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 Enlève ta langue que je pète. [Phil]

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MalachiteMiséreux
Malachite



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MessageSujet: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptyVen 3 Juin 2016 - 14:50
Le haut-prêtre m'a manqué. J'ai grimpé dans les ruines de la tour nord pour le voir arriver avec le reste du convoi. Il y a des petites silhouettes sortant du couvert des arbres. La patrouille nous a déjà dit qui c'était.
Son remplaçant était nettement moins sympathique. Il y a un prêtre qui est venu quand lui est parti, de grade inférieur. D'intelligence aussi. J'espère qu'il va le chasser, ce sale con. Il fait que me pourrir la vie.

Quand monsieur de Tourres était là, j'ai fini par souhaiter son départ aussi. Déjà, il s'est mis en tête de m'apprendre à lire. Ca m'a beaucoup ennuyé, pour peu de résultat. Je me suis usé la santé à expliquer que j'étais trop vieux pour apprendre des bêtises pareilles, que ça me servait à rien et que j'avais probablement pas la cervelle câblée pour ça, il a rien voulu entendre. Résultat des courses il s'est tiré avant que j'arrive à me débrouiller des voyelles, son remplaçant m'a jamais laissé approcher à moins de vingt mètres du moindre bouquin et j'ai probablement tout mélangé les lettres qu'il m'a déjà apprise. C'est la seule chose qui me fait un peu appréhender son retour. J'ai essayé de tracer dans le sable de temps en temps celles dont je me souvenais, mais l'un dans l'autre les jours se sont écoulés, j'ai pas toujours eu le temps ou la motivation de le faire, et j'suis à peu près sûr de plus savoir rien de ce qu'il m'a déjà appris. Ca servait à rien de toute façon. Mais il va m'engueuler. Et j'suis un peu fatigué de me faire engueuler.

Le problème... ben c'est que son remplaçant aime pas les métèques. Pas du tout. Quand il est arrivé j'l'ai abordé comme j'aborde un peu tout le monde : en le collant et en lui posant plein de questions. Mais il y a vite mis le holà en me foutant un coup au visage avec sa canne. J'ai pourtant dit plein de "m'sieur" et de "s'il vous plaît" ! C'était super flippant. Il a rien dit, il m'a même pas regardé, il m'a juste mis le nez en sang sans même prévenir. Je me revois me tenir le tarin à deux mains en le fixant d'un air halluciné - mais à distance respectable. C'est un prêtre je peux pas le défoncer ! Un métèque qui fait ça, il finit pendu par les couilles dans la demi heure c'est sûr.
Néanmoins, au fort, y a quand même des gens qui m'aiment bien. Ca a crée des tensions. Parce que si il s'agissait seulement d'éviter le remplaçant pour ne pas attirer son attention, ça serait simple. Mais le p'tit enculé pouvait pas se contenter de ça. Il donna un spectacle bruyant de ce qui lui plaisait et ne lui plaisait pas. Les gens se sont mis à prendre parti. Il y a ceux qui aimeraient bien retrouver la civilisation en la personne d'un prêtre, et qui n'osent pas le contredire, il y a ceux qu'il gêne franchement, et les gros violents bien content d'en trouver un pour justifier leur envie de cogner. Moi j'ai essayé vraiment très fort de pas la ramener, jamais. J'ai déjà des problèmes parce que j'ai essayé de défendre mon honneur de métèque, j'en veux pas plus. C'est super dur la patrouille de l'aube. Ca m'a suffit d'être embrigadé là dedans, merci bien.

De base, il y a des endroits dans le fort où je ne dois pas traîner seul, ne pas être avec certaines personnes. Ca a pris une ampleur ridicule. Il y a des heures de la journée où la moitié du fort me devient quasiment inaccessible, parce que je dois éviter certaines personnes. Pas forcément pour des bastons, mais des discussions, des remarques. C'est épuisant. Au début je me laissais faire. Combien de fois j'ai eu cette conversation sur la métèquerie et la moralité ? Vingt fois ? La proposition est la suivante : puisque en Etrangie ils ont pas les Trois, c'est la porte ouverte à l'absence totale d'éthique. Parce que c'est bien les Trois qui ont dit que les hommes ne devaient pas tuer, voler, être adultère tout ça ? Ca tombe sous le sens. Je suis probablement éduqué dès l'enfance à forniquer avec ma soeur et manger mes propres excréments, pour ce qu'on en sait.
Enfin tu vois, c'était plus simple de faire un détour que de rejouer cette scène là.

A mon grand soulagement, Lendemain aime pas trop le prêtre. Il a essayé de le faire partir, parce qu'il nuit à l'ambiance dans le fort. Après il m'a expliqué qu'il pouvait pas, en fait, mais il m'a pas dit pourquoi. C'est délicat. La religion, tout ça.

Je descend de la tour en ruine quand les chevaux arrivent à la grande porte. Je m'y prends vachement doucement pour pas raviver les douleurs de mes ecchymoses. Il faut que j'arrive jusqu'au Haut-Prêtre sans m'attirer d'emmerde. Traverser la cour. Ca a jamais été aussi dur. Il y a plein de gens qui vont et viennent pour décharger le convois. Si je me faufile derrière les écuries et qu'on me voit me faufiler, on va encore dire que j'ai volé un truc et ça va mal finir. Peut être que si je marche très très vite en plein milieu j'aurais le temps. Mais mes pieds veulent pas bouger. Je commence à paniquer. Et si le prêtre sort maintenant et qu'il me voit ? J'ai passé l'après midi sur les toits pour les éviter tous, direct en revenant de la patrouille. Ca serait con de me faire griller maintenant. Je suis fatigué, sale, et j'ai faim. J'ai pas envie de supporter un mec violent qui fait que parler de moi en disant "ça".

Je panique, au lieu de marcher je finis par courir vers le prêtre, comme si j'étais poursuivi par vingt Fangeux. Je suis pieds nus. J'ai pas mal régressé depuis que l'autre taré est là, pour me rapprocher de mon attitude lors de ma période "marais". Je me suis remis à voler de l'alcool, à m'enfuir dans les bois pendant plusieurs jours, à être plus sale et plus névrosé. C'est donc pour échapper à une menace inexistante que je suis arrivé tellement vite que je me suis cogné contre le chariot. Parce qu'au final personne m'a calculé. J'ai couru en toute impunité à travers la cour. Mais j'ai quand même adopté une position de retraite entre le chariot et les chevaux qui me permet de ne pas être vue depuis l'entrée de l'église et celle de la cuisine - là où le prêtre traîne le plus - et de surveiller efficacement tout ce qui pourrait approcher. Au pire j'ai la position de repli de sortir du fort par la grande porte derrière moi et de courir à travers les marais jusqu'à vomir mes poumons.

Là je redresse le nez sur l'ado qui se trouve sur l'un des chevaux - et que j'ai totalement ignoré jusque là. Il est très bien habillé, mais il a la peau trop sombre pour être honnête. Ca me surprend, mais je sors un sourire sadique quand j'imagine l'autre gros con s'énerver sur un petit bourge, et être pendu pour ça. Le gamin trouve quand même la force malgré sa mélanine excédentaire de rougir joliment pendant que je le dévisage. Il a l'air complètement habité par une timide de fille. Ca fait bizarre de voir ça sur un physique pareil, avec ses fringues de bourge et sa tronche de métèque. Je conclus que c'est le fils du haut prêtre. Enfin non, son frère, je voulais dire son frère. Il m'en a parlé. J'ai fait un lapsus dans ma tête, pardon.

Enfin je snobe superbement l'ado pour aller chercher l'aîné de Tourres. Le seul qui pourra chasser l'horrible connard. Puis je suis jaloux d'office de Thomas. J'avais oublié. Le haut-prêtre passera beaucoup moins de temps avec moi si il est avec son petit frère. J'ai les boules. Ca me crève le coeur.

- M'SIEUR.

Je suis surexcité et fatigué en même temps ; je peux pas m'empêcher de passer pour un con. J'arrive même à surmonter ma suprême méfiance des chevaux pour aider l'homme à descendre. Mais j'suis trop tendu et l'animal le perçoit, il s'agite, et j'aide pas à grand chose. Je tripote tout ce qui est à portée de façon totalement inefficace. Je défaits une sangle au pif, et vingt kilos de bagages vont se casser la gueule dans la boue - heureusement c'était que du linge. Le haut-prêtre me regarde en fronçant les sourcils, jusqu'à ce que quelque chose s'agite dans ma mémoire. Très lentement. Je finis par sortir les salutations polies qu'il m'a appris pour ce type de circonstance avec le manque de naturel exact que requiert l'exercice. Il a l'air satisfait. Je suis content de m'en être souvenu, c'était pas gagné. J'ai l'impression de flotter dans un vaste néant d'encéphalogramme plat en ce moment. Je dors pas très bien. Je bois beaucoup. Ca doit se sentir un peu dans mon haleine d'ailleurs. Mais je babille joyeusement sur le voyage Marbrume-Traquemont, les Fangeux, les Fangeux, les Fangeux.


Dernière édition par Malachite le Sam 4 Juin 2016 - 10:52, édité 2 fois (Raison : Le titre était pas très satisfaisant.)
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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptyVen 3 Juin 2016 - 16:15
Ce matin, Philippe de Tourres s'est levé très tôt. Il n'avait pas envie de réveiller Mathilde, et encore moins Blaise. C'est que son frère et sa sœur étaient en froid avec lui depuis le dîner d'il y a deux jours. En fait, ils étaient en froid depuis un moment, depuis que Blaise avait foutu le bordel absolu lors d'un simple dîner avec une autre famille, les Montoya. Mais là, alors qu'ils étaient en train de casser du pain et boire de la soupe où il y avait plus d'eau que de légumes, Philippe avait réussi à provoquer une grosse scène à table ; Il voulait amener Thomas à Traquemont.

Le petit Thomas a été bien trop couvé dans son enfance. Protégé, toujours au château, avec son père dépressif qui arrêtait pas de passer ses journées au lit. Protégé des autres enfants nobles, aussi, parce qu'on risquait de lui faire des moqueries en le traitant de bâtard. Il avait été élevé par son grand frère, Blaise, qui malheureusement n'était pas un exemple brillant d'éducation. Le petit Thomas passait ses journées au Temple, à se faire enseigner par un vieux prêtre qui lui servait de précepteur. Et puis, il passait aussi ses journées dans sa chambre, à jouer avec des soldats en bois et des petits chevaux.Il était plein de rêves, surtout celui de devenir chevalier. Il s'imaginait tout scintillant dans une armure de plates, à aller donner une rose à sa jeune princesse qu'il courtisait.
Alors, je vais lui montrer ce que c'est, d'être chevalier !

Avec la Fange et l'exode de sa famille, les priorités de Philippe avaient changées. Il voulait que son fils puisse devenir un seigneur digne, un preux et brave homme, capable d'administrer ses manants, diriger son château et se battre face à la Fange. Contrairement à Blaise, qui lui a fuit aussi vite que possible, en abandonnant ses serfs et son honneur.
Oui, en fait, c'était peut-être moins par amour de Thomas, mais que par haine de Blaise que Philippe faisait ça. Il en avait marre de voir son frère ne rien faire de ses journées, parader avec d'autres nobles, participer à de stupides petits banquets sur l'Esplanade, comme s'il était un bouffon ou un gigolo. Il le haïssait. Pour beaucoup de choses. Alors Thomas, il allait le secouer, le remettre en ordre.
C'est ce qu'il veut. C'est son rêve de devenir chevalier !

Donc le haut-prêtre s'était levé ce matin. Un convoi devait partir pour Traquemont, avec des oignons, du poisson fumé ou séché, de la grosse morue couverte de sel. Du pain aussi, avec une farine noire, mélangée à de la châtaigne et du seigle. Quelques fruits et légumes, très murs et moches, mais encore comestibles. On avait aussi embarqué des outils agricoles, pour le potager, des planches de bois et de la paille pour réparer les toitures. Et des hommes aussi. Des miliciens, qui maintenant allaient servir la dame de Traquemont. Tout cela, payé aux frais du grand et juste duc Sigfroi de Sylvrur.
Pauvres miliciens. Ils doivent avoir fait une sacrée bourde pour être envoyés à Traquemont. C'est pire que la mort comme punition.

André, le seul et unique domestique de la mesnie de Tourres, avait préparé les deux vieux palefrois du domaine. Des palefrois, entendez bien ; De superbes chevaux, extrêmement chers, qui autrefois servaient à la parade. « Ah, qu'ils sont riches les Tourres ! » on devait se dire en voyant ces beaux chevaux. Trop marrant. A une époque les palefrois étaient extrêmement recherchés et tout baron digne de ce nom se devait d'en acheter un. Mais ces races de chevaux ne sont ni courageuses, ni fortes, ni utiles. Elles ne peuvent servir pour le trait, ni pour la guerre, ni pour la reconnaissance. Rien, à part marcher.

