Rééquilibrer la balance [Finn - Terminé]

Il aurait presque pu sentir la claque du Capitaine à l'arrière de son crâne quand il réalisa son emportement, mais il était déjà trop tard pour conserver un air tranquille et neutre. Pour autant Ilhanne ne sembla pas se braquer ni même mal prendre son soudain changement de tempérament, quoique la surprise soit évidente sur son visage alors qu'elle lui expliquait être à Traquemont. Oh... Il en aurait presque été déçu, en vérité il le fut l'espace d'une brève seconde, avant que son sourire ne revienne à la charge et qu'il ne hoche fermement la tête, encore enjoué.

- Ah, la place fortifiée ! Ça c'est une très bonne chose.

C'était donc bel et bien une femme de caractère et non pas une citadine qui n'avait jamais vu d'arme ni qui n'avait jamais eu à se battre. Non pas que ces femmes douces et inoffensives ne soient pas attirantes, bien au contraire, mais rencontrer quelqu'un qui luttait directement contre la Fange avait le don de le mettre de bonne humeur et pas qu'un peu. Ainsi donc elle était venue rendre visite à sa sœur ? Une Milicienne de Marbrume, voilà qui formait un duo assez singulier, mais relativement équilibré. Une au-dehors et une en-dedans, toutes deux veillant sur les survivants, chacune à leur manière. Se calmant un peu, Finn inspira profondément et hocha la tête à l'intention de sa vis-à-vis, son sourire demeurant au coin de ses lèvres.

- Oui, je suis de Balazuc, au Sud d'ici. J'ai grandit entouré de marais et je suis arrivé ici un peu avant qu'on ne ferme les portes.

Et depuis il vivait très différemment, son esprit lui rappelant brutalement qu'il n'avait pas pu convaincre ses parents de le suivre ici, avec la fin qu'on leur connait, comme tous ceux qui ont été pris dans la Fange sans pouvoir atteindre les murs de la cité. Son regard s'assombrit brièvement à cette pensée, qu'il chassa d'un haussement d'épaules nonchalant.

- Comment est-ce, à Traquemont ? Vous vous en sortez là-bas ?

On racontait tellement de choses qu'il était difficile de démêler le vrai du faux, que ce soit quant aux évènements alentours ou dans la place forte elle-même. Est-ce que les Fangeux faisaient beaucoup de morts parmi les rangs des combattants ? Est-ce qu'ils avaient des cas de folie furieuse ? Est-ce qu'ils avaient du punir des criminels ? Est-ce qu'il y avait de redoutables guerriers capable de tuer des dizaines d'ennemis en quelques coups ? Trop de questions à poser et que Finn tentait de garder contenues afin de les présenter une à la fois. La pauvre Ilhanne n'était pas prête d'être débarrassée de lui.

Il était bizarre, je n’avais pas encore déterminé si c'était un bon bizarre ou un bizarre genre à moitié cinglé et pas si inoffensif.

Je savais pas ce qui était vraiment une bonne chose, mais en tout cas, pour moi s’était plutôt la chose à faire, la bonne action, l’un des endroits où il fallait se trouver si on voulait pas juste attendre de se faire bouffer terroriser dans un coin. Ce qui n’était pas la vision de tout le monde, heureusement ? où malheureusement ? Je savais pas trop en fait…

Balazuc, Balazuc … Ah ! oui, je remettais. Il était pas de si loin en fait. Une ombre passa sur son visage qui semblait pourtant si habituer à faire toutes sortes de risettes. Qu’est-ce qui lui passait par la tête ? Sûrement à des proches. Ceux qui n’avaient perdu personne étaient tellement rares depuis l’arrivée des mordeurs. Tout ça pour qu’il finisse par poser la question, celle qui ne manquait pas d’arriver sur le tapis lorsque je lâchais que je venait du fort de chasseurs de fangeux.

« Ça va, la vie suit son cours. S'pas comme si on savait pas qu’à chaque fois qu’on mettait un pied dehors on risquait pas de se faire bouffer ou attaquer par des connards ou des bannis. Mais j'saisis pas bien le sens de la question en fait. »

Parce qu’on savait jamais vraiment ce que les gens entendaient par là en fait. Enfin, moi je comprenais pas trop où les gens voulaient en venir.

