Marbrume


Le Deal du moment : -21%
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, ...
Voir le deal
39.59 €

Partagez

 

 Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
MalachiteMiséreux
Malachite



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyJeu 7 Avr 2016 - 20:22
Quand Lendemain a su que le parasite était Haut-Prêtre, il a eu l'air nettement moins embêté. Il m'a dit que c'était bien de l'avoir ramené en fin de compte. Ensuite il m'a collé plein de corvée. Apporter sa bouffe dans sa chambre - sans piquer dedans -, aider la guérisseuse, ce genre de chose. Au début l'invité était tellement dans les fraises qu'il se faisait dessus, c'est moi qui ait dû le laver parce que la vieille qui aurait dû le faire a dit qu'elle avait mal au dos. J'ai jamais nettoyé un mec. C'est dégueu. Il est vieux en plus. Il a des poils pubiens qui sont blancs c'est super moche. Mais j'l'ai fait quand même, Lendemain m'aurait engueulé sinon. Si j'voulais pas tripoter des couilles, j'avais qu'à pas ramener un blessé ici, c'est ce qu'il dirait. En plus un vieux tout nu et absolument pas menaçant ça dédramatise pas mal de choses.

Puis finalement c'était pas une idée si con de s'occuper du prêtre. Une fois il m'a donné un biscuit, quand il était réveillé. C'est très rare ce genre d'article depuis l'apocalypse. Il faut du sucre, et plus personne a le temps d'en fabriquer de nos jours. Puis Lendemain m'a ordonné de faire le garde malade, de le "distraire" j'sais pas quoi. Qu'il aille pas traîner tout seul dans le fort, probablement. En fait, personne sait quoi foutre d'un Haut Prêtre ici. J'me souviens quand le lieutenant de Traquemont a vu l'homme. Il a relevé la présence de vêtements coûteux, a longuement hésité avant d'annoncer qu'il pouvait rester. Il a pas réfléchi autant de temps quand il s'est agit de moi. J'suis flatté.
Bref.

L'un dans l'autre, ça a été la grosse confusion. Le prêtre est pas arrivé en excellent état, y a eu une affaire de je sais pas quoi qui a mobilisé les grosses huiles, et au final y a que Lendemain qui s'est entretenu avec l'invité du jour dans un de ses brefs moments d'éveil. Sinon y a moi mais ça compte pas vraiment. J'lui ai plutôt raconté des conneries, vu qu'il était fatigué et qu'il répondait pas beaucoup. Sa chambre me fait un excellent endroit où glandouiller, chauffé et tout, et lui il a un vrai lit avec des vrais draps. J'adore m'asseoir dessus. Et j'vis dans l'espoir secret d'une autre offrande en biscuit.

Quant aux événements qui ont amené notre rencontré, j'en ai gardé la mémoire là où je range tous les souvenirs trop horribles pour l'entendement humain : dans une petite boite très très loin au fond de ma tête. Un espace chaotique sur lequel j'arrête pas de trébucher malgré mes tentatives d'obsèques. Donc la présence du prêtre m'emmerde pas. J'essaye même d'apprendre un peu sa religion pour lui faire plaisir - j'ai demandé à la dame qui fait la cuisine de m'expliquer deux trois trucs. Ca a eu l'air de le rendre un peu content. J'lui ai timidement parlé des regrets, demandé qu'est ce qui se passe quand on fait quelque chose de très très horrible. Ses réponses étaient pas très satisfaisantes, mais il a eu l'air content aussi. Et sinon j'ai essayé de lui apprendre des jeux de cartes. En fait pour un mec que j'ai pas du tout envie de fréquenter j'ai trouvé beaucoup de temps à lui consacrer.

Là j'suis monté pour lui dire que la guérisseuse veut qu'il marche un peu, et qu'il y a une patrouille de Traquemont qui est parti en direction du village où on était - je leur ai demandé de chercher Gilles le diacre là bas. Ensuite j'me suis mis à glandouiller l'air de rien, si jamais il voulait se balader maintenant et pendant que je suis là. Il est obligé. Il va un peu se perdre sinon. Puis j'dois pas le laisser glandouiller tout seul partout.
Revenir en haut Aller en bas
Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyJeu 7 Avr 2016 - 23:14
Philippe de Tourres avait tué un homme.

Sur le coup, ça ne lui avait fait ni chaud ni froid. Il l'avait fait pour survivre, il l'avait fait à un criminel qui menaçait de tuer des gens, il avait accompli la volonté de Rikni, protégé les enfants de Serus et envoyé ce bâtard devant Anür pour son jugement. Il n'avait réfléchis à rien. Il l'avait tué, il avait pris Malachite par le bras, et il était parti.

Après, tout est plus noir.

Il reçu un énorme coup sur le haut du crâne. Tout le reste, ça n'a été qu'un délire comateux, qu'il faut coupler avec l'infection de son bras droit, et la fumée qu'il avait inhalé. Il n'avait jamais vécu ça de toute sa vie, devoir caracoler en état de choc à travers les flammes, poursuivi par des criminels. Toute sa vie, il l'avait passé au chaud, à l'abri, entre quatre murs.
Mais Malachite l'avait sauvé. Le gosse l'avait ramené à l'abri.

Tout le long du voyage, il n'avait que déliré. Un délire comateux, couplé à la fatigue. Il lui semblait que le gamin lui avait parlé. Il avait entendu comment le gosse venait de loin, qu'il avait été banni à cause d'une simple histoire de chair, qu'il vivait dans le château de Traquemont où on luttait encore contre la Fange. Il aurait bien voulu discuter avec lui, mais il avait surtout dormi. Enfin, ce n'était pas vraiment un sommeil, c'était, différent...

Il revoyait la scène où il avait tué l'homme. Il pouvait revivre le moment. Le crépitement des flammes, son cœur qui battait, la poussée d'adrénaline... Il pouvait revoir le moment où il enfonçait sa lame dans la nuque de l'homme, comment le métal fondait avec la force de son bras, comment la pointe séparait la peau, tailladait le muscle comme un couteau découpe de la viande, comment les os ont brisé, comment le truand avait tenté de hurler seulement pour s'étrangler. C'était terrifiant, mais le pire, c'est que Philippe n'avait pas l'impression de regretter cet acte. En fait, il ne semblait même pas peser sur sa conscience.
Le fait qu'il n'avait pas vu le visage du type devait aider, quand même. Il s'imaginait un homme moche, hideux, un ogre immonde comme tous les routiers violents. S'il avait pu voir le visage blond d'un gamin innocent, il aurait eut beaucoup plus peur.
Qu'est-ce qui était advenu de Blondie d'ailleurs ? Et de Raoul ? Peut-être que la Milice avait atteint leur auberge. Peut-être qu'ils avaient été pris, blessés comme ils étaient, victimes de Charles. Ou alors peut-être arrêtés, c'était possible.

Philippe avait donc commencé sa convalescence. Le premier jour, il l'avait passé complètement dans le noir, incapable de comprendre ce qu'il se passait, où on le traînait, ce qu'on foutait avec son cadavre. Le deuxième jour, il était plus conscient, mais c'était pas une bonne nouvelle ; Il était pleinement conscient de sa douleur, qui lui écrasait le crâne. Il avait la mâchoire violemment fermée, et ses dents crispées se frottaient entre elles. Le troisième jour fut seulement légèrement mieux que le second, mais uniquement grâce à quelques plantes qu'on lui filait.
Après, il allait de mieux en mieux. Il avait rapidement croisé quelques gens de Traquemont, mais c'était le Malachite qui passait le plus de temps avec lui. Ils avaient beaucoup parlé, beaucoup discuté. Le gamin semblait perturbé, il semblait cacher beaucoup de choses, d'avoir gros sur la conscience... Mais Philippe ne le détestait pas. Il n'avait même plus d'apprioris sur lui.
Dans un sens, Malachite lui rappelait son frère, en plus sale. Il avait le même teint mat, la même façon de s'exprimer... Bon, ce n'était pas une bonne comparaison. Le monseigneur de Tourres ne détestait pas son frère, il l'aimait, mais en même temps éprouvait un mépris envers lui. Alors que le Malachite, lui... Il avait une forme d'innocence toute particulière.

- Ils sont partis chercher Gilles ?

C'était la première phrase qu'il avait dit quand le gamin était remonté.
Soudain, il se décida bien à se lever. C'était subit, direct, sans aucun honneur. Il avait soulevé son dos, c'était tourné, et avait posé ses pieds sur le sol. Il mit un moment pour se mettre debout, ses genoux semblaient se flageller, mais il leva la paume de sa main pour indiquer au métèque qu'il pouvait se mettre debout tout seul. Et effectivement, le voilà enfin dressé, même si encore faible.

- Bon sang, j'espère vraiment qu'il est encore en vie... Lui... Et les autres.

Sa voix était assez faible, douce, un peu nasillarde. Mais il s'en sortirait. Il ressentait son bras droit, qui avait été soigné et pansé. Il fit un pas en avant, puis un autre, et s'approcha du jeune homme.

- Quel jour on est, déjà, Malachite ? On doit être un jeudi, non ?
Bon sang, je sais pas quelle heure il est...
T'as faim ?


Il lui avait sorti un petit biscuit sec, comme il en avait toujours plein sur lui. C'est bien les biscuits, ça tient longtemps contrairement au pain dont la mie devient sèche. Pendant longtemps, les biscuits étaient aromatisés avec de la cannelle venue du sud, mais c'était rare à présent. On pouvait encore trouver un peu de miel, mais ça coûtait cher.
Pourquoi est-ce qu'il avait des biscuits sur lui ? Il se rappelait plus du tout. Il se rappelait d'une chasse au lapin, d'un homme qui avait été pendu, d'une visite de bannis, des bandits de Charles... Pas trop possible de remonter plus loin.

- Tiens, prend ça... Faut que tu aies des forces.

Il regarda dehors un moment, par un vieux trou qui servait de fenêtre. Dehors il faisait toujours froid, et il semblait que le décor était un peu grisâtre. Le printemps viendrait, éventuellement.

- On est à Traquemont, c'est ça ? L'endroit où les gens se battent encore contre la Fange ?
C'est impressionnant de voir des gens courageux comme ça. Mon frère, lui, il a quitté ses terres pour se réfugier à Marbrume... Lâche. C'est très lâche.
Mais je le comprend dans un sens. Il avait pas les épaules pour ça.
Est-ce que tu pourrais me faire visiter ? J'aimerai bien voir à quoi cette bâtisse ressemble. Et les gens qui y vivent.
Revenir en haut Aller en bas
MalachiteMiséreux
Malachite



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyVen 8 Avr 2016 - 19:37
Je regarde autour de moi en grignotant le biscuit. Le mobilier de la pièce est clairement récupéré d'ailleurs, très mal assorti, et pas de première fraîcheur. Les gens du fort ont investi le lieu en catastrophe pendant l'apocalypse, et ça se voit. La pièce était anciennement un espace de rangement, on peut le voir aux caisses rangées au fond de la pièce, et au rouleau de corde qui pend à une poutre. Y a pourtant pas à se plaindre : le prêtre a le droit à un vrai matelas de nantis, et des vrais draps propres. C'est pas tout le monde qui a ça. Moi j'ai un matelas au sol avec de la paille dedans - j'en suis très content mais je constate, c'est tout. Bref. Je sais que tout le fort est sur ce modèle là, les gens ont fait au mieux avec de la récupération, des bricolages improbables. Qu'est ce qu'il y a là dedans qui impressionnerait le Haut Prêtre du culte de Rikni pendant une visite touristique ?

