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 Faire justice soi-même

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Adalman d'AlchasBaron
Adalman d'Alchas



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MessageSujet: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyDim 19 Juin 2016 - 12:47


Faire justice soi-même

with Azhim





Bien sûr, il aurait été beaucoup plus agréable de le tuer, d’enfoncer ses pouces dans les orbites qui s’étaient permis, un court instant, de croiser son regard. Dans ses yeux, Adalman n’y avait lu pourtant aucun défi, aucun mépris, seulement une rage insondable, un feu couvant qui ne le plaçait pas entièrement en première ligne. Mais cette rage et cette ressemblance faisant beaucoup trop écho à ce qui vivait dans sa propre tête, le bâtard avait eu envie de l’étrangler. De le secouer jusqu’à entendre les os craquer, se briser. Et cette simple pensée l’avait fait frémir, presque à renâcler tel un étalon sur la défensive. Fort heureusement pour tout le monde, Azhim n’avait pas tardé à acquiescer, faisant naître un nouveau sourire sur le visage buriné du baron.

D’un geste presque élégant, ce dernier l’avait invité à passer en premier, pour mieux lui ouvrir la porte bien évidemment. Et avait attendu que ses gardes se rapprochent, l’écusson de la maison d’Alchas ornant leurs boucliers, pour les informer de leur prochaine sortie. Il ne s’offrit pas le luxe d’une défense quelconque en leur compagnie, souhaitant la discrétion autant que la liberté d’action. Adalman imaginait déjà la suite du procès personnel qu’il ferait au coupable créateur de ce poison et n’avait aucune envie d’y mêler son nom plus que de raison. Après une hésitation, et l’obligation d’en informer son père, les gardes s’étaient reculés pour mieux les laisser partir. Et c’était à deux, Adalman sur sa monture, Azhim avançant à pieds à ses côtés, qu’ils s’étaient dirigés hors des quartiers des nobles, sous le regard attentif et intrigué des quelques passants.

En plus de sa chemise de lin, le bâtard avait pris le temps d’enfiler un habit d'un brun aussi foncé que la robe de sa monture ainsi qu'une armure de cuir souple, aidant à la cavalerie. L’épée à la hanche, le regard froid mais le visage avenant, il avançait sans crainte d’une attaque, demeurant tout de même attentif aux alentours tandis qu’ils prenaient le chemin longeant la Hanse puis descendant, sans hésitation possible, vers les faubourgs mal famés proches du Labourg. C’était là que vivait le coupable et à l’idée que Grâce ait pu se présenter, seule et sans défense, à ce genre de porte, le sang du bâtard se mit à bouillir.

Calmement, il quitta le siège de Moreda, sa jument. Flattant son encolure avant de l’attacher à l’un des piquets disponibles dans la ruelle. Une femme passa, les bras chargés de linge, et esquissa un salut misérable à l’égard du noble sans oser lui mendier une pièce. La faute à sa bâtardise ou à la crainte, qu’en savait-il au fond. Il doutait d’être réellement reconnu par ici, même si son écusson parlait pour lui.

« Frappez à la porte qui nous concerne. Faites vite. »
Il n’était pas empressé ou craintif, seulement impatient de mettre un nom sur son ennemi. Dans la ruelle, les boutiques aux devantures discrètes se multipliaient mais l’une d’elle attira néanmoins son attention. Un herboriste.

« Et rendez-moi la fiole, je tiens à la lui présenter de ma main. » Le ton, laconique, n’en demeurait pas moins glacial et frappant le sol boueux de ses chausses ferrées, Adalman suivit la silhouette du serviteur. « Votre silence sera récompensé. » Plus de menace. Il était temps de s’assurer la fidélité du serviteur, sans pour autant se refuser une petite pique.

« Vous savez vous taire n’est-ce pas ? Pour votre maîtresse, vous faites toujours au mieux. Alors ne pensez à rien de stupide et contentez-vous d’être du bon côté de la ligne Azhim. »









Dernière édition par Adalman d'Alchas le Jeu 23 Juin 2016 - 19:27, édité 1 fois
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Azhim KhalilDomestique
Azhim Khalil



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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyLun 20 Juin 2016 - 16:19
Il suivit son supérieur en silence, telle l'ombre qu'il était. Le baron était sûr de ce qu'il faisait. Il se dégageait de lui une assurance si présente qu'elle en était effrayante. Il était ce qu'Azhim avait toujours voulu être. Petit déjà, il enviait ses camarades voleurs qui n'hésitaient jamais et avaient confiance en eux. Aujourd'hui … ça n'avait pas beaucoup changer. Seulement, son admiration se tournait vers d'autres énergumènes.

Sur la route, le domestique n'avait pas non plus bronché. Il savait où allait, et guidait Adalman avec calme. Néanmoins, comme il ne pouvait le voir du haut de sa monture, Azhim autorisait son regard à fouiller dans les méandres de son esprit à la recherche d'idées. Si son dos demeurait rigide et sa démarche assurée, son visage renfermé démontrait une certaine appréhension.

- Frappez à la porte qui nous concerne. Faites vite.
- Bien, monsieur.
- Et rendez-moi la fiole, je tiens à lui présenter de ma main.

Il lui rendit donc, une pointe de regret lui picotant le ventre. Lui tournant ensuite le dos, il avala discrètement sa salive et s'avança dans la ruelle. Ses yeux venaient détailler les différents panneaux qui pendaient sur le côté des portes. Il ne savait pas lire, Azhim, mais il aurait pu reconnaître la boutique de l'artisan parmi mille. Une fiole contenant un liquide violet y était dessiné au-dessus, et en-dessous, le nom du lieu en écriture pleine et arrondie.

- Votre silence sera récompensé.

Azhim fit face à la devanture de l'enceinte.

- Vous savez vous taire n'est-ce pas ? Pour votre maîtresse, vous faites toujours au mieux. Alors ne pensez à rien de stupide et contentez-vous d'être du bon côté de la ligne Azhim.

Le servant opina simplement du chef. Il frappa ensuite à la porte et patienta, sans oser jeter un œil à Adalman. Il était presque sûr de sentir son regard brûlant peser sur lui.
Les quelques secondes qu'il fallut à l'artisan pour venir semblèrent démesurément longues. Finalement, la porte s'ouvrit sur la personne que recherchait le baron.

- Je peux vous aider ?

Vincent Domval. C'était pas un mauvais bougre, le bonhomme. Il n'était juste pas très reconnu pour son talent. Ou si, justement. Particulièrement pour ses créations qui pouvaient faire crever un mustang en moins de deux ou faire fondre le cerveau par les oreilles. À la base, il souhaitait être guérisseur. Mais il s'est révélé être bien plus doué pour faire souffrir que pour guérir. Alors, quand on demandait ses services, ce n'était généralement pas pour faire un cadeau agréable.

