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 La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]

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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyMar 7 Juin 2016 - 17:19
Voilà désormais deux semaines qu’Ambre était mariée à Morion. Deux semaines presque irréelles : entre le changement de son lieu de vie, la relation qu’elle entretenait avec son mari, et les préparations croissantes pour l’opération du Labret, la comtesse semblait évoluer dans une dimension qui n’était plus la sienne. Beaucoup de choses avaient changé, et ses projets personnels avaient un temps ralenti ses recherches et sa présence dans le monde mondain de l’Esplanade. Cela allait être vite corrigé. Désormais que son mari partait bientôt en guerre et s’y préparait, Ambre ne supportait pas d’être inactive. Elle avait besoin de reprendre ses relations et ses contacts, et étudier les options possibles, autant pour contrôler d’une main de fer ceux qui l’entouraient, mais également parce que la peur que Morion ne revienne jamais du Labret se faisait croissante à mesure que la date approchait. Il lui fallait donc avoir l’esprit occupé pour ne pas sombrer dans une inquiétude exacerbée, et elle espérait que ses recherches pourraient même servir à Morion lorsqu’il serait éloigné. La jeune femme avait commencé à réfléchir pour deux, et non plus pour elle-même uniquement, ce qui était sûrement témoin de son dévouement pour le Ventfroid.
Mais ce soir-là, c’est un augure tout à fait personnel qui s’invitait sombrement dans la vie de la comtesse.

Morion et Ambre avaient à peine commencé à dîner lorsque Talen se présenta, accompagné d’une femme à l’âge avancé, dont les rides de bienveillance éclairaient le visage. Mais ce soir-là, ses rides prenaient un air affligé, pressant. Il ne pouvait que se passer quelque chose d’important et grave pour que Talen ne les dérange en plein repas, et Ambre reconnut immédiatement la vieille dame, qui était une des domestiques des Mirail. Autrement dit, sa propre famille. Le couple Ventfroid s’était levé à cette interruption singulière, délaissant leurs assiettes, et Ambre fronça les sourcils d’inquiétude.

- Dame Ambre… Comte Morion… La domestique s’était visiblement pressée pour se présenter au manoir Ventfroid, car elle portait encore les signes d’un certain essoufflement, mais elle les salua prestement. Je suis navrée de vous interrompre à une heure si impromptue, mais monsieur votre Père se porte mal, comtesse. Le… Elle eut une hésitation. Les guérisseurs affirment qu’il ne passera pas la nuit, souffla-t-elle, tête baissée, horrifiée d’avoir à porter une telle nouvelle.

Les yeux d’Ambre s’écarquillèrent silencieusement alors qu’elle était soufflée par l’annonce. Son estomac eut cette sensation si particulière, comme s’il voulait quitter son corps. Les doigts de ses mains se refermèrent subrepticement.
Cela n’était pas une surprise. Son père était malade depuis deux ans désormais, et l’on n’avait pas réussi à diminuer le mal qui lui avait pris les poumons. Guérisseurs, prêtres, tous étaient passés à son chevet lorsqu’il présentait des exacerbations l’empêchaient de tenir debout. C’était d’ailleurs un miracle qu’il eût été en état de conduire sa fille à l’autel deux semaines plus tôt, et de pouvoir être présent au vin d’honneur presque comme un homme neuf. Un effort qu’il avait fait pour elle, et qui, en contrepartie, l’avait extrêmement fatigué après la fin des festivités. La famille Mirail était préparée depuis bien longtemps à perdre leur père qui petit à petit s’éteignait.

Malgré tout, l’annonce bouscula la comtesse. Son père allait mourir. C’était bien trop tôt. Elle adressa une prière mentale à Anür, de ne pas le ramener à elle si vite. Pourquoi fallait-il que cela soit maintenant ? Ne verrait-il réellement jamais ses petits-enfants ?

- Je viens tout de suite, répondit Ambre, l’air soucieux mais déterminé. Si son père devait mourir ce soir, hors de question qu’elle ne soit pas là pour l’accompagner.

Elle se tourna vers Morion, qui s’était approché d’elle, l’air sombre et sérieux. Il avait perdu son père lui aussi ; il savait ce qu’elle pouvait traverser, et il lui demanda si elle souhaitait qu’il soit présent avec elle. Ambre fut sensible à son attention ; il serait d’un soutien fort estimable. Pourtant, elle refusa.

- Je ne veux pas que tu vives ça, ni que tu le voies ainsi. Et… je crois que ma famille voudrait rester dans son intimité.

Morion faisait partie de la famille désormais, en quelque sorte. Il avait été très bien accueilli chez les Mirail. Mais Ambre préférait y aller seule. C’était dans les bras de sa mère, son frère, et sa sœur, qu’elle aurait besoin de se recueillir ce soir-là. Son mari n’avait pas à voir ça – l’enterrement serait bien suffisant.
Aussi, elle serra subrepticement les mains de son mari, l’embrassa doucement, puis partit en direction du manoir Mirail en compagnie de la domestique.

Elles se hâtèrent toutes deux, jupons relevés au-dessus de leurs pieds, et s’engagèrent dans les ruelles de l’Esplanade. A cette heure, il faisait quasiment nuit, et plus grand monde n’évoluaient dans les venelles. Elles croisèrent quelques miliciens en patrouille, les saluèrent, et bientôt, les deux femmes étaient devant le portail du manoir Mirail. Les gardes saluèrent la comtesse, respectueux mais l’air contrit, car ils savaient ce qui menait Ambre cette fois.

Ambre entendit ses pas résonner le long des couloirs de pierre du manoir. Sans s’arrêter ni faire de détour, elle monta droit dans les étages, en direction des appartements de ses parents. La porte était entrouverte, laissant passer quelques lueurs de bougie tremblotantes. Ce fut Evan qui l’accueillit lorsqu’elle se présenta. Levant les yeux vers son frère, Ambre demanda :

- Comment va-t-il ?

Evan enlaça sa sœur par la taille, faisant un mouvement de tête résigné du visage. Sans un mot. Il serra doucement sa sœur contre lui, avant de la mener au lit du malade.

Aaron de Mirail était allongé dans son lit, fiévreux. Des gouttes de sueur perlaient sur son front et même dans sa barbe, et il semblait engoncé dans des rêves agités, inconscient. Céline, sa femme, l’air malheureux, des traces de larmes déjà présentes sur ses joues, épongeait le front de son mari d’un linge frais et humide, assise à son chevet. Jade, sa plus jeune fille, lui en tendait un autre lorsque le tissu devenait trop chaud, l’air tout aussi triste. Le guérisseur de la famille, un vieil homme d’une quarantaine d’années, était assis au chevet du malade mais de l’autre côté du lit, et était actuellement en train de glisser de l’encens sous les narines du comte qui luttait contre la fièvre.
Ambre s’approcha doucement, le cœur lourd de voir son paternel dans un tel état. Lui qui avait toujours été si digne, si ferme. Attrapant machinalement entre ses doigts la goutte du pendentif que son mari lui avait offert, La jeune femme demanda :

- A-t-il parlé ?

- Pas depuis une heure, quand la fièvre est montée, répondit Céline, les yeux creux.

Ambre prit un tabouret, et s’installa près de sa mère et sa sœur. Evan resta debout derrière elles trois, échangeant parfois un geste affectif de la main – une caresse sur l’épaule. Ils restèrent là, silencieux, se soutenant les uns les autres alors que leur proche souffrait de sa maladie sans même pouvoir échanger avec eux. Ambre tint seulement vingt minutes avant de se lever à nouveau sous le regard de sa famille.

- Anne, s’il te plait. La jeune domestique, qui venait d’apporter un nouveau seau d’eau fraîche, inclina la tête. Va faire quémander le prêtre Zelvajra, s’il te plait. Dis que notre père est souffrant, et que nous implorons la venue d’un prêtre pour l’aider à traverser son affliction. Ou lui faire les prières s’il venait à ne pas passer la nuit.

Sur ces mots, la jeune domestique s’empressa de s’exécuter.

Il y avait longtemps qu’Ambre n’avait point croisé le Haut-Prêtre de Serus. C’était en fait un prêtre avec lequel elle entretenait une très bonne relation, ces dernières années, et qu’elle avait souvent croisé lorsqu’elle venait faire ses hommages au temple. Plusieurs fois il avait recueilli quelques-uns de ses doutes, ses peurs, ou espoirs. Mais avec l’arrivée de la Fange, et tous les problèmes que rencontraient la cité, Ambre avait eu moins de temps pour faire son devoir de croyante. Quant aux fois où elle put se présenter au temple de la cité, Zelvajra lui-même semblait occupé, et moins présent dans l’établissement. Elle en ignorait les raisons, et cela ne la regardait de toute manière pas vraiment. En tous les cas, il était donc l’homme de foi vers lequel elle avait pensé en premier pour épauler son père. Si Philippe de Tourres était aussi un homme de choix, la jeune femme avait préféré ne pas le quémander. Elle voulait qu’il reste synonyme de joie dans son esprit : il l’avait mariée. Pas qu’il devienne potentiellement celui qui assisterait à la mort du comte de Mirail.

Ainsi, elle attendit la venue du Haut-Prêtre, espérant que son père tienne jusque-là, s'efforçant d'ignorer le regard du guérisseur qui lui criait que c'était peine perdue.
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ZelvajraHaut-Prêtre de Serus
Zelvajra



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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyMer 8 Juin 2016 - 14:14
Le Haut-Prêtre de Serus, Zelvajra, était en effet extrêmement occupé. Les raisons étaient diverses et variées, Ambre de Mirail, son « amie », pouvait bien en deviner certaines par le seul bon sens de ses pensées, d'autres lui resteraient peut-être secrètes à jamais, comme des portes qu'elle ne parviendrait jamais à ouvrir. Deux semaines auparavant, les nouvelles de son mariage avec le Comte de Ventfroid avaient retenti à travers toute la ville. Ne partageant pas de lien suffisamment fort avec les de Mirail ou de Ventfroid, il n'avait pas été invité. De plus, toute une foule de sang-bleu aurait été plutôt inconvenante lorsque l'on connaissait ses ressentiments envers eux. En plus, il avait beaucoup, beaucoup de travail en ce moment. La Discorde, dont personne ne connaissait son appartenance au groupuscule usait un certain nombre de ses ressources. Il ne fallait pas se faire prendre et en plus, il fallait continuer à passer pour le Guérisseur aimé et apprécié de ses pairs. Parfois, il y avait peut-être de quoi devenir fou. Il regrettait de ne plus être libre de voyager à travers le Royaume de Langres, ne sachant toujours pas si de lointains confrères organisaient aussi leur survie et s'ils avaient tout simplement succombé à la Fange.

« Entrez. » s'écria-t-il sobrement. Ce soir-là, la nuit où la vie du père de Mirail était en train de basculer, le Haut-Prêtre de Serus se trouvait dans son bureau. « Que puis-je pour vous ? » demanda-t-il en croquant une énième fois dans sa pomme.

Il se leva, en guise de respect pour les deux personnes qui entraient dans son bureau afin de leur témoigner jusqu'au bout qu'il était à leur service. Il s'agissait d'un jeune page et vraisemblablement d'une domestique.

« Haut-Prêtre Zelvajra. Navré de vous déranger à une heure si tardive mais cette femme doit impérativement vous parler. »

« Je suis désolée, Monsieur. Je viens de la part de Ambre de Ventfroid. » dit-elle. Les yeux de Zelvajra s'écarquillèrent légèrement, surpris par cette revendication. En général, lorsqu'elle souhaitait quelque chose, elle venait le voir directement. « Son père est souffrant. Les guérisseurs prétendent qu'il ne passera pas la nuit. Ambre souhaite votre présence... »

Les nouvelles apportées par Anne étaient alarmantes. Il imaginait à peine dans quel état de détresse pouvait être plongée Ambre mais il fallait faire preuve de réserve. Pour avoir déjà mentionné ce sujet-là, Zelvajra savait que Aaron de Mirail était sur le déclin depuis un certain temps, mais de là à prédire qu'il s'en irait peut-être cette nuit, il y avait tout un monde. Machinalement, Zelvajra afficha une mine désolée pour compatir à cette bien triste nouvelle. Au fond, cela ne l'arrangeait pas vraiment car il était bien parti pour passer la nuit dans la demeure des de Mirail.

« Ne perdons pas plus de temps. Conduisez-moi sur le champ à son chevet. » ordonna-t-il. Il reposa sa pomme sur le bureau, du moins ce qu'il en restait. La famille de Mirail ne valait-elle pas plus qu'un trognon de pomme, après tout ? « Mon garçon, faites reporter mes tâches de demain matin. Je crains de ne pas revenir avant la fin de la nuit si les choses se compliquent. »

Zelvajra attrapa le manteau soigneusement posé sur le dos de sa chaise de bureau et recouvrit sa toge de Haut-Prêtre. Il se hâterait peut-être pour rejoindre la demeure de la famille d'Ambre mais il n'était pas question non plus d'attraper un vilain coup de froid. D'autres projets, plus importants que de prononcer les prières d'un noble qui avait certainement très bien vécu l'attendaient de pied ferme. Aux côtés d'Anne, Zelvajra rejoignit donc l'Esplanade au plus vite puis par extension, le Manoir de Mirail. C'était la première fois que le Haut-Prêtre de Serus s'y rendait, l'épouse de Ventfroid avait davantage l'habitude de venir le rencontrer au Temple de la Sainte Trinité. Depuis quand ne l'avait-il pas revue ? Probablement peu après l'assassinat, puisque s'en était un, de son promis de Sarosse. La vie était devenue bien plus cruelle qu'avant avec l'arrivée de la Fange, même les nobles commençaient à être affectés par des problèmes jamais rencontrées auparavant. Il osait à peine imaginer quelle rancœur elle devait nourrir contre le Duc de Marbrume pour avoir ainsi déshonoré son mariage à venir. Pour le peu qu'il restait encore de bien en lui, il espérait sincèrement que le Comte de Ventfroid soit capable d'apaiser sa peine. Malgré les plans à venir de Zelvajra contre Marbrume, Ambre possédait quelque chose à ses yeux d'infiniment innocent. Le moment venu, il lui serait sûrement difficile de briser son estime pour lui en mille morceaux. C'était la dure labeur, la teneur de la quête que Zelvajra s'était récemment fixé.

« Ambre. » dit-il, très chastement. « J'ai appris la nouvelle, nous avons fait aussi vite que nous pouvions. » dit-il, en posant conjointement sur le bras gauche d'Ambre pendant un court moment. Zelvajra regrettait sincèrement de la revoir dans de telles conditions. « Menez-moi à votre père, je vous prie. »

Sans plus tarder, Ambre de Ventfroid conduisit donc Zelvajra jusque dans la chambre où reposait son père mourant. Il ne fut alors pas très surprenant d'y voir le reste de sa famille. Sa femme, Céline ainsi que ses deux enfants, Evan et Jade. C'était probablement la première fois que le Haut-Prêtre de Serus les rencontrait.

