine lamentablement … Armand, Marcelin Armand. »

S’était à peine audible, mais il avait lâché. Je montrais pas vraiment de signe de satisfaction et pour cause, j’étais pas vraiment satisfaite, j’aurais voulu leur faire tellement plus, mais chaque moment qu’on restait ici était un instant ou la milice pourrait débarquer et c’est nous qui serions mal.

« Bien … Et toi, c’est comment ? »

Je m’adressais à celui qui se faisait maintenir en respect, couteau sous la gorge par l’homme.

« Gustave Sully. »

Il avait pas fait le fier, même si il y avait de l’amertume, voir un dégoût dans sa voix, teinté d’un peu de peur. Après un dernier coup dans la poire du salaud chaud lapin, je l’avais lâché, mais au moindre mouvement il se ferait éclater la tête contre le mur.

« Dégagez, et prenez la viande froide avec vous. J’vous conseille de vous tenir à carreau, ma frangine dans la milice sera tout sauf contre ajouter l’arrestation d’raclure des bas-fonds à ses faits d’armes. Ça lui facilitera l’travail de savoir qui vous êtes, quelle sale gueule vous avez et où vous traînez. »

Val’ était dans la milice extérieure, mais comme toute milicienne, elle avait autorité dans la cité, et lui raconter le tiers de cette histoire allait suffire à la remonter assez pour qu’elle retourne tout le quartier à la recherche de ces merdes.

J'avais pas l'air de bluffer, plus que sérieuse.

Tandis que le chef de ce qui avait été un groupe commençait à tituber vers le cadavre de ce qui avait été son débile d’acolyte, je regardais celui sans qui j’aurais été en train de prendre plus que cher à cet instant. Grand, carré, plutôt bien portant. J’étais méfiante, en même temps, j’étais toujours méfiante, on pouvait pas dire que les hommes m’avaient montré leur bon côté tout au long de ma vie et là maintenant encore moins. Entre le violent alcoolique, la loque qui rabaissait Valérianne plus bas que terre, les ivrognes, les pervers, ceux qui vous prenaient pour un simple objet qui n’avait pour seule fonction de combler tout leur désir … Si lui aussi il avait des arrière-pensées ? Vu sa carrure, j’aurais intérêt à courir vite, très vite.

Finn avait laissé la femme décider du sort des deux derniers individus restants et, bien qu'il se soit permis d'en tuer un sans hésiter, il préféra de loin l'alternative qu'elle leur offrit en les menaçant de les dénoncer à sa sœur Milicienne si jamais ils devaient refaire parler d'eux. Lui-même enregistra les noms dans son esprit et ne manquerait pas de les citer au Capitaine une fois rentré, s'écartant pour laisser le dénommé Gustave ramasser le cadavre avec son ami Marcelin. A bien y réfléchir, sans doute aurait-il pu se contenter de blesser celui qui avait sortit le couteau, mais une petite voix dans son esprit lui souffla que cela faisait un violeur et tueur de femme en moins sur cette terre. Nettoyant la lame de sa dague, il la rangea prestement et jeta un regard à celle qu'il était venu aider. Méfiante, presque sur la défensive, elle le dévisageait avec une sorte d'hésitation au fond des yeux. Comment aurait-il pu le lui reprocher ? Ainsi le jeune homme alla ramasser la ceinture qui trainait encore au sol et la lui tendit à bout de bras avec un sourire qui, s'il le voulait léger et chaleureux, ne remontait pas encore jusqu'à ses yeux.

- Tenez, je crois que c'est à vous.

Gardant ses distances, il attendit qu'elle s'en empare avant de reculer un peu en direction des provisions au sol, ramassant le sac pour commencer à le remplir de nouveau, grimaçant un peu en constatant que deux légumes avaient perdus quelques feuilles dans la bataille. bah, ils demeuraient comestibles, c'était déjà ça de pris et puis que valait un peu de nourriture contre la préservation d'une vertu ? Rien du tout.

- Si j'étais vous, je parlerais à votre sœur de ce qui s'est passé, cependant j'apprécierais que vous ne me citiez pas dans cette affaire. Je ne voudrais pas d'ennuis.