Il était tout de même grand, Vincent, même s'il se tenait légèrement courbé en avant, faute à son dos qui ne guérissait pas. La quarantaine passée, ses cheveux grisonnants lui arrivaient sous les épaules. Il les gardait la plupart du temps attachés en queue de cheval. Ses petits yeux noisettes étaient entourés de ridules du sourire, et son visage bronzé trahissait un passé à travailler sous le soleil.
Autour de son cou était toujours enroulé un vieux foulard vert qu'il rabattait sur son nez quand il préparait ses mixtures. Le reste de ses vêtements étaient simples, mais quelques petits détails rappelaient sa profession. Des fioles à la ceinture, des petits outils accrochés au travers de son buste par une lanière en cuir, des plantes dépassant de sa besace … l'homme se fondait parfaitement dans le décor atypique de Marbrume.

- Bonjour messire. Nous avons quelques questions à vous poser. Pouvons-nous entrer ?

Vincent eut une moue embêtée.

- C'est que … j'ai la p'tite qui dort, l'étage au-dessus. Le plafond est fin, faudrait pas qu'on la réveille.

Azhim ignorait qu'il avait une fille, d'un jeune âge apparemment. Inconsciemment, il se sentit coupable de le mener à une possible mort. Lui aussi, était père. Et, même s'il ne s'occupait guère de Fleurine, il savait qu'elle serait détruite s'il venait à se faire tuer un jour. S'il avait pu, il aurait simplement remercié l'artisan avant de prendre congé. Il continua sans envie :

- Nous nous montrerons discrets, et ça ne prendra que quelques minutes.
- Si c'est à propos de mes produits, moi j'y suis pour rien, j'veux pas d'histoire. Les gens savent à quoi s'attendre quand ils font leurs emplettes chez moi. J'fais pas de filtre d'amour.
- Quelques minutes, répéta-t-il entre ses dents. Vous n'allez tout de même pas aller à l'encontre des exigences du baron d'Alchas ?

Vincent dévisagea Adalman, dubitatif et peu impressionné. Néanmoins, il lâcha un long soupir et s'effaça pour les laisser entrer. Il avait beau être grande gueule, il ne voulait pas se mettre la noblesse à dos.

Le rez-de-chaussée se détachait sur trois salles. Celle, principale et la plus grande, lui servait à accueillir les clients et exposer son travail. Les deux autres étaient sur la droite. L'une n'était que sa réserve de plantes et autres produits en tout genre, et la seconde, son atelier, où personne à par lui n'avait le droit d'entrer. C'était là qu'il passait le plus clair de son temps.
L'escalier menant à l'étage supérieur était directement sur l'entrée à gauche. Dans l'ensemble, on voyait que Vincent prenait soin d'entretenir l'endroit, mais ça n'en demeurait pas moins une vieille baraque. Ça sentait le bois humide à plein nez en plus d'effluves étranges.

Azhim avança donc au centre de la pièce, sur les talons de l'herboriste qui passa derrière son comptoir. Il entreprit de mettre distraitement un peu d'ordre dessus, regroupant ses bouquins dans un coin et le reste de la paperasse dans l'autre. On sentait une légère inquiétude émaner de lui. C'est qu'il s'en était pris, des cassages de gueule à cause de son travail ! Il les prévenait, pourtant, et annonçait toujours qu'il ne prendrait aucune responsabilité en cas de déception ou pire encore.
Le domestique se permit d'échanger un regard à Adalman. Son travail à lui s'arrêtait-là. Il donnait maintenant la parole à son futur maître.
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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyJeu 23 Juin 2016 - 19:31


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with Azhim




En plus d’être un bâtard misogyne doublé d’un excellent chasseur, Adalman était du genre capricieux. Les choses ne devaient pas prendre leur temps – la patience était son fort mais uniquement lorsqu’elle lui était imposée. Néanmoins, quand il exigeait quelque chose, quand le temps lui était compté ou tout simplement, quand il n’avait aucune envie de faire un quelconque effort, les choses devaient aller vite. Devaient s’enchaîner comme un assemblage parfaitement huilé. Aussi, fiole en main, et visage impassible, se surprit-il à effectuer un simple décompte à partir du moment où Vincent leur ouvrit la porte, pour mieux les faire piétiner sur le seuil.

Il n’en avait – mais alors absolument – rien à foutre de sa fille. Il n’en avait rien à foutre de son histoire, de ses liaisons, de son mariage, de ses clients. Seule comptait la fiole, fermement plaquée contre la paume de sa main, et son obscur dessein. Son lien avec Grâce de Brasey qui se tordait encore entre ses draps – de sa seule volonté bien sûr mais la culpabilité ne s’arrêtait pas à sa propre décision. Il y avait lui. Le fabriquant. Le pauvre homme, future victime, qui allait payer le prix de son erreur dans le sang. Evidemment, il fallait agir avec discrétion – tout futur baron et fils de baron qu’il était d’ailleurs, la justice devait s’effectuer au travers de la milice, et non par soi-même.

Mais Adalman était loin de manquer de jugeote ni d’idées. Et quand le compte à rebours s’arrêta sur 7 - Vincent les laissant enfin passer – le bâtard eut même l’indécence de sourire. Un petit sourire poli et avenant. Tout simplement.

L’échoppe sentait la terre humide, les plantes obscures et mystérieuses, les relents de poisons et de fleurs. Adalman en huma l’atmosphère en se sentant inexplicablement compressé. Plus tard, revenant sur ce bref passage de sa vie, il comprendrait simplement le nouveau lien créé entre ses souvenirs d’enfance et la boutique de cet apothicaire. Cela lui rappelait la cuisine de la silencieuse et ce pourquoi il l’avait fait condamner, voilà tout.

Evidemment, rien ici n’appelait au blasphème et beaucoup devaient y venir pour acheter des décoctions salutaires. Cela n’avait pas été le cas de Grâce - qu'importe ce que cette idiote puisse penser - et tournoyant dans la pièce, l’occupant pleinement de son aura et de son attention, Adalman tourna le dos à l’homme, baissant la voix comme pour prévenir tout réveil de l’enfant dormant à l’étage.

Ce n’était pas pour cette raison, bien sûr. Mais autant le lui laisser croire.

