Marbrume


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 Des doutes et du calme [Philippe]

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Ilhanne BarrowmerMilicienne
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MessageSujet: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyMer 1 Juin 2016 - 17:31
Un convoi pour Marbrume s’était arrêté pour la nuit à Traquemont. Ils avaient livré du matériel à Lods et étaient revenue avec un peu de viande séchée, un peu de vivre, ils en laisseraient une petite fraction au fort, pour l’abri qu’on leur fournissait.
Du haut des remparts, je les avais regardé déharnacher les chevaux, en me disant que demain, eux, ils auraient la chance de quitter ces murs et de pas y revenir. À cet instant, j’aurais donné beaucoup pour faire comme eux et partir, fuir, fallait bien appeler un chat un chat. Je voulais plus le voir, plus croiser son air de chaton soit triste soir en colère, ça me donnait soit envie de frapper sa tête contre un mur pour lui apprendre à me regarder de travers, soit ça me faisait presque culpabiliser de vouloir oublier tout ce qu’il m’avait balancé, tout ce qu’il prétendait éprouver.

« Pourquoi tu les regardes comme ça ? »

Mira, assise à côté de moi n’avait, bien entendu rien de louper de ma longue observation pensive, pour pas dire envieuse.

« Ça à un rapport avec le fait que t’évite Clo’ ? Non parce que j’te rappel que Traquemont c’pas très grand et que fatalement, tout le monde à cramé qui s’était passé un truc. Puis t’es revenue t’as aboyé sur toute personne qui t’approchait pendant au moins une heure… donc bon… »

Je laissais échapper un long soupire, j’étais vraiment un cas désespéré. Étrangement avec tout ça, je me sentais un peu perdue. Ça plus ce qui s’était passé un peu avant, dans Marbrume. Techniquement il m’était rien arrivé, mais comme un conne, je doutais, je doutais beaucoup.

« C’pas tes affaires ... »


Un ton laconique qui accompagnait une sortie pas vraiment précipité, mais assez résolu, j’avais pas envie d’en parler avec elle. Chasser avec, oui, mais discuter non. On pouvait même plus réfléchir en paix. Il y avait qu’un seul endroit dans cette fiche place forte ou personne ne viendrait me chercher des poux.

En allant vers la chapelle, je passais à côté des miliciens et de leur chariot, je les regardais brièvement, voir si j’en connaissais pas un, un qui aurait fait partie des hommes de Val, avant, mais non, aucun n’avait une gueule vaguement connue. Eux aussi, ils m’avaient regardé, un peu circonspect, je savais pas trop pourquoi, j’avais pas mon arc, rien qui laissait sous-entendre que j’étais de celle qui avait choisi de se battre, à part les vêtements bien sûr, ceux d’hommes.

La porte du petit lieu saint grinça légèrement alors que je me faufilais à l’intérieur. A travers les trous du toit et le verre coloré du vitrail filtraient les dernières lueurs du jour.

Je pensais trouver personne, mais j’avais oublié le prêtre qui avait passé l’hiver entre nos murs. Je sais pas je l’avais aperçu quelque fois dans le cours, étant pas une grande habituée de la chapelle.

Il était grand, très grand même si pas très épais, impressionnant, voir un peu intimidant. Sachant que je venais pas pour prier, je me sentais d’un coup pas très à l’aise qu’il y ait quelqu’un, surtout quelqu’un de la Trinité. D’un coup, j’avais presque l’impression de pas devoir être là, de pas en avoir le droit, même si je savais que s’était stupide, vraiment stupide.

« Je euh … Pardon… Je cherchais juste un endroit calme et …»

Mais pourquoi ces mots avaient franchi mes lèvres…
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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyMer 1 Juin 2016 - 18:24
Traquemont avait des armes. Traquemont avait de la nourriture. Traquemont avait des hommes armés et pratiquant la chasse à la fange. Pourtant, l'endroit ne ressemblait pas du tout à un château comme Philippe en avait connu dans sa vie. Ce ne ressemblait pas vraiment à un lieu de vie, plutôt à un bastion militaire, où les gens étaient froids, professionnels, attachés à leur travail. Pourtant ils étaient bien des hommes, des créatures des Trois, avec leurs propres démons auxquels il fallait vite s'adresser. Et malheureusement, il n'y avait personne de disponible ici. Philippe était arrivé à Traquemont par un pur hasard. Il était resté par convalescence. Puis il était resté parce que c'était l'hiver. Aujourd'hui, il était encore là, il n'avait envoyé quasiment aucune nouvelle à sa famille à l'Esplanade, si ce n'est qu'il était vivant et ici. Il était là parce qu'il fallait bien que quelqu'un s'occupe de ces ouailles. Lorsqu'il était rentré dans la chapelle du fort pour la première fois, c'était pas beau à voir. Aujourd'hui, on se sentait beaucoup, beaucoup plus à l'abri dans cette petite salle peu éclairée et humide.