- Sire. Tout est prêt pour vous.
- Bien André. Merci pour tout.

Philippe tapa l'épaule de son domestique. Un grand au crâne rasé et aux traits durs. André était l'homme à tout faire de la baraque, et c'est important de bien dire cela ; Tous les nobles de l'Esplanade, pour bien montrer leur prestige et leur rang, se devaient d'accumuler les servants. La famille de Tourres n'avait d'argent que pour en payer un, alors, il lui arrivait souvent de changer de chapeaux et de vêtements pour faire croire qu'ils en avaient plusieurs. Un cocher, un cuisinier, un valet de guerre, un page... Mais non ! C'était toujours le même type qui bossait. Ou parfois, souvent, c'était ses employeurs qui devaient eux-même faire leur bouffe et nettoyer leurs vêtements, simplement, il fallait surtout pas le dire !

Philippe était partit réveiller le petit Thomas, qui n'avait pu fermer l’œil de la nuit à cause du stress. Sa chambre était rangée, et il s'était bien habillé pour l'occasion. Il n'avait pas d'armures de mailles ou de plates ; ça coûtait trop cher. Blaise avait bien ramené des pièces d'armures de ses terres, ce lâche qui était partit, mais elles n'étaient pas à sa taille. Tout avait été vendu, excepté une cotte que maintenant le père de Tourres portait. Pareil pour les épées et les écus. Tout était partit, les forgerons avaient toujours besoin de fer alors ça les faisaient plaisir de voir dagues et sabres à refondre. Il y avait juste une belle épée qui passait de génération en génération que le prêtre gardait à sa taille, même s'il était un peu trop vieux et usé pour pratiquer l'escrime.

- Debout, frère. Tu vas faire ton devoir.

Thomas obéit et suivit en tremblant son grand frère. Pas de bruit dans les couloirs, pour réveiller personne, pour pas perdre de temps avec les au revoir et le toutim. Non. Ils étaient vite montés sur leurs chevaux, André aidant le petit Thomas à se mettre sur sa selle et ses pieds aux étriers avant de donner des coups et saluer le domestique.

- Ah... Ils sont trop cons. J'espère qu'ils vont pas se faire tuer, parce que sinon, qui va me payer ?


Il faisait encore nuit dans les rues de l'Esplanade, et il y avait donc peu d'activité. De toute façon depuis l'Hiver il y avait moins d'activité à Marbrume. Peut-être parce que la plupart des gens sont morts, malades ou affamés. Non, les rues sont calmes, il y a quelques mendiants qui agitent les mains devant nos deux cavaliers, mais les Tourres les ignorent et se dépêchent d'aller jusqu'à la porte du crépuscule où sont réunis les renforts de Traquemont.
Il y a moins que prévu. Peut-être Philippe s'était imaginé une caravane gigantesque et salvatrice. Il y avait en fait deux petites charrettes pas totalement remplies, tractées chacune par des ânes qui avaient pas l'air en forme, et six gens d'armes dont seulement trois allaient résider de façon permanente au fort, les autres rentrant vers la ville une fois leur cargaison délivrée. Les trois avaient pas l'air commode. Ils avaient sortis des « bonjour, mon père ! » et fait de polies salutations, mais une fois qu'on était partit et que le prêtre avait discuté un peu avec eux, perché sur son cheval pendant qu'ils se déplaçaient à pied, les discussions avaient été plus froides. Apparemment, oui, les miliciens qui vont vers Traquemont auraient fait une connerie. Ils s'étaient mis à agresser un bourgeois qu'ils suspectaient de pas payer ses impôts. Sauf que ce bourgeois-là avait des relations avec le capitaine de l'intérieure, ils savaient pas trop, et bref ils avaient été « mutés » pour aider à lutter contre la Fange. Il paraît-même que leur sergent leur a dit qu'ils pouvaient être fiers, que c'était une grande promotion réservée aux meilleurs.

- Frère Philippe
, demanda Thomas, inquiet. A quoi cela ressemble, Traquemont ?
- C'est l'un des derniers bastions de l'Humanité. C'est rempli de preux et braves chevaliers qui se battent nuit et jour pour lutter contre l'invasion des démons. Tu vas pouvoir voir a quoi ressemble un vrai guerrier digne de l'acier de Rikni.

C'est pas tout à fait vrai. Mais bon... L'important c'est que ça l'endurcisse ! J'ai envie qu'il arrête d'être tout timide et timoré, qu'un lion sorte de son corps. Allez, Rikni, filez-lui un peu de courage s'il vous plaît.

Étonnamment, la route vers Traquemont se fit parfaitement calme. Pas de fangeux, pas de bannis, pas de gens bizarres. Cela est peut-être dû au fait qu'une patrouille de miliciens à cheval était passée et avait salué le convoi. Philippe et les gens qui l'accompagnait devaient être très chanceux que ces gars-là soient passés sur la route, peut-être qu'ils avaient effectivement dû se battre, le prêtre n'en savait rien.
Du coup, on avait discuté. Philippe aimait bien discuter. Il parlait aux miliciens, leur demandait de parler d'eux, de leur vie, de s'ils suivaient bien les préceptes de la foi, comme un papa prenant des nouvelles de ses enfants. Mais il n'essayait pas d'être chiant ou sévère ; Il leur parlait de façon assez détendue. Thomas, lui, il était tout timide. Il osait rien dire. Cela énervait le prêtre. Cela le mettait en rage. Il arrêtait pas de le forcer de parler, à lui lancer des réflexions, du genre : « Tiens, Thomas, tu penses quoi de ça ? » « Oh, Thomas, tu as vu, il parle de ce truc que tu connais, tu peux lui en parler s'il te plaît ? ». Mais à chaque fois qu'il ouvrait la bouche, seuls quelques mois tout tremblants sortaient de sa gorge.
J'arrive pas à croire que ce soit mon gamin ! C'est pas possible ! Je vais le secouer !

Et donc on était arrivés au fort de Traquemont. Ses portes lugubres et son aspect détruit avaient fait trembler Thomas, et pas de froid. On aurait pas dit un beau palais royal. On aurait dit un château hanté, avec des monstres dedans. Il y eut des hurlements, des cris, des aboiements de chiens qui attaquaient leurs cages, tandis que le pont-levis du fort de Traquemont s'abaissait pour faire rentrer le maigre convoi et ses réserves de nourritures.
Philippe aussi avait ramené quelques choses à Traquemont ; Une vieille relique empruntée au Temple, du papier, et deux livres de la bibliothèque aussi, censés aider le nouveau prêtre assignés au fort. Mais comme tout cela ne se mangeait pas, ce serait débarqué en dernier.

- Eh beh... Bonne journée à vous mon père.
- A vous aussi, Bohémont.

Le milicien avait l'air mort dans l'âme alors qu'il prenait son paquetage, son arc et ses flèches, et qu'il s'approchait avec ses camarades pour rapporter à Lendemain, qui allait leur assigner un boulot et un endroit où roupiller.

Du coup, le temps que Philippe lui dise au revoir et qu'il commence à descendre de sa bête, son métèque préféré était arrivé, en ayant réussi à faire peur au petit Thomas qui observait dans tous les sens, n'arrêtant pas de tourner la tête partout comme une poule. Malachite aida le père de Tourres à descendre, et se présenta en... En faisant une révérence, en pliant le dos et en lui disant : « Il, m'est, gré, de, vous, re-voir, môseignôr ! », en accentuant chaque syllabe.

- Heu... Eh bien, je suis content de te revoir aussi, Malachite !

Philippe lui sourit, s'approcha et lui tira la joue avec un grand sourire sur son visage. Puis, il s'approcha de l'autre cheval et aida le Thomas à descendre.

- Nos chevaux vont rester ici cette semaine, mais j'ai pas envie qu'ils mangent inutilement de la paille. Si Lendemain a besoin de bêtes pour une patrouille ou pour travailler, il peut les emprunter.
Et s'ils meurent, bah... Tant pis.


Cela emmerderait vraiment Philippe s'ils meurent, parce que ces deux chevaux étaient sa seule propriété notable et un revenu non négligeable, vu que parfois il les louaient secrètement pour qu'ils servent à des nobles plus riches que lui lors d'une ballade. Mais bon, ils étaient à Traquemont ! C'était plus important que soi-même.

- Viens, Thomas.
Je te présente Malachite, c'est un de mes meilleurs amis, il m'a sauvé la vie. Et Malachite, je te présente mon frère, Thomas de Tourres, celui dont je t'ai parlé.

- Enchanté, monsieur.

Thomas sourit comme un con à Malachite. Mais il avait peur cela se voyait. Il gardait bêtement la bouche ouverte.
Un silence régna un moment, puis Philippe poussa son frère en lui donna une grande tape dans le dos.

- Eh bien. Ne restons pas là. J'ai quelques cadeaux pour frère Guy, le nouveau prêtre. Il faut que je lui donne des livres et du papier que j'ai récupéré.

Il s'approcha de son cheval, où il récupéra les affaires qu'il plaça à la fois sous son bras, et dans les petites mains de Thomas qui lui servait de mule. Puis, le haut-prêtre s'approcha de Malachite et marcha en avant avec lui, tandis que Thomas trottait derrière eux, à regarder partout, les yeux écarquillés, ses jambes tremblantes comme de la guimauve, à regarder tout partout autour de lui, ces manants rustres qui n'arrêtaient pas de travailler partout comme tant de petites fourmis.

- Alors Malachite, dis-moi tout. Comment les choses se passent-elles à Traquemont ? Comment va dame Yseult ? Le frère Guy, est-ce qu'il prie bien ?
Et toi, alors, tu continues de travailler comme je te l'ai dis ? Tu t'intéresses un peu aux Trois ?
Tu m'as beaucoup manqué, tu sais ! J'ai un cadeau pour toi aussi, d'ailleurs.


Il lui avait sortit un petit sachet tout rempli, qu'il donna au banni.

- Ce sont des amandes dragées dans du miel. Cela commence à coûter une petite fortune, mais on m'en a fait cadeau. Tu aimes bien ça, non ?
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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptyVen 3 Juin 2016 - 23:18
Le haut-prêtre me présenta à son frère en tant qu'ami, j'eu le droit à un sachet de bonbons. Mon bonheur était total. On me demanda si j'aimais les amandes avec du miel. Je fronce les sourcils. Une petite fortune. Je me souviens de l'époque où quand j'en avais un sachet, il m'arrivait de ne pas le finir et d'en lancer aux oiseaux.

- Oui... je mangeais souvent avant, quand j'étais...

Je hausse les épaules. Pas encore banni quoi. Y a vraiment longtemps.

- Merci m'sieur.

Je jette en même temps des coups d'oeil prudent du coté du frère. Il a l'air complètement bouleversé. Il se tripote les doigts, ça fait mec stressé. Stressé par quoi ? C'est ça qui me rend perplexe. Je me suis jamais payé le luxe d'être timide. Déjà, tu peux pas l'être dans un village de vingt personnes. C'est impossible. Ensuite je me suis retrouvé dans des endroits que je connaissais pas, avec que des inconnus. Si j'ai été timide, ça a pas duré longtemps. Question de survie. J'suis un peu désappointé par le comportement de l'ado, donc. Je me dis qu'il nous snob, parce que lui il est dans des chouettes fringues et juché sur un cheval, alors qu'il est presque aussi métèque que moi. Il doit bien se foutre de ma gueule, intérieurement, avec ma bouille de gamin en sueur et mes cheveux retournés à l'état sauvage. C'est pour ça que son sourire, bah il était faux. Sale petit con. C'est pas parce que sa vie elle est mieux que la mienne qu'il doit la ramener.

Je babille quand même joyeusement avec le Haut-prêtre en l'aidant avec les chevaux - de façon relativement inefficace vu ma maigre expérience en équitation. Je lui donne surtout des nouvelles des Fangeux, vu que tout à Traquemont tourne autour du sujet. Qui est mort, qu'est ce qu'on a trouvé de rigolo en patrouille, combien de fois j'ai failli mourir le mois dernier. J'lui dit que j'ai vu la dame qu'une fois, quand l'autre équipe a battu le record de Fangeux tués en une matinée. Elle avait l'air d'aller bien. Je sais pas trop en fait, parler de Dame Yseult ça revient à parler de la Cause, voilà. Et la Cause n'a jamais de problème de santé.
J'évite soigneusement le sujet du prêtre, des livres auxquels je n'ai pas accès. Il réglera ça lui même quand il le voudra. Il pourrait très bien m'engueuler de faire ma balance sur son remplaçant, faire preuve de solidarité avec un membre de sa caste. Qu'est ce que j'en sais moi ? Je suis un métèque.