« On a pas été décemment décimé si c ‘est ce que tu te demandes. »

J’avais souri, un petit sourire discret et un peu ironique fallait’ bien le dire.
S’était vrai, on passait pas notre vie à essayer d’empêcher des hordes de bêtes d’engloutir ou de convertir la totalité des habitants du fort. Parfois j’avais vraiment l’impression que c'était l’idée que les personnes s’en faisaient.

« La vie est contre toute attente presque plus calme dans la forteresse en plein milieu des marais qu’ici. C’est pas la même échelle en même temps. On survit grâce à la chasse en particulier et on vit au rythme des rondes et des traques. »

On pouvait pas comparer une petite communauté qui ne pouvait compter que sur elle-même pour survivre en plein milieu d’un environnement plus qu’hostile et une grande ville comme Marbrume qui accumulait maintenant des centaines de milliers d’habitants. Il fallait être réaliste, mais entre les deux, il était assez certain que ma préférence allait pour la petite place forte. S’était bien pour ça que je rentrais le moins possible dans la cité. Mais parfois Val' me manquait trop et ses quelques haltes à Traquemont et ses visites, ne suffisaient plus.

Finn eut un léger sourire en entendant Ilhanne dire qu'ils n'avaient pas été décimés. Ça paraissait logique puisqu'elle était elle-même bien vivante et ne semblait pas plus perturbée que ça par d'éventuelles grandes pertes. Le fait qu'elle n'ai pas saisit selon elle le sens de la question ne fit que générer un haussement d'épaules, au final peu importait vraiment, tant qu'ils faisaient leur vie et parvenaient à survivre à tout ça. Le Mercenaire se doutait que les choses devaient y être bien plus calmes, sans tous les réfugiés et les criminels sans cause à défendre qui sévissaient dans la cité.

- Ça a l'air assez enviable comme façon de vivre, même si ça ne doit pas être de tout repos.

Ils cheminaient de par les rues ensoleillées, lui tenant son sac d'un bras ferme, surveillant les alentours à intervalles réguliers, elle marchant à son côté d'un bon pas énergique. N'eut été l'incident précédent, ça aurait presque pu être une bonne petite journée tranquille appelant à la sérénité.

- En tout cas tu peux être fière de ce que tu fais là-bas et si jamais vous aviez besoin d'aide un jour, je pense que y'aurait pas mal de gens qui pourraient accepter de faire le déplacement pour vous filer un coup de main, comme ça, à l'occasion.

Le sourire en coin de Finn s'étira un peu plus encore, alors qu'il dardait sur Ilhanne un regard clair pétillant de bonne humeur avec, au fond de ses prunelles, une détermination sans faille quant à combattre. Tuer des Fangeux, c'était là une cause qui pouvait rassembler bien des gens de tous horizons et d'opinions différentes. A part ceux qui croyaient que les Fangeux devaient tous les tuer, mais ceux-là étaient juste complètement dingues et ne méritaient rien d'autre que la prison ou le gibet.

- Ça faisait longtemps que tu n'étais pas venue en ville ?

Demanda le jeune homme plus pour relancer la conversation que par réelle curiosité mal placée. L'indiscrétion n'était pas son genre, même si en apprendre un peu plus sur celle qu'il avait aidé le confortait d'autant plus dans son intervention lors de l'agression. Non, si c'était à refaire, il n'hésiterait pas une seule seconde, les Trois lui en soient témoins.

Il était bizarre dans le bon sens du terme, du moins à ce que je voyais. Mais pas vraiment le temps de s’attarder sur ce qu’il avait dit.

« ILHAAAAAA ! »

Une chose brune à peu près ma taille, un peu plus plantureuse que moi-même si la famine avait tout aminci se jeta sur moi. S’était vraie qu’on passait devant l’établissement où elle travaillait, elle devait faire une pause.
Je l’avais rattrapé un peu comme je pouvais, me faisant vaciller légèrement, mais rien qui aurait pu me laisser tomber les fesses par terre. Je conformais, elle avait maigri depuis la dernière fois qu’elle s’était jeté sur moi le choc avait été moins brusque.

