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 Catharsis

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La Poisse
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MessageSujet: Catharsis    Catharsis  EmptyVen 29 Juil 2016 - 22:55
8 ans plus tôt.

La voiture du prévôt roulait très lentement le long du chemin de terre. L'engin faisait un bruit atroce, les essieux de bois grinçant alors que les deux chevaux de trait qui tiraient la charge faisaient frapper leurs sabots ferrés le long de la voie, claquant avec force et vigueur. L'officier qui était assis à l'intérieur du véhicule se trouvait dans une position peu confortable, son siège tremblant, vibrant, lorsque les roues se devaient de surmonter chaque obstacle, chaque morceau de gravier qui gênait la traversée de la route. Il me faudra faire rapport au bailli, qu'il est urgent de faire un entretien ici... se dit-il à voix basse, alors que ses doux yeux bleus scrutèrent par la petite fenêtre taillée dans la porte de la voiture, lui permettant d'observer le chemin entouré d'arbres, de racines, et peu praticable à cause de la boue qui s'étalait de manière chronique, lorsqu'une pluie venait gracier le Morguestanc, comme cela arrivait très souvent.

Pour autant, la raison de la présence du jeune prévôt dans le marécage n'était pas de servir d'agent voyer, de venir constater comment les routes étaient entretenues, et où il faudrait mander des paysans pour qu'ils servent, multipliant les corvées pour dégager les racines et entretenir les voies de communication. Si tel avait été le cas, il ne serait pas venu avec une aussi forte escorte. 8 sergents montés sur des chevaux l'accompagnait, 4 devant, 4 derrières, droits sur des roncins, de vieux chevaux, armés de jaques recouvertes d'un haubergeon, et portant une grosse cervelière sur la tête. Ils étaient bien armés ces gens, tant qu'ils avaient réussi à faire peur aux quelques paysans qui eux aussi empruntaient l'étroite route qui menait vers les tréfonds de ce sombre marécages. Ils venaient avec leurs troupeaux de bêtes, et en voyant le gros véhicule occuper toute la voie, ils ne pouvaient s'empêcher de s'arrêter, de retirer leurs chapeaux, et d'observer avec de gros yeux écarquillés les hommes d'armes qui continuaient sans prêter attention aux gueux qui se retrouvaient les chevilles dans la boue, sur le bas-côté. Le prévôt était l'agent local, celui chargé de servir le bailli lui-même au service de son Altesse le duc, mais il avait pour habitude de rester à l'écart, pour se contenter d'un travail administratif, de bureaucrate, de fonctionnaire. Qu'il prenne des soldats armés pour se retrouver au milieu du paysage, ça ne pouvait rien dire de bon.

8 hommes à cheval, et une cariole... Ce bordel ne fut pas discret. Tout l'inverse, même. Dix minutes avant qu'ils n'arrivent, leurs « hôtes » étaient déjà au courant de leur arrivée prochaine. Au milieu du marécage, le seigneur local se montrait extrêmement nerveux. Les bras croisés, il n'arrêtait pas de faire les cent pas, arpentant la forêt, sa forêt, celle que sa famille avait héritée depuis maintenant six générations, de père en fils aîné. Aînés, ouais, et tant pis pour les puînés, qui se retrouvaient à servir comme chevaliers errants... Ou comme prêtres. Comme le clerc qui l'accompagnait. Lui aussi, tout comme le prévôt, quittait rarement son domicile habituel, c'est à dire une petite église pour ce curé de campagne. Sa soutane, d'habitude d'un blanc immaculé, se retrouvait salie par cette crasse et cette fange typique de ces vieux marais sales et froids. Et pourtant, il ne se plaignait pas. Lui aussi restait tout silencieux, attendant tout patiemment, un peu tremblant, l'arrivée du prévôt.

- Il ne devrait plus tarder maintenant ! Hurla d'ailleurs le seigneur Simon de Flocques après un moment, lorsqu'un de ces valets vint lui faire savoir que les paysans avaient entendu son engin s'approcher.

En réalité, le prévôt avait dû s'arrêter sur la route, laisser plusieurs de ses soldats derrière lui, et continuer pour tracer à pied, à travers la cambrousse, suivant un écuyer qui allait le faire amener auprès de son maître. Simon sut le reconnaître tout de suite. Le prévôt était un jeune homme, petit, assez gros, qui portait un long et bel habit rouge, et un joli chapeau en feutre, avec une plume sur le côté. En le voyant arriver, le prêtre, lui aussi très jeune pour son office, très beau et mince, se mit à trotter au côté de son plus vieux frère, Simon, un buffle aux épaules carrées et au tronc musclé. Ils arrivèrent tout près du prévôt, et le saluèrent.

- Bonjour, monsieur. Heureux que vous ayez enfin pu arriver.
- Non, non, tout l'honneur est pour moi, sire... Et vous, mon père. Je suis sincèrement désolé du retard, mais... Cette route, vous savez.
- Bien. Je suis Simon de Flocques, seigneur de Flocques, bien sûr. Je vous présente mon frère, le curé de Flocques, frère Basile. Et toi, Basile, je te présente notre bon surveillant de Marbrume, il s'appelle Guérin. Tu sais, c'est l'intendant qui nous tape sur les doigts quand on fait pas le boulot que le duc nous demande !
- Ce qui n'arrive presque jamais, vous le savez. Bien. Alors. Pourquoi m'avoir fait venir jusqu'au plus profond du marécage, messire ?
- Vous allez vite le comprendre, si vous voulez bien me suivre.

Le prêtre, Guérin l'avait reconnu directement à sa soutane et à son col. Mais le voir ici avait été une surprise. Malgré tout, il ne dit rien. Il ne fit aucune remarque. A la place, il continua de marcher, silencieusement, dans les pas de sire Simon, qui lui aussi fut étonnamment peu causant. Il y eut une sensation de mal-être. Malgré la petite plaisanterie qu'il avait lancée au début, Simon avait soudain reprit une expression plus... Plus ferme. Plus dure. Rocailleuse même. Et maintenant, il reniflait, et passée sa main piégée dans un gant sous son nez. Ils s'avancèrent lentement, deux minutes à peine, quand soudain le seigneur s'arrêta, sèchement. Il y avait plein d'hommes là. Un couple de paysans qui se tenait tout droit, têtes baissées, la femme n'arrêtant pas de pleurer. Et des soldats aussi, qui avaient le visage pâle, comme s'ils étaient malades.

- C'est là.

Simon leva sa main et pointa du doigt un « creux », un terrain un peu plus bas dans le marécage, entouré d'une eau croupie et sale, ce qui attirait mouches et moustiques. Si le prévôt hésita un moment, le gros monsieur se décida finalement à passer devant, et à s'avancer. Et là, il vit une chose, une chose terrible. Le prêtre ne put s'empêcher de faire un signe de croix*, parce qu'il était à nouveau témoin de ce spectacle macabre. Mais le prévôt, lui, s'arrêta juste devant, inquiet.

Imaginez la scène. Il y a, dans le marais, naturellement, une sorte de minuscule « îlot » formé par une eau croupie, profonde jusqu'aux tibias, avec dessus, un grand arbre, un peu plus grand que les autres. Une femme, nue, jeune de seize ans, est placardée dessus. Ses bras sont en l'air, ses aisselles exposées, et des pieux ont été enfoncés dans ses mains, pour l'accrocher au tronc de l'arbre. Une partie de ses cheveux ont visiblement été arrachés, ses yeux sont pochés, sa lèvre fendue, certainement à cause de coups de poings. Elle est ouverte. De la gorge jusqu'au bas-ventre, une large entaille, passant entre ses seins, passant au-dessus de son nombril, l'a étripée. Ses jambes n'atteignent pas le sol, mais ses doigts de pieds, rigides, chatouillent l'herbe. Elle est sale. Elle a la peau très blanche, ses organes, ses tripes qui sortent de son corps, puent, et affichent une couleur étrange, quand bien même le prévôt a peu de connaissances en médecine il sait que cette couleur n'est pas naturelle. Des mouches tournent autour du corps, et il pue, il pue tellement le cadavre, que le prévôt ne peut s'approcher sans tirer de l'intérieur de son manteau un mouchoir pour se couvrir fermement le nez, pour s'empêcher de vomir, de voir son estomac se remuer.
Mais le plus atroce, le plus insultant, c'est quelque chose qui obstrue l'anus de la pauvre jeune fille. Un bâton, gravé, censé imiter celui que porte Anür sur les vitraux et les enluminures. Ce meurtre est plus qu'une sauvage mise à mort. C'est une profanation, une torture, quelque chose que seul le pire des démons aurait jamais pu envisager de faire.
Le prêtre est blanc comme un linge, lui aussi. Le prévôt est au bord de répandre son petit déjeuner sur le sol. Seul Simon reste calme, même s'il continue de grimacer, de froncer ses épais sourcils noirs.

- Zavez déjà vu quelque de ce genre ?
- Non... Non, jamais, sire.

Pour un homme habitué à avoir enquêté sur des vols, des fraudes fiscales, et de la contrebande, assister à un meurtre aussi sauvage était un choc. Et « choc » est un grave euphémisme. Nos trois compères, enquêteurs en urgence, n'avaient jamais vu une telle scène. Ils étaient sidérés. Incapables de pouvoir s'exprimer, d'essayer de comprendre, d'envisager une telle scène. Tant de questions résonnaient dans leurs têtes.
Le prévôt pointant du doigt le couple de paysans un peu éloignés.

- Ce sont...
- Ceux qui ont découvert le corps, coupa subitement Simon. Oui.
- Et la fille, c'est...
- Une jeune fille de ma paroisse, portée disparue depuis deux semaines, coupa alors le prêtre Basile de Flocques. Je... C'est horrible... Je pensais qu'elle avait fugué, mais... Mais ça...
- Tu ne pouvais pas savoir, mon frère, ne pleure pas. Et trouve un peu de courage en sachant qu'on fera cruellement payer celui qui a osé commettre un tel acte !
Monsieur Guérin, nous comptons sur vous. Nous avons besoin de toute l'aide des autorités de Marbrume pour une telle affaire !

- Bien sûr. Cela ne fait aucun de doute, sire. Permettez que... Que j'approche ?
- Oui, faites.

Le prévôt s'avança, en faisant un signe aux sergents derrière lui, pour qu'ils ne le suivent pas. L'intendant local décida de s'improviser enquêteur, et, s'armant de tout le courage et de la volonté qu'il pouvait réunir, décida de s'approcher. D'observer le corps. De... De regarder le massacre.
C'est encore pire de près qu'à quelques mètres de là. Bon sang...
Simon le suivi. Pas son frère le curé, qui lui restait encore en arrière, tremblant, et décida de se rendre utile en s'approchant des deux paysans pour les réconforter, et peut-être subtilement les interroger, chercher à obtenir des détails, de comment ils étaient tombés là-dessus, s'ils avaient vu quoi que ce soit de suspect.
Le seigneur de Flocques bouillonnait de rage. Peut-être était-ce parce qu'il avait une jeune fille, et qu'elle ressemblait à la pauvre victime du démon. Il s'imagina, un moment, cette pauvre gamine, cette petite paysanne être violée, hurlant d'un cri fluet et terrifié avant qu'on la mette à mort de la plus atroce des manières... Il débordait de rage, de la rage qu'il avait envie de faire s'abattre, avec la vindicte propre à Rikni, sur le criminel à l'origine d'une si sordide affaire.
Étrangement, Guérin se montra plus... Froid. Peut-être qu'il encaissait le choc. Il s'agenouilla devant le corps, et regarda.
Dans le bois, on avait gravé des... Des choses. Des signes. Des signes religieux. Mais pas des énigmes d'érudits, des... Des bêtises que n'importe qui ayant assisté à une messe dans sa vie puisse comprendre. Guérin voulait graver cette scène. Il voulait la graver dans son esprit, chaque détail, chaque odeur, chaque indice, au plus profond de son esprit, afin de pouvoir mettre de l'ordre dans une telle investigation.

- Nous trouverons le coupable !
- Bien sûr, Simon... Mais j'ai bien peur que cette affaire soit plus qu'un simple meurtre...
- Sans déconner ? Putain, t'es un génie Guérin, répondit le seigneur avec un ton volontairement sarcastique.
- Tu m'as mal compris. Je veux dire... C'est pas juste de la sauvagerie, c'est... C'est plus que ça... C'est travaillé. Je... J'ai l'impression de voir... Une œuvre d'art.
- Hein ? Tu... Tu penses que c'est comparable à de l'art ?!
- Non, non, je veux dire... Je sens... Je sens que l'homme qui a commis ce meurtre, il a voulu faire passer un message. Ou, non. Je pense que c'est autre chose. C'est... Cathartique, c'est ça le mot que je cherche. Comme s'il... Voulait extérioriser un sentiment.