On commence à marcher dans la cour. Le haut-prêtre fait des commentaires sur ce qui l'entoure à son frère, comme si il avait jamais vu de château de sa vie. Ce sale petit con, il a dû en voir dix milles, et bien plus grand que celui là. Il regarde autour de lui sans sourire, sans rien exprimer. Je suis sûr qu'il trouve ça complètement misérable. A un moment son pied s'enlise dans la boue et il prend un air dégoûté. L'aîné a pas l'air content. J'suis sûr qu'il lui a pas appris à mépriser les gens comme ça, et que ça le chagrine de voir tant de snobisme. On y peut rien si y a de la boue dans la cour. J'vais pas déblayer la boue dans la cour hein ! J'sais bien que tout le monde dit que je suis feignant, mais j'vais pas déblayer tout une cour tout seul hein ! Merde !
J'suis tellement jaloux de Thomas.

Son regard glisse sur sa main. Il fronce le nez de dégoût, brièvement, puis il croise mon expression indignée et se met à rougir.

- Comment tu t'es fait ça ?

- Ca te regarde pas.

- Pardon m'sieur.

Là il baisse le nez et se met à rougir encore plus fort, ça s'étend à ses oreilles et à son cou. J'l'ai bien mouché ce sale con, je suis content. Ca me venge un peu.
Et alors que j'avais enfin l'esprit libre pour écouter le long monologue de monsieur de Tourres sur l'esprit d'entreprise de l'humanité illustré par trois mecs en train de nettoyer le puits, une présence malfaisante s'en vient.
Le prêtre !

Il a beau être vieux et assez adipeux, il bouge comme un reptile ce con. Je l'ai pas entendu approcher. Il est trop près. Il m'a vu. Mes tympans tintent tellement mon coeur s'est emballé d'un coup. J'ai peur. Il salue chaleureusement le haut prêtre. Je comprends pas ce qu'il dit, je suis trop occupé à écouter le bruit de ma propre panique pour l'entendre. Ne pas le regarder. Rien faire pour attirer son attention. Je recule très très doucement tandis que l'homme gazouille sur le bonheur de voir un collègue en cette période troublée. Mais c'est trop tard. Le monstre m'a déjà repéré il y a au moins cinq minutes.

Il me prend le bras, vif comme un serpent. Je ne résiste pas. Si je le frappe, si je le bouscule, c'est fini pour moi. Il remonte ma manche, serre mon avant bras aussi fort qu'il peut. Il est vieux, mais il arrive à me faire un peu mal. Si il avait dix ans de moins, il se serait probablement fait un plaisir de me péter le poignet juste pour me faire chier. Il pointe du doigt la cicatrice luisante et boursouflée d'un B majuscule.

- Monseigneur, je suis sûr qu'il ne s'en est pas vanté, mais voilà la sorte d'engeance qui rôde maintenant que la civilisation est affaiblie. Voilà pourquoi votre présence est si nécessaire. Allez, va-t'en toi.

Je m'enfuis aussi vite que je peux. J'ai vraiment pas su m'en faire un ami. Je vais me planquer sur le sommet des réserves. Avant il y avait un second étages et un toit, mais ils se sont écroulés. Maintenant c'est plus qu'un local avec un trou dans le plafond. Y a plein d'éboulis. Parfait pour se cacher un peu. Une fois sur place je mange un bonbon, pour le réconfort moral. J'veux savourer le paquet, mais pas trop non plus. Au bout d'un moment on va me le piquer, ça sert à rien de garder ça trop longtemps. Je m'asseois en tailleur entre deux poutre brisées et une énorme pierre de taille. Il fait un peu froid. J'sais pas ce que je vais faire après. J'avais pas pensé avant au fait que le haut-prêtre et son remplaçant pourraient être copains. Je me sens pas bien. Il va forcément lui raconter pour Lucette.

Disons que j'ai pas tout le temps un comportement irréprochable non plus. Et l'autre connard, il a un flair démoniaque quand il s'agit de me choper sur le fait. Et un jour, c'est arrivé, j'me suis vraiment mis dans la merde. En fait j'me suis réconcilié avec Lucette, elle est disponible, sur place, elle parle pas beaucoup. La femme parfaite. Et un coup le prêtre nous est tombé dessus dans la réserve de paille, bah elle était à quatre pattes sur ses coudes et moi derrière. Elle s'est enfuie, moi j'me suis vautré dans mon futal emmêlé autour de mes chevilles. Et j'ai pris une putain de dérouillée. Devant tout le monde. Il m'a mis des putain de coup de canne, j'ai encore des marques sur les cuisses et les mains - vu que j'ai mis mes mains pour interposer. Il a braillé en me traitant de pire qu'un animal. Tout le monde l'a entendu. Et j'ai eu trop mal. C'est à ce moment là que j'ai vraiment décidé d'en avoir activement peur.

Au bout d'un moment je retourne chercher le Haut-Prêtre, avec grandes précautions pour éviter l'autre barjot.
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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptySam 4 Juin 2016 - 11:39
Quel beau château que Traquemont ! Philippe n'arrêtait pas de le répéter. Partout il prenait Thomas sous son bras, lui donnant une tape, pour lui montrer tous les endroits de ce merveilleux fort militaire. Il lui montra le mur d'enceinte, il pointa le doigt vers les courtines, le chemin de ronde truffé de créneaux et de meurtrières en cas d'attaque, il était tout content de lui faire lever les yeux vers le donjon où résidaient les chevaliers et la châtelaine de Traquemont, là, derrière la bretèche. Il lui montrait les gens qui vivaient dans la basse-cour ; Le jardinier qui préparait le potager, l'entrepôt à grains, celui à bois. Il était tout fier de lui montrer le forgeron qui suait et transpirait de tous les pores, les flammes lui léchant le visage, chauffant le fer pour forger de l'acier.
Malheureusement, Thomas ne partageait pas son enthousiasme. Il semblait tout inquiet et penaud. Les gens ici avaient l'air rustres et violents. Leur façon de marcher, déjà : Ils avaient tous l'air de broyer du noir. Ou tout du moins, d'être bien déterminés. D'ailleurs, voilà que le petit Thomas était séché par Malachite, alors qu'il ne faisait que demander qu'est-ce qui était arrivé à sa main. Voilà que maintenant, le pré-adolescent se contentait de baisser les yeux et de ne plus oser rien dire au jeune Malachite.

Alors que Philippe était tout content d'expliquer à son fils la résilience de l'être humain, sa capacité à endurer n'importe quelles peines et les pires labeurs pour sa survie et pour le bien commun, et ce devant trois personnes qui récuraient le puits, arriva le clerc de la chapelle locale, frère Guy Troussel.

Malheureusement Guy ne semblait vraiment pas s'entendre avec le petit Malachite. Cela était compréhensible ; Philippe n'avait pas aimé le banni en le voyant la première fois, c'est par pur hasard que leur relation a plus ou moins évoluée. Mais voilà que le jeune garçon avait fuit en courant, apeuré, et le haut-prêtre n'osait pas trop dire grand chose.

- Je comprend, frère Guy, je comprend... Mais, il faut faire avec ce que l'on a, non ? Malachite est un homme très volontaire, vous devriez être heureux d'avoir une ouaille pareille.
- « Volontaire », « volontaire »... Volontaire pour flemmarder, oui. Il n'arrête pas de chercher les embêtements, monseigneur ! Il boit, il cherche la chair, c'est un impie qui ruine le moral de Traquemont. Mais comme vous dites, on fait avec ce que l'on a. Ah, si seulement je pouvais le dresser monseigneur, si seulement.

Philippe serra les dents et agita la tête en signe d’acquiescement. Il n'avait pas envie de le contredire. Le risque, peut-être, c'était de le vexer, qu'il quitte Traquemont, et qu'alors le château se trouve à nouveau sans aucun clerc, ce qui serait très problématique.
Le haut-prêtre se tourna vers son frère, et lui prit les livres des mains pour les tendre à frère Guy, qui fut apparemment assez étonné, mais tendis les doigts qui ne tenaient pas sa canne pour récupérer l'ouvrage.

- Tenez. Puisque je viens de Marbrume, je me suis dis que vous auriez besoin de cela. C'est une théorie théologique de Guillaume le Roux, qui date d'il y a un siècle. Je me dis que ce serait très utile pour vous d'apprendre ses théories sur les manifestations physiques des Dieux et le prêche aux militaires, Guillaume le Roux était un prêtre en campagne militaire, cela va bien avec Traquemont.

Et alors se produisit quelque chose d'étrange. Frère Guy, au lieu de se montrer content, de remercier poliment son prêtre supérieur, se mit à écarquiller les yeux, et garder la bouche bée. Puis, il prit un air de rage alors qu'il fronçait les sourcils, arqués au-dessus de ses yeux globuleux.

- Monseigneur... Me prenez-vous pour un demeuré ?!
- Pardon ?
- Si, si, vous me prenez pour un demeuré ! Vous me parlez comme si j'avais trois ans ! Bougre de... J'ai lu Guillaume le Roux ! Je l'ai lu ! J'ai pas arrêté de le lire ! J'ai passé toute mon adolescence à lire ses foutues théories ! Elles sont nulles ! Elles sont débiles !
- Frère, enfin, je-
- Bien entendu que c'était un prêtre en guerre ! Il a des opinions qui datent d'il y a un millénaire ! Il était débile et il ne cherchait qu'à faire plaisir au Roi des Langres ! Et vous, vous venez comme ça m'apporter ce bouquin comme si j'étais trop idiot pour l'avoir lu ?! Ah, je ne m'attendais pas à ça, tiens !
- Je vous prie de m'excuser, frère Guy, je... Je ne voulais pas vous vexer.
- Eh bien, la prochaine fois que vous souhaitez m'aider, apportez-moi quelque chose d'utile !
« Guillaume le Roux »... Sans blague !


Il partit en tapant sa canne partout. C'est alors que Malachite revenait un peu peureux. Philippe était encore tout fixe, mélangeant un air de honte et de haine envers ce petit prêtre.

- Eh bien, Malachite... Il en tient une couche celui-là.

Il repartait vers la chapelle, permettant au banni et aux deux fils de Tourres de continuer leur marche jusqu'à la haute-cour de Traquemont.

- Malachite, je vais rester ici un moment. Quelques jours, peut-être quelques semaines. Je suis venu ici pour aider Traquemont, bien sûr, mais j'ai également amené mon frère ici pour l'endurcir, pour lui montrer à quoi ressemble la vie hors de la sécurité de Marbrume.
Et je pense que tu peux beaucoup l'aider à cela, Malachite. J'aimerai que toi et lui soyez ensemble. Que vous dormiez ensemble, que vous mangiez ensemble, que tu lui présente tout le monde au fort.
Cet après-midi, lui et moi allons partir en patrouille dans les marécages, avec toi et ton groupe. Cela ne te dérange pas ?
Je te payerais pour le dérangement bien sûr ! Des oboles de cuivre ! Qu'en dis-tu ?
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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptySam 4 Juin 2016 - 16:56
Il a osé ! Il a mal parlé au Haut-Prêtre ! Il a vraiment aucune limite celui là. Les seuls avec qui il est poli, c'est les gens sur qui il a aucun moyen de mettre la pression, ou les lèche-culs qui vont toujours dans son sens. Et à Traquemont, comme partout, y en a plein. Les bonnes femmes, déjà. Elles adorent le prêtre, parce qu'elles peuvent faire la langue de pute avec lui. Heureusement Lucette l'approche pas, elle en a peur, mais j'pense plutôt aux vieilles qui s'ennuient parce que leurs gosses sont morts et qui cherchent sur quoi râler. Elles m'aiment pas trop non plus.

Monsieur de Tourres regarde son remplaçant s'éloigner avec une expression intense. Il a pas aimé le moment. J'ai pas entendu ce que l'autre bouffon lui a dit, mais ça devait comme d'habitude être fleuri et plein de tact. Mais il se contente d'un sobre "il en tient une couche celui là". Comme j'ai pris des cours express de tact depuis que je suis arrivé ici, je réponds dans la même veine :

- Il est... un peu vif. J'essaye de l'éviter, j'sais pas trop comment m'en débrouiller.

Je hausse des épaules. Je suis soulagé qu'il soit parti aussi vite. J'écoute la proposition du Haut-Prêtre de partir en patrouille avec lui et son frère. Cet après-midi ? Va pour cet après-midi. J'suis presque mieux dans les marais que dans le fort de toute façon. Avec de l'argent en plus ? J'y serais allé gratos tu sais. Le seul problème, c'est de trimbaler le gamin. J'suis un peu gêné que les autres me voient avec un petit. Sauf si j'passe pour son espèce de garde du corps. Ca serait la classe ça. J'trouve quand même que c'est une drôle d'idée d'amener quelqu'un ici pour "s'endurcir". C'est pas une bonne chose à faire. Mais peut être que Thomas et moi on est pas fait du même bois. Lui il va peut être pas se faire pipi dessus la première fois qu'il décapitera un Fangeux.