« Ça fait des semaines, ptètre des mois qu’on t’as pas vu. T’aurais dû prévenir qu’tu passais aujourd’hui ! »

Au moins comme ça, Finn avait la réponse à sa question, ça devait même plus avoisiner les mois que je n’avais pas mis les pieds dans cette grande cité pourrie jusqu’à la moelle. Ça me manquait pas vraiment en fait, même si du coup, ça m’avait coupé de quelques personnes, mais tellement peu, hors de Val’ et l’intruse il n’y avait personne en fait.

Elle m’avait lâché, prenant un air faussement indigné.

« - Comment t’voulais qu’je fasse ça, y’a pas de piaf voyageur à Traquemont, faut attendre que quelqu’un se rende à Marbrume.

- Ah oui c’vrai … Pas vraiment déçue, plus à se rappeler de la réalité des choses, en tout cas il était certain que ce rappel n’allait pas entamer son optimisme bien longtemps.

Puis t’aurais voulu faire quoi ? Envoyer chier l’vieux Charles et son auberge moisie ? Il à qu’a gueuler dans la rue avec sa voix déraillée pour t’trouver une remplaçante.

- Une qui rigole de manière aussi convaincante comme une poule débile à ses vannes grasses et particulièrement humiliantes pour les femmes ? Personnes fait ça aussi bien que moi ! Des années de pratique ! »

S’était bête, mais ça m’avait fait rire. Par contre elle venait de capter la présence imposante de Finn à mes côtés, le reluquant de bas en haut et de haut en bas avec un petit sourire taquin aux lèvres.

«Mais je vois que tu t’es trouvé une charmante compagnie… Ça t’arrive pas souvent. »

La pique qui allait bien, mais qui n’était pas fausse, il fallait bien l’avouer. On ne perdait pas si vite les mauvaises habitudes.

« Aussi souvent que toi de passer une nuit seule. »

Son rire haut et clair retentit dans alors. J’étais heureuse de voir un visage familier « l’homme à tout faire » était bien sympathique, mais il en restait pas moins un inconnu.

Margaux était une fille du quartier, on avait travaillé dans la même auberge un moment, on devait pas avoir plus de treize ans à l’époque. Elle, ça la faisait marrer de mener tout le monde par le bout du nez en jouant à la petite écervelée, qui savait à moitié ce qu’elle faisait, un peu chapardeuse sur les bords.

La rue fréquentée apporta son lot de surprises quant, sans crier gare, une jeune femme qui devait avoir dans leurs âges elle aussi fonça sur Ilhanne en criant son nom, se précipitant dans ses bras alors que l'interpellée avait tout juste le temps de réaliser de qui il s'agissait. Étant sur le qui-vive, Finn l'avait sans doute remarquée une très brève seconde avant celle qu'il accompagnait, mais si sa main s'était instinctivement portée à l'endroit où il cachait sa lame de poing, il l'en ôta bien vite en voyant les retrouvailles débordantes de joie et d'explications. Plusieurs mois hein ? Voilà qui répondait effectivement à sa question, mais qui ne l'étonnait guère : on ne voyait pas le temps passer quand on était occupé et la cité n'était pas forcément aussi sûre que la place-forte des Traquemont. Demeurant tranquillement sur le côté, il écouta avec un léger sourire amusé et attendri, ce genre de scène n'étant pas ce qu'on voyait le plus à Marbrume et changeait positivement des deuils et du malheur. Le Mercenaire était en train de songer que le vieil homme en question devait avoir un sacré caractère, quand on parla soudain de lui, un regard le détaillant des pieds à la tête et vice-versa avec un intérêt qui flatterait l'égo de n'importe quel homme normalement constitué.

- Bonjour Mademoiselle.

Lâcha-t-il poliment avec un sourire en coin, ne pouvant nier qu'elle était toute aussi jolie à regarder que celle à qui il était venu en aide, bien qu'il n'ai pas spécialement d'idées derrière la tête à ce propos. Les piques fusèrent gentiment entre les deux amies de longue date et lui arrachèrent un rire franchement amusé et chaleureux, lui faisant secouer légèrement la tête suite à ce qu'il venait d'apprendre en sous-entendu sur elles deux.

- Vous avez l'air d'être deux bonnes amies à ce que je vois. Je m'appelle Finn et je suis un ami de passage d'Ilhanne, dirons-nous.