« Ma promise a passé commande dans cette boutique et a semble-t-il trouvé satisfaction. Si on excepte le fait qu’elle a failli mourir, ce qui semble tout de même aller dans la direction de sa demande. Elle se nomme Grâce de Brasey. Et inutile de démentir ou de jouer les ignorants, nous savons tous les trois ce qu’il en est. Azhim, ici présent, et serviteur fidèle de sa dame, me l’a confirmé. »

Adalman croisa les mains, dressant les index pour mieux les appuyer sur ses lèvres. Le signe, métaphore du silence, s’adressait uniquement à l’apothicaire. Mieux valait pour lui de se taire pendant que le fils du baron d’Alchas mettait en ordre ses pensées. Il en allait de sa sérénité et de la stabilité des potions sur les étagères.

« Pour d’aucun à l’extérieur, madame de Brasey est tombée malade inopinément avant notre union. Et c’est ce qui sera raconté après son rétablissement. Néanmoins, les raisons de son mal-être ne pouvant être apaisées que par celui qui les lui a causé, je compte aujourd’hui sur vos talents pour me fabriquer un remède. Evidemment, vous serez payé. »

Azhim pouvait d’ors et déjà se poser quelques questions. Ce n’était en rien le discours du petit salon où Adalman avait moult fois menacé de trancher la tête au coupable de cette histoire sordide. Mais rien dans l’attitude du bâtard ne pouvait prétendre le contraire. Il semblait honnête. Riche. Et en guise de bonne foi, il posa la fiole sur la table. Vide bien sûr, mais ne manquant pas d’indices si l’apothicaire avait un trou de mémoire.

« Marché convenu ? »

Mais pas encore conclu. Loin de là.







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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyVen 24 Juin 2016 - 14:34
Aucune confiance. Vincent était de base, un homme tolérant. Mais de voir face à lui, deux hommes aussi mat de peau, aussi … étranger, ça ne lui plaisait, mais alors, pas du tout. Il avait déjà vu le premier qui s'était adressé à lui, l'espèce de métèque à l'allure trop propre sur lui et à l'air frigide, mais jamais le dénommé Baron d'Alchas. Encore un type venu du bout du monde chercher un peu de refuge plutôt que d'assumer et de rester auprès des siens, sûrement.

C'est pourquoi l'herboriste préféra garder une certaine distance entre lui et eux. Son torchon solidement serré entre ses doigts lui donnait le courage nécessaire à ne pas juste les faire sortir sans en savoir plus.

Le sang-bleu prit la parole, expliquant rapidement la situation à Vincent, qui écouta, le visage neutre, un brin agacé tout de même.
Grâce de Brasey, oui, bien sûr qu'il l'avait vu. Cette gamine au dos cambré était venue d'elle-même, accompagnée par son chien étranger, il y a de ça quelques lunes déjà. Il n'était même pas surpris qu'elle lui ait donné une fausse identité en se présentant à lui. Enfin, il fallait être le dernier des idiots pour ne pas faire le rapprochement avec l'autre type ici-présent. Il l'avait accompagné quand elle était venue, alors, se devait être elle.
Il croisa ses bras sur sa poitrine et leva le menton, déjà las de cette histoire.

L'homme exprima alors son idée, incluant bien sûr Vincent dedans. Il souhaitait un antidote, aussi simple que cela.

Azhim, de son côté, eut un léger froncement de sourcils. Il jeta un regard en biais à son futur maître, sans plus se questionner que cela. Le baron devait sûrement avoir déjà tout son plan en tête, il ne doutait pas de lui et de ses envies. Même s'il aurait aimé que cela en soit autrement. Le domestique n'avait jamais vu de vraies querelles, alors, devoir assister à une mise à mort tout en sachant que ç'aurait pu être lui, très peu pour lui.

- Marché convenu ?

Vincent souffla du nez, attrapa la fiole et l'examina un instant, faussement détaché de la situation. Puis, sans un mot, il tourna le dos aux deux étrangers, fouilla sur ses étagères remplies de décoctions en tout genre avant de finalement trouver celle qu'il désirait. Il déposa ensuite les deux contenants devant lui, face au Baron. Elles étaient toutes deux identiques. Celle, encore pleine, était remplie d'une poudre très fine rouge brique.

- Un poison, oui. Généralement, on m'l'achète contre les rats, ou des conneries dans le genre. Elle y a bien réfléchi, la baronne de Brasey. Avec ça, elle risque rien. Rien de trop grave, j'veux dire.

Un rire gras lui échappa.

- J'savais pas qu'elle comptait l'utilisait pour elle, ma foi. Elle m'a demandé comment un homme de petite corpulence réagirait, j'lui ai dit, simplement. Qu'il serait malade et qu'il aurait l'impression d'être en train de crever comme un chien. Moi j'pensais qu'elle voulait faire un sale coup. Enfin …

'Même si elle m'avait donné ses vraies intentions, je lui aurais vendu quand même'
, eut-il envie d'ajouter. Mais il se rendit bien compte que cette petite réflexion n'aurait guère était la bienvenue. Tout à sa politesse et son calme apparemment, le Baron n'était guère le genre de personne à inspirer la confiance à Vincent. De base, et outre le fait qu'il soit foncé, il était noble, et lui seul savait que la majorité de ses clients étaient des sangs-bleu. Et puis, il n'aimait pas la tournure des choses.

- J'ai pas d'remède. J'vous l'ai dis, m'sieur, que j'faisais pas dans l'filtre d'amour. Dame de Brasey a été prévenue autant que vous. Elle en a pour une semaine tout au plus. Pour la guérir plus vite, éventuellement faire une saignée. Oh mais …

Ca lui revint comme ça. Il claqua des doigts, se coupa tout seul :

- J'ai p't'être quand même un truc qui pourrait la soulager, la Baronne. Un mélange de plantes apaisantes qui lu laverait l'estomac en premier lieu. Enfin après, plus tôt il est pris, mieux il fera effet. Mais j'en ai pas beaucoup, d'ça. Les ingrédients se trouvent relativement loin de la ville, et j'y ai pas mis les pieds depuis plusieurs mois. Les fioles qu'il me reste sont précieuses et coûtent cher.
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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyLun 27 Juin 2016 - 19:59


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Adalman ne s’attendait pas à un étalage de bienséance et de révérences hypocrites – à dire vrai, il détestait ces ballets obséquieux des petits gens face à son père, le genre qui pouvait vous couler un regard haineux et méprisant dans votre dos mais prenait avant son temps pour vous lécher le sillon. Néanmoins, l’attitude figée et sûre de lui de cet apothicaire commença doucement à l’échauffer. Il lui était viscéralement antipathique, et pas seulement pour son dédain à l’égard de Grâce de Brasey. Après tout, l’homme devait considérer qu’une fois la marchandise vendue, le reste n’était plus de son ressort et à écouter sa version de l’histoire, la baronne avait obtenu satisfaction qui plus est. Alors à quoi bon se plaindre ?