Ce qui était un peu facile à dire une fois que tout était passé et qu'on avait égorgé un homme, pourtant il n'y avait rien à faire, Finn ne parvenait pas à éprouver le moindre regret quant à son geste, excepté peut-être le risque que la Compagnie soit indirectement accusée de mauvaise gestion de ses éléments. Il s'interrompit, une pomme en main, observant d'en bas la silhouette de la jeune femme : mince, élancée, relativement athlétique bien que manquant de force au vu de ce qui était arrivé. Et plutôt belle, il fallait l'avouer, pas étonnant que ces raclures aient voulu s'en prendre à elle.

Je marmonnais un merci en récupérant ma ceinture qu’il avait ramassée pour me la tendre. Il était resté à bonne distance ce que j’appréciais assez, surtout vu ce qu’il venait de se passer. Attrapant l’épaisse lanière de cuire, peut-être un peu sèchement, sans trop le vouloir, je l’avais rattaché autour de mes hanches.

Pendant ce temps il ramassait de la nourriture qui se trouvait à terre, vomie d’un sac. S’était ça qu’il avait dû lancer au type quand il était arrivé. Pas que j’avais envie de m’en souvenir, mais j’essayais juste de comprendre, sachant très bien toutes les conneries que j’avais faites pour en arriver là. J’étais trop conne. Au moins, il avait juste eut quelque légumes abîmés. S’était au moins ça, j’avais rien gâché en plus de me faire une bonne grosse frayeur.

« J’avais pas l’intention de me taire, je lui dirais juste pas tout, sinon elle retournera toute la ville si il le faut pour les retrouver. Je lui dirais que vous vous êtes sauvé trop vite pour que je puisse vous voir. »

Encore un peu renfrognée, la pression redescendait doucement. Ils étaient partis, seul témoins ce que venait de se passer : la flaque de sang au milieu de la venelle. Je me sentais toute petite et horriblement vulnérable là tout de suite, j’aimais pas ça, pas du tout. Le détaillant un peu plus, voyant qu’il avait l’air plus âgé, pas de tant que ça, que moi, mais surtout qu’il était blessé, une entaille sur sa joue.

« Vous êtes blessés ailleurs ? »

Lui montrant ma propre pommette pour lui signifier que je parlais de la sienne. J’étais un peu inquiète, peu concernée, je m’en serais voulu si il avait une autre plaie ailleurs par ma faute.

« Je… euh … fin’ … »

Vous étiez pas obligé ? Vu que personne d’autre s’était senti obligé.
S’était sympa mais un peu débile si on croit votre blessure ?
S’était trop cynique tout ça, il méritait pas vraiment le ton acide habituel, il avait rien fait pour en-tout-cas, bien au contraire.

« Merci. »

J’osais pas trop le regarder, me sentant horriblement stupide et un peu responsable de tout ça. j’aurais dû rester à la maison, au moins personne m’y aurait fait chier et personne en aurait voulu à mon cul. Plus qu’une envie dans mon esprit rentré. D’ailleurs, j’avais commencé à marcher, évitant la flaque. Trop mal à l’aise.

Tendue, encore nerveuse et sans doute plus secouée que ce qu'elle en avait l'air, la jeune femme avait rattaché sa ceinture d'un geste presque mécanique et Finn pouvait sentir son regard sur lui, ce qui ne l'empêcha pas de finir de ramasser les denrées qui trainaient au sol, n'attendant que de retrouver le confort du sac d'où elles étaient tombées. Il hocha la tête quand il fut question de dire à sa sœur qu'elle n'avait pas eu le temps de bien le voir, même si à son sens la Milicienne aurait peut-être des doutes... Mais elle aurait sans doute plus à cœur de retrouver les deux lascars que de pourchasser un sauveur de passage, puisse-t-il paraitre suspect de s'être ensuite enfuit sans demander son reste.

- Hm ?

La question lui fit de nouveau relever les yeux vers elle, son regard accrochant son geste qu'il imita par réflexe, retenant une grimace en sentant le bout de ses doigts effleurer l'entaille à sa joue. Damned, pourvu que cela ne laisse pas de trace, pensa-t-il avant de palper plus fermement, constatant que cela ne semblait pas trop profond. Le Mercenaire se releva avec son sac dans les bras et secoua légèrement la tête, tranquille.