Ouais parce que je me suis renseigné entre deux, une fois que Lendemain m'a dit son grade. C'est vachement classe en fait. Ca explique la qualité de ses fringues et qu'il aime pas du tout les métèques. Si l'élite du pays se met à les aimer, où va-t'on ? Enfin maintenant moi il m'insulte plus. Il m'a même laissé raconter pourquoi j'ai été banni sans m'engueuler. Ca c'était fort. J'me suis senti très flatté. Un Haut-Prêtre m'écoute raconter des trucs ! J'en reviens pas. C'est encore plus fort que la fois où j'ai parlé avec Luna la jeune noble, parce que là c'est un vieux et un religieux. D'ailleurs ça fait longtemps que j'ai pas pensé à elle - probablement parce que des bandits essayaient de me tuer. Faudrait que je demande au prêtre si il la connait, puisque c'est une grosse huile aussi, mais on a plus urgent à faire.

- Ben je peux vous montrer la chapelle m'sieur si vous voulez. Y a un vitrail avec Rikni, il est beau et quasiment pas cassé. Y a toutes vos fringues là sinon, j'les ai un peu lavé. Lucette elle voulait pas le faire parce qu'on s'est engueulé.

C'est pas très bien fait parce que je sais pas laver le linge, mais c'est l'intention qui compte. Puis avec tout le temps que le prêtre a passé dans le gaz, elles ont eu le temps de sécher. C'était plein de restes humains et de boue, pas sortable. Maintenant y a des tâches d'un brun passé qui font très fortement penser à du sang séché, mais au moins ça sent fort le savon.
Quant à Lucette, je l'emmerde. J'lui aurais pas piqué ses bijoux pour les vendre si elle était pas allé raconter à tout le monde que j'lui avais filé la chaude-pisse. Alors hein. C'est une conne. Voilà. En plus au final c'est elle que tout le monde traite de pute, alors ça prouve bien ce que je dis.

- J'vais attendre le temps que vous vous habilliez.

Et je joins le geste à la parole. C'est penser à l'autre pute ça m'énerve, j'ai pas envie de voir une zézette de vieux par dessus le marché le temps qu'il se change. En plus j'ai pas osé lui dire que j'l'avais vu tout nu - ça se cale mal dans une conversation. J'suis sûr qu'il aimerait pas. C'est compliqué les prêtres tu sais. Encore pire que les salopes. L'autre là, bah maintenant j'peux plus coucher avec. Ma vie sexuelle c'était déjà pas fameux, j'y ai plus ou moins renoncé, mais les braises mettent du temps à s'éteindre vraiment. J'aimais bien y mettre un petit coup bourré. Sobre c'était inenvisageable, mais j'suis humain merde. Au bout d'un moment j'ai besoin de chaleur humaine et tout. Mais j'sais pas ce qui s'est passé toute cette histoire de puberté est devenu un sacré paquet de merde.
Ah mais il fallait que je lui dise un truc d'ailleurs, en parlant de paquet de merde ! Ca fait pas très plaisir à entendre ce que je vais dire, mais maintenant qu'il est en meilleur fraîcheur, c'est un sujet de conversation envisageable. A moment il arrêtait pas de marmonner des trucs, on pigeait rien, la vieille a dit qu'il allait claquer. Mais en fait ben... ça va. Donc je re-rentre en trombe dans l'infirmerie qui était anciennement là où on rangeait le grain des poules pour l'hiver.

- Ah m'sieur m'sieur ! ... ah pardon j'ai pas frappé. Mais fallait que je raconte un truc ! J'suis retourné près de là où... ben y a eu les problèmes et tout. Dans la semaine, là, vite fait, sur deux jours. En étant prudent hein, mais j'voulais voir où étaient les autres quoi. Et...

Là ma voix meurt, je m'immobilise, mon regard se perd dans le vague pendant quelques secondes. Pas assez long pour qu'on en vienne à me déclarer mort, assez pour être inconfortable et très bizarre. Puis je redémarre l'air de rien :

- Enfin y avait personne de vivant là bas quoi.
Revenir en haut Aller en bas
Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptySam 9 Avr 2016 - 1:40
Il observa sa corbeille de vêtements un moment. Ils avaient été lavés, c'était bien de voir des gens faire preuve d'une telle hospitalité. Peut-être que son rang de clerc devait beaucoup aider, on avait pas voulu le jeter dehors et l'abandonner pour qu'il crève. Mais c'était très gentil malgré tout.

- Merci pour tout, mon fils. Je viendrais te rejoindre après m'être vêtu.

Il lui fit un petit mouvement de tête afin que le gamin soit assuré. Mais sitôt la porte eut claquée derrière lui, Philippe sembla se recourber. La douleur l'énervait un peu, elle n'était pas insupportable, mais il était un peu comme un cheval qui avait un morceau dans le sabot, à s'exciter et à grogner.

Lentement, il s'approcha de la chaise. Il commença donc à se déshabiller, même s'il le faisait laborieusement. Il retira les lanières de son doublet, et le fit lentement tomber le long de ses épaules pour dévoiler son corps. Il observa un moment son épaule droite. On lui avait pansé la plaie avec du linge propre très serré, mais il n'avait pas vu si on l'avait ressoudé. Les bandits de Charles l'avaient cautérisé à la va-vite, mais il y avait encore des morceaux, peut-être du pus qui ressortait.
Il laissa le pourpoint tomber sur le sol alors qu'il s'approcha lentement de la corbeille. Il avait le corps blanc, très blanc, il n'avait pas l'habitude de se mettre au soleil. Il avait des bras bizarrement assez musclés, mais les épaules très étriquées, ce qui tranchait bien. Son corps était fait de contrastes. Il avait très peu de gras, son ventre rentrait dedans, ce qui lui donnait un aspect très famélique, mais en même temps son torse semblait très bien dessiné et bombé, le signe d'avoir passé une bonne partie de sa vie à se battre, même si ce n'était que pour jouer. Il était poilu et velu, comme beaucoup d'hommes d'ailleurs, ce n'était que son visage et ses cheveux qui avaient le soin de passer au rasoir.
Très lentement, en faisant attention, il retira ses braies, et en quelques instants, le voilà qu'il était cul-nu. Il avait des cuisses très larges pour le coup, parce que s'il avait arrêté de bouger son buste et ses bras, il n'avait jamais arrêté de courir et de monter à cheval. Il observa un moment ses pieds. Ses ongles étaient étonnamment propres, même si ses pieds étaient un peu moches et mal construits, avec son troisième orteil aussi gros que le plus gros, et le second qui était tout en haut. Il regardait ses orteils parce qu'il allait devoir se pencher pour remettre ses nouvelles chausses. C'était assez périlleux, avec son dos endolori, mais il se força malgré tout.

Il enfila les grosses chausses et les remonta jusqu'à ses genoux, puis remonta pour couvrir sa virilité et son trou du derrière. Ensuite, de façon beaucoup plus aisée, il revêtit son nouveau pourpoint, et enfila son long mantel par dessus ses bras.
Il s'assit alors sur le lit pour mettre son bas, ses chaussures, et enfin, il était habillé, et propre.
C'est à ce moment que Malachite était rentré, se confondant en excuses, puis en refermant la porte derrière lui.
Il était troublé. Il ne dit pas précisément sur quoi, aussi Philippe ne comprit pas s'il parlait du repaire de chasse où il avait castré David, ou bien le petit village où il y eut le départ d'incendie. Mais qu'importe. Les deux endroits avaient été traumatisants.

Un instant, il ne dit rien. Il se contenta de lever les yeux et l'observer, des petits yeux de chèvre assez bêtes comme Malachite avait vu toute son enfance. Rien à voir avec sa stature fière et valeureuse de prêtre du Temple. Il ferma lentement ses paupières avant de soupirer. Soudain, il se leva, s'approcha du jeune homme et posa une main sur son épaule.

- Ce qui s'est passé... On a vécu un calvaire. Cela a été dur, et des gens ont souffert.
Mais, dans un sens, dans un sens assez atroce, c'est bien qu'on soit passé par là. Charles est mort. Je le sais, je le sens, Gilles l'a tué. Si nous n'étions pas venus, ce criminel serait encore en train de martyriser les faubourgs de Marbrume.
Retirer du mal, ce n'est pas créer du bien. Et nous ne nous sentons pas satisfaits. Nous nous sentons souffrants, malades, à vif. Mais Anür sait ce que nous avons fait, et elle saura s'en rappeler quand notre heure viendra. Et le bon peuple de Marbrume, même s'il ne connaîtra jamais nos bienfaits... Il ne s'en portera que mieux.
Tu comprends ce que je veux dire, Malachite ? Personne n'est impardonnable. Nous pouvons toujours avancer. De l'avant.

Il regarda à nouveau par la fenêtre un moment, avant de forcer un demi-sourire pour rassurer l'enfant.

- Est-ce que tu as d'autres choses à me dire ? Ou est-ce que tu veux me faire visiter cette chapelle ? J'aimerai bien rencontrer les gens qui m'ont aidé, accueilli, donné le gîte et le couvert. Il faut que je les remercies.
Revenir en haut Aller en bas
MalachiteMiséreux
Malachite



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyMar 12 Avr 2016 - 14:36
Le prêtre est très doué pour parler de choses qui ne se baisent pas, ne se tuent pas, ne se bouffent pas. J'aurais du mal à définir la chose, mais en traînant avec lui j'ai remarqué parfois des fulgurances de lyrisme qui faisaient du bien. Principalement à propos de ses Dieux. C'est pour ça que j'ai essayé de me renseigner un maximum sur le sujet. Pour le relancer. De temps en temps, de sa petite voix faible de blessé, il m'expliquait des choses plus ou moins hypnotisantes selon la qualité de la formulation de mes questions. Ca fait comme un massage du cerveau quand il parle. Si j'ai bien compris c'est une grosse part de son boulot de captiver par le discours. J'ai beaucoup aimé quand il parlait de l'au-delà par exemple. Genre, la paix intérieur c'est facile et cool pour qui s'en donne la peine.
Mais là ça marche pas.

Il pose sa main sur mon épaule, et il me ment. Ca ruine la magie tellement ça se voit. Ca salit tout. J'ai pas "retiré du mal" moi. J'ai castré David. Et avant ça j'ai fait plein d'autres trucs horribles. Je suis impardonnable. Mes sourcils se froncent au fur et à mesure des paroles du prêtre. J'suis sûr qu'il dit ça pour pas me vexer. Ou il a peur que je lui fasse du mal aussi si il commence à me traiter de connard. Il a forcément deviné que j'en étais un. Je me sens pas bien du tout. Je chasse sa main d'un mouvement d'épaule.

- Ben on peut sortir, il fait un peu beau en plus. Mais faites gaffe y a des marches en sortant, et elles glissent.