Toujours accroupi, ses genoux en l'air, le prévôt fit pivoter son corps, et ses yeux bleus se plantèrent vers ceux marrons du grand et fort seigneur de Flocques.

- Je pense que le tueur va recommencer, Simon.

*Oui je sais que personne a été crucifié dans la Trinité mais je savais pas quoi mettre à la place d'un signe de croix. Pardonnez-moi. Ou alors non, allez chercher le martinet, oh oui j'ai été très très vilaine...




Aujourd'hui.

- Ah ! L'enculé ! Ah ! Ah putain !


C'est par cet hurlement que le grand coutilier Raoul le Bretteur se fit soudain entendre. Lui qui d'habitude avait toujours une voix calme et douce, ce rugissement en plein dans la nuit noire de Marbrume avait eut de quoi alerter n'importe quel passant. Ou bien, plus simplement, sa subalterne Sydonnie, qui n'eut d'autre choix que de quitter l'endroit où elle se cacher pour aller rejoindre son patron.
Raoul et elle avaient pensé passer la nuit à faire la tâche qui leur avaient été donnée par leur sergent. Une tâche ingrate et dangereuse, mais nécessaire. C'est à dire : Patrouiller le bas-quartier, la nuit tombée, pour aller arrêter les marauds et les brigands des ruelles, pour essayer d'amener un peu de paix sociale dans cette immonde ruche sale et affamée. Une corvée, et le hurlement de Raoul avait été suffisant pour en convaincre la jeune milicienne.
En sprintant rejoindre son supérieur, elle le vit allongé dans la rue, mais celui-ci s'était aussitôt relever en se tenant le ventre. Dieux merci, il portait une jaque, un gros vêtement rembourré, qui l'avait empêché de se retrouver avec un acier lui lacérant le ventre. Mais le coutilier était enragé. Du haut de son mètre quatre-vingt-cinq, Raoul s'était empressé de tituber loin de la ruelle, victime de quelque chose à laquelle il n'était pas habituée : La peur. Oui, l'espace d'un instant, il avait eut peur de crever, la gueule ouverte, au milieu d'une rue mal famée, et tout ça à cause d'une erreur d'inattention. C'est uniquement en voyant Sydonnie courir vers lui qu'il se reprit soudain.
Le Bretteur était un bel homme, âgé de seulement dix-neuf-ans, avec une barbe très courte lui couvrant les joues et la mâchoire. Il n'avait pas du tout un physique de guerrier malgré sa grande taille, il était fin comme une allumette, il avait des épaules courtes, des joues creuses, et ses yeux verts étaient tout écarquillés, les pupilles dilatées, quand son regard rencontra celui d'une autre milicienne tout aussi jeune que lui.

- Sydonnie ! Je... Je me suis fait... Putain !


Il se dégagea la gorge dans un bruit audible avant de se retourner sur ses pas, et de sortir de son fourreau une épée courte, réglementaire pour le guet.

- Je me suis fait attaquer par nos deux brigands ! Ils sont partis là-bas ! Faut les rattraper avant qu'ils nous sèment !

Parce que oui. Ce n'était pas juste une patrouille au hasard dans les bas-quartiers, que Raoul et Sydonnie avaient fait. En réalité, la milice avait reçu le signalement de deux compères qui n'arrêtaient pas de sévir depuis maintenant deux semaines. Deux salopards, frangins, dont l'un était facilement reconnaissable à trois de ses doigts manquants. Ces deux voleurs, qui se jetaient sur les passants dans les coupes-gorges auraient pu rester une priorité secondaire pour la milice, si seulement ils n'avaient pas fait l'erreur de s'attaquer à un bourgeois très riche, qui avait décidé de rincer la milice de pots-de-vins pour qu'on appréhende les deux enflures plus rapidement. Sydonnie et Raoul avaient passé la semaine à enquêter, en contactant un vieil indic' de la milice, un vieux sans-domicile puant qui s'improvisait espion, et en allant faire des enquêtes de voisinage. Les deux flics avaient réussi à les identifier, deux anciens bûcherons reconvertis en brigands, mais ils ne voulaient pas les arrêter sans preuve. Ils voulaient tenter de les prendre en flagrant délit, pour que tout soit parfaitement confirmé et qu'on puisse les bannir tranquille.
Sauf que voilà. Raoul avait été trop gourmand, et voilà que maintenant sa jaque avait été trouée d'un coup de couteau.

- Je les ai vus ! J'te jure ! C'est Gerbert et Taurin, je les ai vus de mes propres yeux !


Maintenant, la question c'est si il allait réussi à les attraper à temps. Et ça... Ça c'était plus compliqué.
Après avoir franchi la ruelle, les deux miliciens se retrouvèrent dans une impasse. Tout autour d'eux, il y avait des portes, qui donnaient vers des maisons habitées. Certaines avaient un peu de lumière qui illuminaient les fenêtres sales, sûrement à cause de tout le bruit dans la rue. On entendait un chien qui aboyait, sûrement dans un coin. Impossible à savoir où.

- Putain... Putain, me dis pas qu'ils nous ont taillés !

Cela prendrait un temps fou à aller fouiller chacune des maisons, à aller réveiller les gens pour leur demander s'ils planquaient pas des bûcherons. Et pourtant... Pourtant... Le pot-de-vin ! Pensez au pot-de-vin !

- Bon. C'est pas grave... On sait où ils habitent, on connaît leur identité. Mais j'ai pas envie d'aller alerter le sergent, tu vois. Je préfère que ce soit nous qui les amenions en taule. Comme ça, c'est nous qu'allons toucher le pot-de-vin, tu comprends ?
Allez. Bougeons-nous. Ils ont ou bien fuis chez eux, ou bien à la taverne où ils ont l'habitude d'aller. Tu penses que c'est où le meilleur endroit pour les cueillir ?


En disant tout cela, il avait déjà fait demi-tour, pour quitter l'impasse. Et le chien qui n'arrêtait pas de hurler. Quel dommage... Peut-être en courant ils pouvaient les rattraper de l'autre côté ? Nan... Nan trop lent, trop long détour. Ce serait la merde. C'était pas une idée qui le plaisait, ou le mettait à l'aise, le Raoul. Il hésitait tout seul, hésitant, faisant la moue avec sa bouche.

- Bon. Tu sais quoi ? On va à la taverne direct. Si on les voit, tant mieux, on leur tabasse la gueule. Au pire, j'te paye un verre.
Cinq cent deniers ! Tu parles d'un pot-de-vin ! Le mec qu'ils ont volé doit vraiment avoir la haine ! Mais on mérite une telle récompense. Tu feras quoi, toi, avec cette somme ?


Le problème de Raoul, c'est qu'il aimait bien vendre la peau de l'ours avant même de l'avoir tué. Et puis il était bavard aussi. Cela l'empêchait pas d'être un mec sympathique, mais c'est juste qu'il était supportable à petites doses.
Les deux hommes de lois, qui devraient être en train de dormir au lieu de passer leur temps dans la nuit noire, décidèrent donc (Enfin... Raoul décida, surtout, en entraînant Sydonnie dans ses histoires), d'aller à une vieille taverne locale du Goulot. Une taverne sale, puante, ne servant que du mauvais alcool coupé à l'eau, ou à d'autres merveilles qui rendaient malade.

Ils étaient entrés en pleine nuit, alors que c'était bondé de gens, de poivrots habitués, d'ouvriers qui avaient terminé le travail, d'alcooliques qui traînaient au lieu de retourner à leurs familles. Le coutillier s'approcha du bar, où l'aubergiste était en train de servir des choppes. En le voyant arriver, il avait soupiré, et étendu ses mains. Le petit homme, un peu gros, avait une lèvre fendue et dégoulinant de sang.

- Vous encore ?! J'vous ai déjà tout dit !

- Du calme, aubergiste. On sait qui sont les deux truands qu'on cherche. On vient juste pour consommer.
- Ouais ! C'est ça ! Allez, buvez-vite et partez dans l'arrière-salle. Des miliciens qui traînent ici ça fait fuir la clientèle généralement !
- T'as qu'a avoir une clientèle plus honnête, Gérard. C'est à cause de ça que je te donne des coups de poing, moi.

Mais Sydonnie et Raoul obéirent. Ils embarquèrent leurs choppes mousseuses et allèrent plus loin, près d'une fenêtre, dans un coin, assis face à face pour boire.
D'où Sydonnie était, elle avait une vie parfaite vers la porte d'entrée, et les clients qui entraient. Mais pour l'instant, les flics se contentèrent de boire tranquillement, quand bien même ils étaient en service. Ou pas. C'était compliqué de savoir.

- Quelle nuit...
Je t'avoue un truc, Sydonnie. Maintenant que je suis au chaud... Au calme...
J'ai eut les jetons putain ! Ce sale bûcheron, il m'a planté un couteau en plein dans le ventre ! Je crois qu'il a failli me casser une côte !
Enfin... Maintenant on sait que c'est eux... On leur tombera facilement dessus. Ça va me faire du bien, une rentrée d'argent.


Et ils burent. Un verre. Puis, tapotant les doigts sur la vieille table mal faite, une ou deux échardes dépassant du bois, il leva son bras pour aller en commander un autre, au grand dam de l'aubergiste mal à l'aise. Et Raoul, qui se sentait obligé de faire la conversation, se mit à parler de tout et de rien, de matchs de soule, de sur quelle équipe il allait parier, de sa sœur qui arrêtait pas de se plaindre tout le temps et qu'il en avait marre...

- Faut dire, depuis qu'elle est veuve, c'est moi qui suit tout le temps obligé de m'occuper d'elle !
Toi, t'es pas mariée Sydonnie ? C'est bête. Tu devrais te trouver un mari plutôt que de te retrouver dans la boue, en pleine nuit...


C'est juste quand il avait terminé ce commentaire que la porte de l'auberge, grande ouverte, vit deux nouveaux clients arriver. Les deux bûcherons qui avaient attaqué Raoul, et celui-ci, qui leur faisait dos, ne les vit pas entrer et aller autre part, disparaissant au milieu des clients dans l'arrière-salle.

- 'Fin c'est vrai, quoi. Qu'est-ce que tu fous dans ce boulot ? Tu faisais quoi avant de porter une arme ?
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Gondemar RosalisMilicien
Gondemar Rosalis



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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptySam 30 Juil 2016 - 10:33
L'auberge n'était pas l'endroit le mieux famé des Bas-Quartiers, l'on pouvait même affirmer qu'ici on était assuré de trouver d'à peu près tout appartenant à la plèbe et au petit peuple de Marbrume. Ici point de grands seigneurs pour exiger quoi que ce soit, ni de bourgeois vous demandant de remplir tel ou tel office, rien que de pauvres hères aspirant à un peu de calme et de quiétude, d'oubli aussi, sans doute, surtout. Gondemar était arrivé peu après le premier passage des Miliciens, se déplaçant d'ombre en ombre pour dissimuler sa haute carcasse et pour éviter d'attirer l'attention sur lui. Une fois entré, il avait noté l'état du pauvre aubergiste et lui avait tout naturellement demandé qui étaient les responsables de son état, étant plus ou moins un habitué de l'endroit où il venait depuis près d'un an maintenant, occasionnellement. Savoir que des Miliciens s'adonnaient à ce genre de pratique ne l'avait étonné qu'à moitié car, selon sur qui l'on tombait, l'on pouvait avoir de graves ennuis, tout dépendant de l'homme d'arme que l'on avait en face de soi. Commandant une grande choppe de bière brassée qu'il avait payé comptant sans attendre, l'ancien soldat de l'armée royale avait choisit de s'installer à une table un peu à l'écart, dos au mur, le regard embrassant la salle en une fois ou peu s'en fallait, lui permettant de surveiller à la fois la porte d'entrée et le comptoir du tenancier. On était jamais trop prudent.

