Marbrume


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 [Quête] Le Château de Cartes

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La Poisse
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MessageSujet: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptySam 28 Mai 2016 - 1:52
« Il y a une constante dans l'Histoire, toujours elle se vérifie,
C'est qu'il y a des fanatiques du bien commun et de la règle écrite.
Logiques au point de l'inhumanité, sans pitié pour les autres autant que pour eux-mêmes,
ces serviteurs de Dieux abstraits et de lois absolues acceptent d'endosser le rôle de bourreaux ;
Parce que leur volonté est d'être l'ultime bourreau.
Ils mentent, y compris à eux-même, masquant leurs crimes sous le couvert de ''l'intérêt général''.
Puisque, une fois morts, le monde ne leur obéit plus jamais. »


Marbrume. Trois heures du soir. Nuit sans lune. Bourg-Levant. « Bourg-Levant ». Marrant d'appeler ça comme ça en pleine nuit. Il y eut un temps où il faisait bon vivre dans ce quartier, où les gens venaient échanger leurs deniers durement gagnés contre des vêtements, des bibelots, des objets en tout genre pour assurer leur confort ou la beauté de leurs maisons. Aujourd'hui il y a quelques petites entreprises qui ne connaissent pas la crise ; Les forgerons surtout, parce qu'en ces temps-là on a vraiment besoin d'une lame pour défendre son commerce et sa famille.
Il est tard. Il fait froid. Les gens honnêtes sont partis dormir et ne restent donc plus que quelques quidams aux intentions peu respectables. Quelques ribaudes tiennent le pavé, les mains sur les hanches, à sourire aux passants, à leur faire des sous-entendus graveleux. On voit des miliciens patrouiller à la recherche de vandales et de fauteurs de troubles, par deux, à travers les grandes rues et les plus petits coupes-gorges, où se terrent quelques brigands prêts à bondir sur vous en criant « La bourse ou la vie ! ». Au moins, ici, ça va encore, on est pas dans le bas quartier où en plus de tout ce monde là on se retrouve avec des tarés à poil qui hurlent que la fin est proche et que Anür veut que nous nous noyions dans la mer...

Mesmim Bureau mérite très bien ce nom de famille. Car c'est son fond de commerce ; Non, il ne fabrique pas des bureaux, c'est tombé en désuétude, plus personne n'achète ce genre de choses. Il fabrique du papier. Des chiffons de lins étaient jetés dans de l'eau et laissés quelques jours, ensuite, au sein de son petit atelier, il utilisait une grande presse pour écraser les chiffons en pâte, jetés dans une cuve chaude qu'on arrêtait pas de remuer. Il fallait deux artisans pour manipuler les moules et les outils qui permettaient de transformer cette pâte graisseuse en longues pages utilisables. Un procédé lent, coûteux, complexe, mais une mine d'or pour Mesmim ; Il était devenu l'un des rares fournisseurs de papier de la cité, et si les gens pouvaient se permettre d'arrêter d'acheter des vases en porcelaine, le duc et ses conseillers ne pouvaient pas arrêter d'écrire pour leurs ordres et leurs actes. Mesmim est pingre, et avare. Il se retrouve avec beaucoup d'argent, mais il n'aime pas qu'on le sache, et il n'a confiance en personne. Alors, il cache ses bénéfices dans son atelier, dans une petite trappe entre deux planches.
Voilà que Mesmim est à quatre pattes, à soulever les petites planches de bois qui forment son parquet. Il trouve un petit coffre, qu'il parvient à ressortir difficilement, avec son mal dans le bas du dos qu'il supporte depuis des mois. Il sort sa petite clé, qu'il garde au fond de son doublet, et, avec beaucoup de précautions, il ouvre la serrure. Sa bourse se vide de façon audible ; Son coffre est trop plein, débordant de pièces de cuivre et d'argent, et même quelques unes d'or, il va lui en falloir un autre pour cacher ses économies.
Sa fille le regarde, en passant. Elle soupire très fort en le voyant, pour qu'il puisse l'entendre ; Elle n'aime pas le voir faire ça, prendre des risques inconsidérés. Mais bon, en même temps, elle ne lui en veux pas. La vie coûte cher, cela la rassure de savoir qu'ils ont des économies quelque part. Il ne s'agit pas de dépenser n'importe comment, ce serait suspect. Juste au cas où, piocher quelques pièces, un jour où on a besoin...
Ce qui la gêne plus qu'autre chose, c'est qu'il cache l'argent dans l'atelier. Qui sait ce qu'il peut se passer ? Un jour, imaginez, qu'un des salariés de Mesmim trouve le trésor juste sous ses pieds. Ah, il l'aurait mal le vieux.
Après avoir dépassé l'atelier, sa fille va vers l'arrière-sale, où elle récupère quelques affaires qui traînent. C'est toujours le bazar ici, il faut balayer, retirer la crasse et la saleté pour que ça reste vivable. Elle aimerait rester chez elle, s'occuper de son mari et de ses enfants... Mais son père est un peu sénile, même si elle n'ose pas lui dire. Il faut qu'elle reste près de lui, qu'elle le surveille, qu'il ne fasse pas de bêtises.

- Chérie ! Chérie, viens donc m'aider.
- Qu'est-ce que tu fais avec ce coffre, papa ? Soupira-t-elle.
- Je vais le faire crédit.
- Tu es fou ?! A qui ? On en a besoin de cet argent papa !
- Mais non, chérie, ne t'inquiète pas... C'est une affaire en or. Je vais emprunter cet argent à quelqu'un de confiance ! Viens-là, je vais t'expliquer.

Mesmim posa le gros coffret en fer dans les bras de sa fille, avant de s'éloigner. Il se rapprochait de l'arrière-salle, où il cherchait un drap pour cacher le bien. Il craignait de sortir dehors avec, tous ses membres tremblaient de peur, se faire voler ça maintenant, ce serait vraiment la dèche.
Heureusement, vous qui lisez cela, vous vous doutez bien de ce qui va arriver. Pour quelle autre raison le narrateur vous parlerait-il d'un vieux schnok qui fabrique du papier alors qu'on vous a promis une intrigue politico-romanesque ?

On tambourina à la porte. De gros coups qui, un instant, tétanisèrent le père et sa fille. Surtout que ce n'était pas la porte de devant, pignon-sur-rue, qui frappait. C'était la porte de derrière, qui donnait sur la petite ruelle.

- Attend ici, papa.

Elle posa le coffre sur un meuble avant de s'approcher très rapidement de la porte. Elle n'eut même pas le temps de s'en approcher qu'elle était ouverte de force, par un vif coup de pied d'un brigand.
La jeune fille hurla, mais elle n'eut pas le temps de fuir ou de crier à l'aide. Voilà qu'un grand homme, le visage couvert par un foulard, posa ses grosses mains velues sur sa bouche, et la colla au mur de la pièce, avec, pour la sécher, un coup de genou dans le bassin.
Deux autres personnes étaient rentrées, eux aussi des hommes, grands, forts, qui s'empressaient d'atteindre la papeterie en quelques pas. Le vieux restait droit, les yeux écarquillés, alors qu'un imposant ribaud lui donna une claque suffisamment forte pour le faire tomber au sol. Le troisième homme avait vite aperçut le coffre ouvert, et en voyant cela, il avait poussé un petit rictus.

- Eh bah. Moi qui pensait qu'on allait devoir vous secouer un peu pour trouver ça... Bordel, vous l'avez déjà sorti, et ouvert ! Vous facilitez vraiment mon travail. Merci les gens.

La jeune fille se débattait, mais elle était incapable de parler, une main couverte d'un gant de cuir lui enfonçant ses doigts au fond de la bouche, quand bien même elle tentait de serrer les dents. Elle était amenée dehors, tout en se débattant, tandis qu'au dessus du vieux, deux pères d'yeux le scrutaient.

- On fait quoi avec lui, messires Robert ?


Ayant dit cela, son collègue, qui regardait à l'intérieur du coffre, leva les yeux en l'air, avant d'émettre un long, long soupir d'exaspération.

- Eh bien... Maintenant que t'as dis mon nom...

Robert tourna les talons sans dire un mot de plus. Son sbire, lui, avait déjà compris. Il sorti sa dague et s'approcha pour rapidement égorger Mesmim, qui put alors terminer sa vie, s'étranglant dans son propre sang au milieu de son atelier où il avait toujours vécu, en sachant que sa fille allait probablement être violée par un petit truand qui aimait joindre l'utile à l'agréable.
Ses dernières pensées, étrangement, étaient pour son chien. Qui allait le nourrir maintenant, merde ?




Marbrume. Cinq heures de l'après-midi. Soleil brillant. Esplanade. Les nobles s'occupent de leur vie habituelle. C'est-à-dire, ils tentent de faire un peu ce qu'ils veulent dans ce quartier qui leur appartient. Enfin... Non, il ne leur appartient pas. Il appartient au bon duc Sigfroi de Sylvrur, égide de l'Humanité, l'homme qui veille au grain dans ce patelin. Mais bien sûr, il ne travaille pas tout seul. Tout un tas de fonctionnaires et d'officiers entourent son trône, et tâchent de régler toutes les corvées qui traversent le duché, ou plutôt, la petite ville du Morguestanc.
Parmi ces fonctionnaires, on trouvera le Grand Argentier Boson d'Andaral. Sa trogne, tout le monde s'en rappelle, elle est mémorable. Il a un aspect très félin, avec des traits acérés, droits, un menton assez large et qui descend bien, de petits yeux noirs, des oreilles qui collent à son crâne, et un nez bien aquilin. Il porte toujours un grand bouc et une petite moustache, se rasant les joues pour paraître un peu propre, et il traîne autour de sa tête de longs cheveux noirs crépus qui lui descendent jusqu'aux épaules. Il marche toujours comme un chat, avec de grands pas très légers, si bien qu'on ne l'entend jamais trotter lorsqu'il arpente les couloirs du château ducal. Avec ses beaux habits, sa longue robe en lin et en soie qui lui descend le long du corps, rigide et moulante, il ressemble un peu à une ombre. Une ombre, oui, voilà le style qu'il cherche à aborder. Voilà plusieurs années maintenant qu'il vit à la cour de messires Sigfroi. On le voit souvent marcher, arborant un sourire carnassier, devant les statues, les tableaux et les armoiries de la maison du Morguestanc, un grand livre de comptes à la main, un trousseau de clés pendouillant à son habit, avec dans ses pas deux costauds sergents qui dissuadent n'importe quel truand de s'approcher de lui. Boson est un très grand travailleur, extrêmement professionnel. Il s’assoit à la table du conseil restreint du duc, fait son exposé, ses propositions, reçoit les ordres comme un bon chien, puis part les mettre en application. Les banquets, il y participe rarement. Les joutes, il n'a pas du tout le physique pour. C'est un homme seul, très peu de gens ont son oreille, et c'est tant mieux ; Sa discrétion est une des qualités qui le rend apprécié de son employeur.

Pourtant, comme avec beaucoup d'hommes d'ailleurs, il suffirait de gratter un peu la surface pour voir quels genre de secrets Boson cache.

Il est cinq heures, nous disions, et la réunion du conseil de Sigfroi s'est terminée. Boson, comme à son habitude, s'échappe d'un pas rapide par les jardins, son gros livre à la main, deux miliciens derrière-lui, avant d'atteindre son grand, riche, et élégant manoir situé tout près du château. Une imposante bâtisse, avec une fontaine devant l'entrée, un beau grillage fait de dorures, et des fleurs taillées au millimètre près. Une bien belle habitation, pour un homme qui n'a qu'un seul titre foncier : Châtelain. Et même pas châtelain d'une région riche ou fertile, non. On aurait du mal à situer le château d'Andaral, un fort militaire, lugubre, rustre, situé aux pieds d'un massif pour protéger la marche du Morguestanc.
Arrivé aux portes de sa résidence, il congédie les gardes, qui se retrouvent à servir de sentinelles juste au-devant. Avec leurs têtes de loups, les deux costauds regardent de manière suspecte tous ceux qui passent devant, même s'il s'agit de sangs-bleus. Personne ne peut s'approcher de Boson de manière nonchalante. Il y a bien quelques jeunes culottés qui essayent parfois, de jeunes intrigants débutants ou de jolies jeunes filles qui espèrent obtenir quelques faveurs en côtoyant celui qui connaît les finances de Sigfroi ; Même leur statut et leur particule, « de Machin », ne leur empêchent pas d'être éconduits, parfois même assez sèchement.

Boson aime rester seul. Sa petite résidence, qui est un peu en hauteur et perchée sur le récif, lui permet d'observer la mer, et les vagues qui s'écrasent contre les rochers de la cité. Heureusement, on est plus en hiver ; Le vent reste frais, parce que c'est la région, mais il peut passer de longs moments seul, assis, à contempler l'océan, et à méditer là-dessus pendant qu'il travaille, qu'il s'applique à rédiger des lettres, des actes, des statuts, et d'autres réjouissances administratives.
C'était marrant. L'apocalypse avait tout pris, tout abattu, tout anéanti. Elle avait transformé les gens, corrompu les saints en monstres, fait naître des hérésies et des déments, perverti la noblesse en aristocratie décadente, et condamné à une mort atroce et sans sépulture tous ceux qui osaient fermer l’œil un seul instant dans les marais du Morguestanc. Mais même là, même en enfer, il fallait que quelqu'un fasse de la paperasse.

Lorsqu'il fut un peu plus tard, et que Boson avait terminé son travail, il quitta sa table pour s'approcher de sa fenêtre, et se tenir sur sa rambarde. Il attendit quelques instants, pensifs, toujours silencieux, quand il entendit des bruits de pas dans le couloir, et des fragments de voix. Son Damien était en train de discuter avec sa servante, et comme il le devinait, le Damien en question entra une minute plus tard, ses bottes crasseuses jetant de la boue sur son parquet, alors qu'il jetait sa cape sur le fauteuil, froissée et remplie de saletés. Et alors, il attendit, les mains dans le dos, le buste droit, alors que Boson quittait enfin sa rambarde pour rentrer à l'intérieur, un large sourire sur les lèvres.

- Tu es enfin là mon petit chat.

Au sourire de Boson, Damien ne réagit pas. Il gardait un air grave, sans sourire, sans expression. Sa face glabre et sans ride, étrangement, avait un air très viril et masculin, sûrement à cause de ses traits grossiers, durs, longs. Sûrement aussi à cause de sa taille imposante, de ses larges épaules, et aussi du fait qu'il ne pouvait pas s'empêcher d'arquer ses sourcils broussailleux lorsqu'il parlait à quelqu'un.

- Eh bien ? Que se passe-t-il ?
- Le père Bureau. L'est mort.

Boson déglutit. Mais à dire vrai la nouvelle ne le choquait pas tellement. Il passa ses lèvres sur ses dents, soupira un moment avant de s'approcher d'une tableau en bois d'ébène pour récupérer une choppe remplie à ras-bord d'un bon vin.

- Je le savais ! Je te l'avais dis Damien ! Ne te l'avais-je pas dis ?
- Oui... Oui, j'sais bien.
- C'est une honte !
Et laisse-moi deviner : Vous n'avez rien trouvé sur les lieux du crime ? Pas de coffre ? Pas d'économies ?

- J'ai cherché sous les planches, comme t'avais dis. Que dalle.

Boson servit deux verres. Il en prit un et s'éloigna à nouveau de la fenêtre. Pendant ce temps, le sergent Damien Troussel, tout jeune homme d'armes de la milice de Marbrume, s'approcha de la table pour attraper l'autre verre.

- Ça c'est passé c'te nuit. Les voisins ont entendu des cris, des hurlements. La fille Bureau a été malmenée et agressée. Une patrouille a réagit et ont poursuivi un maraud qui traînait près de la papeterie mais il les a semés.
La petiote m'a dit qu'il y avait trois hommes. Elle a entendu leurs voix, vu leurs yeux... Elle m'dit qu'elle pourrait les reconnaître si elle les voyait.
Le vieux a eut la gorge tranchée par une dague. Ils ont attaqué de nuit, porte de derrière. Pour moi, c'est peut-être un ouvrier de la papeterie qui a découvert le coffre dans l'atelier, qui a décidé de revenir avec des copains, pis ça a peut-être dû mal tourner.
Les six salariés de l'atelier Bureau ont été arrêtés ce matin, et sont à présent dans les geôles de la caserne. On va les interroger un par un. J'pense que s'ils savent quelque chose, on le saura bien assez vite.

- Damien... Tiqua Boson. Je te l'ai déjà dis : Cela ne sert à rien. Je t'avais prévenu de cette affaire. Je connais les coupables. Celui qui m'a volé le coffre, je sais qui c'est.

L'argentier but une bonne traite de son vin, alors que Damien s'approchait de la fenêtre en buvant le sien. Le sergent avec une expression assez... Inhabituelle. Boson vit tout de suite qu'il n'était pas à son aise, il avait le regard assez vide, fuyant, les dents bien serrées.

- Que se passe-t-il petit chat ?
- Je sais pas... La corruption, j'peux comprendre. Le vol, le meurtre ? C'est au-dessus.
Surtout que cet argent devait revenir au duc. Enfin, j'veux dire. C'était pas ça le plan ? Que Mesmim Bureau te file ses économies ?

- C'est exact. Le duché commence à manquer cruellement de ressources. Et on peut pas se contenter de tout réquisitionner.
Sigfroi veut que je crée de l'argent. J'ai déjà tout essayé. On fait de lourdes taxes, on a réduit le poids des monnaies, mais on a besoin de liquidités. Les seuls gens qui ont de l'argent, ce sont les bourgeois et les artisans. Emprunter, en échange d'un remboursement futur, de faveurs, c'est une bonne idée, mais la plupart de ces sales roturiers sont frileux, ils ne veulent pas nous confier leur blé comme ça ; Je pensais que Mesmim, qui est quelqu'un de très influent et respecté dans les guildes de la Hanse, pourrait parler de ce système, leur dire à quel point il est avantageux, ce genre de conneries...
Mais maintenant qu'il est mort, et que son précieux coffre a disparu... Je n'ai personne à qui emprunter.


Doucement, Damien passa sa main dans les cheveux de Boson, en lui chuchotant tendrement.

- J'vais le retrouver ton coffre, t'inquiète pas mon ange.

- Il ne s'agit pas de ça, imbécile ! Répondit Boson en lui tapant la main. Tu es débile ou quoi ?! Je m'en fous de son coffre, je m'en tamponne ! C'est une question de réputation. J'ai promis à Sigfroi, je lui ai juré, que je trouverais de quoi équilibrer le budget.
Maintenant, si je ne parviens pas rapidement à me retrouver de nouveaux financiers, je suis perdu. On va me virer.
Et tu sais très bien qui cela arrangerait.

Boson s'était écarté, terminant son verre de vin, pour aller poser le bout de ses fesses sur son petit canapé, ce banc en bois recouvert d'un gros matelas. Damien le suivait, le collant aux talons, restant droit debout devant l'officier ducal.

- Écoute, Boson, on en a d'jà parlé. C'est que des soupçons qu'tas. Cela vaut pas grand chose. Je les ai déjà interrogés, ils connaissent ma trogne, ils sont sur la défensive...
- Avoue que c'est suspect, très suspect. On meurt tous de faim, même sur l'Esplanade on commence à manquer de nourriture, et pendant ce temps lui il n'arrête pas de faire banquet sur banquet.
- Il est p'têt juste très riche.
- Chaton, tu as vu mon nez ? Tu as vu mon gros nez ? L'or je le renifle. S'il avait un trésor, je le saurais. S'il avait des mandataires sur Marbrume, je le saurais encore plus.
- Désolé. Mais j'peux rien faire. Je suis rien tout seul, Boson. Me faudrait un ordre du bailli.

L'argentier attrapa la main du milicien, l'attirant un peu vers lui. Ses doigts fins contrastaient totalement avec la poigne ferme et froide de l'homme d'armes.

- Tu pourrais... Eh bien, trouver un autre moyen d'entrer chez eux.
- Par effraction ?!
Steuplé, t'sais qu'jferais n'importe quoi pour toi, mais là... 'Fin, ça peut aller loin. J'ai pas envie d'être passé au fouet.
Écoute, tu soupçonnes ces mecs, bah, parle-en au bailli, en privé. Ou au capitaine de l'Intérieure. Si tu veux, j'peux le faire, en ton nom...