Mais enfin bref. Le haut-prêtre avait eut quelques problèmes administratifs, parce que oui, même avec l'Apocalypse et la mort de l'Humanité, il fallait remplir de la paperasse. Il était toujours haut-prêtre du Temple, il avait toujours des responsabilités à Marbrume, et pourtant le voilà au milieu de ce château bien loin de la cité, incapable de remplir son office dans la capitale du Morguestanc. Il avait promit qu'il rentrerait le jour où on enverrait un prêtre le remplacer à Traquemont. Aucun remplacement n'était venu. A croire qu'on avait plus envie de lui.
Tant mieux, dans un sens. Philippe s'occupait de tous les sacrements du château, et pour l'aider, il avait prit Malachite pour lui servir de diacre. Le petit métèque était plein d'envie de travailler, même s'il ne comprenait pas toujours tout et qu'il harcelait le prêtre de questions sur tout et rien. Philippe avait commencé à lui apprendre à lire, des psaumes et des prières, mais c'était une tâche très compliquée et il n'avait pas assez de temps à lui consacrer. Le prêtre faisait des petites messes, quotidiennes, parce qu'il n'y avait pas du tout la place pour de grandes messes où tout le château pouvait venir ; Et puis de toute façon, la plupart des châtelains de Traquemont étaient occupés, à travailler, tout le temps, pour maintenir le bastion debout. De temps en temps, le prêtre se transformait en secrétaire, parce qu'il y avait pas mal de gens qui ne savaient pas écrire ici mais qu'ils avaient besoin de faire remonter des ordres ou des demandes à Marbrume. Ce n'était pas trop dérangeant, mais là aussi, on manquait cruellement de papier, qui coûtait très cher. On manquait de bois et de pierre aussi, et d'encens, et d'objets pour les rituels de bûchers crématoires. Oui, tout ce qui ne servait pas à tuer ou à manger, on n'en disposait pas en grande quantité.

C'est donc une nouvelle journée qui s'était levée à Traquemont. Philippe avait la chance, peut-être par respect de son rang, de vivre au donjon, dans une petite salle réservée, vétuste, sur un lit bancal et emmitouflé dans de grosses peaux sales et poussiéreuses, mais au moins, c'était un lit, du coup on n'entendrait pas le prêtre se plaindre. Il avait bossé toute la journée à sa chapelle, à s'occuper de tous les travaux habituels. Pour la plupart, ils demandaient une prière et une bénédiction de Rikni, juste le temps de partir patrouiller dehors, alors Philippe était obligé de répéter une prière, de se trancher la main et de faire couler du sang béni sur leur front. Il arrêtait pas de se trancher la main, tout le temps, pour ces putains de rituels à la con, si bien qu'il commençait à plus pouvoir et à avoir de grosses cicatrices sur sa paume droite. Aujourd'hui, il avait été aussi appelé par un petit jardinier, qui voulait qu'on bénisse son potager, alors Philippe avait dû se ramener et salir ses bottes pour jeter de l'eau bénite sur ses salades et ses radis. Enfin, en fin de journée, il avait dû se déplacer jusqu'à la grange parce qu'il y avait un cheval qui avait mal à la patte, et pendant qu'un « vétérinaire » (En fait le barbier du fort) s'occupait de sa patte, Philippe appelait les Dieux à bien diriger l'opération.

Du coup on était arrivés au coucher du soleil, et le prêtre, épuisé, mais toujours devant bosser, s'était réfugié à sa petite chapelle. Mais là ce n'est plus pour Dame Yseult et ses manants qu'il travaillait. C'était pour lui. Il avait prit une petite page vierge qu'il avait achetée lui-même à un des convois qui venaient souvent au fort, un peu d'encre, et il commençait à faire ce qu'il avait toujours rêvé de faire.

« Chroniques d'un Haut-Prêtre au cœur de la Peste »

Témoigner.

Dans mille ans, si la Fange était vaincue, il faudrait que les gens qui étudient l'Histoire puissent savoir ce qui s'était passé. Comment Marbrume avait survécu. Comment des hommes avaient tenté de résister, de lutter, de s'organiser pour survivre, et reconstruire.
Il avait donc commencé à écrire. En décrivant rapidement qui il était, c'est à dire un petit noble du Morguestanc qui, mué par la volonté divine, avait décidé de se faire ordonner prêtre. Ce n'était pas tout à fait vrai, mais il n'avait pas envie de raconter comment son frère aîné était mort à cause d'un cochon et...
Enfin bref.
Il n'était pas intéressé par décrire son histoire. Non. Il voulait raconter le passé très proche, en commençant par l'arrivée de la Fange. Ce serait sûrement un travail vite abrégé par sa mort et celle de tous ceux qu'il connaît, mais qu'importe, il avait envie d'écrire.

Les portes de la chapelle s'ouvrirent. Quelqu'un ne devait pas avoir compris qu'il était très tard et que Philippe avait l'habitude de travailler ici tout seul, mais passons. Il s'était tourné dans son siège pour regarder le petit spectre qui se tenait à la porte, fuyant, menaçant de s'échapper. Le haut-prêtre se leva, en écartant la page qu'il avait à peine commencée, et fit un grand signe de la main à la personne qui était là, devant lui, pas trop loin, peut-être à dix ou quinze mètres.

- Entre. Entre donc jeune fille. Tu ne me déranges pas.

En fait, si, elle le dérangeait. Mais bon, ici c'était pas sa maison, c'était la maison des Dieux, et au minimum la maison de Dame Yseult qui possédait le fort. Il n'allait pas la jeter en crachant comme un chat enragé parce qu'il n'était pas content.

- Ferme donc derrière-toi. Il y a des courants d'air souvent et ça éteint les cierges.


La charpente de la chapelle avait été refaite en urgence, mais il restait un peu des trous dans la paille et la chaume. A chaque fois que quelqu'un ouvrait les grosses portes, le vent venait, assaillait les croyants, et voilà que les petites bougies un peu partout s'éteignaient. En voyant ça d'ailleurs, Philippe avait soupiré, s'était approché d'une toute petite statuette assez laide dédiée à Anür, et utilisa une bougie survivante pour raviver les autres.

Derrière lui, la jeune fille était restée plantée. Elle pouvait être là pour des tas de raisons. Qu'importe. Dès qu'il avait terminé d'allumer ses bougies, Philippe se retournait, et revenait tout en bout, vers l'autel, en observant rapidement la rousse.