« Bonsoir. Je suis Zelvajra, Haut-Prêtre de Serus. Puis-je ? »

La permission fut accordée car après tout, c'était pour être aux côtés d'Aaron de Mirail que Zelvajra avait été mandé par Ambre de Ventfroid. Le pauvre homme était inconscient, son front perlant de gouttes de sueurs. Une fièvre violente s'était vraisemblablement emparée de lui. Il prit place sur le tabouret auparavant occupé par Ambre, aux côtés d'Aaron, à l'opposé du guérisseur de la famille. Il adressa à ce dernier un regard plein de compassion, imaginant que ce ne devait pas être facile d'être dans une telle situation.

« Quels sont les pronostiques ? »

Ce n'était jamais facile de perdre un proche. Zelvajra se sentit presque honoré d'être là, de partager cet intime moment avec Ambre et sa famille. Il ne lui en jamais parlé mais il avait un frère aîné, Seth. Par le passé, il n'avait pas toujours été très fier de leur lien de parenté. Seulement, depuis l'arrivée de la Fange et la décision de juger un certain nombre de cas en justice pour en venir à les bannir, on commençait à raconter que le Haut-Prêtre de Serus était concerné car son propre frère avait fait les frais d'une telle politique. Il n'était pas mort et savoir cela alors qu'il se trouvait au chevet d'un homme à la réputation incroyablement digne et forte protégé dans sa demeure avait quelque chose d'un peu rassurant. La Sainte Trinité ne reprenait pas toujours à ses côtés ceux qui méritaient le plus de partir selon certaines considération éthiques. Pour Zelvajra, envoyer tant d'hommes dans les marais était bien plus grave que d'infliger une sentence telle que la pendaison ou la décapitation. Plongé discrètement dans ses pensées, il attendit donc que chacun s'exprime selon son bon vouloir. En fonction, il agirait, espérait-il pour le meilleur.


Dernière édition par Zelvajra le Sam 19 Nov 2016 - 15:30, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyJeu 9 Juin 2016 - 19:38
L’attente ne fut pas si longue, mais elle parut s’éterniser pour Ambre. Enfermée dans cette chambre moite, chaude et aux relents vaporeux des encens que le guérisseur faisait brûler pour le mourant, la comtesse commençait à se sentir mal. Cela n’aidait pas, déjà qu’être au chevet de son père et voir ses forces le quitter petit à petit n’était pas une expérience agréable. Ambre avait resserré ses doigts sur la main de son père, par-dessus la couche, et y resta accrochée un long moment. Cela serait peut-être le dernier soir où elle pourrait sentir la vie courir entre les veines de son père. Cette main, rendue calleuse par une longue vie guerrière, avait permis de nombreux faits. La défense de son domaine, l’éducation de ses enfants, les attentions envers sa femme et sa famille… Le simple contact avec la senestre de son père refaisait monter en Ambre des souvenirs impromptus, comme si son esprit le voyait déjà mort.

La famille Mirail n’avait jamais été autant unie qu’en cet instant. Même Jade, le visage livide, semblait avoir oublié de conserver son comportement de peste envers son frère et sa sœur, et s’était rapprochée d’eux, ayant besoin parfois d’enlacements chaleureux et fraternels. Ambre, si son air était grave et triste, conservait cependant une certaine distance, contrairement à sa sœur et sa mère qui avaient déjà commencé à pleurer. Les ponts n’étaient pas encore ouverts chez elle, et peut-être ne le seraient-ils pas, d’ailleurs. Elle n’avait plus pleuré depuis la mort d’Armand de Sarosse ; cette dernière l’avait endurcie, d’une certaine manière. Evan restait digne, aussi, même s’il n’avait jamais eu l’air aussi sombre. Chez lui, la disparition de leur paternel, en plus d’être un malheur familial, représentait une responsabilité hors norme. Il deviendrait le comte de Mirail et le tenancier de toutes les décisions. Il dirigeait déjà plus ou moins les affaires Mirail depuis la maladie d’Aaron, mais il avait toujours pu obtenir l’avis éclairé de ce dernier. Et, s’il avait été éduqué à la hauteur de son rang et pour être prêt le moment venu, il serait seul désormais. Epaulé et conseillé par ses sœurs et sa mère, bien évidemment, mais rien ne remplacerait jamais un père et un souverain.

Quand la peine et le silence devint insupportable pour Jade, elle se mit à parler. A évoquer un souvenir avec leur père : la première journée où on avait commencé à lui apprendre à monter en amazone. Toute excitée, voulant rapidement faire comme sa sœur qui savait déjà monter avant elle, elle s’était précipitée, mal concentrée. Elle était tombée plusieurs fois et n’arrivait pas à tenir, et malgré les remontrances de leur mère et les conseils de sa sœur, ce n’était qu’à l’arrivée de leur père qu’elle avait réussi à tenir droite, sans tomber.

- Ne parlons pas déjà de lui au passé, commenta Evan, sourcils froncés. Il avait perdu sa bienveillance habituelle, et parut un peu sec envers la benjamine.

Ambre ne dit rien, mais l’évocation du souvenir lui avait arraché un sourire à la fois triste et heureux. Elle serra doucement la main de sa sœur.

Enfin, des pas furent audibles le long du couloir. Ambre se releva prestement, quittant le chevet de son père. Se présentant dans le couloir, elle put voir Zelvajra, accompagné d’Anne. Le prêtre posa une main bienveillante sur son bras, et si en temps normal elle aurait pu tiquer sur une telle proximité contraire à l’étiquette, elle ne nota rien, l’esprit complètement ailleurs. A l’inverse, la présence d’un représentant de la Trinité la soulageait, et elle ressentait comme un besoin invisible de s’imprégner de la sagesse de l’homme.

- Merci d’être présent, souffla la comtesse, les sourcils inquiets et pressée de le mener au chevet de son père. Suivez-moi.

L’homme n’avait pas changé comparé à ses souvenirs, quoiqu’il paraissait un peu plus cerné et fatigué qu’à l’accoutumée peut-être. On le fit pénétrer dans la chambre chaude, et très vite, l’on laissa la place au Haut-Prêtre près du mourant. Les Mirail étaient tous de fervents croyants en la Trinité, et ils possédaient un grand respect pour tous les clercs de manière générale. Ils regardèrent l’homme prendre place, très concernés, espérant peut-être que, par un miracle accordé par la Trinité, la simple présence de Zelvajra ramènerait Aaron à la conscience. Céline, ses deux mains refermées autour du tissu humide avec lequel elle épongeait le front de son mari juste avant, intervint avant même que le guérisseur puisse répondre, alors que c’était à lui que le prêtre s’était adressé :

- Aaron n’était pas bien ces deux dernières semaines.

Ambre resserra son châle autour d’elle de manière presque automatique à l’entente de la phrase, dans un geste de protection instinctif. Son état s’était dégradé après les festivités de son mariage, et l’idée, vile et sournoise, que l’évènement ait trop fatigué et diminué les défenses de son père, s’insinuait doucement mais sûrement dans son esprit. La culpabilité commençait à se faire une place dans sa tête. Pas besoin d’être une lumière pour comprendre qu’il pouvait y avoir un lien. Ils auraient dû le forcer à aller se reposer après la cérémonie, et jamais le laisser assister au vin d’honneur.

- Enfin, il n’a jamais été bien depuis plusieurs années… reprit Céline. Cela s’est dégradé très récemment cependant. Nous avons essayé toutes sortes d’onguents, sur les bons conseils des guérisseurs, mais rien ne semble aider.

La mère Mirail avait la voix fatiguée. Ses cheveux blonds, d’habitude parfaitement entretenus, étaient ternes et quelques mèches éparses s’échappaient de la coiffure. Ce n’était visiblement pas la première nuit qu’elle veillait ainsi pour son mari ; l’on n’avait prévenu Ambre que ce soir que la situation était réellement devenue critique, visiblement.

Le guérisseur approuva les propos de Céline d’un hochement de tête.

- Je… Il releva les yeux vers les nobles et le prêtre, mal à l’aise. Je l’ai déjà annoncé, mais je ne lui donne pas plus que quelques heures, désormais. Il est déjà à moitié dans le domaine d’Anür, et je m’excuse de ne rien pouvoir faire ; mes compétences sont dépassées. Des années que je soigne votre famille. J’aurais aimé que vous me surviviez tous… mais si messire le comte tient jusqu’à l’aube, cela serait déjà une aubaine. Seuls les dieux peuvent décider de son sort désormais, je m’en remets à eux.

Un sourire navré de politesse releva sa barbe, et il inclina la tête vers Zelvajra. Le malade, devant eux tous, luttait contre la fièvre mais avait aussi un rythme respiratoire saccadé. Il cherchait son souffle, et les extrémités de ses doigts étaient bleutées.

- Souffre-t-il ? intervint Ambre, le regard fixé sur le visage agité de son père.

Le guérisseur se tourna vers la comtesse.

- Je ne saurais le dire, mais j’aurais tendance à affirmer que tant qu’il est inconscient, non.

La comtesse avait quelques doutes, avec la façon dont son père luttait pour respirer, mais elle ne commenta rien. Le regard d’Ambre se posa alors sur le Haut-Prêtre.

- Aidez-le comme vous pouvez. Si vous avez besoin de quelque chose pour les oraisons… des bougies ou quoi que nous puissions fournir… n’hésitez pas.

- Ne peut-on pas le détacher plus vite de ses souffrances ? lâcha soudain Evan. N’y-a-t-il rien à faire que le regarder mourir, impuissants ?

Jade avait écarquillé les yeux.

- Tu n’y penses pas, claqua soudain Céline, la voix sombre et sourde d’une menace dangereuse. Evoque encore une seule fois la possibilité de précipiter le trépas de ton père, et tu ne mettras plus un pied dans ce manoir.

Les émotions de Céline étaient exacerbées. Jamais elle n’avait parlé ainsi à son fils.

- Il n’aurait jamais voulu agoniser de la sorte, Mère. Vous le savez parfaitement.

Céline releva le nez, ignorant le regard de son fils, et revint déposer le linge humide sur le front de son mari, clôturant le débat.

Ambre adressa un regard navré à Zelvajra. Cela ne devait pas être facile pour lui de se retrouver projeté au beau milieu d’une famille qu’il ne connaissait pas intimement, dans une situation qui elle, était complètement intime pour le coup.


Citation :
Je te laisse toute liberté pour décider de l'état de santé d'Aaron. Il peut sortir de son inconscience et pouvoir échanger quelques mots avec sa famille de façon lucide, ou délirer complètement dans d'atroces souffrances, ou rester dans les vapes jusqu'à la fin durant une longue agonie silencieuse, ou crever dès le prochain post. Bref, tu as carte blanche, la seule chose imposée est sa mort inéluctable durant le rp. Pour le reste, tu fais ce que tu veux !
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ZelvajraHaut-Prêtre de Serus
Zelvajra



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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyDim 12 Juin 2016 - 9:30
Le regard du Haut-Prêtre de Serus se perdit peu à peu sur le visage souffrant et maladif d'Aaron de Mirail. En sa propre qualité de guérisseur émérite, fait moins connu par la caste des nobles cependant, il percevait très bien les signes de gravité de l'état clinique du père d'Ambre. Ce n'était pas la première fois qu'il se rendait auprès d'une famille en urgence pour accompagner le départ d'un homme car même s'il n'était pas spécialisé dans les rites et les cérémonies d'Anür, il en connaissait nécessairement les grandes lignes. Un Haut-Prêtre devait très certainement être capable de remplacer convenablement ses pairs. Il y avait aussi une forme d'honneur quant au fait d'être mandé ainsi par Ambre de Ventfroid de façon si tardive. Cela voulait dire qu'une grande personnalité de la ville l'estimait pour son travail et sûrement pour ce qu'il était. C'était donc plutôt une bonne chose, de quoi enorgueillir ses principes de vie jusqu'à présent. Pourtant, il y avait quelque chose de fort désagréable à se trouver ici, dans l'intimité de la famille de Mirail. Ce n'était jamais facile de partager un tel moment même si Zelvajra devait bien être capable de prendre suffisamment de distance pour ne pas trop se sentir concerné. Dans ces moments-là, on attendait souvent que le représentant de la Sainte Trinité soit capable d'accomplir un miracle. Pouvait-il ramener Aaron de Mirail parmi eux en prononçant une sorte de formule magique ? Pouvait-il guérir ses maux et lui redonner sa force et sa ferveur d'antan ? Non, Zelvajra n'était pas capable de cela mais convaincu lui-même qu'il avait une maigre chance de le faire, il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour essayer.

« Ses maux le rongent donc à petit feu depuis quelques années ? »

Depuis deux semaines, Aaron de Mirail était donc de plus en plus souffrant. Zelvajra se doutait bien que le vieil homme avait assisté au mariage très commenté à travers toute la cité franche entre Ambre et Morion de Ventfroid. Ne faisant aucune supposition quant à son comportement et rythme de vie à ce moment-là, il imaginait tout de même que la dégradation plus que soudaine de sa santé devait avoir un lien avec cela. Peut-être avait-il touché, bien malgré lui, une autre personne malade ? Dans les bas quartiers, là où les maladies faisaient en ce moment-même des ravages, une nouvelle épidémie partait souvent d'un rien. Ce n'était de toute manière pas vraiment utile de faire des suppositions car la fatalité demeurerait inchangée : Aaron de Mirail mourrait cette nuit.

« Les Dieux veillent déjà sur son âme, je peux le sentir. »

La position du guérisseur était délicate. Lui reprocherait-on d'avoir échoué à maintenir envie le Comte de Mirail ? Sa détresse était palpable et son diagnostique impardonnable. En fait, il faisait les mêmes constations que lui. Instinctivement, le Haut-Prêtre de Serus recouvrit les doigts bleutés avec un pan des couvertures du Comte. Il savait que le sang du Comte de Mirail peinait à irriguer ses extrémités et ce signe de gravité était alarmant dans la situation présente.

« Puisque vous me le proposez, Ambre, j'aurais besoin de... »

Zelvajra fut coupé par Evan, le fils d'Aaron. Se rendait-il vraiment compte de ce qu'il venait de dire ? Le garçon avait au moins le mérite d'être pragmatique. En réalité, abréger les souffrances d'un condamné à mort n'était pas si ridicule que cela et il fallait parier que Evan ne supportait pas de voir son père dans cet état. Zelvajra supposa qu'il devait le considérer comme son modèle. Il pouvait donc comprendre cette curieuse proposition mais la réaction piquante et désinvolte de Céline l'était encore plus. A l'égard de ses deux filles, Ambre et Jade, elle devait espérer que le Haut-Prêtre de Serus accomplisse un miracle et ramène ainsi parmi eux Aaron de Mirail. L'ambiance, déjà plutôt mortuaire, avait encore baissé d'un cran. Le regard de Zelvajra croisa celui d'Ambre qui paraissait désolée pour lui. Il n'en tiendrait pas rigueur car il savait à quel point cette situation était difficile. Il lui adressa donc un léger sourire de réconfort dont il avait le secret.

« Je vais faire ce que je peux pour aider votre père. Pour cela, je vais simplement avoir besoin d'un encensoir. Il faudra évidemment quelques braises. »

Il plongea une main dans sa toge pour en ressortir une petite bourse à moitié vide qu'il secoua brièvement dans sa main. S'il n'avait pas demandé d'encens, ses hôtes comprendraient qu'il avait déjà ce qu'il fallait sur lui. En attendant que l'on lui apporte l'objet de sa demande, il déposa celle-ci sur la commode située juste à côté de lui.