- Nan, ça serait bien. J'ferais bien gaffe à Thomas.J'lui montrerais des trucs cool et tout...

Puis je réfléchis, y a un truc qui me chiffonne quand même.

- Mais... enfin j'suis désolé je sais pas comment dire ça mais... ben il a un peu... il est... je sais pas comment dire poliment ! Il a une tête de métèque quoi ! J'suis désolé. Enfin faut qu'il fasse gaffe à... à pas faire de la merde. Sinon les autres ils vont le taper. J'sais pas comment le dire dans la politesse.

L'ado écarquille les yeux de stupeur. Puis il jette des regards inquiets autour de lui. Pose à nouveau son regard sur moi, et voit d'un autre oeil les bleus que j'arbore un peu partout sur les surface visibles. Là il a vraiment l'air sur le point de se chier dessus. C'était pas vraiment le but de la manoeuvre, mais j'apprécie l'effet secondaire. Autant appuyer mon avantage.

- J'peux lui faire tout visiter maintenant ? On part en patrouille que quand Lendemain il a fini de faire écrire les trucs du matin.

- Non ! Frère Philippe ! Je veux pas me...

Le haut-prêtre lui lança un regard noir avant de me répondre que ça serait très bien, qu'il allait saluer dame Yseult et ses officiers pendant ce temps et faire ses devoirs envers le fort j'sais pas quoi. Gérer sa chambre et celle de son frère. Aucune idée.

A ce stade je sais pas encore ce que je vais faire du petit Thomas. J'voudrais l'emmerder, mais sans le tabasser non plus. J'aurais des problèmes sinon. Je décide de rejoindre Arnaud, un poil plus âgé que moi, donc plus imaginatif et ambitieux quand il s'agit de connerie. J'ai bien deux heures devant moi pour traumatiser le gamin. C'est plus qu'il n'en faut. Sur le chemin j'essaye de discuter avec mini-bourge.

- Y a un truc que t'as envie de voir absolument ?

Il secoue la tête de gauche à droite puis se met à rougir. Fin de la conversation. Il est vraiment très très bizarre. Je trouve rien à rajouter alors on marche en silence jusqu'à la cuisine, où Arnaud mange un minuscule bout de fromage. Thomas découvre avec affolement les instruments de cuisine en perdition totale, la plupart des placards vides et la saleté de plusieurs dizaine d'hommes qui s'en battent les couilles de s'essuyer les bottes avant d'entrer. Y a pas assez de femmes pour nettoyer. Y a pas assez de tout, en fait.

- C'est qui lui ?

- Thomas, le fils du haut-prêtre qui est venu là, tu sais.

- Celui qui était avec Gilles ?

- Voilà.

- Oh.

Arnaud aime pas trop Gilles, il le trouve bizarre et flippant. Il comprend pas pourquoi je traîne avec des gens comme ça. Il observe placidement le gamin pendant quelques secondes avant de se remettre à mâcher son fromage. Thomas quant à lui n'a rien dit et s'est contenté de regarder autour en se tripotant les doigts.

Ouais sinon... - bruits de mastication - ... j'ai eu une idée là... - il mâche la bouche ouverte, c'est vraiment chiant - ... mais il est obligé d'être là lui ?

Ben j'dois lui montrer le fort et tout. Si j'le laisse tout seul il va se faire emmerder. J'ai pas envie.

Ouais j'comprends.

Alors tu voulais faire quoi ?

- Bah tu sais y a un copain du prêtre là... celui qui arrête pas de gueuler des poèmes religieux à sa femme à travers la cour. Il fait de l'alcool dans sa cave à partir d'algues ou je sais pas quoi. 'fin t'en as entendu parler. Mais il y a un gros cadenas et tout. Bah j'ai vu qu'entre sa cave et celle d'à coté y a qu'une cloison en bois.

- Oh cool. Tu sais où Dédé a laissé le gros marteau ?

- Dans les gogues. J'sais pas ce qu'il fout avec.

- Bah on y va.

Et on y est allé. C'était aussi simple qu'annoncé. 'fin au final c'était qu'un seau plein de vitriol qui sentait comme la schneck d'une meuf après avoir pris feu. Probablement buvable. Mûr pour la consommation en tous cas, autant que de l'alcool d'algues pourries puisse l'être. Thomas a été avec nous tout du long, il a rien dit, il est juste resté près de nous en serrant les fesses pour pas qu'on se fasse choper. C'était vraiment drôle. On l'a convaincu qu'on lui faisait un honneur en le laissant goûter l'alcool de contrebande en premier. On lui en a fait boire une grosse gorgée directement au seau. Il s'est mis à pleurer puis il a tout vomi. Après il avait les narines et la bouche en feu, c'était moche à voir. On l'a traité de lavette de pas savoir boire, on a nous même absolument pas touché au contenu du seau et on est parti le cacher sur un toit pour usage ultérieur. Enfin moi tout seul. J'suis un des rares à avoir le gabarit et l'absence de vertige suffisant pour aller à certaines cachettes. Arnaud trouve ça très pratique. Il se sent mal debout sur une chaise lui. Et les gens ils piquent tout si on laisse traîner. Faut se méfier des gens.

Après ça j'ai eu une bonne inspiration. On a joué à "montrer le lavoir à Thomas". Au lavoir, les filles de notre âge elles remontent leurs jupes jusqu'à leurs cuisses parce que c'est plus pratique, et c'est forcément un spectacle qu'un petit bourge a peu vu. Surtout à Traquemont, où les gens sont un peu brut de décoffrage. Le résultat a été au delà de toute mes espérances. On s'est arrêté devant, il a bloqué direct, s'est mis à rougir, à avoir une érection. Y a une des filles qui s'est approché pour se moquer et... ben la voir sourire de près, je sais pas, en tous cas il s'est vomi dessus. Nous trois on en pouvait plus de rire.

'fin l'un dans l'autre on a su s'occuper jusqu'à l'heure de la patrouille. On lui a aussi présenté Gilles. Gilles peut être... un poil anxiogène quand on le connait pas. J'en ai jamais eu peur, mais c'est grâce au contexte particulier de notre rencontre. Après nous avoir vu ensemble, y a un vieux de la patrouille qui est venu me voir et on a eu une conversation... pénible. Gênante. Je comprenais pas où il voulait en venir et il arrivait pas à poser sa question franchement. Enfin comme Gilles est pas mal tactile quand il est content, et qu'il aime bien la compagnie des gens plus jeunes que lui, ça fait beaucoup d'histoire pour rien. Il est juste un peu spécial, c'est pas grave. Enfin évidemment, Thomas le connaissait déjà. C'était le diacre de son frère. Mais est ce qu'il a enlevé son balais dans le cul pour autant ? Non ! Il a flippé de Gilles aussi.
Enfin bref. On a rejoint la patrouille tout content.
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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptySam 4 Juin 2016 - 23:10
Malachite avait fait remarquer avec une certaine véhémence (Quel joli mot, cela fait très intelligent !) les origines ethniques du petit Thomas de Tourres. La remarque avait fait beaucoup serrer les dents à Philippe. Mais genre vraiment beaucoup. Il écrasait ses molaires entre elles et une petite veine sur son front manquait d'exploser.
C'est pas que Malachite était insultant. C'est que cela ramenait de très très mauvais souvenirs au prêtre.
Des souvenirs quant à la mère, je veux dire.

Salope ! Chienne ! Putain ! La seule chose que je peux espérer en ce moment c'est qu'Anür ait bien punie cette grosse pute en l'enfermant dans un tonneau de merde et de foutre pour l'éternité !

Mais il fallait se calmer. Aussi, Philippe se força à faire un grand, grand sourire qui n'avait vraiment pas l'air sérieux.

- Je comprend, je comprend. Mon frère est... Il est... Différent. Mais il sait se tenir, il est sage.

En tout cas Malachite était tout content d'accompagner le petit. Mais pas Thomas. Cela était insultant ! Plus qu'insultant même !
C'est pas croyable ! Malachite est volontaire pour tout lui montrer, et ce petit con trouve à redire ! Ah ! Il n'a aucune politesse cet enfant-là !

Heureusement, un simple regard de la part du prêtre avait suffit à calmer les ardeurs du petit con.

- Très bien alors Malachite. On se revoit cet après-midi.

Et ainsi, Philippe put se rendre jusqu'au donjon après avoir franchit les portes gardées par deux hommes en faction. Ces hommes-là, vu qu'ils faisaient que garder une porte, n'avaient pas du tout l'air aussi musclés que les autres ; L'un était un petit gros, l'autre un jeune gars. Ils étaient tous deux vêtus d'un plastron en cuir bouilli, d'un casque qui protégeait que le dessus du crâne et de deux lances en bois où seule la pointe était en fer forgé.
Ensuite, le prêtre put pénétrer le donjon. Comme il avait un rang et qu'il avait laissé une impression plutôt positive, on lui a offert une chambre et un beau lit. En réalité, mais Philippe ne le savait pas trop, c'est surtout que frère Guy s'était rendu franchement désagréable, au point où Lendemain voulait tout faire pour que le père de Tourres se sente à son aise, parce qu'il espérait qu'il reprenne sa place et que le prêtre chiant déguerpisse.
Enfin. Philippe était allé présenter son hommage à Dame Yseult, quand même, vu qu'elle était la maîtresse des lieux. Elle avait l'air très bien et en parfaite santé, comme à son habitude. Elle accueillit Philippe en lui lançant un chaleureux « Bonjour mon père ! ». Non je déconne. Ce serait inquiétant dans ce cas. Non, elle lui avait sortit de manière très pète-sec : « Ah, le père de Tourres. Rendez-vous utile ici, mais ne prenez pas Traquemont pour une auberge, monseigneur ». C'est bien, cela voulait dire qu'elle était comme d'habitude.
Et donc, oui, Philippe avait essayé de se rendre utile. Mais sans s'approcher de la chapelle pour l'instant, il lui faudrait tenter de calmer Guy avant, de reprendre le dialogue comme on dit poliment. Il avait un peu discuté avec la gendarmerie de Traquemont, comme cet agréable tueur enfants d'Eadwin. Puis il avait bifurqué sur les remparts pour re-rencontrer d'autres personnes mais elles étaient en train de faire leurs rondes et semblaient bien trop occupés pour se casser le cul à parler avec le prêtre, qu'ils essayent de très poliment virer, exercice compliqué. « Mais oui, mais oui mon père... Bien sûr. Vous savez mon père, heu, il y a des gens avec qui vous pourriez parler dans la basse-cour ! »

Du coup Philippe avait juste déballé ses affaires et recommencé à écrire tout seul dans son coin. Puis vint l'après-midi et en entendant tout le boucan dans le couloir, les bruits de pas et les crissements d'aciers, il savait que c'était l'heure pour faire la chasse à la Fange. Alors, Philippe s'était équipé.
Il enfila sa cotte de maille complète : Haubert, jambières, camail. Il était un petit monstre, un serpentin de fer, avec au bout de gros gants en cuir, moins pour se défendre que pour pas risquer de riper sur quoi que ce soit. Et puis, à sa ceinture, il arma son fourreau et mit son épée, celle qui passait de génération en génération chez les Tourres.
Et là, d'un coup, Philippe s'était arrêté devant le pas de sa porte. Il observait son épée. Elle était pas spécialement belle son épée, elle était comme toutes les épées du monde. Une épée d'armes, qui devait bien peser 2 kilos ce qui fatiguait le bras, longue d'un peu plus d'un mètre, un beau pommeau sans aucune trace d'or, de bijoux ou de quoi que ce soit de décoratif. Un acier, pur et sans artifices. L'épée de mon père... Blaise l'avait ramenée, quand il avait fuit les terres de sa baronnie. Philippe le lui avait arrachée du fourreau, il s'en rappelait, et d'ailleurs, dans un réflexe purement humain, Blaise avait attrapé la garde, ce qui fait qu'en la tirant, le prêtre lui avait ouvert la main. Il ne la méritait pas... C'était lui l'aîné, après tout, lui s'il avait été à la place de Blaise il n'aurait jamais fuit son château. Il serait en train de se battre. Ouais, Philippe serait exactement dans la même situation qu'Yseult : Il serait dans son fort, à traquer la Fange, à lutter avec ses réserves, pour survivre, pour protéger ses manants.
Mais le problème, c'est qu'alors, ce serait se rappeler de pourquoi Philippe n'était pas baron de fait. Pourquoi il avait fuit à Marbrume. Ah c'est sûr, peut-être que le brave Thibault de Tourres ne serait pas content de savoir que son fils qui l'avait fait cocu tenait son épée.
Qu'importe. Blaise doit mourir sans enfants, sans mariage. Moi, je dois renier toute prétention sur mon titre. C'est Thomas le futur. C'est lui l'enfant du péché, c'est lui qui peut nous racheter. C'est pour ça qu'il va se battre. C'est pour ça qu'il va devenir un homme. Qu'il soit meilleur que moi et son imbécile de frère.