- Non, il n'était pas assez rapide pour ça.

Simple constatation, mais si les deux autres avaient été armés, ou avait eu la jugeote de contre-attaquer sans attendre, Finn songeait que c'est lui qui aurait pu finir par terre à se vider de son sang et non l'un des agresseurs. L'hésitation suivit du remerciement lui tirèrent un léger sourire, mi-indulgent, mi-flatté que cela provienne d'une aussi jolie fille, mais déjà elle commençait à s'éloigner, sans doute pressée de quitter cet endroit devenu trop glauque avec ce qui avait manqué d'arriver.

- Hey attendez !

Se précipitant à sa suite en petits pas rapides, le Mercenaire la rejoignit pour se placer à ses côtés, calquant son pas sur le sien en lui décrochant cette fois son plus beau sourire, celui qu'il adressait lorsque son humeur était au beau fixe et, à présent que l'orage était passé, il pouvait effectivement se permettre d'être à nouveau lui-même, laissant de côté cette colère qui l'avait habité l'instant d'avant à la vue de cette scène.

- Je ne pense pas que ça soit une bonne idée de vous promener seule, surtout après ce qui est arrivé. Vous avez l'air toute chamboulée.

Et c'était vrai, Finn la trouvait très forte de ne pas s'effondrer en larmes comme il l'avait déjà vu faire, mais être agressé sexuellement était une expérience pour le moins traumatisante, lui avait-on dit et, souvent, il ne fallait pas laisser les gens seuls après ça.

- Puis les rues ne sont pas sûres, je serais plus rassuré si je vous accompagnais là où vous allez. Je vous promet que je garderais mes distances.

Qu'elle n'aille pas se faire des idées ni quoi que ce soit, loin de lui la pensée d'agir comme ces sales types avaient voulu le faire, bien au contraire. Finn pouvait bien faire un petit détour pour s'assurer qu'une innocente ne subirait pas d'autre attaque. Qui sait si les deux agresseurs n'avaient pas d'autres copains à aller chercher ?

Rentrer et aller me blottir dans un fauteuil avec une couverture en attendant que Val’ rentre pour me blottir contre elle et sentir sa présence rassurante. Au fond avec elle, j’avais encore l’impression d’être une gamine de dix ans qui avait besoin d’être rassurée parce qu’elle avait peur du noir. Je le serais toute ma vie sûrement, sauf que les choses dont j’avais peur avaient changé, allaient changer…

Les pas rapides qui se rapprochaient m’avait arraché un frisson. Mais heureusement ce n’était que l’homme qui m’avait aidé, et appeler. Restant à ma hauteur il parlait, insistant pour m’accompagner.

Chamboulé… Non tout allait bien, une bande de zonnards pathétiques avait réussi à me coincer essayant de défouler leur sale instinct sur moi. Puis lui mec qui m’avait secouru en avait égorgé un de sang-froid comme ça. Je voyais pas vraiment ce qui allait pas …

Mais il était vraie que j’étais pas vraiment rassurée et que même si il me pressait un peu bizarre être accompagné d’un gars taillé comme lui ça allait dissuader plus d’un de m’approcher. Ça donnait un sale coup dans mon estime personnelle, pourtant, ça restait la meilleure chose à faire. Tant qu’il restait à distance.

« Je … D’accord. »

Avais-je soufflé contrariée. Il avait beau avoir la tête du bon garçon, le sourire charmeur, j’oubliais pas ce qu’il avait fait sans hésiter. Je refermais plus encore la veste liant les lacets pour être certain que plus un morceau de peau ne dépasse.

« Vous avez pas mieux à faire ? »

Bah oui, il fallait bien y penser, moi j’avais rien à faire à part avoir cette envie de me rouler en boulle chez moi, mais les autres ils avaient souvent une vie, souvent un travail.

« Puis vous vous appelez comment ? »

Peut-être que si on faisait un peu plus connaissance, je me sentirais moins inquiète à côté de lui. Commencer par son nom pouvait être un bon début.