Mais le reste vint. L’absence d’antidote, la proposition d’un simple « soulagement » que l’homme tentait de monnayer avec l’habilité des commerçants sans états d’âme. Adalman le vrilla de son regard ambre, jugeant le sérieux de ses propos et décida que oui, l’homme tentait bien de tirer son pain de toute cette histoire, sans même lui présenter d'excuses.

Aussi surprenant que cela puisse paraître alors aux yeux du faiseur, le bâtard se tourna vers son semblable, hélant Azhim avec un humour surjoué.

« J’imagine qu’il doit être talentueux pour que Grâce de Brasey lui passe commande. Tu as sans doute du t’assurer de son sérieux et de ses compétences avant d'emmener ta bienfaitrice jusqu’à son échoppe. Et aujourd’hui tu constates son absence de remords, et de scrupules ! Il est dévoué à l’or mais de ta maîtresse, il n’a que faire. Je suis certain que si j’étais venu ici avec une mauvaise nouvelle, nous n'aurions récolté en récompense qu'un vague haussement d’épaule. »

Que cherchait-il à prouver ? Qu’Azhim était bel et bien son servant et qu’il lui devait sa fidélité par la justice à laquelle il s’apprêtait à procéder ? Tout cela lui serait acquit par le mariage mais bien avant cela, c’était peut-être sa bonne conscience qu’il cherchait dans le regard de l’autre.

Pourtant Adalman détourna le regard avant de trouver une réponse valable dans le regard de l’arabe. Sa conscience ne pesant pas plus dans sa main que son abject désir de revanche. Les Dieux savaient pourtant à quel point Grâce de Brasey ne méritait pas un tel honneur.

Le nom d’Alchas si, néanmoins.

« Ceci donc, est le poison que vous avez usé à l’égard de ma promise. J’imagine que si je devais m’en servir pour un être de misérable corpulence, le mal causé le tuerait certainement. Je ne me trompe pas, monsieur l’apothicaire ? » Adalman eut un sourire, souleva la fiole pour en agiter la poudre et fit semblant de réfléchir.

« J'admets avoir besoin du soin proposé, permettant à Grâce de Brasey de s’en remettre un peu mieux que par les saignées du peuple. Pour le prix, oh j’ose bien croire qu’il n’est pas donné. Alors plutôt que de marchander, je vais vous poser une question point trop rhétorique. Et je vous prie d’y répondre sans esclandre et rapidement, ou je vous rattrape avant que votre main ait touché le pommeau d’une quelconque poignée de porte. Azhim, face à l'entrée. Immédiatement. »

La fiole rouge disparu dans les replis de sa veste. Son épée, elle, fut à moitié dégainée.

« Dites-moi. Combien vaut la vie de votre enfant ? »







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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyMar 28 Juin 2016 - 14:56
Azhim demeurait le parfait spectateur de la scène, légèrement en retrait. Lèvres pincées et sourcils froncés, il ne se sentait clairement pas à sa place. Une sueur froide lui glissa lentement le long de l'échine.
Il eut même un léger mouvement de recul lorsqu'Adalman se tourna pour lui parler comme s'il s'adressait à une connaissance de longue date, touchant du doigt certaines paroles de Vincent qui aurait dû agacer le domestique. L'absence de considération pour sa maîtresse, par exemple.

Il ouvrit la bouche, chercha quelque chose à dire pour ne pas passer pour un idiot égoïste en se balançant d'une jambe à l'autre, pris au dépourvu. Fort heureusement, le baron enchaîna directement, n'en ayant finalement que faire de la réponse d'Azhim. Ce dernier se mordit la lèvre inférieure.

Vincent, quand à lui, demeurait plus ou moins fidèle à lui-même. Il ne cilla pas quand le baron d'Alchas parla à l'autre type venu d'ailleurs, ne se démonta pas non plus quand il brandit la fiole pleine de poudre pour résumer la situation, et se permit même une réponse courte et efficace.

- Vous avez tout à fait raison, monsieur.

Pourtant, à l'intérieur, il ne payait pas de mine et craignait grandement la suite.

- J'admets avoir besoin du soin proposé, permettant à Grâce de Brasey de s'en remettre un peu mieux mieux que par les saignées du peuple. Pour le prix, oh j'ose bien croire qu'il n'est pas donné. Alors plutôt que de marchander, je vais vous poser une question point trop rhétorique.

Il n'avait aucune idée de la signification du mot 'rhétorique', mais vu le changement d'intonation dans la voix de son interlocuteur, Vincent se doutait bien que ça ne devait pas être très agréable. Enfin, il devinait.

- Et je vous prie d'y répondre sans esclandre et rapidement, ou je vous rattrape avant que votre main ait touché le pommeau d'une quelconque poignée de porte. Azhim.

Le domestique se raidit aussitôt.

- Face à l'entrée. Immédiatement.

Et comme un bon petit servant obéissant, il exécuta l'ordre de son futur maître, non sans une pointe d'anticipation. Voilà, la situation commençait à dégénérer. L'herboriste était d'ailleurs le premier à s'en rendre compte. Il avait légèrement reculé de son comptoire et son visage avait quelque peu perdu en assurance. Ça y est, pensa-t-il même. Toutes ces années à vendre ses poisons aux premiers venus allaient finalement lui retomber dessus.

Vincent avala sa salive, affronta le regard aiguisé du noble.

- Dites-moi. Combien vaut la vie de votre enfant ?

L'expression du vendeur se teinta d'une pointe d'angoisse. Que l'on s'en prenne à lui, il s'en moquait pas mal. C'était d'ailleurs souvent arrivé. Mais pas sa famille. Pas sa fille. Il avait déjà beaucoup souffert pour elle et sa femme lorsqu'il les avait cru mortes lors de l'entrée des fangeux en ville, il ne voulait pas revivre ça.
C'est pourquoi il appuya ses avants-bas sur le comptoir en position de fausse-confidence et répondit d'une voix grave et posée.

- Elle vaut bien plus pour moi que n'importe quelle autre vie, monsieur.

Adalman était intimidant. Vincent avait peur et craignait ses menaces. Il ne voulait pas d'histoire. Tout ce qu'il désirait, c'était continuer sa petite vie tranquillement. Alors, même s'il ne s'agissait-là que de menaces, il préférait ne pas prendre de risque.
Il retint un lourd soupir emplit de colère.

- Vous voulez le remède gratuit ? Prenez-le. Prenez tout ce que vous désirez. Si ça peut suffire à épargner ma fille.

Il recula avec lenteur, mains levées devant lui pour monter à son oppressant qu'il ne comptait rien faire de mal. Dans le même meuble d'où se trouvait la fiole de poison mais sur une autre étagère, il récupéra le petit baluchon en cuir contenant les plantes apaisantes. Il déposa cela face au baron. Son regard glissa furtivement du côté d'Azhim, qui n'avait pas bougé de sa place. Une grosse rancoeur à son égard fit bouillir le sang dans ses veines. Le salop … à quoi jouait-il donc ? En avait-il après lui ?