- Tu cherches le calme, donc ? C'est bien. Ici il n'y a que ça du calme. Viens donc t'asseoir sur un banc.

Philippe avait beau chuchoter doucement, sa voix résonnait d'un petit écho à travers les grosses pierres taillées de la chapelle. Le clerc arriva jusqu'à sa table, où l'encre était en train de sécher sur sa page. Toute sa motivation venait de s'envoler, alors qu'il n'avait écrit qu'une trentaine de lignes avec une minutie religieuse.
Bon. Tant pis. Il se dégagea la gorge et détourna son attention vers son ouaille qui semblait avoir besoin d'aide.

- Je t'ai déjà vue dans le château, ma fille. Mais je ne pense pas que tu m'as déjà approché pour une messe, est-ce que je me trompe ?
Je ne veux t'adresser aucun reproche en disant cela, ne t'inquiète pas. Sache simplement que si tu as besoin de parler, de toi, ou des Trois, ou de ce que tu veux, ma porte est toujours ouverte. Ici, c'est ta maison, ma fille.


Il replaça bien droite sa soutane un peu froissée, et se retourna, les mains dans le dos, pour contempler l'unique vitrail de la chapelle. Malheureusement il y avait un mur de pierre juste derrière, aussi, la lumière avait énormément de mal à passer, et la déesse Rikni représentée d'ici ne brillait pas de splendeur.
Pour autant, mieux voir avec un mur face à la Fange que rien du tout.

- Quel est donc ton nom, jeune fille ? Est-ce que ta famille vit ici, ou bien es-tu venue ici pour une autre raison ? A la recherche de quelque chose ?
Je dis ça parce que je croise tout un tas de monde à Traquemont. Certains y vivent depuis toujours. D'autres sont arrivés en quête de pénitence.
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Ilhanne BarrowmerMilicienne
Ilhanne Barrowmer



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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyMer 1 Juin 2016 - 20:25
Fermant derrière moi, j’osais pas trop bouger, regardant le prête s’afférer à rallumer les bougies que j’avais involontairement éteintes. Il avait l’air quand même un peu dérangé, je disais ça juste à cause du soupir qui avait raisonné dans la petite chapelle.

Mais bêtement je me disais que de toute façon maintenant que j’étais là que j’avais cassé les pieds à quelqu’un autant resté. Dehors, je risquais juste de tomber sur Aéris au détour d’un chemin de ronde, quelque part dans la cours ou n’importe où, j’avais juste pas envie.

L’écoutant parlé, murmurer, je trouvais qu’il se posait beaucoup de questions. Au moins, j’avais commencé à bouger, le bruit de mes pas se répercutant sur les pierres des murs. Il n’y avait que de qui en faire trois quatre, juste pour s’approcher du deuxième rang, intrigué par l’endroit où s’était trouvé l’homme d’église avant que je rentre.

« Barrowmer, fin’, Ilhanne. »

Ils étaient pas si nombreux, ici, ceux qui utilisaient mon prénom, du coup j’avais plutôt pris l’habitude de donner mon nom en premier.

« Euh… oui … non… Pardon, je … j’viens pas trop aux messes, je préfère aider à l’entretient du château, ou alors j’suis dehors en train de chasser… »

Pas spécialement à l’aise de dire ça un prêtre, j’avais levé les yeux vers le toit abîmé, enfin pas encore entièrement restauré. D’ailleurs, je m’étais raclée la gorge juste après mes quelques mots. Pas encore assise, j’observais autour de moi, avec un peu de chance, s’était la première fois que je venais dans cette partie du fort.

« J’ai plus vraiment d’famille à part ma sœur, mais elle est à Marbrume, dans la milice extérieur, elle passe régulièrement quand elle escorte des convois sur la route pour Lods… »

Et s’était pas plus mal quand on voyait ce que je m’étais tapé comme famille. Il était resté que nous et on avait fini par se séparer tous les deux, pour le même motif, partageant alors la même angoisse quant au sort de l’autre.

J’avais reporté mon attention sur le prêtre. S’était une bonne question. Pourquoi j’étais venue ? Pas comme si je m’en souvenais plus, mais faire le point, se rappeler de temps à autre, ça faisait pas de mal.

« J’sais pas si j’suis venue en quête de pénitence, je vois pas trop ce que j’aurais fait pour ça, mais en tout cas, j’sais que je suis v’nue pour me rendre utile. J’pouvais pas rester à nettoyer la merde de connards malpolis alors que je savais manier l’arc, me battre sommairement et que des bêtes bouffaient des pauvres gens. »

Bien, des gros-mots dans une chapelle, j’en ratais pas une. Je m’étais mordue la lèvre d’un coup un peu gênée, enfin un peu plus gênée que je l’étais au part avant.

« Qu’est-ce que vous faisiez ? »


Il m’avait posé beaucoup de questions, je pouvais bien lui en poser une petite qui prêtait pas à réelle conséquence.
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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyMer 1 Juin 2016 - 21:05
Philippe écoutait attentivement les réponses de la rousse, en hochant lentement la tête pour bien signifier qu'il l'écoutait. Heureusement que Philippe était assez empathique et aimait entendre les histoires des gens ; Autrement, cela fait longtemps qu'il aurait été dégoûté de son office de prêtre, et qu'il se serait retiré dans une quelconque abbaye. Non, non, malgré son jeune âge et son apparence assez rustre, Ilhanne semblait être une très bonne âme. En fait, en entendant comment elle parlait, elle avait tout de suite plu à Philippe. Elle lui rappelait l'époque où il vivait dans son château Morguais, où il marchait ses terres pour détendre les pattes de son cheval et qu'il devait aller piailler avec les paysans de ses terres. Contrairement à beaucoup de grands aristocrates, Philippe n'était qu'un petit seigneur, et avait toujours vécu au milieu de ces paysans et manants. Il n'avait développé envers eux ni condescendance, ni dédain. Au contraire, même. Parfois, il se sentait appartenant à leur même classe.