« Je n'ai besoin de rien d'autre. »

Il leur laissa la liberté de se concerter pour savoir qui allait répondre favorablement à sa demande. Dans ces moments-là, il était un peu étrange de se sentir servi ainsi par des sang-bleus mais pour une fois, cela n'avait rien de désagréable. Après tout, c'était eux qui allaient maintenant placer leurs espoirs en lui et non le contraire. Il gratta frénétiquement sa barbe avant de décider de la façon dont il allait procéder cette fois. Le Comte de Mirail méritait la plus haute considération du Temple de la Sainte Trinité. Il ne s'agissait pas d'un pauvre homme des bas quartiers de la ville où on allait se contenter de fermer ses yeux en prononçant une prière à demi-prononcée en espérant quitter au plus vite ces lieux peu fréquentables.

« Commençons. »

Zelvajra fouilla une nouvelle fois dans sa toge et saisit cette fois-ci une fiole. Le liquide, incolore, était ni plus ni moins de l'eau sacrée provenant du Temple. Que pouvait-il encore bien cacher d'autres sous son ample tenue cérémoniale ? Un poignard, à titre informatif. Autant pour accomplir des sacrifices lors de rites ou pour se défendre maladroitement. C'était le seul objet un peu tranchant qu'il était capable de manier à peu près. Bref, le Haut-Prêtre de Serus déboucha sa fiole et l'agita à trois reprises au dessus du visage d'Aaron de Mirail.

« Rikni, Déesse de la Guerre. » dit-il, tandis que la première goutte d'eau tomba sur sa joue gauche. « Serus, Dieu de la Vie. » continua-t-il, une seconde goutte d'eau tombant sur sa joue droite. « Et Anür, Déesse des Passages. » acheva-t-il, une troisième goutte d'eau tombant cette fois-ci sur la pointe de son nez.

Machinalement, Zelvajra referma le flacon pour le ranger ensuite dans sa toge. La Sainte Trinité venait tout juste d'être évoquée, appelée. Le Haut-Prêtre de Serus s'apprêtait maintenant à devenir la passerelle entre le monde des vivants et celui des Dieux. Il allait faire ce dont pourquoi on révérait avec autant de ferveur la Sainte Trinité. Fermant les yeux, il s'apprêtait à énoncer une première prière. Il joignit ses deux mains et devint définitivement l'homme de foi tant attendu par la famille de Mirail.

« Sainte Trinité. Entend l'appel de ton fidèle. Nous sommes en cette nuit rassemblés dans le Manoir des de Mirail. Le Comte et patriarche de cette famille est très souffrant. Je t'implore, Sainte Trinité, puisses-tu faire preuve de grâce envers ton enfant, Aaron, qui a consacré sa vie à t'honorer. » commença-t-il. Mathématiquement parlant, honorer les trois Dieux au lieu d'un seul offrait plus de chance de se faire écouter. C'était en tout cas ce qu'il espérait faire croire. « Aaron. Entend l'appel de l'envoyé des Dieux. Accepte-les, plus que jamais. Tu es un digne fils, la Sainte Trinité ne peut te refuser le repos tant mérité. Accueille-les, que ton âme qui hurle à la délivrance puisse entendre et accepter leur appel. »

Selon les dires de Zelvajra, il s'agissait-là d'une façon de mettre en relation l'âme d'Aaron de Mirail avec la Sainte Trinité. Les prières de Zelvajra allaient se poursuivre aussi longtemps que possible, jusqu'à ce que le malade décide de mourir ou de se réveiller. A présent, c'était à lui de se battre encore un peu et de choisir son chemin. Le Haut-Prêtre de Serus jeta un coup d’œil furtif autour de lui, on ne devrait plus tarder à lui apporter l'encensoir attendu.


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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyLun 13 Juin 2016 - 1:09
Le Haut-Prêtre semblait concerné par sa tâche et son rôle. Près du chevet d’Aaron, l’homme ne paraissait qu’avoir plus d’importance encore dans son rang, là au-dessus du malade. Comme le seul homme qui pouvait encore accorder une mort douce au patriarche des Mirail.

Il quémanda un encensoir et des braises. Ambre demanda à Anne de partir chercher le premier, tandis qu’elle attiserait les braises de l’âtre présent dans les appartements de ses parents. Partir prendre l’encensoir elle-même lui avait traversé l’esprit, pour sortir de cette chambre conjugale qui deviendrait bientôt chambre mortuaire, mais quitter sa famille ainsi que son père, et potentiellement rater une étincelle de vie – ou à l’inverse le moment où un dernier souffle quitterait son père –, c’était une idée trop insupportable. La jeune comtesse tenait à rester en présence du comte, sans rater une seule occasion. Aussi, elle regarda la domestique filer prestement, tandis que de son côté, elle s’écartait du lit pour s’approcher du feu qui doucement terminait de se consumer dans la cheminée. Les braises étaient encore rougeoyantes, mais à l’aide d’un tisonnier, Ambre replaça les bûches pour faire repartir le feu. Cette tâche lui occupa l’esprit durant quelques minutes, et la brillance hypnotisante des braises fut légèrement salvatrice.

Pendant ce temps, Zelvajra avait sorti une fiole de sa tenue, et commença à s’occuper d’Aaron. Ambre termina de préparer les braises avec quelques derniers coups de tisonnier, et, reposant ce dernier contre l’âtre, s’empressa de revenir auprès du lit. Elle en fit le tour, pour venir du côté où se trouvait encore le guérisseur.

- Puis-je ?

L’homme la regarda et s’inclina pour lui laisser la place, quittant son siège.

- Bien sûr, comtesse.

Une fois le tabouret libre, Ambre ne s’y assit pas, cependant. Elle poussa le meuble dans un coin, libérant le plancher près du lit. Et, alors que Zelvajra commençait à évoquer la Trinité, la comtesse releva des deux mains les pans de ses jupons de quelques centimètres, avant de s’agenouiller au sol. Elle joignit ses deux mains devant son visage, entremêlant ses doigts dans le signe de la Trinité, inclina la tête en fermant les yeux et commença à prier. Le plancher était rude sous ses genoux, mais Ambre n’en avait que faire. Son paternel méritait bien quelques écorchages. Là, il n’y avait plus place à l’étiquette ou à ce qu’il convenait de faire en public ou non. Un étranger au cercle intime de la famille était en présence, certes, et peu avaient l’occasion dans leur vie de voir une comtesse à genoux. C’était pourtant précieux pour Ambre de faire preuve de ferveur en cette nuit et d’accompagner Aaron jusqu’à la fin. En même temps que Zelvajra, elle eut ses propres revendications, ses propres supplications, qui parfois faisaient doucement bruisser ses lèvres dans des murmures inaudibles. Bientôt, Jade la rejoignit, et Ambre sentit sa présence à ses côtés. Evan et Céline restèrent debout, mais n’étaient pas moins concernés pour autant, et eux aussi eurent quelques pensées pour les dieux.

Ambre n’avait plus d’espoir pour son père. Elle n’était ni sotte ni aveugle. Leur guérisseur n’aurait jamais eu de tels propos si la situation n’était effectivement pas critique. Aussi, elle pria, non pas pour que les dieux ne conservent la vie de son père, mais pour qu’ils l’emportent dignement et sans douleur.

Elle pria Rikni. Que cette dernière fasse preuve de miséricorde. Que les épreuves de la vie, Aaron les avait toutes relevées haut la main, et qu’il était peut-être temps de lui laisser un peu de répit. De le laisser partir sans trop de souffrances. De l’accueillir tel le digne soldat qu’il avait été. De donner la force aux Mirail qui resteraient de surmonter le deuil, et en sortir plus forts.

Elle pria Serus. Que celui-ci permette à tous les futurs enfants de la lignée de prendre un peu de la sagesse et la dignité de leur grand-père Aaron, qu’ils ne connaitraient jamais. Qu’il permette au comte, peut-être, de chasser à foison dans le domaine d’Anür, une des activités favorites du noble.

Elle pria Anür. Peut-être un peu plus que les deux autres, car la sirène était la déesse attitrée dans les passages et le sort des âmes ; la mort en faisait bien évidemment partie. Que la déesse l’accueille avec toute la dignité accordée à un homme de son rang. Qu’elle honore ses réussites et lui permette le repos éternel. Qu’elle l’emporte en douceur loin de ses proches.

Ambre ne compta pas combien de temps elle resta ainsi. Le temps semblait avoir perdu tout repère, mais les pas doux de la domestique Anne revinrent bientôt, équipée de l’encensoir demandé. La comtesse consentit ainsi à ouvrir les yeux, et observer la suite du rituel du prêtre, très respectueuse.
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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyMar 14 Juin 2016 - 18:28
Homme de foi dans toute sa splendeur, il sentait les regards peser lourdement sur lui. La tension entre Céline de Mirail et son fils, Evan, était redescendue. Suite à la proposition douteuse mais ô combien pragmatique du jeune homme, ils avaient consenti à offrir le silence. De ce fait, le Haut-Prêtre de Serus pouvait opérer en paix, l'esprit et la conscience tranquille. Pendant que Ambre s'occupa d'allumer un feu pour répondre en personne à sa requête, Zelvajra continua ses prières à l'égard de Aaron de Mirail. Le Haut-Prêtre de Serus se sentait dans une situation délicate. Physiquement parlant, les Dieux ne se manifestaient jamais ou alors le hasard pouvait jouer bien des tours comme la feuille d'un arbre tombant par la force du vent en montrant une direction à prendre lorsque quelqu'un était perdu. Mais Zelvajra savait qu'il n'était en rien décisionnaire du destin d'Aaron de Mirail. Si le Haut-Prêtre de Serus était persuadé que les Dieux n'apporteraient pas le salut à Marbrume et n'interviendraient donc pas dans le conflit qui opposait ce monde à la Fange, il ne s'était pas détourné des différents rites cérémonieux. Il s'évertuait à toujours les pratiquer avec un professionnalisme que personne ne serait en mesure de remettre en doute. De plus, qui soupçonnerait quelqu'un de souhaiter la fin de toute chose après l'avoir aperçu faire preuve d'autant de dévotion envers la Sainte Trinité ?

« Anür, Déesse des Océans… Accueille cet homme dans ton bain, lave son âme de ses imperfections. Accorde-lui la pureté et la sérénité éternelle. Il le mérite, lui qui a été l'un de tes fervents serviteurs. Accepte son expérience de la vie et transforme la… transcende son esprit et accepte le dans ton Havre de Paix et d'Amour. »

Désormais, seuls les Dieux allaient bien pouvoir décider de la réponse à apporter aux prières de Zelvajra. Il n'était qu'un catalyseur, un corps terrestre pour leur permettre de s'exprimer à travers des prières triées sur le volet. Il jeta un œil discret à Ambre de Ventfroid, cette dernière ayant pris la place de l'impuissant guérisseur de la famille de Mirail. Son regard trahissait sa compréhension de la situation. Si elle devait hautement apprécier les efforts du Haut-Prêtre de Serus, son cœur semblait déjà prêt à pleurer la perte assurée de son géniteur. Il se surprit à ressentir un peu de peine pour cette femme qu'il appréciait pour ce qu'elle était depuis quelques années. Ils n'avaient rien de très intimes mais elle avait déjà du lui confier certaines choses impliquant une certaine relation de confiance. C'était étonnant, ce pouvoir qu'il pouvait détenir sur quelqu'un. C'était comme lorsque l'on était malade, on était souvent prêt à dévoiler toute sa vie à son médecin pour espérer trouver une réponse au mal qui nous rongeait. Plusieurs fois, il l'avait rassurée, lui offrant toujours des réponses guidées lorsque le doute s'emparait d'elle. Ambre de Ventfroid était assurément une bonne personne, il fallait être niais ou aveugle pour prétendre le contraire. Pourtant, égoïstement, il sentit un petit soupçon de joie à l'idée de savoir que son paternel était sur le point de mourir. En effet, dans l'ombre de Marbrume, la Discorde était en train de grandir et un de ces jours, elle allait commencer à émettre ses revendications. Ce serait déchirant mais par nécessité, Ambre de Ventfroid deviendrait l'ennemie jurée de Zelvajra.

« Je vous remercie, Anne. »

L'encensoir tant attendu était enfin arrivé. Il se redressa alors, prenant l'occasion de faire une courte pause pour se diriger vers la cheminée de la chambre parentale. Grâce aux efforts fournis par Ambre, le feu s'était bien ravivé et Zelvajra n'eut aucun mal à se servir du tisonnier pour attraper quelques braises et les placer dans le compartiment de l'encensoir prévu à cet effet. Pour les plus néophytes, on déposait en fait les braises incandescentes sur une petite capsule en métal située au fond de l'objet. Une autre capsule, faisant office de couvercle, était ajourée glissant sur trois chaînes que le Haut-Prêtre de Serus pouvait à tout moment fixer à la partie inférieure de l'encensoir. Les trois chaînes joignaient alors une quatrième chaîne par l'office d'un anneau, cette dernière servant de port de maintien à celui qui souhaitait utiliser l'objet. Zelvajra ajouta la touche finale en glissant à l'intérieur le contenu de sa petite bourse de tout à l'heure : une poudre d’encens. D'ici quelques secondes, une fumée commencerait à se diriger vers le plafond. Quant à l'odeur, ce serait à l'appréciation du nez de chacun. Certaines personnes supportaient, d'autres beaucoup moins. Dans les faits, ils pourraient interpréter la montée de ce petit nuage opaque comme la réalisation des prières du Haut-Prêtre de Zelvajra envers les Trois Dieux. Reprenant sa place sur le tabouret, il commença alors à secouer son dispositif au dessus du corps de Aaron de Mirail.

« Aaron, tes forces t'abandonnent mais tous ici connaissent ta valeur et ta détermination. Tu as marqué Marbrume d'une pierre blanche et laisse derrière toi une sainte famille. Chaque jour, je te jure de prier la Sainte Trinité pour les protéger et leur permettre de perdurer. Enfant d'Anür, de Serus et de Rikni, un long voyage paisible t'attend désormais. »

Lorsque cette énième prière fut prononcée, le Haut-Prêtre de Serus déposa très soigneusement l'encensoir au pied du lit, à distance raisonnable pour éviter tout risque d'incendie. La pièce devint alors silencieuse, tous les regards furent rivés sur Aaron de Mirail. La sueur sur son front ne s'était toujours pas estompée et sa respiration était toujours aussi rauque. Par croyance, le guérisseur avait prétendu qu'il ne souffrait pas mais Zelvajra pensait au contraire qu'il était en train de mener le combat de sa vie. Un fatidique affrontement qu'il ne pouvait pas gagner puisque dans quelques heures tout au plus, la Sainte Anür arracherait son âme pour l'emporter dans son Havre selon les croyances mortelles. Pourtant, une quinte de toux inattendue bouscula tout à coup l'état de quasi sommeil dans lequel les protagonistes de cette scène étaient maintenant plongés. En réalité, le corps du pauvre homme réagissait à l'encens diffusé dans toute la pièce.