De quoi laisser sous-entendre tout et n'importe quoi, ce qui pouvait sonner comme une plaisanterie taquine faite à la chasseuse. Il tendit la main à Margaux, trahissant ainsi le fait qu'il n'était pas du monde de la haute qui s'emparait des mains pour les effleurer des lèvres en jouant de leur charme. Non, ce genre de techniques, il les gardaient pour faire le joli cœur, pas quand il était en "mission". Car à l'instant même où il était venu porter secours à la belle rousse, cela avait été tout comme dans son esprit et c'est ainsi qu'il s'était fait un devoir de la raccompagner en lieu sûr.

« Un ami de passage … »

Margaux regarda Finn, un peu dubitatif. Une phrase aussi vague n’était pas vraiment pour lui convenir à ce que je savais. Mais elle lui sera quand même la main, habitée à des manières moins polies. Elle tortillait entre ses doigts une mèche de ses cheveux, me regardant en attendant visiblement que j’éclaircisse sa lanterne, ce que je n’avais aucune envie de faire.
Si son apparition soudaine m’avait distraite de la sale aventure que j’avais vécue un peu plus tôt, me faisant oublier cette sale sensation d’être faible, sans défense et finalement juste un bout de viande dont quelqu’un de plus fort que moi pouvait disposer presque comme bon lui semblait.

« Moi c’est Margaux. »

Elle avait bien vu que quelque chose allait pas vu la tête qu’elle avait fait, mais elle savait aussi que j’avais pas très envie de m’étendre dessus en public. Du coup, elle reporta son attention sur mon garde du corps improvisé.

« Ouai, on a épongé l’même vomi ensemble pendant un moment. Mais j’avais pas la chance d’savoir manier une quelconque arme et quand elle a essayé de m’apprendre…. On va juste dire que s’téait pas glorieux. »

S’était le moins qu’on puisse dire, heureusement que j’avais des réflexe sinon j’aurais sûrement une sale cicatrice de plus. Ce souvenir me fit tout de même sourire. Sur le moment on s’était salement engueulé et on était parti fâcher, pas bien longtemps, quelques jours.

« Du coup, j’continue à nettoyer d’la gerbe d’ivrogne. C’la vie. »

On sentait une certaine amertume dans ses mots, mais elle était à toute diluée. Comme simplement le regret de pas être plus utile en étant tout de même pas si dépitée de son sort.
Dans le bâtiment derrière elle, une grosse voix rauque et furieuse retentie, étouffée.

« Où qu’elle est encore partie rien foutre celle-là… MARGAUX RAMENE TON CUL ! Les clients vont pas s’servir tous seuls ! »

C’était le vieux Charles qui trouvait que la pose avait assez duré visiblement. Trop feignasse pour bouger son cul et voir lui-même où était sa serveuse, il préférait brailler dans tout le bâtiment quitte à faire chier son monde. Ça au moins, ça avait pas changé, quelque chose semblaient parfaitement immuable dans cette ville.

« - Toujours aussi aimable… Soufflais-je entre l’amusement et la nostalgie pas si nostalgique.

- Toujours… Renchérit Margaux en soupirant. »

La main sur la vielle porte à moitié déglinguée, elle regarda à nouveau Finn.

« Ravie de vous avoir rencontré l’ami de passage. Hésitez pas à passer si le cœur vous en dit. Promis, j’essayerais d’vous trouver une choppe propre dans tout son bordel. »

Elle lui adressa un petit clin d’œil avant de me jeter un dernier regard et de disparaitre en braillant à son tour qu’elle avait bien le droit de prendre l’air deux minutes. J’étais certaine, mais alors certaine, de la revoir ce soir, elle allait se pointer chez Val’ la bouche en cœur et l’intention bien ancrée dans le crâne de savoir ce qu’il s’était passé et de pas me laisser partir tant que sa curiosité serait pas satisfaite.

« Je suis … fin’ pardon pour ça. Margaux est pas farouche et parfois trop pas farouche. »

J’étais pas vraiment gênée, elle avait rien dit de particulier de toute façon vu le temps de l’entrevue elle en avait pas eu le temps. Mais maintenant, mon envie de rentrée revenait. Je reprenais mon chemin d’un pas un peu plus calme pourtant.

Si Finn remarqua la gêne de la jeune femme, il n'en montra rien et continua de sourire tranquillement, comme si tout était parfaitement normal, comme s'il s'était simplement promené avec Ilhanne et avait croisé la route d'une de ses amies, ce qui n'était pas si loin que ça de la vérité, à quelques détails importants près.