Philippe allait répondre à Ilhanne, quand ce fut elle qui le coupa dans son élan et lui renvoya une question à la figure. Il resta un moment la bouche ouverte, en prenant une respiration. Il agita à nouveau la tête, et s'approcha du petit autel où il avait installé un tabouret et posé ses feuilles.

- Ce que je faisais ? Eh bien, regarde, j'écrivais.


Il tira son encrier et sa petite feuille pour lui montrer, même si elle ne s'attendait pas vraiment à ce qu'elle sache reconnaître les lettres. Enfin, beaucoup de paysans savaient un peu lire. Ils savaient reconnaître quelques lettres, et apprenaient par cœur les quelques psaumes qu'on les faisait apprendre sur papier, mais rares étaient ceux qui avaient une vraie connaissance de la langue, encore plus ceux qui étaient capables d'écrire.
« J'écrivais ». Avec ça, Ilhanne ne devait vraiment pas être avancée. Il fallait donc lui préciser qu'est-ce qu'il pouvait bien gratter sur son bout de chiffon pressé.

- J'écrivais une chronique. J'ai envie d'écrire ce que je vois, ce que j'entends, les événements qui se sont déroulés avec la Fange, comment les hommes ont lutté contre elle, comment ils ont réagi. C'est pour l'Histoire. Pour les gens qui viendront après nous. Qu'ils puissent avoir une trace écrite, gravée à jamais, de ce que nous avons vécu.

Si nous arrivons à survivre. Bien sûr, il ne disait jamais ce genre de phrases à voix haute. Imaginez un seul instant, un prêtre qui vous fait perdre espoir en l'Humanité. Non, tant pis si Ilhanne trouvait ça débile d'écrire pour le futur, il fallait bien lui montrer que le vicaire des Dieux avait envie de survivre, et que les puissants là-haut les feront traverser la Fange.

- En tout cas, je suis heureux de voir des gens volontaires comme toi, ma fille. Tu ne t'en rends peut-être pas complètement compte, mais le labeur que tu exerces est essentiel à l'Humanité, et même si tu n'es qu'un petit rouage d'un gigantesque moulin, tu es essentielle.
Après... Il faut savoir prendre un peu de temps de repos, pour méditer. Je vois beaucoup de gens à Traquemont, ils se torturent dans le travail, ils ne prennent pas assez de temps pour se mettre à genoux, lier les poings et prier devant les Trois. Ce n'est jamais très sain de tout garder pour soi. Cela rend fou.


Philippe était bien placé pour le savoir. Mais il n'allait pas parler de lui. Non, aux yeux d'Ilhanne, et aux yeux de tout le monde d'ailleurs, il se devait de rester totalement irréprochable.

- J'aurai un service à te demander, ma fille... Un petit, ce n'est pas forcé, je me demandais juste, eh bien... Si tu sors, des fois, il y a des débris de charrettes, ou peut-être que, si tu vas dans un ancien village, tu tomberas sur une paroisse encore debout.
Si tu trouves quelques objets de cérémonie, des bénitiers ou des calices, cela me ferait très plaisir d'en avoir. Cela coûte cher et souvent, les gens les pillent, parce qu'ils sont fait en or ou en argent.
Tu sais, ce sont un peu comme des petits récipients qui ont une forme un peu bizarre.
Enfin... Bref, ce n'est pas important. Oublie donc.


Philippe força un sourire en coin, avant de se tourner à nouveau devant sa feuille de papier.

- Si tu veux rester ici seule, dis-le moi. Et si tu souhaites parler...
Enfin bref.
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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyMer 1 Juin 2016 - 21:53
Ecrire, lire, des choses que je ne savais pas faire, et saurait sûrement jamais. Des choses qui pourtant avait l’air de faire tellement la différence, mais qui dans mon cas avait l’air parfaitement superflu. Sur ses page les trais d’encres formaient des traits et des boucles qui n’avaient aucun sens à mes yeux même en y mettant toute ma bonne volonté.

Je comprenais pas pourquoi il se donnait la peine d’écrire tout ça. Si encore on avait un moyen miracle de tuer les fangeux, j’aurais imaginé, si un jour tout cela s’arrêtait, mais que cela finissait par revenir il était important de savoir quoi faire. Mais il n’y avait rien de particulier pour achever un mordeur, il ne fallait que des hommes, trop d’hommes pour une seule bête et des armes. Enfin, si ça lui semblait particulièrement important, s’était peut-être parce que ça l’était.

Sa remarque sur le fait d’être un rouage essentiel m’arracha, malgré moi un petit sourire ironique. Des comme moi, il y avait beaucoup, des comme moi étaient des dispensables. Ça me convenait, je n’avais pas vraiment plus d’ambition. Pour moi sortir, explorer s’était déjà beaucoup, ne pas s’enfermer en angoissant.

Ce n'est jamais très sain de tout garder pour soi. Cela rend fou.


Rendre fou… S’était vraie que ces derniers jours, j’avais parfois eu l’impression de devenir un peu folle, me faisant reprocher mon mauvais caractère, enfin plus qu’à l’accoutumer visiblement.

Un service ? Je l’écoutais me demander de ramener des objets de cultes. Je n’étais possiblement pas la meilleure personne à qui demander cela, même si je quittais souvent la sécurité de remparts.