- Non, non.
Non, Damien, j'ai... J'ai une autre idée. Je m'en occuperais.
Écoute, pour l'instant... Je veux que t'oublies. Oublie tout ce qu'on vient de discuter, arrête d'y penser.

- C'est déjà fait.

Tout sourire, Boson approcha ses lèvres du colosse pour l'embrasser tendrement. L'homosexualité de l'argentier était un secret de polichinelle. En même temps, peu étonnant d'un homme de presque 40 ans qui n'était toujours pas marié. Même Sigfroi était au courant, mais tout le monde à la cour était passé outre cette information, probablement à cause de l'influence du fonctionnaire. Le vieux lubrique adorait sa relation avec le jeune et élégant milicien, mais en même temps, il avait toujours aimé les hommes un peu forts. Le problème, c'est que Damien était un peu trop honnête à son goût, se contentant de remplir scrupuleusement ses devoirs d'homme de loi, sans jamais oser être trop mêlé aux intrigues de son maître.
Damien, lui, c'était autre chose, plus compliqué... Il avait toujours été attiré par les hommes, mais si en ce moment même il commençait à déshabiller l'argentier et à lui embrasser le cou, ce n'était pas par amour. C'est que, grâce à son « amitié » avec lui, il avait pu être affecté à la milice intérieure, une affectation bien plus reposante que son sort initial ; Devoir escorter des convois hors de Marbrume.




Toujours Marbrume. Tard le soir, quatre jours plus tard. Esplanade. Nous sommes toujours devant le manoir de sire Andaral, légèrement éclairé par quelques flammes de bougies ou de torches qui mènent tout près. Devant, les grilles sont toujours fermées et gardées par deux grands costauds, et comme d'habitude, on ne s'approche pas trop.
Pourtant, aujourd'hui, quelques personnes vont avoir le « grand honneur » de voir celui qui est peut-être le pédéraste le plus puissant de Marbrume. Un par un, ils viennent, chacun à l'heure où ils veulent, et à chaque fois c'est le même balais.

- Halte ! Qui va-là ?

Disent de façon sèche et martiale les sentinelles. Puis l'invité a juste à dire son nom, et d'un coup le ton change. Alors que l'un des miliciens ouvre la porte, l'autre lui fait un grand sourire.

- Bonsoir, messires. Entrez donc.

Et alors, après avoir suivi le petit chemin de cailloux et de pierres jusqu'à la porte d'entrée, deux domestiques, un vieillard au crâne chauve et une jeune femme un peu grassouillette, les font entrer et leur servent à boire et à manger, le temps d'attendre le maître de la maison qui est « très occupé ».
Boson observe, perché en haut, ses petits yeux observant son allée où les petits gens se ramènent. Des profils étonnamment différents. On trouve de tout dans ce petit monde qui a été invité pour participer à un jeu mortel, bien plus mortel encore que les tournois de chevaliers ou la chasse des seigneurs : L'intrigue.

- Voilà de bien étranges personnes que tu m'amènes, Damien... J'en reconnais quelques-uns.


Le comte Morion de Ventfroid était, bien sûr, le plus reconnaissable d'entre eux. Non seulement il avait une certaine personnalité, mais en plus on avait célébré son mariage en grandes pompes, il avait participé au Labret, et il avait un rang important. Il arrivait avec une femme à ses côtés, et pourtant, cette femme n'avait pas la chevelure rousse de son épouse... Cela fit doucement sourire Boson, et on pouvait le voir se frotter doucement les mains.
Après lui, il y eut deux autres hommes, eux avec un air et un pas beaucoup plus lourds. Des chevaliers. Messires Eadwin et Geoffroy, serviteurs de Traquemont. Très étrange de voir des chevaliers du château situé dans l’œil de la Fange se promener sur l'Esplanade. Pourtant, ce n'était pas si incroyable, après tout, Boson cherchait des hommes de confiance, qui ne soient pas mêlés aux intrigues de ses ennemis.
Et puis il y eut, chose encore plus inhabituelle, des roturiers. Un serviteur d'une noble, qui pourtant ne semblait pas représenter les intérêts de sa maîtresse. Et un petit chasseur aux cheveux lissés comme s'ils étaient couverts de gras, sûrement un autre gosse déniché par Damien.

- Ils seront parfaits...
- Toute cette histoire va mal finir, Boson.
- Tais-toi donc, chaton. C'est pour Marbrume qu'on le fait, n'oublie pas.
- Bien sûr. Pour Marbrume.

Impossible de savoir si cette dernière phrase était ironique ou très sérieuse. C'était ça l'ambiguïté de l'affaire. Boson cherchait à protéger ses intérêts, et à garder sa place de Grand Argentier. Et en même temps, il voulait arrêter des gens qui étaient un danger, un poids pour la cité.

Nos invités étaient tous réunis dans un petit salon, en train de boire du bon vin, de se présenter, de discuter un peu de tout et de rien. Ils n'entendirent même pas Boson descendre les escaliers et entrer dans la pièce. Celui-ci dû se dégager la gorge pour se faire entendre, et que tous les regards se tournent vers lui.

- Messieurs. Eh bien. Fort ravi de vous voir tous ici ce soir.

Damien était juste derrière. Il se contentait de croiser les bras et de s'adosser à un mur, et d'observer silencieusement la pièce de théâtre devant lui.

- Asseyez-vous donc. Prenez place. Ce ne sera pas long.
Je pense que vous vous êtes probablement tous plus ou moins présentés. C'est bien. Et je suppose que vous devez tous me connaître, au moins de nom. Les choses vont ainsi être beaucoup plus simples.


Il marcha jusqu'au centre de la pièce, en faisant de grandes gestuelles des mains pour accompagner ses propos.

- Imaginez. Imaginez un seul instant, mes chers amis. Imaginez, qu'un jour vienne... Où le duc n'ait plus assez d'argent pour reverser des soldes aux miliciens. Imaginez le désordre, le chaos. Non, en fait, ce n'est même pas difficile d'imaginer, nous avons déjà vécu ce genre de situations dans le passé, où des compagnies de mercenaires n'étaient plus soldées. Alors survient le brigandage, la violence, la mort. Sauf qu'aujourd'hui, ces hommes sont au sein même de nos murs.
Ma tâche d'argentier, tâche que j'exerce avec diligence depuis maintenant de nombreuses années, consiste à éviter que ce jour n'arrive, en m'assurant que le Trésor Ducal soit toujours bien rempli. Avant la Fange, c'était facile. On pouvait tenir nos revenus de nombreux péages, de taxes sur les champs, d'emprunts avec des villes étrangères. A présent, nous sommes dans une situation, hm, comment dire... Complexe.
Maintenant, dites-vous que la place de Grand Argentier est une place très influente. Que je suis l'un des plus proches conseiller de notre duc, que j'ai énormément d'amitiés au sein de Marbrume, que j'ai accès à un très large carnet d'adresses. Des gens envient ma position, des gens avec beaucoup moins de scrupules que moi. Je pense que vous comprendrais très vite où je veux en venir.
Il y a des cloportes, des rats, au sein même de l'Esplanade. Des rats parfumés et bien habillés, mais des rats quand même, qui conspirent, qui fantasment, qui sont prêts à tout pour abuser de leurs privilèges et maintenir leur niveau de vie décadent et corrompu.
Et parmi eux, il y a un homme en particulier. « Charles le Canin », qu'il s'appelle. Ancien baron, bâtard légitimé, s'il se bat c'est uniquement dans les joutes ou les tournois. Il ne devrait pas avoir d'argent ou de ressources. Et pourtant, dès demain, il va commencer un autre grand banquet. Le troisième ce mois-ci. J'ignore qu'est-ce qu'il cherche à faire en étalant ainsi son or. Peut-être qu'il veut juste se démarquer, se faire remarquer, faire croire qu'il est un homme très influent qui sait comment lever des finances...
Ou peut-être qu'il y a là le moyen de recruter des alliés, au détour d'un verre de vin et d'une bonne assiette. Des alliés pour de sinistres projets.
Je n'ai aucune preuve de ce que j'avance. Tout n'est que suspicions, mais j'ai de très bonnes raisons de penser que Charles le Canin utilise ses banquets pour un but parfaitement politique. Sa richesse, il ne la tire pas honnêtement, ce sont des amis à lui qui volent ou qui abusent du chantage pour obtenir des fonds. De même, ces banquets-ci, ce ne sont pas simplement de petites fêtes où le gratin de l'Esplanade peut se réunir pour piailler en écoutant de la musique. Charles est un homme très... Particulier. Avec de très bons camarades bourgeois. Je sais qu'il amène sur l'Esplanade des pierreuses et d'extravagants « cadeaux » pour ses nouvelles amitiés nobles.


Il se permit une petite pause, le temps de prendre une rasade de vin. On put voir clairement sa gorge gonfler par deux fois, et il reprit alors rapidement.

- Et maintenant, je pense que Charles utilise également le meurtre et la violence envers certains autres bourgeois. Vous voyez, les commerçants se tirent un peu dans les pattes, et je ne vais pas vous faire un dessin, je pense que vous avez assez bien compris où je veux en venir...
Charles le Canin, je le soupçonne de beaucoup de choses. Mais je n'ai pas de preuves. Et en réalité, je n'ai pas envie qu'on cherche de preuves. Quel serait le but ? Seul le bailli et sa milice obtiendraient les faveurs du duc s'il parvenait à découvrir une conjuration de nobles. Moi quand je vois un problème, je vois souvent une opportunité. On appelle cela « lier l'utile à l'agréable ».
L'utile, c'est parvenir à mettre Charles le félon et tous ses amis, tout son réseau, aux fers.
L'agréable, c'est qu'en même temps, je pourrais mettre la main sur les amitiés bourgeoises de Charles, les faire chanter, et les forcer à déposer leur or dans les coffres de Sigfroi.
Maintenant, j'ai bien parlé. Mais la question c'est, quel est votre rôle dans toute cette sordide histoire ?
C'est très simple, mes braves amis. Vous allez faire découvrir cette conjuration, vous mêler à eux, tenter de récupérer leurs plans, leurs secrets, les faire chanter, et tout faire pour que nous ayons suffisamment de poids pour les traîner dans la boue et devant la justice ducale.
Mais, ne nous excitons pas, ne brûlons pas les étapes. Pour l'instant, pour commencer, il va nous falloir faire les présentations avec ce cher Charles et ses amis. C'est pour cela que vous êtes tous invités à son grand banquet demain midi.
Il est très aisé pour quelqu'un comme messires Morion d'obtenir une chaleureuse invitation, ainsi que pour vous, mes chevaliers de Traquemont. Pour nos... Heu... Amis roturiers, cela m'a été un peu plus compliqué, je dois l'avouer.
Azhim Khalil, Wilhem Terrefière, j'ai l'honneur de vous dire que, demain, vous vous ferez passer pour... Mes domestiques. Ne vous inquiétez pas, c'est une tâche très honorable. Et je m'assurerais que vous ayez de beaux habits...
Enfin bref. Mes amis. Je viens de monopoliser la parole un peu longuement. Vous devez avoir un tas de question, des informations à me demander, et moi, ainsi que mon ami le sergent Troussel ici présent, serions ravis d'y répondre.
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Wilhem TerrefièreChasseur
Wilhem Terrefière



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptySam 28 Mai 2016 - 13:28
Je me faufilais dans les ruelles sombres, longeant les murs, le visage enfoncé dans mon capuchon, le pas vif. Ici et là quelques habitants tardifs, et peu recommandable pour la plupart. Marbrume de nuit était semblable au marais, lors de mes parties de chasse. Il fallait être prudent, être en alerte, savoir où mettre les pieds, quels endroits éviter, avoir l'oreille aux aguets.. J'étais dans mon élément en quelque sorte, mais ça ne rendait pas la chose plus agréable..

L'esplanade était en vue, et l'entretien avec Grâce me revint en mémoire. Elle m'avait confiée une mission, bien plus délicate que ce que j'avais pu faire pour elle jusqu'ici. Était-ce une preuve de confiance ou bien était-elle juste trop préoccupée par son futur mariage ? Aucune idée. Et après tout, je n'en avais cure. Le fait est que cette mission était une véritable aubaine pour moi. Elle n'était pas particulièrement entrée dans les détails, je savais juste que j'étais conviée chez un haut dignitaire de Marbrume, proche du duc et que ce dernier avait besoin d'hommes.. Discrets. Et comment faire plus anonyme que moi ? Même si habituellement, c'était une position qui me dérangeait, aujourd'hui, la donne avait changé.. Et si un homme, qui faisait certainement partie du conseil, faisait appel à des gens comme moi, c'est qu'une affaire clandestine se profilait.
Une occasion en or pour s'infiltrer dans les rouages de la noblesse. Mais le plus important était de ne pas se faire écraser par ces derniers..

Il fut aisée de passer les remparts protégeant l'Esplanade de la plèbe, et je devais ceci aux bons soins de mon alliée qui m'avait prêtée des vêtements autrement plus présentable que mon accoutrement de chasseur. Les soldats me dévisagèrent un instant, plus par soucis d'accomplir leur travail que réelle suspicion au vu de leurs regards endormis. Il ne restait plus qu'à suivre les indications données par Grâce pour atteindre le point de rendez-vous. Ma curiosité allait croissante sur l'identité de mon hôte, et elle était amplifiée par le chemin que j'empruntais. Peu à peu, plus j'approchais de ma destination, plus les somptueux manoirs s'écartaient, ouvrant l'horizon sur le littoral et le domaine d'Anür.. La Trinité allait certainement devoir fermer les yeux sur nos agissements, un rendez vous de nuit n'était pas synonyme d’honnêteté en ce bas monde..

J'étais enfin arrivée. La demeure était de belle taille, perchée au dessus du récif. Un homme appréciant la solitude visiblement. Deux miliciens étaient en factions, et ils m'avaient l'air bien plus efficace que leurs collègues à l'entrée de l'Esplanade. Heureusement que mon nom suffit à les calmer, je n'aurai rien pu faire. Solitaire et méfiant, faisant partie du conseil, proche du duc.. Un hôte de marque, et visiblement très puissant..

Après les gardes, l'accueil se fit par les domestiques car le maître était « très occupé ». Allons bon. Au moins, je n'avais pas à tourner en rond, j'étais nourris et désaltéré. J'étais seul, pour le moment. Ce qui me permettait de savourer à mon aise ces mets que je n'avais pas l'habitude de goûter. Si l'hôte était absent, il savait tout de même recevoir.. Mais ma tranquillité ne dura pas, peu à peu, des hommes à différentes carrures, plus ou moins grands, plus ou moins riches prenaient place dans le salon.
Et je le vis arriver à son tour. Azhim, le domestique de Grâce, pour mon plus grand bonheur. Pourquoi ne m'avait-elle rien dit ?! Enfin, après tout c'était compréhensible, elle était au fait de notre.. Rivalité. Le regard qu'il me lança en disait long sur ses pensées, certainement proche des miennes. Allait-il tout faire pour me mettre des bâtons dans les roues au risque de compromettre ce pour quoi nous étions conviés ? Pas impossible, voir probable. Il en était capable. J'allais devoir l'éviter le plus possible. Maudit soit-il !

Je n'eus pas le temps de me morfondre, car visiblement nous étions au complet. Notre hôte fit son apparition. Et il n'était rien de moins que Boson d'Andaral, le Grand Argentier du duc. Cette affaire prenait un tour des plus intéressants. J'écoutai son discours avec attention, et je ne m'étais pas trompé. Tout ceci sentait très mauvais. Qu'un seul homme fasse trembler une des plus grandes puissances de Marbrume n'annonçait rien de bon.. Mais notre rôle me plaisait. Tout un tas d'opportunités et de rencontres intéressantes s'offraient à moi.. M'occuper des affaires du duc ne m'empêchait pas d'arranger mes affaires, même si la présence d'Azhim était quelque peu gênante. Mais j'allai m'adapter.

Je grinçai un peu des dents à l'évocation de notre rôle au banquet. Domestique, vraiment ? C'était compréhensible, mais je ne sautai pas de joie à cette idée. Et travailler de pair avec Azhim y était pour beaucoup. Mais en présence de tous ces puissants, noble ou chevalier, mon avis ne pesait pas grand chose dans la balance.. Morion de Ventfroid, rien que ça. Son mariage avait eu un retentissement énorme dans Marbrume, impossible de passer à côté de cet illustre nom. Son physique seul imposait le respect, et il était compréhensible que sa maison s'intéresse de près à ce genre d'affaire. Les chevaliers de Traquemont, c'était une autre histoire.. Que faisait-ils si loin de leur fief et en quoi les affaires de la noblesse Marbrumienne les intéressait ?

Je finis par me racler la gorge pour prendre la parole le premier.

« Effectivement, j'ai des questions. En tant que domestique, nos interactions avec la noblesse en seront limités. Qu'attendez vous donc de nous demain ? »

Je marquai un temps de silence, pesant le pour et le contre de ma question. Finalement, le pour l'emporta.

« C'est une mission risquée que vous nous confiez là. J'ose espérer que nous ne travaillons pas gratuitement, au vu des enjeux possibles, une récompense est de mise non ? »
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyLun 6 Juin 2016 - 16:51
--- Au Manoir de Ventfroid ---
Morion tenait en main la missive qu’il avait reçu plus tôt. Il était dans le petit salon au rez-de-chaussée de sa demeure. Rideaux tirés. Il était de toute façon assez tard. Un feu brûlait, agonisant, dans la cheminée qui faisait face aux deux fauteuils, occupés. Entre les deux, une petite table ronde en bois d’acajou supportait la présence d’une cruche de vin doux. Le comte la relut, puis leva les yeux vers son invitée. Cassandre de Rocheclaire.

Depuis son mariage, ils s’étaient moins vus. Tout ceci avait engendré beaucoup d’agitation, et puis était venue ensuite l’opération Labret, qui l’avait tenu éloigné de Marbrume pendant un certain temps. Sa blessure à la jambe s’était depuis bien remise, même s’il avait encore régulièrement de violentes pointes de douleur. On ne guérissait pas facilement des blessures infligées par les fangeux. Il était cependant que la bête ne l’eut que frôlé. Autrement la force de l’engeance lui eût sans peine brisé la jambe. Il s’en était trouvé pendant un moment diminué, mais les choses allaient mieux. Il redoublait juste de prudence quand il rentrait chez lui, après le fameux plateau conquis. Si semer des fangeux était parfois facile, il ne faisait pas assez confiance à sa jambe pour supporter une galopade infernale durant plusieurs dizaines de minutes. Et s’arrêter, c’était mourir.

Bref. Les choses imposées par leur statut et leur allégeance forcée au Duc étaient une chose, mais ils s’en imposaient d’autres, bien moins avouables, qu’il fallait faire avancer. Cassandre n’avait pas été inactive durant ces derniers mois. A vrai dire, le mariage de Morion avait même provoqué un excès de zèle. En effet, elle se montrait d’autant plus active qu’elle voulait se rendre parfaitement indispensable. Sans forcément prendre en compte le fait que peu importe les relations plus ou moins tendue que sa femme et Cassandre entretenaient, Morion ne se séparerait jamais de la Vicomtesse de Rocheclaire. A moins qu’il n’y soit forcé, bien évidemment. Mais la jeune blonde voulait s’assurer de s’immiscer le plus souvent dans la vie de son suzerain. Il y avait derrière cela une certaine volonté d’ennuyer un maximum la femme de Morion, qu’elle ne pouvait décidément pas voir en peinture. Et elle ne ratait jamais une occasion de répondre à une invitation du comte, et de rappeler, lorsqu’ils étaient tous trois réunis, à quel point cela faisait longtemps qu’elle connaissait le seigneur de la maison de Ventfroid, et à quel point ils avaient été proches durant tout ce temps. Ce à quoi le comte préférait rester sourd; ça n’était pour lui que des enfantillages de bonnes femmes. Lors de ces soirées, généralement, il avait, bizarrement, une surcharge de travail sortie d’on ne sait où. Et se dépêchait d’aller se mettre à jour.

C’était un peu différent, cette fois.

«Cela fait longtemps que nous n’avons pas travaillé de concert, Cassandre, dit Morion en observant l’intéressée.

- Je suis d’accord. Il semble que la dernière fois, ce n’était même pas à Marbrume, je crois ?