- Ravi de vous rencontrer Margaux.

C'est qu'elle était fort jolie elle aussi et un homme comme lui ne pouvait décemment pas nier qu'il la trouvait plaisante à regarder, ce qui ne l'empêchait pas de ne fixer que son visage et rien d'autre, question de politesse. Il écouta l'histoire sur leur rencontre et ce qu'elles avaient partagé, retenant un bref rire amusé à l'évocation du maniement des armes.

- Je suis sûr qu'avec de l'entrainement, vous pourriez apprendre et en trouver une qui vous convienne.

Rares étaient les hommes qui désiraient qu'une femme sache manier convenablement une arme, mais de nos jours avec les Fangeux et les gens sans scrupules, ce n'était aux yeux du Mercenaire pas une mauvaise idée du tout, bien au contraire. La preuve, même leur Capitaine le pensait puisqu'il avait engagé Cywel bien qu'elle soit une représentante de la gente féminine. La voix d'un individu peu commode et ronchon résonna depuis la bâtisse jusque dans la rue et Finn cligna des paupières, passablement étonné lui qui ne s'était toujours pas fait à ces pratiques courantes qu'on ne trouvait que dans les grandes cités, que ce soit la façon d'appeler quelqu'un ou les mots injurieux qui fleurissaient à chaque propos. Pour autant à voir la réaction des deux jeunes femmes, cela semblait habituel aussi s'abstint-il de toute remarque, hochant la tête avec un sourire quant Margaux pris congé d'eux.

- Je viendrais sans faute Damoiselle.

Ne serait-ce que pour revoir son minois au regard pétillant, elle lui ressemblait un peu, ce qui bien que les rendant à son sens incompatibles pour certaines choses, en ferait très certainement une agréable compagnie avec qui discuter de temps en temps. Il n'y avait pas de mal à se faire des relations en ville, n'est-ce pas ? Quand l'amie de Ilhanne disparue dans la bâtisse en braillant à son tour, Finn éclata de rire de bon cœur et secoua la tête, gentiment amusé de la répartie, avant de reporter son attention sur la rousse à ses côtés, l'air tranquille et nullement offusqué par cette rencontre fortuite.

- Je la trouve joyeuse et pleine de vie, ça change de ce qu'on voit d'ordinaire autour de nous et elle m'a parue fort sympathique au demeurant.

Oui, il l'appréciait déjà sans même la connaitre, assurément il tiendrait parole et reviendrait la voir. En attendant, après cet interlude de bonne humeur, il leur fallait reprendre leur chemin et ils s'exécutèrent sans attendre, le Mercenaire marchant aux côtés de la jeune femme comme précédemment.

- En parlant de se revoir, j'avoue que j'apprécierais assez de garder de tes nouvelles, si tu n'y vois point d'inconvénient. J'ignore combien de caravanes font l'aller et le retour entre Traquemont et Marbrume, mais j'aimerais beaucoup être rassuré quant à la situation là-bas. Et puis qui sait si jamais vous deviez avoir besoin d'aide, je pourrais me renseigner ici pour trouver du renfort.

Même s'il doutait que grand-monde veuille se bouger, quant à la Compagnie des Lames, elle fonctionnait par financements et Finn doutait que, sans récompense appropriée, le Capitaine accepta de les envoyer en première ligne contre les Fangeux. Quant à déserter pour aller aider, l'option n'était même pas envisageable, pour ne pas dire carrément impossible.

Sympathique, charmant, avenante, que des mots qui collaient parfaitement à Margaux et qui, je le savais, lui convenait parfaitement. Elle aimait bien passer pour la greluche de service, je comprenais pas trop pourquoi. Faire marcher son petit monde de manière aussi durable, ça me dépassait un peu.

« Mouai, t’avise pas de la contrarier par contre… »

Comme toutes les filles un peu grande gueule, elle était mauvaise comme la teigne quand on était pas d’accord avec elle, ou qu’on faisait quelque chose qui avait tendance à pas lui plaire.