« Je… »

Les mots du Comte de Mirail étaient à peine audible tandis que son visage était en train de se crisper. De douleur, il se tordit également dans son lit. Il commença à tousser avec une certaine violence en ouvrant des yeux très fatigués. Un certain nombre de vaisseaux sanguins avaient éclaté, lui donnant donc un aspect visuel pour le moins agressif. La stupeur s'empara probablement de sa famille, qui s'attendait réellement à le voir faire preuve d'un zèle de vie ? Zelvajra ne semblait pas vraiment surpris, il fallait gager que ce n'était pas la première fois qu'il assistait à cela. Pourtant, il ne pouvait rien faire de plus pour calmer le Comte de Mirail.

« J'ai encore des choses à dire... »

Naturellement, le regard de Zelvajra se posa sur Ambre de Ventfroid. Comment allait-elle réagir au réveil, certes temporaire, de son bien aimé paternel ? Difficile pour l'instant de deviner en quels termes Aaron de Mirail s'adresserait à eux par la suite, s'il en éprouvait encore la force. En fait, malgré lui, en le réveillant, le Comte serait poussé à utiliser ses dernières forces vitales. Ceci dit, savoir quand il allait mourir n'était pas le plus inquiétant. La famille de Mirail devait bien le savoir, on ne mourrait plus vraiment longtemps aujourd'hui avec le Fléau. Enfin, il était trop tôt pour aborder un tel sujet de conversation. Zelvajra se fit donc bien plus discret car le moment était venu d'échanger les dernières paroles.


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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyJeu 16 Juin 2016 - 0:41
La quinte de toux, plus qu’un sursaut du corps malade, fit sursauter à moitié la pièce entière. Ambre et Jade ouvrirent brusquement les yeux, sortant de leurs prières muettes. Céline écarquilla les yeux, fondant aux côtés de son mari qu’elle avait légèrement délaissé pour laisser place au Haut-Prêtre. Evan se redressa, yeux braqués sur son père. Un instant de flottement passa durant lequel tout le monde sembla figé, puis Aaron parla. « Laissez-moi m’en aller » furent ses premiers mots. Céline étouffa un sanglot alors qu’elle reposait le linge frais sur son front, caressant le visage de son mari avec une ferveur et un amour si profond qu’elle en éclipsa presque tous les autres dans la pièce. Elle plongea son visage dans le cou du comte, et l’homme pressa sa femme contre lui comme il put.
Ambre admirait ses parents. Plus de vingt ans de mariage, et jamais leur union n’avait été ébranlée. Bien sûr, ils n’étaient plus aussi fougueux qu’ils avaient pu l’être dans leur jeunesse, très certainement, mais leur passion était toujours présente, muée en quelque chose de bien plus profond et solide. S’ils devaient refaire leur vie, leur mariage ne ferait pas partie des choses à changer, et Ambre considérait qu’ils avaient sincèrement réussi leur ménage. Elle espérait que son union avec Morion deviendrait aussi puissante sinon plus. Un tel mariage ne pouvait être que désiré, surtout lorsqu’on entendait parler de tous ces couples qui terminaient par faire ménage à part à force de ne plus se supporter, ou ces hommes et ces femmes humiliés par un conjoint volage. Réellement, les parents d’Ambre, à ce sujet, étaient un modèle qu’elle s’efforcerait de suivre.

- Calme-toi ma chérie… souffla le comte doucement. Tu savais que cela devait arriver un jour.

L’homme se contracta, retenant une nouvelle quinte de toux. Il avait le teint gris, et son visage crispé montrait qu’il luttait pour rester conscient parmi sa famille. Cependant il semblait avoir saisi l’ampleur de la situation, embrassant du regard toute sa famille à son chevet, et il fit honneur à leur présence. Il s’efforça de parler à tous, et commença par son héritier, Evan.

- Mon fils. Si Anür m’emporte plus tôt que prévu, je suis néanmoins fier de toi. Fier d’avoir mené ton éducation jusqu’au bout. Tu es un homme fait désormais, époux d’une femme respectable et père d’une fillette aussi belle que les femmes de la famille, et qui deviendra aussi digne qu’elles. Je n’ai aucun doute à propos de tes capacités à reprendre ma suite et à honorer notre nom. Protège tes sœurs, ta mère et tous les futurs enfants de la famille. Assois notre nom dans la lutte contre la Fange, fais briller notre blason que plus encore qu’il ne brille aujourd’hui. A défaut, sois le dernier à tomber si Marbrume chute.

Evan hocha la tête, sérieux et sombre, le dos droit, comme si son père venait de l’adouber. Aaron quant à lui reprit son souffle difficilement. Les forces lui manquaient, mais il tenait, visiblement, à faire le tour de toute la famille. Son regard se posa sur Ambre. Cette dernière fronça les sourcils d’émotion, retenant les larmes qui commençaient à humidifier ses prunelles. Elle avait mal de voir son père si faible et souhaitait qu’il arrête de parler, pour ne plus avoir à entendre cette voix si chétive sortir d’entre ses lèvres. Mais les derniers mots d’un homme étaient sacrés, et celui de son père bien plus encore. Elle respecta cela, et inspira un grand coup pour retenir son émotion, à la fois angoissée et triste en prévision de ce qu’il allait dire pour elle.

- Ma fille, mon aînée… Tu as épousé un homme bien plus digne et sérieux que ne l’était ton ancien promis. Je suis heureux d’avoir pu te lier à lui et d’avoir pu assister à votre union. Je regrette une chose : ne pas voir naître vos futurs enfants. Ils ne porteront pas le nom de Mirail, mais je sais qu’ils seront éduqués selon de bons préceptes. Le monde a plus que jamais besoin de joie en ces temps troublés ; de la joie j’espère qu’ils vous en apporteront, à toi et ton mari. Reste comme tu es, Ambre ; respectable, humble et aimante. Tu feras le bonheur de ton entourage. Et ne te brûle pas les ailes dans des actions vaines…

Ambre serra machinalement la main de son père, toujours à genoux près du lit, le buste à moitié penché sur la couche. Elle eut un sourire mi-joyeux mi-navré, partagée entre la fierté et la joie de recevoir ces paroles, et la tristesse que cela soient les dernières que son père auraient jamais envers elle. Ses lèvres tremblèrent un instant, elle chercha les mots pour répondre, mais Aaron se tournait déjà vers Jade.

- Jade, ma dernière-née. Je ne pourrai choisir ton époux ni t’accompagner dans tes premiers pas en tant que femme. Mais je sais que tu deviendras aussi honorable que ton frère et ta sœur. Apprends d’eux et ne te retranche pas trop dans ta solitude et ton amertume de benjamine. Tes aînés t’aiment et seront heureux de t’escorter dans tous les moments de ta vie, même s’ils ont aussi leurs propres devoirs de leur côté. Ne leur en veux pas pour cela. Mais ne perds pas non plus cette fougue qui t’habite : fais-en une force, contrôle ton piquant pour l’user dans les bonnes situations.

Jade pleurait déjà, reniflant doucement aux propos de son père. Elle inclina la tête, signe qu’elle avait entendu et compris les conseils de son paternel.

- Restez unis, tous. Là résidera votre force.

Il prit une grande et difficile inspiration puis se concentra sur sa femme à nouveau. La plus importante, finalement. Celle qui avait partagé avec lui presque toute sa vie, celle qu’il avait aimée, celle avec qui il avait voulu fonder une famille. Pour elle cependant ses mots furent discrets. Il lui souffla quelque chose à l’oreille, de façon si ténue que le craquement du feu dans l’âtre de la chambre suffit à rendre les propos inaudibles pour les autres présents dans la pièce. Céline eut une exclamation nerveuse, souffla un « Bien sûr. Mieux encore. N’en doute jamais. ». Là-dessus, Aaron sourit, caressa une dernière fois les cheveux de sa femme, et sa conscience le quitta de nouveau.

Sa respiration parut plus paisible cependant. Son visage apaisé, comme si avoir pu entrapercevoir sa famille une dernière fois avait diminué ses tourments. Il ne suait plus, ne luttait plus pour chercher son souffle. Mais ce n’était que le calme avant l’extinction complète. Petit à petit, le comte Aaron de Mirail, du haut de ses cinquante ans, s’éteignait. Sa respiration se fit de plus en plus calme, de plus en plus aléatoire. Puis, au bout d’une vingtaine de minutes supplémentaires, ses poumons s’affaissèrent pour ne plus se relever. Son corps devint immobile. Tout soupçon de vie le quitta, et la longue plainte qu’eut Céline fut frémir Ambre. Jamais elle n’avait vu sa mère dans cet état.

Les genoux endoloris, la comtesse choisit ce moment pour se relever. Se redressant, Ambre se tint exceptionnellement droite, mettant comme une distance entre le désormais cadavre de son père et ses sentiments.

- Qu’Anür vous accueille dignement, mon Père, déclara-t-elle dans le silence. Vos enfants se montreront aussi méritants de votre nom que possible.

Elle prit une profonde inspiration, fermant les yeux un instant. Une larme coula sur sa joue, une seule. Doucement, elle essuya d’une main la goutte salée avant qu’elle n’atteigne sa mâchoire, puis se baissa au-dessus de son père pour baiser son crâne. Après quoi, elle vint border sa mère de l’autre côté de lui, l’enlaçant d’un bras, lui apportant des mots de réconfort. Evan et Jade les rejoignirent, et ce fut une vraie mêlée qui s’organisa autour de la mère Mirail, qui avait les deux mains refermées autour de la main de son mari. Main qui bientôt deviendrait froide comme la mort.

Ils restèrent ainsi de longues minutes. Ils ne comptèrent pas. Silencieux, se recueillant dans un respect total pour le comte. Ils en oublièrent un peu le prêtre, même si ce dernier eut pour le défunt les mots d’usage accordés par les prêtres. Puis, vint le moment où Ambre se détacha du groupe. Echangeant un regard avec son frère, ce dernier hocha la tête, approuvant un message silencieux. Ces deux-là possédaient une complicité telle qu’il leur arrivait souvent de se comprendre sans besoin d’échanger un mot. Ce fut le cas cette nuit. Quittant sa famille, Ambre s’adressa à Zelvajra.

- Merci pour tout, messire. Elle inclina la tête en guise de respect. J’ai… quelque requête à vous formuler. Cela vous dérange-t-il de me suivre dans le couloir ?

Ambre eut un dernier regard vers la couche mortuaire, puis sortit en direction de la sortie de la chambre. Une fois dans le couloir, l’air lui parut extrêmement frais en quittant la moiteur des appartements. L’encens usité par le prêtre lui avait quelque peu tourné la tête, et elle commençait à avoir des nausées maintenant que la tension d’attente était terminée.

Ambre avait en effet une requête très sérieuse à formuler, et le fait qu’elle interrompe un moment de recueil avec sa fratrie auprès de son père défunt soulignait à quel point cela pouvait lui tenir à cœur. A elle tout comme au reste de sa famille. Elle en avait longuement parlé avec Evan quelques semaines plus tôt, lorsqu’il avait fallu se résigner sur le sort proche de leur paternel.

Alors qu’elle avait l’attention du haut-prêtre, Ambre se massa doucement la tempe, réfléchissant à la manière d’aborder le sujet. Elle mit quelques instants à sortir de la brume d’émotions qui était tombée sur son esprit. Mais elle termina par relever les yeux vers Zelvajra.

- Nous… savons quelle est devenue la coutume depuis l’arrivée de la fange. Dès qu’un décès est déclaré, les autorités sont rapidement signalées, et le cadavre brûlé dans les heures qui suivent, pour éviter tout risque. Cependant… nous n’apprécions pas cette façon de faire. Je n’ai rien contre le clergé, ni la façon dont vous faites votre travail. Pour autant, les bûchers funéraires nous apparaissent être des funérailles… bâclées. Pas dignes des morts. Pas digne de notre père. Ambre fit une pause, se massant toujours la tempe alors qu’une migraine commençait à la prendre. Tous nos ancêtres reposent dans les catacombes de la ville. Serait-il possible… qu’il en soit de même pour notre père le comte ? Je comprends la difficulté d’une telle demande. Si le clergé nous oppose un refus, nous n’insisterons pas. Mais nous y tenons sincèrement. Sachez que notre père, à cause de sa maladie et de sa jambe – il était devenu boiteux – n’a jamais pu agir en tant que guerrier depuis le Fléau. Il n’a jamais affronté une bête, n’a jamais été mordu. Vous pourrez vérifier ses cicatrices s’il le faut… Mais nous doutons qu’il puisse être un danger et qu’il faille absolument le brûler.

Ambre eut une grimace. L’idée que son père soit brûlé, en fait, l’indisposait réellement. Un homme de son rang méritait une sépulture. Et non pas être réduit en cendres, tandis que ses descendants sentiraient l’odeur ignoble de sa chair qui se consume dans le brasier.

- Avons-nous un espoir que le Temple l’accepte en son sein ?

Anxieuse, Ambre releva ses prunelles céruléennes droit vers le regard smaragdin de son interlocuteur.
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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptySam 18 Juin 2016 - 13:43
Aaron de Mirail était revenu à lui. Le Haut-Prêtre de Serus, Zelvajra, y croyait à peine. Il savait bien qu'il n'y était pour pas grand-chose, c'était l’œuvre des Dieux, auxquels dans ce genre de situation, il vouait tout son respect. Zelvajra ne savait pas encore trop ce que le Comte de Mirail allait bien pouvoir dire. D'apparence chancelante, Anür pouvait désormais à tout moment rappeler son âme pour l'éternité. Dès que Céline vint se jeter au cou de l'être tant aimé, le Haut-Prêtre de Serus se releva pour reculer. Ce n'était pas son moment mais le leur. Il était déjà honoré de pouvoir y assister.

Honorer ? Pas seulement. Cela le désemparait. Aaron de Mirail était un grand homme à ne pas en douter. Ses premiers mots revinrent donc à Evan, son fils aîné, confirmant bel et bien à Zelvajra qu'il allait falloir le suivre dans les années à venir. L'héritage qui pesait sur ses épaules était infiniment lourd mais le jeune homme semblait apte à le supporter. De Mirail. Ah, ce nom commençait à agacer lentement mais sûrement le Haut-Prêtre de Serus. Tous les Nobles n'étaient pas à jeter, après tout. Les sentiments de Zelvajra devinrent subitement très mitigés. Cette famille, elle était à l'image de cette Ambre qu'il avait côtoyé à plusieurs reprises. Pleine d'honneur et de bonté… La noblesse, la véritable noblesse… incarnée.

Se faisant encore plus silencieux qu'un mort, le Haut Prêtre de Serus continua de suivre cette espèce de tour de table. Ce fut au tour d'Ambre, désormais nommée Comtesse de Ventfroid. En réfléchissant, Zelvajra se rendit compte qu'il ne connaissait pas grand-chose sur son époux, si ce n'était rien. Sa famille vivait recluse de Marbrume et il n'était pas franchement connu pour faire entendre parler de lui à l'Esplanade. Ce n'était de toute manière pas pour rien si un homme de la trempe d'Aaron avait choisi d'en faire son gendre. Il ne savait pas encore comment mais il faudrait à l'avenir obtenir davantage de renseignements sur lui. Il avait ce potentiel pour devenir comme un ennemi sérieux, un ennemi juré… Zelvajra nota tout de même que le paternel appuya sur ce qui était peut-être en passe de devenir la faiblesse ou la force d'Ambre, confirmant que Morion n'avait pas à jalouser son ancien promis. « Et ne te brûle pas les ailes dans des actions vaines. » C'était-là une forme d'avertissement et de complainte. Il en était presque certain, Ambre de Ventfroid devait profondément en vouloir au Duc pour l'humiliation qu'elle avait subite quelques mois plus tôt. Seulement, il n'y avait aucun moyen d'en savoir davantage, ce n'était ni le moment ni le lieu pour se montrer un tantinet plus curieux. Toutefois, cela ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd. Un jour ou l'autre, ils pourraient en reparler. Il avait la certitude que la Discorde devrait garder un œil méfiant sur ce mariage de Ventfroid.