Le temps passa tranquillement, Gondemar savourant la bière fraiche dont la taille de la choppe correspondait fort bien à son gabarit, lui permettant de ne point la finir trop vite, mais l'ouverture de la porte constitua en soi un intérêt partiel, comme toujours dans ce genre d'endroit... Jusqu'à-ce qu'il identifie clairement deux Miliciens, en mission ou non peu importait. A leur seule vue, l'aubergiste sembla se mettre sur la défensive et l'ancien soldat fronça les sourcils, se redressant sur sa chaise, déjà prêt à se lever s'il devait y avoir encore quelque problème sans que l'homme n'eut rien fait de mal, si ce n'est garder son commerce ouvert à une heure fort tardive. Lui parvinrent seulement des bribes d'informations au milieu des paroles échangées, lesquelles n'étaient pas toutes dit sur le même ton, si bien que lorsque le "client" repartit avec sa commande, Gondemar se rasséréna et s'appuya de nouveau confortablement contre le dossier de sa chaise. Allons bon, voilà autre chose, des Miliciens qui picolent pendant leur temps de travail. A moins qu'ils n'aient terminé ? Auquel cas l'homme de haute taille pouvait comprendre qu'on veuille se détendre un peu, fut-ce culotté que de le faire à l'endroit même d'un tenancier qu'on avait malmené l'instant précédant. Le fond de la salle avait ceci que, hormis donner sur l'arrière-salle, l'on y était fort aise et souvent tranquille, tout du moins jusqu'à-ce que la porte de l'endroit -décidément fort fréquenté cette nuit- ne s'ouvre à nouveau sur deux hommes ayant davantage l'air de brutes que d'honnêtes travailleurs. Ceux-ci ne s'arrêtèrent même pas pour s'attarder sur les gens présents et foncèrent droit vers l'arrière-salle, faisant hausser un sourcil intrigué à Gondemar qui trouvait tout cela de plus en plus anormal. Quand on avait grandit dans la rue, il était des choses que l'on repérait plus ou moins vite et, bien qu'il n'y soit plus, il y évoluait encore pour son travail et tout ceci ne lui disait rien qui vaille.
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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyDim 31 Juil 2016 - 0:27

Catharsis.


Encore une nouvelle soirée à fréquenter les bas quartiers, à croire que le lieu était devenu ma seconde maison. A force de patrouiller de nuit, je commençais à connaitre l'endroit par cœur. J'étais capable de visualiser chaque ruelle, chaque petit recoin sans la moindre hésitation. Après plusieurs nuits, la fatigue commençait à se lire sur les traits de mon visage, des poches avaient vu le jour sous mes yeux bleus et je faisais souvent preuve d'impatience. Ce soir, j'étais de mission avec Raoul, un coutilier, appelé aussi Le Bretteur. Le jeune homme était bavard, trop même, un maître dans la discipline de la discussion inutile. Afin, d'éviter ce vice, j'avais proposé une séparation pour « parcourir la zone plus rapidement », sans vraiment trop s'éloigner l'un de l'autre, évidemment. Nous n'étions pas là pour disparaître définitivement de la ville, mais bien pour améliorer la condition de celle-ci. Mes pas étaient lents, ma motivation se laissait même affaiblir par mon envie de sommeil de plus en plus prenant. C'est un hurlement qui me remit les idées en place, ou plutôt qui m'interpella vivement, si bien que sans réfléchir je me suis précipitée dans la direction de la voix que j'avais parfaitement reconnue. Raoul. Qu'est-ce qu'il avait bien encore pu faire ? J'ai stoppé ma course a quelques mètres de lui, reprenant doucement ma respiration, les mains sur les cuisses. Allongé sur le sol, le bretteur n'avait pas fière allure, mais était visiblement entier. Il pestait déjà, tout en se relevant, tâchant de faire bonne figure devant mon regard interrogateur. J'avais rapidement anéantis la distance qui nous séparait encore, entrouvrant les lèvres pour lui demander si il allait bien, quand il reprit la parole, plus en rogne que jamais. Ses pupilles étaient dilatées, certainement dû à la colère. « Sydonnie ! Je... Je me suis fait... Putain ! » J'hausse un sourcil, attendant sagement la suite. Mon patron se racle la gorge, avant de reprendre la parole, déterminé à terminer sa phrase. « Je me suis fait attaquer par nos deux brigands ! Ils sont partis là-bas ! Faut les rattraper avant qu'ils nous sèment ! » J'hausse le second sourcil tout en le regardant d'un air perplexe. Il dégaine son arme, alliant le mouvement à la parole.


- « Je les ai vus ! J'te jure ! C'est Gerbert et Taurin, je les ai vus de mes propres yeux ! »
- « J’te crois, Raoul, j’te crois… Faut juste retrouver les deux frangins maintenant. »

Pas le temps d’attendre une réponse, qu’on se retrouve déjà à la poursuite des deux brigands. Ma condition physique me permet de ne pas être trop fatiguée. Je ralentie rapidement quand je m’aperçois qu’on se retrouve dans une impasse. Fais chier. Je me surprends à lâcher une insulte à voix haute, avisant de nouveau Le Bretteur. Un chien ne cesse d’aboyer et je ne peux cesser d’imaginer que c’est le duo qui a forcément dû l’exciter. Le lieu est tellement étroit que les hurlements du clébard ne font que s’accentuer, raisonnant à tous les coins, impossible donc de le situer. Fais doublement chier. Je tourne sur moi-même, observant attentivement notre environnement, porte close, lumière à quelques habitations, certainement dû au brouhaha que nous provoquons. Je stoppe le moindre de mes mouvements, ferme les yeux, tente de m’imprégner du lieu à la recherche du moindre indice, mais Raoul semble avoir autre chose en tête. [color=#66cc33]« Putain... Putain, ne me dis pas qu'ils nous ont taillés ! »Bien observé. Je pivote pour faire face à mon collègue et l'avise de mes deux perles bleutées. Maintenant qu'il est lancé, c'est foutu. Et je ne crois pas si bien dire, Raoul se lance dans un jeu de questions/réponses sans même me laisser le temps d'en placer une. « […] Bon. Tu sais quoi ? On va à la taverne direct. […] Au pire, j'te paye un verre. […] Cinq cent deniers […] Tu feras quoi, toi, avec cette somme ? » . J'ai haussé un sourcil, puis le deuxième dans la foulée, me demandant s'il était sérieux, si nous en étions vraiment là. Évidemment que la milice ne roulait pas sur l'or, que sans l'aide financière de ma mère, je pourrais à peine m'offrir de quoi me sustenter. Mais quoi, le besoin de justice ne prédomine pas ? J'ai eu envie de rire, me haïssant de mon égoïsme, peut-être que Raoul aurait apprécié mon ironie ? Qui sait.

- « Si tu veux bien, je vais attendre d’avoir l’argent dans la poche avant de me prononcer. Du moins, si on en voit déjà la couleur. Va pour le verre, quoi que là-bas, y a tellement de flotte pour couper les alcools que j’peux même pas dire que ça va me réveiller. »

De toute façon, je n’ai pas vraiment eu le choix. Raoul était un expert dans deux choses, l’art du blabla inutile et l’art d’imposer ses idées. Attention, je ne dis pas que c’est une mauvaise personne, un mauvais bougre, non, loin de là. C’est juste qu’il espère tellement avoir l’argent, qu’il en oubli parfois la logique des choses… Cela ne va pas être aussi simple. J’ai bien envie de le secouer, mais je ne fais rien, je me contente de le suivre, en m’enfermant de nouveau dans mon silence. Heureusement pour moi, il parle pour deux. On passe rapidement le seuil de la porte de la taverne. Même ambiance que la fois où j’étais venue avec Dante, l’odeur ravive des souvenirs douloureux et je me sens dans l’obligation de secouer la tête de droite à gauche pour reprendre mes esprits. Le tavernier n’a franchement pas l’air ravis de nous recevoir et pour cause, Raoul a pris l’habitude de le secouer un peu pour avoir des informations. Moi, je me contente de rester silencieuse, comme toujours, au fond. J’écoute la conversation d’une oreille distraite, dos au comptoir afin de pouvoir survoler les personnes installées, des alcooliques, des ouvriers venant de terminer la journée cherchant à souffler un peu, des mercenaires à la recherche de contrats juteux, des femmes de joies…Rien de nouveau en somme. Je finie par me retourner, récupérant la chope bien mousseuse servie par le brave Gérard. Je lui lance un regard froid, il déconne quand même, plus y a de mousse, moins y a de liquide. Je lâche un genre de grognement avant de me diriger vers l'arrière salle. Je n'ai pas envie de faire d'histoire, pas ce soir…Raoul, lui ? Allez savoir. Je m'installe côté fenêtre, les yeux rivés sur la porte, j'entends un mot sur deux du monologue de mon compère, à croire qu'il ne s'arrête jamais lui, il doit avoir salive illimitée. « […]nuit […] une côte[…] rentrer d'argent[…] ». J'ai affiché un sourire, taquine, lui lançant un petit pique.

- « Si tu ne dépensais pas tout dans les jolies femmes aussi. Tu n’aurais peut-être pas besoin de plus de fric. Allez, ne te mine pas, tu dois être bien vu par nos dieux si tu es encore en vie. A la tienne. »

Je lève ma chope, la portant à mes lèvres, buvant une fine gorgée. J’ai envie de savourer pour une fois. J’ai lâché la porte du regard, pour reporter mon attention sur mon collègue qui était de nouveau reparti dans ses jérémiades. « Toi, t'es pas mariée Sydonnie ? C'est bête. Tu devrais te trouver un mari plutôt que de te retrouver dans la boue, en pleine nuit... ». J’ai froncé les sourcils un instant, prête à lui dire de s’occuper de son gros cul avant de me raviser finissant par simplement hausser les épaules :

- « Peut-être que j’aime bien la boue, qui sait. »

Je reporte mon attention sur la porte, penchant légèrement la tête sur le côté. Tiens, tiens, peut-être que les divinités sont vraiment de notre côté finalement. J’ai affiché un sourire, coupant directement Raoul dans sa lancé. Pour le coup, je suis bien contente du revirement de situations, parce que franchement poursuivre le dialogue avec Raoul, non merci.

- « Je pense que tu vas rapidement t’en moquer de ma vie. Tes bûcherons, ils sont juste là, au milieu de la salle, entourés ou plutôt dissimulés par les clients. Comment tu veux procéder, alors ? »

Je penche un peu plus la tête, juste de quoi bien observer, je n'ai pas vraiment perdu les types de vus, mais je peux pas non plus dire avec exactitude où ils trouvent. Je fronce le nez, légèrement contrariée. Je sens que Raoul va se lever, tout renverser et foncer comme un abruti de première, directement dans la gueule du loup. Je vérifie ma lame d'un coup d'œil rapide, prête au cas où.

- « Regarde-moi, fonce pas dans le tas. D'abord, tu m'exprimes ce que tu veux faire et ensuite on y va calmement. »

Ou pas… Je ne le sentais pas, mais alors pas du tout le coup-là.




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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyDim 31 Juil 2016 - 16:14
Raoul aimait bien Sydonnie. Bien qu'il était de fait son supérieur hiérarchique, il n'avait jamais pris son rang de coutillier avec une sévérité excessive. Les hommes d'armes n'étaient pas obsédés par les codes et les rangs militaires, et le fait qu'elle n'hésite pas à le chambrer était très encourageant. Il souriait, un sourire doux, en coin, alors qu'il terminait sa choppe débordante de bière mousseuse, lui chauffant un petit peu la gorge avec cette mélasse amère et légèrement alcoolisée.

- Rah, j'aimerai bien dépenser ma solde dans les jolies filles, t'sais... Mais j'ai plus que ça à faire aujourd'hui. Les pièces que je touche c'est tout juste de quoi me nourrir, moi, ma sœur et mes neveux. À une époque j'avais une fiancée, mais... Bah... La Fange t'sais.
Bref.


Il termina tout le verre, et était disposé à en commander à nouveau, quand sa collègue lui indiqua que les suspects venaient d'entrer dans le bâtiment. Il s'était très discrètement retourné, pour observer de ses yeux les deux grands brigands qui s'engouffraient plus loin dans la taverne.
Heureusement, la voix de la milicienne l'empêcha de se replier sur ses instincts pour aller les attaquer. Il gonfla ses joues et tapota la table, réfléchissant intérieurement à un plan, à un moyen d'action.

- Je... Heu...
Je vais être honnête avec toi.
J'ai aucune idée de comment procéder.


Il dit ça le plus honnêtement du monde, en la regardant directement dans ses yeux bleus. Un blanc s'installa un moment, quelques secondes, avant qu'il ne soupire.

- En tout cas j'ai pas du tout envie de commencer une bagarre de taverne, ça c'est sûr. Ce serait bête, en plus, qu'ils s'échappent alors qu'on démolis tout ici.
Nan, nan... Je... Faut qu'on fasse ça de façon plus intelligente. Mais moi ça va être compliqué, ils connaissent ma tête, puis t'as vu comment on est fringués ? Avec nos armures et les couleurs de la ville sur nos jaques. Direct ils vont nous voir ils vont s'échapper.
Je... Je crois que j'ai une idée.


Il renifla un moment, poussa sa choppe, et utilisa ses doigts pour mimer, sur la table en bois pourri, son plan. C'était pas ultra clair vu comment il arrêtait pas de bouger ses mains dans tous les sens, mais au moins, son explication orale compensait.