Pas vraiment que je craignais ce qu’il me demandait, mais s’était pas vraiment ce que j’aurais préféré. J’étais pas asociale, loin de là, mais être trop entouré, ça apportait des emmerdes, surtout dans parfois, on avait du mal à garder son clapet fermé et j’arrivais déjà suffisamment à me foutre dans la merde sans ça. Je sais pas, s’était sûrement un don, ou une malédiction de naissance une connerie du genre, mais les embrouilles je les évitais rarement.

« Y’a pas beaucoup de convois qui s’aventurent jusqu’à Traquemont, parce qu’il y a pas vraiment d’argent à s’y faire. Dans le fort on marche plus par le troc ou l’échange de services, pas trop d’espèces qui circulent. »

Fin’ pour le coup, s’était que la vérité. On avait pas vraiment l’argent au fort, puis de toute façon, ça nous aurait pas vraiment servis. L’esprit de groupe, la cohésion et simplement le fait de savoir qu’on ne pouvait compter que sur nous-même suffisait à faire tenir la chose en place.

« Parfois, des convois qui s’étaient enfoncés plus loin dans les marais et qui avaient pris du retard s’y arrêtent pour la nuit, histoire de trouver un abri. »

S’était assez rare mais pas assez anecdotique pour ne pas le mentionner. Ça devait pas les enchanter ses gens de passer une nuit dans la place-forte. Les gens y étaient un peu méfiant envers les étrangers, mais au finalement, ils étaient pas méchants, suffisait de passer outre l’abord un peu froid.

« Donc tu devras faire comme tout le monde et attendre que je revienne pour me tomber presque par hasard dessus.»

Et dans une grande ville comme Marbrume, ça semblait difficile. Voir compromis, pourtant je me sentais assez désagréablement redevable à son égard. Sans lui qui sait ce qui serait arrivé en plus de l’évidence.

« A moins que tu me dises un peu plus sur ce que t’entend par homme à tout faire et savoir où je pourrais te trouver, dans quelques mois. Promis, j’essayerais vraiment de passer. »

J’avais posé ma main gauche sur le haut de ma gorge, juste à la base de mon cou et lever la main gauche. Un geste un peu ironique, surtout au vu du sourire amusé que j’arborais, mais je n’en pensais pas moins, si il voulait savoir si j’étais encore entière s’était bien la moindre des choses d’essayer après ce qu’il me soit venu en aide.

Finn nota mentalement de ne jamais embêter Margaux, souriant d'abord avec amusement avant d'écouter la suite concernant Traquemont et la façon dont la place-forte était coupée du reste du monde. Vu comme ça, cela semblait effectivement difficile d'avoir des nouvelles ou même d'en envoyer, aussi songea-t-il justement à donner à Ilhanne un moyen de le contacter une fois qu'elle reviendrait en ville, quand la jeune femme lui énonça justement la même idée de vive voix. Un point partout, balle au centre, avec un sourire en coin en prime. Elle avait raison, il savait désormais pas mal de choses sur elle, assez pour la retrouver en cas de besoin, mais l'inverse n'était pas vrai et, en admettant qu'elle puisse un jour devoir le retrouver en urgence, ça n'était guère pratique.

- Tu n'as pas tord.

Admit le Mercenaire en se radoucissant un peu, quoiqu'il songea qu'il lui faudrait là encore en parler à son Capitaine et le prévenir de cette divulgation d'information. Pas que cela soit spécifiquement interdit, d'autant plus que leur quartier général était accessible à qui désirait venir quémander une aide, mais c'était une question de principe : un minimum de prudence était requise en ces temps troublés.

- Je suis membre de la Compagnie des Lames et, si je ne suis pas en mission, tu pourras me trouver dans La Hanse, à quelques rues du Hérisson Mélomane où nous nous sommes réinstallés il y a quelques temps.

Son sourire se fit plus chaleureux en même temps que son regard arborait un peu plus de gravité et de sérieux que le pétillement qu'il avait eu jusqu'à présent, quoique sa bonne humeur demeura visible malgré tout.

- Demande Finn Gallagher.

Il y avait peu de chance pour qu'elle rencontra le moindre problème une fois qu'elle serait en présence de l'un des membres, tous les hommes -et la femme- de la Compagnie étaient aux ordres du Capitaine qui mettait un point d'honneur à ce que chacun se comporte convenablement hors situation de danger ou mission, aussi même un joli brin roux comme Ilhanne ne risquerait-elle rien, bien au contraire.