« Je vais pas souvent dans les villages abandonnés, mais quand j’irais je pourrais aller voir au temple. A vraie dire on patauge plus dans la boue des marais. »

Enfin le peu de fois où j’irais, je pouvais bien faire l’effort de passer dans les temples et les chapelles pour voir si il ne restait pas quelque chose à ramener, faute d’assister aux offices s’était une manière de faire quelque chose pour la trinité.

«Vous écrirez aussi les doutes des gens ? Ces moments d’abattement où beaucoup ont cru que s’était une fin certaine ? Que ça servait à rien de lutter ? Ça aussi, ça fait partit des choses qui se sont passées. »

Le prêtre se concentra à nouveau sur son papier, me demandant si je voulais rester seule. Si à l’origine je cherchais la solitude, ses mots et la force des choses me disaient que s’était peut-être pas la chose à faire.

Assise au deuxième rang, les coudes sur le dossier des bancs d’en face et une main tenant ma tête je suivais les mouvements de mon interlocuteur. Le silence avait duré un moment, un moment où je ne savais pas trop si en effet être seule était une bonne chose ou non. Si parler serait bien.

« Ça vous arrive de douter ? »

J’avais fini par lâcher ces mots à mi-voix, pas très fière de laisser transparaître ce qui se tapissait tout au fond de mes pensées.

« Ce genre de doute qui vous faire vous poser des questions sur vot’ vraie utilité, vos vraies capacités ? »
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Philippe de Tourres
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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyMer 1 Juin 2016 - 22:34
Écrire, c'est long, c'est chiant, c'est douloureux. Le papier a une texture, un trait, un poids, qui rend très difficile l'application de l'encre sans faire tout couler partout. Il faut donc écrire lettre par lettre, petite courbe par courbe, trait par trait. Philippe était tout voûté sur sa chaise, son dos brisé par le poids, alors qu'il tentait d'écrire quelques lignes d'une histoire qu'il voulait la plus réaliste possible.
En commençant par décrire comment, lui, avait vécu les premiers jours de la Fange à Marbrume.

Si ensemble les démons se fussent mis, ils eussent esté plus puissants que les princes et les nobles...
Et pour ce, fut enjoint par le roy qu'on cessast, et que seulement y eust un certain nombre en une ville et pays de fangeux.
Dans la fosse, on eust déposé les cadavres, à peine fossoiés de terre, couche après couche, comme on éstend du fromage pour faire des lasagnes.
Les portes du Temple furent...


Rien qu'écrire cela lui avait prit de longues minutes. Et c'est alors que Ilhanne lui posa une question qui fit sourciller le prêtre dressé sur son petit tabouret. Il ne détourna pas les yeux, aussi, la jeune fille ne put voir la réaction du père de Tourres, elle ne put le voir serrer les dents et faire une grimace. Non. Lentement, il déposa sa plume et se pencha un peu en arrière pour enfin tourner son regard vers elle.

- Nous doutons tous, ma fille. Et je te mentirais si je te disais qu'il n'y a pas eut des moments où, eh bien... J'ai perdu courage.

Il se pencha à nouveau sur son papier et tenta d'écrire.

ébranlées par des griffes de...

Mais il ne pouvait pas vraiment se concentrer. Non, bordel, la petite venait de lui foutre le doute ! Qu'est-ce qu'il allait lui raconter maintenant ? Il pouvait pas juste lui dire : « Mais oui, mais oui, bien sûr que les gens doutent, va te coucher ». Non. Il reposa sa plume, se leva de son tabouret et se plaça derrière l'autel, enjambant la petite estrade, comme il faisait lorsqu'il donnait une messe.

- Je suis prêtre. Les gens se tournent vers moi pour que je leur redonne confiance. Alors, bien sûr, il est très compliqué pour moi d'avouer mes doutes.
Nous ne sommes que des hommes, Ilhanne. Des créatures des Dieux, certes, mais nous ne sommes vraiment pas leur imitation. Tous pécheurs. Et tous lâches. Même les plus braves des chevaliers, les plus fourbes des dirigeants et les plus belles des courtisanes ont, à un moment ou à un autre de leur vie, éprouvé des périodes sombres où ils broyaient du noir.
Et bien sûr, même les plus saints des prêtres.
J'ai vu la Fange arriver. Je l'ai vue de près. J'ai vu les gens se transformer, les veuves et les orphelins. J'ai vu, ces gens, morts, mais qui au lieu d'avoir leurs corps anéantis, tournées en poussières, se retrouvaient à marcher pour dévorer leurs semblables. Alors oui. J'ai plus que douté. J'ai perdu la foi. Comment aurais-je pu faire autrement ? J'ai haï les Dieux. J'ai vu dans la Fange leur main destructrice, j'ai vu plus qu'une punition, j'ai vu une rage animale. Il m'a fallu beaucoup de temps, et une lutte en moi-même, pour enfin accepter notre situation, et la mission que les Trois m'ont confiée.

Il posa ses mains sur l'autel, se pliant un peu, et dressa son regard bleu, de pierre, directement vers les yeux de la jeune manante de Traquemont.

- Mais dis-moi, ma fille, cette question ne m'étais pas vraiment destinée, pas vrai ?
Allons, Ilhanne. Tu peux tout me dire, rien ne sortira jamais de cette chapelle. Qu'est-ce qui te fait douter ? Est-ce la Fange ? Tu ne fais plus confiance aux Dieux ? Tu peux le dire, il n'y a rien de honteux à cela. En fait, ce serait même plutôt normal.
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Ilhanne BarrowmerMilicienne
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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyMer 1 Juin 2016 - 23:13
J’aurais mieux fait de me taire en fait, après coup, ça semblait évident. Cette impression d’avoir fait une connerie qu’on aurait pu éviter, elle commençait à devenir familière et ça me plaisait pas trop. Même si je me sentais largement agressée par le discours du prêtre, le fond de ses mots, me rassurait un peu. Il allait surtout me rassurer plus tard, quand je pourrais y penser à tête plus reposée.