- C'est tout simple. L'aubergiste il les connaît nos deux gredins. Alors imagine, on va dehors, on attend, pis on demande au patron d'aller les voir et de le dire : « Il y a la milice qui arrive, vous devriez partir, prenez la porte de derrière ».
Et nous bah voilà on attend derrière la porte de derrière et on leur tombe dessus. On prend chacun un gourdin, on les assommes direct, aucun problème.


Son sourire grandit. Cette fois-ci il était franc, et montrait bien ses grandes dents droites mais légèrement jaunâtres, on aurait dit un enfant qui venait de trouver un complot pour voler les bonbons de la cuisine. Il se leva discrètement de la table et fit un signe très discret à Sydonnie, lui indiquant la sortie dérobée, pour qu'elle aille se mettre en embuscade. Maintenant, Raoul put s'approcher du taulier qui se trouvait derrière le comptoir.

- Hey, Gérard... J'ai un service à te demander.
- Va te faire mettre, Raoul !
- Je suppose que t'as vu mes deux amis entrer, ouais...
- Ouais.
- Tu vas leur dire que la milice arrive et tu vas leur proposer de sortir par la porte de derrière.
- Et si j'le fais pas ?
- Bah sinon je vais les arrêter où ils s’assoient et ça va dégénérer en putain de bagarre de taverne ! Ta taverne !

Le plan de Raoul était d'une simplicité remarquable. Un enfant de huit ans aurait pu prévoir une telle idée. Mais l'important c'était le résultat, pourquoi faire compliqué quand on pouvait faire simple ?
Il s'éloigna par la porte de derrière, comme prévu, tandis que Gérard alla parler aux deux frangins recherchés pour plusieurs méfaits. Le coutiller alla dans l'obscurité et la fraîcheur du dehors, retrouver sa collègue. Il lui donna une petite tape dans le dos avant d'indiquer une ruelle adjacente.

- Viens... Ici, ce sera parfait.

C'était trop marrant. Pour capturer des brigands ils faisaient les mêmes tactiques que les brigands. Au bout de deux minutes, en effet, les deux bûcherons se montrèrent. Ils sortirent en trottinant par la porte de derrière, inquiets, blancs, se parlant entre eux. L'un d'eux était terrifié à l'idée que la milice connaisse leurs identités, mais son frangin, plus vieux, le guida en le poussant avec vigueur. Sa main était clairement reconnaissable : Il lui manquait des doigts.
Ils s'approchèrent dans la ruelle, plongée dans le noir. Sitôt qu'ils y entrèrent, Raoul sorti de sa cachette, levant un gourdin en l'air, et l'abattit sur le plus grand, qui s'écrasa net comme un sac.

- Milice de Marbrume ! Vous !

Le frère en revanche, ne semblait pas du tout avoir envie de rester là. Il chargea comme un buffle. Il se jeta sur le corps de Raoul et le souleva en l'air, comme s'il était à un match de rugby. Le coutillier vola en l'air et passa au-dessus du bûcheron, s'écrasant sur le pavé, en plein sur le dos. Sydonnie n'eut même pas le temps de réagir, que le brigand Taurin fonçait hors de la ruelle pour continuer dans le bas-quartier.

- Le laisse pas filer ! Poursuis-le !

Deuxième course-poursuite de la nuit. Sydonnie s'exécuta, tandis que pendant ce temps, Raoul se releva et alla coller sa botte sur le visage de Gerbert afin qu'il ne tente pas de se relever. Il commença à le séquestrer en lui faisant une prise de lutte, se débrouillant pour qu'il ne se fasse pas la malle pendant que sa collègue tente de mettre la main sur son frangin.
Surtout que maintenant, nul doute que Taurin n'irait pas retourner chez lui. Il se savait suivi. S'il voulait pas être banni, il lui faudrait terminer de vivre sa vie caché.

Mais c'était la nuit, et la course poursuite était facile. Il y avait pas de foule compacte, pas d'étals de marchands, pas de tas de gens qui servaient d'obstacles. Rien, juste des rues vides et sales, larges, entre les maisons insalubres de bois, rien que l'écho des pas rapides du flic et du bandit. Et cette fois-ci, aucun moyen pour que Taurin trouve un moyen surnaturel de disparaître, de se volatiliser avec le vent. Il prit un virage vers une autre rue, et Sydonnie put aisément le suivre en sprintant au détour.

Taurin entra dans un coupe-gorge, l'une de ces vieilles ruelles étroites où il avait l'habitude d'attendre en aiguisant son couteau, pour se jeter sur un imprudent. Il les connaissait pas par cœur, les coupes-gorges, parce que voilà qu'il était tombé sur une impasse. Et aucun moyen pour lui de fuir. La milicienne retira lentement son arme de son fourreau, et s'apprêta à menacer l'imprudent. Celui-ci se jeta vers un mur et tenta de l'escalader, en gémissant, en tentant de prendre de l'élan.
Bien sûr, la femme pouvait facilement tenter de le poursuivre, de continuer cette course, mais quelque chose dans l'impasse l'arrêta net.

Il y avait un homme à genoux, nus, les bras enroulés autour d'un tronc d'arbre fané à la souche de bois pourrie. Sur le dos de cette homme, du sang coagulé, brunâtre, et des inscriptions taillées au couteau, des figures, des symboles, comme de la gravure sur bois, qui lui avait lacéré la peau. Sur ses tempes, quelque chose d'enfoncé... Des branches. Deux branches d'arbre, petites et irrégulières.
En voyant ce corps, placé dans une mise en scène macabre, une seule image peut venir : Serus. Le Dieu-Cerf. C'était lui qu'on avait tenté d'imiter.

On entendit un homme s'approcher en courant, essoufflé, ses pas faisant écho sur le pavé. Il fonça en glissant, et posa ses mains sur Sydonnie.

- Alors ! Il est passé où ?!


C'était que Raoul, heureusement. Et il aperçut vite le corps attaché à l'arbre.

- Bon sang, mais...
C'est... C'est quoi ce truc ?!
Putain c'est quoi ça ?!


Il semblait particulièrement paniqué et excité. Il ne s'occupait même plus de Taurin. Qu'est-ce qu'était un petit truand face... Face à ça ?!

- Putain ! Putain on fait quoi ?! C'est quoi cette chose ?!
Bordel !
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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyLun 1 Aoû 2016 - 21:07

Catharsis.


La fange revenait toujours dans les conversations, d’une façon ou d’une autre, elle était toujours là. En même temps, il était difficile de l’oublier, responsable d’autant de souffrances, de pertes. Je me suis mordue la lèvre inférieure, balayant d’un geste de la main, mes pensées négatives. J’étais certaine qu’il y avait une raison à tout ceci. Les divinités ne peuvent pas non abandonner, nous laisser subir autant de mal être, sans aucune raison. Afin d’éviter de prendre la parole et donc de dévoiler ma sensibilité, j’ai terminé ma chope avec rapidité. Le goût n’était pas subtil pour un rond, l’alcool était coupé à l’eau, comme d’habitude finalement. J’ai déposé de nouveau mes yeux clairs sur la porte d’entrée, la surveillant avec un intérêt à peine dissimulé. En y réfléchissant, une petite somme en plus de ma maigre paye ne pouvait pas être de trop. Mes deux prunelles se sont soudainement écarquillées sur la surprise, si je m’attendais à avoir un peu de chance ce soir, je ne m’attendais certainement pas à tant. Je me suis mise à faire un signe de tête en direction de la porte, histoire de faire comprendre à Raoul que les deux oiseaux venaient de rentrer dans le nid. Pas certaine qu’il est vraiment compris l’indication, je me suis sentie obligée de joindre la parole aux actes, expliquant que les deux frangins étaient là, mais qu’il ne fallait pas foncer sans réfléchir.

Mon collègue exprima avec la plus grande honnêteté du monde, son manque d'idée et pour le coup, je n'étais pas prête à prendre de décision à sa place. Je n'étais qu'une pauvre soldat, il ne fallait pas l'oublier. J'ai laissé un silence s'installer, le temps pour mon coéquipier de faire un tri dans les différentes possibilités. Il brisa rapidement le silence, refaisant un point d'une logique imparable. Ne pas provoquer de bagarre de tavernes, risques que les deux bougres se fassent la malle, inutile de tout casser pour rien. Mh-mh. J'opine simplement, sans perdre de vu les deux types, une chose devient certain, il va falloir prendre une décision et plus vite que ça. Raoul prit enfin les choses en main, faisant de la place sur la table de façon à pouvoir mimer le plan de manière explicite -ou pas- heureusement qu'il prenait la peine de joindre le geste à la parole. Je suis ses mouvements du regard, d'un œil interrogateur, est-ce qu'il a conscience que tout n'est pas aussi clair que ce qu'il souhaite ? Je ne crois pas, tant pis, j'ai compris l'essentiel… Du moins je crois. Je me lève, faisant un nouveau signe de la tête à mon supérieur, je prends la sortie de derrière, attendant sagement l'arrivée de mon boss. Le plan est simple -du moins ce que j'ai compris-, mais pour qu'il fonctionne, il faut que le patron de l'établissement nous file un coup de main et ça, ce n'est pas gagné.


Raoul arrive enfin, m'offrant une petite tape sur l'épaule. Le geste me fait sourire, pour une fois qu'un homme me traite en son égale, je ne vais pas m'en plaindre. Il me propose d'aller dans une petite ruelle plus sombre, plus discrète, je le suis sans rien rajouter, visiblement concentrée. Je ne veux pas la louper cette mission, non. J'ai même l'impression que la récompense nous tends les bras, pour une fois qu'une sortie se passe convenablement, il ne faut pas s'en plaindre ou trop réfléchir, mais profiter. Les deux hommes ne tardèrent pas à faire leur apparition. Raoul certainement motivé par l'appel du gain, dégaina le gourdin dans une vivacité que je ne lui connaissais pas, assommant l'un des deux, sans qu'il n'est le temps de réagir. Le second chargea mon coéquipier, l'envoyant valdinguer un peu plus loin avant de prendre la fuite. Merde. Putain. J'avise mon partenaire vérifiant qu'il va bien, avant de partir en courant à la poursuite de l'individu.

- « Milice, arrêtez-vous ! » hurlais-je.

Evidemment, il était fort probable qu'après tout ça, le type s'arrête net pour venir se rendre. Même dans mes rêves les plus fous, les arrestations ne se déroulaient pas comme ça. Heureusement pour moi, j'étais sportive et je pouvais tenir un temps plus que convenable en courant. J'ai accéléré mon rythme, rattrapant sans trop grande difficulté le suspect. « MILICE » Hurlais-je, une nouvelle fois, pour le principe. Il tourne dans une ruelle, un coupe gorge, pas d'obstacle rien, je l'avais suivi sans faire plus d'effort avant de ralentir ma course. Il était à moi, lui son frère, la récompense. On allait avoir de l'argent à dépenser, de quoi mettre un peu de beurre dans les épinards, oui je m'y voyais déjà… L'homme gémissait essayer lamentablement d'escalader le mur. Sans attendre, je dégaine ma lame, m'avance davantage.

- « Stop, vous êtes en état d'arrestation et autant vous dire que - »


Je range ma lame dans son fourreau, écarquillant les yeux. Un frisson désagréable me parcourt le corps, j'ai froid, ma pâleur s'accentue elle aussi. Qu'est-ce… Je ne sais pas si l'homme est encore là et au fond je m'en fiche, mes yeux fixe un endroit précis alors que des hauts le cœur me prennent. Je crois que je vais vomir. Par réflexe je porte une main à mes lèvres, détournant enfin le regard, tout en ayant l'impression d'être encore en train d'observer la scène. Un homme est au sol, enlaçant une vieille souche de bois, des branches sont enfoncées sur ses tempes, des symboles gravés dans son dos, le sang est coagulé, l'odeur atroce. J'ai un mouvement de recul, l'image de Serus me hante déjà. Je fais un mauvais rêve, cela ne peut pas être possible… J'entends soudainement une voix familière, mais je ne parviens pas à répondre ou à détourner une nouvelle fois mon regard de la mise en scène. Mes lèvres s'entrouvrent, laissant entendre une respiration haletante. Mon rythme cardiaque bat à la hausse, je me sens soudainement mal, vraiment mal.

- « Raoul… C'est… C'est.. Tu vois ce que je vois ?! »

Drôle de question, mais j'ai l'impression d'être de nouveau sous l'effet d'une drogue. Cela ne peut pas être réel. Je lance un regard perplexe à mon collègue, sa réaction m'offre confirmation. Putain de bordel de merde.