Ce fut ensuite au tour de Jade de Mirail, la plus jeune des trois enfants de Céline et d'Aaron. Elle était en larmes, montrant qu'elle avait moins apte à cacher ses peurs et ses sentiments par rapport à ses aînés. Il n'était jamais facile d'être la benjamine d'une famille, Zelvajra était bien placé pour le savoir puisqu'il était le petit frère de Seth. Au premier abord, elle parût tout à fait inintéressante, se contentant du rôle de la petite potiche larmoyante. Pourtant… Oui, c'était bien cela. Être la plus petite, celle à qui on donnait pour le moment le moins de responsabilités devait chambouler par moment Jade de Mirail. Aaron avait été élogieux envers Evan, il avait montré sa fierté envers Ambre. En père, il souhaitait aussi devenir fier de sa petite dernière mais ce n'était probablement pas encore le cas. Cette fougue qui devait habiter Jade, Zelvajra osa se demander si ce n'était pas quelque chose à retourner un jour contre son frère et sa sœur. Après tout, elle était peut-être encore un esprit malléable. Ils ne le virent pas car ils étaient tous concentrés sur le visage mourant d'Aaron de Mirail, mais Zelvajra ne put s'empêcher d'esquisser un léger sourire. Finalement, cette situation n'était pas si pénible que ça. Il y avait une forme… d'instruction.

Céline, Evan, Ambre & Jade devraient mourir pour l'accomplissement d'une tâche à la portée divine. Il ne pourrait pas les épargner indéfiniment, son frère et ses autres compagnons ne toléreraient jamais cela de toute manière. Le saint homme leur souhaitait donc de rester unis et soudés face à l'adversité mais l'horrible chose qui était en train de naître dans son cœur troublé se demandait déjà comment est-ce qu'il pourrait un jour briser Ambre et toute sa famille. Puis enfin, Aaron de Mirail adressa ses derniers mots à Céline, son épouse. Il tenta bien que mal de tendre l'oreille mais le crépitement du brasier les couvrit assurément. Fichtre, il ne saurait donc jamais ce qu'ils s'étaient racontés avant que le grand homme ne s'éteigne définitivement. C'était terminé, Aaron de Mirail avait rendu son dernier soupire. Intérieurement, Zelvajra se sentait un peu désolé pour lui. Du plus profond de son cœur, il le respectait mais il allait devoir comploter tôt ou tard pour réduire à néant les fruits de ses efforts de toute une vie, en incluant ceux de ses ancêtres.

« Tu vas désormais reposer en paix, Aaron de Mirail. Les portes du sanctuaire d'Anür se referment derrière toi. Jamais ce monde n'oubliera à quel point tu fus grand. Tes enfants peuvent être fiers de porter ton nom et de détenir un fragment de ton âme. La Sainte Trinité veille sur eux, je vais prier régulièrement pour cela. »

Quel soulagement. C'était enfin terminé. Le vieil homme avait quitté ce monde. D'une certaine façon, Zelvajra le trouvait un peu chanceux. Si l'Humanité toute entière devait périr à cause de la Fange ou des projets fous de son groupuscule, il n'aurait pas à connaître cette douleur. En quelque sorte, cela faisait un ennemi en moins à défaire. Pour cela, le Haut-Prêtre de Serus ne pouvait que le remercier même si cela pouvait paraître plutôt déplacé. Enfin, ce n'était pas totalement terminé. Tandis que la famille de Mirail se rassembla autour de la dépouille du défunt, Ambre lança un curieux regard à son frère aîné puis se dirigea vers Zelvajra. Elle avait une requête, vraiment ? Il se demandait bien de quoi il pouvait bien s'agir, bien incapable de prévoir la teneur de sa formulation.

Ambre et Zelvajra s'isolèrent donc en dehors de la chambre de ses parents, dans un couloir, là où ils pourraient tenir cette conversation à l'abri d'oreilles indiscrètes. Elle parla donc de quelque chose qui aurait pu sembler évident. Effectivement, depuis la Fange, le Temple en commun accord avec le pouvoir en place avait décrété que les cadavres seraient incinérés pour éviter tout risque de propagation de la Fange. C'était une mesure controversée. La demande d'Ambre à Zelvajra était donc lourde, très lourde. En d'autres termes, elle lui demandait si il était possible de contourner les lois mises en place pour sa famille. Il lui adressa un regard presque désolé avant de commencer à lui apporter une réponse.

« Je suis désolé, Ambre. Le Temple n'acceptera jamais une telle requête. »

En apparence, Zelvajra ne voulait lui laisser aucun espoir. Aussi, il se demanda si elle avait préparé une quelconque argumentation en cas de refus. Visiblement non, puisqu'elle suggéra qu'elle n'insisterait pas si la situation allait dans ce sens. Pourtant, cette requête était intéressante. Concrètement, Zelvajra était d'accord avec elle dans le fond. Aaron de Mirail méritait des honneurs et très certainement de reposer auprès de ses ancêtres. En fait, ce ne devait pas être la première demande de la sorte à être refusée.

« Cependant... »

Le regard de Zelvajra devint presque perçant, comme si une illumination soudaine venait de frapper son esprit. S'il pouvait venir en aide à la famille de Mirail en exauçant leur souhait, ils auraient alors peut-être une forme de dette envers lui. Cependant, il allait devoir la jouer fine, vraiment très fine. Il paraissait improbable que le Haut-Prêtre de Serus ne se retourne contre les lois en vigueur.

« Je reconnais que votre père mérite de reposer parmi les siens. Vous savez, la Sainte Trinité est peut-être absolue mais l'arrivée de la Fange a changé beaucoup de choses. La foi n'a jamais été aussi ébranlée auparavant. Vous connaissez sans doute les rumeurs selon lesquelles on accuse la Déesse des Passages de vouloir punir les pêcheurs. Je trouve que c'est aussi présomptueux que le fait d'avoir décrété que chaque corps devait être brûlé, sans la moindre exception. »

Oh, s'il n'y avait que cela. Ambre de Ventfroid ne pouvait pas s'en douter mais Zelvajra avait bien d'autres raisons dans sa sacoche pour justifier ne pas être en très bon terme avec les décisions récentes. La plus évidente, et l'affaire pouvait ne pas être inconnue de l'intéressée, c'était que le frère de Zelvajra, Seth, avait été banni de la cité franche tout récemment. En revanche, se rangeant officiellement dans les rangs, le Haut-Prêtre de Serus n'avait jamais laissé filer à qui que ce soit en dehors de la Discorde son opinion à ce sujet. Il valait mieux que la ville estime qu'il était en accord avec cette punition si son frère était véritablement un pêcheur. Pour leur couverture, c'était préférable.

« J'aimerais vous venir en aide, Ambre, sincèrement. Mais… Comment ferions-nous pour outrepasser les règles ? Serions-nous prêts à cela pour offrir à votre défunt père la place qu'il mérite ? »

La question tiendrait suffisamment Ambre de Ventfroid en haleine pour se permettre de réfléchir. Il espérait l'avoir tentée d'entrer dans son jeu, d'intimer en elle l'idée qu'il était peut-être possible de lui donner ce qu'elle désirait. L'idéal, ce serait que Ambre propose d'elle-même quelque chose pour gruger la populace. Ne pouvait-on pas imaginer une situation selon laquelle son père serait à la fois consumé par les flammes et reposerait en même temps avec le reste de sa famille ? Tout ce qu'il fallait, c'était que le Temple croit à la première version et ignore la seconde dans les faits. Déjà, il fallait savoir si la Comtesse de Ventfroid était prête à prendre un tel risque, constater si elle avait réalisé la porte ouverte tendue par Zelvajra. Et surtout, espérer qu'elle ne réalise pas qu'un lourd, un très lourd secret la lierait à la Voix de la Discorde. Enfin, il serait tout aussi coupable que lui, elle pourrait sans aucun doute faire pression sur le Haut-Prêtre de Serus mais avec un peu de chance, la Voix serait suffisamment protégée. En attendant sa réponse, il réfléchit donc à une solution pour faire de cette éventualité une réalité. Et puis, il s'emballait peut-être trop. Il lui restait toujours la solution de refuser cordialement et de se soumettre à la volonté officielle du Temple de la Sainte Trinité.


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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyDim 19 Juin 2016 - 0:01
Zelvajra fut catégorique. Le temple n’accepterait pas. Ambre se rengorgea machinalement face à la franchise de la réponse. Non pas qu’elle n’appréciait pas la franchise, mais elle trouva le prêtre, sur le coup, extrêmement fataliste. Le Temple n’accepterait jamais. Vraiment ? En était-il persuadé ou n’avait-il juste pas envie de prendre la peine d’aller demander ? Il ne fallait jamais abandonner avant même d’avoir essayé, et l’art de la négociation était quelque chose qu’Ambre maitrisait parfaitement, et qu’elle allait visiblement lui apprendre. Elle prit le temps de répondre à sa remarque sur Anür en premier lieu cependant.

- Beaucoup accusent Anür de beaucoup de choses, oui, souffla-t-elle donc, pensive. Je n’ai pas perdu la foi, moi. La récente découverte de la vulnérabilité au sel de ces bêtes n’est-elle pas une preuve que la sirène ne les accepte pas en son domaine ? Sinon évolueraient-ils dans la mer sans tracas, n’est-il pas ?

Ambre en était tout à fait persuadée ; jamais les dieux ne s’étaient détournés. Encore moins Anür. Si Ambre avait pensé ça, la demande même d’assurer une sépulture correcte à son père aurait été caduque. A quoi bon enterrer dignement son paternel si Anür n’accueillait plus aucune âme en ses eaux sombres ? Non, elle les attendait toujours, c’était évident. Et essentiel.

- Outrepasser les règles ? ajouta-t-elle finalement. Non, ça n’est pas ce que nous demandons. Le temple n’acceptera jamais une telle requête dîtes-vous… Je n’en suis pas si certaine. Une certaine outrecuidance commençait à pointer dans son ton. Non pas que je remette en question votre analyse, cependant, mon père est… était… – elle secoua doucement le visage – un grand comte du Morguestanc. Il a servi le duché et administré ses terres d’une main juste et noble, tandis que notre présence à la cour ducale n’a jamais été moins culminante que ces dernières années. Sans oublier la ferveur trinitaire dont il a toujours fait preuve. Je pense pouvoir l’affirmer sans prétention aucune : les Mirail sont aimés ici. Aussi pensé-je avec sincérité que cette demande sera au moins discutée et soupesée parmi les hautes autorités du temple – surtout si un haut-prêtre comme vous s’en porte garant. Je préfèrerais donc obtenir un refus officiel avant de perdre tout espoir, voyez-vous… Qu’on ne puisse pas dire que je n’ai pas tenté. Pourriez-vous faire remonter la demande ? Cela semble nécessaire avant même d’envisager… autre chose.

Ambre fronça légèrement les sourcils. Des moyens d’outrepasser les règles… Les propos du prêtre l’avaient surprise, même si la situation, trop grave et trop sombre, n’avait pas permis que cela puisse se voir sur ses traits. La pensait-il retorse, aussi avait-il été désireux d’anticiper ses demandes ? Ou était-ce lui le retors, prêt à mettre en péril son propre poste pour la dignité d’un mort, sincèrement persuadé que le temple opposerait un refus total et absolu ? Ambre observa Zelvajra dans le couloir sombre, tentant de cerner l’homme qu’elle pensait connaître un peu. Mais, non, c’était un fait, elle ne le connaissait strictement pas. Ils avaient beau avoir pu échanger nombre de considérations philosophiques et religieuses par le passé, leur relation était restée cordiale ; celle d’une croyante et d’un représentant des dieux, celle d’une noble et d’un homme. Rien de personnel ni d’intime. Malgré tout, elle s’était fait une image assez sainte de cet homme, et qu’il lui propose de préparer un coup en douce au nez du Temple l’intrigua. Qu’avait-il en tête ?

En tous les cas, Ambre n’était pas la seule décisionnaire. Tout comme Zelvajra ne l’était pas concernant celle du temple. Et la demande venait de la famille Mirail en entier ; ils ne pouvaient donc décemment pas s’arrêter à la simple suggestion de Zelvajra. Il fallait quémander le Temple, et vite. Le cas échéant, il faudrait donc à Ambre discuter avec sa famille. Que faire si on leur opposait un refus ? Se soumettre ? L’image de son père réduit en cendres attisait une amertume et une rage sourdes au fond de son ventre. Un homme avait besoin d’une sépulture pour être honoré.
Ambre serra les dents, chassant ces sombres pensées de son esprit, et ajouta en dernier lieu :

- S’il y a besoin que l’un de nous vous accompagne pour porter la demande, Evan ou moi-même sommes disposés.
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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyLun 20 Juin 2016 - 21:08
Ambre de Ventfroid devait avoir raison. Pourquoi la Déesse des Passages serait-elle à l'origine de l'avènement de la Fange si en même temps, elle avait permis de lutter contre cette dernière ? C'était comme penser que la Sainte Trinité était responsable de l'avènement de la Fange. Pourquoi tout à coup Serus déciderait-il de reprendre ce qu'il avait lui-même engendré ? L'Humanité faisait partie du cycle de la vie. Ce n'était pas en envoyant des monstres pour s'attaquer aux êtres humains que l'on allait les punir. C'était trop… tiré par les cheveux, même pour Zelvajra. Si les Dieux souhaitaient vraiment mettre un terme à leur existence, pourquoi ne pas plutôt déclencher une apocalypse naturelle ? Fendre la terre en deux, créer des ras-de-marées qui emporteraient tout sur leur passage. Oui, la mort par l'eau semblait être pour Zelvajra quelque chose de bien plus divin plutôt que la création de la Fange. Derrière cette question, cela lui inspirait quelque chose d'occulte, la création par un artifice inconnu que quelqu'un ou quelque chose était parvenu à engendrer. Le Haut-Prêtre de Serus préférait se raccrocher à cette hypothèse, c'était plus supportable. Mettre en question la Sainte Trinité, c'était effroyable, même pour lui. Toutefois… Il n'aimait guère le silence opéré par les Dieux. Pour quelle raison n'étaient-ils pas intervenus ? Pourquoi laissaient-ils leurs enfants périr depuis des mois ? C'était un tout autre mystère et Zelvajra n'en détenait pas la réponse.