D’ailleurs, je m’était redressée et même un peu tassée contre le dossier du banc. M’en voulant carrément de ne pas avoir su fermer mon clapet encore.

J’hésitais un instant à répondre me demandant ce que ça allait bien pouvoir me déchaîner sur le coin de la gueule.

Au point où on en était

« C’est pas la fange qui me fait douter, c’est pas les Dieux non plus, c’est les hommes… et pas les hommes comme le genre humain, les hommes c’est tout. »

Ses yeux me donnaient l’impression de me juger ou de me jauger, je savais pas trop, ça m’aidait pas vraiment à être à l’aise avec ce que racontais. Me demandant si je voulais vraiment racler la merde, le remuer ou si s’était pas mieux de la laisser comme elle était.
Tant pis, on verrait bien.

« Il y a une semaine environ, j’étais retournée à Marbrume et dans une ruelle je me suis fait coincer par trois clochards qui en voulaient clairement à mes fesses. J’avais raté l’opportunité de me sauver et malgré mes efforts ils ont failli… »

Je détournais les yeux, très, très, TRES, mal à l’aise, d’ailleurs je m’étais tassée un peu plus sur son banc les croisant les bras sur ma poitrine comme pour me protéger un peu plus de ce souvenir pas du tout agréable.

« J’avais beau hurler tout de ce que pouvait tout le monde s’en foutais. J’ai eu la chance que quelqu’un ai un peu plus de courage, ou de stupidité. Sans ça, je m’en serais pas sortie … Propre, on va dire. »

Jamais j’avais été aussi heureuse de porter des vêtements d’homme, si j’avais eu une robe, tout ce serait passer bien plus vite. Et aussi rapidement que soit arrivé Finn ça aurait sûrement pas été assez preste.

« Si je peux même pas me défendre face à des clodos dans une ruelle, comment je peux espérer survivre face à un fangeux ? … »


Entre un vieux connard en bande et un monstre surhumain, la différence était telle. Si je ne pouvais pas me défaire du plus faible, comment je pouvais espérer fuir le plus dangereux.

« Comment on peut espérer survivre si tout le monde se tape du sort de son voisin, si ceux qui se sentent impliqués son si peu ? Et si certain peuvent même pas contrôler leurs instincts de bêtes ? Du coup en fait, c’est un peu le genre humain qui le fait douter dans son ensemble. »

Je comprenais même pas mon propre monde parfois, comment évoluer dedans ?
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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyJeu 2 Juin 2016 - 0:26
Philippe était descendu de son estrade, d'où il était peut-être un peu trop impressionnant, pour se rapprocher en deux pas d'Ilhanne. Il se mit juste devant le premier rang, les mains dans le dos, les longues manches de sa soutane descendant et cachant à présent ses pognes.

En réalité, la rousse avait mis le doigt sur tout le problème.

- Les fangeux, ils sont faciles à comprendre en fait. Ce sont des monstres, on peut les tuer, les brûler, les jeter en enfer. Ils ne sont pas si compliqués à comprendre.
C'est les humains qui sont plus... Tangibles.


Il y avait des hommes saints. Et des hommes monstrueux. Et puis il y avait surtout une énorme quantité d'entre-deux. Des miliciens violents et rustres, mais qui faisaient leur devoir. Des pères de familles alcooliques, mais tentant de nourrir leur famille. Des bannis qui s'attaquaient aux convois de bouffe, parce que c'était le seul moyen qu'ils avaient de pas crever la gueule ouverte.

- Tu as raison, ma fille. Douter de l'homme... Eh bien, quand on voit comment il réagit avec la fange, comment il devient animal, oui, cela fait peur.

Malheureusement, Ilhanne n'était pas la première femme qui se plaignait à Philippe d'avoir failli être violée, ou bien d'en avoir été victime. Et sûrement pas la dernière. Bien sûr, pendre des violeurs était facile, encore fallait-il qu'on mette la main sur eux, ce qui n'est pas toujours si évident.

- En fait... Je pense que les hommes naissent naturellement mauvais. C'est la seule conclusion que j'aie jamais pu tirer.
Alors pourquoi continuer, alors ? A quoi cela sert ? Quand bien même nous vaincrions la Fange, les hommes repeupleraient la Terre, et recommenceraient à pécher, à violenter, à terrifier.
Pourquoi ?
Pour eux.


Philippe avait levé son bras pour indiquer le vitrail de Rikni derrière lui.

- Les Dieux ne sont pas que des spectateurs au théâtre. Ils ne font pas qu'écouter nos prières et parfois accorder nos désirs. Ils veulent que nous obéissions à leurs lois, pour que le monde soit pur, et juste, pour tout le monde.
Bien sûr, ce que je dis est faible. Dans le meilleur des mondes, tout le monde craindrait le jugement d'Anür et se contenterait de respecter les lois, mais les chiens qui t'ont attaqué n'en sont pas moins humains. C'est normal de douter de la nature humaine, tu as bien raison. La nature humaine est atroce.
Mais tu ne dois pas douter des hommes. Il y aura toujours des hommes de bon. Et surtout, il y aura toujours des repentis.


Il détournait le regard un moment, le visage un peu inquiet, avant de continuer, en espérant que son récit soit plus convaincant.