Les rues semblaient tellement calme et vide d’un coup, comme si mon malheur ait avait vidé faisant rentré tout le monde pour se donner bonne conscience de pas avoir ne serait-ce que dit quelque chose. Même soleil qui brillait n’arrivait pas réellement à réchauffer l’atmosphère redonnée à cette journée un peu de couleur.

Les bras croisés, je marchais finalement assez vite.

Elle avait visiblement hésité, mais accepta finalement qu'il l'accompagne, resserrant un pan de son vêtement contre elle comme pour se rassurer. Faisait-il donc peur à ce point-là ? Non, cela semblait davantage être du à un besoin d'être loin de tout et de tous que dirigé spécialement contre lui, au vu de la question qu'elle posa presque sans attendre et qui lui arracha un léger sourire un rien penaud. Damn, c'est qu'elle en avait du caractère.

- J'ai juste à rentrer chez moi, mais je peux bien faire un détour pour m'assurer qu'il ne vous arrivera rien. Ce serait bête de ma part de vous avoir aidé pour ensuite laisser le prochain malotru venu vous agresser à son tour.

Ce serait même un comble et une honte que de l'abandonner ainsi. On disait souvent que lorsqu'on sauvait la vie de quelqu'un, on en était responsable ensuite. Finn n'irait pas jusque-là, tout du moins pas jusqu'à la fin de ses jours, mais il pouvait au moins l'accompagner un bout de chemin. Il ignorait ce qui pouvait bien passer dans la tête de cette femme, mais en tout cas elle avait beaucoup de questions à poser et le jeune homme haussa les épaules, nonchalant, répondant avec un large sourire chaleureux.

- Mes amis m'appellent Finn. Et vous ?

Les rues étaient anormalement calmes et désertes, aussi le Mercenaire jetait-il des regards autour d'eux, demeurant alerte et sur le qui-vive, tout en faisant tout pour ne pas se montrer inquiétant avec celle qui marchait à ses côtés, ce qui était loin d'être évident. Le soleil réchauffait l'atmosphère et apportait un peu de quiétude à la situation, quoique rien ne soit encore joué.

- Vous avez faim ? J'ai une pomme ou deux qui pourraient bien avoir été piétinées dans la bagarre sans qu'on m'en tienne rigueur.

Nouveau sourire, accompagné cette fois d'un clin d’œil, tandis qu'il tendait le sac de tissu en direction de la jeune femme, lui adressant un petit signe du menton pour l'encourager, comme on le ferait avec un enfant timide.

A l’écoute , il voulait seulement jouer au gentil garçon qui secourait la dinde pas fichue de se défendre. Et s’était moi la dinde, je m’en sentais pas vraiment fière, loin de là. J’aurais vraiment dû rester à m’ennuyer à l’abri.

« C’est louable de vot’ part, mais … non rien… »

S’était juste ma fierté blessée qui cherchait un moyen de panser ses plaies, de se réconforter, de se rassurer. J’avais fait tellement de conneries aujourd’hui. J’étais perplexe face aux sourires expressifs, mais surtout aimables, agréables de l’homme, de Finn.

Ma méfiance face à lui s’endormait doucement, face à son attitude calme et apparemment désintéressée. Je le regretterais sûrement plus tard.

« Ilhanne. »

Je reconnaissais dans son attitude des gestes de Val’ lorsqu’elle était dans son rôle de milicienne, ou ceux que je pouvais avoir lorsqu’on sortait. Cette attitude de regarder partout autour pour être sûre de ne pas se faire surprendre. Malgré moi je commençais à me demander, à chercher ce qu’il pouvait bien faire comme travail. Après tout il y avait pas mal de vivre dans son sac, il fallait bien se les payer et avec la pénurie s’était pas donné.
Visiblement pas milicien, sinon pourquoi avait-il demandé à ce que je parle pas de lui en détail Val’ ?

On revenait dans une partie des quartiers plus animée, ici on était dans la rue principale. Quelques gamins des rues emmerdaient leur monde, mais rien de bien dangereux. Ici je me sentais plus à l’aise, aux milieux de passants qui viendrait nous chercher des noises ?
J’avais refusé poliment sa pomme, j’étais clairement pas la plus à plaindre, si on manquait un peu de verdure à Traquemont, on réussissait à se nourrir assez grâce à la chasse. Puis je me sentais pas trop de l’accepter.