« Nous partageons la même opinion à ce sujet. Nous ne pouvons pas vraiment accepter que la Sainte Trinité soit blasphémée de cette manière-là. »

C'était ironique voire même blasphémateur. Dans la Discorde, la plupart de ses compagnons, pour ne dire pas tous, considéraient avoir été abandonnés par les Dieux ou alors s'en fichaient tout simplement. Le principal, pour le Haut-Prêtre de Serus, c'était que personne ne puisse jamais remettre en question qu'il doutait en ce moment des Dieux. En effet, c'était un détail primordial pour conserver sa couverture. La suite de la conversation devint très intéressante. Visiblement, certains propos de Zelvajra avaient marqué Ambre de Ventfroid. Était-elle prête… Non, voulait-il outrepasser les règles pour parvenir à ses fins ? Il ne s'en rendit pas compte pour l'instant mais il s'était mis en position de danger. Elle devait trouver ça bien étrange qu'un éminent membre du Temple de la Sainte Trinité lui fasse une telle suggestion.

Une légère tension se créa alors. La Comtesse de Ventfroid réalisait seulement après toutes ces années qu'elle ne savait pas grand-chose, si ce n'était rien sur le Haut-Prêtre de Serus. C'était comme lorsque l'on allait chez un médecin, on était prêt à dévoiler sa vie pour être soigné et c'était ce qui se passait lorsqu'elle venait se confier chez lui. En retour, Zelvajra s'était toujours contenté de lui faire entendre ce qu'elle avait envie d'entendre en partageant parfois ses opinions. Mais effectivement, on pouvait dire que Ambre ne connaissait pas Zelvajra. Les deux regards se soutenaient alors car Ambre n'était pas convaincu par le défaitisme du Haut-Prêtre de Serus.

« Mes craintes sont fondées, Ambre. Je n'ai en tout cas pas entendu parler d'une affaire impliquant le décès d'un noble où on aurait fait une exception. »

Il ne prétendait donc pas que ce cas n'était jamais arrivé. Il n'en avait alors juste pas entendu parler. Il comprenait pourquoi Ambre de Ventfroid se rattachait à cette idée, à cet espoir que son père pouvait bel et bien mériter un enterrement digne de ce nom. Intérieurement, la rouquine commençait à l'agacer. Elle ne s'était pas aventurée sur le chemin sinueux qu'il avait essayé de dérouler subtilement afin qu'elle l'emprunte en fermant les yeux. Non, cette femme était intelligente et sous-pesait chacune de ses possibilités avec une sagesse presque déconcertante pour son âme. Il l'avait peut-être… sous-estimée. Oui, la famille de Mirail était aimée à Marbrume et cela devenait donc un problème pour lui. Il avait maintenant la certitude qu'il faudrait les détruire tôt ou tard s'il souhaitait voir les desseins de la Discorde devenir réalité.

« Nous sommes d'accords sur toute la ligne. Votre père est un grand Comte du Morguestanc et son décès mérite d'être honoré comme il se doit. »

En fin observateur, il remarqua lorsqu'elle fronça les sourcils. Les propos de Zelvajra avaient heurté Ambre de Ventfroid mais il ne savait pas précisément sur quoi. A quoi pensait-elle ? C'était agaçant de ne pas savoir. Il n'y avait encore aucune raison de paniquer, elle ne pouvait pas deviner en une fraction de secondes ce qu'il était véritablement. Mais si elle se doutait de quelque chose… Le doute avait beau le saisir, il demeurait parfaitement stoïque devant elle.

« Je me suis un peu emporté. Vous comprendrez sûrement que je me sois focalisé sur les règles en vigueur ? »

Le terrain était à risque, il devait focaliser l'esprit d'Ambre de Ventfroid sur autre chose. La discussion avait besoin d'un revirement de situation, d'un retournement de chemise. En lui disant qu'elle ne souhaitait pas outrepasser les règles, elle avait fermé la porte à certaines propositions indécentes pour le pouvoir en place.

« Je peux effectivement faire une demande officielle auprès des Haut-Dignitaires. Ils accepteront de prendre en considération mon appel. C'est juste que cela me peinerait de vous voir être confrontée à un refus. J'ai beaucoup de sympathie pour vous et votre famille, vous êtes si respectables et nécessaires pour Marbrume. Cela n'a pas été simple de partager ce moment avec vous mais veuillez-me croire, j'ai été gratifié par votre appel. »

Une nouvelle carte était tirée, celle de l'apaisement. Il n'était pas certain que la brosser dans le sens du poil fut la meilleure solution pour lui faire oublier sa dérangeante suggestion mais avec un peu de chance, cela allait permettre de recentrer leur conversation sur tout autre chose.

« Je n'ai pas de préférence entre vous et votre frère. Je pourrais très bien m'occuper de cela tout seul pour être franc mais… il serait préférable que vous soyez présente pour défendre le cas de votre défunt père. Je ne veux pas m'avancer mais peut-être que votre ferveur pourra faire pencher la balance en votre faveur et je m'engage bien entendu à vous soutenir. »

C'était donc le chemin le plus ennuyeux pour lui qu'ils allaient vraisemblablement prendre. Peut-être reconsidérerait-elle ses propos de tout à l'heure si elle essuyait un refus de la part des plus hautes autorités du Temple ? C'était désormais ce que Zelvajra pouvait espérer de mieux s'il voulait pouvoir avoir une première emprise sur la Comtesse de Ventfroid et sa famille. Il l'apprendrait peut-être à ses dépens mais il devait être comme Ambre, il refusait de perdre lorsqu'il s'engageait dans une bataille, peu importe sa nature.


Dernière édition par Zelvajra le Sam 19 Nov 2016 - 18:41, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyMar 21 Juin 2016 - 19:40

- Oui, j’imagine bien…
souffla Ambre en réponse au fait qu’aucun enterrement n’avait semble-t-il été réalisé dernièrement. Espérons qu’il n’en fut rien car personne n’a encore eu l’idée de faire une demande ? Mais je comprends que le sujet puisse être délicat, sinon n’aurais-je point demandé votre avis au préalable de faire une demande officielle. Rien ne prouve, après tout, que seuls nos camarades mordus se relèvent après la mort. Tout comme rien ne prouve qu’un non-mordu a des risques de revenir, murmura la comtesse, plus pour elle-même qu’autre chose.

Elle exposait de vive voix les arguments qu’on pouvait lui opposer – elle supposait tous les avoir prévus, car cela faisait bien longtemps qu’elle avait préparé cette demande avec sa famille.
En fait, même, à l’origine, désireux de ne pas prendre le risque d’essuyer un refus, les Mirail avaient envisagé de ne prévenir les autorités de la mort de leur paternel – lorsque celle-ci viendrait – qu’avec plusieurs jours de retard. En clair, faire écouler les délais maximaux dans lesquels un homme, d’après les observations effectuées, se transformait en créature ignoble. Une fois les délais passés, l’on n’aurait plus trop eu de raisons de leur opposer un enterrement, puisque le risque aurait été terminé. Mais après maintes discussions, les Mirail avaient abandonné l’idée. Si cela leur aurait assuré gain de cause, ils étaient trop pieux et trop respectueux envers leur père pour le laisser pourrir ne serait-ce que trois jours dans une couche en faisant semblant aux yeux de tous d’ignorer son trépas.

Mais cela avait été une idée retorse, sombre et plutôt vile de la part d’une famille qui d’ordinaire ne s’engageait jamais dans les affaires sordides. La fange forçait parfois à se retirer dans des retranchements insoupçonnés. Ou peut-être n’avait-on encore jamais rien refusé aux Mirail pour qu’ils puissent faire preuve d’opposition ? La famille d’artiste n’avait jamais été à l’origine de conflits et était surtout ceux que l’on nécessitait lors de festivités et des moments de joie. C’était, en fait, une réputation qui servait fortement à Ambre. Si, auparavant, cette réputation était tout à fait véridique avec sa propre personne, désormais elle permettait à Ambre de se cacher derrière une image presque parfaite, tandis qu’elle ourdissait des affaires qu’on ne pourrait soupçonner derrière son doux visage clair.
Son alliance avec Morion pouvait engranger deux réactions chez les autres.
L’on pouvait s’étonner qu’une famille si frivole et innocente que les Mirail trouve un intérêt à se lier avec les Ventfroid, comtes aussi mystérieux qu’asociaux. Dans ce cas, l’on pouvait peut-être se faire la réflexion que les Mirail réfléchissaient avec autre chose que leurs atours, et qu’ils avaient peut-être la tête moins vide qu’on ne le croyait : ils pouvaient être dangereux. C’était l’hypothèse la moins seyante pour Ambre, car être vue comme une intrigante ne servait ni ses intérêts ni la sécurité de sa famille, quand bien même cela lui apportait une certaine prestance.
A l’inverse, si on continuait à la prendre pour une noble « aussi douce que convenable », comme l’avait si bien dit Cassandre de Rocheclaire dans un autre contexte, Ambre possédait une longueur d’avance considérable sur ses ennemis. Une femme envers laquelle on ne soupçonnerait jamais rien ; peut-être même une femme si innocente que les Ventfroid viendraient à bénéficier de l’aura d’innocuité des Mirail, et qu’on tournerait le regard ailleurs pour débusquer des traîtres.

Bref. Tout cela pour dire que la comtesse avait délaissé ses atours de bienveillance dans certains domaines pour doucement envisager autre chose. Qu’en serait-il du reste de sa famille ? Resteraient-ils aussi bons qu’ils l’avaient été le reste de leur vie ? Se soumettraient-ils à la décision du Temple si celle-ci venait à leur déplaire ? Ou useraient-ils, pour une fois, de leur influence pour asseoir publiquement leurs volontés ? Ambre, à cet instant, pensait qu’ils se soumettraient. Peut-être se trompait-elle.

Par la suite, Zelvajra tenta de justifier ses remarques incongrues à propos du détournement des règles, et Ambre n’écouta que d’une oreille ses compliments. Elle était habituée aux pirouettes, et les incessants éloges qu’on avait pu lui faire dans sa vie juste à cause de son rang avaient terminé par rendre les compliments presque inefficaces sur la comtesse. Ils glissaient sur elle comme tant d’autres mots, et il devenait difficile aujourd’hui de la toucher avec des flatteries, à moins qu’elle accorde une affection toute particulière à la personne qui lui en faisait. Non pas qu’elle considérait que les mots de Zelvajra étaient factices, elle n’était pas dans sa tête pour le cerner parfaitement pour l’instant et il pouvait tout à fait être sincère, mais cela n’était pas nécessaire – elle n’avait pris ombrage de rien jusqu’à présent. Même si le haut-prêtre avait en effet noté avec brio qu’elle avait tiqué sur ses suppositions.

- Vous êtes l’un des premiers auxquels j’ai pensé faire quérir dans cette situation, oui, déclara Ambre, tout à fait sincère. Les prêtres de Serus étaient préférés pour soutenir une naissance en temps normal. J’aurais préféré vous appeler dans un autre contexte mais… la vie est parfois ce qu’elle est, et les dieux savent nous apporter du bonheur comme du malheur.

Presque un comble qu’on lui retire son père seulement deux semaines après ses noces, d’ailleurs. Il n’y avait que la demande envers les Hauts-Dignitaires, si importante, qui permettait à Ambre de garder la face devant Zelvajra. Sans quoi serait-elle sûrement moins droite, moins détachée, et en train de pleurer avec ses proches. Les responsabilités avant tout, néanmoins.

- Mmh, reprit-elle enfin. Je vais quémander l’avis de mon frère, mais je pense qu’il serait plus pertinent que je sois celle qui vous accompagne, en effet. Il suffit parfois des pleurs d’une femme pour faire trembler même le plus solide des hommes, n’est-ce pas ? Les Hauts-Dignitaires seront possiblement plus touchés par une comtesse que par un comte.

Sur ces notes incongrues mais pas moins sérieuses – voire cruellement réalistes et un tantinet manipulatrices, sans aucune honte –, Ambre délaissa quelques instants le prêtre pour retrouver son frère. Elle ne le fit attendre qu’une minute, après quoi elle fut retour à ses côtés, l’informant que cela serait en effet bien elle qui l’accompagnerait, et qu’elle était disposée à le suivre.

- Anne ? ajouta Ambre à la domestique avant de quitter définitivement le manoir Mirail. Va prévenir mon époux de la mort de mon père, et dis-lui où mes pas me mènent et dans quel but – qu’il ne m’attende pas tout de suite. Avec toute mon affection.
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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyLun 4 Juil 2016 - 17:31
Le Haut-Prêtre de Serus demeura très stoïque face à Ambre de Ventfroid lorsqu'elle évoqua qu'il n'existait aucune preuve quant au fait que l'on pouvait dire qu'un non-mordu avait des chances de se relever et que les mordus revenaient forcément à eux dans la Fange. Elle avait raison, en très grande partie. Il pensa alors à ce qu'il accomplissait avec son compère Turian lors de ses rares voyages en dehors de Marbrume. Elle n'avait pas besoin de savoir qu'il menait ses expériences sur le Fléau, il n'avait donc pas le droit de trahir la moindre stupeur sur les traits de son visage. En réalité, Zelvajra connaissait déjà certaines réponses. Il n'en était pas persuadé à cent pourcent, parce que les échantillons n'étaient pas encore très nombreux, mais il pensait qu'un non-mordu n'avait pas la moindre chance de se réveiller alors qu'un mordu était destiné à revenir à lui du moment qu'on ne lui coupait pas la tête. Cela faisait deux mois tout au plus que la Discorde orchestrait des enlèvements en dehors de la cité franche. Pour ne pas éveiller les soupçons, ils étaient irréguliers et la Voix de la Discorde exigeait qu'ils ne soient jamais reproduits aux mêmes endroits. Le plus difficile, ce fut de procéder à la capture d'un Fangeux. Ils perdirent au moins deux compagnons mais Seth les remplaça sans nul doute entre temps. De toute manière, une seule de ces créatures suffisait pour mener bien des expériences et du moment qu'on la gardait à l'abri et bien enchaînée, on limitait les risques de catastrophe. Elle reposait dans un baraquement conçu spécialement pour elle des mains de Turian. Soudain, le Haut-Prêtre de Serus cligna des yeux pour reprendre le fil principal de la conversation. Il n'avait pas vraiment l'air absent, son interlocutrice penserait sûrement qu'il réfléchissait à ce qu'elle venait de lui déclarer, ce qui n'était pas tout à fait faux.

« Tout à fait, Ambre. Jusqu'à présent, les familles se sont soumises à la règle proclamée par le Temple et le Duc de Marbrume. Je ne crois pas me tromper si je vous dis que c'est la première fois que nous devons traiter le cas d'un Comte. » lui lança-t-il. Il n'avait pas terminé. Que fallait-il dire ensuite ? Il était peut-être préférable de prendre compte de tout ce qu'elle voulait bien lui confier. Désormais, il n'y avait plus de place au hasard. Pour Zelvajra, l'échiquier venait de se mettre en place. Le Roi Noir affronterait la Reine Blanche. « Oui, rien ne le prouve. Je serai quelque peu effrayé d'apprendre que des individus puissent chercher à obtenir ce genre de certitudes. Je ne sais pas très bien de quoi il en retournerait… Mais ne peut-on pas voir cela comme une façon de jouer avec la vie et la mort ? C'est intolérable, ce serait se prendre pour un Dieu, n'êtes vous pas d'accord ? »

Pour l'instant, il était primordial d'intimer à Ambre de Ventfroid qu'il n'était rien d'autre qu'un Prêtre de la Sainte Trinité. En proclamant qu'il jurerait presque contre quiconque s'adonnerait à des expériences sur la Fange pour obtenir des certitudes, cela lui paraissait être le point de vue d'un Prêtre lambda. De plus, elle était bien libre de lui dire qu'elle n'était pas d'accord. Il l'écouterait alors et se contenterait sûrement de hocher la tête pour lui signifier qu'il respectait son opinion. Du moment qu'elle le prenait pour quelqu'un de bien, c'était tout ce qui lui importait. Toutefois, cette perspective ne lui plaisait pas tant que cela. En refusant d'entrer dans son jeu, en mettant en avant la carte de la sûreté, elle le contraignait à jouer dans son camp.