- En effet. J’entends encore les borborygmes insensés de ces idiots quand vous avez empoisonné leur dîner, et qu’ils ont tout dévoré comme les porcs qu’ils étaient.»

Cassandre eut un rire clair, contrastant étonnamment avec les souvenirs évoqués. Le genre de souvenirs qu’ils évitaient de se remémorer à voix haute, de façon générale, leurs rencontres s’effectuant assez souvent dans des lieux où les oreilles indiscrètes étaient légion. Ce qui heureusement n’était pas le cas ici.

«Il me semble de bon ton de s’y remettre. Vous viendrez avec moi chez le Grand Argentier, en ce cas. Je ne sais pas encore ce qu’il nous veut, mais deux paires d’yeux et d’oreilles ne seront pas de trop, il s’agit là d’une des personnes les plus influentes de Marbrume, et, en dehors de ça, un des plus proches conseillers du Duc. Nous nous retrouverons devant les portes.»

--- Le Jour J ---

Ainsi, Cassandre et Morion, en bons amis, franchirent les portes de la demeure du Grand Argentier avec une ponctualité digne d’une horloge. Les invités formaient, à la surprise des deux protagonistes, un ensemble très… hétéroclite. La présence de chevaliers ayant juré allégeance à Traquemont et sa châtelaine était en soi assez étonnante, ils ne devaient pas spécialement faire partie de ceux qui jouaient avec autant d’habileté qu’aux armes aux jeux politiques d’influence et de duperie. Morion soupçonna là la volonté d’Yseult de garder des yeux à Marbrume et à ce qu’il s’y passait. Elle aurait pu faire de meilleurs choix, cela étant. Quant à ce Wilhem, dont la voix résonna quelques minutes plus tard pour évoquer, avec un certain pragmatisme, l’éventualité d’une récompense, et l’autre roturier, dont le nom venait de lui échapper aussitôt prononcé, c’était là une réelle surprise. Tout le monde connaissait l’étendue du gouffre qui séparait la noblesse du bas peuple, qu’ils se retrouvent ici… La présence d’Azhim Khalil était probablement moins surprenante. Il était l’ombre de sa maîtresse, et elle s’était toujours arrangée pour avoir partie prenante dans les affaires de la haute société. Mais… Non, Morion n’arrivait pas à se faire à l’idée qu’un roturier comme Wilhem soit là. Peut-être lui aussi faisait-il partie de ces hommes qui liaient alliance avec un noble dans le secret pour leur rendre des comptes en espionnant. C’était la seule raison vraiment logique. Cassandre semblait du même avis.

Morion ne pipa mot. Il n’était pas là pour ça. Il ne se contentait que d’enregistrer des visages, des noms, des sons, et les raisons de leur présence ici, qui ressemblait de plus en plus à une réunion de conseil secret, plus qu’à une invitation à dîner. Et le fait qu’ils soient justement là, nobles de haut rang, chevaliers, roturiers, “engagés” par le grand argentier, montrait déjà à quel point la situation était affligeante. Ce que Morion ne risquait pas d’oublier. Mais ce fut la vicomtesse de Rocheclaire, qui prit la parole.

Cassandre de Rocheclaire:


«Pardonnez mon intervention, Messire, mais ce jeune homme a raison, et qui plus est, qu’il s’agisse du Comte de Ventfroid ou de moi-même, nous avons bien plus à perdre, à jouer à ce genre de petit jeu, aussi amusant soit-il. Aurions nous quelque garantie, une assurance de votre part quant aux risques que nous prenons ? Vos gains éventuels sont parfaitement évidents. Vos pertes éventuelles elles, devraient cependant vous stimuler et vous pousser à nous assurer une certaine sécurité, et rémunération. Après tout, n’importe qui ici pourrait laisser échapper que vous vous livrez aux mêmes bassesses, veuillez m’excusez d’employer ce terme, que l’homme que vous souhaitez faire enfermer. Me trompé-je en émettant l’hypothèse que si nous sommes là, c’est parce que vous ne souhaitez pas être mêlé à cette histoire ?»

Cassandre s’inclina poliment après ces questions, non sans gratifier l’argentier et son sbire d’un regard amusé.
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ArtoriusChevalier
Artorius



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyLun 6 Juin 2016 - 22:39
Le séjour d'Eadwin de Rivenoire à Marbrume après l'opération du Labret commençait à se prolonger. Cela faisait peut-être deux semaines désormais qu'il apprenait à découvrir la ville étrangère pour lui, le dernier bastion de l'humanité encore connu qui résistait tant bien que mal à la Fange. Ses rencontres avec Grâce de Brasey et Luna Montoya étaient jusqu'à présent ce qui le marquait le plus. Bientôt, il prendrait le temps de se rendre au Temple de la Sainte Trinité afin d'honorer une quête secondaire, celle de convaincre un Prêtre de le suivre jusqu'à Traquemont afin d'officier dans la chapelle du fort. Depuis le temps, le Haut-Prêtre de Rikni, Philippe de Tourres, devait avoir terminé de rénover la vieille bâtisse. Cependant, une toute autre affaire l'attendait aujourd'hui. Deux jours avant la rencontre fatidique, il reçut une missive d'Yseult de Traquemont pour le sommer d'aller à la rencontre du Grand Argentier de Marbrume. En guise d'aide, elle envoya auprès de lui Geoffroy du Nouet. Depuis leur aventure dans la Souricière, il n'y avait aucun doute quant au fait que ce dernier avait gagné le respect de la considération de l'aîné parmi les quelques chevaliers de Traquemont. Ainsi, travailler de concert avec lui ne dérangeait pas Eadwin et sur cette terre relativement inconnue, il aurait un allié de taille pour lui prêter main forte en cas de problème. Par éthique, Eadwin de Rivenoire ne ferait rien qui puisse compromettre la réputation de Traquemont. Alors capable de nouer une relation amicale avec Geoffroy, le revoir dans ces circonstances était une belle aubaine.

Ensemble, ils se rendirent donc jusqu'à la résidence de Boson d'Andaral. Eadwin de Rivenoire se demandait quelles péripéties pouvaient bien l'attendre. Le sommet de la ville en était-il réduit à faire appel aux forces de Traquemont pour résoudre ses problèmes ? C'était-là une perspective à la fois flatteuse et intéressante. Cela dit, ils étaient plus reconnus pour leur aptitude à combattre la Fange dans son milieu naturel, les marais, plutôt que pour participer au dénouement d'intrigues politiques. Il y avait peut-être un début à tout et comme Morion de Ventfroid le soupçonnait, il y avait peut-être une volonté de la part d'Yseult de Traquemont de garder un œil sur les affaires de Marbrume. D'ailleurs, lorsqu'il arriva à la réunion, au repas et à la collation proposés par le Grand Argentier de Marbrume, le chevalier ne s'attendit pas pour un sous à faire face à un clivage si… différent. Le visage de Morion de Ventfroid était devenu familier. Il avait assisté à son mariage avec l'aînée des de Mirail, Ambre et il y avait fort à parier que leurs regards s'étaient croisés à un moment ou un autre lors de la conquête du Labret. Yseult l'avait présenté comme étant un homme à la froideur et l'adresse remarquable, une rumeur faisant de sa famille les auteurs d'un vieil assassinat d'un souverain du Royaume de Langres. Bref, c'était le genre d'homme à aller minutieusement jusqu'au bout des choses et à respecter ses valeurs sans jamais les trahir. Quant à la jeune femme qui l'accompagnait, Cassandre de Rocheclaire, il ne connaissait désormais d'elle que le nom. Il était plutôt curieux que ce soit elle qui prit la parole avant Morion, peut-être voulait-il se réserver le luxe de faire une intervention millimétrée ? Il se demandait bien quel lien pouvait unir les deux-là.

Quant à Azhim et Wilhem, il se demandait bien ce qu'ils faisaient tout les deux-là. C'était pour lui encore plus curieux que sa propre présence en tant qu'homme de main privilégié de la Châtelaine de Traquemont. Il était à des années lumières de se douter qu'ils étaient tout les deux au service de la fraîche et pétillante Grâce de Brasey. Au fur et à mesure que la conversation se prolongea, Eadwin prit le parti selon lequel ils seraient peut-être nécessaires à la réalisation de la mission présentée. Si les dires du Grand Argentier se révélaient être exacts, laisser un homme comme « Charles le Canin » dans la nature était une véritable honte. Il avait présenté la chose de manière à intéresser suffisamment Eadwin. Il ne savait pas où cette affaire le conduirait mais il était persuadé qu'il fallait faire quelque chose. Cependant, rien ne l'assurait qu'il n'était pas en train de devenir un vulgaire pantin du Duc de Marbrume afin de le débarrasser d'une affaire contraignante. Il fallait être naïf ou nouveau-né pour ne pas croire le Duc d'une telle manipulation. Cela dit, si les caisses de Marbrume étaient vraiment en train de s'effondrer, ce n'était pas vraiment dans l'intérêt de Traquemont de voir le climat se dégrader dans la cité franche. Les deux chevaliers devaient sûrement faire face à un dilemme si bien que leurs regards se croisèrent plus fois, comme pour essayer de se concerter face à ce qu'ils étaient en train d'apprendre. L'attitude de Wilhem et de Cassandra désorienta un peu Eadwin. Alors que le travail n'avait pas encore commencé, il était déjà question d'assurer une quelconque indemnité à la hauteur des tâches à réaliser. Eadwin fit un signe de tête à Geoffroy pour lui faire comprendre qu'il prendrait la parole en premier, se faisant clairement l'émissaire d'Yseult. Si son collègue partageait sûrement maintenant son cœur et sa couche, l'aîné garderait au moins le privilège d'être tel son ambassadeur attitré.

« Je comprends tout à fait les réticences de ce jeune homme et la demoiselle de Rocheclaire. » débuta-t-il. « Si le Duc de Marbrume, en l'occurrence à travers vous, Grand Argentier, a besoin d'aide... Je gage que notre Châtelaine lui viendrait en aide. La collaboration entre nos forces doit être poursuivie, surtout s'il est l'affaire de la sécurité à venir du dernier bastion de l'humanité. Nous ne pourrions tolérer que nos efforts dans l’œil de la Fange soient vains à cause de querelles. » continua-t-il, se rangeant visiblement dans les rangs du Grand Argentier de Marbrume. « Cela dit, j'ose espérer que la véracité de vos propos est à la hauteur des tâches qui nous attendent. Si notre Châtelaine a mis à votre disposition deux de ses plus fidèles chevaliers, c'est qu'il y a une certaine considération. On ne déçoit pas Yseult. En d'autres termes, je souhaite que nous ne perdions pas notre temps. » dit-il, avec une expression froide figée sur le visage. « Répondez-moi alors franchement : Pourquoi Traquemont s'afficherait-elle dans les affaires du Grand Argentier de Marbrume ? »

Son intervention serait très certainement remarquée mais Eadwin avait tenu à marquer ses réserves. Le serviteur de Traquemont était prêt à donner pour l'intérêt commun même s'il n'avait peut-être pas grand-chose à y gagner de son côté. Cependant, il était hors de question d'être utilisé comme un pantin. Si une telle chose devait arriver, ce serait alors un véritable affront envers Traquemont et sa châtelaine.

Spoiler:
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Azhim KhalilDomestique
Azhim Khalil



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyLun 6 Juin 2016 - 23:15
Une esquisse de sourire naquit sur ses lèvres quand il pénétra dans la pièce. Cette silhouette élancée et presque efféminée, il la connaissait bien … Grâce l'avait prévenu de sa présence, pourtant Azhim aurait pensé arriver avant lui. Et, étrangement, plutôt que de se sentir agacé, il était ravi. Le petit Wilhem l'amusait énormément, et il était grisant d'avoir quelqu'un qui s'aplatissait devant soi. À coup sûr que cette aventure allait être gratifiante pour le domestique.
Le chasseur était en train de se remplir l'estomac lorsqu'Azhim le rejoint. Un très simple et très poli 'bonjour' sorti d'entre ses lèvres. Pas plus. Comme s'il ne le connaissait pas, le domestique piocha dans les plats proposés et grignota distraitement, ses yeux sombres se posant un peu partout.

Sa maîtresse était restée très évasive, ainsi, l'homme s'attendait à tout et n'importe quoi. Elle avait parlé d'espionnage, avait dit que certains hauts-placés nécessitaient d'inconnus discrets et rusés pour obtenir certaines informations. Elle savait qui était Azhim. Elle lui faisait confiance. Et lorsqu'elle lui avait parlé de la présence de Wilhem en disant vouloir le tester, Azhim n'avait pas rechigné, bien au contraire. Elle voulait qu'il le surveille, pour voir de quoi il était capable. Le domestique se ferait une joie d'obéir. Et si, en plus de ralentir le petit chasseur dans sa mission, il pouvait, lui, entrer dans les petits papiers de la haute noblesse, il n'allait pas se plaindre. Cela lui apportait, en plus, un peu d'animation dans sa petite vie sans importance.

Le reste des invités ne tarda pas à arriver. L'homme aux yeux sombres retrouva automatiquement sa place de domestique et se mit en retrait pour observer les nouveaux venus. Le grand de Ventfroid accompagné d'une charmante créature aux cheveux d'or, et l'un des chevaliers de Traquemont, Rivenoire. Azhim avait quelques informations les concernant, et pas mal de préjugés sortis de la bouche délicate de sa maîtresse, ainsi, il se permit de garder un regard neutre mais méfiant sur l'ensemble de l'assemblée. Il était en position d'attente, intéressé, et malgré tout quelque peu impatient d'en savoir plus sur cette histoire.

Le curieux personnage qui les avait convié fit finalement son apparition et expliqua ses idées sans grande introduction. Azhim croisa les bras sur sa poitrine et écouta. Il en avait apparemment après un certain Charles le Canin, et le serviteur de Grâce ne put qu'approuver mentalement les mots de l'orateur. Peut-être déformait-il la vérité. Peut-être même n'était-ce que gros mensonge pour obtenir ce qu'il désir. Dans tous les cas, Azhim s'en moquait : il avait été envoyé pour travailler pour cet homme et non pas pour un autre. Que ses intentions soient légitimes ou non, il se contenterait de faire ce qu'il demande. Si, bien évidemment, une récompense est à la clé.
Il hocha brièvement la tête lorsqu'il leur expliqua leur rôle. Rien de bien compliqué en soit. En vérité, le domestique pensait que ça n'allait qu'être une sorte de routine mise en scène. Servir, il savait. Écouter, il savait, et faire parler, de même. Il n'était juste plus, l'espace de quelques temps, au service de Grâce de Brasey, ce qui n'était pas non plus quelque chose de désagréable. Étrangement, cela lui donnait l'impression de faire quelque chose de nouveau.

Il fut devancé par Wilhem pour la question d'une pseudo-récompense. Lui lançant une oeillade en biais parfaitement méprisable, il garda la bouche fermée. À la remarque de la jeune femme blonde présente, il souffla du nez, amusé.
Lui, n'avait rien à demander. Sa question principale avait été soulevée par le petit chasseur. Le reste, c'était du bonus. À l'image de Morion de Ventfroid, Azhim resta silencieux, concentré, enregistrant chaque parole pouvait être enregistrée. De toute manière, il n'avait guère l'habitude de donner de la voix, encore moins pour poser des questions. Il était plutôt du genre à obéir aux ordres sans réfléchir.
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Geoffroy de NouetChevalier
Geoffroy de Nouet



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyMar 7 Juin 2016 - 1:17
L'argent, le nerf de la guerre. Une ressource indispensable en temps de paix et encore bien plus lorsque la guerre faisait rage, comme c'était le cas dans le royaume de Langres. Malheureusement, c'est également dans cette situation que lever des fonds devenait le plus difficile, les autorités se retrouvant dans l'incapacité de faire jouer les mécanismes habituels afin de remplir leurs caisses. L'arrivée des fangeux avait signé une baisse significative du commerce et donc des taxes, et la populace peinait à payer les impôts fixés par le Duc. Au contraire, les dépenses pour l'équipement et l'entretien d'une armée capable de résister à ces créatures n'avaient fait que croître, creusant profondément dans les finances de la cité, celles-là même dont Boson était responsable. Dans ces conditions, que faire pour maintenir les défenses de la ville dans un état convenable ? La réponse du grand argentier était simple : aller chercher l'argent, où qu'il se trouve.

Mais les difficultés financières n'étaient pas exclusives à la cité portuaire. La forteresse de Traquemont, sise au cœur des marécages de l'Obliance, se trouvait également dans une situation difficile. L'effort de guerre se révélait trop lourd à supporter pour cette communauté principalement composée de combattants, dont la somme des paies mensuelles excédait largement les faibles revenus. Comment voudriez-vous faire pousser quoi que ce soit au milieu de toute cette tourbe, ou encore commercer alors que plus personne n'ose mettre un pied dehors ? Plusieurs sites miniers perçaient le sol aux alentours de la forteresse, mais ils étaient tombés à l'abandon depuis l'arrivée des fangeux. Les reprendre et en recommencer l'exploitation serait bien trop risqué dans la situation actuelle, aussi étaient-ils devenus des zones de non-droit, au mieux vides de tout occupant, mais dont la sécurité relative pouvait attirer toutes sortes d'individus peu recommandables gravitant en marge de la société. Cette source potentielle de revenu était donc inexploitable, ce qui ne laissait pas beaucoup d'autres solutions à Geoffroy.
Comme Boson, il devait aller chercher l'argent là où il se trouvait.

En temps normal, Geoffroy ne se serait jamais laissé entraîné dans de pareilles affaires. Bien qu'issu d'une famille noble, il n'avait pas reçu l'éducation adéquate pour se sentir à l'aise dans ce milieu de requins qu'est la politique. Mais Traquemont ne pourrait pas continuer à tenir la Fange à distance sans une aide financière du duc. L'or est d'or, même au bord de l'apocalypse, on ne paie pas un soldat avec des honneurs et une médaille. Voilà pourquoi le chevalier se retrouvait aux côtés d'illustres figures de Marbrume, ainsi que d'autres personnages de moindre réputation. Le comte de Ventfroid, dont le mariage avait fait grand bruit jusqu'à la forteresse de Traquemont elle-même, accompagné d'une femme qui n'était justement pas son épouse. Deux hommes dont les vêtements trahissaient une plus basse extraction, et pour finir Eadwin de Rivenoire qu'il avait rejoint à Marbrume plus tôt dans la soirée. C'était avec eux – des inconnus, pour la plupart – que les deux chevaliers allaient devoir mettre à jour cette conspiration qui gangrenait jusqu'aux plus hautes sphères de la société.

Boson libéra finalement la parole, pour laisser ses invités faire part de leurs questions et autres réclamations. Le dénommé Wilhem ouvrit le bal avec des préoccupations pécuniaires, rejoint en partie par la vicomtesse de Rochenoire qui semblait vouloir s'assurer de ne pas être un vulgaire outil dans les intrigues du grand argentier. Ce fut enfin au tour d'Eadwin, que le jeune homme laissa parler en leur nom à tous les deux, par respect pour son expérience comme pour son statut d'émissaire d'Yseult. Leur récente mission, menée conjointement, avait rapproché les deux chevaliers : s'il ne se connaissaient encore que peu, une relation de confiance commençait déjà à s'installer entre eux. Il ne dit mot de la situation économique de Traquemont : entre le Labret et ses différentes assignations, il ne devait pas être au fait des dernières nouvelles. Pourtant, lorsque son aîné se tût, Geoffroy resta silencieux, sans ajouter ses propres revendications à celles qui avaient déjà été énoncées. En effet, il ne voulait pas qu'elles puissent être retournées contre lui et qu'il se retrouve pris en otage par le grand argentier pour accomplir sa besogne, aussi respectable puisse-t-elle paraître. En coopérant librement avec lui, il s'assurait de pouvoir agir sans ternir la réputation de Traquemont, dont Eadwin et lui-même se faisaient les garants.
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La Poisse
La Poisse



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyMer 8 Juin 2016 - 21:24
Boson était surpris d'entendre ses invités lui répondre. Parce que pas un seul ne lui posa de questions sur l'affaire. Non, aucun ne lui demanda des précisions sur Charles, sur ses amis, sur son mode opération. Damien Troussel allait être totalement muet, lui qui pourtant avait des détails à donner. Non, tout ce qu'ils voulaient, c'était des assurances et des récompenses, alors qu'ils allaient se jeter dans le vide. Qu'importe. Ce n'était pas important. Ils découvriraient la situation sur place, ce serait pour le mieux.