- « C'est un malade… Un malade qui a dû faire ça…. Imiter une divinité comme ça. Comment ça qu'est-ce qu'on fait ? Il faut prévenir le sergent. Même pas besoin de réfléchir, ça nous dépasse tout ça ! »

Je me rapproche de la scène, d'un pas particulièrement incertain. Tourne autour du macchabé si c'est possible, à la recherche d'indice plus solide, que la gerbe qui progresse dans ma gorge. Je n'arrive pas à observer de la bonne manière, je reste obsédée par les branches, la position, le sang, l'odeur… Il faut dire que c'est la première fois que je vois un truc aussi… Aussi… Enfin. Bref.

- « Il faut se renseigner. Savoir s'il y a des témoins. Tu vois un truc particulier autre que la mise en scène ? »

Finalement, à force d’observer je crois que je commence à m’habituer, enfin presque. La vue est toujours insoutenable, l’odeur ignoble, mais la curiosité vient de prendre le dessus sur le dégoût. Je m’arrête observant un long moment Raoul.


- « Bon, qu’est-ce qu’on fait ? Qui va prévenir le sergent ? Qui fait le tour pour chercher des témoins ?! Est-ce qu’on laisse le corps comme ça ?»


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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyMer 3 Aoû 2016 - 15:59
Deux semaines plus tôt.

- Soldat Barral Trell ! Soldat ! Au temps !
- Qu'est-ce qu'il nous veut encore ?

Que le marais puait. Que le marais était flippant. Qu'il était atroce de patrouiller dans cet endroit où la fange se faisait maîtresse.
Mais inutile de partir dans des descriptions remplies d'hyperboles et de détails. Depuis le temps que la cité de Marbrume est envahie de morts-vivants vous devez avoir compris que personne n'aime le marais. On aurait dit les portes de l'Enfer, un avant-goût de la punition divine qu'Anür réservait aux pécheurs.
Or, le pire, c'est qu'à force, les miliciens s'y habituaient, à ces marais. Aussi, nous étions en plein jour, le soleil brûlant à son zénith, sans aucun nuage dans le ciel (Qu'est-ce que l'été était une bonne saison...) et les hommes d'armes craignaient moins de tomber sur une bête mutante prête à les lacérer.
« Moins » ne voulant bien sûr pas dire « pas ». Mais qu'importe.

Barral Trell se retrouvait à nouveau, milicien oblige, dans ces marais. À force il devait avoir l'habitude. La troupe qu'il se retrouvait à accompagner était une petite lance fournie faite de 6 hommes armés, lui comprit. La mission d'aujourd'hui n'ayant rien d'une aventure incroyable, pour changer. En fait, l'exposé était même bizarre. On leur avait dit qu'il y avait un vieux monastère, dans la périphérie de Marbrume, et que le Temple aimerait bien qu'on aille dedans pour aller récupérer des livres et des artefacts d'avant-fange. Le monastère n'était pas du tout loin, mais pendant toutes ces semaines et ces mois, personne n'avait jugé bon d'y aller. C'est qu'il y avait plus important à faire pour sauver la ville que d'aller chercher des vieux livres. Mais avec la reconquête du plateau du Labret, peut-être qu'on avait jugé qu'il serait bon d'aller voir qu'est-ce qu'il y a dans cette abbaye.
De toute façon, la plupart des monastères ont des murs en pierre, comme des maisons fortes de chevaliers. Alors c'est pas comme s'ils risquaient de tomber sur un lieu infesté de fangeux.
En théorie.

- Soldat Barral Trell !
- Quoi, vous lui voulez quoi bordel ?!
- C'est pas à toi que je cause.
- Pfft !

Le compagnon de Barral, c'était un vieux monsieur qui avait déjà la cinquantaine. Étienne Marcel il s'appelait. Normalement, un vieux comme lui devrait être peinard dans sa chaumière, mais il y a la Fange. En ce moment, il est debout, le pantalon descendu aux cuisses, et il fait dos à Barral. C'est que le vieux essaye de pisser, mais c'est toujours compliqué de se forcer. Il gémit un peu tout en se concentrant avec toute la vigueur de son vieil âge, pour tenter de voir la sainte-urine enfin sortir de son pénis.
C'est ainsi qu'il ne réagit presque pas lorsque le coutillier s'approcha dans son dos, voir Barral et Étienne réunis sous la végétation.

- Vous foutez quoi ?! On se bouge, le monastère est tout proche !
- Aye, on arrive...
- Soldat Trell ! Cela fait cinq minutes que je vous appelle, pourquoi n'êtes vous pas arrivé au galop ?!
- Le gamin me couvre pendant que j'pisse. Imagine qu'un fangeux se ramène et me croque la bite !
- Je dirige cette expédition, vous êtes sous mes ordres ! Le soldat Trell est demandé à l'avant-garde, pas en tant que dame-pipi !
- Arh !

Étienne se mit à gémir de plaisir. Enfin il pissait. Un liquide clair et transparent s'écoulait d'entre les jambes, sous le regard médusé du coutillier, Pierre Roux. Parce qu'il était roux, aux cheveux très courts, à la petite stature et au jeune âge. Il se mit à soupirer avant de faire un large signe de tête à Barral.

- Sors-toi les doigts du derche et magne.


Oui, il était brut de décoffrage, Pierre Roux. Pourtant, il n'y avait pas de haine dans sa voix. Il semblait juste... Fatigué.
Le soldat Marcel termina sa vidange avant de s'empresser de remonter son froc, et de courir pour rejoindre Barral. Ainsi, les trois continuèrent, jusqu'à revenir sur le chemin détrempé et leurs trois autres collègues, qui étaient patiemment réunis autour du seul animal qu'ils disposaient pour mener à bien leur mission : Un âne. Oui, ce n'était pas un grand et beau cheval, certes, mais c'était une bête de somme qui pouvait porter plein de bagages sans broncher, alors cet âne, qu'on avait affectueusement surnommé « Trot-trot », était devenue une vraie mascotte pour le petit groupe de miliciens.

- C'est bon, on peut partir chef ?
- Oui. Allons-y, la pause est finie.

Il y avait Martin Durand, Jérôme le Tourrain, et Barnabé Casse-Dents. Tous trois étaient à une époque de solides gaillards, mais aujourd'hui, ils affichaient de clairs signes de malnutrition, avec leurs joues creuses et leurs yeux entourés de cernes. Fatigue morale, fatigue physique, peur omniprésente, perte d'êtres chers... Le quotidien de ces soldats n'était vraiment pas de tout repos.
Aussi, pour une fois qu'une mission n'était pas compliquée, ou que du moins elle ne consistait pas à se trimballer au milieu d'un marais puant à l'eau croupie et envahi de moustiques, ils n'hésitaient pas à se détendre, à ne plus être sur leurs gardes, du moins pas autant qu'habituellement.

Martin donna une petite tape à Trot-trot, pour qu'il avance.

- C'est qui le mignon petit âne à son papa ? C'est toi !
- C'est vrai qu'il est mignon Trot-trot, mais qu'est-ce qu'il est sale...
- J'ai entendu une histoire la semaine dernière. Y avait un chevalier il s'était arrêté au hérisson mélomane boire un coup, et il avait laissé son cheval attaché dehors.
Quand il est sorti, il a plus trouvé son cheval, cambriolé.
La bête a fini en petits morceaux, débité, pour être vendu au marché noir.

- C'est bon la viande de cheval ?
- Non, c'est dégueulasse. Mais quand on a faim...
Il y a un mois j'avais tellement la dalle j'ai mangé un chat. C'est André, il était de garde à l'Esplanade, chez les nobles, il a vu que le vicomte chez qui il était il avait tout un tas d'animaux de compagnies, des fouines, des cochons d'indes, des matous... Il en a prit un sous le manteau. On se l'est partagé à deux.


Pierre Roux agita la tête de bas en haut, pour acquiescer. Qu'importe.

Et alors on marchand. Quinze minutes, avec l'âne qui faisait « hiii-haaan » de temps en temps. Les miliciens parlaient un peu entre eux, le ton était assez décontracté, et le soleil les réchauffaient. Tout allait bien se passer.

Enfin, l'abbaye fut visible.

Spoiler:

Une petite bâtisse de pierre, pas extrêmement large, on était loin d'un palais ou d'un château-fort gardé de partout. L'âne et les miliciens s'approchaient de la porterie. Il fut un temps où les pèlerins, ou juste les voyageurs, venaient ici pour loger, le temps d'une nuit, en sécurité, avant de repartir vers leur chemin. Un tout petit bâtiment en pierre et deux larges portes en bois bloquaient l'entrée.

- Ne vous inquiétez pas. Le Temple m'a remit les clés du monastère.

- Cool !

Ainsi on ouvrit les deux lourdes portes, en faisant extrêmement attention. On entra à l'intérieur, et on ferma derrière, pour bien s'assurer que des fangeux pointent pas le bout de leur museau.
L'abbaye n'était pas cernée par une muraille. Mais elle était constituée de bâtiments en pierre lourde et se trouvait tout près d'un petit lac. Il était donc logique de penser que l'endroit n'avait pas encore été envahi par les monstres.

- Bien. Nous y voilà.
Faut qu'on aille dans la bibliothèque du monastère.

- Cela s'appelle un scriptorium, chef.
- Ouais, un scriptorium.

Tout le monde se réunit autour du cloître. C'était un endroit ouvert, carré, avec un puits au milieu, où le soleil était projeté partout. Bien. Ils étaient à l'abri.

- Faites attention tout de même.
On va se séparer en plusieurs groupes pour chercher la pièce.
Moi je reste ici pendant que vous bossez, je surveille l'âne.
Au boulot.


Tout le monde partit, un peu hagard, en divers lieux.
Mais alors que Barral se prépara à filer, Étienne l'arrêta et l'amena au-delà du cloître.

- Pssst !
Eh, gamin...
On s'en fout des vieux bouquins.
Écoute-moi... Dans un monastère comme ça y a toujours un cellier pour les moines. Je suis sûr on peut trouver des trucs cool dedans. Genre des sacs de grain, ou alors de la viande séchée. Ce serait pas hyper cool qu'on en prenne et qu'on aille le vendre au marché noir ?


Il entraîna le soldat dans sa propre minuscule expédition au sein de ce petit monastère. Et ainsi, les deux ombres s'éloignèrent vers la partie sud du cloître, en plein dans la lumière, pour y privilégier les couloirs froids de vieille pierre, où vivaient à une époque des religieux.
Bien sûr, ils faisaient attention en ouvrant les portes grinçantes. Mais il n'y avait pas de cadavres. Pas de signes de destruction. Pas de saleté. Rien. Rien que de la poussière. On aurait pas dit que l'édifice avait été attaqué. Non, il avait juste été... Abandonné.

Bizarrement, Étienne sut tout de suite où aller. Peut-être qu'il était déjà venu dans ce monastère à une époque où les routes n'étaient pas pleines de fangeux. Ce ne serait pas étonnant. Pas de piège. Pas de monstre qui se cachait sous les tables ou derrière une de ces vieilles statues de la chapelle privée de l'abbaye. C'était fou comment cet endroit pouvait paraître si... Pacifié.

- Tiens. R'garde. C'est l'hôtel, c'est là que les voyageurs peuvent se reposer. Confort spartiate, mais c'est mieux que dormir dehors.
Et là, t'as le cellier...
Miam-miam, on va tellement s'enjailler...


Avec un sourire malicieux, le vieillard décida d'ouvrir de manière un peu brutale la faible cloison qui menait vers une cave très froide, à l'abri, où l'on pouvait se mettre à trembler, à avoir la chair de poule tel le contraste était important avec la chaleur caniculaire du dehors.

- Il va falloir qu'on revienne avec une mule et une charrette. Qu'on fasse le voyage de façon clandestine, histoire qu'on garde le profit entre nous.
Enfin c'est un peu de la contrebande et c'est un tout petit peu illégal, donc risqué... Mais je veux dire... Il y a une mine d'or là t'es pas d'accord ?
Une mine d'or fumée.


Des jambons, des fromages, tout un tas de choses laissées à l'abandon, mais pas pour pourrir. Au contraire, la nourriture était toute prête. Il y avait une petite fortune ici.
Mais comme le reconnaissait Marcel, s'emparer de tout ça pour le vendre sous le manteau n'était pas très légal, et cela pouvait déranger Barral, soit parce qu'il était intègre, soit tout simplement parce que la punition réservée aux contrebandiers était le bannissement. Mais Barral n'eut pas le temps de donner son avis à Étienne, parce que alors que son collègue s'enfonçait sous la terre au fond de la réserve, lui était toujours à l'extérieur, au soleil. Et il entendit quelque chose.
Un hurlement, strident, féminin, aigu. Il venait de dehors. Il venait d'au-delà de l'abbaye, il avait pu être entendu dans le marais.
C'était pas une hallucination. Sitôt que Barral avait tourné son museau, il entendit encore crier, la même voix, le même bruit, plusieurs fois. C'était assez dur à entendre, tant la personne qui usait de ses cordes vocales était éloignée, mais ouais, ouais, c'était sûr. Quelqu'un, une femme, ou un enfant, était en danger.