- Elle est à vous. Partez, maintenant.
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Adalman d'AlchasBaron
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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyDim 3 Juil 2016 - 22:28


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with Azhim




Partir ? Maintenant ? Quand l’autre s’était permis de lui offrir, stupidement, tout ce qu’il désirait ? Adalman retint un sourire de pitié, s’avançant pour se saisir de la nouvelle fiole, la remuant sous l’éclat d’une chandelle, toujours attentif aux mouvements de l’apothicaire. Cela ne la guérirait pas, ne faisant que soulager des douleurs qui lui étaient intolérables. Pourtant, à le voir ainsi, dressé devant le bâtard, mains levées en signe de paix et de soumission, une autre idée vint chatouiller ses tempes. Presque aussitôt, il en oublia sa soif de goûter du fil de l’épée son sang de traître.

Lui trancher la tête serait bien trop rapide et inutile pour lui servir plus tard.

Adalman s’avança donc, contournant la table tout en faisant signe à Azhim de tenir ses positions. Et plus il s’approchait, plus son regard d’ambre semblait se concentrer sur un point fixe de l’homme dévoué à la survie de sa gamine. Calmement, fronçant du nez à l’odeur de sa graisse et de sa sueur, signe évident que l’homme, malgré sa colère, suintait la peur par tous les pores de peau, le bâtard se saisit de son poignet pour mieux observer les doigts de sa main droite.

« Vous avez des mains épaisses et pleines de cals. Mais vos doigts sont fins comme ceux d’un cuisinier. Je pense que l’auriculaire fera l’affaire. Après tout, je n’ai pas eu l’occasion de présenter son alliance à ma promise. »
Son ton, forcé de bonne humeur, semblait avant tout dirigé à l’égard du serviteur, témoin de la scène.

« Vous m’avez offert la possibilité de prendre, en ces lieux, ce qui retenait mon attention et c’est bien cela que je vous demande. Pour la survie de votre fille, la quiétude de votre existence, et votre propre humanité, je vous conseille de prendre n’importe quel couteau de votre établi. Et de vous trancher le doigt. »

Sa main, déjà ferme, se referma comme une serre sur le poignet de l’homme. Frottant ses os au seuil de l’intolérable.

« Je ne veux. Ni un cri. Ni une plainte. Ne m’obéissez pas et vous vivrez un enfer que les Dieux eux-mêmes n’ont pu vous imaginer. Obéissez-moi pour mieux me tromper et je me ferai un plaisir de trancher la gorge de votre enfant à même votre bouche suppliante. Je vois bien le dégoût dans votre regard, et votre colère oui, je la sens. Mais je vous conseille férocement de garder pour vous ces maigres états-d ’âmes. »

Encore une fois, il y eut dans son esprit bouillonnant de rage mal contrôlée ce bref éclat auburn, la chevelure de Grâce, son caractère emporté, ses remarques dans l’écurie et la réaction vive et apeurée de sa monture. Aussitôt l’image passa pour entrapercevoir la jeune femme, agonisant dans son lit – point de sa main, mais de sa propre volonté.

Tout cela lui était intolérable, pour de nombreuses raisons. Et nez à nez avec l’apothicaire, Adalman s’essaya à les justifier.

« Je ne suis pas de ceux d’avec lesquels on joue impunément. Et ce qui m’est promis est de fait une extension de moi. Avez-vous compris votre leçon ? »

Mais plus qu’une leçon, c’était avant tout là les règles d’un nouveau jeu. D’une nouvelle folie qui se profilait.







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Azhim KhalilDomestique
Azhim Khalil



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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyMar 5 Juil 2016 - 21:25
L'autre s'était approché, menaçant. De sa démarche chaloupée et nonchalante. Vincent avait inutilement reculé d'un pas. Son visage, déjà peu joyeux à la base, s'était entièrement fermé. Il n'aimait pas du tout la tournure de la chose, et aurait apprécié le voir partir sans un mot avec sa foutue fiole.
Le baron emprisonna son poignet entre ses serres. L'herboriste pinça ses lèvres et fronça les sourcil, tenta vainement de se dégager avant de finalement daigner le laisser parler. Son autre main s'agrippait à son comptoir comme s'il s'agissait-là de l'objet de son salut. Azhim, quant à lui, était fidèle à lui-même et à son absence de réaction. Il excellait dans le rôle de meuble vivant, même si à l'intérieur, tout se bousculait.

Le sang-bleu fit une rapide description de ses doigts, et avant que Vincent ait le temps de se demander où il voulait en venir, il exprima sa sombre idée. Bon sang qu'il aurait aimé pouvoir lui faire fermer son clapet, là, de suite ! Il détestait devoir s'aplatir devant tous ces nobles à deux écus sous prétexte de noblesse. Il en avait mâté, des voyous, pourtant. Et il pensait même pouvoir faire le poids devant Adalman. Malheureusement, il ne s'agissait pas là d'épreuve de force. Il risquait gros s'il attentait à la vie d'un homme de la haute, même bâtard.

Il devait se trancher le doigt. Pour le simple plaisir de ce narcissique.
Ses ongles se resserrèrent sur son poignet, traçant des demi-lunes rougeâtre sur sa chair et arrachant à l'artisan un tic de visage contrôlé. Jamais il ne s'aplatirait devant lui. Jamais il ne montrerait signe de douleur ou de faiblesse physique. Il avait déjà perdu son honneur, il perdrait pas sa fierté.

- Je ne veux. Ni un cri. Ni une plainte. Ne m'obéissez pas et vous vivrez un enfer que les Dieux eux-mêmes n'ont pus vous imaginer. Obéissez-moi pour mieux me tromper et je me ferai un plaisir de trancher la gorge de votre enfant à même votre bouche suppliante. Je vois bien le dégoût dans votre regard, et votre colère, oui, je la sens. Mais je vous conseille férocement de garder pour vous ces maigres états-d'âmes.

Vincent secoua lentement la tête, effectivement dégoûté par cet être répugnant. Voir son attitude et ses actes consolidaient ses a-priori sur les gens de son espèce. De leur espèce, à lui et au servant. De la vermine. Des enfants du démon qui auraient plus leur place avec leurs frères fangeux.

- Je ne suis pas de ceux d'avec lesquels on joue impunément. Et ce qui m'est promis est de fait une extension de moi. Avec-vous compris votre leçon ?