Vaste programme. Et donc le prêtre était sortit en armures pour aller dans la basse-cour. En chemin, quelqu'un le héla.

- Gilles ! Mon bon Gilles !
- Hé hé ! Salut mon père !

Le vieux Gilles, toujours aussi puant et mal rasé, attrapa Philippe bras dessus-bras dessous, et les deux s'enlacèrent rapidement. Ils discutèrent de tout et de rien, rapidement.
Gilles n'était pas rentré à Marbrume depuis le mois de février. Depuis l'affaire du lapin tueur (Nous n’ennuierons pas notre lecteur sur les détails de cette sordide affaire), il était resté au château. Pour diverses raisons, qu'il n'avait pas précisées à Philippe. D'ailleurs le haut-prêtre l'avait plus ou moins mal pris, mais il n'était pas le père de Gilles, il pouvait comprendre pourquoi le diacre voulait faire ses propres choix.

Et donc voilà, rapidement, on organisa les effectifs de la patrouille. Arnaud, Malachite, André (Dit « Dédé » pour les intimes), Gilles, et puis les deux nouveaux miliciens aussi, Bohémont et Nathan. Ah, et aussi, un mec super étrange qui mit tout de suite Philippe mal à l'aise, alors même que Philippe était l'exemple de personne qui s'approchait de tout le monde : Un gars complètement barge qui s'appelait Vincent. Il bossait au chenil, et il avait amené avec lui deux chiens à l'air vicieux et affamé pour traquer les fangeux. En les voyants, Thomas avait reculé et s'était caché derrière son grand frère, qui l'avait sèchement repoussé.

- Fr-Frère, je... Je veux pas rester ici... Je pense pas que ce soit une...
- Silence, Thomas ! Comporte-toi en homme ! Porte tes couilles !

C'était la première fois que Thomas se mettait à réellement gueuler sur Thomas. Et puis, le prêtre se mit à le tirer par l'oreille aussi, pour le faire avancer de trois pas. Puis le pont-levis devant eux s'abaissait, et le petit groupe était parti. Très mal armés. Il y avait des mélanges de trucs de cuir bouilli, de jaques, Dédé avait un haubergeon et Gilles un haubert, mais seul Philippe avait quelque chose de la tête au pied. Pas un seul d'entre eux n'avait de plate scintillante, alors même que le petit Tourres n'arrêtait pas de regarder de belles enluminures où les chevaliers en sont recouverts partout sauf pour les yeux. Pas de belles épées longues et tranchantes non plus ; Ils portaient des glaives et des lances, des arbalètes pour cribler de carreaux les monstres, et puis, au pire, ce n'étaient pas de belles épées bien forgées que le groupe avait à leur ceinture, mais de crasseux fauchons s'ils devaient se dégager.

Et donc, voilà que le petit groupe, par une plutôt jolie après-midi, se retrouvaient à marcher le long d'un chemin de terre, à l'abri des arbres et des buissons, leurs paquetages sur le dos. Ils s'enfonçaient dans les marais, leurs bottes s'enfonçant dans la terre et la boue. Philippe était tout devant avec Gilles et Bohémont, alors il n'écoutait pas trop Thomas derrière qui était vulnérable face aux brimades de Malachite et des autres. Non, ils discutaient entre eux, les trois, de trucs « de grands ». Ils parlaient de l'opération du Labret, de Sigfroi de Sylvrur, Philippe leur donnait des nouvelles de l'Esplanade et ils semblaient s'inquiéter des tractations politiques de peignes-culs qui pourtant influençaient leur quotidien à eux, crasseux au fond du trou. Ils parlaient ainsi, à piailler, piailler de politique, d'économie, de choses chiantes. Gilles était étonnamment intelligent pour un mec qui ne savait pas lire et qui avait une commotion à la tête à cause d'un coup de massue. Et Bohémont, à défaut d'être une lumière, était sacrément pragmatique, peut-être justement parce que c'était un milicien des bas-fonds de Marbrume.
On avançait, on avançait, une heure durant, et le prêtre restait tout silencieux, quand soudain, les chiens se mirent à aboyer et à tirer sur leurs laisses.

- Hé hé ! Les gros molosses ils sentent quelque chose.
- Déployez-vous ! Hurla Gilles. Et alors, les hommes faisaient tomber leurs lances sous leurs aisselles, tandis que d'autres posaient l'arbalète à terre pour tirer la corde.
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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptyMar 7 Juin 2016 - 14:41
- Ouais, tu vas te pisser dessus. Obligé. La peur et tout. Y a pas de honte à être ce genre de personne.

- Voilà.

- Ouais.

En même temps c'est normal, y a plein de gens qui sont morts. Y a genre des vrais raisons d'avoir peur. Tu vois cette main ? Bah le doigt en moins il a été croqué. Ouais. Comme ça. Ca fait trop mal. J'ai failli crever.

Les deux autres ont enchaîné sur des anecdotes des fois où ils ont failli crever aussi, histoire que je sois pas le seul à être un peu classe. Thomas devient de plus en plus livide. On marche dans les marais depuis dix minutes, il en peut déjà plus. Il sait pas que là, il fait encore jour et qu'on est en zone relativement dégagée. Et on est encore près du fort. C'est pour ça qu'on parle comme des commères, l'air de s'en foutre. Et combien de fois je me suis pissé dessus sur le coup de la panique ? Chépa, cent fois. Mais le gamin de noble a aucun moyen de le savoir.

On est quatre à l'arrière, un peu en retrait pour que les vieux nous entendent pas traumatiser Thomas. On a plein d'anecdotes à base de copains en train de mourir en tenant leurs tripes avec leurs mains, d'enfants découpés en petits morceaux, on oublie pas d'ajouter des détails pour donner de la couleur. Par exemple la description la plus organique possible du bruit que font les petits os délicats du nez en se brisant. Ce que ça fait de devoir se laver du sang séché dans les cheveux. Je sais pas pour les autres, mais moi j'invente la moitié de mes histoires.

On a pas de raison d'arrêter, alors on le fait pas. Il faut marcher longtemps pour croiser des trucs intéressants, alors on s'occupe. Thomas surmonte son immense dégoût pour nous poser une question : à quoi ça ressemble, précisément, un Fangeux ? On lui a dit que c'était des morts revenus à la vie qui tue les vivants, mais, et sinon ?

Ca fait vraiment plaisir d'avoir une victime qui tend elle même le bâton pour se faire battre. A force de vivre avec des gros tarés et des psychopathes sans émotions, j'avais oublié les plaisirs simples d'une vie mondaine réussie : les gros pigeons. Arnaud, Vincent et moi, on s'est regardé. On est resté silencieux deux secondes, le temps de regarder s'étaler devant nous l'immensité des conneries qu'on pourrait inventer pour faire tourner en bourrique Thomas. Toutes ces possibilités me donnaient un peu le vertige. Mais fallait se lancer.

- Ils... ils font un tas de trucs bizarres. Genre si ils te chopent, ils te tuent pas tout de suite : ils te font souffrir avant.

- Ouais... ouais ils sont un peu sorcier en plus.

- Ouais et ils sentent la peur. C'est pour ça qu'on est pas tout émotionnel comme toi, tu vois, pour pas qu'ils nous chopent.

On prend quelques secondes de recueillement devant le raffinement de cette dernière remarque, venue d'Arnaud. Le gamin s'est remis à se tripoter les doigts. On a continué comme ça dans les conneries, genre les yeux qui brillent en vert et qu'ils crachent du feu, j'sais pas si Thomas a tout gobé mais il nous a jamais contredit. Des fois il pose une question d'une voix suraigue genre "grandes comment les dents ?" et sinon il se retient de pleurer. Parce qu'il en a très envie, c'est flagrant. Là dans sa tête il est en train de jouer sa vie en suivant son frère - il a pas complètement tort, je persiste à penser que c'est une idée bizarre. D'ailleurs j'vais lui demander :

- Pourquoi tu t'es pas enfuis au lieu de suivre ton frère ici ? C'est con.

- Mais je... je peux pas ! Je...

- Quoi il t'enferme avec lui tout le temps ?

- Non ! Mais je ne peux pas... enfin où j'irais après ?

Je hausse des épaules. Je préfère revenir au sujet précédent au lieu d'essayer de comprendre l'incompréhensible. C'était plus drôle. Mais on est vite à court d'inspiration, on fait les fonds de tiroir. J'invente des histoires improbables sur mes cicatrices au visage, Arnaud raconte comment un beau matin il a retrouvé sa mère en Fangeux en train de traîner dans le poulailler. Je puisse des fois dans ma biographie pour étoffer l'affaire :

- Ouais et même les Fangeux bah... ils peuvent violer les gens. Les mecs aussi. Les chèvres. Tout.

- Vous les avez vu ?

- Ouais, pas ici. Il en est mort le gars.

Puis bon, l'un dans l'autre, notre enthousiasme a disparu, et on s'est mis à méditer aussi sur ce qui allait nous tomber dessus à un moment ou à un autre. Thomas s'est un peu laissé distancer pour pleurer sans qu'on le remarque - perdu - et j'me suis mis à observer l'environnement avec plus d'attention. C'est bien gentil de rire, mais on est pas pour faire un pique-nique.

On a eu les événements intéressants après encore une chiante heure de marche à travers la gadoue. Le gamin en pouvait plus. Il porte trop de bordel sur lui ! Pourquoi le haut-prêtre il a aussi tout ce bazar d'ailleurs ? On dirait un milicien mais genre la version de luxe. J'aime pas. Et ça leur a servi à rien. C'est les autres mecs et le chien qui ont buté le Fangeux. Moi j'ai rien pu faire, j'peux pas tirer alors qu'il y a des gens autour, et j'peux pas utiliser l'épée non plus - vu ma compétence là dedans, il y a plus de chance que ça finisse dans un copain que dans un monstre. Du coup je reste sur le coté à observer la performance. J'approuve la présence des chiens. Il y en a un qui meurt dans l'histoire, en faisant des petits bruits tristes, mais c'est bien efficace pour immobiliser un membre ou deux le temps de neutraliser la source du problème. Faut pas que les Fangeux soient trop nombreux, du coup, mais qu'est ce qui est efficace contre dix d'entre eux de toute façon ?

- Putain il était vraiment vieux celui là ! T'as vu les dents ?

- Viens Malachite, toi tu as la technique pour euh... enfin va y

Dédé s'éloigne un peu. Il aime pas décapiter des mordeurs. C'est nécessaire pour être vraiment, vraiment sûr qu'ils rampent pas dans ton dos pour te faire un coup de pute en traître. Des fois y a pas le temps de décapiter, on peut pas rester près d'une odeur de sang comme ça, mais quand y en a un vieux comme ça...

- Ouais faut faire levier entre deux os avec l'épée... des gros un peu rond dans la nuque.

- Ta gueule, fais le c'est tout.

C'est un banni fou que j'ai vu faire ça, mais j'arrive pas à reproduire la technique avec autant d'expertise. C'est vraiment dur de couper la tête de quelque chose putain ! Et mine de rien, ça me fait pas plaisir non plus. J'essaye juste de... plus y penser. J'imagine que c'est juste de la viande que je suis en train de découper, si je regarde le visage en même temps j'ai vraiment du mal. En plus c'est putain de long ! Elle est pourrie mon épée. J'demande celle de quelqu'un d'autre pour gagner du temps. Les gens se détournent un peu pour pas me voir faire, vont poliment attendent plus loin.
Thomas lui... bah il a vraiment pas kiffé le moment.
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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptyMar 7 Juin 2016 - 15:53
Gilles avait été sacrément réactif. A peine le fangeux arrivé en ligne de mire, il avait donné un coup de taille avec sa vouge pour bloquer l'élan de la bête. Ensuite, Bohémont avait tiré sur le corde de son arc long, sollicitant toute la force de ses 3 doigts pour tirer une flèche qui alla s'enfoncer dans la gorge du monstre. Alors que le milicien sortait un autre trait de son carquois, voilà que un des chiens avait sauté à la main du fangeux, le tirant en arrière, le faisant chuter dans le marais. Le pauvre chien s'était fait étripé. Non pas que le fangeux avait voulu le bouffer, c'était pour se défendre ; Mais voilà, le monstre la tête dans l'eau, il avait tout le monde au-dessus de lui, avec des armes d'hast, à le trancher et à l'empaler tout le temps, de toutes leurs forces, et le milicien derrière qui, solidement posé sur ses deux jambes, n'arrête pas de le cribler de flèches. C'était une sacrée technique de lâche, en fait, se mettre à plein de gens pour pas arrêter de tuer une bête jusqu'à ce qu'elle bouge plus, et même après qu'elle bouge plus. Mais c'était la Fange, que voulez-vous ?