« Qu’est-ce que vous faites ? Fin’ j’veux dire comme travail … »

J’avais encore un peu de mal à le regarder longtemps quand même, toujours possédée par l’envie de retourner me terrer chez moi.

Elle lui avait donné son prénom, c'était déjà ça de pris et il n'allait pas s'en plaindre : elle ne s'enfuyait pas, ne tremblait pas -ou en tout cas le cachait habilement- et semblait avoir assez de force morale pour ne pas faire d'amalgame en le mettant dans le même panier que les autres hommes qui lui avaient voulu du mal. Acquiesçant à l'entente du prénom, Finn eut un léger sourire sympathique alors même qu'ils débouchaient dans une rue plus animée et dégagée, le soleil dardant enfin ses rayons tout autour d'eux sans aucun bâtiment pour l'en empêcher. Ici ils étaient davantage en sécurité et le Mercenaire songea qu'il pouvait se détendre un peu, bien qu'il continua à jeter des regards alentours, plus discrètement cette fois, l'air de rien. La question sur son métier lui tira un bref rire amusé, sans moquerie aucune cependant, alors qu'il lui adressait un regard pétillant de malice.

- Disons que je suis un homme à tout faire.

Un moyen détourné comme un autre de dire qu'il pouvait avoir plusieurs casquettes, même s'il y en avait une qui, elle, ne changeait jamais. Reprenant une expression un peu plus grave, Finn l'observa avec une attention soutenue, presque inquisitrice.

- Et vous ? Je pencherais pour un métier d'action vu votre vêture et vos réactions tout à l'heure, à moins que vous ne deviez vos talents à l'enseignement de votre ainée ?

Qui sait si la fameuse sœur Milicienne ne lui avait pas appris à se battre pour qu'elle puisse se défendre seule ? D'ailleurs à bien y repenser, il fallait manquer d'une grande prudence pour s'aventurer ainsi dans les Bas-Quartiers sans qui que ce soit à ses côtés pour vous assister. Surtout lorsqu'on est une femme sans armure ni épée.

- J'ignore quelles affaires nécessitaient que vous vous promeniez seule sans escorte, mais sans vouloir vous offenser, il serait judicieux de ne plus emprunter les ruelles à l'avenir. Bien des crimes ont lieu à Marbrume, de jour comme de nuit, et la Milice ne peut être partout.

La preuve en était ce qui était arrivé, mais Finn jugea qu'il radotait un peu et que la jeune femme avait très certainement déjà décidé de ne plus jamais réitérer cet "exploit" à l'avenir.. mais que voulez-vous, on a la fibre protectrice ou on ne l'a pas.

Un homme à tout faire hein …

Fin' j’avais pas vraiment eut le temps de me demander plus ce qu’il voulait dire par là, que je me tapais le moment qui donnait le coup de grâce à mon égo agonisant, le sermon. S’était pas bien de se promener seule dans les rue quand on était une femme… gnagnagna. Comme si je le savais pas, foutu monde de merde.

« J’ai fait la connerie de penser que les rues de la ville étaient moins dangereuses que les marais. J’le ferais certainement plus. »

Ça faisait trop longtemps que j’étais parti visiblement ne mesurant pas vraiment les changements qu’avait subis la cité, dans sa vie, dans son ambiance. Je serais pas mécontente de rentrer dans la forteresse perdue au milieu des marais. Paradoxalement s’était un lieu bien moins glauque que Marbrume à ce que j’en voyais. Là-bas on était trop occupé à penser à notre survie pour nous attaquer les uns les autres, faire ressortir les plus laids de la nature humaine. Fin’ s’était-ce que j’en avais vu pour le moment, peut-être que j’en avais pas vu encore assez pour être objective.

J’aurais dû prendre mon arc, faute d’être vraiment utile, il aurait être pu les dissuader.

Dire que je m’étais renfrognée et refermée comme une huître était peu dire, je regardais partout ailleurs, mais pas lui. J’avais plus très envie de parler d’un coup, cherchant juste un moyen de me débarrasser du moralisateur.