J'ouvre la porte pour dévoiler au prêtre ce glorieux décor qu'est Traquemont. On déboule sur un balcon en bois dominant la cour du fort. Vers la droite, un escalier antique, très raide et étroit. La pluie de la nuit l'a rendu humide et glissant. Au moins le prêtre devra se concentrer sur ses pieds, il verra pas la chaux en voie de disparition sous la gouttière, il sentira pas l'odeur de pisse parce que les gros bourrés arrêtent pas de faire partout à l'intérieur. Avec un peu de chance il passera à coté du pan de tour de garde qui s'est cassé la gueule et que personne a les compétences pour réparer. Faudra enjamber des rouleaux de corde, OK, mais tu sais pourquoi ils sont par terre ? Parce que personne a trouvé le temps de bricoler des étagères en rab'. Du coup ils prennent l'humidité, ils moisissent, et cassent quand on en a vraiment besoin. J'crois que tout le fort est à l'image de ce problème là : les survivants ont pas forcément les compétences utiles, on est pas assez nombreux de façon général. Tout le monde s'occupe des problèmes les plus immédiats : la famine, les Fangeux qui veulent nous buter. Du coup tout ce qui est secondaire se casse un peu la gueule. Autre problème de l'apocalypse : le tissus. Plus personne a le temps de cultiver du lin, importer de la laine de la ville voisine est devenu impossible, et de toute façon tout le monde s'en fout des fringues en ce moment. Je sais pas comment font les autres, mais moi je suis réduis à ravauder absolument n'importe quoi. On peut pas s'habiller entièrement en cuir et en fourrure quoi. J'crois qu'une partie de mon futal vient d'une lavette qui servait à nettoyer le sol de la cuisine. Heureusement j'ai une livrée de Traquemont usée jusqu'à la corde pour cacher la misère. Bref.

Après avoir aidé le prêtre à négocier l'escalier - il est quand même pas dans une forme éclatante - je l'accompagne jusqu'à la minuscule chapelle. En vrai elle est pas très jolie par rapport aux édifices religieux de la ville. Le fort est pas prévu pour privilégier la douceur de vivre, et ça s'est pas amélioré avec la venue de Dame Yseult. Du coup le bâtiment tient plus de l'appentis, placée entre l'écurie et la réserve de linge propre. Les murs sont pas en pierre de taille comme les remparts ou le donjon, et le toit présente d'évidence faiblesses dues à son grand âge. A l'intérieur, y a de la place pour seulement deux bancs - dont un occupé par un immense reliquaire vide et couvert de poussière. On a visiblement fourré tout ce qui avait l'air vaguement religieux à l'intérieur, y a à peine la place pour tenir à trois ou quatre à l'intérieur. A coté de l'autel, une statue en bois d'Anür prend l'humidité et sa peinture s'écaille. J'l'ai poussé un peu sur la droite la première fois que je suis venu ici, parce qu'elle était pile sous le trou du toit, mais c'est quand même pas un endroit pour stocker une oeuvre d'art. Sinon le lieu est la fête aux toiles d'araignées, aux crapauds, à l'humidité. Y a même un pied de ronce qui pousse dans un coin, entre les débris du parquet. Et y a un connard qui a trouvé le moyen de chier derrière un pilier sculpté. Probablement un gros bourré.

Je sais pas comment s'est passé l'installation dans le fort, vu que j'suis arrivé après la guerre, mais ça a l'air d'avoir été un immense foutoir. Les gens sont arrivés en catastrophe avec des Fangeux au cul, en essayant de rendre les lieux habitables le plus vite possible. Mais il y a plus de carrière de pierre, plus de bûcherons, plus de maçons pour les gros travaux. On a déjà du mal à couper suffisamment de bois pour passer l'hiver sans engelures, tout ce qui est manufacturé vient du pillage des morts.
Mais j'aime bien la chapelle.

Le vitrail nous fait face. Ce qui est un peu con, c'est qu'il y a le rempart juste derrière le bâtiment, alors y a jamais un rayon de soleil qui passe devant. Mais il est quand même joli. Comme c'est une représentation de Rikni - logique pour un avant poste militaire - ça abonde en visages torturés et en rivière de sang. Ca me plaît bien. Comme l'oeuvre est antique, la perspective est totalement absente et les créatures représentées laissent penser que l'auteur était grand consommateur de drogue. Il y a des chevaliers avec des serpents enroulés autour de leur épaules, la gueule près de leurs oreilles, sûrement à chuchoter des trucs. Pour une obscure raison il y a un petit démon en bas à droite qui tire la langue. Un grand serpent tout blanc domine la partie supérieure du vitrail. On voit pas son oeil gauche parce que cet endroit là est cassé. Y a des détails que je distingue pas à cause de la crasse et de l'usure, mais sinon je trouve tout ça très joli.

- C'est écrit quoi là ?

Je montre du doigt une inscription dans la pierre, en dessous.
Revenir en haut Aller en bas
Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyMar 12 Avr 2016 - 15:43
Le prêtre avait péniblement suivit le jeune homme à travers l'enceint de Traquemont, et son paysage désolé. C'était vraiment atroce, en ruines, anéanti. Pourtant, il y avait une certaine force à voir tout cela. Des cloaques, c'était pas dur d'en trouve, il suffisait d'arpenter les murs de Marbrume. Ici, même anéantis, on voyait l'Humanité telle que Serus l'avait modelée. On la voyait résiliente, inventive et forte, prête à tout pour survivre rien qu'une journée de plus. La chapelle convenait parfaitement à cette description. Un prêtre, d'ordinaire, serait choqué de voir un Temple en tel état, il y verrait un sacrilège et une honte. Ici, c'était tout l'inverse. Ce misérable cagibis humide et puant avait un symbole de force et de grandeur absolue.
C'était cela, l'Humanité. L'Homme est un animal étrange. Il n'est pas fort, il n'est pas puissant, il n'est pas rapide, il n'est pas majestueux. Mais il est, avant toute chose, résiliente. Coincez un homme au fond d'un gouffre, dans le froid et dans la faim, il n'arrêtera jamais de tout tenter pour remonter. Et aujourd'hui, même avec un Fléau titanesque qui avait anéanti l’Église, le Royaume, la Civilisation, tout ce que l'on connaissait de fort et d'éternel, les gens cherchaient à reconstruire leurs symboles. Qu'importe que cette statue soit puante et croulante ; C'était une statue.

Malachite était attiré par le vitrail, et sembla essayer de lire une inscription sur la pierre. Elle était à peine visible, mais qu'importe. Philippe avait immédiatement reconnu d'où elle était tirée. Et, à voix haute, il récita la prière qu'il avait maintes fois entendues.

- Le sang, la destruction, seront des choses si communes,
Que les mères ne feront plus que sourire à leur vue.
Toute pitié sera étouffée par notre volonté venue de l'enfer,
Et l'ombre de Louis promènera sa vengeance à l'extérieur de nos frontières.
Quand je viendrais chuchoter dans son sommeil, ce sera pour crier :
« Carnage ! », « Carnage ! », « Fait un carnage toi qui combat le chaos avec le chaos ! »
Et ainsi seront lâchés les chiens de guerre.
Jusqu'à ce que la puanteur de leurs corps,
S'élève au-dessus de la Terre.


Il agita la tête de haut en bas, lentement, avant de continuer.

- C'était une prière, racontée il y a longtemps, très longtemps, à l'époque où le Royaume des Langres n'était pas encore bien défini. Les frontières étaient peuplées de païens qui vénéraient des arbres ou d'autres esprits. Et ils étaient dangereux, les infidèles. Ils pillaient, ils violaient, ils harcelaient les petits villages, affamant les villes. Une menace diffuse, mais dangereuse et constante.
Et puis, un nouveau Roi a été sacré. Et pour continuer l’œuvre de son père, il a décidé de changer de stratégie.
Son premier acte a été de brûler l'arbre que vénéraient les païens. Puis, il s'est enfoncé dans la forêt avec une ost gigantesque. Aucun otage ne fut pris ; Les chefs tribaux étaient décapités sitôt pris. Les prosélytes et provocateurs étaient pendus à la moindre suspicion, leur maison brûlée. Des familles entières ont été déportées. La guerre dura, bien, quinze ou vingt ans, et fut combattue avec une telle hargne, une telle violence, que même les dignitaires de la Trinité ont désavoué leur souverain.
Mais qu'importe. La guerre a été gagnée. Les païens ont été civilisés. Ils ont même formé un Empire, moins d'un siècle plus tard.


Son regard se détourna lentement du vieux vitrail pour observer Malachite. Philippe avait comme regagné une nouvelle force. Il s'approcha, avec beaucoup de prudence, du banni.

- Qu'est-ce que la morale de cette histoire, Malachite ?
Pendant la guerre, les hommes deviennent des monstres. Tuer, voir des gens que l'on aime se faire tuer, souffrir, être meurtri, tout ça, ça blesse les hommes. Pas seulement physiquement. Ça entaille leur âme. Elle est éventrée, écorchée, mise à nu.
Mais Rikni toute puissante, elle remplace sa peau par une cuirasse d'acier.


Il s'était mis juste devant Malachite, et il baissait la tête pour l'observer directement dans les yeux, de ses yeux bleus et froids comme la pierre d'une statue.

- Nul doute que tu crains la Nuit, Malachite. Peut-être as-tu déjà cauchemardé. Que les choses que tu as fait te hantent, te privent de sommeil.
Pourtant, sans t'en rendre compte, tu accomplis la volonté des Trois. Je te vois ici, à Traquemont, c'est plus que la plupart des gens que je connais.
C'est une maigre consolation. La paix intérieure est difficile à gagner. Mais tu soulages, indirectement, la conscience des autres.
Soit fier de toi, mon fils. Et soit fort. En toute épreuve. En tout lieu. En tout instant.
C'est ça la grandeur d'un chevalier.


Il se détourna subitement, pour se lever près du banc occupé par un reliquaire. C'était assez triste à observer. Tout était dans une pagaille immonde et atroce.

- Vous n'avez pas de ressources ? Pas de bois, pas de pierre ?
Bon sang...
Il me faudrait mettre un peu d'ordre ici. Ne serais-ce que nettoyer. Il me faudrait un balais, un seau, et puis, peut-être avez-vous de l'eau de pluie pour nettoyer la merde.


Ce ne fut que sa tête qui pivota pour continuer d'observer le jeune homme.

- Va, si tu n'as rien à faire, tu pourrais peut-être m'aider à tout débarrasser ici, mon fils.
Revenir en haut Aller en bas
Yseult de TraquemontChâtelaine
Yseult de Traquemont



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyMer 13 Avr 2016 - 14:21
De toute manière rien n'est jamais simple, songeai-je en massant mes tempes d'une forte pression.

Les derniers jours n'avaient pas été les plus faciles de ce début d'année. Assise devant le pupitre me servant de bureau, faisant face à un ensemble de feuillets recouverts d'une écriture fine et griffue, je prenais une énième fois toute la mesure de l'impossible. L'impossible de ma croisade, l'impossible de la victoire pour laquelle je donnais tout - mon corps, mes nuits, mon âme et même les miens. Étonnant comme cet ordre me paraissait si naturel aujourd'hui ; cet ordre des choses que l'on sacrifie. J'acceptais plus aisément d'être blessée que de perdre mon sommeil, et plus sereinement de perdre mon sommeil que ma bonne conscience.
Et, bien évidemment, je me salissais les mains autant qu'il était possible plutôt que de causer du tort à ceux dont j'avais la charge.

Ce qui ne m'empêchait pas de les envoyer à la mort lorsque c'était nécessaire.

« Non, jamais simple... » soufflai-je doucement.

Pourtant, si j'y songeais bien, ma vie n'avait pas tellement changé. Oh, la Fange l'avait ravagée, oui ; mais j'étais toujours une commandante en guerre, une femme sur le front. Que les morts se soient relevés n'avait rien changé à ceci... alors pourquoi me sentais-je si lasse ?
Lorsque je regardais mon reflet dans la glace, je ne discernais pas dans mes traits la fatigue que je percevais dans mon for intérieur. L'acuité acérée de mon regard semblait ne jamais faiblir... J'esquissais un sourire plein de dérision, dépourvu de la moindre once de chaleur ou de joie, avant de poser les avant-bras sur la surface patinée du meuble.