Ensuite, Philippe avait sorti l'épée de son fourreau pour la prêter quelques instants à Malachite, le temps qu'il décapite le monstre, s'y mettant à plusieurs fois. La bête morte, on pouvait observer le travail, tout le monde assez fier de lui-même.
Seul le maître du chenil semblait atterré. Il avait couru vers le cadavre de son chien, et l'avait serré fort fort dans ses bras, tandis qu'elle pleurait et gémissait.

- Chuuuut... Chuuuuut... Calme-toi pupuce... Papa est là, papa est là...

Et voilà qu'il se mettait aussi à pleurer, à sangloter, à chaude larmes, jusqu'à ce que son animal ne quitte la terre. Il s'était levé et continuait de porter l'animal dans ses bras, ce à quoi Gilles avait mal réagit.

- Eh, tu fous quoi ?!
- Je... Je veux l'enterrer !
- T'es sérieux ?!
- Oh le con.
- Azy on a pas le temps d'enterrer ton clebs.
- S'il vous plaît... Je... Je veux pas le laisser là dedans ! Pas dans le marais !

Tout le monde se mettait à engueuler le maître du chenil. Et voilà que le pauvre homme, qui pourtant avait la quarantaine, se mettait à pleurer toutes les larmes de son corps en tenant son animal.
Philippe s'était approché en pestant, énervé de rester au milieu des marécages, alors qu'il y avait des fangeux tout autour.

- C'est le chien qui s'est sacrifié pour nous, non ? Alors, on va l'enterrer, je dirais deux-trois mots et on bouge.
- D'accord mais j'creuse pas la tombe !
- Ouais on a pas de pelle, mon père, vous êtes malins !
- Eh bien on l'enterrera une fois à Traquemont. Thomas !

Philippe s'approcha du maître du chenil, attrapa le corps dégoulinant de tripes du cadavre de clébard, et le posa dans les bras de son frère. Thomas était devenu tout blanc, mais vraiment, là ce n'était même plus une blague ; Il était dans un état pire que tout, le pauvre garçon serait sans doute traumatisé à vie.

- Garde le chien dans tes bras jusqu'à ce qu'on soit rentrés au fort.

Le petit garçon tremblait, et pourtant il ne pouvait pas parler ; Il se retenait de vomir. Le cadavre de l'animal dans ses bras était assez lourd, et des intestins n'arrêtaient pas de lui tomber sur les bras.

- On doit terminer la patrouille, n'est-ce pas ?
- Eeeh... Ouais. Pour sûr, monseigneur.

Et donc le petit groupe était reparti aussitôt, mais cette fois-ci pour s'enfoncer encore plus dans les marais. Plus question de contourner par des chemins de terre : Il fallait maintenant aller dans l'eau boueuse et croupie, qui faisait s'enfoncer les hommes jusqu'au bas des genoux. Thomas, par sa taille assez petite, était submergé jusqu'aux cuisses. C'était marrant comment il était petit comparé à son père. Il faut dire que la génitrice n'était pas très grande. Passons.

On est dans le marais et les choses empirent très rapidement, comme c'est le cas dans toute balade au sein d'un marais pourri. Les moustiques volent partout. On est en plein début de l'été, et si en hiver on était tranquille, voilà que ces immondes bêtes volent partout. Philippe est obligé d'agiter sa main devant lui, sans quoi les petits insectes viennent lui dévorer le visage. Pour Thomas, c'est pire, parce qu'il ne peut pas bouger avec le cadavre de chien boueux dans ses petites mains ; Le voilà avec le nez, le front, les joues endolories, rouges, gonflant rapidement.

Pas d'autre fangeux n'est croisé. C'est une bonne journée. Oui, les bêtes sont en train de petit à petit disparaître il semblerait, au moins dans la périphérie de Traquemont. Au loin on voit des colonnes de feux, provenant sûrement des autres groupes qui nettoient derrière eux.

- Ah, n'est-ce pas merveilleux ? J'aime voir la Fange reculer devant l'Humanité. Rikni est de notre côté.


Philippe souriait comme un con. Il était de bonne humeur, au moins ça en faisait un.
C'était tout de même bizarre qu'il y ait autant peu de fangeux. Généralement, cela voulait dire qu'ils étaient occupés autre part.
Et d'ailleurs, ce fut vite le cas lorsque l'autre chien encore survivant se mit à aboyer. On alla dans la même direction que le clébard, pour voir, devant, derrière les épais feuillages, à 300 mètres de là des hommes en train de se battre face à des fangeux.
C'étaient le convoi par lequel Philippe était arrivé. Trois miliciens étaient debout sur une charrette, en train d'agiter leurs lames, alors qu'autour d'eux, trois fangeux rôdaient, attentant le moment propice pour se battre.

Allaient-ils leur venir en aide ?
Ou alors les laisser mourir à leur sort ?

En tout cas, Thomas observait, les yeux terrifiés.
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MalachiteMiséreux
Malachite



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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptyMer 8 Juin 2016 - 13:21
Des mecs sur des charrettes. Les Fangeux veulent les tuer. On se pose même pas la question : on les aide. D'une, c'est toujours bien que les convois puissent circuler entre Traquemont et Marbrume, de deux ça sert à quoi de patrouiller si c'est pour laisser des gens mourir comme des merdes ? Hélas, ce combat là aussi a dû se passer sans moi.
Thomas s'est mis à faire n'importe quoi.

Merde ! J'y vais.

Les lèvres blanches, les pupilles dilatées de terreur, il a lâché le cadavre du chien pour s'enfuir à toutes jambes à travers les marais. Je pars lui courir après, alors que j'étais déjà en train de charger mon arbalète. Faut dire que galoper en panique à travers la végétation en faisant autant de bruit qu'un sanglier, c'est la meilleure manière de mourir dans le coin. Pourtant, pour un mec peu habitué à crapahuter en forêt, j'ai eu un mal fou à le rattraper ! Il m'aura fait suer ! Et à cause de lui j'ai dû abandonner tout le monde au milieu des embrouilles ! Mais j'ai promis au haut-prêtre de garder un oeil dessus. J'peux me faire engueuler que par une personne à la fois de toute façon.

Je retrouve l'adolescent en train de s'enliser dans une immense mare de boue. Les hautes herbes donnent l'illusion d'un sol solide, alors que pas du tout. Je l'attrape par le bras, il me regarde d'un air penaud et soulagé, me suit. Fin de la fugue. J'comprends pas trop alors il m'explique qu'il s'est mis à flipper encore plus en étant tout seul. Bon. Ca s'comprend. Je pose mon index sur ma bouche pour lui indiquer de la fermer et qu'on va rejoindre les autres gentiment. Là on est que deux, enfin un et demi. Si y en a qui nous tombent dessus, on est foutu.

Et tu sais quoi ? On a rejoint la patrouille et les miliciens sans soucis. Les trois Fangeux ? Morts. Des fois ça peut bien se passer tu sais.
Vincent garde le cadavre de son chien dans ses bras : il veut plus que le gamin le prenne parce que "il la traite pas avec respect". Il est chelou ce gars. Y en a trois autres occupés à décapiter les Fangeux, pendant que le reste des gens se félicitent mutuellement de leur petite victoire. Je m'approche pas, un peu jaloux de pas pouvoir participer. J'aime bien les moments où on est tous tout content d'être dans le même camp, tout ça, les Fangeux sont presque une bonne nouvelle juste pour ces instants là. J'vais plutôt rattraper le cheval qui s'est enfuit dans la panique des combats. Il a cassé une des sangles de l'attelage. C'est emmerdant.

Donc je pars rejoindre les gens, tout ça. On a une conversation un peu chiante sur comment bricoler une nouvelle sangle qui tienne jusqu'à Marbrume avec une ceinture et de la corde pour bateau. Je t'épargne les détails. C'est encore un petit morceau de vie quotidienne normal. C'est un peu chiant hein ?
Heureusement ça dure jamais ces trucs là.

Il y a un milicien, il nous écoutait théoriser sur la réparation en urgence du matériel d'équitation. Il disait rien. D'un coup il m'a chopé le poignet pour relever ma manche. Et là, j'ai eu cette seule pensée : qu'est ce que j'imaginais ? Combien y a-t'il de métèques à neuf doigts bannis dans le coin ? Des signes distinctifs, j'ai que ça. Ca devait forcément arriver. Pourquoi j'ai été si con. Arnaud prend ma défense :

- Il a le droit d'être là, c'est pas Marbrume.

Le milicien garde le silence quelques secondes, inexpressif. Il a de très grosses mains et fait facilement le tour de mon avant bras avec. Je sens le bout de ses doigts s'enfoncer légèrement dans la chair pour assurer sa prise. Puis il répond :

- Ce qu'il avait pas le droit, c'était de revenir en ville buter quatre collègues.

La déclaration laisse tout le monde silencieux, puis Arnaud prend encore ma défense. Il était pas de mon coté à la base, quand on s'est rencontré, mais ça fait plaisir de voir quelqu'un qui n'est pas congénitalement haineux et violent. Brave gars.

- Oui bah franchement je l'ai vu se faire accuser de tout ce qui est possible parce que c'est un étranger, au bout d'un moment ça devient complètement con.

Ouais, j'suis bien d'accord. J'ai buté que trois miliciens, pas quatre. Pour m'enfuir d'une situation gênante. Mais je parlerai pas de cette sombre histoire, ni de celle où un con de boucher marbrumien m'a mis un meurtre de flic sur le dos. J'suis déjà en train de serrer les fesses assez fort pour casser des noix avec, merci bien. Nan, mon cerveau est déjà rentré dans un mode de fonctionnement beaucoup plus simple.
Il se trouve que j'ai un autre bras.

Je mets une grosse droite dans le visage en face du mien, en plein dans la bouche. J'l'ai eu par surprise. pas de signe annonciateur, pas un froncement de sourcils, pas un grognement. L'instant d'avant j'étais au calme, comme un mec sidéré, celui d'après quelqu'un était en train de cracher ses dents. Je saute ensuite sur son collègue qui avait rien dit pour lui pourrir la gueule à coups de poing et de pieds. Mon adrénaline a décidé unilatéralement que j'allais exploser les trois miliciens, tout seul, avec mes p'tites mimines. J'ai rien à voir là dedans.

C'est devenu le gros bordel. Le problème, c'est Gilles. Avec la plupart des gens, il a l'air un peu normal. Des fois il fait des petits cris quand il va tuer quelque chose, ou on pige pas trop ce qu'il dit, mais ça passe. Mais Gilles, j'crois que la faille c'est niveau paternité. Son absence, je veux dire. Il fait pas de mal, il veut juste... s'occuper de trucs. Et c'est là que sa vie sociale devient un peu compliquée. Les enfants des autres, les bébés animaux, moi, il a eu aussi une brève liaison filiale avec un mannequin pour s'entraîner au tir à l'arc. Contrairement aux autres j'le laisse un peu faire parce que bah, j'ai un peu pitié, je sais pas. P'tète je devrais pas. Du coup il vient se mêler de ce qui le regarde pas en mode aléatoire. Y a un coin de mon cerveau qui a entendu les petits cris annonciateurs de violence, mais j'ai continué à pourrir l'autre connard que je connais pas et que j'ai jamais entendu ouvrir la bouche. Là y a des priorité tu vois.
Enfin tout le monde s'est mis à essayer de séparer tout le monde, avec un maximum d'inefficacité - sauf moi, Gilles, et les deux miliciens que j'ai frappé évidemment.

Je peux pas rendre compte des événements dans leur ensemble, j'étais juste concentré sur mon cas, tu vois. Donc j'ai frappé connard n°1 en plein dans sa gueule, ensuite j'ai sauté sur le deuxième. N°1 est pas resté à cracher ses dents pour l'éternité, il a un peu l'habitude quand même, alors il m'a tiré en arrière pour me pourrir la gueule au sol pendant un temps indéterminé. Ca semble très long quand on se mange des droites. J'ai réussi à lui foutre un coup de genou dans les couilles au bout d'un moment. Après des mains nous ont tiré en arrière pour nous séparer. On a pas été très coopératifs. Des nez se sont mis à saigner, des yeux ont été pochés, j'ai mordu Nathan. Mais l'un dans l'autre le dialogue a été repris :

- Vous pouvez pas nous le buter comme ça sur parole ! On en a besoin pour rentrer !

- Sale fils de pute !

- Il a buté un bleu-bite de quinze piges ! Il l'a tellement bousillé qu'on l'a pas reconnu !