- Barral ? Tu fous quoi ?
Tu viens ou quoi ?

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Barral TrellMilicien
Barral Trell



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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyJeu 11 Aoû 2016 - 19:58
Barral était de mauvaise humeur. Le matin même on était venu le trouver, - le tirer du pieux pour être exact -, et lui dire qu'il devait se préparer pour partir en mission afin de remplacer un blessé. Il n'avait pas besoin de beaucoup de sommeil pour récupérer de ces longues journées mais quand il savait que le lendemain serait un jour de relâche il aimait tout de même profiter de quelques heures de sommeil en plus. Chose qu'on venait de lui enlever. S'il avait su il n'aurait pas passer sa nuit à la caserne mais ailleurs où il n'aurait pas été dérangé.

Les marais étaient devenus son quotidien. Barral s'y retrouvait presque une mission sur deux à devoir y crapahuter dedans, à force il finirait par en connaître les moindres recoins, jamais pour la même chose mais toujours pour le meilleur et pour le pire. Le pire surtout en fait. Tout ici était source de danger. Déjà pour se repérer c'était galère, la plupart des arbres se ressemblaient comme deux gouttes d'eau avec leur tronc noueux recouvert de mousse glissante, il en avait fait d'ailleurs l'amer expérience. Et puis il fallait faire preuve d'une vigilance constante pour ne pas servir de repas à un Fangeux.

Il avait bien vite abandonné l'idée de préserver ses vêtements, la boue finissant tôt ou tard par venir se fixer sur le tissu, préférant plutôt garder une tenue en réserve pour quand il n'était pas en service. Pour les grandes occasions. Mais certainement pas pour juste aller boire un verre, il savait d'expérience à présent que le moindre petit différent entre deux clients suffisait à faire éclater une bagarre.

La mission du jour s'annonçait chiante mais il n'était pas là pour donner son avis. Le visage fermé, il avançait tant bien que mal suivant les ordres d'un coutilier plus jeune que lui espérant qu'on le laisse tranquille. Et c'est donc tout naturellement qu'il était allé surveiller les arrières d’Étienne lorsque celui-ci eut besoin de soulager sa vessie. On était jamais trop prudent. D'ailleurs en avait-il vraiment envie ? Ce n'était pas certain vu le temps qu'il mit...


« Sors-toi les doigts du derche et magne »

-J'arrive, j'arrive.

En même temps l'autre avait terminé, que pouvait-il faire de plus ? Il n'allait pas rester planter à l'écart de la route pendant cent ans non plus. Barral rejoignit le reste du groupe qui s’extasiait devant l’âne. Drôle de bête pour une drôle de mission.

-De la viande par les temps qui courent, du moment que ça se mange on ne va pas trop regardé sur quoi c'est pris...

Du moment que c'est pas de l'humain, il ne faisait pas dans le cannibalisme. Le groupe reprit la marche jusqu'à l'abbaye, le fait de s'être fait gourmander par le coutilier n'arrangeait rien à son humeur. Ce n'était pas dans ses habitudes de prendre des initiatives mais il ne pouvait s'empêcher d'aider, d'appliquer aussi les consignes élémentaires de sécurité. Alors qu'il cheminait il s'adressa à son camarade :

- Étienne tu voulais me dire quelque chose tout à l'heure ?

Barra se trompait, peut-être qu'il n'avait effectivement qu'envie de pisser.

*******

L'abbaye se dressait devant eux, silhouette trapue entourée de marécage, ça faisait froid dans le dos de se dire qu'il n'y a pas si longtemps que ça, des moines et des pèlerins y vivaient, y venaient. Une chose est sur il n'aurait pas pu vivre ici, lui il aimait les espaces.
Le coutilier donna ses ordres. Et comment on saurait quels bouquins il fallait prendre ? En tout cas ce n'est pas Barral qui s'aventurerait à choisir, les lettres et lui ça faisait dix, et de toute façon Etienne ne lui laissa pas vraiment le choix l’entraînement il ne savait où.


- Mais...mais...attends-moi..

Rhaa...Putain...l'autre l'obligea à trottiner ne voulant pas gueuler pour lui dire d'attendre et surtout se faire remarquer encore par le coutilier. Vendre au marché noir...Barral leva les yeux au ciel...c'était le meilleur moyen pour avoir des ennuis. Il le suivit en entendant le bruit des portes qui n'avaient pas été ouverte depuis des lustres.

-Arrête de parler de bouffe, ça me donne faim... on devrait plutôt chercher l'endroit des bouquins..

Ce n'était pas le morceau de pain qu'il avait réussi à chopper à la cantine avant le départ qu'il allait contenter sa grande carcasse. Mais l'Etienne ne semblait pas vouloir l'écouter que déjà il défonçait la porte qui menait à la cave. Et si y'avait du fangeux en dessous ? C'était peut-être pour ça que le passage était fermé. Qu'est-ce qui ne fallait pas faire pour sauver les miches d'un camarade...

Alors qu'il s'apprêtait à le suivre à la cave, sentait le courant d'air frais lui lécher le visage, un cri retentit. Trop aigue et beaucoup trop lointain pour que ça soit Etienne. Et en même temps si proche. A nouveau le même cri...


-Etienne ! appela-t-il une première fois Etienne reviens bordel , y'a quelqu'un qui hurle à mort là-dehors.

Sur le qui-vive, il porta sa main sur la garde de son épée. Si lui avait pu entendre le cri, le coutilier n'avait pas du le louper également.
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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyMer 17 Aoû 2016 - 15:41
Aujourd'hui.

Il faisait maintenant nuit noire à Marbrume. Il devait être trois, ou quatre heures du matin... Impossible à dire, vraiment. La plupart des gens, les gens honnêtes du moins, devraient être au lit. Même les putes devraient être au lit. Même les miliciens devraient se reposer et arrêter de s'occuper de ce qui se trame dans le cloaque puant qu'est le bas-quartier de cette misérable ville. Et pourtant...

La petite impasse était envahie d'hommes armés, qui illuminaient l'endroit avec des torches. Quelques curieux, réveillés par l'arrivée de chevaux, par les ordres aboyés par des militaires, commençaient à s'agglutiner ; Six miliciens formaient un cordon de sécurité dans l'entrée de la ruelle, gourdins à la main, pour empêcher les badauds de s'approcher, leur demander de rentrer chez eux, répondre de façon élusive à leurs questions...

Une voiture approcha, tractée par deux chevaux de tête, un gros engin qui avait du mal à rouler dans les rues étroites et boueuses du quartier ; Fort heureusement, le manque de population lui permettait de s'approcher rapidement. La porte s'ouvrit, plusieurs hommes en sortirent. Le premier, prenant la tête, était un monsieur de petite taille, aux joues creuses et à la longue chevelure noire qui lui tombait le long des joues et jusqu'aux épaules. Il était bien vêtu, si bien qu'on le laissa s'approcher après qu'il eut dit son nom au milicien qui dirigeait le cordon de sécurité.

Raoul et Sydonnie attendaient, un peu à l'écart. Raoul semblait clairement fatigué. Ses yeux étaient assaillis par de grosses cernes sous ses paupières, et le blanc de ses yeux avait pris une couleur rouge-sang. Néanmoins, lorsqu'il vit l'homme aux cheveux longs s'approcher, il se redressa, et le salua rapidement.

- Sire.

L'homme ne répondit pas. Mais il était suivi par un autre monsieur, plus grand, au crâne rasé et à la mâchoire très carrée, lui donnant un air de boxeur. Lui fut très vite reconnu par les deux comparses. Il s'agissait en effet d'un sergent de la milice, du nom de Damien Troussel.

- Ce sont les deux qui ont trouvé le cadavre, sire.
- Ah. Bien. Je peux les interroger alors ?
Bonjour, mademoiselle, monsieur. Je suis le prévôt Nathan Marcel, et on m'a chargé du... Heu... Je ne sais pas comment dire. « L'affaire ».


Il serra la main des deux, une main blanche et fine, typique des gens qui n'ont jamais vraiment eut à travailler de leur vie. Son ton était empreint d'un léger signe de persiflage, c'était un garçon assez hautain et maniéré. À première vue du moins. C'était toujours facile de juger les gens à première vue.

Derrière-lui, des enquêteurs commençaient leur travail. Quelques miliciens étaient en train de fouiller les bâtiments autour, en train d'aller interroger le voisinage, pour savoir comment est-ce qu'on en était arrivé là... Un vieux monsieur, agenouillé, avait du papier sur ses jambes et se mettait à raturer à la plume des détails, des choses importantes à noter, alors qu'il observait, les sourcils froncés, la disposition du cadavre. Tout semblait utile pour lui, et il se permit de tenter de dessiner un croquis pour mieux s'en rappeler.

- Ce sont Raoul le Bréteur, coutilier, et elle elle s'appelle Sydonnie.

- D'accord, très bien. Soldat Raoul, pourriez-vous faire un tour un instant ?
- Eh... Pour sûr.

Le grand Raoul posa une main rassurante sur l'épaule de Sydonnie, et lui sourit. Un petit moyen pour... On sait pas trop quoi. En tout cas il partit aussitôt, sans s'éloigner.
Nathan et Damien, les deux hommes d'autorité, observaient la jeune femme, sans sourires, l'air très sérieux. Nathan sorti alors de sa poche un petit carnet. Il voudrait noter tout ce qu'elle dirait.

- Chaque détail que vous pourrez me donner sera utile, garde.
Commençons.
Qu'est-ce que vous faisiez en service dans ce quartier, et si tard ? Étiez-vous en mission officielle ? Comment êtes-vous arrivés dans cette impasse ? Avez-vous vu des témoins, des gens qui ont fuit la scène, ou bien l'impasse était-elle déserte ? Comment et quand êtes-vous arrivés sur les lieux ? Avez-vous touché au cadavre ?

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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyJeu 18 Aoû 2016 - 12:53

Catharsis.


Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, debout, dans un mutisme important. Mes yeux restent figés sur le cadavre, sa position, son expression. Une montagne de questions assaille mon esprit, pourquoi, qui est-il, depuis combien de temps est-il là, de quoi est-il mort, qui a fait ça ? Je n’ai aucune réponse, j’ai beau revivre les événements, la découverte en boucle dans ma tête, je n’obtiens rien, pas de réponses, pas d’indice. Je refais le fil de ma soirée, me demande comment j’ai pu réussir encore à me fourrer dans une telle découverte, mais là aussi, je ne trouve aucune réponse. Raoul est à côté de moi, dans cette ruelle un peu plus loin, j’ignore s’il me parle ou non, au fond je n’entends rien. Je n’ai pas l’impression d’être en état de choc, même s’il y avait bon nombre raison que je m’y trouve. Je suis fatiguée, dramatiquement épuisée. J’attends. J’attends que les autres arrivent, qu’ils prennent la suite des événements, que je puisse rentrer dormir et oublier. Oui, c’est ce que je souhaite, passer à autre chose, ou alors enquêter, là encore, je ne suis pas certaine de mes volontés.

Pendant cette semi-conscience, beaucoup de choses ont été mises en place, mais je ne le remarque que seulement maintenant. D’autres miliciens sont arrivés, ont installés des banderoles pour délimiter la scène de crime, certains sont sur le sol et retranscrivent la scène sur des feuilles, ce qui semble être des médecins avisent le corps, manquant à certain moment de rendre leurs repas du soir. Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on fait ? Je suis des yeux les mouvements de ce qui me semble être devenu une fourmilière géante. Un brouhaha constant vient de remplacer le silence du lieu, quelques curieux viennent pointer leurs nez, posant une multitude de questions qui allaient certainement rester sans réponses. Un homme est venu se poster devant moi et Raoul et nous ont demandés de patienter, je crois, je ne me souviens plus très bien. Alors on a changé de ruelle, abandonnant le dynamisme morbide du lieu, pour un calme pesant. Une ruelle plus loin ne nous permet pas de retrouver le silence, au loin les échos du drame résonnent encore.