Le devoir et l'envie de pouvoir... mon zèle mâtiné d'ambition était une drogue courant le long de mes veines et maintenant ma vitalité envers et contre tout. Mon expression se mua en un rictus inquiétant tandis que je mussais le nez dans le creux de mon coude, à la manière d'une jeune fille boudeuse. Lentement, mes paupières se fermèrent.

Je pouvais bien m'accorder quelques minutes, n'est-ce pas ?

***

La lumière du jour filtrait avec force au travers de la fenêtre lorsque je me réveillais presque en sursaut. Retenant un grognement de gorge, je me passais une paume crispée sur le visage en attendant que les bribes vaporeuses de ma sieste imprévue disparaissent.

« Comme si je n'avais que ça à faire... » marmonnai-je avant de chercher à tâtons le pichet de vin que je me rappelais avoir écarté dans la matinée. Au lieu de ça, mes doigts tombèrent sur un quignon de pain assaisonné de jus de viande. « Mais... »

Rose. Sorte d'étonnante synthèse de femme à tout-faire, camériste et vague dame de compagnie, Rose était à mi-chemin entre l'adolescente gaffeuse et une jeune adulte d'une rare perspicacité. Il semblait qu'elle avait pris l'initiative, pendant mon sommeil, de remplacer l'alcool par cette... tartine.
Je mordis dedans sans trop de conviction, poussant un soupir résigné. C'était dans ce genre de moment que je ressentais un vif besoin de solitude - non pas qu'on me surprenne souvent à prendre un bain de foule, par ailleurs -, de me couper de tous les habitants du fort pour cesser de penser aux tâches qui m'incombaient. Malheureusement, trouver un tel sanctuaire n'était pas chose aisée.

À y bien réfléchir, le seul lieu quelque peu déserté du château restait la chapelle qu'il abritait. Ce n'était pas que mes gens n'étaient pas très pieux ; mettons simplement qu'ils avaient perdu l'habitude d'exprimer leur dévotion devant un autel, notamment du fait que les quelques prêtres de Corbeval étaient morts lors de la chute de mon domaine natal.
Il y en avait toujours quelques-uns pour murmurer que la Fange était un fléau divin, envoyé par Anür elle-même afin de châtier l'humanité. Je ne tolérais pas ces paroles, et si bien souvent les mots de mes prières allaient à Rikni ce n'était qu'à cause de notre quotidien violent : mon amour, lui, allait à la déesse des océans.

Laissant de côté un morceau de pain à moitié mangé, je me levais de ma chaise avec un craquement qui remonta le long de mon dos raide.

***

- Le sang, la destruction, seront des choses si communes,
Que les mères ne feront plus que sourire à leur vue.


Je me figeais, la main sur la poignée froide de la porte barrant l'accès au lieu de culte. Une voix s'en élevait sur un ton sentencieux, citant le texte trois fois saint. Il était rare d'avoir la connaissance exacte de ce passage, à moins d'être de l'ordre des clercs ou de l'aristocratie.
Et encore.

Saisie d'une curiosité subite à l'ouïe de ce timbre que je ne connaissais pas, je m'adossais au mur de l'édifice en croisant les bras, la tête reposant contre la pierre glacée. J'écoutais le monologue qui s'ensuivit, aux allures de sermon ; ma surprise s'agrandit encore lorsque j'entendis le nom de Malachite être évoqué.

N'est-ce pas lui qui a ramené ce prêtre... Lendemain m'en avait avertie. Accaparée par les affaires courantes, la nouvelle m'était rapidement sortie de l'esprit.
Mettant de côté l'agacement que cet oubli suscitait, je fis jouer l'huis dans un geste sec et pénétrais dans la pièce. Un seul instant me suffit pour appréhender la scène, d'un Malachite taciturne faisant face à ce fameux clerc.

J'étais ce qu'on pouvait appeler une personne pieuse. Je me faisais obéissante des lois de mes rois et de celles de mes dieux, et pourtant, il n'y avait aucune chaleur ni douceur dans les yeux avec lesquels je dévisageais cet homme d'âge mûr au visage inconnu. Grand et ascétique, il eût pu faire office d'épouvantail aux traits sévères pour la gamine que j'avais été naguère ; pour la femme que j'étais aujourd'hui, je contemplais simplement les rides d'expression de quelqu'un qui n'avait pas pris pour habitude de sourire. J'appréciais la fermeté que je discernais au fond de ces iris délavés, bien qu'à l'écouter l'intéressé m'eût paru peut-être un peu trop bienveillant à l'égard du banni.

« Mon père. »

Un salut décerné d'une voix froide. Je fis quelques pas afin de me porter à leur hauteur, adressant à son cadet un simple regard.

« Je me prénomme Yseult et suis la châtelaine de Traquemont. S'il vous est arrivé d'avoir quelques notions d'héraldique alors vous me connaissez plus probablement comme le dernier enfant du seigneur de Corbeval. »

Certains religieux étaient des puînés de maisons nobles et il n'était pas impossible que ce fût son cas.
Un bref silence succéda à mes paroles, tandis que mes prunelles limpides allaient de l'un à l'autre. Vêtue de ma sempiternelle livrée de cuir noir frappée de mon blason, j'avais tout du capitaine de garde plutôt que de l'aristocrate.

« Il est rare que l'on se donne la peine de venir jusqu'ici par courtoisie ou souci de préserver les rituels de la sainte Trinité. Quels sont donc les événements qui vous ont amené par chez moi ? J'aimerais en entendre le détail de votre bouche. »

Bien que ces derniers mots furent prononcés sur le ton de l'interrogation, un peu de perspicacité suffisait à en discerner le caractère éminemment autoritaire. Je n'avais rien d'une courtisane et pour être tout à fait honnête, gagner l'appréciation de mon entourage n'avait jamais fait partie de mes priorités. Celles-ci ne résidaient que dans la survie des miens et l'extinction violente de la Fange.

Mon attention s'égara alors, un seul instant, en direction de la statuette d'Anür qui subissait impuissante les outrages du temps et de l'humidité ambiante. Bien sûr, si je l'avais pu, j'aurais donné à ce lieu de culte le faste et la majesté qu'il méritait. Certains arguaient que les trois se moquaient bien de nos richesses et que seule la pureté des prières avait quelque valeur à leur regard séculaire... Moi, j'estimais que rien ne saurait être de trop pour marquer la force de nos dieux.

Je battis des paupières, chassant ces pensées afin d'écouter la réponse à ma question.
Revenir en haut Aller en bas
MalachiteMiséreux
Malachite



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyMer 13 Avr 2016 - 17:39
- Je vais chercher ça m'sieur.

Après un discours pareil, j'serais allé cherché un balais et un seau jusqu'au fond de l'enfer. Mais même avec la sensation de remplir une mission divine, rien n'aurait pu me faire contourner dame Yseult en train de se tenir devant la porte.

J'me casse un peu la gueule tout seul tellement j'étais lancé tel une avalanche de propreté - le discours du prêtre était bien meilleur cette fois ci. Un joli rattrapage sur le dossier du banc m'empêche de tomber sur les fesses devant la maîtresse des lieux. Parce qu'elle fait peur Dame Yseult. Tout le monde arrête pas de me raconter des histoires sur elle où elle a le beau rôle, même Lendemain, ce qui lui met une sacrée aura prestige, et en plus elle m'a puni y a pas longtemps pour avoir frappé un de mes petits camarades qui arrêtait pas de me traiter de métèque. J'en ai pas parlé de cette histoire là, mais crois moi que ça m'a miné mon emploi du temps. C'est dur d'être dans la patrouille de l'aube ! Tous les matins y a un gros costaud qui vient me secouer avant le lever du soleil pour que j'aille patauger dans la gadoue et le froid, et après y a plein de Fangeux qui veulent me tuer. On est obligé de faire ça parce que sinon y en a trop partout autour du fort et on peut plus sortir, mais c'est titanesquement chiant. Arnaud il m'insulte plus, mais pour l'instant on est pas devenu spécialement copain vu qu'aucun de nous est assez sociable pour faire la conversation à cinq heure du mat' dans une campagne remplie à ras bord de trucs qui veulent nous tuer. Pour l'instant on s'ignore autant que possible en serrant les dents et en se maudissant d'avoir été assez con pour attirer l'ire de dame Yseult. Parce que ça fait chier de se réveiller si tôt le matin, merde.

Bref, du coup j'aimerais pas trop faire le malin, surtout que Lendemain est pas là pour faire tampon. Il me manque très fort là. Parce que, va savoir pourquoi, j'me trouve un talent surprenant pour faire le malin dans la proximité immédiate de la châtelaine. Et elle aime pas ça du tout. Là ce qui me mine, c'est qu'elle a posé au prêtre pile la question prévisible que j'ai pourtant pas prévu : qu'est ce que je suis parti foutre à pétaouchnok pendant quelques jours et pourquoi j'suis revenu avec un Haut-Prêtre sous le bras ? C'est pas le genre de mes fréquentations. Me voilà bien emmerdé. Je veux pas m'en remettre au prêtre pour raconter un truc aussi explosif, mais je peux pas m'insérer non plus de force dans la conversation. Point de vue protocole j'ai autant le droit d'intervenir que la statue ou la merde de gros bourré par terre. Et dame Yseult m'a déjà dans le nez. Y a pas Lendemain pour sauver mes fesses. J'peux rien faire, j'peux pas...

- M'dame c'est mieux si c'est moi qui raconte. Le monsieur il était blessé ou pas là à plein de moments. Moi j'ai tout vu.

Je jette au prêtre et à la dame des regards de petit rongeur sur le point d'être dévoré. J'me mets à suer à grosses gouttes malgré la température fraîche. J'ai coupé la parole de la chef. J'ai putain coupé putain la putain de parole de la putain de chef de mon cul. Et qu'est ce que je vais raconter maintenant ? J'ai pas le temps de réfléchir à comment présenter ce merdier. Y a pas de bonne façon en fait. Dame Yseult c'est pas ma mère, c'est pas quelqu'un de spécialement bienveillant à mon égard. Elle dira pas "oh, tu as déserté quelques jours pour tuer des bandits ? Quel courage, quel sens de l'initiative, je vais te donner un biscuit pour te remercier". Elle, elle est là pour que le travail soit fait, et si ça passe par la pendaison des tire-au-flanc c'est bien balot pour moi.

Je pourrais mentir, mais pour dire quoi ? Pour toi, le temps a l'air de durer de longs paragraphes où je monte soigneusement mes plans, mais en vrai c'est deux secondes de panique pure dans un cerveau fatigué que t'es en train de lire. J'me flatte d'être un menteur relativement compétent, et j'sais qu'on invente jamais rien de bon dans la panique. Faut un bon mensonge qui amène pas d'autres questions, qui soit cohérent et plausible. J'ai pas le temps d'inventer ça avant que Yseult me dise de bien fermer ma gueule et de laisser les grands parler. Et elle va le voir si j'invente au fur et à mesure en bredouillant comme un gamin pris en faute. Mais j'peux pas reculer après une telle intro.
Dans ma panique, il me reste qu'une seule option : dire à peu près la vérité. J'me mets à parler très vite, visiblement au bord de l'explosion.