- Histoire de rééquilibrer la balance, est-ce que tu as d'autres questions ?

Tant qu'elle ne se montrait pas trop indiscrète, de toute façon il ne pourrait pas lui parler de leurs missions ni des autres membres de leur groupe. C'était là une chose tenue plus ou moins secrète, car un certain mystère auréolait la Compagnie des Lames, notamment celui autour de son Capitaine qui bénéficiait d'une réputation imputable à un grand guerrier redoutable.

Au nom de la compagnie, il était assez facile de deviner ce qu’était leur activité. Une troupe qui s’appelait la Compagnie des lames avait assez peu de chance d’être une troupe de théâtre par exemple. Mais du coup, cela expliquait certaine choses. J’avais pas vraiment d’avis sur les mercenaires, surtout maintenant, ils étaient devenu un peu indispensable, la milice étant complètement surchargée. Mais du coup, ça faisait des mois que je passais qu’en coup de vent dans la cité et leur nom me disait rien du tout. S’était ça, l’avantage et l’inconvénient de passer le plus clair de son temps au milieu des marais.

Au moins j’avais noté le principal de ce qu’il m’avais dit, même si il était pas dit que j’écorche pas son nom si je venais à le demander.

On arrivait au bout de la rue où se trouvait la maison. Un certain soulagement commençait déjà à m’envahir. S’était bientôt fini.

La compagnie agréable de Finn et l’intervention haute en couleur de Margaux m’avait distraite de ce qui s’était passé, mais au fond, tout au fond, j’étais encore à vif et mon envie de me pelotonner dans une couverture pour m’isoler du monde était encore bien là. J’imaginais déjà le soulagement quand j’allais fermer la porte, entendre la clé dans la serrure.

« Euh … non… je ne pense pas. »

Qu’est-ce que je pouvais bien demander à quelqu’un que je venais juste de rencontrer dans des circonstances aussi étranges et pas très agréables.

« Si ! Qu’est-ce que je peux faire pour te rendre le pareil ? Sans toi je … fin’ voilà… »

Fin’ voilà, quelle éloquence. Typiquement moi, on pouvait pas dire que je me sentais particulièrement fière à cet instant.

« J’insiste, vraiment. Pas de "juste reste en bonne santé" ou "évite juste de sortir seule". »

Ça me faisait doucement rire extérieurement, mais de toute façon, je pourrais pas y couper, et je voulais pas y couper. Seulement la prochaine fois, ça serait pas sans mes armes, même si elles ne servaient qu’à dissuader et sans faire les mêmes erreurs.

Pas de question, soit elle ne connaissait pas du tout la Compagnie des lames -ce qui n'était pas plus mal- soit elle ne tenait pas à se montrer indiscrète ou à profiter du fait qu'il se montrait avenant à son égard. L'un ou l'autre, cela lui convenait bien, tout du moins jusqu'à-ce qu'elle lui demanda ce qu'elle pouvait faire pour lui rendre la pareille. Clignant brièvement des paupières, il eut un léger sourire et haussa les épaules, ne sachant pas vraiment quoi demander, d'autant plus encore qu'elle lui interdisait de lâcher les phrases qui lui étaient spontanément venues à l'esprit. Et merde, même pas un "sois prudente", c'était un peu dur... quoique...

- Il y aurait bien quelque chose, à y réfléchir. Ne bouge pas et n'ai pas peur.

Il se pencha vers elle, ne visant non pas ses lèvres, mais le haut de son crâne, venant déposer un baiser sur son front avec une douceur insoupçonnée quand on voyait la taille qu'il faisait. S'écartant lentement, il observa son minois pour voir si elle s'était ou non offusquée de la chose, prêt à battre en retraite si jamais elle le menaçait du poing. Il ne fallait jamais sous-estimer la colère d'une femme.

- Voilà, nous sommes quittes. Je me suis promené avec une jolie fille à mes côtés, je pense que ça suffirait à faire le bonheur de n'importe quel homme normalement constitué.

Un sourire en coin, amusé et canaille, étira ses lèvres alors qu'il éclatait brièvement de rire à sa propre bêtise, passant nonchalamment une main sur sa nuque avant de l'observer un peu plus gravement.

- Je n'ai pas besoin de récompense, Ilhanne, je ne t'ai pas sauvé pour ça. Et si, je veux que tu me promettes de faire attention à toi, même si ça semble stupide à dire ainsi.