Deux hommes arrivent finalement jusqu’à nous, un sergent que je ne connais que de vu et un autre type qu’il ne me semble pas connaitre. J’incline poliment la tête sans dire un mot, Raoul sait très bien le faire pour deux. Sauf que voilà, il est aussi silencieux que moi. Je lui lance un regard, visiblement perturbé par ce changement de caractère, est-il simplement fatigué ou choqué par tout ça. Je me promets de garder un œil sur lui et d’aborder le sujet plus tard en sa compagnie. Une poignée de main plus tard et voilà que l’inconnu s’identifie prévôt Nathan Marcel, non ça ne me dit rien. J’hausse simplement les épaules, serrant de façon dynamique la main de notre nouvel interlocuteur. Damien nous présente, son « elle » m’hérisse les poils et jet crois que j’ai dû lui lancer un regard aussi noir que mes pensées du moment. OK, j’étais une femme, OK je n’étais très haut gradé, mais merde… Juste Sydonnie ça suffisait. Je m’attendais à beaucoup de choses, sauf à ce que Raoul soit congédié et que je sois interrogée la première… Il m’abandonne lâchement, me laisse comme unique lot de consolation cette main amicale sur l’épaule avant de disparaître. Merci du cadeau. Maintenant que j’y pense, l’entretien ne m’emballe pas, je n’ai pas eu le temps de discuter avec Raoul de notre rapport histoire de rendre notre déclaration homogène… Puis je ne me souviens plus de grands choses, ou alors je ne veux pas me souvenir.

Les deux hommes m’ont observés un long moment, pas de signe de compassions ou quoi que ce soit d’agréable. Mon expression était aussi froide que celle des deux enquêteurs. Je n’avais qu’une envie que tout ceci se termine et vite. La pluie de questions n’avait pas tardé à s’abattre sur mon petit cerveau encore troublé, j’ai relevé le regard vers eux, prenant une grande respiration… Qu’on en finisse.

- « Il n’est pas rare de faire des patrouilles dans les bas-quartiers, surtout en ce moment monsieur. Cela fait plusieurs nuits que nous sommes affiliés à cette tâche. Comme vous vous en doutez, l’endroit n’est pas connu pour son calme, sa sérénité ou sa tranquillité. Notre présence est donc requise.»

Enfin requise, obligatoire plutôt. Il en a d’autres des questions aussi stupides ? Qu’est-ce qu’on fait là ? Bah on avait décidé de jouer à cache-cache tiens, puis celui qui se retrouve assassiner a perdu, c’pas mal comme jeu non ? J’évite de rouler des yeux ou de grogner, je sais qu’il ne fait que son travail, mais je ne peux m’empêcher de soupirer. Tout ceci m’agace au plus haut point.

- « Le coutilier Raoul et moi-même, enquêtons depuis une semaine sur deux compères qui agressent les passants dans les coupes gorges. Suite à une agression sur un noble, l’enquête s’est vu relancer avec plus d’intensité. Je suppose que vous en comprendrez vous-même la raison. Nos rapports sur le sujet sont à jour et facilement vérifiables. »

J’étais très méticuleuse et maniaque sur les rapports, tout est toujours fait en temps et en heure avec un maximum de détails. Ma façon à moi d’essayer de me faire remarquer par mes chefs… Afin d’espérer d’avoir l’espoir un jour de monter en grade. J’ai fait une petite pause pour laisser le temps aux deux hommes de prendre des notes, mon regard est toujours aussi froid.


- « Mon collègue et supérieur Raoul s’est confrontés aux deux hommes, ou plutôt s’est fait agresser alors que nous étions séparés. Nous avons décidé de les prendre en chasse, malheureusement nous avons perdu la trace des deux frangins. » Je fais une pause. « Nous avons identifié quelque temps avant l’identité des deux types, là aussi c’est dans nos rapports. » une pause plus tard, je reprends le fil de mon récit « Nous avons donc décidé de nous rendre dans la taverne, lieu qu’ils fréquentent régulièrement. Ils ont fini par s’y pointer, avec la collaboration de l’aubergiste, nous avons tendu une embuscade en extérieur. Celle-ci a parfaitement fonctionné, le premier homme fut arrêté par Raoul, le second a pris la fuite et je l’ai pris en chasse. »

C’est là que tout se complique. Je me pince la lèvre, je ne suis plus certaine des enchaînements, ni comment j’ai réussi à perdre la trace de l’individu. Je prends une légère respiration, replaçant quelques mèches de cheveux.

- « Je ne peux certifier que la suite s’est exactement passée comme ça, mes souvenirs sont un peu flous. Je me souviens avoir rattrapé rapidement le type, en même temps, il n’avait aucun endroit ou fuir… L’odeur nauséabonde m’a interpellé, en cherchant la provenance de l’odeur, je me suis retrouvée devant le cadavre. Le type en a profité pour prendre la fuite et je n’ai pas pris la peine de de nouveau le poursuivre jugeant que ma priorité venait de changer. Raoul m’a rejoint peu de temps après, la suite vous la connaissez plus que c’est votre arrivée. Personne n’a touché le cadavre, la ruelle était déserte…. Je n’ai rien à ajouter, sauf si vous avez d’autres questions ? »

J’ai glissé mes mains dans le dos, retrouvant une posture beaucoup plus militaire. J’avisais tour à tour les deux hommes, attendant sagement la suite des événements.


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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyDim 28 Aoû 2016 - 15:20
Le prévôt nota tout dans un coin de son carnet. Puis, il releva ses yeux vers la milicienne. D'un ton froid et rauque, il conclut ce très court entretien.

- Nous nous reverrons bien vite, soldat.
Rentrez chez vous.


Et ayant dit cela, il tourna les talons pour s'approcher de Raoul, qui était à l'écart. Le coutilier observait le cadavre d'un mauvais œil, et semblait beaucoup suer, à grosses gouttes même. Sydonnie ne put pas entendre ce que le prévôt lui disait, ni ce que le grand sergent, les bras croisés, allait raconter... Mais le pauvre Bretteur semblait être dans une position très peu confortable.




Deux semaines plus tôt.

Étienne ressurgit de la petite cave aussitôt. Il avait dans sa main gauche un énorme saucisson, et dans la droite, un fromage puant et crémeux. Sa bouche était pleine et il mâchait à pleine dents. Pourtant, ses yeux étaient écarquillés, il semblait comme terrifié par le Barral qui venait de l'appeler.

- Quoi ?! Dit-il en postillonnant des miettes de viande hors de sa bouche. Qu'est-ce qui se passe ?! Il y a un problème ?! Tu me fais peur Barral ! Pourquoi tu hurles ?!

Et ayant dit ça, il tendit le saucisson à son collègue.

- T'en veux ?

Un deuxième, ou troisième hurlement, bien plus aigü, fut alors à nouveau audible. Là, Étienne arrêta directement ce qu'il était en train de faire. Et il tourna sa tête à gauche, comme une poule, tout vif et tout rapide.

- Bon sang, mais...
Ça vient de dehors...

Il mit la bouffe dans les bras de Barral, et s'approcha du mur du monastère. Malgré son vieil âge, il parvint à l'escalader, non sans efforts et multiples gémissements, jusqu'à pouvoir voir avec ses yeux ce qui se tramait.
Il voyait les arbres du marais, qui formaient une ombre assez terrifiante et malsaine avec leurs feuillages.

- Bon sang, Barral... C'est pas normal ça...
Tu crois qu'on fait quoi ?
Genre... On ignore, on va jeter un œil là-bas tous les deux, ou bien on prévient cet âne de coutilier pour lui demander son avis ? Crois-moi que j'aime pas cette troisième option, Pierre Roux peut-être un vrai connard quand il s'agit d'appliquer les ordres... Et il va dire qu'on délire..
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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyDim 28 Aoû 2016 - 18:02
C'est qu'il en mit du temps à revenir de la cave l'Etienne. Qu'est-ce qui pouvait bien le retenir aussi longtemps ? Barral saliva aussitôt en voyant la nourriture dans les bras de son camarade. Il comprit alors la raison de sa lenteur à revenir. Ce qu'il pouvait être cruel de lui agiter la cochonnaille sous le nez.

-Bien sur que j'en veux !

Plutôt deux fois qu'une ! Ce n'était pas tant le fromage qui l'attirait mais le saucisson. Depuis combien de temps n'en avait-il pas manger ? Une éternité. Il ne le quittait pas du regard. Pour un peu on aurait dit qu'il allait sauter dessus Etienne pour le bouffer lui aussi quand le cri retentit à nouveau.

-Ah ! Tu l'as entendu toi aussi.

C'était à la fois rassurant de savoir qu'il n'entendait pas des voix, mais tout aussi flippant de se dire que là au dehors, par de là le mur, à quelques mètres d'eux quelqu'un ou quelque chose hurler à en faire pâlir les morts. Barral se retrouva avec la bouffe dans les bras, le fumet du fromage venant chatouiller assez désagréablement ses narines. Définitivement il n'était pas fan du fromage. Comment résister à la tentation quand on a avalé un simple quignon en guise de repas le matin même ? C'était bien trop pour lui ce saucisson qui lui tendait les bras. Et en même temps l'Etienne se prenait pour un grand alpiniste. Cruel dilemme...L'estomac grondant il se retrouva pourtant à prêter assistance au milicien le soutenant comme il le pouvait, du mieux qu'il le pouvait. C'est-à-dire en le tenant solidement par le fond de sa culotte, ce qui ne lui déplaisait pas vraiment, même si cela le mettait dans une position délicate. Il focalisa son esprit sur le cri plutôt que sur ce qu'il pouvait y avoir sous le tissu à porter des ses doigts.

-Alors dis-moi qu'est-ce que tu as vu ?

C'était assez frustrant de s'en remettre aux dire d'un autre. Et en même temps pouvait-il ignorait les cris qu'ils avaient tous les deux entendus ? La réponse était évidente. Non. Devait-il transgresser à nouveau les ordres du coutilier ? Là encore, la même réponse s'imposait. Non.

-Ecoute Etienne, on ne peut pas ignorer ce qu'on a entendu c'est certain. Mais on ne peut pas non plus y aller en douce. Là pour le coup on désobéirait clairement au coutilier Roux.

Déjà que le fait de se trouver devant les réserves du temple, en possession d'un saussisson et d'un fromage puant, ce n'était pas vraiment l'objet de leur mission. Barral regarda Etienne.

-J'ai bien compris que l'idée d'en parler à Pierre ne te plait guère, mais dehors on ne sait pas ce qui nous attend. Alors autant avoir l'aval de l'autorité en présence comme ça on sera couvert en cas de souci.

On n'est pas obligé de lui parler de la découverte de la cave par contre. On peut juste lui dire qu'on à trouver une petite réserve à proximité du dortoir. Je ne vais pas si tu as vu le regard des autres sur Trot-Trot, mais ils l'auraient bouffer sur place si le pauvre animal ne devait pas servir au transport des reliques.


Pour se donner du courage, et parce qu'il avait la dalle, Barral se coupa une bonne tranche de saucisson. Convaincre son camarade c'était une chose, mais convaincre cet obtus de Pierre Roux ça n'allait pas être une mince affaire...Les deux compères refirent le chemin en sens inverse en marchant histoire de ne pas avoir l'air pressé. Barral avait laissé le saucisson à Etienne.

- Monsieur, y'a quelqu'un qui est en danger juste de l'autre côté du mur Sud.

Par chance ils n'avaient pas trouver de vin sinon le coutilier n'aurait jamais prêté attention à ses propos. Et puis il restait encore le coup du saucisson, mais vraiment en dernier recours, car c'était limite une tentative de corruption. Barral s'exprimait calmement et poursuivit :

- Etienne et moi, on était parti de ce côté pour chercher les livres, on a fouillé quelques pièces mais rien, puis on a entendu un cri. Au début on croyait que c'était quelqu'un du groupe, mais non ça venait de l'extérieur des murs. Les cris ont recommencé plus forts et plus aigus. Alors on a décidé de venir vous en parler. Quelqu'un a besoin d'aide. On aimerait aller jeter un oeil.

Arracher des survivants au marais n'était-ce pas également une mission de la milice ?
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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyDim 28 Aoû 2016 - 18:25
Alors que partout dans le monastère, les miliciens étaient partis fouiller les livres et travailler, Pierre Roux passait son temps à ne rien faire.
Il remontait de l'eau du puits pour se servir un verre, et se détendait tranquillement aux côtés de l'âne, le soleil brûlant sa peau si blanche, lui qui était né avec des gênes de roux.

Pourtant, sa tranquillité fut très vite perturbée par l'arrivée des soldats Marcel et Trell. Il se releva sur ses deux jambes, tourna son buste, et observa d'un mauvais œil les deux comparses. Croisant les bras, la tête légèrement penchée de côté, il écouta ce que Trell avait à lui dire.

- Des cris ? C'est pour ça que vous êtes pas en train de fouiller le monastère ?
- Bah... On était censés faire quoi, chef ? Vous êtes malin vous...
- Oui bah pardon mais on nous a envoyé ici pour une mission ! On est 6 glandus avec un âne, pas des preux chevaliers. Vous vous attendez à ce que je dise quoi ?

Il s'aperçut alors qu’Étienne avait dans sa main un gros saucisson. Cela lui fit relever un sourcil.