Après ça a plus été qu'une suite de hurlements et d'insultes. J'ai largement donné ma part. J'ai beuglé un mélange de marbrumien et de ma langue maternelle, en bavant du sang, les yeux fous. A force de nous débattre dans tous les sens, Connard n°1 et moi on a réussi à se rapprocher assez pour que je lui mette un coup de boule et qu'il me pulvérise le pelvis d'un coup de talon. Ca a encore foutu le bordel. Trop dans le mal, j'ai réussi à qu'à vainement lui griffer les avant bras quand il m'a chopé par les cheveux pour m'exploser la gueule contre le montant du chariot. Trois fois. La troisième fois, il a eu un crac et j'ai perdu à moitié connaissance. Ou je voyais rien à cause du sang. Je sais plus. Le milicien s'est penché sur moi, m'a dit qu'Oscar avait vraiment bien fait de bourrer le cul d'un sale pointeur comme moi, qu'il connaissait la cousine du capitaine.

Je me suis relevé pour l'étrangler à l'aveugle. Il a fait pareil. On s'est étranglé mutuellement pendant quelques secondes. Mais il fait ça mieux. Il a vraiment des grosses mains. J'ai lâché. J'ai senti mon cou devenir plus étroit entre l'étau de ses doigts, les os de ma nuque craquer. Les veines de mes yeux qui ont pas encore explosé s'y sont mis, ma langue s'est mis à pendre de ma bouche. Je suis en train de mourir.
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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptyMer 8 Juin 2016 - 14:50
Souvent, lorsqu'il s'agit de sauver un convoi de la Fange, ça marche pas, parce que les gens attaqués font n'importe quoi et attirent la mort comme des cons. Heureusement, ici, le convoi est constitué de miliciens qui ont une expérience assez relative de la Fange. Déjà, ils ont eut le réflexe de rester ensemble et pas de fuir à travers les marais, un bon point pour eux. Ensuite, l'un d'eux a roulé sous la charrette pour éviter un fangeux et partir de l'autre côté, tandis que son collègue a sauté sur le wagon et utilisé sa lame d'acier pour tailler les monstres et les empêcher d'escalader. Le troisième gars, il était déjà de l'autre côté, et aide son collègue à se relever afin qu'ils soient tous les trois à se battre.

C'est là que le chien survivant de Vincent est venu en hurlant, de la salive dégoulinant de sa gueule, à croire qu'il aimait le fangeux. Il saute sur le bras d'un des monstres et le tire violemment en arrière, lui déchirant les griffes, forçant le monstre à s'écraser dans le sol. Immédiatement après sort des marais un groupe de vieux tarés puants du fort de Traquemont.
Le problème, c'est que la devise de la maison de Traquemont, c'est : « Passion et force d'âme conquièrent le monde ». Allez hurler ça lors d'une charge. C'est impossible. Bien trop long, bien trop énervant. Cela fait qu'il y a pas de cris de guerre. La plupart des gens hurlent un très viril : « AAAAAAAAAAAAAAAH » alors qu'ils se soulèvent pour attirer l'attention des fangeux, les mener droit sur eux. C'est vraiment moins classe. Pourtant il y en a des cris de guerre possibles !

C'est d'ailleurs Philippe qui va hurler la devise de sa maison à lui. Il le fait en sortant l'épée de son fourreau et en se jetant devant, ignorant totalement son fils qui s'enfuie. D'ailleurs, il ne l'a même pas vu s'enfuir, alors il ne s'inquiète pas en ce moment.

- Nostre est la terreur !

C'est déjà beaucoup plus court, vous ne trouvez pas ? On pourrait aussi crier « Montjoie ! », ou « Montjoie ! Saint-Machin ! » selon d'où vous venez, c'est...
Oh merde, voilà que Philippe de Tourres, un vieux de quarante balais, se retrouve face à la fange ! Voilà une discussion autrement plus intéressantes.

Bohémont et Nathan avaient tous deux des arcs longs. Ils se sont postés sur une grosse branche d'arbre un peu sur-élevée, et se sont mit à déchaîner une rapide pluie d'acier. Arnaud, Dédé et Gilles ont foncé avec des vouges alors que deux fangeux arrivaient sur eux. Leurs armes étant des armes d'hast, ils pouvaient facilement trancher et donner des coups d'estoc tout en reculant, laissant une distance de sécurité appréciable entre eux et les bêtes sachant que le fangeux est un monstre capable de bondir et vous trancher la gorge si vous vous approchez trop près.
C'est d'ailleurs ce qui failli arriver lorsque l'un des monstres se mit à quatre pattes, comme un chien, pour rapidement faire le tour des trois vougiers, les forçant à briser leur formation compacte de trois mecs qui tendaient leurs armes. Vincent et Philippe, qui étaient juste derrière, durent lever leurs armes pour empaler la bête tous les deux. Enfin, Philippe avait empalé la bête et tentait de tout son poids de la faire tenir à terre, ce qui n'était pas chose facile à en croire le fait que son visage était devenu tout rouge, et pendant ce temps, Vincent avec son fauchon n'arrêtait pas de donner de rapides coups qui déchiraient les entrailles du monstre. Celui-ci était agité et bougeait les griffes dans tous les sens, déchirant les anneaux du haubert du haut-prêtre, mais ne parvenant pas à lui sectionner la peau.

C'est ainsi que, étonnamment, les fangeux furent anéantis sans la moindre perte parmi les humains. La chance ? La discipline ? L'expérience ? En tout cas voilà qu'on décapitait les monstres et qu'on allait saluer les trois miliciens. Ceux-ci souriaient en voyant Philippe, Bohémont et Nathan.

- Eh beh. On va jamais se quitter il semblerait !
- Vous allez bien ?
- On va bien mon père. C'est une sacrée chance que vous soyez venus.
- Zavez encore besoin d'aide ? Demandait alors Gilles.
- Non, non, pas besoin d'en faire plus. On va quitter cette saloperie de marais et on s'en sortira. J'ai hâte de rentrer à Marbrume !
- Ouais, en parlant de rentrer à Marbrume... Ces connards de fangeux ils m'ont arraché ma besace. Vous auriez pas un moyen de la réparer ?

Malachite revient avec Thomas, le temps pour Gilles et Arnaud de montrer à l'autre humain comment on peut fabriquer des sangles avec trois fois rien. Le temps pour le haut-prêtre d'observer le gamin et d'aller lui passer un savon mémorable.
J'entends par-là que Philippe lui a violemment attrapé la main et l'a traîné un peu plus loin du groupe, avant de lui coller plein de claques de ses gants de cuir, l'agitant dans tous les sens, lui hurlant dessus, lui ordonnant de s'expliquer sur pourquoi il a fuit comme un lâche, comment il s'est mit en danger, comment il aurait pu finir dévoré par un monstre. Le pauvre Thomas se retrouve poussé dans la boue, sale, couvert de sang, de boues, de larmes et de vomi.

- Ne pleure pas ! Je t'interdis de pleurer ! Cesse de pleurer !

Après quoi il s'est décidé à attraper le petit homme et le tirer violemment, manquant de lui casser le poignet, jusqu'au convoi. De toute façon la journée est presque terminée. Vincent tient le cadavre de son chien et le... Le lèche ? Oui, Philippe ne rêvait pas, il voyait le maître du chenil en train de lécher la peau du cadavre du chien. Cela avait fait hérisser les poils du dos du prêtre, mais qu'importe. A présent, autre chose avait attiré l'attention de tout le monde. La rixe.

Philippe était resté en arrière, à tenir la main de son fils pour l'empêcher de partir, mais il écoutait. Il entendit parler des meurtres de Malachite, et de ce qui était apparemment un viol sur sa personne. Somme toutes, le père de Tourres était resté là comme un con, tandis que tout le monde se battait ou tentait de se séparer, c'est selon. Maintenant c'est compliqué, parce que des miliciens il y en a 3, plus Bohémont et Nathan qui viennent tout juste d'arriver à Traquemont. En face il y a Gilles qui se met à défoncer des gens, Vincent qui ose pas réagir, Dédé et Arnaud sont les deux seuls qui tentent d'arrêter la rixe, malheureusement en défendant Malachite. Enfin voilà. Le pauvre jeune garçon s'en fait mettre plein la tête quand d'un coup on l'étrangle, et qu'il devient tout bleu, par manque d'oxygène. Et autour il y a une autre bagarre, cette fois-ci entre l'ex-diacre qui tente d'attaquer Bohémont et Nat', tandis que Dédé tente plus ou moins de l'éloigner, et que Arnaud donne de petites claques à un autre milicien qui réplique par un coup de poing dans son ventre.
C'est le bordel absolu. Il y a à peine deux minutes ils étaient tous heureux tous ensemble à se faire des papouilles parce qu'ils ont tué des fangeux, et voilà que c'est confus, et qu'ils cherchent à s'entre-tuer.

Philippe était le plus vieux, théoriquement le plus sage, et un prêtre, c'est à lui que revient une très lourde responsabilité : Arrêter le conflit. Problème, il a encore son gamin pleurnichard dans la main et n'a pas envie qu'il se file. Première chose qu'il fait, donc : Jeter Thomas en avant, le faisant tomber au sol. Deuxième chose : Il sort son épée, et la saisit par la lame. Il s'approche alors du milicien qui étrangle Malachite, et lui donne un énorme coup de garde dans le front.
Le milicien s'écrase en arrière, une plaie béante sur la tête, presque assommé. Malachite s'effondre aussi, lui est inconscient. Le père de Tourres reprend son arme, la soulève et menace l'homme de loi avec. Rapidement les choses semblent se corser. Bohémont a sorti son arc et, s'il ne le bande pas, il a une flèche prête pour aller l'enfoncer dans la seconde au milieu des côtes du haut-prêtre. Gilles a été repoussé, et a sortir une dague pour en menacer un milicien devant-lui, qui a répliqué en sortant l'épée de son fourreau. Arnaud est paniqué. Il se met à hurler, agitant les bras dans tous les sens.

- NON ! NON ! FAITES PAS CA ! ARRÊTEZ !

Philippe fait un signe de tête à l'un des miliciens, tandis qu'il menace toujours un autre de son épée.

- Jette, jette ton arme !
- Va te faire foutre !
- Obéis !
- Va te faire enculer, vieux débris !

Bohémont et Nathan se retrouvent particulièrement le cul entre deux chaises, parce que d'un côté ils veulent défendre leurs collègues miliciens, de l'autre, ils font théoriquement partie du fort de Traquemont. Pour Arnaud, la situation est bien plus claire : Il faut que tout le monde se calme. Il tente pour cela de s'approcher des hommes de loi, mais il est toujours menacé par des arcs.

- Arrêtez ! Je vous en supplie ! On va se calmer ! Gilles, tu te calmes ?
- Je vais vous tuer ! Je vais vous défoncer vos crânes !
- Gilles, pitié ! Arrête ! Mon père ! Calmez-les !
- Qu'ils baissent leurs armes et on va parler.
- Taré !

N°1, le milicien qui a étranglé Malachite (En réalité il ne s'appelle pas N°1, mais Alexis), tente de se relever, sonné, avant de voir le prêtre au-dessus de lui. Il hésite. S'il se lève, Philippe pourrait le menacer, et si Philippe le menace, son collègue pourrait tuer le prêtre d'une flèche d'arbalète. C'est une situation étrange. Personne n'a envie de s'entre-tuer, mais il faut se calmer. Et là, étrangement, c'est Arnaud le plus diplomate.

- Partez, prenez votre charrette et partez !
- Bien sûr qu'on va partir. Bien sûr. Une fois que vous nous aurez donné ce connard.
- Ce connard il est à nous, il appartient à Traquemont. Comme vous deux.

Philippe avait fait un signe de tête à Bohémont et Nathan, et le premier semblait se mordre les lèvres. D'ailleurs il baissait son arc, stressé.

- Je vous en supplie... C'est... C'est juste un malentendu. Personne n'est blessé, il y a pas de problèmes, c'est bon, prenez votre charrette, partez, partez et c'est bon !

Arnaud commença à tirer Gilles pour le reculer, et lui prenait très docilement la lame de ses mains alors que le diacre n'arrêtait pas de bouger la tête dans tous les sens, énervés. Heureusement qu'il ne lui viendrait jamais à l'esprit de tuer Arnaud.

- Gilles, Gilles, Gilles... Calme-toi, calme-toi...
- On veut le banni ! On le ramène on le pendra !
- Le banni reste avec nous. C'est pas négociable. On vous a sauvé la vie, partez.

Et ayant dit cela, le prêtre arrêta de viser Alexis avec son épée. Il la gardait toujours en main, mais s'éloignait un peu, faisant encore une fois des signes de têtes aux deux nouvelles recrues.

- Vous venez à Traquemont avec nous. C'est votre maison Traquemont, maintenant. Jouez pas aux cons. Vous tuerez pas un prêtre juste pour faire un point.

Alexis s'était relevé, et commença à tirer l'âne de la charrette pour le faire avancer. Il fit alors un joli doigt d'honneur en direction du haut-prêtre.