Le Mercenaire sourit avec un peu plus de gravité au fond des yeux, jetant un bref regard à la maison, notant mentalement son emplacement et son apparence, observant ensuite rapidement les alentours au cas où une silhouette menaçante pourrait se faire voir, puis reporta finalement son attention sur la jeune femme. Il avait bien envie de lui dire que si jamais ces sales types tentaient quoi que ce soit, elle devait venir le trouver pour qu'il s'en occupe, mais il songea que la sœur ainée de la rousse aurait sans doute déjà tenté de les retrouver pour leur faire payer leur acte.

…

Que … quoi ?

Pourquoi ? Comment ? Bizarre… Bizarre, un mot qui lui revenait souvent d’ailleurs.

Heureusement qu’il n’avait pas essayé de viser plus bas, sinon le réflexe serait partir tout seul et il aurait sûrement eu ma main sur sa figure de manière assez violente, fallait pas se le cacher. Mais je comprenais pas pourquoi en fait.

« Les hommes normalement constitués ne veulent pas juste se promener à côté de jolies filles, du moins pas ceux qu’j’ai connu jusqu’à présent. »

Je disais pas qu’il était contre la balade, mais juste que généralement, en fin de compte, ça attendait plus que quelques pas, quelques questions et des au-revoir. Peut-être qu’il était pas normalement constitué alors … ce qui rejoignait l’idée qu’il était étrange, mais aussi qui était certainement pas mes oignons. Voire carrément pas mes affaires.

« J’me serais déjà fait déchiqueter depuis belle-lurette si je savais pas faire attention à moi ! »

S’était pas parce que j’avais fait un faux pas un mauvais jour que je ne faisais que ça. Dehors ça ne pardonnait rien et il fallait que je me fasse à l’idée qu’entre les murailles aussi, rien n’était pardonné, pas le moindre signe d’une fausse vulnérabilité.

« Je crois que c’est là qu’on se sépare Finn… »

Un petit sourire désolé aux lèvres, maintenant que l’étonnement était retombé, je lui tendais la main.

« J’espère que la fin de ta journée sera meilleure. »

Devoir sauver la demoiselle en détresse n’était pas très agréable, du moins, de mon point de vue, peut être que pour lui ça avait été quelque chose de bénéfique en fait. Je me posais trop de questions parfois …

Finn fut passablement amusée par la remarque de Ilhanne au sujet des hommes normalement constitué, se demandant bien pourquoi les gens vivant dans les cités étaient à ce point hargneux et agressifs envers autrui pour qu'une jeune femme puisse ainsi croire que les hommes soient en général représentés par les individus louches ou dangereux.

- Alors disons que ceux des Marais sont différents.

Répondit-il avec un sourire en coin, hochant la tête quand elle parla de sa capacité à se défendre.

- Je n'en doute pas.

Et étrangement c'était là la stricte vérité, car avoir une sœur dans la Milice et porter une telle tenue, combattre les Fangeux à Traquemont et être toujours en vie, tout cela était à son sens autant de preuves que la rousse n'était pas du genre à se laisser faire et nul doute que si elle n'avait pas été en infériorité numérique, ou même armée lors de son agression, elle aurait pu mieux s'en sortir. Sans doute à présent ne sortirait-elle plus sans une arme quelconque pour se défendre, ce qui avait donc été un mal pour un bien. A présent était venu l'heure pour eux de se quitter et le sourire désolé trouva un écho similaire sur le visage du jeune homme, qui acquiesça pourtant, approuvant cette décision : elle avait sans doute à faire et on allait finir par se demander ce qu'il faisait.

- Elle était déjà pas si mal que ça jusqu'à présent.

Un petit clin d’œil complice, puis il recula de quelques pas en continuant de la regarder, à la fois souriant et grave, ses yeux clairs la fixant avec une certaine intensité.

- A une prochaine fois Ilhanne. Au plaisir.

Puis il fit volte-face et s'éloigna tranquillement, serrant le sac de victuailles contre lui, sa haute silhouette finissant par se fondre dans la foule jusqu'à disparaitre au coin de la rue, en direction de la Hanse. Finn songea, alors qu'il s'en retournait au QG, qu'il avait hâte de la voir en de meilleures circonstances.