« Et je suis vraiment honoré d'avoir reçu votre demande. Vous êtes régulièrement venu me voir par le passé, le fait que vous ayez pensé à moi me touche donc. J'aurai également préféré venir pour une autre affaire, la perte d'un parent est toujours une épreuve difficile. Mais les choses sont ce qu'elles sont… Je ne peux rien vous garantir, mais nous allons faire tout ce que nous pouvons pour donner à votre père le départ qu'il mérite. »

Et il lui sourit chaleureusement. C'était très calculateur, certes, mais puisqu'il avait décidé d'entrer dans son camp et de respecter sa façon de faire les choses, il lui fallait revêtir le masque d'un allié. Pour un homme qui aux premières heures ne fut pas prédestiner à se mettre le monde à dos, c'était presque inné. Il n'y a pas si longtemps que cela, le Haut-Prêtre de Serus agissait toujours pour cette notion de « Bien » défendue ardemment par les individus au cœur bon. Il ne sentit donc aucune gêne lorsqu'il lui adressa ce sourire trompeur à la façade sincère, donnant donc à sa duperie un effet de réalisme encore plus prenant. Il connaissait tout ce qu'elle avait bien pu lui confier par le passé mais elle n'avait pas beaucoup d'informations à ce sujet. C'était donc un avantage pour lui, même s'il était très modéré, ne risquant pas de faire la différence.

« Il est peu probable que les Haut-Dignitaires se laissent attendrir par les larmes d'une Comtesse mais je peux vous garantir qu'ils seront disposés à écouter dignement la demande de votre famille. Du moment qu'ils acceptent de vous recevoir, nous avons toutes nos chances du moment qu'ils ne proclament pas un refus. »

C'était donc en compagnie de Ambre de Ventfroid que Zelvajra se rendrait au Temple de Marbrume. C'était préférable, il la connaissait mieux que son frère. Quitter le Manoir de Mirail ne lui déplaisait pas, ils se rendaient maintenant sur son terrain, là où il se sentirait plus puissant qu'elle, sûrement à tord. Le Haut-Prêtre de Serus ne pouvait s'empêcher d'imaginer toutes les situations possibles. Mander l'intervention des Trois Haut-Dignitaires, c'était une affaire vraiment sérieuse. Peu après l'arrivée du Fléau à Marbrume, il fut décidé de concert entre le Clergé et le Duc que les morts devraient être brûlés au Temple sans exception pour ne pas prendre le moindre risque. Zelvajra se demandait alors jusqu'à quel point il devait défendre la requête d'Ambre de Ventfroid. Si ses supérieurs refusaient, sa propre réputation en pâtirait certainement. Il décelait pourtant une merveilleuse occasion et il la devait à Ambre, sa meilleure ennemie. Il était encore très tôt, ils réveilleraient probablement leurs trois interlocuteurs lorsqu'ils arriveraient. Oui, ce plan-là semblait être le bon. Il fallait juste espérer que les circonstances s'y prêtent bien.

« Comme vous vous en doutez, nous serons à l'écart avec les trois Haut-Dignitaires. Cela veut donc dire que nous disposerons de quelques minutes pour les convaincre. Encore une fois, je suis de votre côté. Aussi, il serait sage de convenir d'une stratégie commune. J'ose imaginer que vous avez déjà très sérieusement préparé ce sujet avec votre famille ? »

Zelvajra et Ambre de Ventfroid faisaient route en direction du Temple de la Sainte Trinité en conversant dans la calèche familiale tirée par deux chevaux. Une garde rapprochée les escortait, c'était faire preuve de prudence à cette heure si matinale même s'ils risquaient peu de chose dans le Bourg-Levant.

« Je ne souhaite pas vous apitoyer mais si nous faisons pale figure devant eux, ma crédibilité en pâtira. Toutefois, je pense que cette entrevue est l'occasion de changer certaines choses. La noblesse dans son ensemble et donc votre famille assure depuis des générations la sûreté du culte de la Trinité. Il paraît que le Duc est plus responsable que le Clergé vis à vis de la décision de brûler les morts. On dit que c'est une façon d'asseoir son pouvoir maintenant qu'il est l'Homme le plus haut placé. Enfin… Je crois seulement que les nobles méritent d'être enterrés dignement auprès de leurs ancêtres du moment que l'on peut prouver qu'ils n'ont pas été mordus. »

La réaction de la Comtesse de Ventfroid promettait d'être intéressante. Il n'en avait pas la certitude et basait sa perche tendue sur une seule hypothèse : Ambre ne pouvait pas porter le Duc de Marbrume dans son cœur après l'affaire de Sarosse. De plus, Aaron lui avait signifié devant lui de ne pas tenter de se brûler les ailes dans des actions vaines juste après lui avoir rappelé l'existence de son ancien promis. Certes, il l'avait davantage fait pour consentir que Morion était un parti beaucoup plus intéressant pour elle mais tout de même, cela ne lui coûtait rien de suivre son instinct. En fait, il n'avait aucune certitude quant au fait que le Duc était responsable de cette loi mais l'important, c'était d'y croire. Il espérait que Ambre perçoive dans cette joute verbale à venir une occasion de remettre son autorité en question sans se dédommager car ce serait au Temple d'en assumer la responsabilité. Il y avait donc peut-être une pierre deux coups à faire. En ce sens, il avait donc mis en avant qu'il avait plus à perdre qu'à y gagner pour son propre parti. Ainsi, peut-être lui dévoilerait-elle sa stratégie dont il pourrait lui-même se servir pour tirer son épingle du jeu. Dans le cas contraire, en toute perspective, cette tentative sournoise semblait ne rien lui coûter. Une chose était certaine, ils arriveraient au Temple peu de temps après que Ambre de Ventfroid lui ai fait part de ses volontés, peu importe leur teneur.


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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyMer 6 Juil 2016 - 16:18
Ambre eut une ébauche de sourire à la remarque de Zelvajra sur le fait de se prendre pour un Dieu. Elle partageait cet avis, un peu. Mais juste un peu. Car elle avait elle-même pris part au genre… d’expériences qu’il dénonçait. Oh, très peu, et sur une seule créature, ce qui n’avait pas permis de faire des observations qui se confirmaient sur le plus grand nombre, juste étayer des théories et des hypothèses. Mais le travail avec l’escouade XIII et Anton Gunof avait permis de tester nombre de mixtures sur la chose, dont le sel. Sel qui avait brûlé les chairs de la bête, contre toute attente. La créature avait souffert d’autres tourments – tisonniers, plaies au couteau –, les hommes testant toujours plus les résistances de la bête enchaînée sous les yeux observateurs de la comtesse. Elle se souvenait encore de l’odeur, des cris gutturaux de la créature. Si la découverte sur le sel avait enchanté l’équipe, qui avait fait remonter l’information aux hautes instances le plus rapidement possible, Ambre à la base ne s’était réellement pas attendue à découvrir quelque chose de particulier. Elle avait simplement voulu voir, de ses yeux, les choses qui tuaient tant de gens dehors. Les choses qui avaient mené le monde à sa perte. Cela avait été une expérience égoïste, seulement destinée à lui faire accepter la Fange, accepter la réalité surnaturelle des créatures et de leur force et agilité surhumaine qu’elle avait voulu voir de ses yeux. Imaginer les tourments que les morts de l’affaire des portes closes avaient pu subir, pour s’en imprégner, s’en servir de moteur pour entretenir ses griefs contre le Duc.

Elle était parfaitement dans l’idée que toucher aux morts était indigne de leurs dépouilles. Cela avait très dur pour elle, femme très pieuse, d’envisager une telle expérience. Mais la fin du monde nécessitait des extrêmes, et un pragmatisme féroce si l’on voulait survivre. Si l’on conservait une ignorance sur les créatures, ils mourraient. Tous.

- Eh bien… Son ton était prudent après le ton catégorique de Zelvajra à propos de ce sujet. Cela serait bien trop innocent de croire que la milice, et même le clergé – sauf votre respect – ne cherchent pas activement à percer les mystères de la Fange. Ces choses… soulèvent bien des questions sur la nature humaine, sur les dieux, sur le monde. Sigfroi serait un crétin s’il ne faisait pas tout pour trouver un moyen de nous faire vaincre cette épreuve. Tant que les choses sont faites discrètement, et dans le respect des morts… Ambre eut un petit rictus crispé. Quant à moi, j’ignore si vous le savez, mais cela n’est pas un secret : j’étais présente lorsqu’on a pu affirmer l’effet du sel sur les créatures, et certains hommes dehors avaient déjà pu tiquer sur leur hésitation à traverser une étendue d’eau salée. Nous… nous avons été aussi respectueux avec le cadavre que le nécessitait l’expérience – jusqu’à ce qu’il devienne un monstre.

Ambre avait pris un air à la fois sérieux et résigné. Elle ne banalisait pas l’expérience, loin de là, elle essayait juste de conserver la distance qui lui avait permis de la mener. Elle ne savait pas s’il fallait prendre Zelvajra pour un homme particulièrement bon sur ce sujet, ou simplement trop naïf. Les deux peut-être ?

Ils marchaient en sortant du manoir, attendant qu’on affrète une calèche pour leur duo. Ambre savoura la fraîcheur de la nuit, et le froid lui picota les yeux. Mais ces derniers n’étaient pas réellement sensibles à cause de la température. Elle venait de se faire la réflexion que son père ne sentirait plus jamais ça. La fraîcheur d’un soir, la caresse du vent, la chaleur du soleil. Elle chassa ces pensées d’un battement de cils, prenant une profonde inspiration pour contenir ses émotions. Ils arriveraient bientôt devant les Haut-Dignitaires. Pour le coup, il faudrait se montrer digne, comme le voulait leur appellation. Alors pas question d’arriver déjà en pleurs, bien qu’il n’était pas exclu que son émotion déborde durant l’entretien, selon ce qu’on l’obligeait à argumenter.

- J’imagine bien. Les Haut-Dignitaires ont toujours eu le comportement que leur rang nécessitait. Je ne m’attends pas à ce qu’ils accèdent à ma demande comme s’il s’agissait d’une simple broutille. A l’inverse, s’ils accordent aux Mirail leur demande, nous en serions honorés. S’ils acceptent de me voir et de déranger leur nuit, je serai déjà reconnaissante.

Nul doute aussi que, s’ils acceptaient, les Mirail auraient une sorte de dette d’honneur envers le Temple. Cela ouvrirait un lien entre les deux institutions – celle de la religion et d’une famille noble. Les deux pouvaient bénéficier d’un certain gain de réputation en fait. Même s’il était malheureux que cela se déroule dans le cadre d’un deuil.

- Nous avons longuement discuté du sujet avec ma famille en effet. Nous n’avons pas préparé de discours avec une argumentation prévue d’avance cependant. Je serai assez spontanée, et je ne pense pas avancer grand-chose de plus que ce que je vous ai déjà dit, à moins d’être prise d’une subite inspiration. Zelvajra avait été la première « cible » à convaincre. Les Trois Dignitaires sont des personnes de foi, incorruptibles – du moins est-ce l’image que je m’en fais, à chaque fois qu’ils apparaissent en public. Aussi, que mon argumentation tienne en deux phrases ou en une vraie tirade, je suis quasi convaincue que leur décision finale sera identique. Je défendrai mes convictions avec fermeté néanmoins, soyez-en certain.

La calèche tremblait doucement alors qu’elle arrivait doucement mais sûrement vers le Temple. Les derniers propos de Zelvajra troublèrent légèrement la comtesse.

- Votre crédibilité… Ambre resta silencieuse un instant. Je n’envisageais pas les choses ainsi – je ne veux pas que la mort de mon père vous porte grief, quelqu’en soit la manière. Vous pouvez me mener à eux, en leur informant que je les quémande pour une affaire de haute importance. Vous n’êtes point obligé de vous porter garant de ma demande, ni de la défendre, vous savez. Vous avez déjà fait beaucoup pour moi cette nuit, et surtout pour mon père. C’est le plus important.

Les propos sur le Duc par la suite laissèrent Ambre un peu songeuse, le temps qu’elle réfléchisse. Le sujet ne la gênait en aucun cas, en fait. Il n’y avait rien « d’hérétique » dans les propos du haut-prêtre contre le duc, pas tellement.

- J’ignore si l’idée originelle vient du Duc lui-même ou du Temple. Les deux partis l’ont approuvée en tous les cas, et je gage, malgré la situation actuelle de ma famille, que c’est une bonne décision. Certains cadavres qui traînent dans la ville font parfois naître ces créatures, et font des morts. Il suffit d’un simple mendiant, un seul, qui trépasse sur les pavés durant la nuit, pour se retrouver le lendemain avec un fangeux en ville. Aussi le réflexe de nettoyer la cité est ma foi… plutôt bon. C’est nécessaire, pour ceux qui sont dangereux.

Zelvajra pouvait le remarquer, Ambre était donc parfaitement égoïste sur ce sujet, oui. La décision était bonne pour la cité disait-elle, et cohérente. Pourtant voulait-elle la contourner, pour son propre père. En effet. Elle l’avait déjà expliqué : pour les Mirail, Aaron n’était pas dangereux. Il n’avait pas été mordu. Il ne se transformerait pas. Elle en était persuadée. Et de cette certitude découlait la demande. Sans quoi Evan aurait sûrement déjà brûlé lui-même le cadavre de son père, durant une cérémonie personnelle, juste eux, et un prêtre.

- Asseoir son pouvoir en revanche… Ambre reprit une dernière fois. Je ne sais pas qui vous a rapporté cela, mais cela me laisse sceptique. Cela n’apporte pas grand-chose au duc de faire brûler ses gens. Au mieux il protège les habitants de sa cité, au pire il s’attire les foudres des dieux pour mutiler le corps des défunts. Dans les deux cas, il n’obtient aucun réel avantage politique sur la ville. Cet homme sait très bien ménager ses effets – Ambre eut le visage un peu fermé tout à coup, repensant à la tête coupée présentée sur la table le jour de la réunion au sommet –, et s’il a besoin un jour d’affermir son pouvoir, il ne se contentera pas de s’amuser avec les funérailles de ses sujets, ça non.