- Bah en fait j'étais avec m'sieur de Tourres qui faisait un procès aux lapins pour le village où Hervé y va des fois le lundi pour échanger des trucs, je sais plus comment ça s'appelle c'est pas très grand, à coté de la rivière qui passe au sud des murailles de... enfin du coup j'disais... Y avaient pendu l'aubergiste mais il fallait tuer les lapins j'sais plus pourquoi... Et j'suis pas rentré parce que j'étais obligé de rester, y avait... non, faut que je reprenne depuis le début.

Je fais un geste d'impatience de la main, pour dire que j'essaye très fort mais que je suis trop con pour y arriver. Je cherche du regard un peu de soutien de la part du prêtre. C'est vrai qu'il était pas là la moitié du temps, occupé à se saigner bêtement dessus.

- Donc je suis arrivé avec Hervé, puis bah... j'traînais en attendant qu'on reparte quoi, et j'ai croisé un copain. Mais on a croisé un autre type aussi, j'le connaissais pas, c'était un bandit mais les gens le savaient pas et...

Et là j'suis bien emmerdé. J'suis très fortement tenté de mentir, mais j'ai déjà bien lissé les plis en insinuant que j'étais pas du tout en train de glandouiller à la recherche d'alcool. Dans mon trouble, j'sais pas ce qui me vaudra les pires problèmes entre buter un mec et tirer au flanc. Et j'sais pas non plus comment formuler la vérité. Y a des histoires de sexe là dedans. J'suis naïvement convaincu que dame Yseult est vierge et a pas la moindre idée, pensée ou projet concernant ce domaine là. Surtout pas à propos des pires déviances humaines. Je sais sincèrement pas comment me faire comprendre. Tant pis. Je détaillerai pas.

- ... et j'peux pas dire devant une dame ce qu'il voulait. Alors j'l'ai tué. J'étais obligé. On a laissé le cadavre dans les marais.

Je hausse les épaules. Une angoisse sourde et profonde prend sournoisement possession de mon cerveau. Dans ma précipitation j'ai oublié à quel point j'avais pas envie de parler de tout ça, en fait. Mon débit de paroles ralentit peu à peu, ma voix devient plus grave.

- Mais après, dans la nuit, y a eu deux cadavres de plus, des copains au gars déjà mort. J'suis resté sur place pour voir ce que devenait l'affaire, et si mon copain allait me balancer à cause de l'émotion. Il était plus jeune, on sait jamais. Au pire je prenais le large à travers les marais pour rejoindre Hervé, mais fallait que je sache le fin mot de l'histoire. Que je me repointe pas dans le coin avec une réputation de meurtrier. J'allais pas expliquer la vérité, c'est dégueulasse, et puis on m'aurait pas cru.

Je soupire en arborant une expression bien trop blasée pour mon âge. Hé, les gars, vous savez ce que c'est, quand on est banni et qu'on doit couvrir ses meurtres, et qu'après les gens croient des tas de trucs sur votre compte pour un malentendu ? Ouais, on est tous passé par là avant nos vingt ans hein, ah ah ah.

- Du coup les mecs ils ont pendu l'aubergiste parce qu'il a dit que c'était un lapin géant qui avait fait le coup. Et après monseigneur il a dit qu'il fallait punir les lapins aussi, parce qu'ils mangent les cultures en plus. J'ai pas trop compris mais j'me suis dit que buter plein de viande ça me rembourserai le voyage quoi. Bref. Du coup j'les ai suivi. En plus j'peux pas contredire un religieux. C'est pour ça que j'suis pas rentré au fort tout de suite m'dame. J'voulais pas me retrouver embarqué dans ces dégueulasseries, mais j'suis obligé des fois.

Mon regard se perd quelque part sur le reliquaire, sans vraiment le regarder.

- Et après...

J'ai la bouche sèche. J'crois que toute l'eau de mon corps est partie par mes aisselles. J'dois puer un truc de fou. Mais c'est comme si j'avais franchi le mur du son de l'angoisse, et que maintenant mon cerveau était trop saturé pour en avoir quelque chose à battre. J'suis un peu détaché de tout ça, dans du coton, et c'est pas plus mal j'dirais.

- Ben on était lancé, puis y a des bannis qui nous on attaqué. C'est là que m'sieur de Tourres s'est pris une flèche. Après j'ai pas trop compris, y a une fille que j'connaissais d'avant qui s'est pris un carreau dans la tête et les vrais bandits sont arrivés juste après. Les copains de ceux du début. J'crois qu'ils suivaient les bannis à la base. Leur chef c'était un ancien noble mais j'me rappelle plus de son nom de famille, p'tète que monseigneur s'en souvient, bref, ils nous ont emmené. Ils étaient plus nombreux et y avait des blessés chez nous...

Et c'est là que tout part vraiment en couille, et moi avec. Ca fait un moment que j'ai perdu le but de mon discours, mais là je vrille complet.

- Ils ont embarqué les blessés d'un coté, dont monseigneur, et du coup j'étais tout seul avec le gamin et le diacre et et et...

J'crois qu'à ce moment là j'ai failli me mettre à hurler. Comme ça, devant dame Yseult et le Haut Prêtre. J'aurais gueulé jusqu'à mourir d'asphyxie. Mais j'ai pensé à Gilles. Bizarrement ça m'a recentré. Gilles méritait sa petite mention quand même.

- Ben le diacre il est très gentil mais il a pas l'air du genre à faire des plans. Et là il en fallait un... j'sais pas comment expliquer, mais merde, des bandits partout et j'suis tout seul avec ma p'tite arbalète, un puceau et Gilles quoi ! Putain ! J'arrivais plus à réfléchir et-et-et le chef et-y avait une fille et j'peux pas dire devant une dame ce qu'il faisait, mais la fille elle pleurait et fallait que je trouve comment on allait pas crever, moi je savais pas parce que à un contre cinquante, ou cent, je sais pas, bah c'est pas simple. Du coup on allait crever, et-et-et-

J'me suis un petit peu griffé le visage sans faire exprès.

- Ce con de gamin il m'a balancé ! Du coup... du coup après j'me souviens plus !
Revenir en haut Aller en bas
Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyJeu 14 Avr 2016 - 11:31
La simple vue de la femme avait bloqué l'élan du jeune banni. Dame Yseult était entrée, celle-là même dont Philippe avait de nombreuses fois entendu parler. Oui, il en avait entendu parler à Marbrume, déjà, mais le jeune banni lui avait donné beaucoup plus de détails lorsqu'il comatait légèrement.
La jeune femme était sèche, voire-même impolie. Qu'importe. L'héritage noble de Philippe n'était pas un héritage de cour, il avait grandit à la campagne, avec des chevaliers et des gueux, l'essence même de la chevalerie rustique. Il se prépara à lui répondre, avec la même rigueur et le même ton acéré, lorsque le gamin se mit à piailler à sa place.

« Piailler » était le bon mot. Tel un petit poussin, il s'était mis à tenter de construire des phrases, même s'il semblait paniqué et excité. Se remémorant certains souvenirs, il commença même à ne plus être capable de contrôler son flot de paroles.
Au bout d'un moment, alors qu'il semblait se noyer, le prêtre décida de soupirer et de lui venir en aide, avec une voix qui tonnait comme s'il était dans son Temple.

- Tout ce que vous avez à savoir, c'est que nous sommes tombés sur des brigands, mais que nous les avons brisés. Les terres sont remplies de ces brigands, qui attaquent les caravanes ou les petits villages, qui profitent que les chevaliers ne patrouillent plus pour semer le chaos et la discorde.
Vous devriez féliciter ce jeune homme. Il m'a sauvé la vie, et probablement celle de dizaines d'innocents en participant à l'élimination des criminels.


Il fit un petit signe de tête à Malachite, et posa une main sur son épaule. Mais son ton ne changea pas, il resta dur et fort.

- Va donc me chercher de quoi nettoyer, mon fils.

Qu'il fasse une petite marche dehors, cela devrait le calmer. Et cela pourrait permettre à Philippe de discuter avec la baronne noire, celle qui pour un instant semblait être Rikni incarnée.
Une femme qui se bat. Philippe n'avait jamais aimé les femmes. En fait, au fond de son esprit, il avait toujours eut des sentiments confus envers elles, un mélange de haine et de condescendance. Oh, il ne l'avait jamais montré à personne, il savait se contrôler, il n'était pas un misogyne qui hurlait des idioties sur tous les toits. Mais il avait toujours ces arrières-pensées qui trottaient dans son esprit malade. Pourtant, sur l'instant, Yseult était un soldat qui se battait contre la Fange, ce qui la rendait déjà plus digne de son respect qu'une grande partie des nobles qu'il connaissait. Yseult avait plus de bourses que son propre frère, Blaise, qui passait ses journées à glander dans son manoir.

- Je suis Philippe, fils de Thibault de Tourres, banneret des Terres du Sang. J'ai été ordonné et j'ai reçut l'honneur de devenir haut-prêtre attaché au Temple de Marbrume il y a de cela plusieurs années maintenant. Mon office n'a jamais été de tout repos, mais je n'aurai jamais imaginé me retrouver au milieu d'une invasion de morts-vivants.
Qu'importe. Vous êtes ici et vous vous battez. C'est très bien, ma fille, Rikni sourit sur vous. Malheureusement, si j'en crois ce jeune Malachite, vous avez de grands problèmes logistiques.


Il se détourna un moment pour observer la vieille statue d'Anür, qui était en train de pourrir. Il lui sourit un instant, avant de faire un petit signe de tête à la déesse.

- J'aimerai vous remercier. Vous, et bien sûr tous ceux sous la protection de ce château. Vos ressources sont limitées, mais vous m'avez nourri, hébergé et soigné le temps de ma convalescence. Je vous suis tous éternellement redevable.

Un peu éloigné, les mains dans le dos et le buste droit, il regarda la femme directement dans les yeux, avec son habituel regard de pierre. Oui, les choses qu'il disait étaient très courtoises, mais la voix avec laquelle il clamait semblait très différente.

- Je ne sais pas si vous avez envie de moi ici. Si je suis encombrant ou si ma présence est appréciée. Mais dans tous les cas, je resterai à Traquemont au moins quelques jours. Pendant ce temps, je compte bien tenter de remettre cette chapelle dans un état de salubrité.
Je sais que je dois pas avoir l'air en forme, j'ai été blessé... Mais si vous avez besoin de quoi que ce soit, demandez-le moi.
Revenir en haut Aller en bas
Yseult de TraquemontChâtelaine
Yseult de Traquemont



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyLun 18 Avr 2016 - 17:20
Un long silence. Épais, pesant, tandis que d'un regard impénétrable j'enveloppe le prêtre et le païen. Ce moment s'éternise : mon masque est si impavide qu'il pourrait être celui d'une statue. Pour ceux qui me connaissent réellement, un tel flegme est la marque d'un immense tourment intérieur.
J'ai toujours été une femme de passion sous mes allures de châtelaine glaciale. Le duc et moi avons bien des points communs, et s'il en est un c'est le goût des responsabilités et du pouvoir. Cette inclinaison, sachez-le, conduit souvent celles et ceux qui l'ont à céder à l'emportement.

J'étais venue ici en quête du repos et de la solitude que je méritais bien. Il n'était pas grand-chose que j'exigeais sinon de la discipline, et la voir foulée des pieds par le babillage décousu de Malachite et les remarques du religieux achevèrent le peu de patience que je possédais réellement.