- Savais-tu qu'il y avait des meurtriers derrière ces remparts ? Des serviteurs de Traquemont, qui se sont rendus coupables de meurtres, pour diverses raisons. Aujourd'hui, ils vivent loin de Marbrume, loin des gens, dans une lutte à mort. Ils veulent expier leurs fautes, saigner, se flageller, souffrir... Et sauver l'Humanité toute entière. Sauver les gens de bien, mais aussi ceux de mal. Les sauver tous.
C'est paradoxal ce que je te dis, non ? D'un côté, il faut craindre et haïr les pécheurs, et de l'autre côté, accepter qu'il y en a... Et faire avec.


Philippe avait tenté un sourire, rassurant et paternel. Mais il n'était jamais très bon pour sourire, et son visage parut difforme et forcé.

- En tant que clerc, c'est facile pour moi de prendre les hommes et de les ramener dans le droit chemin. C'est mon travail, pas le tiens.
Toi tu es une jeune fille. Tu es une victime dans ce monde atroce. Et pourtant je vois que tu fais preuve d'une grande maturité. Fais attention que cette maturité ne se transforme pas en apathie. Les événements que nous vivons, ils... Endurcissent, c'est vrai. C'est nécessaire de se forger une armure, une carapace pour se protéger, pour se défendre face aux rustres, face aux fangeux, face à tous les dangers. On y voit la forge de Rikni.
Mais tout de même. Je... Je pense que je pourrais ainsi te faire cette métaphore :
Le mal, c'est la nuit. Tu regardes dans le ciel, et tu vois cette nuit. Elle est gigantesque, terrifiante, omniprésente. Partout où tu regardes, tu vois de la nuit. Et ces petites lumières, ces étoiles, c'est le bien. De petites lueurs quasiment inexistantes, qui ne peuvent subsister face au mal qui jette son ombre partout.
Mais tant qu'il y aura une seule lueur blanche, le bien est en train de gagner. L'homme est mauvais par nature, c'est un enculé cupide et violent, rustre et gueux. Mais personne n'est irrécupérable. Tout le monde peut changer, et devenir un saint.


Peut-être que Philippe parlait un peu de lui, là, mais bon, il n'avait pas vraiment envie de détailler. Son discours était peut-être un peu trop naïf pour la jeune fille, bien sûr, et d'ailleurs le père de Tourres n'était pas quelqu'un de rêveur. Il voulait d'ailleurs bien l'indiquer en poursuivant, alors qu'il fit un pas de plus pour se retrouver juste à côté d'elle.

- Bien sûr je ne te demande pas de croire bêtement en l'homme. De te dire : « Puisqu'il y en a au moins un de bon, alors, ils le sont tous ». Non, non ce serait complètement débile...
Les gens peuvent changer, mais changer est dur. Parfois même violent. Il faut souffrir pour expier les fautes. Et il faut parfois humilier et torturer pour ramener les pires pécheurs dans le droit chemin. Lorsque trois violeurs se jettent sur toi, tu n'as pas à les pardonner, à les excuser, à ne pas douter de la nature humaine. Ces gens-là, il faut les détruire, leur briser les genoux et les bras, c'est la rage que Rikni désire. C'est la rétribution. Œil pour œil, dent pour dent.
Mais on ne peut pas vivre de rétribution. On ne peut pas être constamment dans cet état d'esprit guerrier. Parfois, il faut remettre son épée dans son fourreau, et se délester de son poids. Il faut retirer son armure et laisser l'amour, parfois un peu nian-nian, débile, d'Anür, entrer en soi.
Alors quand tu sors dehors, quand tu travailles avec les autres châtelains, quand tu vas en ville, tu dois toujours rester à cran, sur tes gardes, à serrer les dents... N'hésite pas à venir dans cette chapelle pour prier, pour parler, pour vider ton sac. Même parler de choses qui te semblent sans aucun intérêt, c'est important de dire à voix haute ce qui est au fond de ton âme.
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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyJeu 2 Juin 2016 - 2:07
Je parlais des trois connards de Marbrume et son discours me ramenait à Clotaire à la façon dont il m’avait parlé, dont il avait essayé de me parler et comment j’avais seulement pas voulu l’entendre. Me fermant, n’affichant que la douleur qu’avaient laissée les hommes que j’avais côtoyés, observé dans ma vie. Je me sentais coupable d’un coup et pour une fois, je comprenais pourquoi. S’était tellement plus facile de mettre un mur, une enceinte, entre soit et les autres.

Ecoutant ce qu’il me disait, le regardant, essayant de me rappeler le plus possible de ses mots, pour plus tard.

Impossible de s’empêcher de rire lorsque le prêtre avait parlé des nian-nian débile, d'Anür. Les éclats de ma voix avaient raisonné dans la chapelle.

Ne porter sa carapace que dehors, ne l’ôter que dans un temple, une chapelle. A quoi bon l’enlever alors ? Pour ne pas finir dingue ? Être dingue dans un monde de fou s’était si mal ?

Une petite moue dépitée m’échappa. Ça avait pas réellement l’air d’être un sort réellement enviable.

Je me sentais un peu vide quand je pensais à mon ancien partenaire de chasse. Pas vide parce qu’il me manquait, mais vide parce que je me sentais incapable de ce qu’il prétendait éprouver. Je savais pas si ça me manquait réellement, mais j’avais plutôt l’impression de ne pas être normal à ne refuser de m’intéresser à ça, ne pas vouloir considérer ce genre de chose.
Pourquoi ça me travaillait maintenant ? Possiblement parce que s’était la première fois que j’y étais directement confrontée, ou plutôt intiment confronté.

A bien y penser ma nuit à moi semblait bien noir. Il y avait bien une Lune imposante et pleine qui l’éclairait faisant de l’obscurité une pénombre. Puis au moins une étoile qui brillait fort, très fort, mais s’était tout. Deux personnes, deux femmes, deux confidentes, deux sœurs, même si avec la deuxième, on était pas liée par le sang. Tout le reste était noir, ou alors brillait si faiblement qu’il était dur de distinguer leurs éclats.