Sur ces derniers mots, la calèche s’arrêta, enfin arrivée devant le Temple.
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ZelvajraHaut-Prêtre de Serus
Zelvajra



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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyDim 17 Juil 2016 - 22:34
Le Haut-Prêtre de Serus possédait enfin une première victoire sur son interlocutrice privilégiée de la nuit qui marquerait à jamais le décès du patriarche de la famille de Mirail, Aaron. Victoire, c'était un bien grand mot et ce n'était pas un manque de Grâce (ohohoh, je suis trop chaud t'as vu) de le reconnaître. Ambre de Ventfroid pensait que Zelvajra était un peu naïf, telle était l'idée qu'il avait voulu laisser transparaître devant elle. Bien sûr que si, il savait très bien que bon nombre d'individus cherchaient à faire des recherches sur la Fange. Certains pour mieux la comprendre mais surtout pour trouver un moyen de la vaincre. Lui-même avait essayé bien des choses avec l'aide de Turian mais il y avait là-dedans une part de sadisme évident. Il espérait plutôt pouvoir découvrir une solution pour se servir du Fléau mais il voulait surtout saisir son fonctionnement et en comprendre ses règles. Ainsi, les deux agents de la Discorde avaient pendant plusieurs semaines effectués des expériences sur des êtres humains. Profitant d'un peu de banditisme, ils avaient capturé des individus pour les mettre à mort en s'assurant d'abord qu'ils n'avaient pas été mordus par la Fange. Suite à cela, ils n'en avaient pas la certitude à cent pour cent, car Zelvajra ne croyait pas vraiment en cette valeur, mais il pensait désormais que seul les gens mordus pouvaient se relever dans la Fange. Ensuite, ils contraignirent leurs sujets suivants à se faire mordre le bras avant de les tuer de différentes façons. Sur six cobayes, cinq revinrent à eux dans un temps compris entre quarante-huit minutes et trois jours environ. Mort par dague dans le cœur, mort par décapitation, mort par noyade, mort en succombant à des blessures ne visant pas les points vitaux, mort suite à une torture visant à réduire en charpie et enfin, mort par calcination. Il avait été intéressant de constater que seul le sujet n°2 n'était pas revenu à lui en tant que Fangeux. Cela constituait une base de données déjà intéressante et tôt ou tard, ils prendraient le temps d'élargir leurs expériences. Ambre de Ventfroid pensait donc se trouver face à quelqu'un qui considérait tout ceci comme un blasphème ? Tant mieux, elle n'avait pas besoin de connaître cette sordide vérité et aussi, il ne fit part de rien d'autre à ce sujet.

On en revenait donc à cette intéressante conversation dans la calèche, là où Zelvajra avait l'honneur de se retrouver seul à seule avec Ambre de Ventfroid. Il la trouvait désirable, bien que fraîchement mariée mais aussi terriblement agaçante. Elle avait la tête sur les épaules et elle était intelligente. Le Haut-Prêtre de Serus n'aimait pas beaucoup cela, il commençait peu à peu à se sentir incapable de la berner comme la sotte qu'il aurait souhaité qu'elle fusse. En général, il voyait d'un mauvais œil ceux qui faisaient preuve d'un peu trop de malice et de discernement. Quelque part, cela voulait dire qu'elle était capable de le percer à jour s'il commettait des erreurs dans ses discours. Elle paraissait de plus en plus inaccessible et donc dangereuse à ses yeux. La pauvre, elle ne pouvait pas se douter une seule seconde des pensées malsaines de Zelvajra à son encontre.

« J'en fais mon affaire, Ambre. Ils vous rencontreront, ils doivent bien cela à la famille de Mirail. Vous n'avez jamais causé de tord au Temple et même si c'était le cas, nous amenons un sujet qui doit être traité avec la plus grande transparence. »

Il choisit donc de conforter Ambre de Ventfroid dans ses certitudes. Il n'y avait en réalité aucune raison qu'ils refusent de la recevoir pour évoquer le décès de son père. Il allait être gênant de les réveiller si tardivement ou maintenant de si bon matin mais le pauvre Aaron de Mirail n'avait pas choisi son moment pour rejoindre le Havre d'Anür. De plus, après un décès, il était devenu recommandable de traiter les choses aussi rapidement que possible. De ce côté-là, Zelvajra se contentait donc de suivre les procédures habituelles si ce n'était que cette fois, on irait déranger les trois Haut-Dignitaires du Temple de la Sainte Trinité de Marbrume.

« Je vois. Les Haut-Dignitaires sont en effet incorruptibles. Je connais davantage celui de Serus, je n'ai pas eu beaucoup d'occasions de fréquenter les autres, ils sont mes supérieurs mais pas directement. J'essayerais de faire comprendre à celui auquel je suis rattaché que votre demande est sensée et qu'elle se doit d'être traitée justement. Ils ne délibéreront peut-être pas devant nous… Pour être franc, c'est la première fois que je vais me retrouver face à eux dans un tel contexte. Je ne sais donc pas vraiment à quoi nous devons nous attendre mais nous ferons de notre mieux, hein ? »

Il ne pouvait pas la mettre dans sa poche pour le moment. La situation ne s'y prêtait plus alors il décida de jouer la carte la plus sûre possible. Zelvajra devait persuader Ambre de Ventfroid qu'il était de son côté et qu'il voulait vraiment lui venir en aide. Ce n'était pas entièrement faux car il ne mesurait pas pleinement l'impact qu'aurait la décision des Haut-Dignitaires lorsqu'ils auraient terminé leur entretien. Il était bien incapable de deviner quelle décision ses supérieurs prendraient et encore moins ce que pourrait faire Ambre en cas de… refus. La jeune mariée se plierait-elle à la volonté du Temple ou bien abattrait-elle une dernière carte qu'il ne connaissait pas ? C'était impossible à prévoir, même pour lui, tant la Comtesse de Ventfroid laissait filtrer uniquement ce qui lui paraissait nécessaire.

« Non, cela ira. Je tiens à être à vos côtés pour cette épreuve-ci. Vous êtes toujours venue me voir lorsque vous aviez des doutes ou que vous aviez des choses à confier. Je ne saurais l'expliquer mais il y a quelque chose qui fait que je ne peux pas vous laisser affronter ça toute seule alors que je connais les tenants de cette affaire. Je pense que ça se passera bien mais la présence d'une tête familière qui partage vos convictions ne sera pas de trop, n'est-ce pas ? »

La fausse main était tendue. C'était la toute dernière carte de Zelvajra. Il rebondissait sur des faits et les transformait en une vérité qui lui appartenait. Il n'essayait plus de flatter son interlocutrice mais plutôt de la persuader qu'il voulait sincèrement lui venir en aide. Le Haut-Prêtre de Serus pensait qu'il y avait des chances que ce jeu-là prenne car elle l'avait elle-même reconnue, il avait déjà fait beaucoup pour elle et sa famille en une seule nuit. Ambre avait une forme de reconnaissance envers lui et c'était là dedans qu'il comptait puiser pour le moment. La suite n'était pas moins intéressante, au contraire, la Comtesse de Ventfroid commençait tout juste à lui dévoiler ses convictions en ressentant le besoin d'argumenter ses propos.

« Je ne saurais vous dire où j'ai entendu ces propos, cela fait quelques mois… Peut-être bien des bruits de couloir ou une analyse plus ou moins erronée de notre situation politique du moment. Tout le monde n'approuve pas le Duc, même s'il faut reconnaître qu'il a fait des choix judicieux. »

Et il la maudissait de nouveau. Elle n'était pas tombée dans son piège, non, elle était définitivement trop intelligente pour se laisser avoir ainsi. Cela signifiait aussi qu'elle ne partagerait pas ses envies de vengeance avec lui aussi impunément. Ambre de Ventfroid avait beaucoup de chances de s'en sortir à l'avenir, sa prudence l'honorait. Cela dit, il était rassuré car elle n'avait pas vu dans son discours la moindre tentative de la duper ou de se jouer d'elle. Au contraire, elle resta fidèle à elle-même et démonta judicieusement la théorie non fondée de Zelvajra sans en tenir plus rigueur que ça.

« Ah ! Nous sommes arrivés. »

Ce n'était plus le moment pour eux de continuer cette conversation glissante autour du Duc. Il avait certes un peu de chance mais les faits étaient là, la calèche était arrivée à bon port. Accompagné de Ambre de Ventfroid, Zelvajra pénétra donc dans l'enceinte principale du Temple. Il était très tard ou très tôt, chacun jugerait à sa façon, les lieux étaient donc plutôt vides. Ici, Zelvajra serait un peu plus à l'aise et confiant, il était en quelque sorte sur son territoire, il en connaissait chaque recoin. C'était un peu une aubaine d'avoir emmené Ambre sur son terrain de prédilection. En cherchant un peu, il aperçut un page et il l'interpella un peu.

« Mon garçon, viens par ici. J'ai quelque chose à te demander. »

Le jeune homme s'approcha donc, il avait reconnu le Père Zelvajra.

« Oui, Père Zelvajra ? Que puis-je pour vous ? Vous êtes accompagné ? »

Il regarda alors l'intéressée et sembla sans nul doute troublé par sa beauté supérieure (stop la lèche, tu vas t'habituer sinon :/) Toutefois, le Haut-Prêtre de Serus ne lui laisserait pas particulièrement le temps de faire connaissance.

« Oui. Il s'agit d'Ambre de Ventfroid, l'épouse du Comte Morion. Elle est ici parce que nous avons une urgence. Il faudrait immédiatement que tu ailles faire réveiller les Trois. Dis-leur que Aaron de Mirail est mort il y a moins d'une heure et que nous devons nous entretenir avec eux à ce sujet à la demande de la famille de Mirail. Ambre ici présente sera leur représentante. Quand ils seront prêts à nous recevoir, viens nous chercher. Va, je compte sur toi. »

Le page ne s'attendait probablement pas à une telle requête mais il exécuta les ordres de son supérieur sans se poser trop de questions. Zelvajra resta donc aux côtés d'Ambre, symboliquement comme s'il comptait rester avec elle jusqu'à la fin de cette épreuve difficile.

« Tout se passera bien. Je présenterai la situation et vous aurez ensuite la parole pour défendre votre cas. Lorsque je pourrai vous appuyer, j'interviendrai en votre faveur. Au delà de cet exercice, je recommande de ne répondre qu'à leurs questions, même sommairement. »


Dernière édition par Zelvajra le Sam 19 Nov 2016 - 19:16, édité 1 fois
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La Poisse
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MessageSujet: Re: La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid]   La Trinité récupère toujours son dû [Zelvajra & Ambre de Ventfroid] EmptyDim 31 Juil 2016 - 14:46
Malheureusement pour le jeune page, les Trois Dignitaires se firent inaccessibles. Il était tard dans la nuit, et on ne pouvait pas appeler les plus grands représentants de la Foi de la Cité aussi simplement. Le corps du patriarche de la famille de Mirail eut amplement le temps de commencer sa décomposition, avec la crainte permanente qu'il ne soit ressuscité sous la forme d'un fangeux. Un échec pour Zelvajra et Ambre, qui se virent forcés de rentrer sur l'Esplanade.

Au petit matin, alors que le soleil se levait à l'horizon, au-dessus de la mer agitée et houleuse de la rade de Marbrume, un prêtre arriva accompagné de miliciens, pour rencontrer la famille d'Aaron.
Cette fois-ci, ce ne fut pas le haut-prêtre Zelvajra qui put se permette de demander à ce que ses supérieurs se réunissent, mais les dignitaires eux-même qui lui ordonnèrent à venir se présenter au plus vite au Temple de Marbrume. Bien que le ton était poli et courtois, il était à présent clair que les patrons de la Foi allaient demander des explications sur un tel dérangement.

Nous étions donc une matinée, dans une pièce de pierres blanches, froide, vaste, éclairée par de larges trous dans les murs qui donnaient une vue plongeante sur les bas-quartiers de Marbrume, sur cette sale engeance humaine qui s'étalait sur les pavés et les chemins boueux de cette partie de la Cité affamée. Zelvajra et Ambre étaient seuls, à attendre, attendre, qu'on daigne enfin les faire rentrer. Ils restèrent ensemble une bonne trentaine de minutes, esseulés, quand enfin, au bout du couloir, une large porte de bois s'ouvrit, et un petit homme vêtu d'une soutane et portant un col blanc s'approcha d'eux, les mains dans le dos.

- Madame. Monseigneur.
Les Trois Grands et Honorables Dignitaires de l'archevêché de Marbrume sont prêts à vous recevoir.


Avec la disparition du... Bah, du monde entier, disons-le clairement, ceux qui étaient à l'époque puissants dans le Morguestanc, devinrent puissants tout courts, les hommes les plus compétents, dignes et saints pour tenter de diriger la seule cathédrale qui officie encore. Les moyens manquaient, c'est vrai. Avant, le Temple pouvait fonder sa richesse sur son gigantesque patrimoine foncier, mais aussi sur les très nombreux dons et testaments de seigneurs, toujours généreux, prêts à rincer de fric les clercs pour que Anür leur accorde une place au paradis après avoir passé une vie à s'engraisser et à baiser partout. Aujourd'hui, eh bien, leur puissance temporelle était sacrément amoindrie... Mais certainement pas leur puissance spirituelle.
Lorsque Zelvajra et Ambre entrèrent, ce fut dans une grande pièce de marbre blanc, entourée de superbes vitraux, certains un peu salis avec le temps, mais achetés il y a bien longtemps. Devant eux, un peu surélevé, se trouvait une gigantesque table en beau bois brun qui avait un reflet, tellement elle était propre et ouvragée. Une porte s'ouvrit, et trois religieux entèrent, vêtus de superbes habits blancs en soie, et d'une gigantesque cape de velours pourpre, leurs têtes couvertes par des mitres en drap d'or, ornés de pierres précieuses. Ils s'approchèrent chacun de la table, devant leurs trois sièges, qui avaient chacun des gravures censées représenter tour à tour les Trois divinités ; Là, un bijou montrait un bâton d'or, et une belle femme âgée aux cheveux blonds s'assit. Ici, deux gros bois de cerf, et un petit homme aux joues rondes vint poser son séant. Enfin, pour le dernier, le médaillon représentait une épée plantée dans le sol, et autour de l'acier de l'arme, un serpent s'enroulait, le fauteuil désigné pour un grand monsieur à la figure toute sèche.

C'est ce dernier, le Grand Dignitaire spécialisé dans le culte de Rikni, qui prit la parole.

- Monseigneur Zelvajra. J'ai une question très simple pour vous. Est-ce que vous pensez que nous sommes à votre service ?

Son ton avait été incroyablement sec, sa question sifflée entre les dents comme s'il avait été un serpent, très bien pour l'homme qui avait dédié sa vie à servir la Déesse reptile.

- La nuit appartient à la Déesse. Certainement pas pour que vous essayiez de nous faire mander par un page, comme si nous étions des vassaux à votre service. C'est insultant. Moi et mes confrères avons des journées chargées, vous devriez le savoir puisqu'il y a une Apocalypse dehors. Nous ne sommes pas réunis selon votre bon vouloir, et certainement pas en pleine nuit.
- Cependant, reprit le Dignitaire de Serus d'une voix beaucoup plus calme et rauque, votre demande, si tard, et venant d'une famille honorable et prestigieuse nous a, heeum... Intrigués. D'où la raison de votre présence ici. Nous voulons savoir pourquoi avoir demandé notre présence aussi tardivement.
- Parlez vite, et parlez bien, conclus la Dignitaire d'Anür en tonnant d'une voix forte et éthérée, débordant d'autorité. Nous ne pouvons vous accorder beaucoup de temps.
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