Perdre un doigt, ou pire encore ? Pour Vincent, la question ne se posait pas. Un doigt, qu'est-ce que c'était, au juste, comparé à sa une vie entière et qui plus est, celle de sa fille ? Il était vrai à le faire, réellement. Mais il doutait, aussi. De la sincérité de cet homme. Était-il réellement capable de telles atrocités par simple plaisir malsain ? Par vengeance insensée ? Ou était-il seulement en train de l'intimider ? Vincent n'aimerait pas agir simplement pour combler un quelconque désir pervers. Il ne voulait pas agir si cela n'avait aucun but.

- A quoi jouez-vous exactement, monsieur ? Osa-t-il demander d'une voix presque pas tremblante.

Il déglutit. Son regard descendit vers son poignet toujours emprisonné. À présent, de fins filets de sang lui glissaient le long de l'avant-bras, précisément là où le baron avait enfoncé ses ongles. L'adrénaline aidant, l'artisan avait l'impression de ne rien ressentir.

- Et qu'est-ce que cela vous apportera ? Ce sera quoi ? Un trophée ? Une mise en garde pour madame de Brasey ? Et après ?

Bien qu'il n'avait jamais rien ressenti d'autre que de l'indifférence pour cette jeune femme, il venait même à la plaindre. À moins que son futur époux soit fou amoureux d'elle et ait des centres d'intérêts étranges, elle allait vivre un véritable cauchemar à ses côtés.
Ce n'était là guère de la provocation. Aucune intonation de défi n'était décelable dans sa voix semblable à un chuchotement. Il ne cherchait pas non plus à gagner du temps. Non, il posait là de réelles questions.

- Pensez-vous venger l'état de votre promise en me privant de mon auriculaire ? Je ne suis qu'un honnête artisan qui travaille pour survivre. Est-ce vraiment nécessaire ?

Il n'avait pas non plus de couteau sous la main. Celui qu'il possédait se trouvait dans son atelier, et il craignait s'éloigner trop longtemps de ces deux hommes. Qui sait de quoi étaient-ils capables ? Il n'y avait qu'un escalier qui menait à la chambre de sa fille.

- Je n'ai pas de lame assez tranchante pour subvenir à votre requête, messire, conclut-elle en redressant le menton.
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Adalman d'AlchasBaron
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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyJeu 7 Juil 2016 - 19:22


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Voilà un honnête homme qui posait décidément beaucoup trop de questions. Adalman le contempla avec une sincère stupéfaction. Presque choqué de cette diatribe interrogative qui visait – apparemment – à mieux comprendre ses actions. De tout temps, on ne lui avait jamais demandé de justifier ce qu’il était. Les autres se contentant généralement de l’ignorer royalement. Par dégoût, justement. Par crainte aussi peut-être, il n’en savait rien. Et voilà que cet apothicaire, sans rang, sans titre, mais blanc, se permettait de lui faire la morale, par ces sous-entendus abjects dissimulés dans ses implorations douteuses. Mais de fait, non il n’implorait pas. Se contentant de le fixer avec une frayeur mal dissimulée mais aussi et avant tout : une sincère curiosité.

Peut-être doutait-il de la véracité de ses promesses. Peut-être n’entendait-il rien à tout cela, ne pouvant réellement prendre conscience de toute l’horreur que l’homme lui inspirait.Comme de ce qu’il allait lui infliger. Il aurait été sans doute plus simple de le tuer, finalement. Plutôt que de lui laisser une chance de le servir plus tard, pour ses propres intérêts.

Le pousser à la rage jusqu’à décocher un coup qui justifierait la légitime défense, voilà ce qu’Adalman avait réfléchit, en foulant cette maigre échoppe de ses bottes cirées. Mais finalement, tout prenait un chemin différent. Et plutôt que de lui répondre, le bâtard sourit. Un joli sourire, un peu triste. Il n’avait aucune réponse à lui donner. Il ne pouvait pas lui expliquer ce que Grâce lui inspirait. Si cet auriculaire serait effectivement un trophée ou une menace. S’il voulait faire peur à la jeune femme ou obtenir son respect. Refermer la laisse autour de son cou comme il aurait voulu pouvoir le faire autour de celui de son père.

Ah.
Son père.

Qui avait préféré profiter des cuisses d’une inconsciente tout juste bonne à se faire trousser par le premier quidam venu que d’émettre une seule plainte. Qui avait obéit à l’ordre de l’ignorer, gardant toujours le silence en sa présence. Ah son père. Ce noble détestable qui lui avait collé un nom sur les épaules sans même savoir s’il en voulait. Qui n’avait vu de lui que ce pénis rabougrit entre ses cuisses infantiles. Sa dignité de mâle à venir.

Et maintenant il lui fallait agir selon les commandements de ses plus bas instincts. Bientôt il épouserait Grâce – de gré ou de force, selon sa vigueur évidemment – et peut-être mourrait-elle avant, alors il leur faudrait en trouver une autre. Une autre à allonger, la nuit venue, pour défaire une ceinture qui ne serait pas seulement celle de sa robe – cela le fit rire.

Avant que la colère de s’imaginer s’épandre entre deux gémissements de femelle en redemande ne le fasse grimacer puis blêmir.

« Alors soit. » Annonça-t-il.

Avant de le plaquer contre son établi si fièrement acquit. D’allonger sa main, l’immobilisant au poignet. De faire jaillir du fourreau, l’épée aux armoiries des d’Alchas.

Et de trancher d’un coup sec la presque-totalité des doigts de sa main droite.

Le sang gicla, comme de la semence. Se répandant en rigoles sur le bois nettoyé. Il y eut un hurlement qu’Adalman bâillonna de sa main vive. Et écartant les doigts coupés du fer, choisit l’auriculaire de la pointe de son épée, pour siffler entre ses dents.

« Vous auriez quand même dû choisir un couteau. »

Il laissa l’homme échapper à sa poigne, tomber à terre. Et prit un chiffon posé non loin pour nettoyer sa lame, avant de le lui lancer – qu’il s’en serve de garrot, pour ce qu’il s’en foutait.

« Azhim ? » Demanda-t-il, plaisant. « Trouvez-moi dans cette modeste bicoque un coffret où le ranger. Ce pauvre apothicaire vient d’être victime d’un tragique incident domestique. C’est bien cela qui ressortira de sa gueule trop curieuse quand les voisins, les amis, et la milice, viendront sans doute le questionner. Toute autre chose qui viendrait à m’être murmuré et qui porterait mon nom, comme déjà dit, ne ferait que mettre en marche une splendide vendetta qui trouverait naissance, eh bien, dans le berceau de son petit. Ou sa petite ? Je n’ai pas souvenir qu’il m’en est précisé le sexe, mais j’espère que c’est un garçon. C’est toujours mieux, les garçons. »

Adalman rengaina son épée.