« Qui s'en prend à mes hommes, qui ils tuent et qui ils sauvent me regarde directement » lâchai-je en détachant chaque syllabe. « Ne vous avisez nullement de me dire ce que je dois ou non savoir, mon père : considérez que vous êtes dans un avant-poste en guerre et agissez en conséquence. Montrez-vous responsable. »

Je n'avais pas une vanité telle qu'un peu de provocation suffise à s'attirer ma colère. Je suis fatiguée. Je n'étais pas si... transparente... et jeune... que l'on puisse m'amener sur les sentiers de l'emportement avec ce genre de facilité. Je suis lasse et me refuse à la tolérance... Si je considérais que la tolérance était la faiblesse des rois, je savais également que la justice et la droiture valaient toutes les peines du monde. Pourquoi ne pourrais-je pas...

« Votre présence ici ne m'importe guère. Rendez-vous utile et restez, ou bien partez et accomplissez votre devoir ailleurs. Ce sont les seules choses qui importent. »

Traquemont fonctionnait ainsi depuis le début de tout ceci : que l'on aide ou bien que l'on disparaisse. Aider ne signifiait pas me prêter assistance... mais prêter assistance à tous les habitants de ce fort. Et ce fort, lui-même, prêtait assistance à Marbrume. Au dernier refuge de l'humanité.
Les petits jeux de la noblesse étaient parfois nécessaires et s'imposaient même à moi, mais cela demeurait rare. Le vrai labeur du quotidien, la véritable essence de notre existence ici-bas, était de faire perdurer le nom de nos dieux et de notre race. Ce n'était plus une chose aisée depuis quelques mois...

« Ah, vous êtes ic-... »

Je me retournais vivement, un éclair d'irritation traversant mes iris limpides. Cette chapelle était devenue un véritable moulin aujourd'hui.
Un Lendemain quelque peu perplexe se tenait dans l'embrasure de la porte. L'homme était grand et efflanqué, sur le modèle de Philippe bien que de moindre façon ; une épaisse barbe de jais lui mangeait le bas du visage, pas suffisamment néanmoins pour empêcher de remarquer la rudesse de ses traits. Ses cheveux d'ébène bouclaient jusqu'aux épaules et il portait à la ceinture un épais fauchon souillé de sang. D'âge mûr, il laissait apercevoir au fond de ses yeux noirs une sereine bonhomie : sa force était celle, tranquille, des chênes qui ont autant vécu qu'il ne leur reste encore à grandir.

« Salut gamin » lança-t-il à Malachite avant de reporter son attention sur le fils du banneret, puis moi-même. « Herbert est rentré. Mais... »

Son ton était sombre, bourru. D'une main, je désignais son arme au fer poisseux.

« J'ai compris. Et ça ? »
« Il avait un mordeur au derrière » lâcha le garde, laconique.

Herbert était l'un des anciens éclaireurs de Corbeval qui avaient l'honneur douteux de se voir confier par mes soins la charge de surveiller certaines zones de la région. À la manière d'appâts dans la mare, ils mesuraient pour moi les mouvements de la Fange dans le Morguestanc.
Une mission que d'aucuns jugeaient inutiles. À mes yeux, elle était aussi essentielle que risquée.

« Puisque vous m'en faisiez l'offre, mon père, j'ai besoin de vous. Veuillez me suivre » fis-je avec un sourire plein d'ironie.

Je réprimais avec rage la montée de douleur que la nouvelle venait de faire naître au fond de mon ventre. Encore un. Encore un enfant sans père, une femme sans mari. Encore un qui a été envoyé dans les bras du trépas. Sortant de la pièce, je jetais un regard peu amène mâtiné de peine à Philippe.

Mon hôte allait peut-être avoir un aperçu des raisons de mon humeur.

***

« J'ai tout fait, j'vous jure... j'ai fait c'que j'pouvais... »

Il agonisait, aux portes du jardin des morts. Les linges emmaillotant le genou d'Herbert ne suffisaient pas à endiguer l'épais filet de sang s'échappant de la plaie ayant pour moitié sectionné la jambe : sa partie inférieure était disposée dans le mauvais angle, immobile tandis que l'autre s'agitait de spasmes involontaires. Des marques de morsures avaient arraché la chair de ses oreilles et d'une lèvre, rendant son élocution pour le moins laborieuse. D'une main couverte de terre, il enserrait un feuillet terriblement froissé que même Lendemain n'avait pas osé lui soutirer - dans sa poigne se devinait autant de souffrance que d'aveugle zèle.

« Je sais » murmurai-je en étalant un nouveau tissu sur son front brûlant, trempé à même le broc d'eau disposé à côté de son lit de mort.

Nous nous tenions dans l'une des pièces faisant office d'infirmerie dans l'enceinte du château, non loin du poste de garde. C'était dans celle-ci que l'on disposait les moribonds, le plus proche possible de la sortie. Ceux qui avaient encore la lucidité de s'en apercevoir ne se faisaient aucune illusion sur leur sort.

« J'ai tout noté » insista-t-il en agitant fébrilement les notes enserrées dans sa paume. « Lendemain, il... il connaît comment je cartographie, j'sais pas écrire mais il pourra... vous dire... »

L'intéressé se tenait en retrait et confirma sombrement d'un léger hochement de tête. Les bras croisés, adossé au mur du fond, il faisait office de veilleur funèbre ; Herbert ne l'avait même pas vu.

« Racontez pas à la p'tite comment qu'ils m'ont bouffé... »

La petite. Bien sûr. L'éclaireur avait une fille et non un fils. J'aurais dû le savoir, mais la vérité c'est que je m'étais par trop éloignée de ceux que je prétendais préserver.

« Attendez, attendez... » Déglutissant laborieusement, il fixait un point derrière mon épaule. Je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir ce qui, soudainement, retenait tant son attention. « L'étranger... j'sais qu'au fond t'es un bon gars... faudra me pardonner pour l'autre... fois... »

Malachite. Je savais qu'il causait des problèmes dans le fort, que la faute lui en incombe ou non. Il semblait qu'il avait eu maille à partir avec l'homme agonisant.

« Un prêtre est venu de Marbrume. » Ce n'était pas tout à fait la vérité, mais ceux qui allaient mourir ne s'embarrassaient pas de détails. « Il est là pour vous. »

Je me levais de ma chaise dans un craquement de cuir. Je n'accordais pas un regard, ni au garçon ni au religieux : enfermée dans mon masque de fer, je sortis de cet endroit qui embaumait la mort.

C'est encore ma faute. Il fallait bien que cela soit celle de quelqu'un, n'est-ce pas ?
Revenir en haut Aller en bas
Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyLun 18 Avr 2016 - 19:11
Yseult n'avait fait preuve d'aucune politesse dans ses paroles, directe et froide. N'importe qui aurait pu éprouver une certaine humiliation, et se serait empressé de remettre la jeune femme à sa place. Mais elle avait raison, c'était son château, et elle ne devait pas vraiment apprécier qu'on y rentre comme dans un moulin et qu'on gâche de l'énergie et des ressources pour qu'il puisse squatter ici. Aussi, Philippe ne dit rien. Il se contenta de garder une mine figée et d'agiter lentement la tête de bas en haut à ses paroles.
Il espérait simplement que ça ne retombe pas sur Malachite.

Un autre homme venait de pénétrer dans la chapelle, et fit sur-le-champs prévenir sa suzeraine qu'un certain Herbert était rentré, mais il ne fallut pas longtemps pour comprendre qu'il était blessé. Alors, dame Yseult manda le prêtre pour la suivre, et bien sûr Philippe savait déjà ce dont il s'agissait. Il allait falloir faire le viatique, administrer les tout derniers sacrements, ceux qui lui permettraient de quitter ce monde en paix. Il se contenta donc, à nouveau, d'agiter silencieusement la tête et de lui coller au talon, de ressortir dans le froid, accompagné de Malachite et de l'autre grand homme. Ils traversèrent la basse-cour, où on voyait les scènes habituelles dans un château, en beaucoup plus misérables. Une femme donnait à manger à quelques poules bien maigre, un tanneur utilisait des excréments de chiens pour préparer des jacques, des flammes léchaient le visage d'un forgeron qui battait du métal et réparait une épée.

Dans une pièce chaude et humide, étouffante, Philippe se tenait un peu à l'écart. Heureusement qu'il faisait encore froid, autrement il y aurait des nuées de mouches. Yseult parla avec un mourant, le Herbert en question. Il tremblait, il saignait, son visage était livide, mais il trouvait encore la force de s'entretenir avec sa suzeraine. Leur échange ne dura pas longtemps, mais il fut laborieux pour le pauvre homme, dont chaque parole était épouvantable à formuler, tant il était contrit par la douleur.
Lorsque Yseult annonça le prêtre, Philippe avait fait un pas en avant, comme un sergent qui avait été appelé par son maître. Il avait gardé une posture droite, et les mains croisées devant lui. Avec ses habits propres et pas rapiécés de partout, il tranchait bien avec le reste des habitants de Traquemont. Elle partit, et sitôt qu'elle eut dépassé l'évêque, celui-ci s'était encore plus rapproché, juste à côté de la paillasse sur laquelle se tenait Herbert. Il pouvait voir ses yeux injectés de sang et de larmes le suivre, un regard faible et peiné, mais avec une certaine... Tendresse.
C'était vraiment pas une bonne comparaison à faire, mais Philippe avait déjà vu ce regard, un jour. Son petit chien de chasse qui avait été piétiné par un sanglier. Le petit chiot, couinant et pleurant, regardait Philippe exactement comme ça, un air triste, mais en même temps, dans un certains sens, acceptant sa situation, et heureux de voir qu'il ne partirait pas tout seul.

- Mon... Mon père... Vous... êtes là pour moi ?
- Oui mon fils.

Philippe ne s'assit pas sur la chaise. Mais il mit un genou à terre, et attrapa immédiatement la main encore valide de l'homme. Celui-ci s'accrocha alors, ses doigts écrasant les phalanges du prêtre, alors que son regard, loin d'être fuyant, fixait les yeux du père de Tourres.

- Je... Il... Il faut pas que ma fille m'voit comme ça... Vous les laissez pas entrer, hein ? J'ai pas envie que... Qu'... Ils vont me...
- Je comprend mon fils. Je comprend. J'irais leur parler. Ne t'en fais pas, je leur expliquerais, je leur dirais.

Il n'avait pas envie que sa fille voit son père se vider lentement de son sang, sa chair et ses os mis à nus. Oui, ce n'était pas la première fois que Philippe faisait ce genre de chose.
Il voulu se reculer un peu, mais impossible. Herbert lui serrait la main. Il lui serrait tellement fort qu'il commençait à avoir mal à ses phalanges, mais il ne s'en plaignait pas. Au contraire même, il commença à former un très léger sourire, pour rassurer l'homme. Celui-ci parlait avec une voix de plus en plus fuyante, presque à lui-même.

- J'vais pas m'en sortir...
- Calme-toi, mon fils. Calme-toi. Tu as fais ton devoir. Tu es mort pour une cause honorable. Tu vas bientôt rejoindre les Trois.

Il serrait les dents, mais il continuait de fixer Philippe, avec toute son attention.

- Il faut que tu fasses ta pénitence avant de partir en paix. Dis-moi tout. Avoue-moi tes fautes, que les Dieux te pardonnent.


Un moment, il resta muet. Peut-être pendant dix, ou quinze secondes, un délai assez long. Son regard fut fuyant, puis ses yeux légèrement humidifiés, et sa voix déjà faible était devenue subitement assez rauque.