- Demain, monsieur Terrefière, je vous demanderais simplement de me suivre, d'écouter, et d'observer. Le banquet, demain, ce n'est que le commencement. Un moyen de voir la situation, une... Reconnaissance, pour parler comme des militaires. Nous nous retrouverons ensuite, demain soir, pour établir un plan d'action.
Quant à la question de la récompense, je pense que la gratitude de travailler pour la sécurité de Marbrume est bien suffisante. Non ?
Non. Non bien sûr que non, ah ! Mais la gratitude d'un Grand Argentier, c'est autre chose d'un coup, n'est-ce pas ?
Sachez que mon but final est de mettre aux fers des nobles, qui ont des trésors, des biens et des mandataires qui vont passer à mon service. Tout cela, nous allons le saisir une fois qu'ils seront emmurés. Et bien sûr, vous aurez votre juste rémunération sur leurs richesses. Lorsque leurs manoirs seront pris, d'autres nobles les achèteront au duc, et tout cela, ce sera de l'argent en plus pour la couronne... De l'argent dont je m'assurerais que vous aurez votre part.
Ceci devrait particulièrement vous motiver. Plus nous arrêterons des nobles, plus vous gagnerez d'argent. Votre part, je la fixerais librement, selon l'effort que vous avez mis dans la tâche.


Ensuite, il se tourna vers Cassandre. Celle-ci avait tenue des propos bizarres, à la limite de la menace même. Cela n'inquiétait pas trop Boson en réalité. En fait, cela le rassurait de voir des gens pragmatiques et honnêtes.

- Sachez bien, ma dame, que je n'ai aucun intérêt à ce que vous soyez dans une situation... Délicate. J'ai des liens dans la milice et parmi la noblesse, aussi, si jamais vous vous retrouvez dans une situation sensible avec les forces de l'ordre, contentez vous de ne rien dire, et de ne jamais rien révéler ; Je m'occuperais à faire en sorte que vous vous en sortiez. Entendez-moi bien. Je sais que vous avez le pouvoir de me trahir et de tout révéler à la milice ou au duc. Si vous vous taisez, vous serez très bien récompensés, je vous l'assure, et pas seulement en argent. J'ai également l'oreille du seigneur du Morguestanc lors de son conseil restreint, je pourrais peut-être tâcher de vous rendre quelques services de ce côté-là.
Mais si vous me trahissez... S'il vous venait ne serais-ce que l'idée d'aller moufter autre part... Je vous jure devant les Trois. Je vous détruirai. Je suis une baleine, et on ne mange pas une baleine d'un coup. Croquez-moi, et je vous avalerai tout entiers.

Après cette charmante métaphore maritime, il décida de calmer les chevaliers de Traquemont.

- Ne mêlons pas Dame Yseult à cela, pour nos intérêts communs, et pour la protéger elle. Sire Eadwin, sire Geoffrey, vous êtes ici de vos propres chefs. Le fait que vous veniez de Traquemont est un très grand avantage ; Au moins, je suis sûr que vous êtes totalement libres et purs, et que vous n'êtes pas mêlés aux complots de l'Esplanade. Et je sais que vous connaissez votre devoir et ferez ce qui est bon pour Marbrume.
Contentez-vous donc d'agir sur l'Esplanade, en étant lié à moi, comme si, le temps de cette mission, j'étais votre suzerain. Ensuite, je vous récompenserai, vous et Traquemont, et vous pourrez repartir. Mais si nous échouons...
Eh bien. Si nous échouons, vous serez les seuls à payer. Pas Yseult.


Pas d'autres questions. Les gens étaient étonnamment silencieux. Cela fit un peu sourire le Grand Argentier.

- Bien... Bien. Ne restons donc pas là, vous devez finir votre nuit, j'ai abusé en vous convoquant si tard.
Messieurs Terrefière et Khalil, venez vous présenter ici demain matin. Quant à vous autres, mes amis nobles, venez au banquet de Charles le Canin. Je me suis arrangé pour vous trouver à tous une invitation, que nous allons vous remettre.
Demain, soyez attentif. Parlez à tout le monde. Observez le bâtiment. Posez des questions aux nobles, lancez des rumeurs. Faites ce qu'il faut pour découvrir quels amis Charles a. Des informations que vous découvrirez, dépendra notre plan d'action futur.
Bonne soirée mes chers amis.




Décrivons, si vous le voulez bien, la demeure de Charles le Canin, où va se passer la suite de notre passionnante intrigue.
En tant que simple petit châtelain, Charles n'a pas eut le droit à une grande demeure. Pourtant, son « domaine » s'est élargi. Les familles nobles disparaissent quelques fois. Tenez, la famille de Valoise, eh bien, ils avaient fui à Marbrume, mais comme ils étaient chevaliers, au service du duc, ils partaient se battre. Les pauvres... Tous les trois tués, le père et ses deux fils. Sa fille a trouvé un mari et a donc quitté leur manoir. Eh bien, Charles est arrivé, a payé grassement le duc, et le voilà propriétaire d'une autre maison. Ou autre chose, il y avait un certain sire Paul d'Agrance, un chevalier qui s'est retrouvé subitement appauvri, à devoir payer la dot de ses nombreuses filles et à acheter des armures pour ses enfants devenus chevaliers ; Eh bien, il a vendu son manoir à Charles, et maintenant, il vit dans le Bourg-Levant, comme un bourgeois, et plus avec ses amis de sang-bleu. Il a fait ça petit à petit, le Canin, jusqu'à être capable de se sécuriser une petite bourgade à lui tout seul.

Nous sommes tout près des murs, près de la porte des Anges, écrasé sous les remparts. Un bâtiment se tient le long d'une avenue pavée. Il y a 2 étages et un rez-de-chaussée. L'architecture est assez dépassée, pas moderne, pas belle, il y a de vieilles sculptures représentant des personnages assez insolites sur la façade devant, comme une sorte de monstre poilu, ou un homme qui montre son zizi. A se demandé qui a payé pour graver ce genre de choses... Le manoir est assez grand, il y a plein de pièces, et cela permet à Charles de loger ses amis quelques fois. Il a un bureau personnel, fermé à clé, dans lequel il cache ses documents. Il a une chambre aussi, et Charles n'étant pas encore marié, il vit seul là-dedans.
Il dispose aussi d'un grand jardin, clôturé par des palissades de bois hautes de 2,5 mètres. Il a, pour les effectifs de sa mesnie, sept domestiques, un cuisinier, et deux sergents d'armes. Rien que ça.
La grande question, maintenant : D'où est-ce qu'il tire tout ce pognon ? Le pire c'est qu'il est pas du tout discret avec. Il l'étale son pognon. Il est ultra suspect, tout le monde le trouve suspect. Mais il arrête pas d'étaler son or.
Ceci, ce sera à nos « héros » de le découvrir.




Commençons par suivre le trajet de sire Eadwin et sire Geoffrey, nos deux preux chevaliers. Oui, ils avaient l'air de deux bons chevaliers errants, ensemble, amis, à se balader dans les rues de l'Esplanade. On aurait pu faire des chansons sur eux, ils avaient bien la tête de l'emploi, les soldats qui se battent de façon glorieuse contre la Fange, dans le palais de Traquemont.
Dommage pour les jeunes filles et les bardes ; Ils ne savaient pas à quoi ressemblait Traquemont. Et ils ne savaient pas qu'Eadwin était un tueur d'enfant. La vérité est moins sexy que le fantasme.

Nos deux compères marchent vers l'invitation qu'ils ont reçus. Ils sont tout près de l'avenue où se trouve le palais Canin, quand ils aperçoivent un homme qu'ils croient reconnaître tout près. Un homme grand, rasé, vêtu comme un sergent de la milice, adossé au mur d'une maison. Oui, ils l'ont déjà vu ; Il était aux côtés de Boson d'Andaral hier.
En voyant les deux sires s'approcher, l'homme se détache du mur et va à leur rencontre.

- Bonjour messires.
Nous n'avons pas pu parler hier. C'est que vous n'étiez pas bien bavards...
Je me présente. Je suis le sergent Damien Troussel, de la milice de Marbrume. Je suis un ami de Boson. Et j'ai... J'ai quelque chose à vous dire.

Il observa derrière lui, l'entrée de la maison de Canin. Il avait un peu l'air peureux, quelque chose le rendait craintif, oui.

- Voilà... Je voulais vous prévenir. Que vous fassiez attention.
Charles le Canin a de nombreux amis, oui, mais cette phrase vous devez la trouver élusive, « a de nombreux amis »... Il a UN ami en particulier. Et vous ne le verrez pas au banquet. Son nom est Bertrand du Montcassel.
Vous avez sûrement entendu parler de lui. Bertrand est un chevalier d'exception. Un super jouteur, un commandant incroyable, il a été connétable du Morguestanc à une époque, mais il est devenu trop vieux et très malade. Aujourd'hui il ne sert plus. On ne le voit presque plus en public. Pourtant, pour moi, il n'a pas raccroché son épée.
Bertrand est un homme dangereux. Physiquement dangereux, je veux dire. Il pourrait tenter de s'en prendre à vous.
Je sais que c'est Marbrume, et qu'on est plus en sécurité ici qu'à Traquemont... Mais tout de même. Vous portez vos épées par usage, vu que vous êtes nobles. Ne les retirez jamais. Et faites toujours attention à vous.


Il y eut des bruits de pas, de sabots de chevaux. Un cavalier était sorti du manoir de Charles et se dirigeait au pas à travers l'Esplanade. En voyant cela, Damien le pointa du doigt.

- Eh, mais... Mais ! Je le connais ! Lui, là, vous le voyez ? Le gamin sur son cheval blanc ? C'est l'écuyer d'un prévôt, ami de Charles. Sauf que ce prévôt devrait être au banquet.
Qu'est-ce qu'il fout là ?!

Damien avait porté sa main à l'épée. Mais il laissait le cavalier partir, il se dirigeait tout droit vers la porte des Anges, et s'engouffrait dans le Bourg-Levant.

- Je dois revenir à mon poste, sur les remparts, je n'ai pas le temps de le faire suivre. Ce que je sais, c'est que cet écuyer, c'est une piste.
Vous devriez peut-être l'observer, voir où il va. Ce serait peut-être une meilleure mine d'information que un banquet de merde.
Bonne journée messires.


Damien s'éloigna au trot, laissant nos deux chevaliers décider pour eux-même quoi faire.




Wilhem et Azhim étaient habillés comme des valets. C'est à dire : De façon totalement ridicule. Ils avaient chacun des collants rouges, des pourpoints multicolores, et des chapeaux triangulaires. En plus, leurs chaussures étaient à poulies, le bout de la godasse pontait vers le ciel et faisait une sorte de cercle.

- Oui, je sais, vous allez vous plaindre de votre accoutrement... Mais c'était la seule chose que j'avais de disponible dans toutes les tailles, mes amis.

En réalité Boson adorait ça. Pas humilier Wilhem et Azhim, non ; Il adorait, sincèrement, ces vêtements. Il trouvait les deux hommes totalement fabuleux. Personne ne partageait son goût vestimentaire. D'ailleurs Boson lui-même portait toujours des couleurs sombres et normales.
Qu'importe. Il se déplace en voiture, avec un cocher, ses valets, et ses deux miliciens. Une entrée triomphale, alors même qu'ils n'ont que dix minutes à faire dans la calèche avant de s'arrêter juste devant la porte de la demeure de Charles le Canin. Et voilà que Azhim et Wilhem doivent aider l'argentier à descendre, et à se présenter devant. La porte s'ouvre, et voilà qu'ils peuvent tout trois rentrer au milieu de la salle, où Morion de Ventfroid et sa compagne sont déjà arrivés.

La salle des fêtes est magnifique. Enfin, petite, mal éclairée, un peu poussiéreuse, à peine de quoi loger tout le monde ce qui fait que de nombreuses personnes sont jetées dans le jardin, près de la fontaine. Mais il y a quand même des sculptures, et des tapis, des broderies de tissus. C'est très joli. Mais mal foutu. Tout est mélangé. Cela se voit que Charles n'a aucun goût. Il se contente d'acheter des choses, de les empiler pour avoir une impression de richesse, mais le résultat décoratif est particulièrement indigeste. Cela fait pester Boson.

- Eurgh ! Il mélange des gargouilles venues d'un Temple avec des broderies fines venues d'ailleurs ! C'est un crime contre la mode.


L'argentier claqua des doigts pour que Azhim aille lui chercher à boire. Encore une fois, le but n'était pas du tout d'humilier le jeune homme, d'en faire son laquais, Boson avait horreur d'être servi ainsi. C'était plus un moyen de rentrer dans le rôle, de bien se poser en aristocrate surpuissant, pour se mêler à ce petit attroupement de nobles.

D'ailleurs, en ayant dit cela, l'Argentier s'était approché de Morion et de Cassandre, qui attendaient dans un coin.

- Sire. Madame. Êtes-vous arrivés depuis longtemps ?
Qu'importe, faisons semblant de parler d'un sujet quelconque, comme on fait lors d'un banquet. Et regardons donc autour de nous.


Il jeta un regard vers le jardin. Il y avait pas mal de monde. Des hommes et des femmes bien vêtus qui discutaient autour d'une fontaine, un verre à la main, surtout.

- Voyez le grand homme moustachu, qui porte une main sous son mantel ? Il s'agit du prévôt Enguérrand de Brétily. C'est un très grand ami de Charles, peut-être même le meilleur. Ils se connaissent depuis des années. Je le suspecte de beaucoup de choses. Il est venu avec sa fille, vous voyez ? C'est la jolie blonde, qui reste dans le coin. Elle est très timide, n'est-ce pas ?

En effet, la fille d'Enguerrand restait dans un coin à rougir bêtement. Contrairement à son père, qui était en train de faire rire tout le monde avec une histoire.
Plusieurs gens l'écoutaient parler. Y compris un haut-prêtre, une vision un peu étrange à ce qui était une réunion de nobles. Et un chevalier aussi, reconnaissable au fait qu'il était venu en armures, pourquoi ? Peut-être parce que c'était la mode. La mode apocalyptique.

Enfin bref. L'homme d'honneur de la journée était descendu d'un petit escalier, et entrait dans la salle. Un homme petit, trapu, avec une tête ronde et de courts cheveux. En s'approchant, il avait fait un gigantesque sourire à l'argentier, et pouffé de rire.

- Ça alors ! Boson ! Boson, mon vieil ami !
- Charles !

Les deux hommes s'étaient approchés et enlacés mutuellement. Ils se donnèrent des coups dans le dos et rigolaient un peu.

- Oh là là, ça fait... Tellement longtemps ! Vingt ans. Pourquoi tu n'as jamais répondu à mes invitations ?
- J'ai eut beaucoup de travail.
- Oui, c'est bien ce que je dis. Le Grand Argentier du duc ! Rien que ça ! Eh, pourtant, j'ai plein de services à te demander, avec une telle position. Mais toi, eh bien, tu ne me parles plus.
- Il est hors de question d'utiliser ma position pour t'aider, Charles, et tu le sais bien.
Regarde, je te présente le comte Morion de Ventfroid, et dame Cassandre de Rocheclaire.

- Messire. Madame.

Charles s'inclina respectueusement devant les deux. Les valets, eux, n'avaient plus qu'à fuir dans le jardin, vu comment ils ne devaient pas être bien accueillis par les aristos.

- Je suis ravi de vous voir présents ici. Un honneur de vous parler.
Mais dites-moi, d'où que vous connaissez ce cher Boson ? Vous êtes un ami du duc, vous aussi ? Je suis étonné de voir le comte de Ventfroid aux côtés de... De lui.


Dehors, là où Wilhem et Azhim étaient dirigés, Enguérrand avait fini de faire rire tout le monde. Il leva son verre, et cria.

- Trinquons donc ! A ces bonnes gens de la mesnie du Labret ! Dont la stupidité et l'idiotie continuerons de nous faire rire pendant longtemps !

Enguérrand voulu remplir son verre. Il était vide. Il se tourna vers les deux valets.

- Vous, là ! Pourquoi mon verre est vide ? Allez me le remplir !
- Ce ne sont pas les domestiques de Charles, dit le haut-prêtre.
- Non ? Qui ce sont alors ? Ils sont vêtus comme des bouffons !
Ah, oui, ce doit être cela, des bouffons ! Dansez pour nous, les bouffons !

- Enguérrand, tu as trop bu, encore une fois.
- Tais-toi. J'ai envie de voir ce qu'ils peuvent faire ! Au mariage des Ventfroids, ils ont eut un cracheur de feu !

Autour de lui, la petite troupe semblait à moitié amusée, à moitié ennuyé. A chaque fois qu'il poussait sur l'alcool, voilà ce qu'il faisait, le prévôt. Et du coup, les gens se dispersaient un peu. Le haut-prêtre s'approcha pour lui mettre une main à l'épaule. Le chevalier en armure s'était éloigné avec trois femmes, sûrement pour aller les draguer en lui racontant des histoires de comment il bravait la Fange, du moins c'est ce qu'il semblait puisque tout autour elles gloussaient comme des idiotes. Quant à la fille du prévôt ; Elle était toujours isolée, dans un coin, à complètement rougir, éloignée de tous.

- Ne l'écoutez pas, mes bons valets. Mon ami est un peu idiot. Mais, allez tout de même nous chercher de l'alcool, cela nous ferait plaisir.

- Moi je vous donne de l'argent si vous faites les bouffons ! Je ne rigole pas. Là, maintenant, je vous file cinquante sous chacun si vous me faites un numéro !
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Wilhem TerrefièreChasseur
Wilhem Terrefière



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyMar 14 Juin 2016 - 18:58
Le Grand Argentier m'avait fait une frayeur en parlant de gratitude pour seule récompense. Si travailler pour le bienfait de tous, et en particulier le bienfait des caisses du Duc était un honneur pour d'autres, il ne l'était en aucun cas pour moi. Tout travail mérite salaire, qui plus est quand ce travail est des plus dangereux. Fort heureusement, les menaces sous-jacentes de la dame accompagnant le seigneur de Ventfroid n'étaient pas tombés dans l'oreille d'un sourd. Récompenses il y aurait, seulement si notre travail était à la hauteur. Fort bien.
Je n'avais peut être pas le poids qu'assurait un nom à particule, mais la discrétion avaient ses bienfaits, que les sangs bleu ne tarderait pas à découvrir.. Écouter et observer en toute discrétion, je savais le faire. Le seul bémol était de le faire en tant que domestique.. Ce n'était pas handicapant, juste.. Dégradant. Et la présence d'Azhim à mes côtés n'arrangeait rien.
Mais le travail sera fait, et plus le grand Argentier sera satisfait de mes services, plus ma bourse sera pleine..

Il nous congédia donc, avec pour seule demande qu'on le retrouve chez lui demain matin, pauvre roturiers ayant besoin d'une excuse pour être convié à un banquet.
Le trajet du retour se fit en compagnie de mon « acolyte », le manoir des Brasey se trouvant sur le même chemin que j'empruntais, fort malheureusement pour moi. Cela aurait pu se passer dans le silence, chacun digérant les nombreuses informations apprises cette nuit. Mais non, c'était trop simple. Un soupir appuyé de son côté, suivit de près par un ricanement sarcastique du mien et les hostilités était de nouveau lancée. La prise de bec fut courte, mais suffisante pour comprendre à quel point il allait être difficile de coopérer avec lui. Pourquoi fallait-il donc que Grâce l’envoi lui aussi, par les Trois ? Il étai évidement que demain, j'allais en avoir pour mon grade suite au rôle que je devais jouer à ses côtés. L'occasion était bien trop belle pour qu'il passe à côté.

Mais pour l'heure, il fallait mettre ses appréhensions de côté pour trouver un peu de repos. J'aurai besoin de toute ma concentration pour le banquet à venir..




RI-DI-CULE. J'étais ridicule. Passer pour un domestique ne suffisait pas, non. Il fallait en plus que je sois habillé comme un bouffon. Voir Azhim dans le même accoutrement ne me consolait même pas. Comment voulait-il que je puisse me montrer discret et me faire oublier avec cette explosion de couleurs criardes et mal assorties ?!