« Faites en sorte qu’il comprenne ce que je lui dis, cette fois-ci. »







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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyLun 11 Juil 2016 - 1:49
- Alors soit.

Ces deux mots sonnaient, non plus comme une mise en garde, mais comme un exécution à eux-seuls. Adalman agit vite. Azhim eut tout juste le temps d'apercevoir l'éclat de sa lame avant qu'elle ne s'abatte sur la main du pauvre homme. Stupidement, il eut un léger sursaut.

Un hurlement naquit au fond de la gorge de Vincent pour exploser au bord de ses lèvres. Un hurlement déchirant, presque animal, à peine étouffé par la paume de son bourreau. Et devant ses yeux exorbités, ses phalanges se détachèrent du reste de sa main dans un giclement de sang.
La douleur fut saisissante, assommante. Elle remonta le long de son bras et de son épaule pour venir lui compresser la poitrine. Il manqua de souffle. Bouche grande ouverte, il avala une grande et douloureuse goulée d'air qui lui fit tourner la tête. Il tomba à la renverse comme si en plus de s'être fait couper les doigts, on lui avait scié les jambes.

Le cri qui avait furtivement déchiré la pièce suivit de cette effusion d'hémoglobine avait retourné Azhim, qui avait retenu sa respiration sans s'en rendre compte. La scène avait beau avoir été brève, elle fut également d'une grande violence à laquelle il n'était guère habitué. Ou plutôt, si. Ce genre de scénario le replongeait loin dans ses souvenirs et lui donnait l'impression de redevenir aussi vulnérable que le petit garçon qu'il avait été. Ses prunelles sombres s'agrandirent d'un effroi d'enfant tandis qu'il fit un pas réflexe en arrière.

- Azhim ?

La voix satisfaite du baron le tira de son choc. Il déglutit et essuya ses mains moites sur son pantalon en écoutant son ordre. Une boîte. Il voulait une foutu boîte pour y entreposer ce qu'il avait volé à ce pauvre artisan.
Aussitôt la requête faite et après s'être bien assuré qu'il avait cessé de parler, le domestique s'avança dans la demeure et fouilla la pièce du regard, passant rapidement sur la scène de crime, le cœur au bord des lèvres. Alors qu'il passait la porte de l'atelier de Vincent, il serra inconsciemment ses doigts en poing, histoire de s'assurer que les siens étaient bien resté en place. Dans son dos, l'herboriste geignait lamentablement,, toujours étalé au sol. C'était étonnant même qu'il n'ait pas encore perdu connaissance. Ses gémissements et autres lamentations étaient tels qu'Azhim ressentait presque de la compassion pour lui.

Sans oser vraiment toucher à ses affaire, le servant de Grâce déplaça quelques objets, souleva un tas de feuilles, regarda sous le bureau en bois et ouvrit les tiroirs, respirant le moins possible au vu de l'odeur étrange qui régnait ici. Il finit par y dégoter un petit coffret de la taille de sa paume qu'il vida après avoir curieusement observé ce qu'elle contenait. Conclusion ? Il n'avait aucune fichue idée de ce que pouvait être cette masse informe, s'il s'agissait d'une bestiole momifiée ou d'un ensemble de plantes mélangées, ou encore un organe, pourquoi pas, après tout ? Il n'y touchait même pas.

Il prit soin de refermer la porte de l'atelier derrière lui. Son regard revint malgré lui sur le comptoir, et il se surprit à être fasciné par cette flaque de sang. Il osa même un coup d'oeil du côté de Vincent, qui n'avait rien fait d'autre que pleurer et d'essayer de calmer l'hémorragie. Vraiment, il n'aimerait pas être à sa place. Il avait de la peine pour lui, d'un côté. Ce n'était pas un homme mauvais. Il n'avait rien dit à Adalman le concernant alors qu'il aurait pu le jeter à n'importe quel moment.

- Votre coffret, monsieur
, souffla-t-il en tendant son dû à son futur maître.

Sa voix à lui était basse, comme un murmure. Il savait que s'il forçait trop, elle tremblerait. Hors, il souhaitait montrer au baron d'Alchas qu'il n'avait pas peur. Ou du moins, qu'il ne se sentait guère concerné par le sort de cet homme du peuple.

- Et maintenant ? Se permit-il de demander.
- Partez … lâcha Vincent entre deux hoquets. Partez, partez, partez …

Azhim lui jeta un regard égal, presque ennuyé, et aurait même pu se permettre un commentaire à son égard s'il avait été plus impulsif. L'herboriste ne s'était-il pas assez fait remarquer ? À sa place, lui se ferait oublier, pour un bon moment. Il suffisait parfois d'une parole à son bourreau pour tout relancer, il le savait bien, Azhim.
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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyLun 25 Juil 2016 - 20:08


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L’odeur du cuivre et des plantes s’entremêlaient délicieusement et presque en touriste, Adalman s’offrit quelques pas hagards dans la boutique, la lorgnant d’un œil nouveau, bien plus attentif. Son esprit n’était que faiblement parasité par les geignements sourds de l’handicapé. Et à aucun instant, en frôlant de sa conscience les débris humains de son coup, il ne pensa à regretter, à s’en sentir déstabilisé, ou même à être faiblement atteint par son manque d’empathie. Ce n’était certainement pas le fait de son éducation – même si son mépris des pauvres gens devait jouer pour beaucoup. Mais le visage de Grâce, plus présent et pressent que jamais, flambait devant chaque ombre de cette foutue boutique. Et presque impatient, il guetta de l’oreille les mouvements d’Azhim.

Quand ce dernier revint, coffret en main, la moustache pendant pathétiquement comme deux queues de rat autour de sa bouche exsangue, le futur baron d’Alchas lui offrit un sourire superbement miséricordieux.

« Buvez un coup, l’ami. Je suis certain que notre imbécile doit cacher une flasque de vin. Cela sera mieux pour vous, et votre coup de sang. » Le voilà donc qu’il se jouait guérisseur mais sans pousser l’audace au point de demander un nouveau service à sa victime, Adalman revint près des doigts, cueilli l’annulaire, et manquant de l’embrasser, le déposa soigneusement sur le couffin de velours avant de claquer le boitier.

« Voilà qui est fait. » Maintenant, il n’y avait plus qu’à retourner au château. Y présenter l’alliance. Et se repaître de l’écho écœurant d’une Grâce plus que déstabilisée. Il se l’imaginait presque, perdant de sa superbe au même titre que son homme de main. Et familièrement, Adalman prit le bras d’Azhim, le raccompagnant à la porte avant de claquer des doigts.