- J'ai... J'ai pêché, mon père...
Enfin... Je... Vous devez... P'têt savoir... Que routier, c'est un métier violent... Depuis que je suis jeune, j'ai appris à tenir une... Arme, et pis, j'ai... J'ai servi... Dans l'ost de Corbeval...
Bon sang, c'est... J'ai fais des choses, mon père... Vous savez ce que c'est un soldat, non ?

- Oui je le sais, mon fils.
- J'ai... J'ai bastonné des gens... J'étais un jeune con... Je buvais, je... J'ai déjà... Tué. Je buvais pour oublier, mais...
Je... Je me rappelle d'un... D'un village... Un sire ennemi, je sais pas, j'connais pas les affaires des... Des nobles. On... On nous avait demandé de le mettre... A sac...
On l'a mis à sac... Vous comprenez ?


Il fut prit d'une courte quinte de toux, très violente. On pouvait entendre ses glaires sortir. Son emprise sur la main de Philippe se fit soudain plus lâche, mais le prêtre ne le lâchait pas.

- J'ai avoué... Ces fautes, mon père... Et si j'suis là, à Traquemont... C'est... C'est pour ça aussi. Ma femme, ça a été ma... Ma pénitence... Comme vous dites...
Vous pensez que... Que Anür me pardonnera ? Que... Que même moi j'peux être pardonné ?

- Tu as été un bon mari ? Un bon père ?
- Je le jure...
- Et tu regrettes ce que tu as fais ?
- Encore aujourd'hui, je... Ça m'empêche... De dormir.
- Alors bien sûr qu'elle te pardonnera.

Philippe resta muet un moment. Herbert fit un court sourire, mais qui disparut bien vite. Le prêtre voulu réciter une prière, mais le fidèle, très rapidement, enchaîna sur quelque chose d'autre.

- Ça je... Je l'ai déjà avoué, mon père... C'est... Une autre faute que je dois avouer. Je l'ai jamais avouée, mais...
- Chuut. Ne parle pas trop vite. Calme-toi, et parle.
- La Dame... Yseult... J'étais là... Le jour où son fils est mort.

Il eut un bruit derrière. Philippe avait rapidement tourné la tête. Le soldat, Lendemain, avait fait un mouvement quelque peu brusque. Et d'ailleurs, le regard des deux frères d'arme s'était croisé.

- Je... J'étais une sentinelle... Je... J'étais... Censé le protéger...
Mais... Mais quand... Quand j'ai vu les mordeurs, je... Je sais pas... J'entends... J'entendais des hurlements... Des cris... Je... Je pensais que... Que d'autres.... D'autres gardes viendraient... Et pis, ma femme, elle était... Elle...

Il toussa encore, beaucoup plus fort. Parler était devenu laborieux, et maintenant, ce n'était plus lui qui retenait Philippe, mais Philippe qui écrasait sa main.

- J'ai fuis, mon père... Rikni pardonne ma lâcheté... J'suis un couard... J'ai... J'ai abandonné son fils... Pour protéger ma famille...

Le regard de Philippe était devenu noir, et ses sourcils étaient froncés. Pour autant, il ne dit rien. Il ne fit pas de remarque. C'était trop tard pour le juger, on pouvait pas juger un homme qui venait juste de se sacrifier pour faire pardonner ses fautes.

- J'suis un lâche... Un putain de...
- Tais-toi, mon fils. C'est arrivé. Ta mort aujourd'hui, elle n'est pas inutile. Tu regrettes tes fautes, et tu as lutté pour les voir pardonnées. Tu as été lâche par le passé, mais aujourd'hui, tu es digne de l'acier de Rikni, et lorsque tu iras voir Anür... Elle se montrera clémente.

Il avait lâché la main de Herbert. Il fouilla à l'intérieur de son doublet, dans une poche, en espérant que Malachite n'avait rien oublié. Il tira une petite fiole, le seul objet encore saint qu'il portait. Il l'ouvrit, et fit couler un peu d'huiler sainte sur le front du jeune homme, qu'il répartit pour faire un symbole de la Trinité au-dessus de son visage.

- Par cette onction sainte, que les Trois, en leur grande bonté, te réconfortent par la grâce de l'Esprit Saint.
Que Rikni te berce dans ton sommeil et te guide jusqu'aux Cieux.
Que Serus prenne ton enveloppe et la décompose, afin que tu redeviennes poussière et retourne à la Terre.
Que Anür protège ton âme et t'accueille en son paradis, afin que tu vives avec la paix éternelle.


Il ferma les yeux. Lendemain s'était approché, et agenouillé. Philippe s'éloigna, mais resta au chevet de l'homme. La relation des deux était sans nul autre pareil. Frères d'armes, on ne pouvait pas imiter ce lien.
Revenir en haut Aller en bas
MalachiteMiséreux
Malachite



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyMer 25 Mai 2016 - 15:49
Lendemain arriva, puis ils continuèrent de parler de choses d'adulte hors de ma compréhension. Si tout le monde a compris qu'il était arrivé des bricoles à Herbert, moi pas. Je suis perdu dans mon petit monde intérieur. Si la culpabilité pouvait tuer, si seulement... c'est comme une pierre tranchante coincée dans mes entrailles qui me fait mal chaque fois que je bouge. Et c'est de pire en pire. Les crimes s'accumulent. Il y a eu la fois où j'ai pris cette fille en otage pour échapper aux miliciens, les meurtres, d'avoir laissé Oscar me monter dessus et maintenant la mort très barbare de David. Je tremble. Je n'arrive pas à penser à autre chose, à ne pas voir les images dans ma tête. Je l'ai émasculé pour sauver ma vie. Je pouvais pas être plus médiocre que ça. C'est horrible comme la sensation du couteau dans ma main s'est imprimé dans chaque neurone de ma petite cervelle fatiguée. Mes doigts arrêtent pas de se crisper sur un objet invisible depuis, je sens encore le poids de l'arme, le relief des bandes de cuir du manche contre ma paume. La force que j'ai dû mettre, le travail sale de découpe que ça a été, comme pour manger un steack trop plein de tendons. La chose n'a bien sûr pas pris trente secondes, j'ai de longues minutes de hurlements et de tripaille à revoir dans ma mémoire, en boucle, pour toujours.

J'entends même pas les adultes parler, je les suis sans savoir où ils vont, et je m'en fous complètement. Mon petit monde médiocre est gorgé du sang d'êtres humains parfaitement sains et pavé de pénis sournois complètement détournés de leurs fonctions d'origine. Je sauve pas l'humanité. Je suis pas... ben Lendemain quoi. J'ai pas sa dignité. Jamais il se serait laissé tripoter lui.

D'ailleurs sur le chemin de l'infirmerie, il me jette un regard perplexe et pose sa main sur mon front, pour voir si j'ai de la fièvre. Ben non. Mais comme il est préoccupé par autre chose que le p'tit Malachite qui fait la gueule, il me laisse tranquille. J'ai un peu parlé de lui au prêtre, surtout pour lui expliquer à quel point le soleil sort par tous ses orifices et en quoi il est supérieur à tous les gens qui ont existé et existeront dans toute l'histoire de l'humanité - je suis aussi discret dans la tristesse que dans l'admiration. Il m'a quand même complètement sauvé la vie. Je secoue la tête. J'aurais pas dû parler de toute l'affaire des bandits, ça m'a mis dans le mal. Je repense à ce que disait le prêtre tout à l'heure, sur le vitrail. Son histoire avec les païens qu'il fallait tuer. J'essaye de me rappeler de ce qu'il a dit. La prière surtout. Une histoire de mère heureuse de voir des rivières de sang, Rikni qui chuchote aux oreilles, des gens qui sentent mauvais mais qui s'élèvent dans le ciel à la fin. En suivant la petite troupe dans la cour, je plie machinalement mes doigts dans une position qu'ils n'ont pas pris depuis des années : c'est celle qu'on prend chez moi quand on veut négocier avec esprits. C'est la chose la plus religieuse qui me vienne en tête. J'essaye depuis mon arrivée ici de faire le moins possible des trucs de métèque. J'ai complètement cessé de parler ma langue, de me coiffer comme là bas, ou même d'y penser. Mais ça ressort fatalement par un bout ou un autre.

Donc je me retrouve à maladroitement prier Rikni dans ma tête pour... pour une attention bienveillante à notre égard, sans objectif précis. Histoire de m'occuper la tête. Ca a bien marché pendant environs une minute, jusqu'à ce qu'on rentre dans le mouroir. J'ai compris d'un coup pourquoi on était venu.

Je m'attendais pas à voir Herbert dans cet état, j'ai bien tiré la gueule. Au début j'entendais à peine ce qu'il disait, trop occupé à fixer ses blessures des yeux. Son visage. Bordel. Sa jambe. Du sang partout. Il devrait pas être encore vivant dans cet état, c'est insupportable. Je me suis remis à trembler. Sa bouche. Y a des morceaux partout. Ca pendouille un petit peu à certains endroits. Et à un moment, il se sert de cette bouche pour me parler à moi, comme si le bénéfice de la conversation valait la douleur endurée.

- Je... c'est... c'est p-p-p-pas grave.

Là sur le coup j'arrive même pas à me rappeler de ce qu'il m'a fait. Horrifié d'avoir peu de souvenirs du mourant, je cherche désespérément le sale coup qu'il aurait pu me faire pour justifier de s'en excuser sur son lit de mort.
Je me retrouve à écouter toutes les confidences, toutes les horreurs, sans l'avoir voulu. J'ai juste... pas pensé à bouger. Personne ne m'a dit de sortir. Lendemain et le prêtre sont tout entiers consacrés à Herbert, mais moins bouleversé que moi. Il y a déjà eu tellement de morts. Le regard du vieux soldat est juste plus intense qu'à l'ordinaire - ce qui doit correspondre au maximum de tristesse affichable chez lui. Et voilà que j'apprends quelque chose d'extraordinaire, mais qui tombe à ce moment là dans mon cerveau sans rien déranger : dame Yseult a eu un gamin, qui est mort. Dans une autre vie elle a été une femme normale. Je réfléchirai à la chose plus au calme, quand l'information pourra m'intéresser, mais pour l'instant je suis trop perturbé par le fait qu'on baigne tous dans la tripaille jusqu'aux genoux. Une fois j'ai demandé à Lendemain si il avait eu des enfants, histoire d'être jaloux d'eux même si ils sont morts. Sa réaction a été un poil plus brusque qu'ordinairement, mais au delà de ça j'ai rien pu en tirer. Mais tout le monde a ses petits secrets et ses gros tabous post-apocalypse. J'comprends.

- LAISSEZ MOI LE VOIR

Je suis le plus près de la porte, c'est moi qui l'ait vu en premier. La fameuse fille d'Herbert. A ma décharge, tout s'est passé très vite. Le temps que je comprenne elle était quasiment rentrée dans la pièce. J'ai imaginé une fillette, mais c'est une adolescente costaude qui arrive en trombe, les cheveux en l'air, le visage défiguré par les sanglots et les hurlements. Qui est le con qui l'a prévenu ? Et la violence de euh... son chagrin on va dire, fait que j'me suis senti obligé de m'interposer physiquement. Elle est dans un tel état qu'on peut parfaitement l'imaginer sauter à pieds-joints sur le lit et y foutre le feu. Le visage d'Herbert s'est tordu de douleur en entendant sa voix, bien expressive dans la souffrance.

- Me touche pas sale métèque ! LAISSE MOI LE VOIR ! PAPA !