« Oui, je sais, vous allez vous plaindre de votre accoutrement... Mais c'était la seule chose que j'avais de disponible dans toutes les tailles, mes amis. »

Cause toujours ouais. La belle excuse. Il ne nous facilitait vraiment pas la tache. Notre différence sociale n'allait certainement pas aidé nos rapports avec nos alliées de la noblesse, mais si en plus ils nous voyaient dans cette tenue.. Difficile de nous prendre au sérieux après ça.
Je n'avais pas voix au chapitre, et c'est donc dans cette tenue, l'âme en peine et l'égo sérieusement blessé que je suivis le mouvement pour me rendre chez Charles le Canin, prenant exemple sur Azhim, ce qui n'arrangeait pas mon humeur, pour jouer mon rôle à la perfection.

L'intérieur de la demeure était aussi sobre que la décoration intérieure immonde. Un fatras d'objet de valeur entassé ça et là sans aucune concordance, chaque objet jurant atrocement avec son voisin. Rien n'était pensé dans une optique d'harmonie, c'était juste un nouvel étalage de la richesse de Charles. Le message était clair « regardez ce que je peux m'offrir tandis que vous perdez tout ». Ce salon n'était donc rien de plus qu'une galerie à trophée surchargé, et l'expression de dégoût du Grand Argentier vint appuyer mes pensées.

C'est avec une grimace de dégoût que notre petite troupe des plus comiques prit place aux côtés de Morion de Ventfroid, de nouveau accompagné par sa charmante compagne de la veille. Sa femme ? Non, il me semble avoir entendu qu'il s'était marié à une rouquine, ça ne pouvait donc pas être la blonde. Sa maîtresse peut être ? Bah, peut m'en importait après tout, même si nous travaillons dans le même but, il paraissait peu probable qu'on soit amené à se côtoyé souvent. L'exemple du banquet en était la preuve, il serait malvenu qu'un valet fasse la discussion à un compte après tout.

Tout en tenant la posture du parfait domestique : le dos droit, le regard lointain, la figure humble, j'écoutais avec attention Boson, qui présentait le prévôt Enguérrand de Brétily. S'il y avait peu de chance que je puisse l'approcher, sa fille par contre.. La petite fleur se tenait dans son coin, rougissant dès qu'on posait les yeux sur elle, silencieuse et à l'air légèrement empoté. La cible idéale en somme. Avec un peu de chance, elle était au fait des agissements de son père, et il serait aisé de lui arracher, en douceur, ces quelques précieux renseignements..

Mon esquisse de plan fut interrompu par l'arrivée de notre « cible » : Charles le Canin en personne. Il ne payait pas de mine à première vue.. Son arrivée soudaine eut pour effet de nous pousser vers les jardins, là où nous étions certainement plus toléré, dans notre position de valet. Cela me rapprochait de ma future cible, ce qui n'était pas pour me déplaire, et au moins, les racontards bruyants du prévôt alcoolisé était un minimum distrayant.

Ce dernier nous héla avec beaucoup de conviction, déterminé à remplir son verre une fois de plus, ce qui au vu de son état n'était pas la meilleure des idées. Si les autres convives ayant été attentif à ses histoires se dispersaient, ce n'était pas le cas du haut-prêtre qui tentait de le raisonner. Homme courageux et à la patience remarquable. Le prévôt m'avait arraché un léger sourire, qui se mua bien vite en grimace à l'évocation de mes frusques de bouffons. Nous étions donc tournés en ridicule..

« Ne l'écoutez pas, mes bons valets. Mon ami est un peu idiot. Mais, allez tout de même nous chercher de l'alcool, cela nous ferait plaisir. »

« Moi je vous donne de l'argent si vous faites les bouffons ! Je ne rigole pas. Là, maintenant, je vous file cinquante sous chacun si vous me faites un numéro ! »

Je jetai un rapide coup d’œil en direction d'Azhim, ne sachant pas comment réagir. Devions-nous accéder à la demande du prévôt au risque de se faire remarquer ? Ou bien refuser et s'exposer à la colère du soulard ? Mon allié approcha sa bouche de mon oreille pour me murmurer avec un sourire narquois :

« Danse pour moi, ma belle. »

Phrase moqueuse suivie de près par une petite tape des plus méprisantes derrière la tête. Ça, plus le sourire satisfait du domestique, la qualification de « bouffon », la tenue ridicule, le mépris des nobles.. C'était trop. Je n'allais tout de même pas me faire piétiner une fois de plus par ce foutu domestique ! Enguérrand voulait du spectacle ? Il allait en avoir.

Je tournai la tête lentement vers Azhim, un grand sourire aux lèvres.

« Oh mais excellente idée mon cher. Dansons tous les deux ! »

De mes deux mains, je vins pousser le domestique par les épaules, dans l'espoir de le faire tomber en arrière et qu'il atterrisse de la façon la plus disgracieuse possible. Manque de chance, et sous les applaudissements enthousiastes du prévôt, ravi de ce numéro improvisé, Azhim perdit l'équilibre mais se rétablit de justesse, avant de se jeter sur moi.
Nous étions donc tous les deux à terre, chacun essayant de se relever avant l'autre pour appuyer sa supériorité. Sans succès bien évidement. Si j'avais le très léger avantage de la force, lui avait la rage. Nous roulions donc, un coup au dessus, un coup au dessus, attrapant un poignet, un bras, une cheville dès que l'autre faisait mine de se lever, retombant donc à terre avec une grâce sans égale, encouragé par les éclats de rire alentours. Les insultes que nous nous lancions n'étaient d'ailleurs pas étrangères au comique de la scène.. Un coup d’œil suffit pour voir que même la fille du prévôt s'était déridée devant ce spectacle.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyVen 24 Juin 2016 - 0:53
Après l’entrevue chez Boson, Morion prit le temps de réfléchir, quelque peu, à cette mission un peu hors norme que leur proposait l’Argentier. D’ailleurs, le terme de proposition était un peu faible, maintenant qu’ils avaient été vus là bas, difficile de se retirer. Ce qui l’inquiétait n’était pas tant de se compromettre auprès de l’Argentier, c’était surtout la conséquence que cela engendrerait. A savoir une éventuelle surveillance du Duc ou de ses sbires, peu importe. Sans même parler de ses affinités avec le pouvoir en place, Morion était comme la plupart de ses ancêtres : il tenait à leur indépendance. Les Ventfroid avaient l’avantage que si leurs pairs avaient une nette tendance à leur attribuer une sombre réputation, du fait de leur peu de contact social officiel, et d’ailleurs pas vraiment usurpée sans qu’ils en aient conscience, ils restaient neutres et respectueux des codes et lois en toutes circonstances. Et quand ils les enfreignaient, c’était avec suffisamment de discrétion pour qu’un bouc émissaire sans rapport avec eux soit décrété coupable, ou que l’affaire génère suffisamment de chaos pour que l’origine ne soit plus au centre des intérêts. Cette fois ci c’était différent. S’il se compromettait, la vie étant désormais en circuit fermé, il était fichu. Pour lui, il ne pouvait se le permettre. Mais, assez bizarrement, il commençait à éprouver, sinon de l’amour, une sincère affection pour Ambre, et beaucoup de respect pour sa famille d’origine. Il devait composer avec ça également. D’où le fait que Cassandre soit présente. Si quelque chose tournait mal, elle en récolterait les conséquences à plein tarif.

Cela étant, se hisser, même un peu, dans l’estime d’un haut dignitaire politique de la ville, c’était toujours cela de pris. Les paroles de Boson n’étaient pas tombée dans l’oreille d’un sourd, même si Morion avait laissé Cassandre prendre la parole.

Bref, il avait pris la décision d’aller au bout des choses. Si ça tournait au vinaigre il trouverait bien de quoi retomber sur ses pattes. Il le faisait toujours.

Le Comte et Cassandre étaient arrivés bien avant l’argentier - il devait vouloir faire forte impression en arrivant le dernier, telle la pièce maîtresse d’un gateau, ou quelque chose dans ce goût là, se dit Morion - mais n’avaient que peu noué contact avec les autres invités. Tout du moins Morion avait-il était fidèle à lui même en société : froid, distant, taciturne, bien que parfaitement courtois. Si on le saluait, il répondait. Si on engageait une quelconque forme de conversation avec lui, ses paroles semblaient s’enfoncer dans un espèce de flou gaussien lassant très vite son interlocuteur, qui se dépêchait de rejoindre un autre groupe, histoire d’avoir une discussion qu’il soit en mesure de comprendre.

Quant à la jeune blonde, elle avait été charmante et sociable, comme à son accoutumée, se chargeant du travail que Morion détestait : jouer les abrutis à sortir de façon presque ininterrompue des inepties sur des sujets tous aussi ineptes les uns que les autres. Fatalement, dans la bouche de certains, le mot “Labret” avait été prononcé. Un sujet dont Morion ne parlait jamais. Ceux qui l’évoquaient n’y étaient pas allés, car autrement, l’horreur encore vivace dans l’esprit pourtant de pierre et de glace du Comte les aurait empêché d’en parler avec autant de… légèreté. L’armée des morts était une calamité, et si un ou deux cas isolés avaient parfois été remarqués, provoquant une certaine terreur chez les plus faible, mais tout de même une nette appréhension chez les plus hardis, cent d’entre eux avaient donné lieu à la pire boucherie que l’on eut connue de mémoire d’homme.

Pour le coup Morion partageait l’avis quant à la demeure du Canin. C’était une abomination dénuée de tout sens esthétique cohérent. De tout sens esthétique tout court. Encore que l’argentier avait beau se plaindre, mais sa créativité fut bien cruelle quand il s’était agi de choisir les tenues de ses “valets”, qui n’étaient autres que le dénommé… Terrefière, semblait-il, et Azhim. Morion se surprit à penser que Boson avait peut-être trouvé là un moyen d’effrayer les fangeux. Il se ressaisit, et accueillit l’Argentier respectueusement quand il vint vers eux.

«Non, sire d’Andaral, nous ne sommes arrivés guère avant vous.»

Cassandre avait pris la parole, une fois de plus, mais Morion lui intima de lui laisser la suite d’un seul regard. Elle avait été étonnamment gourmande lors de l’entrevue préliminaire, il ne tenait pas à ce qu’elle recommence en territoire ennemi. Sur le papier, ils étaient de fervents alliés du grand Argentier, et par extension du Duc. Malheureusement pour cette fois ils devraient agir comme si c’était réellement le cas. Fort heureusement, les deux, aka Cassandre et Morion, mentaient aussi bien qu’ils respiraient.

Morion reprit donc la parole.

«Avoir un dignitaire juridique dans sa poche doit beaucoup aider, j’imagine. J’entends vos soupçons.»

Cassandre s’en chargerait. Elle était une femme, elle avait au moins cela de son côté. Cela dit, bien avant qu’elle ne put faire quoi que ce soit - elle avait deviné les intentions de son ami, une fois n’étant pas coutume - le Canin pointa le bout de sa truffe. Il ne semblait aucunement souffrir des restrictions budgétaires qu’imposaient une fin du monde imminente. Ce qui était quelque peu surprenant. Evidemment un embonpoint sévère ne se perdait pas en quelques mois de régime un peu plus strict que d’ordinaire, mais celui ci semblait ne souffrir aucunement de l’isolement absolu de la ville et de son manque cruel de ressources. Il n’aurait pas été différent, se dit le seigneur de Ventfroid, à la cour royale, se pavanant au milieu de ses sacs d’ors en courbettes, révérences et rires gras bien forcés.

Morion salua respectueusement devant le Chien, puis esquissa un petit sourire amusé en accueillant, avec un humour feint mais convainquant la remarque de Charles, vis à vis de l’Argentier.

«Loin de moi l’idée de me prétendre ami de la famille Ducale, nos relations ne sont pas aussi intime. Mais la maison de Ventfroid est une des plus colossales fortunes du royaume, il est donc de mon devoir d’apporter, disons, un soutien financier fiable au Grand Argentier. Ainsi nous nous connûmes. Il manie les chiffres comme un barde les notes, et me paraît de fait être un homme de confiance, à qui je confie donc la gestion d’une partie de mon patrimoine, dans le but de voir cette ville rester aussi prospère que possible. Et sûre.»


Ce qui était en soi totalement faux. A part Morion personne ne connaissait vraiment le montant des biens des Ventfroid. Colossaux ils l’étaient, oui. Bien que sévèrement réduits par la fange et son arrivée pour le moins soudaine. L’essentiel de ceux ci se trouvaient néanmoins à Mabrume, partagés entre le manoir intra muros et le comté dont il était le propriétaire et seigneur. Mais pour garder une certaine sécurité, le flou était une redoutable défense. Et il était de toute façon plus crédible que Morion ait connu Boson via des nécessités pécuniaires que via une origine “amicale” assez hasardeuse. Les alliés des Ventfroid étaient terriblement nombreux par le passé. Certains avaient survécu à Marbrume. Mais des amis ? Aucun ne s’y était encore risqué à part les Rocheclaire, dont la liaison avec la famille de Morion était aussi séculaire que son origine nébuleuse.

«Et vous ? Je gage que votre amitié est plus solide est ancienne que celle qui pousse deux hommes d’argent à se rapprocher dans la vue d’un profit mutuel. Enfin, peut-être ne voulez vous pas discuter dans l’immédiat. D’autres doivent quémander votre présence, je suppose. Je reste à disposition.»

Cette phrase fut prononcée avant l’inauguration du festival de la connerie, déclenché par Azhim et Wilhem. Sur le coup, Morion en oublia même ce qu’il venait de dire. Tous les regards étaient tournés vers le prévost, et plus avant, vers les deux bouffons, le juriste avait raison de les considérer ainsi, qui s’écharpaient comme des débiles au sol.

«Eh bien… Cette réception promet grand amusement, mes chers, vous avez su choisir avec perfection les idiots du village.»

Morion esquissa un sourire mesquin, et jeta un oeil à Cassandre, qui amusée pouffait discrètement derrière la manche dentelée de sa robe. Il observa intensément la jeune fille timide, rougissant comme un jambon sur la broche. La vicomtesse comprit immédiatement, et s’excusant auprès des trois hommes présents, se dirigea à pas feutrés vers la jeune fille, laissant le prévost à un amusement disons plus… beauf. Le prévost était un beauf bien bourré, discuter avec lui n’aurait aucun intérêt sinon compromettre son intégrité vaginale, déjà bien détruite par Morion.

«Je vous souhaite le bonjour, ma chère. Vous êtes mademoiselle de Brétily, n’est il pas ? Ne vous sentez vous pas seule ici ? Je suis Cassandre de Rocheclaire, une proche et ancienne amie du Comte de Ventfroid, que vous pouvez voir là bas. Ne sont-ils pas amusants ? lança-t-elle en faisant référence aux deux clowns qui se ridiculisaient devant tout le gratin présent.»
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ArtoriusChevalier
Artorius



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyLun 27 Juin 2016 - 23:24
Le Grand Argentier de Marbrume, Boson d'Andaral, possédait un certain talent pour la diplomatie. Sa poigne était plutôt ferme, peut-être même plus dure que ce qu'il pouvait habituellement prendre dans le derrière. Il connaissait son sujet, semblant connaître plutôt bien Charles le Canin et son entourage. Boson ne devait donc pas être sous-estimé, il devait avoir des espions dissimulés dans plusieurs recoins de la cité franche. En tant que gérant de la trésorerie, cela faisait après tout de lui l'un des hommes les plus importants et les plus influents de la ville. Eadwin de Rivenoire ne réagit pas vraiment lorsque le Grand Argentier avança le fait qu'il ne fallait pas mêler le nom d'Yseult de Traquemont à cette histoire. Il avait plutôt raison, il était préférable de la laisser loin de tout ceci. S'il s'était autorisé d'utiliser son nom, c'est parce qu'il savait qu'elle leur aurait demandé de fouiner dans ce merdier. Au mieux, Traquemont s'accorderait à nouveau une faveur du Duc, au pire… Il ne préférait ne pas y penser. Lançant un énième regard à Geoffroy du Nouet, les deux hommes se comprirent et acceptèrent sans aucun doute la requête qui leur était soumise. Ils ne savaient pas encore très bien comment ils pourraient se rendre utile en dehors d'une joute. En tout cas, l'idée de pouvoir ramener les honneurs et l'or qui allait de paire à leur Châtelaine était plus que séduisante. Traquemont en avait bien besoin. Cela ne l'empêchait pas pour autant d'être plutôt inquiet. Si ce Charles le Canin utilisait vraiment des ressources à foison et sans la moindre retenue, il était plutôt d'accord sur le fait qu'il fallait que cela cesse dans la mesure où le peuple crevait de faim et ou même la noblesse commençait à se poser de sérieuses questions. Il y avait une question évidente derrière tout ceci mais il n'osa pas vraiment la poser : si le Duc de Marbrume avait connaissance de cela, pourquoi ne faisait-il rien ? Après tout, il avait humilié sans gêne apparence les familles de Sarosse et de Mirai. Un petit châtelain lui faisait-il peur ? Peut-être la réponse se trouvait-elle au niveau de la nature même des amis de ce fameux Charles… à moins que ce ne soit le Grand Argentier ? Il y avait comme anguille sous roche. Après une bonne nuit de repos, Eadwin de Rivenoire retrouva Geoffroy du Nouet dans l'Esplanade, non loin de la Porte des Anges. Préférant jouer une alliance sincère avec son cadet, il lui avait fait part à l'abri des regards indiscrets de ses diverses inquiétudes. Une piqûre de rappel n'était jamais inutile.

« Il paraît évident que nous avons une faiblesse non négligeable, nous ne connaissons pas grand-chose à toute cette noblesse et les alliances qui la composent. Nous pouvons bien entendu suivre les recommandations du Grand Argentier mais nous ne devons pas faire n'importe quoi. Yseult n'apprécierait pas que nous lui apportions un conflit sans pouvoir le justifier… de façon juste et honorable. »

Eadwin de Rivenoire et Geoffroy du Nouet marchaient donc en direction du banquet organisé par Charles le Canin depuis qu'ils avaient reçu leurs invitations. Sur ce sujet, il pensait que le chevalier du Nouet serait plus ou moins d'accord avec lui. Il espérait qu'en terme d'intrigue pure, Morion de Ventfroid et Cassandre de Rocheclaire se débrouilleraient mieux qu'eux. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois que son chemin croisait celui du Comte. Devant le Grand Argentier, ils avaient fait preuve de discrétion mais ils avaient partagé un duel lors de son mariage avec l'aînée des de Mirail qui avait du faire parler de lui. De plus, ils s'étaient probablement revus pendant l'Opération Labret, même sommairement parlant. Il ne pouvait pas prétendre connaître le Comte de Ventfroid mais en considérant qu'il vivait reclus en dehors de la ville dans son domaine, pourquoi venait-il s'intéresser tout à coup aux affaires du Duc de Marbrume ? C'était un mystère.

« Mhm… Et sinon ? Tout se passe bien avec Yseult ? »

Ce n'était pas la première fois que Eadwin avait l'occasion de se retrouver seul avec Geoffroy mais il n'avait peut-être pas encore abordé ce sujet avec lui. Excepté ce que la concernée voulait bien lui confier et sur les rumeurs à Traquemont… Il ne pouvait que supposer que tout allait bien. Depuis l'épisode de la Souricière, ils avaient vraisemblablement partagé d'autres patrouilles mais surtout le Labret. S'il l'avait tout d'abord considéré comme un jeune chiot qui cherchait à se faire les dents, Geoffroy possédait maintenant tout le respect de son aîné. Il était plutôt rassuré de savoir que lorsqu'il s'éteindrait, un homme tel que Geoffroy continuerait d'honorer la chevalerie.

« Je dois… te dire quelque chose. Je te suis très reconnaissant pour tout ce que tu as pu faire pour elle. Elle est arrivée, mentalement détruite mais pleine de rancœur. Je ne sais pas si elle espérait vraiment faire de Traquemont ce que le fortin est devenu aujourd'hui… Un symbole d'espoir pour l'humanité mais avant de te connaître, elle ne jurait que par la vengeance du genre humain, une forme de sacrifice… Je ne sais pas si elle t'as parlé de moi particulièrement mais je la connais depuis l'aube de sa vie. Je la considère un peu comme la fille que je n'ai jamais eu… Si elle sourit à nouveau à ses hommes, c'est en grande partie grâce à toi. Pour ça, Geoffroy, je te remercie du fond du cœur.  »

C'était dit. Si Geoffroy pouvait encore douter des considérations d'Eadwin à son égard, il savait désormais ce qu'il pensait vraiment de lui. Il écouta ce qu'il aurait à lui rétorquer puis ils se remirent en marche jusqu'à croiser un visage plutôt familier. Si sa mémoire récente ne le trahissait pas, il s'agissait de l'homme qui se tenait la veille auprès de Boson. Damien Troussel, un Milicien. Il évoqua l'existence d'un chevalier d'exception, Bertrand de Montcassel. Il n'avait jamais entendu parler de lui mais si Damien prétendait qu'il ne fallait pas le sous-estimer, Eadwin de Rivenoire tiendrait compte de cette recommandation. Toutefois, il relativisa après qu'il ait parlé de son titre de Connétable des armées du Morguestanc. Il s'était retiré, à la fois pour sa vieillesse et sa maladie. Il supposa alors qu'il devait être plus âgé que lui et cela lui rappela son propre maître d'armes, Conrad Brise-la-Tempête.

« Merci pour l'avertissement, Damien. J'aimerais croiser le fer avec ce Bertrand de Montcassel mais ce n'est pas vraiment ce qu'on attend de nous. »

Soudain, leur attention fut attirée par un tout autre événement. C'était un jeune garçon, sur son cheval, l'écuyer d'un ami de Charles. Encore une fois, fallait-il faire confiance à ceux qui leur avait offert cette quête ? Dans les faits, quitter une fête alors qu'on venait à peine d'y arriver pouvait paraître suspect, surtout sur un cheval. Cela pouvait vouloir dire qu'il devait rejoindre un autre endroit pour une raison particulière et ce, plutôt rapidement. Damien Troussel s'en alla tandis que les deux chevaliers se regardèrent. Il fallait prendre une décision et vite.

« Je crois qu'il ne faut pas négliger cette piste mais nous ne devrions pas la suivre tout les deux. Nous avons reçu des invitations nominatives grâce à Boson d'Andaral, il pourrait paraître suspect si deux chevaliers de Traquemont manquaient le banquet en même temps. Je te propose de me laisser suivre ce garçon, je vais récupérer un cheval sur le chemin et le suivre jusqu'où il ira. S'il rencontre des individus en particulier, si je peux récupérer des informations sur leurs blasons… Ce sera déjà un début de piste. Si tu es d'accord, tu devrais te rendre au banquet pour enquêter. Si tu en as l'occasion, fais-toi discret et fouille peut-être sa demeure autant que tu le pourras. Elle doit regorger d'indices, il doit y avoir matière à faire. »

Eadwin de Rivenoire n'avait pas vraiment de préférence. Il se rendait bien compte que demander de la discrétion à un chevalier, c'était plus ou moins risible. Pourtant, entre eux deux, il avait peut-être plus de chances que lui. Il pouvait tout aussi bien refuser ses recommandations et demander à suivre plutôt l'écuyer du prévôt, laissant la responsabilité à Eadwin de faire acte de présence au banquet. Peu importe, il fallait prendre une décision et plutôt rapidement, sinon leur suspect allait échapper à leur vision et il serait sûrement impossible de retrouver sa trace. Il pensa qu'ils auraient bien fait d'emmener avec eux la demoiselle Barrowmer, elle aurait été parfaite pour suivre une piste. D'ordinaire, elle était là lorsqu'on avait besoin d'elle mais pour cette fois-ci, les deux chevaliers allaient devoir composer sans cet inestimable atout. Il ne savait pas encore très bien dans quoi tout cela allait les plonger mais une chose était presque certaine, il y allait sûrement y avoir un peu de ménage.

« Très bien, Geoffroy. Faisons ainsi. »

Les concertations terminées, Eadwin de Rivenoire prit donc l'une des deux directions possibles. A la recherche d'un cheval pour suivre l'écuyer ou bien celle du banquet pour tenter de récupérer des informations. Une chose était à peu près certaine, son compagnon d'arme accomplirait la tâche qu'il ne prendrait pas pour lui.

Citation a écrit:
Comme toujours Geoffroy, MP si tu veux parler d'un point de détail. Je pense que présenté ainsi, ça devrait coller à peu près. Je te laisse la décision finale. ^^


Dernière édition par Eadwin de Rivenoire le Lun 11 Juil 2016 - 1:33, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptySam 2 Juil 2016 - 18:54
Le soleil se levait sur Marbrume, de même que ses habitants qui commençaient à envahir les rues jusque là désertes. Nonchalamment adossé en face de la Porte des Anges, à l'intérieur du quartier des nobles, Geoffroy assistait à un spectacle qui ne lui était pas familier : celui de l'éveil d'une cité. En l'espace de quelques minutes, les échoppes s'étaient rouvertes et le calme du petit matin avait laissé place au bruit et à l'agitation. C'était du moins ce que le chevalier pouvait voir de Bourg-Levant à travers la grande porte. Une escouade entière de miliciens contrôlaient les entrées et sorties, se pavanant dans leurs armures rutilantes.
En voilà qui ne devaient pas souvent sortir de leurs beaux quartiers, sourit-il.

Le chevalier de Traquemont avait délaissé son plastron ainsi que sa cotte de mailles, restés dans les appartements que Boson lui avaient accordés pour son séjour. Seules ses cicatrices et le fourreau qui ceignait sa jambe droite rappelaient à un observateur extérieur d'où le jeune homme venait. Il était vêtu sobrement, bien loin des atours dont aimaient à se parer les nobles pour leurs réceptions. Assez paradoxalement, c'était peut-être sa simplicité qui allait attirer sur lui l'attention des convives de Charles, jurant par rapport à leur propre opulence. Bien sûr, ce n'était pas quelque chose qu'il recherchait. Plutôt réservé de caractère, il espérait au contraire qu'on le laisse mener son enquête tranquillement. Son manque d'expérience risquait d'ailleurs de lui jouer des tours, transformant un simple banquet en saut dans l'inconnu. Était-il censé se mêler aux convives pour les entretenir de tout et de rien, et amener les complices de Charles à se trahir ? Son instinct de combattant lui soufflait d'essayer de s'infiltrer pour en apprendre davantage, mais cette prise de risque lui répugnait. S'il se faisait attraper, leurs adversaires seraient sur leurs gardes, compliquant leur enquête. Peut-être qu'il devait simplement laisser Morion et les valets collecter leurs indices. Eux devaient certainement savoir ce qu'ils faisaient.

L'arrivée d'Eadwin le tira de ses pensées, et les deux chevaliers prirent ensemble la direction du banquet où ils étaient attendus. L'aîné en profita pour lui recommander la plus extrême prudence, ce à quoi il ne trouva rien à rétorquer. C'était déjà la remarque qu'il s'était faite quelques instants plus tôt, et que n'importe quel individu sain d'esprit aurait considéré avec attention.

« Bien sûr. Il est totalement exclu que nos actes ici-même puissent causer du tord à Traquemont. Si tout se passe bien, personne ne saura que nous avons impliqué dans cette affaire. Et si quelque chose vient à faire capoter le plan, eh bien... faisons en sorte de ne rien avoir à nous reprocher. Boson a promis de nous couvrir. »

Et il fallait espérer qu'il tienne parole. Les deux hommes continuèrent à avancer, traversant un quartier noble qui commençait seulement à s'animer. Deux rues et un jardin soigneusement entretenu plus loin, Eadwin rompit une nouvelle fois le silence.

« Mhm… Et sinon ? Tout se passe bien avec Yseult ? »

Ah. Celle-là, Geoffroy ne l'avait pas vu venir. Il aurait pourtant dû se douter que le vieux chevalier se sentirait concerné par tout ce qui touchait de près ou de loin à Yseult, sa protégée. Il s'était laissé dire qu'Eadwin avait servi sous les ordres de feu son père et avait veillé sur elle depuis sa plus tendre enfance. Pourtant, ça ne lui donnait pas le droit d'interférer de la sorte dans le choix qu'Yseult faisait de ses compagnons. C'était ce qu'il s’apprêtait à lui rétorquer d'un ton cinglant, avant de se reprendre. Par respect pour son aîné, il réprima la remarque acerbe qui lui venait à l'esprit et demeura silencieux.
Heureusement, Eadwin dissipa rapidement le malaise qui s'était installé.

Visiblement, il n'avait aucune volonté de s'opposer à leur relation. Ce que Geoffroy avait craint, c'était d'être considéré comme un vulgaire opportuniste, prêt à tromper n'importe qui pour retrouver un pouvoir dont il s'était vu déposséder par la Fange. Fort heureusement Eadwin ne semblait pas avoir une telle vision de lui, au contraire. Il lui dressait un tableau bien flatteur de la situation et de son action depuis qu'il avait rejoint Traquemont. Contrairement à ce que sa première réaction aurait pu faire penser, le jeune homme accordait vraiment de l'importance à ce que le vieux chevalier pensait de lui. Il était le bras droit d'Yseult, son conseiller, et un compagnon d'arme valeureux aux côtés de qui Geoffroy avait combattu à diverses reprises – le Labret notamment, pour n'en citer qu'un. Mais il y avait également autre chose. Il était de coutume, pour un jeune prétendant, de demander la bénédiction du père de la demoiselle avant le mariage. Bien sûr, il pouvait passer outre la tradition, d'autant plus que pour une demoiselle, Yseult avait un caractère bien trempé. Et puis son père n'était plus de ce monde, ce qui compliquait la tâche. Mais les paroles d'Eadwin, sachant le rôle qu'il avait tenu auprès d'elle toutes ces années, sonnaient à son oreille comme une approbation.

Geoffroy se contenta d'acquiescer, esquivant les remerciements qu'il ne pensait pas les mériter. Il profita des propos d'Eadwin sur leur châtelaine pour orienter la conversation vers quelque chose qui lui occupait l'esprit depuis ce matin.

« Yseult aura besoin de toute notre loyauté dans les mois à venir. Il y a une guerre à mener et... Je suppose que tout le monde ne voit pas l'établissement de vos hommes à Traquemont d'un œil aussi bienveillant que celui du Duc. Je m'inquiète peut-être pour rien, mais je crains que les intrigues ne connaissent pas de trêve, même par les temps qui courent. Ce banquet est peut-être l'occasion d'ouvrir bien grands nos yeux et nos oreilles, pour voir ce qui se murmure à notre sujet » fit-il d'un air entendu.

Les chevaliers croisèrent le compère du Grand Argentier au détour d'une ruelle. Adossé au mur, il les attendait manifestement. Il s'avança vers eux pour leur apporter quelques informations complémentaires à celles que Boson leur avait déjà fournies, notamment une mise en garde à propos d'un bretteur qu'il recommandait d'éviter. Sur ces entre-faits, un cavalier se dirigeant vers l'Esplanade provoqua une vive réaction de la part du milicien. Une nouvelle piste s'offrait à eux, s'ils étaient assez rapides pour se saisir de l'opportunité. Eadwin suggéra de le suivre, confiant le banquet à Geoffroy. Ils n'avaient guère le temps de palabrer, et se séparer était probablement la meilleure chose à faire. Il eut à peine le temps de souhaiter bonne chance à son compagnon que celui-ci était déjà parti en courant à la suite du cavalier.

Resté seul, le chevalier reprit la direction de la demeure du dénommé Charles le Canin, dont les grilles ne tarderaient plus à se profiler devant lui.
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Azhim Khalil



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyMer 6 Juil 2016 - 20:54
La mission lui paraissait risquée, un brin tirée par les cheveux. Il avait l'habitude de tendre l'oreille partout où il allait, mais il n'avait jamais été concrètement un 'espion'. Et il était partagé entre être ravi et méfiant. Il allait enfin faire autre chose, n'est-ce pas ?

Oui et non.
L'avantage, c'est que ce ne sera pas trop dur pour lui de se faire passer pour domestique. En revanche, pour Wilhem, c'était une toute autre histoire, et Azhim se permit même un petit rire en remarquant que le visage de son rival se décomposait en apprenant la nouvelle. Il n'allait peut-être pas faire grand-chose durant cette quête, mais l'avantage était qu'il allait très probablement bien s'amuser à faire tourner Wilhem en bourrique.

----------------------------
Malgré ses bons pressentiment, Azhim se trouva aussi fort dépeuplé que son acolyte le lendemain, lorsqu'ils se découvrirent dans leur tenue. Grâce avait toujours eut de très bons goûts, et, même si généralement, elle autorisait Azhim à se vêtir comme bon lui semblait – lui aussi savait comment être élégant -, il lui arrivait de le faire porter certaines choses, elle s'arrangeait toujours pour que son domestique attitré demeure soigné et propre sur lui.
Boson avait apparemment une toute autre définition de l'expression 'propre sur soit'. Le servant de Grâce ne payait pas de mine, et Wilhem non plus, qui avait le visage incroyablement fermé. Honnêtement, Azhim hésitait entre rire et pleurer. Voir son rival vêtu de la sorte était effectivement à mourir de rire, mais le fait de savoir qu'il portait la même chose ne l'enchantait guère, bien qu'il était persuadé que cela lui sied mieux à lui.

- Oui, je sais, vous allez vous plaindre de votre accoutrement … Mais c'était al seule chose que j'avais de disponible dans toutes les tailles, mes amis.

C'est ça.
Azhim lança un regard tout à fait moqueur à Wilhem alors qu'ils se dirigeaient vers le lieu de rendez-vous. Il restait fidèle à lui-même et à son travail, un peu amusé malgré tout.
Une fois arrivé, il alla, comme il lui ordonnait, le servir tout en se demandant s'il rigolait en parlant de la piètre décoration et du 'crime contre la mode'.
Tandis qu'ils avançaient, le domestique laissa planer un coup d'oeil détaché à tout ce beau monde. Morion de VentFroid et la jeune blonde qui l'accompagnait, le chevalier de Rivenoir et bien d'autre. Détaché, c'était le mot, oui. Il se demandait pourquoi sa maîtresse l'avait envoyé ici. Avait-elle eut l'envie de l'éloigner d'elle durant quelques temps ? De le mettre au défi ? Mettre au défi Wilhem, peut-être ?

Il suivit la troupe sans réfléchir, peu confiant alors qu'il paraissait physiquement bien sûr de lui. Son petit doigt lui disait que cette histoire allait être bien longue et pénible.
Lui et Wilhem se firent rapidement héler par un noble qui avait visiblement abusé de la boisson. Par réflexe, Azhim allait obéir et lui remplir son verre, mais la conversation vira du tout au tout.

- Ne l'écoutez pas, mes bons valets. Mon ami est un peu idiot. Mais, allez tout de même nous chercher de l'alcool, cela nous fera plaisir.
Bien monsie...
- Moi je vous donne de l'argent si vous faites les bouffons ! Je ne rigole pas. Là, maintenant, je vous file cinquante sous chacun si vous me faites un numéro !

Azhim arqua un sourcil et échangea malgré lui un regard avec son rival. C'était-là une proposition presque alléchante. Néanmoins, le domestique de Grâce possédait déjà pas mal de richesse, offertes par sa maîtresse elle-même la plupart du temps. Il aimait l'argent, mais n'accepterai jamais de se ridiculiser pour quelques pièces de plus.
Par contre, il ne disait pas non à l'idée de ridiculiser Wilhem, c'est pourquoi il se pencha sur lui pour lui susurrer cette phrase bien humiliante accompagné d'une claque vexante, qui eut l'air de piquer au vif le chasseur.

- Oh mais excellente idée mon cher. Dansons tous les deux !

Il réagit d'ailleurs au quart de tour, surprenant quelque peu Azhim qui ne s'attendait pas à un geste violent de sa part. Il hésita entre partir simplement, lui qui n'était guère du genre à se battre, mais l’enthousiasme du côté du prévôt l'incita à rester. Plus encore, cela l'incita à surenchérir. Il se permit même un léger et furtif sourire avant de sauter sur Wilhem, bien décidé à lui montrer qui était la dominant dans le lot.

Après un échange tout ce qu'il y avait de ridicule – impression bien évidemment renforcée par le accoutrement -, notre bonhomme à la peau mâte finit par prendre le dessus d'une manière que l'on pourrait deviner comme étant peu loyale. Alors que Wilhem tentait une énième fois de se relever, Azhim profita qu'il baissait sa garde pour lui envoyer un aussi violent qu'inattendue coup de tête …. malheureusement mal calculé. S'il avait réussi à bien sonner son adversaire, il s'était également bien fait mal, et avait réussi à se faire une belle marque sur le front. Étourdi, il secoua la tête, poussa l'autre pour le remettre à terre et donna tout ce qu'il avait pour demeurer, lui, debout.
Il adressa ensuite un petit sourire crispé et dénué de joie aux spectateurs.

- La danse, ça n'a jamais été mon fort
, lâcha-t-il en guise d'excuse.

Et sa tête lui tourna si violemment qu'il retomba sur les fesses, à moitié assommé.
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La Poisse
La Poisse



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyMer 6 Juil 2016 - 23:44
« La seule chose plus satisfaisante que convaincre quelqu'un de faire ce que vous voulez,
C'est échouer à les convaincre de votre pleine volonté.
Tout comme placarder une pancarte « Défense d'entrer »,
Cela pousse juste les gens à pénétrer par la petite porte ».


Imaginez-vous la scène. Quelques petits rires en bruit de fond, des sourires aux dents pas souvent très blanches, des entrechoquements de verres et, en fond, quelques musiciens qui se débrouillent pour frotter leurs cordes.
Et puis, soudain, quelques grandes inspirations d'air de la part de femmes choqués, des bruits de chocs, des râles de luttes, et là... Un rire. Un rire fort, nasal, d'un homme qui reniflait comme un cochon. Le prévôt de Brétily hurlait tellement de rire que ses côtes commençaient à le faire souffrir. Le pauvre vieux, plus beurré qu'une galette, se retrouvait à devoir poser ses pognes sur ses genoux, son dos lui faisait atrocement souffrir, ses yeux injectés de larmes de joie. Le reste des nobles ne semblait pas tellement apprécier cette bagarre impromptue, beaucoup s'étaient subitement reculés. Mais Enguerrand, lui, il ne pouvait pas s'empêcher de rire, rire, rire...

- Oh oh oh ! Le combat des bouffons ! Battez-vous donc !

Citation :
Un combat de titan commence entre les deux valets, remis sur leurs pieds. Ils tentent de se mettre en garde, même si l'exercice est difficile entre leurs chaussures à poulies, et s'ils ont un aspect particulièrement ridicules vu leurs chapeaux à grelots.
Cela a au moins le mérite de faire rire le prévôt. Et, petit à petit, plusieurs des nobles, qui ne peuvent pas s'empêcher de ricaner.

Jet ATT Azhim : 17. Échec.

Le domestique décoche un coup du droit, mais bien trop allongé, si bien que Wilhem peut facilement se reculer en arrière.

Jet ATT Wilhem : 15. Échec.

Mais le chasseur ne peut pas profiter de cet avantage. Bien qu'il tente d'attaquer la mâchoire exposée d'Azhim, son coup est bien trop faible et ne parvient même pas à sonner le domestique.
Cette passe d'armes complètement ratée n'est pas au goût des nobles. Ils se mettent à huer et à siffler.

Jet ATT Azhim : 16. Echec.

Décidément ! Le serviteur de la dame Grâce n'a sûrement pas été choisi pour ses qualités de rixe ; Il tente de percer en avant, en chargeant comme un buffle, mais Wilhem encaisse facilement le choc.

Jet ATT Wilhem : 10. Échec.

Et bien que le chasseur semble être capable de tenir droit, sa faible mêlée de soule ne fait même pas plier le domestique. Le problème, c'est qu'Enguerrand le voit. Ils ne sont pas tous les deux forts ; Ils sont tous les deux faibles. Le prévôt semble soudain très désintéressé. Il grimace énormément.
Dernière chance pour tenter de le divertir :

Jet ATT Azhim : 17. Échec.

Azhim rompt soudain la mêlée par un pas en arrière, et lance un coup du droit, puis du gauche, mais il ne fait que feindre l'air comme un fou tentant vainement de tuer une mouche.

Jet ATT Wilhem : 1. Réussite critique.

Wilhem peut donc tout simplement prendre son temps, fermer son poing, et frapper le domestique en plein visage. Le nez d'Azhim est éclaté, et il tombe soudain en arrière, les bras écartés comme un ange.

- Ah ah ! Bravo ! Bravo ! Génial, messire ! Quel est votre nom ?! Je vous fait, ci-présent devant tous, chevalier de Maltorché !

Le prévôt porta sa main à l'intérieur de son vêtement, et en sorti une grosse escarcelle bien fournie. Il en prit une grosse poignée, et jeta les pièces sur les deux bouffons, qu'ils les ramassent à même le sol.

- Mais v'nez donc, chevalier de Maltorché ! V'nez, ayez donc pas peur !

Il s'approcha et attrapa le bras de Wilhem, tandis que sortaient deux sergents de mesnie, les gardes du corps de Charles le Canin. Ils semblaient peu équipés, uniquement vêtus de vieilles broignes et portant des gourdins. Ils arrivèrent et virent l'attroupement de nobles dont certains paraissaient choqués, d'autres morts de rires. Ils virent surtout l'homme mal habillé étalé inconscient sur le sol.

- Que se passe-t-il ici ?!
- Cet homme qui accompagne le grand argentier a trop bu, et il s'est mangé un poing !
- Ah ouais ?! Bah on a pas la place pour les fauteurs de troubles ici ! Viens donc Gégé, qu'on le balance dehors.

Les deux s'approchèrent, prirent chacun un bras d'Azhim, et le traînèrent comme un sac dans l'arrière-cour, où il disparu entre les arbustes et les rosiers. Où qu'ils l'amenaient ? Où qu'ils le viraient ? Ce n'était pas le problème de Wilhem, enfin, le sire de Maltorché... Le pauvre se faisait attrapé le bras par le prévôt de Brétily, qui le tirait vers lui en titubant, en empestant les effluves de tas d'alcools différents. On était pourtant même pas midi, et pourtant il était déjà à bout d'haleine, la moitié de ses cellules de la cervelle baignées dans le malt ou le raisin fermenté.

- T'es... T'es un bon gars gamin... 'Fin, sire ! D'où que tu viens ? Allez, c'quoi ton grand parcours ?




Charles souriait au comte Morion. Mais c'était pas un sourire qui mettait à l'aise. C'était un sourire très carnassier, qui affichait toutes ses dents, qui se montraient sous son nez et ses joues grassouillettes, comme un loup affamé. Il avait un profil de loup, ouais, c'était saisissant. Quelles étaient ses pensées en observant cet homme beaucoup plus prestigieux que lui ? Il souriait. Mais ses yeux ne souriaient pas avec lui. C'était même pas un sourire forcé ou gêné. Il mettait clairement mal à l'aise.
Ce n'est qu'en voyant le combat dehors, par l'une des fenêtres de la grande salle, que son attention fut troublée. Il semblait contenir sa rage, cela se voyait à sa main droite légèrement tremblante.

- Pardonnez-moi un tout petit instant. Juste... Je promet, juste cinq secondes.

En réalité il mit un tout petit peu plus que cinq secondes. Il s'éloigna de Morion et de Boson pour aller chercher ses deux sergents de mesnies, pour aller leur demander de mettre de l'ordre dans son jardin. En voyant cela, le grand argentier n'en profita pas pour faire une remarque au comte. Non. Il resta droit comme un i. Figé. Silencieux. Il ne daigna même pas regarder Morion, son attention se portant sur la pièce, sur les différents invités, et surtout...
Surtout sur l'escalier. L'escalier là, dans la salle, qui n'était maintenant plus protégé puisque le coutelas qui le gardait venait de partir avec son collègue, gourdin à la main, pour aller jeter le domestique Khalil autre part.
Cet escalier devait mener droit aux appartements de Charles. Là où devaient se trouver ses plus vilains secrets, sa correspondance, le genre de choses qui, si on fouillait bien, pourrait amener son cou dans la trajectoire du bourreau personnelle de son altesse Sigfroi.
Si le trajet de ses yeux fut équivoque, fut que ses sourcils dansaient sur son front, il ne fit pas de remarque. Plutôt, il ramena le verre à sa bouche, et reprit deux gorgées de ce vin.
C'est là que Charles revint, en passant sa main dans ses cheveux, visiblement énervé.

- Pardonnez-moi, je vous prie, sincèrement de m'excuser...
Oui, où en étions-nous ? Vous parliez de votre relation avec Boson ? Il ne m'a pas parlé de vous. Mais cela ne m'étonne pas, cela fait des années qu'il ne me dit plus rien, ce fieffé coquin.
Pourtant, vous avez raison. Notre relation est effectivement privilégiée. Après tout, nous sommes frères.

Boson prit une troisième gorgée, Charles fit son même sourire de loup, et vit peut-être, par un trait de visage, que Morion semblait étonné.
C'est vrai que Boson et Charles se ressemblaient. Ils se ressemblaient dans leurs manières, dans leurs airs, et surtout à leurs putains de crocs de canins.

- Allons. Il ne vous a rien dit ?
- Il n'est pas nécessaire qu'il sache.
- Ah... Eh bien. Tu sais Boson, les secrets, c'est comme la syphilis. Quant on en a, faut les refiler à tout le monde. Et puis, après tout, c'est pas vraiment un secret, quand bien même tu ne le cries pas sur tous les toits...
Charles « le Canin ». Avouez que ce n'est pas tellement un nom de noble. « Canin ». Je vais vous raconter une histoire, sire, vous inquiétez pas c'est pas long et vous ne risquerez pas de vous ennuyer.
Il y eut, à une époque, un comte. Comme vous. Mais beaucoup moins prestigieux, et beaucoup moins riche, puisqu'il était relégué à défendre une vieille frontière. Son titre de « comte » était simplement dû à l'histoire, pas à la taille de sa principauté entaillée de toute part comme un steak jeté à des clodos. C'était un homme bon. Gentil, fort, juste, très aimé des prêtres des diocèses qui relevaient de lui, et de ses manants à qui il garantissait une grande stabilité.
Son seul vice, c'est qu'il aimait bien la chair. Ah ça. Et pas qu'avec sa femme... Ma maman n'était qu'une gueuse, de la condition la plus crasse. La seule chose dont sa famille était propriétaire, c'était d'une misérable ferme, de deux moutons et six poules. Le comte a bien culbuté la jeune paysanne, et son ventre est devenu tout rond.
Fort heureusement, papa aimait baiser partout, mais il assumait la conséquence de ses actes. Il a accueilli l'encloquée au château, et moi, j'ai été reconnu comme son fils, même si j'avais aucune légitimité pour prétendre à son titre.
Et bah putain, grandir à ce château, ça a été la misère comme vous pouvez pas savoir ! Parce que papa était marié, et que vous devinez bien que ça la foutait mal à la mère de me voir traîner dans le château. Enfin je veux dire... Imaginez-vous, sire, que dirait votre femme si les enfants d'une autre se baladaient tranquillement dans votre manoir !
Mais moi on osait pas trop me martyriser. Pas parce que j'étais le fils du comte. Parce que j'étais grand et fort, et vicieux. Pas comme toi Boson !

- Pas comme moi... Dit à voix basse l'argentier, en forçant un sourire qui était absolument faux.
- Lui aussi c'est un autre bâtard de ce vieux comte. Mais sa mère c'était pas une paysanne. En fait, sa mère a lui, c'était une bourgeoise qui venait d'une famille qui avait quand même pas mal de moyens !
« La chienne ». C'est comme ça qu'on surnommait ma mère. On la maltraitait, on l'humiliait en public, et mon père il osait rien dire à sa femme, il lui faisait peur, je crois... Et donc moi, j'étais le fils de la chienne !
Son altesse Sigfroi était à cette époque en froid avec le Roi des Langres. Et, sérieux, à cette époque, on craignait une guerre ! Alors il a ordonné l'édification de nouveaux châteaux, des ouvrages militaires pour ceinturer son duché.
C'est comme ça que j'ai reçu un titre. Un bel édifice bien armé et garni de 60 soldats, rien que ça. Boson aussi, c'est comme ça qu'il est devenu Boson d'Andaral !

- Longue vie à son altesse, dit d'une voix froide et monotone l'argentier.
- Ouais !
Et pis il s'est passé d'autres trucs après. Mais bon... J'vais pas vous ennuyer avec toutes ces histoires. Toujours est-il, que, quand j'ai dessiné mon propre blason, j'ai décidé de signer toutes mes lettres comme ça. « Charles le Canin ». Au départ, on traitait ma mère de chienne pour m'insulter. Mais très vite, tous ces nobliauds, tous ces jaloux... Ils se sont mis à me craindre. Et à me respecter. « Chien » c'était plus une insulte. C'était une marque de respect.
Je me rappelle que j'aboyais quand je devais faire des chevauchées...
Avez-vous déjà tué quelqu'un, sire ? C'est une émotion toute particulière qu'on éprouve... Pas bonne du tout, les Dieux m'en gardent. Mais... Pas mauvaise non plus...


Boson se mettait à serrer les dents. Le ton avec lequel Charles avait dit ça était clairement celui de la menace. Mais il semblerait que ce n'était pas Morion qu'il était en train de menacer. C'était bel et bien l'argentier qui se trouvait à ses côtés qui se trouvait mal à l'aise.
Ou, non, pas mal à l'aise. Mal à l'aise ça voudrait dire que Boson en a peur. Tout à l'inverse, il semblait avoir envie de détruire sur place le petit baron qui tenait cette réception.

- Pardonnez-moi. Je m'emporte. C'est vous que je dois mettre mal à l'aise, sire Morion.
Je suis désolé, vous devez croire que je vous abandonne... En fait, je compte simplement m'absenter un instant. Mais je reviendrai vite.
Bonne journée à vous, sire.
Quant à toi, Boson... Un plaisir de t'avoir revu.


Ayant dit cela, Charles s'éloigna. Il reposa son verre qu'il tenait entre ses doigts sur un meuble en bois, n'arrêtant pas sa marche tout droit vers l'escalier. Il en remonta les marches deux par deux, pour filer discrètement à son bureau. L'argentier était devenu rouge. Mais sitôt éloigné de Canin, il ferma les yeux et reprit une composition, il retrouva son calme habituel et saisissant.

- Son bureau. C'est sûrement l'endroit qu'il nous faut...
Hmm...

Il sourit à lui-même avant d'à nouveau hausser le ton, très fort, et s'éloigna en marchant en arrière, une main dans le dos, l'autre pinçant les pieds de sa coupe presque vide.

- Retournez donc voir votre amie, sire Morion ! Mais ce soir, nous aurons encore beaucoup à discuter.




Un homme attendait dans l'entrée, lorsque le chevalier de Nouet s'approchait. Il aperçut son visage, pinça les lèvres, et l'invita à entrer.
Presque au même moment, juste à côté, les deux sergents de mesnie balancèrent Azhim dans l'allée. Le laissant là, totalement groggy. C'est alors que l'un d'eux se pencha, et commença à ouvrir ses vêtements.

- Tu fous quoi ?
- Il a p'têt un truc sur lui ! Une bourse ou quelque chose !
- Laisse-le. Il est très bien où il est. Viens donc à l'intérieur où on va s'faire mal voir.
- Pffft. Il a que dalle.


Ils le laissèrent là, et s'éloignèrent.
Lorsqu'il rouvrit ses yeux, Azhim fut prit de ce qui était peut-être le pire mal de crâne de son existence. Mais il était... Seul.
Seul. Pas dans la rue sur le pavé. Pas non plus dans le jardin. Il était quelque part. Il était dans une ruelle, toute juste adjacente au manoir. Il put alors vite observer à quel point l'endroit était totalement mal défendu. Aucun garde ne patrouillait ici, les fenêtres des étages supérieurs, des bureaux de Charles, étaient grandes ouvertes.
Et surtout, il y avait, là, sous un tout petit escalier de pierre, une porte. Elle menait vers le sous-sol de Charles. Elle était sommairement verrouillée, rien que deux aiguilles ne sauraient pas défaire... Ou alors un bon coup de pied pour la défoncer. Sur quoi le sous-sol donnait-il ? Probablement de la nourriture, de l'argent, on ne pouvait pas trop savoir, en tout cas le genre de bêtises qu'un noble mettait dans son sous-sol.
En observant par pur hasard à travers une fente de la porte en bois, il crut bien voir une salle complètement noire, plongée dans l'obscurité... Et pas de gardes. Du moins, pas là. Peut-être dans d'autres pièces adjacentes.
Soudain, il crut voir quelque chose. Un homme, s'approcher. Azhim s'éloigna et se cacha plus loin dans la ruelle. La porte du sous-sol s'ouvrit. Un domestique en sortait, les habits couverts d'une mélasse noire, de poussière et de suie. Il toussait très fort, comme s'il crachait ses glaires. Il referma la porte derrière lui et la verrouilla, puis parti s'éloigner plus loin. Qui était-il ? Sûrement un employé de la maison. En tout cas, il sifflotait de façon bien heureuse et s'éloignait en faisant de petits pas.




Eadwin se devait de courir pour rattraper le cheval. C'était un peu dur, mais il parvenait, en tenant à la main son épée, à passer devant la Porte des Anges, sous le regard médusé de miliciens qui ne comprirent pas trop pourquoi ce gars était si pressé. Ils écarquillaient très clairement leurs yeux en le voyant sprinter comme un malade. Ce devait être le gars le plus pressé de quitter l'Esplanade de tout Marbrume.

Fort heureusement, l'écuyer était très facile à traquer. Peut-être parce qu'il faisait marcher le cheval au pas, ne trottant que lorsqu'il avait de la marge de circulation. Peut-être aussi parce que son cheval était tout blanc, un beau palefroi qu'on pouvait reconnaître parmi les rares bêtes un peu partout.

En tout cas, il alla, un bon moment, l'écuyer sur son cheval. Eadwin se retrouvait au milieu d'une foule pas trop compacte, remplie de gens qui vaquaient à leurs occupations. Il était en plein dans le Bourg-Levant.
Il aperçut qu'il y avait un attroupement de plein de gens, devant un grand bâtiment de bois aux portes placardées, et gardées par un milicien. Il pouvait entendre des rumeurs, des éclats de voix.

- C'est horrible ! Pauvre monsieur Bureau ! Il était si gentil !
- Sa fille, surtout... Quel monstre a donc bien pu faire ça ?
- J'ai entendu dire que c'était un chevalier qui avait fait ça. Un chevalier ! Rendez-vous compte ?
- Cesse de dire des conneries que t'as entendu au goulot, crétin !


Qu'importe. Eadwin était pas là pour observer des rumeurs d'un fait divers. Il se devait de poursuivre l'écuyer. D'ailleurs, avec tout ce monde, il l'avait complètement perdu.
Enfin, il avait perdu l'écuyer. Pas le cheval. Parce qu'après avoir marché une bonne minute, il observa la même bête, la même selle, la même robe, attaché à un piquet, juste devant un très beau bâtiment. Une taverne, appelée « les Fleurs du Malt ». Peut-être que l'écuyer s'était arrêté pour une boisson ?
Impossible. Lorsque le chevalier s'approchait, il vit que la porte d'entrée était fermée. Pourtant c'était bien là que l'écuyer était allé. Ce ne pouvait être que là. Il regarda par la fenêtre, et l'aperçut, très brièvement, de dos, en train de traverser derrière la salle de la taverne et à travers une porte.

Il ne pouvait pas rester bêtement devant la porte d'entrée, Eadwin. Pas avec tout ce monde, il pouvait pas se permettre de la défoncer et d'entrer. Pis la milice rôdait.
En revanche, en faisant le tour du bâtiment, il aperçut également une grosse double-porte en bois, derrière une ruelle. Mais celle-ci était bien verrouillée, le bois était gros et épais. Il pouvait tenter de la défoncer, d'entrer de force, mais il ne put tenter d'observer ou écouter aux portes.

Une piste perdue ? A voir comment le chevalier allait réagir devant cet obstacle...




- Messire Geoffroy ! Pardonnez-moi, vous venez juste quand je pars !

Boson venait juste de quitter Morion quand il tomba sur le chevalier.

- Où est sire Eadwin ? N'était-il pas censé être avec vous ?

Il attrapa un bras du brave soldat de Traquemont, et l'empêcha d'accéder à la grande salle.

- Qu'importe... Observez. Observez bien autour de vous.
Pas les invités, les lieux. Combien d'escaliers pour aller à l'étage ? J'en vois un ici, dans la grande salle, mais c'est tout... Et combien de gardes ? J'en ai compté cinq depuis mon arrivée, cinq différents, mais on dirait qu'ils se relayent pour patrouiller un peu n'importe où...
Ah, qu'importe, qu'importe... Allez donc vous « amuser » avec les autres nobles. Mais... Si vous pouviez tenter d'accéder aux autres pièces. A la cuisine, à la cave à vin, aux chambres... Toutes les informations que vous pouvez trouver seront merveilleusement utiles.


Il donna une tape dans le dos du chevalier et s'en alla à nouveau, repartant observer tout le monde, tout cet attroupement de nobles qui était limité à la grande salle et au jardin.

Croquis de la maison:




Enguerrand observait sa fille de loin. Avec qui elle parlait ? Cela ne lui plaisait pas du tout de voir la chair de sa chair en train d'échanger de petites messes basses avec une blonde. Quand bien même cette blondasse était sympathique à regarder... Enfin. Il croyait. Avec le taux d'alcoolémie dans son sang, le prévôt serait capable de baiser n'importe quoi, même un homme, et tout de même trouver son pied.
D'ailleurs, est-ce que c'était pour ça qu'il arrêtait pas de coller Wilhem à lui ? Il fallait espérer que non. Il lui caressait le bras avec douceur et tact, et maintenant, sa main ne retenait déjà plus le bras du chasseur, mais sa joue.
Il l'amenait près de la fontaine, où se trouvait le haut-prêtre, ainsi que quelques autres invités.

- Mon héros ! Mon beau chevalier ! Ah là là, comment tu lui as foutu une raclée à l'aut type, seigneur Maltorché !
Qu'on m'apporte à boire !

- Enguerrand... Je pense que tu as trop bu...
- Et toi, j'pense que t'as pas assez bu. Il eut un temps où t'étais plus sympa que ça, Nathaniel. Pourquoi t'es autant casse-burnes tout d'un coup ?

Traiter un haut-prêtre de « casse-burne » était assez inhabituel. D'ailleurs, Nathaniel parut choqué un moment, les yeux écarquillés, et basculant son buste en arrière.

- Ah, fais donc pas cette tête ! Je...
Oh putain... Attends moi deux secondes ma puce, je... Je vais vomir.


Il colla sa main aux fesses de Wilhem avant de vite s'échapper au galop, la main couvrant sa bouche. Le haut-prêtre semblait très triste. Contrairement au châtelain qui était à ses côtés, qui lui ne put s'empêcher de grimacer de dégoût.

- Quel déchet. Je n'arrive pas à croire qu'un tel homme est officier du son altesse !

- J'ai peur... Dit le haut-prêtre. Il risque d'y perdre son emploi à se comporter ainsi.
- Vous êtes un homme de foi, monseigneur Nathaniel. Pourquoi ne tentez-vous pas de le ramener dans le droit chemin ?
- J'ai déjà essayé. Tant de fois. La seule chose qui le fasse encore tenir un peu, c'est l'amour qu'il a pour sa fille. Tout cela ne serait jamais arrivé si seulement son fils n'avait-

Il parlait un peu trop le prêtre. Il s'en rendait compte quand il aperçut les petites mirettes de Wilhem l'observer, juste à côté. Alors, il toussa pour se dégager la gorge.

- Pardonnez-moi, mon bon monsieur, je ne pense pas que ce sont des discussions faites, pour... Heuu...
- Ah, laissez-le donc. Qui ne connaît pas les putains de rumeurs sur Enguerrand de toute façon ?
Le pire c'est que quand il boit pas il ressemble pas du tout à ça. C'est un homme normal. Droit dans ses bottes. Mais il boit tout le temps. Et il est tellement facile à manipuler...
Il va être viré. Un déchet comme lui peut pas être prévôt. Peut-être pas demain, mais dans quelques temps, il sera à la rue.

- Sûrement... C'est inévitable... Je ne comprend pas.

Nathaniel eut un regard bien triste, il baissait les yeux. Le châtelain, lui, restait droit, les bras croisés. Il observa le valet bien ridicule, des pieds à la tête, avant de pouffer de rire.

- Vous travaillez pour Boson, donc ? Et c'est lui qui a insisté pour vous habiller comme ça ?
Je ne sais même pas quoi en dire... C'est tellement, heu...

- Excentrique.
- J'allais dire « c'est pédé comme tout » mais ouais je suppose qu'il faut dire « excentrique » pour rester poli, mon père.
Je suis Robert du Montcassel. C'était très mal combattu tout à l'heure. J'ai jamais rien vu d'aussi ridicule. Vous vous battez comme une fille, jeune homme.


Il avait un sacré culot de dire « jeune homme », car Robert paraissait très jeune. Il n'avait que peu de poils de barbe, et n'avait pas l'air très viril, malgré sa haute stature, sa grande taille, et ses bras très musclés, qu'il croisait sur son torse.

- Alors alors. Vous bossez pour le grand argentier, ça, ça vaut de l'or. Je suis sûr que vous avez plein de trucs à nous dire sur lui.
Est-ce que c'est vrai qu'il vit tout seul dans son manoir ? On voit jamais personne traîner chez lui, personne à part ses miliciens dont il est entouré...
Il vous paye bien, au moins ? Il vous traite bien ? Est-ce qu'il sort ? Est-ce qu'il voit des gens ? Qui sont ses amis ?

- Je doute qu'il vous dira quoi que ce soit. Un domestique c'est fidèle.
- Hmpf. Commencez pas à parler comme s'il n'était pas là, Nathaniel.
Alors, dis-moi tout. Qui es-tu. Que fais-tu dans la vie ? Essaye de te rendre un minimum intéressant ou bien tu n'es pas digne de mon temps. De notre temps.





Marguerite de Brétily était une toute jeune femme en fleurs. Elle n'était âgée que de seize ans et paraissait être une dame étonnamment pure. Elle était habillée très chastement, entièrement recouverte, son beau cou entouré d'un châle, et ses longs cheveux noirs bouclés et recouverts d'un petit truffeau. Elle n'était pas grasse, mais elle avec de bonnes joues et des fossettes, qui ressortaient lorsqu'elle ne pouvait pas s'empêcher de sourire, souvent de façon nerveuse, et de bêtement rougir.

Lorsqu'elle vit la dame de Rocheclair elle ne put s'empêcher, d'ailleurs, de faire l'un de ses bêtes sourires, en observant un peu de loin la scène de bagarre entre les bouffons. C'est d'une voix tremblante et un peu hésitante qu'elle lui répondit.

- O-Oui, j-je suis la fille du prévôt. Je... Je suis ravie de faire votre connaissance, ma dame.

Elle ne put s'empêcher de faire une révérence. Simplement parce que c'était un automatisme gravé dans son éducation stricte prodiguée par sa mère.

- C'est vrai qu'ils sont... Amusants. Même s'ils sont plus ridicules que gracieux. Mon père m'amenait souvent voir des joutes et des tournois de chevaliers, c'était très divertissant, j'aime beaucoup ça.


En fait, cela se voyait à son sourire, c'était pas le fait que des gens se donnent des dérouillées qu'elle aimait. C'était les chevaliers. Ces beaux hommes musclés, couverts de sueurs, luttant de façon barbare et athlétique. C'est là qu'elle avait découvert ses sentiments nouveaux de jeunes filles, quand bien même elle n'était pas mariée et était la parfaite petite vierge chaste, qui réservait le don de Serus pour son âme sœur. Ou, plus réalistiquement, pour le promis que papa aura décidé.

- Je... Je vous prie de m'excuser, pourrions-nous parler dans un endroit un peu plus à l'écart ? Je... je n'aime pas trop la foule.

Ayant dit cela, elle s'éloigna vers le grand jardin, le labyrinthe de buissons qui se trouvait tout près. Il y avait là plein de bêtes qui grouillaient, dans les parterres de plantes et tout le bordel. Mais malgré ce petit écosystème humide, c'était assez agréable.

- En fait, ce n'est pas que je n'aime pas la foule, mais... Mon père, il n'aime pas trop me voir parler à d'autres gens. En fait, c'est moi qui ait insisté pour venir ici. J'aimerai bien sortir plus souvent, mais... Mes parents ne veulent pas. Et puis...

Elle soupira.

- Ne parlons pas de mes parents.
Non, parlons de choses plus légères.
Dites-moi, êtes-vous mariée, ma dame ? J'attends ce moment avec impatience, mais mon père se refuse toujours à me trouver un mari.


Dernière édition par La Poisse le Mar 19 Juil 2016 - 2:01, édité 1 fois
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Wilhem TerrefièreChasseur
Wilhem Terrefière



[Quête] Le Château de Cartes Empty
MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyJeu 7 Juil 2016 - 15:32
Aoutch. Le coup de tête, c'était vraiment déloyal. Digne du domestique.
Mais malgré les trente-six chandelles me tournant autour, je pus le voir tomber à la renverse à son tour pour mon plus grand plaisir. Et aussi entendre les ricanements des nobles se riant de nous.
Mais comment leur reprocher ? Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Azhim et moi ne savions pas nous battre. Ce qui devait leur offrir un bien piètre spectacle.. Bah ! Qu'importe ! Je ne pouvais pas affirmer me foutre complètement de l'avis des nobles sur ma personne. Mais avec un peu de chance cet accoutrement parfaitement ridicule suffirait à faire diversion sur mon physique..

Azhim se releva difficilement, et je le suivis. Visiblement, il n'avait pas encore eu son compte et donc ce simulacre de joute n'était pas terminé. Soit ! Je n'avais guère le choix, si ce n'est celui de le mettre à terre. L'inverse était vraie aussi, mais je préférais bien évidemment l'issue du combat en ma faveur..
Ce magnifique coup de boule ne nous avait pas raté, et c'est bien sonné que nous reprîmes nos misérables tentatives, qui échouaient à chaque fois, sans surprise.. C'était une scène digne d'un spectacle. Malheureusement, cette scène n'était plus au goût des nobles, qui passé l'instant de surprise et d'amusement curieux, exigeait plus à coup de sifflement et de cris mécontents.
J'esquivai encore difficilement les tentatives brouillonnes d'Azhim pour m'atteindre quand finalement, une ouverture se fit. C'était l'occasion ou jamais.. Dans un élan de concentration, je fermai mon poing, prit le temps de calculer mon coup pour enfin l'envoyer dans la face de mon rival.

Et quelle satisfaction j'éprouvai à sentir le sinistre craquement qu'émit son nez sous mon poing ainsi qu'à voir le sang gicler sur son visage. Le clou du spectacle fut sa chute, tout aussi ridicule que le fut notre rixe. Ah ! Il est passé où ton sourire satisfait hein ?! Comment tu te sens, étalé par terre, ridiculiser par celui que tu as tant méprisé il y a quelque temps ? On fait moins le fier hein, foutu domestique ?! Que pensera ta chère maîtresse qui te tient en si haute estime quand elle l'apprendra ? Parce que oui, nulle doute que ça lui reviendra, tu le sais mieux que quiconque non ?

Évidemment, je n'avais rien dit de tout ça à voix haute, mais j'espérais de tout cœur qu 'Azhim saurait lire dans le sourire mauvais que je lui lançais.
Malheureusement, le prévôt bien trop torché ne me laissa pas le temps de savourer plus longtemps ma victoire, trop content d'avoir un champion.


« Ah ah ! Bravo ! Bravo ! Génial, messire ! Quel est votre nom ?! Je vous fait, ci-présent devant tous, chevalier de Maltorché ! »


Chevalier de Maltorché.. Charmant. Le combat ne lui avait donc pas suffit, il fallait qu'il en rajoute une couche, parfait..
J'eus tout de même le temps de récurer les quelques pièces négligemment jeté. Je ne m'étais tout de même pas ridiculisé pour rien.

« Mais v'nez donc, chevalier de Maltorché ! V'nez, ayez donc pas peur ! »

Tout aussi rond qu'il était, il avait une poigne de fer ne me permettant pas d'échapper à mon triste sort. Il prit tout de même le temps de faire expulser Azhim, pour mon plus grand plaisir. C'était toujours ça de gagner, ne plus l'avoir collé à ses basques.

Enfin, une plaie en remplace une autre. Pour le coup, tout aussi riche et puissant qu'il était, le Prévôt n'était pas un cadeau. Et encore, si cela s'arrêtait à ses effluves corporelles, mélange de sueur, d'alcool et de repas à peine digéré, ce serait à la limite du supportable. Mais non. Il fallait qu'il s'accroche à moi comme la misère sur un pouilleux, baragouinant difficilement dans un langage approximatif, comme si sa langue s'embrouillait toute seule sous le coup des messages contradictoires envoyé par son cerveau noyé dans l'alcool.

« T'es... T'es un bon gars gamin... 'Fin, sire ! D'où que tu viens ? Allez, c'quoi ton grand parcours ? »

« Rien de bien intéressant messire, je ne suis qu'un domestique au service du Grand Argentier. »


Je lui répondis de la façon la plus vague possible, tout en s'essayant d'échapper à sa forte poigne ainsi qu'à sa main de plus en plus.. Baladeuse. Le bras, passait encore même si ce n'était pas un contact forcément très agréable. La joue par contre, c'était tout autre chose. Jamais je n'aurai cru pouvoir me sentir aussi mal à l'aise qu'en cet instant.
J'aurai pu me débarrasser aisément d'Enguerrand, mais il ne fallait pas oublier que malgré son attitude déplorable, il restait un noble, infiniment plus puissant que ma personne. Il était donc dans mon intérêt de rester dans ses petits papiers, surtout si il était aussi proche du Canin que le prétendait Boson..

Le prévôt m’entrainait plus de force que de gré vers la fontaine où se tenait deux hommes, dont un habillé comme le Haut-Prêtre qu'il devait certainement être. Si ma grimace de dégoût échappait à Enguerrand, ce ne devait pas être le cas des deux hommes qui le toisait, grimaçant de mécontentement devant ses assauts de plus en plus affectueux sur ma personne.. Ils ne se privèrent pas pour partager leur avis au Prévôt qui sans surprise, ne les écoutait pas, et qui atteignait des sommets dans la vulgarité..

Mais le maximum fut atteint quand sur une annonce des plus sympathiques sur son futur vomissement, il partit sans oublier de me mettre une main aux fesses. Je me figeai sur place, le rouge me montant aux joues à la même vitesse qu'il apparaît sur le visage des pucelles effarouchées, me laissant tétanisé devant les deux nobles, peu perturbé par ma présence. Ne sachant que faire, ils ne m'avaient pas encore renvoyés, je restai donc sur place, raide comme un piquet, tentant de recoller les morceau de mon égo brisé.

Mais finalement, ce n' était pas une position inconfortable. Elle me permettait d'écouter la conversation des deux puissants sans en avoir l'air. Et conversation des plus intéressantes.. Ainsi donc, le prévôt risquait sa place. Si cela se produisait, son puissant ami Charles en prendrait certainement ombrage. Qui aimerait perdre un allié avec une place si enviable ?

Finalement, le dénommé Nathaniel finit par se rendre réellement compte de ma présence en tant que personne et non pas poteau décoratif. J'aurai préféré glané plus d'information sans participer à la conversation mais ce ne fut pas le cas de mon interlocuteur, subitement intéressé par qui je pouvais bien être. Et je me demandais bien pourquoi..


« Vous travaillez pour Boson, donc ? Et c'est lui qui a insisté pour vous habiller comme ça ?
Je ne sais même pas quoi en dire... C'est tellement, heu... »



« Excentrique. »



« J'allais dire « c'est pédé comme tout » mais ouais je suppose qu'il faut dire « excentrique » pour rester poli, mon père.
Je suis Robert du Montcassel. C'était très mal combattu tout à l'heure. J'ai jamais rien vu d'aussi ridicule. Vous vous battez comme une fille, jeune homme. »


Comme une fille hein ? Robert de Montcassel n'échappait donc pas à la définition de petit nobliau pourri gâté et condescendant, persuadé d'être l'incarnation de la perfection dans tous les domaines. Je ressentis immédiatement une haine intense à son égard, mais la gardant pour moi, affichant le masque neutre du domestique modèle que je devais être.

« Alors alors. Vous bossez pour le grand argentier, ça, ça vaut de l'or. Je suis sûr que vous avez plein de trucs à nous dire sur lui.
Est-ce que c'est vrai qu'il vit tout seul dans son manoir ? On voit jamais personne traîner chez lui, personne à part ses miliciens dont il est entouré...
Il vous paye bien, au moins ? Il vous traite bien ? Est-ce qu'il sort ? Est-ce qu'il voit des gens ? Qui sont ses amis ? »


« Je doute qu'il vous dira quoi que ce soit. Un domestique c'est fidèle. »

« Hmpf. Commencez pas à parler comme s'il n'était pas là, Nathaniel.
Alors, dis-moi tout. Qui es-tu. Que fais-tu dans la vie ? Essaye de te rendre un minimum intéressant ou bien tu n'es pas digne de mon temps. De notre temps. »


« Vous savez monsieur, un domestique est surtout fidèle à la paie qu'il reçoit chaque mois.. »
dis-je en m'adressant au Haut-Prêtre.

Je finis par me retourner vers le cher Robert, aussi agréable qu'un gardien de cachot, l'arrogance et me mépris en plus. J'en viendrai presque à regretter Enguerrand. Presque.

« Et pour répondre à vos questions messires, je ne suis au service du Grand Argentier que depuis très peu de temps, alors même si je le désirai il me serait difficile de répondre à vos interrogations. Vous auriez certainement plus de chance en les lui posant directement je pense. »


Pour ce qui était des autres questions.. Que faire ? Inventer une histoire de toute pièce ? Je n'allais quand même pas lui dire la vérité..

« Et pour le reste, je doute fort pouvoir accéder à vos exigences et me rendre aussi intéressant que vous le désirez. Si l'on en croit l'actualité, je suis désormais Sire de Maltorché mais malheureusement je ne pense pas que ce soit une raison suffisante pour me défaire de mes fonctions de domestique envers le Grand Argentier.. Il n'apprécierait guère et je n'aimerai pas me mettre à dos un homme puissant. »

J'étais conscient d'avoir peut-être dépassé les bornes, mais l'attitude condescendante de ce Montcassel m'insupportait au plus haut point. Je n'avais donc pas résisté à l'envie de le faire quelque peu tourné en bourrique..

« J'espère vous avoir suffisamment intéressé Messire.. »


Je conclus cette phrase d'une inclinaison du torse censé être respectueuse, mais qui n'en était pas moins ironique. J'espérais cependant que Robert me dirait d'aller voir ailleurs. Que je puisse en apprendre un peu plus, voir même me rapprocher de la prunelle d'Enguerrand..
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Azhim KhalilDomestique
Azhim Khalil



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MessageSujet: Re: [Quête] Le Château de Cartes   [Quête] Le Château de Cartes EmptyJeu 7 Juil 2016 - 16:06
L'ultime coup de Wilhem avait été surprenant. Tout à fait surprenant, en effet. Azhim n'avait rien vu venir, et, sur le coup, il n'avait senti aucune douleur. Juste un gros vide, presque agréable. Sa vision s'était troublée immédiatement d'un voile noir et tout le reste lui sembla alors bien lointain. Il se sentit vaguement tomber.

Un si petit soufflet, sérieusement ?!

Son égo en prenait une sacrée claque. Et, pendant qu'on le traînait dans un lieu qu'il ne connaissait pas, Azhim avait tout le temps de fulminer. Ou plutôt, non. Pour le moment, il était beaucoup trop sonné pour penser à son humiliation ou à une quelconque idée de vengeance. Il se laissa traîner en grommelant inconsciemment et demeura un long moment seul et étalé par terre lorsque les gardes l'abandonnèrent dans ce coin.

Il roula pour se retrouver sur son dos en geignant un peu tandis que ses esprits revenaient petit à petit. Ses paupières papillonnèrent un instant, et quand il se trouva de nouveau dans la réalité, il grogna de douleur en fronçant les sourcils. Le martellement à l'intérieur de son crâne était tel qu'il avait du mal à se remémorer ce qu'il venait de vivre. Il se souvenait juste que Wilhem était à l'origine de ce sommeil forcé. Et enfin, il se sentit vexé. Terriblement vexé. Humilié au plus au point. Il venait de se faire mettre ko par cet … ce nabot ! Devant toute la cour qui plus est ! Comment Grâce allait réagir quand elle apprendra la nouvelle ? Jamais Azhim n'avait vécu pareille honte !

Ses deux mains se plaquèrent sur sa tête alors qu'il se remettait péniblement sur ses jambes. Il n'avait que très rarement bu dans sa vie, et ne connaissait donc pas les effets d'une bonne gueule de bois. Mais il était prêt à parier qu'ils étaient semblable à ce qu'il ressentait actuellement. Bouche pâteuse, vue trouble et crâne prêt à exploser. D'un revers de manche, il essuya le sang à moitié séché qui avait bien coulé de son nez en titubant vers le mur pour s'y appuyer.

- Enfoiré de Terrefière, grinça-t-il.

Ça, pour se venger, il n'allait pas se gêner. Il prendra le temps qu'il faudra pour être sûr de ne pas perdre cette fois. Il ne tolérerait pas une seconde faute de sa part et refusait que ce chasseur de pacotille ne prenne trop confiance en lui.

Seulement à cet instant, il prit le temps d'observer les alentours. Subitement concentré, il tenta de se repérer, et finit par conclure qu'il n'était pas loin de là où il était censé se trouver initialement. Plaçant ses mains en cornet autour de ses yeux, il entreprit de regarder à travers une fente de la porte, avant de reculer subitement en remarquant la présence d'un homme. Comme dit dans le mjitage – et car le joueur n'a pas l'opportunité d'aller à son encontre -, Azhim prit un peu de distance le temps de laisser l'autre s'éloigner sans omettre d'enregistrer le moindre détails.
Le domestique ne savait pas où il était tombé. Mais le comportement de cette personne était curieux en plus de l'état de ses vêtements. Il doutait que ce sous-sol soit en lien avec le bonhomme Canin, mais il espérait malgré tout. Que son immonde humiliation ait servi à quelque chose. À cet instant, Wilhem devait être en train de savourer avec délice sa victoire.

Et bien qu'il savoure tant qu'il le pouvait.

Azhim, tout d'abord, hésita à suivre l'homme. Peut-être se rendait-il dans un lieu intéressant. Enfin, il risquait de perdre une piste s'il ne se rendait nul part.
Il se résigna finalement et attendit que l'inconnu se soit suffisamment éloigné pour de nouveau s'approcher. Il retourna à la porte dans l'espoir d'apercevoir quelque chose qui lui donnerait des indices quant à ce qui se trouvait à l'intérieur, jeta un rapide coup d'oeil autour de lui pour s'assurer que personne n'approchait et essaya d'ouvrir, déjà normalement, et en s'énervant un peu plus sur la poignée en constatant qu'elle ne cédait pas selon son bon vouloir.

Redressant son dos et passant une main dans ses cheveux pour se calmer et récupérer une certaine contenance, il grinça des dents en repensant à Wilhem. Vraiment, il n'arrivait pas à se détacher de ce qu'il venait de vivre. S'il avait été un peu plus impulsif, il aurait fait en sorte de revenir directement de là où il venait pour lui mettre la raclée de sa vie. Mais il préférait se focaliser sur la raison de se présence ici. Et sur ce qui se trouvait peut-être dans ces sous-sols.

Il tenta alors, après s'être assuré qu'il n'y avait plus personne à l'intérieur, d'enfoncer la porte en donnant des coups d'épaule. Une fois, deux fois, trois fois. Si elle n'avait pas encore cédée, il tenterait alors le coup de pied.
Ce n'était peut-être – et sûrement – pas une bonne idée, mais Azhim agissait pour une fois sans réfléchir, et cela se ressentait sur ses actions. Mais il se disait que s'il trouvait quelque chose d'intéressant ici, ça rattraperait sûrement son humiliation. Et il aurait une belle avance sur Wilhem qui devait toujours être en train de faire le service.

Une fois la porte enfoncée – si elle parvint à être enfoncée -, le servant de Grâce s'avancerait prudemment à l'intérieur et tenterait de percer d'abord à travers l'obscurité avant de chercher une source de lumière, les sens en alerte, prêt à réagir au moindre bruit ou mouvement suspect.
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