« Ma destination est là, pas loin, puis c’est que des grandes rues. Merci encore. »

Mensonge, gros mensonge.
Mais s’était juste pour me faire dire que j’avais merdé, je le faisais très bien moi-même, merci.

Un peu plus loin dans la rue, des petits gamins se firent réprimander par une femme. Visiblement ils avaient essayé de lui chiper quelque chose sans vraiment y arriver.

A la tête qu'elle fit, il su qu'il y était allé un peu fort et qu'elle l'avait mal pris. Sa remarque sur les marais lui avait fait froncer les sourcils et, à l'entendre affirmer que sa destination n'était plus très loin, Finn pouvait sentir qu'elle avait envie de prendre congé le plus rapidement possible de lui, très probablement vexée au-delà de ses craintes. Pourtant, il y avait bien une chose qui le fit cligner des paupières avec une légère surprise, avant qu'un large sourire ne vienne chasser le début de culpabilité qu'il avait commencé à éprouver pour l'avoir blessée.

- Les Marais ? Tu viens des Marais toi aussi ?

Le tutoiement venait de remplacer le vouvoiement, alors même que son regard s'éclairait et que son visage se détendait, affichant un air agréablement surpris tandis qu'il se mettait à la scruter de nouveau des pieds à la tête, comme si elle venait tout à coup de se transformer sous ses yeux en adoptant une nouvelle apparence.

- Ça explique pourquoi tu ne ressembles pas aux citadines d'ici.

Il rit un peu, amusé, oubliant complètement la vexation dont il avait été la source, ne s'intéressant plus qu'à une chose : la provenance d'Ilhanne.

- Tu es d'où exactement dans les Marais ? Je ne pensais pas qu'il en restait encore assez avec la Fange. Tu vis à Marbrume du coup ?

C'est à grande peine que Finn se retenait de l'assommer plus encore de questions, donnant l'air d'un jeune chien fou devant lequel on viendrait de présenter un semblable à qui il voudrait faire la fête, comportement qui lui donnait tout à coup son âge véritable que son bouc ne pouvait à présent plus dissimuler.

J’avais pas compris … Vraiment, j’avais pas compris ce qui s’était passé d’un coup. Il était passé du mec un peu sympa et mais gardant une espèce de distance polie, à un agité visiblement très enthousiaste à l’idée de savoir que je passais une grande partie de ma vie les pieds dans la gadoue des marais.
Généralement, on me regardait plus comme une illuminée un peu suicidaire quand je laissais filtre le fait que je me cachais pas derrière les murailles de la ville en priant pour qu’un désastre comme celui de la Hanse ne se reproduise pas. Mais pas lui …

« Je … euh … Non, en fait je vis à Traquemont je suis jute venue à Marbrume pour voir ma sœur… »

La perplexité devait ouvertement se lire dans mon expression.

On ne pouvait pas dire qu’aujourd’hui était une journée morne et plate, j’étais passé par au moins la moitié des émotions qu’on pouvait éprouver en moins d’une heure. J’étais carrément décontenancée par son changement brutal d’attitude.

Je savais pas trop comment prendre le fait qu’il trouvait que je ressemblais pas « aux citadines d’ici ». J’avais l’air d’une pouilleuse sortie tout droit de sa cambrousse, c’est ça ? Note que ça devait pas être forcément faut, devait bien rester quelques traces de boue sur ma veste ou mon pantalon, vestige de ma sotie d’hier. Rien que le fait de porter des vêtements d'homme peut-être. Ne serait-ce que toutes les femmes dans mon champ de vision étaient en robe, s'était encore pas vraiment rependue, mais tellement plus pratique ...

« Vous, fin’ tu vivais dans les marais avant toute cette merde ? »

Au moins, maintenant, il semblait clair qu’il me voulait rien du tout à part me poser des questions que n’avaient aucun scène avec ce qu’avait été la discussion jusqu’à présent. Au moins ça avait eu le mérite de dissiper le malaise qui s’était brutalement installé, me faisant vaguement oublier mon idée de lui fausser compagnie le plus vite possible.