Je m’en accommodais généralement, n’hésitant pas à mettre parfois sûrement de barrières entre eux et moi. A petite dose les gens était plaisants, s’était les côtoyé plus longtemps qui risquait de les faire basculer dans le groupe des irrécupérables, des mauvais de nature.

« Et si s’était trop tard ? Pas pour l’humanité. Mais pour moi, si j’étais devenue trop dure, si la carapace est trop épaisse ? »

Je triturais mes doigts, étrangement un peu inquiète de sa réponse.

« Les violeurs, j'leur avais extorqué leurs noms, pouvant pas vraiment les titrer moi-même jusqu’à une caserne de la milice. J'les ai balancés à Valériane avec la description la plus précise possible qu'je pouvais en faire et le lieu où ça s’était passé. Ma sœur est peut-être que de l’extérieur, mais elle a tout de même une certaine autorité dans la ville, c’est une milicienne… J'sais pas si elle les a attrapés, elle m’en a jamais r'parlé. »

Je n’avais pas voulu pardonner, excuser, pour rien au monde. Si je n’avais pas pu leur donner les sévices physiques qui méritaient, j’avais moins pu faire ça, faute d’avoir pris la liberté, comme l’avait fait Finn avec l'un d'entre eux, d’écourter leurs existences.

« Mais je la connais… elle aurait r'tourné toute la ville si il fallait'. »

Et bien plus encore. Si la tentative de viol allait être dure à prouver, si de toute façon, elle n’aurait sûrement pas abouti à leur condamnation, elle avait sûrement dû trouver quelque chose pour les enfermer. Les zonnards comme ça, ça devait faire bien plus de conneries que ça en avouait pour se venter.
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Philippe de Tourres
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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyJeu 2 Juin 2016 - 15:38
- Cela est tant mieux si ta sœur a pu mettre les agresseurs aux fers. Que justice triomphe.

« Justice », c'était le seul mot que Philippe avait employé. En réalité, la justice avait plusieurs formes. Il le savait, lui qui a une époque était un seigneur de quelques terres, et qu'il devait régler les histoires de la paysannerie. Et justice n'était pas toujours mise à mort. Il fallait parfois apprendre le pardon, donner l'absolution. Peut-être que, si ces violeurs étaient arrêtés, ils seraient envoyés à Traquemont pour se battre contre la Fange et expier leurs fautes ; Mais il n'allait sûrement pas dire ça à la petite Ilhanne. Non, non, il se garda cette réflexion bien à lui, en son for intérieur.

- Mais tu ne dois pas avoir peur de ce que tu es. Circonstances particulières exigent comportement particulier. Les gens de Traquemont, toi, mais aussi tous les autres châtelains, vous êtes, eh bien, tous un peu froids et secs. C'est tant mieux, puisque chaque jour vous êtes confrontés à la fange et à la mort. Il ne faut surtout pas craindre ce genre de réactions. Alors ne t'inquiète surtout pas pour cela.
Je te dis juste que c'est parfois bien de parler à quelqu'un. Tu soulages ta conscience et tu peux repartir.


Philippe s'était détourné, et, en deux pas, à nouveau rapproché de sa petite feuille de papier.

- Cela me ferait très plaisir de te voir cette semaine pour une messe, Ilhanne. Même si cela ne te semble pas essentiel, il est important de rendre hommage aux Dieux, et de leur demander force et valeur.
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MessageSujet: Re: Des doutes et du calme [Philippe]   Des doutes et du calme [Philippe] EmptyJeu 2 Juin 2016 - 17:30
Justice … La justice s’était pas toujours une bonne notion, ni une notion équitable. Ce qui était juste changeait souvent d’une personne à l’autre d’une situation à l’autre. Après certaine chose étaient généralement bonne, ou tout le temps mauvaise, mais il y avait bien des cas ou une même action pouvait être jugée soit bonne soit mauvaise seulement dans son contexte.

Mais je suppose que dans le cas de ces trous-du-cul on pouvait parler de justice, si comme pensé Val peur était tombée dessus.

Soulager sa conscience et repartir. Mais il y avait des choses qu’on ne pouvait dire qu’a certaine personne. Je ne comptais absolument pas parler si ouvertement d’Aéris et de tout le bordel que ça avait engendré dans ma tête et dans mon monde avec un prêtre, s’était pas l’endroit pas la personne. Margaux était bien la seule personne avec qui je pourrais discuter de sujets aussi triviaux. Le problème était qu’elle était à Marbume.
Et si je retournais dans la ville, une journée, quelques jours ?

Le temps que ça se calme ? Le temps qu’il digère ?

« Je … J’essayerais de venir une dans les prochains jours à un office. »

Les deux n’étaient pas incompatibles, je voulais pas rester non plus des semaines et des semaines à Marbrume.

Si je demandais au convoi de partir avec eux le lendemain ? Il suffirait de prétexter les avoir entendu parler de Val’ qu’elle avait été blessée ou qu’elle était malade. Un petit mensonge, juste pour avoir la paix. Planifier de mentir dans une chapelle en présence d’un prêtre, s’était du joli.

Poussant un léger soupir presque soulagé.

« Merci pour votre temps et vos paroles. Pardon de vous avoir retardé dans votre chronique. »


Je m’étais levée, attendant presque son autorisation pour sortir.

Le monde n’était pas vraiment moins sombre, mais ou moins il était plus clair, plus compréhensible. Sûrement qu’il deviendrait beau ou au moins, moins laid quand j’aurais assimilé, testé toute la masse d’information de conseil qu’il m’avait donné.
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