- On va prévenir notre capitaine ! Vous allez voir ! On va le prévenir ! On va revenir, on va revenir, Traquemont va entendre parler de nous !
- C'est ça.
- Vous verrez ! Traquemont va brûler ! Et vous tous avec ! VOUS M'ENTENDEZ ?! VOUS ALLEZ TOUS PAYER !
- C'est ça. Si tu le dis.

Philippe attendit que les trois soient bien éloignés, marchant tout droit sur le chemin, pour ranger son épée et se tourner vers Malachite. Il tira ses paupière pour observer ses yeux. Il n'était plus du tout réactif. Il semblait anéanti, sous le choc.

- Il a besoin d'aide.
- Faut que j'le porte ?
- Il vaut mieux oui, il va peut-être falloir le trépaner.

Gilles et Arnaud décidèrent donc de vite attraper le banni, l'un par les épaules, l'autre par les pieds. Dédé poussa Thomas en lui donnant une petite tape dans le dos, rassurante, pour bien l'indiquer d'avancer. Quand à Philippe, il observa les deux miliciens qui étaient restés là.

- Vous avez un problème ?
- Aucun, mon père.
- Nous ne sommes plus à Marbrume. Malachite est votre frère d'armes. Vous devrez le défendre comme on vient de défendre vos collègues. Ce sont eux qui ont pété un plomb.
- Ils mentent pas. C'est un meurtrier.
- Et il m'a mordu !

Philippe regarda un moment le métèque étranger. Était-ce vrai ? Avait-il tué des hommes de loi ? Et comment fallait-il réagir à ça ?

- Je m'occuperais du cas de Malachite. Je vous le promet.
- Il y a intérêt.
- Mais je vous demande de ne pas en parler à Dame Yseult pour l'instant. S'il se confie, ce sera à moi d'abord.
- Je peux rien vous promettre mon père. Je peux rien vous promettre.
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MalachiteMiséreux
Malachite



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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptyMer 8 Juin 2016 - 18:34
Je me suis réveillé parce que Gilles tente avec acharnement de me noyer. J'arrive pas à lever les bras pour éloigner ses mains de devant mon visage, j'arrive pas à ouvrir les yeux non plus - probablement parce qu'il y a de l'eau dedans. J'ai mal partout, quelque chose fait un bruit de râle horrible près de moi, mais ce qui me préoccupe le plus c'est l'eau en train de me couler dans le nez et la gorge. J'essaye de la tousser, mais y a quelque chose qui marche pas très bien de ce coté là, j'y arrive pas.

- Arrête ! Tu vois bien qu'elle lui ressort par le nez ! T'es en train de lui faire du mal !

J'ouvre un oeil vitreux sur mon environnement. J'vois un peu flou, mais j'identifie dans mon champ de vision le sol, un morceau de mon genou et les bras de Gilles. Il est en train de me traîner partout sous son bras comme une poupée cassée et de me foutre la tête dans l'eau pour me faire boire. Qui est le con qui a laissé Gilles m'embarquer pendant que je dormais ? C'est pas un père de substitution très compétent, pour être honnête. Trop aléatoire en fait. Déjà parce qu'il me fait des infidélités avec le mannequin d'entraînement au tir à l'arc, ensuite parce qu'il a vraiment du mal à anticiper les besoins réels des gens. C'est son truc à la tête. Je sais pas.

Je sens mes pieds et mes chevilles qui traînent sur l'humus des marais. Gilles a recommencé à me traîner. Peut être pour m'éloigner de l'animal qui fait ce bruit horrible ? Un râle là. On dirait un vieux en train de tousser ses glaires. On entend bien le mucus coincé aux pires endroits. J'essaye encore une fois de lever les mains. Ca me fait mal d'être tenu sous les aisselles comme ça. J'y arrive pas.
Hm.

Bon, je sais pas toi, mais je trouve la situation franchement étrange. L'impression d'anormalité me titille le cerveau de plus en plus fort. Il a vraiment pas besoin de ça. Tout ce qui est au dessus de mes clavicules est un chantier indescriptible. Ca fait super mal. Et j'crois que j'vais avoir une testicule qui va me ressortir par le trou de balle de douleur. J'ai dû me faire taper - conclu-t'il sobrement -, mais si y a Gilles avec moi ça va, c'est que c'est passé.

- Il a ouvert les yeux ! Il va peut être pouvoir nous aider... wah putain ils sont tout rouges ! Crade.

Je porte très lentement une main à mon front, abandonné dans l'étreinte instable de Gilles. J'essaye de parler, mais je fais un vieux bruit d'enfant qui meurt. Le râle horrible, c'est moi.
Et d'un coup, tout me revient.
Je commence à m'agiter comme un chien qui s'est fait écraser les reins par une voiture : de façon désordonnée et douloureuse. J'ai beaucoup à dire, mais j'arrive à faire seulement des bruits d'accordéon percé. Je pédale dans les feuilles mortes avec mes pieds pour essayer de me remettre debout. Le problème c'est que mes sens me trahissent, tout tourne et devient flou dès que je bouge.

- T'énerve pas ! T'énerve pas ! Ecoute, on s'est un petit peu perdu et le soleil se couche dans pas longtemps. Tu connais pas un raccourci magique vers Traquemont des fois ?

C'est qui qui me parle ? C'est Arnaud ? Putain je pige rien ça m'énerve. On est où ? Je regarde autour de moi. Mes yeux aux veines intégralement, cosmiquement, explosées arrivent pas à faire le point. Au bout d'une minute immobile à baver du sang sur Gilles, je finis par lever faiblement le bras pour pointer une direction.
Arnaud me reprend les pieds, je l'envie pas. C'est toujours chiant de porter des mecs blessés au milieu des marais, au bout d'une heure ou deux à patauger dans la gadoue tu les envies et t'aimerais bien être éviscéré à leur place. Chacun son tour.

Evidemment je pourrais juste pendre là entre Gilles et Arnaud comme un animal mort, à rien foutre, mais il fallait rien m'épargner. J'ai dû subir Nathan en train de raconter la version milicienne de mes crimes. Ca pouvait pas être pendant les centaines de minutes où j'étais évanoui hein ? Au moins j'ai loupé le début, le "viol" de la cousine du capitaine, tout ça. Dans cette version, je m'amuse à agresser sans raison Anton dans une taverne. Comme c'est lui qui a probablement raconté l'histoire par la suite, il a refait la fin comme il voulait : il a gagné mais je me suis lâchement enfui. C'est même pas vrai. J'ai un souvenir assez confus de la soirée, mais j'me souviens clairement lui avoir pissé dessus pendant qu'il était évanoui.
Après j'ai tué Oscar, dans un contexte spatio-temporel non précisé. Nathan m'a fait la grâce d'ajouter "c'était quand même un sale connard". Ca devait pas être la première fois que son fétichisme pour les ado avec la gueule en sang trouvait à s'épanouir, j'me suis toujours demandé. Après y a eu l'histoire des trois miliciens tués sauvagement, et sans aucune raison là encore. J'ai aussi kidnappé et violé une meuf dans l'affaire - parce que à quoi ressemble une carrière criminelle sans viol partout, je te le demande.

J'ai arrêté d'écouter, ou j'ai arrêté d'être conscient tout court, je sais pas. J'm'en fous. Tout ça me dégoûte. J'ai pas l'impression d'avoir eu l'option ne de pas les tuer, ces gens - sans parler des parties de l'histoire purement et simplement inventées. La décision j'l'ai prise dans la demi seconde où j'ai eu l'occasion de rendre les coups. Je sais pas comment justifier ça. J'suis p'tète juste profondément un connard.

Je suis sorti du noir quand le groupe s'est arrêté. Près d'une cabane. Il fait nuit noir. On aurait pu passer cinq mètres plus loin sans la voir. Du bol hein ?
L'intérieur pue. Mais y a pas de Fangeux. Les marais sont remplies ras la gueule de ces planques de chasseur. J'y ai déjà passé la nuit. Son propriétaire légitime est toujours dedans, j'l'ai jamais bougé. C'est pour ça, l'odeur. Ca et les peaux qui ont jamais été tannées. Heureusement ça fait longtemps donc c'est pas trop gore. Un squelette tout sec avec des cheveux. Je l'ai appelé Mr Cané. C'était l'époque où j'avais vraiment pas d'amis. Les deux miliciens commentent :

- C'est petit. Ca va être chiant de passer la nuit là.

- Tu peux aller mourir dehors là où y a d'la place, si tu veux.

Après, comme d'habitude, Gilles en a eu marre d'être le père de la même chose plus de deux heures alors il m'a brutalement lâché par terre. Ca m'a finit ma journée.
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Philippe de Tourres
Philippe de Tourres



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MessageSujet: Re: Enlève ta langue que je pète. [Phil]   Enlève ta langue que je pète. [Phil] EmptyMer 8 Juin 2016 - 22:54
Les crimes de Malachite étaient rapportés par Nathan, alors qu'on continuait de s'enfoncer dans la gadoue. Il agitait la tête de haut en bas, Philippe, en écoutant attentivement.

- Oui, oui, c'est grave, c'est très grave. Je ne savais pas qu'il était accusé de tels méfaits.


Bien sûr Malachite était banni, il ne pouvait donc pas être un enfant de cœur. Mais le banni lui avait raconté une autre histoire pendant que le père de Tourres comatait. On ne lui avait jamais rapporté aucun meurtre de miliciens. Ce serait une discussion à avoir, tient, qu'il puisse juger en son for intérieur avant de décider quoi faire avec lui.
Mais il n'était pas question de ça. Là, il était question de survivre. Et Traquemont, c'était assez loin. Heureusement, ils trouvèrent rapidement, grâce au jeune garçon, un abri pour passer la nuit.

Simplement, il allait falloir sacrément se serrer.

Il y avait un vieux cadavre au milieu, ce qui avait terrifié Thomas. Ce devait être la première fois qu'il en voyait un.

- C'est... C'est à ça qu'on ressemble quand on meurt ?
- Si t'as de la chance, dit un milicien en le poussant à l'intérieur. Pour la plupart d'entre nous, tu risques de devenir comme les fangeux monstrueux qu'on a croisé sur la route.
- Ne parlez pas comme ça à mon frère, Bohémont !

Oui, Philippe était très égoïste. Il n'y avait qu'une seule personne qui avait le droit de martyriser son fils ; Lui-même.

Il fallait se serrer, donc, nous disions. Heureusement, à plusieurs, on rentrait. Et on allait commencer à dormir. Heureusement dans les besaces, certains avaient amené de la bouffe, alors tout le monde avait pu se remplir l'estomac d'eau fraîche, de pain, et de quelques fruits trouvés dans les marécages. Allez, même si on a faim, il fallait dormir.

Dormir, en pleine nuit, au milieu de nulle part. Avec le cadavre de chien... Putain le cadavre de chien...

- Ça pue ! Va le mettre dehors !
- Non, il est à moi ! Il s'est sacrifié pour nous, c'est le prêtre qui l'a dit !
- Bon sang mon père, dites-lui de jeter son clebs !
- Mettez votre chien dehors, Vincent.
- Mon père !

Tout le monde puait de toute façon, même avec le cadavre dehors. Du sang, de la boue, c'était pourri. Thomas ne se sentait pas bien. Il se mettait à pleurer.

- Chut ! Vos gueules ! Tout le monde ferme sa gueule !
- Han je suis sûr il y a des trucs qui rôdent dehors.
- Toi aussi !

Et en plus il faisait froid. Un froid atroce et glacial, subit. A un moment, il y eut de la pluie. Du vent fort, violent, qui faisait craquer les planches de bois de la cabane. Impossible de savoir si c'était la nature, ou bien un fangeux qui grattait la structure.
Personne n'arriva à dormir. Tout le monde restait une arme à la main, tremblant, prêt à mourir à chaque instant. Mais personne ne parlait, on ne voulait pas faire de bruit, et surtout pas de respiration.
Le cadavre de chien dehors les avait peut-être sauvé en empestant la mort. Cela devait montrer aux fangeux qu'il n'y avait pas d'humains ici, juste des congénères. Ou pas. Qui sait comment les fangeux fonctionnent.

En tout cas, Philippe restait avec son fils dans les bras, à le serrer très fort pour qu'il ne pleure pas, pour qu'il se calme et s'endorme. Le problème, c'est que Thomas n'était pas du tout à l'aise, en fait, cela empirait même lorsque son papa le tenait. Il tremblait, il avait une attaque de panique. Tous les gens autour de lui étaient rustres, et dangereux, et il ne voulait pas s'enfuir avec la mort qui rode partout.

Heureusement, Malachite était en train de dormir. Philippe l'observait, les dents serrées, en pleine séance de jugement interne. Est-ce qu'il était un homme bon ? Ou bien le monstre que les miliciens avaient décrit ?
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