« Oh, j’oubliais. » S’en revenant près de Vincent, il se pencha sur sa silhouette recroquevillée. L’homme eut un battement de jambe paniqué, comme pour s’éloigner un peu plus de l’aura de son agresseur. Mais plutôt que d’en prendre ombrage, Adalman vint lui caresser la joue, du bout des doigts [de sa main droite, pour mieux parfaire l’insulte]. Avant de murmurer. « Nous nous disons à très vite. Et n’oubliez pas nos réductions. » Et d’une gifle sèche, rire. « Vous ne regretterez pas longtemps notre attente, mon cher. Je puis vous l’assurer. »

Il était temps de partir. Le basané renvoya sa cape en arrière, d’un geste sûr et presque maniéré. Il franchit le seuil après Azhim et une fois la porte refermée derrière sa silhouette, sembla tout oublier de l’existence et de la véracité d’un tel incident. Si ce n’était le coffret fermement calé contre son torse, on aurait pu le croire revenu d’une chasse amplement satisfaisante.

« Mon cheval. » Ordonna-t-il alors, plutôt froidement, au serviteur. Et une fois pied et cul en selle, prit la direction des hautes demeures nobles, avançant au pas aux côtés d’Azhim.

« Nous passerons tout d’abord à mes appartements. Et plutôt que de m’accompagner au chevet de votre maitresse, en punition, vous assisterez mon palefrenier pour brosser le crin de ma jument. J’imagine que vous protestez déjà dans votre crâne, absurde et conflictuel, contre un tel châtiment quand vous ne faites pas encore partie de ma maison. Et je répondrais simplement qu’il me faudra un temps bien plus court pour vous trancher la tête plutôt que de m’occuper de vos doigts. »

Un morceau de soleil perça aussitôt la couverture épaisse des nuages pesant au-dessus d’eux. Et plutôt que de craindre pour son teint – qui fonçait toujours bien plus à ces expositions que lorsqu’il s’enfermait dans la bibliothèque – Adalman lui offrit son visage, son sourire, son bonheur radieux de promis. Comme n’importe quel époux avant une noce particulièrement fructueuse.

« La belle journée que voici pour revoir ma dame ! »

Et le bâtard, trop heureux et soulagé, de commencer à siffloter.







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MessageSujet: Re: Faire justice soi-même   Faire justice soi-même EmptyLun 1 Aoû 2016 - 22:51
- Buvez un coup, l'ami. Je suis certain que notre imbécile doit cacher une flasque de vin. Cela sera mieux pour vous, et votre coup de sang.

Le visage d'Azhim se ferma – s'il était possible qu'il soit plus fermé encore -, et il hésita à obéir. Boire ? Non, jamais de la vie ! Le goût l'insupportait, et de plus, il n'avait que très rarement l'occasion, voir l'obligation de boire. C'est pourquoi il se permit de refuser avec beaucoup de diplomatie la pourtant si alléchante offre de son futur maître.

- Je vous remercie, monsieur. Mais je n'apprécie guère le goût de l'alcool.

L'autre homme ne s'en formalisa bien sûr pas. À vrai dire, c'est à peine s'il l'avait entendu. Adalman semblait être complètement dans son monde, et, même lorsqu'il s'adressait à Azhim, ce dernier avait la désagréable impression qu'il se parlait aussi et surtout à lui-même.
Le domestique suivit le reste de la scène de la même manière qu'il l'avait fait tout le long : sans aucune émotion. Le regard qu'il portait à Vincent était égal, voir teinté d'une lueur d'un mépris tout particulier. Puisque ce n'était pas lui, à sa place, pourquoi n'aurait-il pas le droit de se satisfaire, au moins un minimum, de son sort ? Oui, il était ravi de voir Vincent giser-là à sa place. Cela avait quelque chose d'étonnement jouissif. Comme si Azhim avait échappé de peu à un sort funeste.

Vincent ne répondit pas au Baron. Vincent était à des années lumières de son échoppe qu'il aimait tant. Il était loin d'être de ceux qui souriaient tout le temps, Vincent. Mais il avait la qualité – de plus en plus rare – d'être optimiste. À cet instant, il bénissait le fait d'être encore en vie. Il bénissait le fait que sa fille et son épouse soient saines et sauves. Il avait certes perdu ses doigts, mais … il lui en restait cinq autre, plus son pouce. Il pourrait toujours travailler. Très sûrement que ça allait mettre du temps à cicatriser, et que ça allait faire un mal de chien, mais, bien malgré lui, il n'arrivait pas à s'apitoyer sur son sort.

- Mon cheval.

Azhim hâta le pas pour lui rapporter sa monture, un milliard de pensées se bousculant à l'intérieur de son crâne. Un certain soulagement l'habitait, il admettait être soulagé d'avoir enfin quitté cet endroit de malheur. Il savait, pourtant, qu'il n'en avait pas encore fini avec le baron d'Alchas. Il se doutait bien qu'il s'agissait-là que du prémice d'une longue série de coups bas en tout genre. Et il s'en voulait malgré tout, Azhim. Pour Grâce, parce qu'il se devait d'obéir à Adalman autant qu'il obéissait à la jeune femme, et qu'il savait que ce qu'il venait de faire était pour et contre elle. S'il avait l'occasion, il la préviendrait. De ne pas être surprise, de ne pas montrer à cet homme qui lui ressemblait beaucoup trop sa crainte ou son dégoût. Il voulait qu'elle demeure imperméable à chacune de ses provocations.

- Nous passerons tout d’abord à mes appartements. Et plutôt que de m’accompagner au chevet de votre maitresse, en punition, vous assisterez mon palefrenier pour brosser le crin de ma jument. J’imagine que vous protestez déjà dans votre crâne, absurde et conflictuel, contre un tel châtiment quand vous ne faites pas encore partie de ma maison. Et je répondrais simplement qu’il me faudra un temps bien plus court pour vous trancher la tête plutôt que de m’occuper de vos doigts.

En punition?!
Bien sûr qu'il protestait, ça ne pouvait en être autrement ! Jamais Grâce ne l'avait puni, il avait toujours été, et ce malgré son statut de servant, chouchouté et apprécié à sa juste valeur. Alors, être ainsi considéré, c'était à la fois blessant, frustrant, et terriblement énervant. Si bien qu'il lui fallut réunir tout son self-control pour ne pas lui lancer une réplique cinglante à la figure. Cet homme était une maladie. Un virus qui s'accrochait à lui pour ne plus s'en défaire.
Et alors que son futur maître laissait éclater une joie tout à fait inappropriée, Azhim fulminait en silence.

- Bien, monsieur. Je tâcherai d'apprendre au mieux.

Si dans son intonation, il paraissait sincère, il n'en était rien. Il savait qu'il ne pourrait tolérer de telles attitudes durant des années, et ferait tout pour que cette situation évolue. En bien, ou en mal.
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