Comme j'ai dit, on parle d'une adolescente en pleine santé, habituée aux travaux au grand air et à porter un porc entier sous chaque bras pour faire la popote. L'apocalypse ne l'a fait maigrir que légèrement, y a des métabolismes comme ça. C'est le genre de fille qui me maltraitait quand j'étais petit, à toujours faire deux têtes de plus que tout le monde. Bref, toute cette introduction justificative pour dire, je dois humblement confesser quelque chose : je suis incapable de maîtriser physiquement la dame.

Et là, on se doit de préciser deux choses, auxquelles je n'ai pas pensé avant que ça me tombe dessus.
D'une part, le plafond. La maçonnerie de cette partie du fort est périlleuse à entretenir, demande beaucoup de matériel et des gens qualifiés. Du coup on le fait pas. Donc, quand une masse d'environs cinquante kilos - ne te moque pas - se fait violemment projeter contre la chaux et les bricolages du mur, un morceau de poutre tombe sur la tête du prêtre convalescent.
D'autre part, la demoiselle pouvait faire absolument n'importe quoi avant qu'on vienne lui dire que son père était en train de mourir. N'importe quoi. Le ménage, chasser des Fangeux, la cuisine, ou juste un peu de couture devant le feu au calme. Peut être qu'elle était avec un petit copain, ou en train de couper du bois. N'importe laquelle de ces activités. Et, c'est bien naturel, elle a oublié de laisser sur place son matériel. C'est juste con, c'était du repassage.
Donc quand elle me met presque avec négligence un coup à l'épaule pour m'écarter du passage, elle tient un fer tout juste sorti du feu. Je cris juste un tout petit peu.
Revenir en haut Aller en bas
Yseult de TraquemontChâtelaine
Yseult de Traquemont



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyMar 31 Mai 2016 - 13:22
Les bras croisés sur ma poitrine, adossée au corridor de pierre froide dans une posture seyant bien peu à la gent féminine, je rumine mon humeur et mon irascibilité. C'est un fardeau bien particulier que celui de voir ceux qui vous servent mourir, lentement, sans pouvoir en faire répondre l'ennemi. Ce n'est pas de la compassion, non... C'est de l'orgueil blessé. Je ne crois pas être une personne de bien, mais à tout le moins, mes actions en ce bas monde ont pour but de défendre ceux ayant choisi de ne pas prendre les armes.

Je laisse échapper un bref rire teinté d'amertume et d'ironie. Il semblerait que la Fange ai fait de moi quelqu'un d'un peu meilleur. D'un peu plus... chevaleresque.
Au travers de la porte entrebâillée j'entends le haut-prêtre qui reçoit les dernières confessions d'Herbert. Les yeux fixés sur le battant de vieux bois, j'écoute avec une expression fermée. Sans réellement saisir pleinement les mots qui s'échangent, j'en surprends quelques-uns : suffisamment pour comprendre de quoi il est question.

J'ignore si les dieux sont aussi cléments et prompts à pardonner que Philippe le lui a laissé entendre. À la vérité, j'en doute - ce qui est une façon comme une autre de me réserver une bonne surprise en cas de méprise - mais que savait une femme comme moi de la Sainte Trinité ? Je me considère pieuse, et sans doute le suis-je. Cependant je me contente d'obéir aux commandements de mes divinités alors même que j'éprouve toutes les peines du monde à discerner leur volonté.

Un peu d'agitation à l'autre extrémité du couloir me fait tourner le regard dans cette direction. C'est Mathilde, l'enfant du moribond : je la reconnais à présent que je la vois. Une fille solide, têtue, capable d'autant de gentillesse que de colère. Elle est, à mon image, d'un tempérament passionné ; mais là où j'ai enveloppé le mien d'une discipline de fer, la jeunesse ne fait qu'encourager sa fougue emportée.

- Il est là, je le sais ! C'est la salle des morts...

Proche de crier, elle se heurte à un des gardes du fort qui lui barre le passage. Prisonnière de ses bras, la jeune ménagère se débat comme un beau diable. Ses yeux scrutent l'entrée de la pièce où repose son père, avant de rencontrer les miens. J'y lis la douleur, l'outrage et la crainte.
Mais aussi de la colère.

Autant de sentiments dont, derrière mon masque froid, je suis terriblement familière. Avec une parfaite lucidité, je sais qu'il s'agit des derniers instants à vivre d'Herbert : il s'agit là d'une suprême chance pour le parent et l'enfant de s'adresser le moindre mot. De se dévisager une ultime fois.

Que n'aurais-je donné pour...

- LAISSEZ-MOI LE VOIR !

Ce que j'aurais donné ? Je le sais bien... Ma vie, mon âme, le royaume tout entier. Pour ne serait-ce qu'une dernière fois effleurer sa joue, embrasser son front et le serrer contre mon cœur.

« Laissez-la. »

Surpris un instant, le soldat se retourne à moitié dans ma direction. J'accompagne la directive d'un bref hochement de tête et il s'efface sans plus insister, libérant Mathilde de son emprise. Celle-ci ne perd pas un seul instant et s'engouffre en coup de vent dans la salle.
Il ne faut pas plus d'une seconde pour qu'aussitôt un raffut grotesque s'en échappe. Je lève les yeux au ciel, me rappelant les quelques conversations au sujet de Malachite que j'avais eues en privé avec Lendemain.

« Ce n'est pas lui qui cherche les histoires, châtelaine. »
« Mais c'est souvent lui qui les trouve. Que ce soit sa faute ou non, c'est un fauteur de troubles. »
« Peut-être qu'il est maudit... » avait-il souri, goguenard.
« Peut-être. »


Le foutoir. Probablement la chose que je déteste le plus au monde.

***

Lendemain avait grimacé devant l'agitation qui d'un coup venait de donner à la pièce mortuaire des allures de fourmilière effervescente. Non pas qu'il fut aussi rigide que sa maîtresse pouvait l'être, mais la présence d'un moribond méritait selon lui un peu plus de sérénité que ce que le malheureux n'avait pour le moment. Avec la rudesse d'un homme ayant passé les quelques quinze dernières années à aplanir les problèmes de sa main lourde, il arracha le fer à la poigne de Mathilde ; attrapa Malachite par l'oreille ; et se retrouva bien embêté en fixant Philippe.

« De l'air, gamin » lança-t-il à son protégé, ce qui était une manière de lui dire de sortir - si jamais la poussée administrée en direction de la porte n'était pas suffisante. On aurait pu juger ce comportement quelque peu rustre de sa part, et sans doute l'était-il : mais Lendemain n'avait, de toute façon, jamais vraiment exprimé son affection à l'ancien banni autrement que de cette façon. Il s'était posé comme son mentor, certes, et un mentor bourru comme un ours des montagnes.

« Ça va, mon père ? » reprit le soldat, vaguement gêné, à l'adresse du religieux. Avec un dernier regard pour le lit du mort, il lui prêta son épaule si jamais l'efflanqué porte-parole de Rikni en éprouvait le besoin.

Et tout ce beau monde laissa le parent et l'enfant, refermant la porte derrière eux. On entendit bientôt leurs pleurs mêlés.

***

Je posais un regard d'une souveraine froideur sur le singulier trio qui venait de vider les lieux. Un long moment s'égrena pendant lequel je dévisageais Malachite et le prêtre ; Lendemain s'était arrêté, bien conscient de mon humeur pour le moins... sensible.

Un cirque, voilà ce j'aurais dû gérer.

Et, sans rien dire ni laisser transparaître, je tournais les talons pour les laisser là.

***

« Ça s'est mieux passé que ce que je pensais... » glissa Lendemain à l'intention du cadet du groupe, avec un bref clin d’œil qui, l'espace d'un instant, le rajeunit un peu. « Allez, j'vous ramène tous voir le toubib. Comment vous trouvez la vie à Traquemont, mon père ? Agitée, pas vrai ? »

Il y avait une note d'humour dans la voix du guerrier tandis qu'il posait cette question, menant le trio le long du corridor de pierre.
Revenir en haut Aller en bas
Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] EmptyMer 1 Juin 2016 - 19:01
- Agagah. Areuh areuh. Eh. Rikni toute-puissante... Hmm... Hein ?

Ce furent par ces paroles extrêmement éloquentes que Philippe de Tourres tentait de se réveiller de sa torpeur. Son crâne avait été explosé comme une pastèque, la deuxième fois en quelques jours seulement. Cela risquait de le marquer, mais là, ce n'est pas une blague ou un commentaire à la légère. Il souffrait, Philippe. Il ne saignait pas du crâne, il ne se sentait pas plus abruti, mais... Il sentait quelque chose... Une douleur, forte, vivace, mais qui ne touchait qu'une moitié de sa tête, à l'intérieur, qui l'écrasait et le tétanisait. Qu'est-ce qu'il se sentait mal... Le bout de ses doigts tremblaient, il sentait son œil gauche se révulser, la douleur était atroce, écrasante, et pourtant, si Lendemain ou Malachite le regardait, ils ne pouvaient rien déceler. Aucune trace, aucune cicatrice, mais c'était à l'intérieur que Philippe était en train de mourir.

Aidé du soldat, néanmoins, il se força à se relever, et à cacher son état.

- Je... J'ai... J'ai soif... J'ai très soif.

Dans des temps futurs on pourrait dire que Philippe de Tourres souffre d'un traumatisme crânien et d'hémorragies internes. Si le haut-prêtre désirait survivre, il lui faudrait prendre du formentil et du pavot, des plantes pour soulager ses multiples crises de douleur et ses migraines qui l'attaqueront jusqu'au restant de ses jours, devenant de plus en plus fortes, l'obligeant à augmenter les doses graduellement jusqu'à devenir complètement dépendant. Il lui faudrait également, peut-être, subir une trépanation, qu'un médecin lui perce un trou dans le crâne pour pouvoir lui réparer la cervelle. Sans ça, l'état de Philippe n'allait qu'empirer, et si pour l'instant il arrivait à retrouver assez rapidement un état normal, plus tard dans la soirée, il se mettrait à tousser du sang. Dans quelques semaines, il aurait des crises de convulsions dans sa chambre, seul, sans que personne ne soit au courant, avant de se relever dans sa chambre en pleurant, son pantalon mouillé de pisse. Du liquide d'une couleur assez étrange commencerait à couler de ses oreilles assez souvent, et ce jusqu'à ce qu'un chirurgien lui vienne en aide.

Mais pour l'instant nous n'en sommes pas là. Pour l'instant, Philippe se contente de se réveiller, pas conscient de la douleur qui le mènerait vers une mort lente et douloureuse, le faisant presque souhaiter de se faire dévorer par un fangeux. Il suit Lendemain et Malachite dehors, et le soldat lui propose de voir un médecin au fort. Peut-être que lui verrait assez vite les symptômes du prêtre, et lui proposerait de lui percer un trou dans le crâne pour le sauver. Ou peut-être pas, d'ailleurs. Pour l'instant, Philippe marchait d'un pas titubant, des bourdonnements dans les oreilles, à répondre à Lendemain à demi-voix.

- Est-ce que ? Hein ?
La vie à Traquemont ?
Oui. Oui elle est agitée. Oui.


Il ne fit pas le moindre autre commentaire. Il n'avait ni la force, ni l'envie de parler. Sa gorge était sèche, et étrangement, il sentait comme s'il avait très très faim.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
MessageSujet: Re: Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]   Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil] Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Et le doute qui ravage même tes incertitudes te révèle les fastes de la solitude. [Phil]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Alentours de Marbrume ⚜ :: Marécages de l'Oubliance :: Petites places fortes :: Châtellenie de Traquemont-
Sauter vers: