Froides Nuits de Samhain (Xandra/Raime)

Le détachement évoluait difficilement et en silence. Attentif à ne pas perturber la tranquillité - trompeuse - des lieux plus que nécessaire, les soldats ne prononçaient mots ni n’effectuaient de gestes déplacés, conscients que derrière chaques souches d'arbres pouvait patiemment les attendre une mort peu enviable.
De l'eau jusqu'aux genoux, Raime ouvrait la marche, la bête à ses côtés faisant office d'yeux et d'oreilles pour le petit groupe constitué d'une demi-douzaine de têtes prêtes à tombées. D'ailleurs, c'était la raison pour laquelle on l'avait exceptionnellement affecté à la Milice en charge de l'exploration des terres. Il avait beau expliquer que son doberman n'était pas un traceur, on s'était évertué à lui enfiler un bout de tissu déchiré sur le museau, ce qui n'avait débouché qu'à une cicatrice à l'avant-bras d'un quidam.

Les coutillers avaient reçu l'ordre de constituer un groupe don la mission était de chercher, trouver et protéger des marchands liant Marbrume aux villages en périphérique.
Beaucoup décelait l'anguille sous la roche. Personne ni même ces tarés de marchands ne prenaient le risque de s'aventurer ici. Par ailleurs, peu de commerçants valaient aux yeux de la ville un tel déploiement de ressources.
Raime cessa d'y réfléchir pour de bon. Il lui était impossible de connaître son véritable objectif, alors il se contenta de patauger les sourcils froncés et les sens en alerte.

Une heure de marche plus tard, ils s'étaient fait surprendre par la nuit et le vent glacial bien connu de la période. En revanche, ils furent heureux de fouler un sol ferme et sec que jalonnaient de minuscules collines. Le sol constitué d'un sable noir formait une démarcation avec l'argile gorgée du marais qu'ils avaient foulés plus tôt.
"La végétation se fait rare par ici. Moins de recoins à surveiller. Tant mieux, ça fait moins de stress..."
Quelque chose le poussa.
A raison d'une seconde pour chaque mouvements, il lâcha sa torche d'une main, chopa le coutelas dans sa manche de l'autre, se coula le long de son assaillant en une pirouette, lui attrapa les cheveux et découvrit sa gorge d'un mouvement du poignée.
-Stooop ! s'écria quelqu'un
Raime suspendit son geste au moment même ou sa lame allait verser le sang.
Alors, comme lors d'un réveil, son esprit repris sa lucidité. Il se rendis enfin compte que la chevelure d'un magnifique orangé sentaient trop bon appartenir à une brigande..
Il la relâcha prestement et rangea son arme tout en se tournant vers les autres membres qui avaient entretemps eux aussi tiré le fer.
-Elle ma percuté. Tout va bien messieurs.
Puis lorsque le groupe se remit en marche, il se retourna avec une certaine humeur en direction de la rousse - qui du reste lui disais vaguement quelque chose - et la regarda dans les yeux:
-Fais plus attention à tes pas si tu tiens à ta vie.

Xandra, il fallait bien l’avouer, avant encore du mal à s’acclimater réellement à cette nouvelle vie. Elle n’était probablement pas la seule dans ce cas là, certains visage trahissaient la lassitude, la panique, peut être même la déception. Regrettait ils leurs choix ? Durs à dire…

Se mentir à soi même était bien illusoire et inutile. Elle avait peur, comme tout les autres, chaque fois qu’elle devait mettre le nez dehors, et puis on ne lui rendait pas la vie facile, même si les choses s’arrangeaient doucement avec certains.

Les fangeux hantaient souvent ses cauchemars lors de ses nuits trop courtes. Mais sans eux, l’ancienne voleuse ne serait pas là à piétiner dans la boue et étonnement elle préférait être là. Quitte à y passer, autant que ce soit pour la bonne cause. De toute façon, que ce soit en tant que milicienne ou hors la loi, elle ne finirait pas ses jours la peau ridée dans une jolie maison bourgeoise. C’était sûrement mieux comme ça.

Pour l’heure, de la boue jusqu’au cuisses, la jeune femme pataugeait, peinant plus qu’autre chose à suivre le rythme, et on ne manqua pas une occasion si facile de lui faire des remarques. Xandra se contenta de maugréer en les regardant se moquer alors qu’ils la dépassaient tous de deux têtes…

Elle avait été un peu étonné de se retrouver encore une fois dans le même groupe que ce fameux Raime et son chien, manque d’effectif, probablement. Contrairement à certain elle était plutôt contente qu’il soit là, lui et son chien étaient efficace.

Parlant de mission, celle en cours laissait la voleuse songeuse, qui était réellement ses soit disant marchands ? Prendre le risque de perdre une dizaine de miliciens alors que Marbrume peinait déjà à recruter...Tout ça ne lui disait rien de bon et on ne leurs avaient sûrement pas tout dit. Quoiqu’il en soit, s’ils réussissaient, la solde serait sûrement plus conséquente et elle ferait parler d’elle en bien.

Morose, la jeune femme, sur ses gardes, ne cacha pas son plaisir quand la boue céda la place au sable sous ses pieds. Avec un sourire satisfait, Xandra, tapa le sol plusieurs fois, une partie de l’argile accumulée sur son pantalon de cuir s’échoua dans le sable. Le milicien n’avait pas tord, ils étaient en bien meilleur posture et la tension diminuait lentement tandis qu’ils continuaient de progresser. Reprenant son rythme de marche soutenu, la petite femme rattrapa les trois miliciens de tête. Habitué à évoluer de nuit, l’obscurité ne provoquait aucune peur chez la jeune femme, d’autant que la lune était haute ce soir là et que les flambeaux étaient déjà allumés. Le vent cinglant lui arracha un frisson alors qu’elle levait ses yeux bleu vers le ciel un instant.

Épuisé par les heures de marches, Xandra, qui s’était coltiné deux services d'affilée, eut juste le temps de comprendre ce qui lui arrivait sans toutefois pouvoir réagir. Le croche patte de Deron était parfait. Elle ne se méfiait pas assez, pour elle ils étaient sa famille, comme les gosses de la rue l’avaient été avant eux, mais il y avait des failles dans son raisonnement, la preuve en était…

S’écrasant contre le dos de Raime la jeune milicienne se retrouva face à lui, la poigne puissante du brun sur sa chevelure la fit grimacer, elle retint un gémissement par fierté. Ce dernier allait la tuer elle en était certaine. Sans l’intervention d’un de leurs il en aurait été terminé. Xandra n’avait rien put faire d’autre que de lui offrir son regard le plus mauvais, maigre consolation face à la double humiliation qu’elle venait de subir. Son cœur battait la chamade, cognant tellement fort dans sa poitrine qu’elle était certaine qu’il pouvait l’entendre. Elle se demandait à présent qui de lui ou des Fangeux représentait la plus grande menace du soir ?

Tout vas bien ? Parle pour toi ! cracha la rousse en colère. Son regard quitta celui trop dur à soutenir de Raime pour chercher celui de son collègue régulier.

Je veux bien fermer les yeux sur tes conneries à la caserne mais pas ici. Touche moi encore une fois et j’te jure que je t’arrache la gorge avec les dents.

Devon écarlate allait répliquer mais celui qui venait de lui sauver la vie posa la main sur son épaule. Les autres jugèrent bons de ne rien ajouter.

Pas ici, vous réglerez vos comptes une fois rentrée, si on rentre…

Ne relevant pas la mise en garde ou la menace de Raime, peut importe ce qu'il en était, Xandra se remis en route, augmentant la distance entre elle et lui, tentant de retrouver son calme et d’apaiser les battements de son cœur.

Les minutes s’écoulaient trop lentement, toujours pas traces de ceux qu’ils étaient venus chercher, ni des fangeux ou de quelconques menaces. Sans son instinct de survie Xandra somnolerait déjà. Soudain, son regard brillant se tourna vers l’Est. Du coin de l'oeil elle s'aperçut que le chien avait tourné la tête dans cette direction lui aussi. Le son était lointain, à peine audible, la plupart ne semblait pas l'avoir remarqué, mais elle n’avait pas rêvé.

On dirait bien que la chance nous souris...

D'un geste du menton elle désigna la direction du cris que le vent avait porté jusqu'à eux.

Raime compris aux menaces proférés sur Deron que cette femme était animés par le doute plus que par la confiance en soi. Aussi cela pouvait s’expliquer par le fait qu'elle était une femme dans un milieu d'homme, du moins le supposa t-il, il n'en savait rien.
Mais ce qu'il savait en revanche c'est à quel point le comportement de ces "frères" d'armes laissait à désiré, et il compris soudainement l'impact psychologique qu'avait eu son geste. Il était loin d'avoir des remords. Il avait juste compris.
Toujours est-il qu'une fois l'incident passé, Raime s'approcha de Deron durant la marche, interrompant une énième blague vaseuse. C'était son truc. Il se destinait à être le gai luron du groupe, veillant à la santé mental de chacun en proférant touts les calembours de son répertoire qui, au lieu de détendre l'atmosphère, l'alourdissais et la rendais irrespirable.
-Deron. La prochaine fois que je manque de tuer quelqu'un par ta faute, tu peux être sûr que ce quelqu’un ce sera toi.
Les mots avaient été prononcés comme l'affirmation du beau temps. Il laissa ses paroles suivre leurs cours dans le vent.
Deron ne pipa mot. Il aurait sans nul doute répliqué si son honneur avait été mis en jeux à haute voix, mais Raime avait pris soin de parler à voix basse afin de ne pas offrir un autre spectacle anxiogène au groupe.
Puis ensuite la rousse dit quelque chose à propos de chance. Elle était assez loin de lui, il ne comprit pas tout. En revanche, il vit son chien. Ce dernier commençais à adopter la position de chasse tandis qu'il trottinait de plus en plus vite.
Raime posa la paume de sa main sur la garde de son épée.
Les pas se pressèrent. Ils pouvaient à présent tous entendre les cris de détresses ainsi que de guerres.

Tout le monde couru, fer au poing, coupant à travers un amas sablonneux.
Derrière, se tenait quatre hommes d'âge mûre, peut-être trop pour la tache qui les attendaient. Ils faisaient barrage, lame tendue vers l'ennemi, entre des enfants et des femmes tétanisés que trois fangeux lorgnaient avec gourmandise. Un autre, plus en retrait, les mains au niveau du visage, s’attelait à dévorer ce que Raime prit au départ pour un très petit chien ou un lapin.
Puis il se souvint que les fangeux se nourrissaient exclusivement de chaire Humaine.
Sans un cris, il chargea droit sur eux. Peut-être qu'il n'était question que de paysans, peut-être qu'il allait mourir pour des clodos et que son véritable objectif l'attendais quelque part. Mais il ne pouvait se permettre de tergiverser. Les probabilités, même infimes, le forçait à considéré le fait que ceux là pouvaient potentiellement être sa mission.
En une enjambé, il arriva à la hauteur du fangeux occupés à mastiquer. Ce dernier jeta son paquet à terre, et très vite chercha la confrontation.
Ses mouvements n'avaient rien de naturels. Il n'avait cure de se mettre à portée de taille. A raison, puisque Raime n'avait tout bonnement pas l’occasion de respirer, et encore moins de l’attaquer, submergé qu'il était par les attaques à répétions. C'était la première fois qu'il s’engageait dans un combat singulier avec fangeux. Il avait entendus parlé de leur force phénoménale, de leur vitesse spectaculaire, de leur mépris de la mort les poussant à agir d'une façon imprévisible.
Derrière lui, il entendit des clameurs guerrières.
Un coup lui fut porté au bas ventre. Il tenta le tout pour le tout et entrepris de le dévié de sa lame mais le résultat escompté ne fut pas.
Le choc de sa lame contre les griffes se répercuta tout le long de ses bras jusqu'à ce que son corps entier fusse prit d'un tremblement incontrôlable. La sensation que tout ses os se fissuraient était d'autant plus désagréable qu'elle était ponctuée de cette inquiétante note de réalisme.
Sonné, un genou à terre, il ne dût sa vie qu'à l'intervention de la bête qui, dans le dos de l'ennemi, surgit à la manière des ces fauves venues de pays exotique.
Le bête bondit, se cabra et tomba lourdement sur le fangeux. Ce dernier vociféra en griffant la terre lorsqu'une gueule le tira inexorablement loin de Raime qui reprenait peu à peu constance. Lors-qu’enfin le monstre se retourna pour se débarrasser du chien, il avait disparut.
Il voulut se relevé, mais Raime lui signifia son désaccord en lui tranchant la tête d'une telle façon qu'il n'aurait pas eût à rougir face à un bourreau de métier.
Le guerrier s'éloigna des combats, titubants, le souffle court et la vision trouble. La surcharge d'adrénaline pouvait faire de n'importe qui une véritable machine de guerre, mais elle mettait à l’épreuve l'esprit ainsi que le cœur du combattant, comme toutes les drogues excitante.
Mais il tenu bon, et replongea dans l'enfer de sang qu'était cette escarmouche dont personne n'entendrais parler et que tout le monde oublierais.

L’attitude du chien ne laissait plus place au doute. Accélérant le pas, les miliciens ne tardèrent pas à atteindre leurs but, ou à défaut, des gens qui avaient besoin d’aide, ce qui pour elle revenait au même. Xandra prenait à cœur la tâche qui consistait à venir en aide aux survivants, c’était l’une des choses qui la faisait aimer cette nouvelle vie, ça, dormir au sec et manger correctement tout les jours.

Habitué à combattre contre des Hommes de la pire espèce depuis longtemps, elle avait encore beaucoup à apprendre concernant les Fangeux, elle devait connaître ses ennemis sur le bout des doigts si elle espérait avoir l'avantage et c’était encore loin d’être le cas, d'autant qu'ils étaient fort et trop rapide...La situation n’était pas critique, du moins à ce qu’elle pouvait voir quand elle relevait les yeux.

Arrivé parmi les premiers au contact, elle n’avait eu que l'embarras du choix, si l’on pouvait dire ça. Prenant son temps, la vision qu’elle donnait de prime abord en agissant de la sorte pouvait être choquante. Xandra était ce qu’on appelait communément une...fourbe, attaquer de front ne lui donnerait jamais un quelconque avantage et la mêlée était trop confuse. Ses yeux balayait la scène tandis qu’elle dégainait et que les bruits de lames, les cris, les gargouillis infâme, de crocs aussi, commençaient à faire monter l’envie en elle, lui faisant oublier la peur, lui donnant les armes dont elle avait réellement besoin pour affronter ce qu’ils ne devraient pas avoir à combattre.

Parfait. L’ancienne voleuse plongea, trancha la chair du dos de son adversaire dans toute la longueur, elle roula, attaqua une deuxième abomination, esquivant une morsure d’un bond en arrière, insaisissable. La vivacité et la légèreté était ses véritables armes, ses dagues elles, n’était que l’extension d’elle même. Couverte de sang, un sourire malsain se dessina sur ses lèvres.

Tuer, elle n’avait jamais aimé ça, du moins elle avait tout fait pour s’en convaincre, depuis le premier homme à qui elle avait ôté le vie. Il était difficile pour elle de tuer un père, une sœur, un amant, mais écorché ses créatures sans âme ne lui posait aucun cas de conscience. Toujours souriante malgré la blessure qui la tiraillait au cou et dont elle n’avait pas conscience, elle continuait de frapper tout ce qui passait trop prêt. L’adrénaline faisait son oeuvre, Xandra ne sentait plus la fatigue, la douleur, son sang qui souillait le tissus sous le cuir, inconsciente des erreurs que la pression imposé par les fangeux lui faisait commettre.

Un coup de trop lui fit tourner la tête, la créature humanoïde n’avait pas déchiré le cuir mais l’impact dans son dos lui leva le cœur. Un de ses collègues la débarrassa de son assaillant sans qu’elle ne puisse voir qui dans la pénombre, ses yeux humides lui brouillant légèrement la vue.

Elle passa une main ensanglanté dans ses cheveux pour dégager les mèches rebelles de son visage, le rouge se mêla au roux. Profitant d’un temps mort, elle s’accroupi quelques secondes, reprenant son souffle. La jeune femme porta instinctivement la main jusqu’à sa blessure. Griffures. Elle se releva tant bien que mal alors qu’un énième fangeu courait dans sa direction. Bon sang, ça n’allait donc jamais finir ? Elle se demanda comment s’en sortait les autres ? Combien allaient encore y rester ? Cette pensée raviva le courage qui commençait à lui faire défaut et sa lame repoussa une attaque qui l’aurait sûrement éventré.

Encore une fois l’impact avait été lourd, difficile. A présent elle se contentait de reculer, encore et encore, touchant sans parvenir à blesser réellement. Ses yeux ne quittaient plus la morsure sur le torse de son adversaire. Si seulement elle n’avait pas doublé ses heures... Peut être qu’elle allait y rester. Xandra se demanda si elle n’aurait pas préféré la lame de Raime. Non, mourir n'était pas envisageable.Sans même s’en rende compte, la milicienne reprenait doucement l’avantage, les bruits de lames se faisait plus rare autour d’elle.

Faites que ce soit finis... lança la jeune femme pour elle même.

Et lorsque ce fut finit, il ne restait plus rien que lui, la rousse, les femmes et les enfants - dont les maries étaient tombé au combat - ainsi que...Devon, en état de choc large et orné d'une large balafre au ventre.
-Sainte Anûr aie pitié de ton fis, Anûr par le sang de nos pères camoufle ton enfant à la mort, Anûr...
Accroupis parmi les cadavres, l'épée hors-d'usage jetée au loin, Raime se tranquillisait en réfléchissant à la situation.
Cette dernière était catastrophique. La mission était un fiasco totale.
-...Aaa...Anüur... accorde...moi... moi...
Il avait peine à réfléchir.
-...
Devon s'était enfin vidé de son sang, alors il réfléchit mieux.
Ils avaient des vivres de secours mais pas suffisamment pour le groupe qu'ils venaient de sauver aux péril de leur vie.
Il se leva et s'approcha de la rousse tout en sortant un petit tube de sa veste qu'il lui tendit:
-Palpe ton corps méticuleusement. Mets-en dans la paume de tes mains, crache, enduis-en tes plaies. Soi économe, il m'en faut à moi aussi.
Puis il se dirigea vers les rescapés qui se tassèrent le plus possible les uns sur les autres, à la manière de sardines en présence d'un danger.
-A l'évidence vous n'êtes pas ceux que l'on cherche. On ne peut pas vous prendre avec nous. Bonne chance sur La Voie.
Puis il tourna les talons, et siffla. Un léger aboiement lui signifia que le chien était en vie, et éclairait le périmètre.
"Décidément, je ne peux véritablement m’appuyer que sur toi mon vieux"
Il chercha le corps des maries décédés. Piètres combattants, ils avaient dû mourir très vite. Il en découvrit un, et lui arracha l'épée de ses mains, en parfaite état comme il l'avait espéré.
Enfin, il s’accroupit et calma les derniers soubresauts de son esprit en affutant le bord de sa lame avec la pierre à aiguisée qu'il conservait toujours avec lui, attendant patiemment le retour de l’onguent, bien que ses plaies lui cuisait déjà.
Toutefois, il allait falloir se mettre en route le plus rapidement possible, et ce en abandonnant le groupe terrifié qui n'avait, pour ainsi dire, aucune chance de survie.
Il était de ces pragmatiques.
Hors s'il y a une chose à laquelle les pragmatiques doivent faire face tout le long de leur vie, ce sont les idéalistes...

Il ne lui fallut qu’une poignée de secondes pour constater l’étendue de la merde dans laquelle ils étaient rendus, mais quelques longues minutes pour que son esprit accepte l’idée que tout ses collègues, ou presque, gisaient au milieu des corps des fangeux.

Sans la main de Raime tendue devant elle et sa voix rauque elle serait probablement encore perdue dans la contemplation des cadavres. Se faire surprendre ne lui arrivait jamais, mais cette nuit il en était autrement, elle était épuisée et un peu choquée, il lui fallait bien l’admettre. Elle sursauta et attrapa l’onguent dans la large main du milicien, un peu étonné.

Je ne serais pas longue répondis Xandra avec un signe de tête en guise de merci.

Avec un profond soupire, Xandra se détourna et se laissa choir un peu plus loin. Tout en regardant les victimes agglutinés les unes aux autres avec un maigre sourire qu'elle voulait rassurant, elle suivit les conseils de Raime. Elle laissa ses doigts parcourir son corps. A part son cou elle s’en tirait plutôt bien, le reste pourrait attendre le retour. Si retour il y avait…
Attrapant la pèlerine d’un des miliciens, elle essuya le sang et fit tomber un minimum d’onguent, probablement pas assez, dans ses mains, cracha comme un homme et appliqua le mélange contre son cou. La douleur lui fit fermer les yeux et tourner la tête. C’était beaucoup plus profond qu’elle ne l’avait pensé.

Elle suivit du regard le brun s’approcher de groupe et écouta ses propos, elle sentit la colère naître doucement mais sûrement depuis ses entrailles, la frustration aussi, la résignation, puis quelque chose d’autre, de plus puissant s’imposa à elle, peut importe si elle avait tord.

Les propos qu’il adressa à son chien la blessèrent, elle se demanda pourquoi ce que pensais ce type l'intéressait plus qu'ils ne le devraient ? Probablement parce qu’il se trompait, oui ça devait être ça.

Xandra se releva à la hâte pour le rejoindre. Assise face à lui à bonne distance, elle lui lança l’onguent.

On ne va pas les abandonner, hors de question. Tu sais aussi bien que moi ce que ça veux dire, autant les tuer nous même, ce sera moins horrible que ce qui les attend…

Elle tourna la tête vers le petits groupe de femmes et d’enfants, vers ce tas de morts en sursis…

Comment tu peux les regarder aussi froidement et leurs dire qu’on est pas là pour eux ?

Pointant le milicien du doigt elle haussa un peu le ton.

Je vais te dire une bonne chose Raime de...de...je ne sais plus quoi et je m’en tape, les noms ne veulent rien dire de tout façon. J’emmerde cette putain de mission et les planqués qui l’ont donné, je fais parties des explorateurs et mon boulot c’est de ramener des survivants, pas des les enterrer. Et c’est ce que je vais faire ! Avec ou sans toi !

La jeune femme se releva, plus doucement, cette fois. Elle resta silencieuse une bonne minute, ses mains tremblaient. Raime avait raison bien sur, il ne pourrait pas survivre s’il devait se coltiner un tas de bonnes femmes et de gamins, il n’avait pas assez de vivre, pas assez de force, ils seraient trop ralentis, pas assez discret…

Je sais ce que tu penses, du moins je l’imagine et tu te trompes. Je ne suis pas une gamine stupide, ni suicidaire, on ne peut pas les sauver j’en ai...conscience. Mais je ne choisirais pas entre la vie de marchands et celle de pauvre gens, de gens..

Xandra haussa les épaules.

...comme moi. Si tu veux poursuivre la mission c’est avec eux, sinon tout les autres seront mort pour rien. Et j’en ai ras le cul de voir mes collègues crever dans...l’indifférence.

Nouveau temps d’arrêt, nouveau soupire venu de loin. Xandra planta ses yeux bleu dans ceux de Raime avant de découvrir son visage, s'attardant sur ses cicatrices.

Tu as tord sur un point milicien, je suis encore debout et si je peux sauver ton cul je le ferais avec autant de ferveur que ton chien.

Raime était froid, dangereux, antipathique, mais c’était un milicien et peu importait ses sentiments à son égard aujourd’hui ou demain, il faisait partie de sa famille et elle ferait tout pour qu’il ne lui arrive rien. Ce n’était pas voulu, ce n’était pas un choix conscient. Elle n’y pouvait rien…

C’est comme ça. On est de la même famille maintenant.

Pivotant vers le groupe à nouveau, la jeune femme attendait, certaine que la décision du brun ne lui plairait pas, que ça conscience allait encore la torturer, comme ses réponses, probablement...

Un curieux éclat froid scintilla dans les prunelles de Raime:
-Ton boulot c'est d'obéir, de la fermer et d'accessoirement sauver ta vie. Si tu n'est pas capable d'obéir ni de la fermer, alors sauve au moins ta vie.
Il rangea la nouvelle épée qui flotta un peu dans son fourreau, tandis qu'il s'approchait d'elle.
-La peste soit de tes commérages ! Ça ne sert à rien ce que que tu fais ! Te rend-tu compte que c'est toi et seulement toi qui motive ton comportement ? Décèle-tu l'hypocrisie de ton geste ? Que le diable emporte les altruistes dans ton genre ! Range ta conscience dans ta poche et assit-toi dessus définitivement ! Ils mourront, avec ou sans toi !
Il voulut poursuivre, mais les mots moururent en lui. Il aurait voulut lui dire qu'ils ne se connaissaient pas, qu'elle ne signifiait rien et qu'elle n'était définit par aucunes choses. Qu'il n'avait jamais eu de famille. Que les liens n'avaient d'autres vocations que d'étouffer, paralyser les êtres.
Mais en cet instant où les pétales de la faucheuse exaltait leurs parfums rance dans l'air, ou la rage s'était muée en une angoisse tout aussi dévorante et que la vie semblait si limpide une fois mise au devant du néant, il n'en dit rien.
Car Raime ne mentait jamais.
-Tu me suivras. Fusse t-il que je t'assomme.

Spoiler:

Comme elle s’y attendait, les paroles du milicien ne lui avaient pas vraiment fait plaisir et ne lui apportaient aucun réconfort, au contraire. Son regard était encore plus froid que le vent qui continuait de se lever et malgré la hargne qui l’habitait, la rousse se détourna, mal à l’aise.

Elle contempla le désastre une fois de plus, le vent lui portant l’odeur acide de la sueur, celle métallique du sang, comme pour lui rappeler avec insistance à quel point ils étaient faibles, à quel point il était illusoire d'espérer échapper à tout ça.

Sans la colère que Raime avait provoqué en elle, la jeune femme aurait sûrement déjà perdu les pédales. Elle se sentait las, faible, infiniment triste, impuissante. Aussi étrange que ça puisse paraître, le fait de se retrouver avec lui était probablement la meilleure chose qui pouvait lui arriver, il n’allait pas faillir et il ne fuirait pas en la laissant là. Xandra se tourna finalement vers lui à nouveau.

Ne te crois en mesure de me donner des leçons, je sais ce que j’ai à faire et comment le faire Raime. Il est hors de question que je la ferme, il va falloir t’y faire.

Voila, il était fixé, il avait sa réponse, sans qu’elle n’est besoin de dire qu’elle abandonnait tout le monde, parce qu’elle était trop lâche pour ça. Xandra allait le suivre, elle allait manger au lieu de filer ses rations à ses gosses rachitiques parce qu’elle ne voulait pas se résoudre à lâcher prise, parce qu’elle venait de promettre de veiller sur lui...

Tu n’as pas forcément tord, je veux bien l’admettre, mais qu’elle importance ça à maintenant hein ? Tu penses vraiment qu’on va survivre, avec ou sans eux ?

Elle avait voulu jouer la carte de l'assurance, mais l'hésitation se sentait dans sa voix. A croire qu'elle éspérait une parole rassurante de ce type, ridicule.
Sans s’en rendre compte la jeune femme se triturait les doigts.

En ce qui concerne ma conscience…

Finalement elle n’avait pas envie d’ajouter quelque chose là dessus, il s’en fichait, il ne s'intéressait à personne, probablement, à part son animal, il l’avait déjà fait remarquer. Mais c’était sa conscience qui la faisait sentir humaine, et elle se demandait bien comment elle allait composer avec ce qu’elle s’apprêtait à faire ?

Oublie ce que j’ai dis, après tout, ça ne sert à rien ? Encore des commérages comme tu dis..

Comme elle terminait de protester, en vain, sans grande crédibilité, avec une logique qui laissait à désirer, sa colère disparaissait. Elle se passa une main sur le front, avec lassitude.

Je suis prête à me remettre en route dès que ce sera bon pour toi.

Et à présent silencieuse elle resta assise face à lui, le regardant s'occuper de ses plaies.

Raime garda le silence et se mit en route sans même répondre à la question tremblotante de la rousse. Il ne s'appliqua par l'anti-douleur. Le temps qu'il s'était donné pour avait été consommé par leur petite séquence émotion.

Elle avait finie pas capituler. Quelque-chose en lui en fut soulager. Si elle avait adopté un air contestataire et élevé la voix ne serait-ce qu'une nouvelle fois, il n'aurait pas hésité une seconde à appliquer sa menace. Il savait parfaitement comment rendre quelqu'un inconscient sans le tuer ni laisser de séquelles, héritage de l'époque où il était en charge d'enlèvements et d'interrogatoire.
Leur petite interlude leur avait déjà dérobé un temps précieux. Ils se mirent à couvrir le plus de distance possible entre eux et le lieux du tapage, sans courir toutefois. Ils avaient fournis un effort intense et tout deux n'avaient ni dormis ni mangé assez ces derniers temps. Ils devaient ménager leur organisme, qui sais ce qui les attendaient avant qu'il ne rejoignent la cité ?
Ils marchaient en silence. De temps en temps, Raime lançait un coup d’œil furtif sur la rousse. Ils ne voyaient pas l'expression de son visage car la lumière de la lune ne donnais matière qu'aux silhouettes et délaissais les détails, mais il s'imaginait à peu près quel était son état mental.
- On s'arrête là pour la nuit, plus loin s'étendent les marais en eux même. Si nous y somme attaqués nous auront peu de chance d'y survivre de nuit. On dois dormir.
Il illustra ses paroles en s’allongeant contre la souche d'un arbre.
- Le chien est plus vaillant que nous. Il peut rester éveillé très longtemps et être efficace. Ne t'inquiète pas, je lui est appris à monter la garde. Oublie ce qu'il s'est passé, oublie tout. Ne pense à rien. Dors

Puis il s'assoupit sans demander son reste...
Toutefois, ce qu'il craignait arriva. L'expérience lui avait appris comment se détendre après les combats afin de bénéficier d'un repos réparateur sans risque d'insomnies, en touts lieux et en touts heures. Seulement, il avait beau se relaxer, rien ne pouvait le préserver du froid terrible qui crispait sa chaire.
"Bordel..."
Si il s'était sauvé avec n'importe quel autre Milicien, il se serait déjà blotti l'un contre l'autre sans aucunes gènes.
Hors, il lui en coûtais davantage de proposer quelque chose de se genre à la rousse plutôt que de geler sur place.
Il ne pouvait se l'expliquer. Était-ce une manifestation de son instinct de survie ayant déceler chez cette femme quelque chose qui l’écartait de toute confiance ? Sans doute...
"Aller. C'est ridicule. Aller !"
Et ce fut au prix d'un effort intense qu'il brisa le silence d'une voix basse mais grave et brusque:
-T'as froid ?
Il fut assailli par un remord qui lui était jusqu'alors étranger. Il se sentit faible, désavoué. Il se haït et il haït la rousse de provoquer cela chez lui.

La jeune femme regrettait presque les blagues salaces de Devon. Elle était habitué au silence, elle y puisait souvent le calme et le réconfort dont elle avait besoin, mais à cet instant précis elle le trouvait pesant. Parler l’aurait empêcher de se focaliser sur sa conscience, mais la rousse de disait qu’il était vain d’essayer d’engager une conversation avec Raime.

Xandra suivait donc en silence, la fatigue la faisant trébucher occasionnellement, ralentir parfois. Elle avait mal, mais elle était en vie et c’était une raison suffisante pour ne pas se plaindre. Il lui sembla sentir le regard froid du milicien à plusieurs reprises mais l’obscurité l'empêchait d’en être certaine. Il se disait probablement qu’elle était trop lente ? Bah, pour ce que ça changeait...

On s'arrête là pour la nuit, plus loin s'étendent les marais en eux même. Si nous y somme attaqués nous auront peu de chance d'y survivre de nuit. On dois dormir.

Tu as raison.

La jeune femme était soulagé à l’idée d'arrêter de marcher, de fermer les yeux, enfin ! Mais maintenant que le moment était venu elle avait comme un doute sur ses chances d’y parvenir.
La pluie avait cessé mais l’air restait glacial et puis...

Le chien est plus vaillant que nous. Il peut rester éveillé très longtemps et être efficace. Ne t'inquiète pas, je lui est appris à monter la garde. Oublie ce qu'il s'est passé, oublie tout. Ne pense à rien. Dors

Il venait de mettre le doigt sur le problème. Ne plus penser. Elle hésita à lui répondre, mais pour dire quoi ?

Je ne suis pas inquiète mentis la jeune femme avec une crédibilité relative tant sa voix était hésitante.

L’homme ne tarda pas à s’endormir, le chien allongé un peu plus loin fixait les alentours. Tout était calme pour le moment. La jeune femme s’était levé pour approché Raime avec la discrétion qui lui était propre, l’animal la regardant sans broncher.

La rousse s’était alors assise à distance respectable. Focalisé sur la respiration paisible du milicien la jeune femme finit pas sombrer, la tête sur les genoux. L’épuisement avait des bons cotés, les cauchemars moins. L’odeur du sang avait toujours eu un certain pouvoir sur son inconscient et elle en était couverte.

Xandra était incapable de dire si c’était le froid, l’humidité ou les images sombres dans son esprit qui l’avait tiré du sommeil, probablement les trois, quoi qu’il en soit elle ne chercha plus à se rendormir, serrant d’avantage ses bras contre ses jambes.

La voix du milicien brisa bientôt le silence. L’intonation de sa voix, tranchante, plus que la surprise la tira de sa torpeur et la rousse se tourna vers lui. Limite si elle n’allait pas se sentir coupable.

A ton avis con…

Puis, se souvenant qu’à part essayer de la tuer sur un malentendu ce type ne lui avait jamais rien fait de mal, rien tenté, que ceux qu’elle devait tenir en respect n’étaient plus là, qu’elle était en sécurité, qu’elle n’avait pas besoin d’être agressive, la rousse se radoucit.

Un peu.

La vie lui avait apprit que se montrer faible n’était jamais une bonne idée, surtout quand on était une femme, encore moins dans la milice. En réalité elle était transi de froid. C’était un ennemi comme un autre et elle ne faisait pas le poids.

Toi, ça va ?

Question idiote. Leurs équipements était sensiblement les mêmes.

Tu veux que je vienne ?

Il voulait sûrement en venir là. L’idée de gagner un peu de chaleur lui semblait plus profitable que son appréhension de s’approcher de lui.

"Reste où tu es. Disparait."
Il ne lui répondit pas. Il se contenta de se mouvoir vers elle légèrement, lui signifiant son accord par la même façon.
Son cœur se mit à battre frénétiquement. Il se calma et prit contrôle de sa respiration, croyant à une crise d'angoisse. Il en avait fait régulièrement à l'époque de ses premières batailles, mais elles s'étaient ensuite espacées jusqu'à disparaitre totalement. Du moins, le croyait-il jusqu'à présent.
Hors, au fur et à mesure, il comprit qu'il en était tout autrement. Il ne ressentait pas vraiment l'étau de la peur sur lui. Il était en proie à un sentiment similaire par certains points, mais différent.
Il l'entendit approcher. Il garda le silence comme un bouclier levé contre elle.
Il se surprit à regarder pesamment en sa direction. Durant un moment, il sentit moins le froid, la faim.
Il se détourna pour fixer le ciel.
Elle n'était là, mais elle était proche. Trop proche.
L'air commençais à s'emplir de son odeur. Elle l'enivrait davantage qu'un fut entier d'alcool.
Il sentait moins le froid, et pourtant il frémit.

Xandra tendit l’oreille attendant une réponse qui ne vint jamais, du moins il ne l’avait pas formulé oralement. Elle prit conscience à cet instant, alors qu’il se tournait légèrement dans sa direction que si elle voulait le comprendre, elle allait devoir apprendre un tout autre langage.

Elle hésita avant d’approcher, la milicienne n’aimait pas ça, elle ne voulait pas de contact avec les hommes. Elle faisait tout pour éviter de se retrouver dans ce genre de situation, c’est ce qui l’avait protégé toutes ses années, sa raison lui disait de se méfier, au moins, mais ce n'était pas le cas.

Agacé par ses réflexions futiles, la jeune femme se leva enfin et parcouru la maigre distance qui les séparait d’un pas hésitant. Xandra posa son regard sur lui, ressentit une boule d’émotions inconnus se former au creux de son ventre. Elle hésita à nouveau, mais la rousse savait que si elle attendait plus longtemps elle allait faire demi tour, fuir. Quoi ? Elle n’en savait rien…

Alors comme il détournait le regard, lui facilitant inconsciemment les choses, elle s’allongea, assez loin, trop. Elle pensa à ses dagues, compris instinctivement qu’elle n’allait pas en avoir besoin, les laissa de coté. La rousse avait confiance en lui, elle n’avait plus qu’à se reprendre, à respirer doucement. Rien, il ne se passait rien après tout. S’approchant d’avantage, elle posa sa tête contre son épaule, laissa une main hésitante sur son torse. La chaleur de son corps lui fit du bien. Elle ferma les yeux. Elle sentait l’odeur masculine, celle du cuir, du sang aussi, se surprit à aimer ça, son pouls s'accéléra à nouveau.

Détends toi…

Les mots étaient sortit de sa bouche sans qu’elle ne le veuille, dans un murmure à peine audible, en réponse au trouble qu'elle ressentait, qu'elle avait aussi l'impression de percevoir chez lui.

Elle était là.
Il omettait régulièrement de respirer, et ses abdominaux n'avaient de cesses de se contracter. Il sentit un poids léger, très léger sur son épaule. Il se refusa à regarder, exactement comme s'il était question d'une terrible blessure.
Puis, avec une hésitation palpable, sa main vint s'échouer sur son torse. Une onde de chaleur s'y propagea.

Il la regarda. Il vit ses paupières closes formants deux traits d'ombres sur sa peau rendus lactée par la lune. Il imagina ses yeux. Noisettes, bleus, verts, peu importe. Il s'y noya.

Détend toi...

Pour toute réponse, il l'approcha d'avantage de lui, sans ménagement. Il supposait vaguement qu'à défaut d'être doux il se devait d'être délicat, mais il n'était pas fait pour ça. Aussi, se contenta t-il donc de l'enrouler dans ses bras et de la presser contre lui.
Il sentait son souffle sur son cou. Il aurait voulut s'y échapper. Mais quelque chose s’éveilla en lui, quelque chose d'ancien, d'incontestable, et qu'il avait mis tant de ferveurs et de temps à refouler au plus loin...

- Pourquoi n'as tu pas peur ?

Raime l’attira d’avantage à lui, sans douceur. La milicienne rouvrit les yeux aussitôt, l’espace d’un bref instant elle se crispa sous ses doigts, prête à se dégager, puis elle comprit, écouta son instinct. Elle se blottit contre ce corps qui l’appelait, se serra d’avantage, comme si elle craignait qu’il ne change d’avis, comme si elle voulait disparaître.

Pourquoi n'as tu pas peur ?

La rousse s’écarta très lentement, à regret, se redressa sur un coude, ignora la douleur dans son cou, plongea ses yeux pales dans les siens. Il lui fallut un certain temps pour répondre, perdu dans la froideur de son regard, les traits durs de son visage. Il dégageait quelque chose d’animal, une puissance qui la rassurait, la perturbait aussi, elle ne le trouvait ni beau, ni laid, ça n'avait pas d'importance de toute façon.

Tu es différent. Tu n’es pas vraiment...humain.

Ce qui pour elle était l’affirmation simple qu’elle n’avait pas à le craindre tant qu’elle n'était pas une menace, comme à cet instant précis. Peu importait demain. Elle tendit la main vers son visage, se ravisa, étonné par sa propre réaction. Elle se sentit rougir, son expression changea, son cœur manqua un battement, elle détourna le regard. Pour une fois la rousse aurait préféré qu’il n’ai pas parlé, qu’elle n’ait pas à répondre à cette question. L’appréhension de sa réaction se mêla à ses autres sentiments.

Il remarqua qu'elle souffrait encore au cou. Le Milicien ne put s'empêcher de se dire qu'il lui faudrait inspecter ça demain à la lumière du jour.

- Pas humain... murmurât-il comme pour lui-même.

Il ne comprenait pas. Où voulait-elle en venir ? A sa propension à ne ressentir aucunes émotions ? A ignorer son prochain, quand bien même sa vie dépende de lui ? A être un monstre ?

- Je crois au contraire que je suis terriblement humain.

Puis il quitta son regard. Il ne voulait plus parler, il avait sommeil. Il n'était pas habitué à s'évoquer comme ça, c'était trop d'un coup. Il avait cette impression d'affronter un ennemis inconnu mais qui savait tout de lui.

- Dors.

Il avait encore froid malgré sa présence, toutefois la nuit lui fut plus supportable. Pour la première fois depuis des lustres, elle fut parsemée de rêve. A moins qu'il ne se soit juste éveillé de temps à autre, il n'aurait sût dire.

Les premiers rayons ensoleillé vinrent les réveillés. Le chien somnolait. Oubliant qu'il n'était pas vraiment seul, il entreprit de se lever prestement pour prendre la relève, mais heureusement se retint au dernier moment.

Il la regarda dormir un instant.

"Dans quelle traquenard je me suis fourré..."

- Réveille-toi. Il nous faut y aller.

Sa blessure n'avait pas une couleur désagréable. Elle était juste situé au creux du cou, et la naissance des membres son des endroits douloureux lorsqu'ils sont meurtris. Toutefois, il préférait faire vite et lui apporter un véritable apport médicinale.

-Preste-toi, tu m'empêche de partir.