- Vous avez trouvé ça où ?
- Avec le soldat Trell on a découvert le cellier de l'abbaye. C'est rempli de bouffe, de vin, de sacs de blé. De quoi se remplir la panse, et ça fera une mine d'or à ramener ça à Marbrume.
- Cool... Très cool... Il faudra y revenir un autre jour pour en embarquer...

Il se léchait les babines. C'était ça le point commun entre les trois miliciens : Ils crevaient grave la dalle. Surtout qu'ils étaient des militaires qui épuisaient leur apport calorique à vagabonder au fond des marais, poursuivis par une armée de monstres tueurs ou de bannis voleurs.
Pierre Roux se gratta derrière la nuque, où il venait juste de choper un bon coup de soleil.

- Bon, les gars, je... Je sais pas quoi vous dire. Des cris dans les marais on en entend parfois, des gens qui ont besoin d'aide. Mais là on a pas l'équipement. S'il y a des fangeux qui arrivent, faut pas oublier que notre but c'est aussi de faire le voyage retour jusqu'à Marbrume.
Alors non, je peux pas vous autoriser à sortir. Désolé.

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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyJeu 1 Sep 2016 - 14:58
Il observa le coutilier attendant une réponse à leur demande. Rouge comme une écrevisse, le pauvre avait choppé un sacré coup de soleil. Ce n'était pas le cas de Barral. Dix années à trimer sur un bateau lui avaient donné un teint cuivré.

-Bien.

A présent il était inutile de discuter, on ne revenait pas sur la décision de son supérieur. Barral était déçu forcément, Etienne l'avait pourtant prévenu que l'autre risquait de se montrer réticent, mais il avait voulu quand même tenter sa chance. Et ça ne lui avait pas réussi. Le coutilier s'était montré à la hauteur de sa réputation et là dehors quelqu'un crèverait de par leur inaction. Barral en était convaincu à présent. Par contre il avait bien remarqué le regard qu'il avait jeté sur la bouffe. Il avait été surpris aussi qu'Etienne lui déballe l'importance de leur découverte. S'éloignant du puits avec son camarade il lui dit alors :

-Tu ne saurais pas où il se trouve ce scripto-chose toi par hasard ?

Convaincu que l'Etienne connaissait bien les lieux, Barral se dit que plus tôt ils trouveraient la pièce, plus tôt ils pourraient sortir de cette abbaye, et peut-être sauver la personne qui hurlait tout près. Ils tombèrent alors sur un de leur compagnon qui avait besoin d'aide.

- Vous n'allez pas faire ça quand même !

Barral avait un peu haussé le ton quand il apprit ce que comptaient faire ses camarades. Défoncer une porte dans ce lieu, c'était impensable pour lui. C'était un temple des Trois après tout. C'était d'ailleurs plutôt logique que la porte soit verrouillée si les précieuses reliques étaient toujours là, il fallait qu'elles ne soient pas à la portée du premier pilleur venu. Il devait bien y avoir une autre solution. Peut-être même que Pierre Roux avait la clé, mais il n'avait pas envie d'y retourner après son précédent échec.

- Montre-moi où cela se situe par rapport à la cour.

Barral se mit alors à sourire, juste dans l'angle des deux murs poussait un lierre qui avait progressivement colonisé une partie de la façade. Parfait pour atteindre les fenêtres de l'étage. Il n'avait pas le droit à l'erreur. Otant sa ceinture pour se délester de son épée il ne garda que son couteau.

-Je vais grimper là-haut voir si une des fenêtres s'ouvre et j'ouvrirais de l'intérieur. Tu m'aide pour le début Etienne ?

Le couteau entre les dents, Barral entreprit l'ascension. Ce n'était pas bien compliqué pour lui et cela lui rappelait le temps où il devait crapahuter dans la voilure, sauf qu'il devait faire attention où il posait ses mains là.
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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptySam 17 Sep 2016 - 15:26
Barral tomba à l'intérieur du scriptorium. Une petite chute qu'il parvient à amortir avec le plat de ses mains, qui s'écrasaient sur une dalle froide et lisse. Il ne lui fallut pas longtemps pour se relever et d'aller débloquer la porte, qui était étonnamment verrouillée de l'intérieur.

- À trois !

Trell ouvrit le long pan de la porte en bois, et pu apercevoir ses deux collègues prendre de l'élan pour la défoncer. Il s'arrêtèrent sitôt qu'ils virent qu'elle s'ouvrait, et affichaient alors des mines gênées, les yeux écarquillés et les lèvres pincées.

- Ah, heu... Bravo Barral ! Beau travail ! T'as réussi à escalader et tout, j'veux dire... T'es un puissant.
- On fera des congratulations plus tard ! Nous devons embarquer le maximum d'ouvrages possibles !
- « Congratulations » ? Non mais t'as vu comment tu parles ? Gros bouffon va.
Pis on est miliciens, pas bibliothécaires. C'est quoi qu'ils cherchent ces crétins de prêtres ?


Étienne vint alors donner une petite tape sur l'épaule de Barral, s'assurant qu'il ne sait pas cassé quelque chose en tombant dans le scriptorium. Puis, il déploya un sac en toile et s'approcha de rangs de livres poussiéreux pour commencer à en empiler quelques-uns. Il ne savait pas lire, il lui était donc inutile de chercher un titre d'un volume qui serait particulièrement intéressant. En revanche, il regarda bien les enluminures. Celles qui étaient les plus dorées, il n'hésita pas à les mettre, bien à l'abri, pour que l'âne puisse les supporter.
Tout ceci ne fut qu'une affaire d'une petite heure, trois quart d'heures à peine en fait. Ils étaient déjà ressortis, avec plein de gros codex sur leurs dos, comme des mulets. Le coutillier à l'extérieur s'impatientait, tapant du pied.

- Bon. Bon. On peut y aller ?

On n'entendait plus aucun cris depuis un bon moment maintenant. Étienne se contenta de regarder Barral, la bouche en coin, le regard un peu vide.

- Oui. Allons-y.

Qu'est-ce qu'ils pouvaient faire de plus ? Aller se balader au fond des marais n'était certainement pas une bonne idée. Tant pis. Une mauvaise idée, à cacher au fond de son être. Seul Étienne semblait curieux, et continuait de lancer des regards vers les marais. Peut-être qu'il essayerait de revenir plus tard... Seul ?




Deux semaines plus tard.

- Sydonnie !

On était à nouveau en journée sur Marbrume. La scène du crime, atroce, avait été subi une enquête très complexe, puisqu'il avait fallu recueillir des témoignages divers et variés de différents témoins, qui dormaient, et qui n'avaient rien vu dans ce minuscule cul-de-sac où on avait retrouvé un homme meurtri de la manière la plus brutale et la plus inhumaine possible.
Là, c'était Raoul qui venait, en trottant, jusqu'à sa jeune subalterne. Il semblait très fatigué, vu les grandes cernes qui bouffaient le dessous de ses yeux. Il continua à marcher jusqu'à la base de la milice, côte-à-côte, en lui chuchotant un peu.

- Hey, Sydonnie... Je suis resté avec le prévôt et le sergent jusqu'à très tard hier. On dirait qu'ils m'en voulaient de quelque chose.
Tu sais, le gars qu'on a trouvé mort, nu et avec une couronne de cerf sur le crâne ? Bah... C'est un milicien. Étienne Marcel. Oué, Marcel, comme le prévôt qui s'appelle Nathan Marcel. Je crois qu'ils sont liés, genre, cousins.
En tout cas il y a eut un nouveau meurtre ce matin, on a été prévenus y a pas vingt minutes. J'en sais pas plus que ça, mais il y a du grabuge, alors hein...


Les deux marchaient dans la grande cour du quartier de la milice. Il y avait là quelques archers et arbalétriers qui s'entraînaient au maniement des armes sur des cibles ou des mannequins en paille et en bois, tandis qu'un des soldats était assis sur un tonneau et utilisait une pierre pour aiguiser sa lame. Il y avait aussi deux chevaux qu'un palefrenier était en train de préparer.
Ils n'eurent même pas le temps d'aller chercher leur matériel. Un grand homme, rasé, en équipement, s'arrêta à trois mètres devant eux. Il pointa les deux comparses du doigt, alors que sa mère lui avait sûrement appris que c'était impoli, et se mit alors à rugir comme un lion.

- Vous deux, vous faites quoi ici ?!
- Sergent Troussel ? On... On vient de commencer notre service.
- Alors commencez-le plus vite ! Grouillez-vous d'aller à la place des pendus et d'aider à l'enquête !

Ayant dit ça, le grand rasé tourna directement à 180°, pour à nouveau crier d'une voix rauque à un soldat qui lui faisait dos.

- Soldat Trell ! C'est vous le soldat Trell ?
Je vous interrogerai plus tard ! Partez au travail vous aussi !


Barral venait juste d'apprendre la mort d'Étienne, alors que jusqu'ici il avait été son collègue. Raoul haussa les épaules, ne souhaitant vraiment pas s'opposer au sergent Troussel, et se contenta d'accueillir Barral d'une franche poignée de main.

- J'sais pas si vous étiez proche de Marcel, va, mais, mes condoléances soldat Trell.
Bon. Bah... Heu, du coup, on y va ?





C'est fou comment Raoul était hésitant. Incroyable qu'il avait réussi à être promu au grade de coutilier. Peut-être qu'en même temps cela s'expliquait assez facilement, les hommes comme le sergent Troussel appréciaient qu'on leur obéisse au doigt et à l’œil, et voilà bien le genre d'homme qu'était Raoul, obéissant au doigt et à l’œil. Il n'était pas du tout pareil face à Sydonnie et Barral, auxquels il se contentait de sourire et de raconter des grosses conneries, des blagues modérément drôles, qui passent mieux quand on a déjà quelques verres dans le gosier. Mais enfin, ils arrivèrent, très rapidement et à pied, jusqu'à la place des Pendus.
Normalement, la place des pendus est toujours occupée, remplie de crieurs et de badauds. Aujourd'hui, et pour un temps qu'on voulait le plus limité possible, c'était pas le cas. La plupart des curieux étaient refoulés assez sommairement par les quelques miliciens sur les lieux, qui semblaient tous très embêtés et incapables de faire face à la vague humaine qui voulait s'approcher pour voir ce qu'il y avait sur la route.

Une charrette, sans animaux pour la tracter. Une charrette recouverte d'une bâche en toile, rajoutée par les miliciens pour éviter que trop de gens regardent le spectacle macabre qui était caché. Un simple coup d’œil à l'intérieur permettait de comprendre qu'il s'agissait d'une autre de ces représentations macabres et très théâtrales, d'un mauvais goût particulièrement extrême.
Une femme, nue. Ses lèvres étaient violettes, son corps totalement raide, comme une sculpture, agenouillée et les mains dans le dos. On pouvait voir, sur chacun de ses bras, de grosses traces de morsure. Et elle avait, planté dans sa nuque, un petit coutelas enfoncé profondément dans sa colonne vertébrale. Raoul s'était permis de regarder, avant de refaire tomber la bâche immédiatement.

- Bordel, mais... Qui est assez malade pour faire ce genre de choses ?!

Une question à laquelle personne n'avait vraiment de réponses.
Il se tourna vers l'un des miliciens qui était en train de demander à une dame de partir et de s'occuper de ses affaires.

- C'est qui le gradé qui se charge de ça, là ?
- Bah... C'est vous m'sieur.
- Moi ?! Ah merde ! Bon sang !

Il se retourna vers Barral et Sydonnie qui étaient dans son dos.

- Je... Je vais essayer d'éloigner les gens, pour que ce soit mieux, hein... Vous, en attendant, vous pourriez enquêter rapidement ? J'veux dire, je sais pas trop ce qu'on est censé faire dans ce genre de situations...


Il haussa à nouveau les épaules, gêné, avant de s'éloigner sans dire un mot de plus. Et il alla vers l'estrade de la place des pendus, sur laquelle il sauta pour aller s'adresser à la foule, cordialement et poliment, mais en leur disant toujours la même chose : « Dispersez-vous ».
Les gens n'étaient pas idiots. Curieux, oui, mais pas idiots. On entendait des tas de murmures chez les deux douzaines de témoins présents. Beaucoup s'éloignèrent sans s'occuper de plus de ça. D'autres en revanche, se contentaient de faire placer, d'aller se coller aux murs effrités des maisons pour continuer d'observer, et de loin.

caca:
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Barral TrellMilicien
Barral Trell



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MessageSujet: Re: Catharsis    Catharsis  EmptyJeu 22 Sep 2016 - 17:13
L'ascension du mur de l'abbaye se fit sans encombre. On peut dire même que Barral apprécia de faire autre chose que de marcher dans les marais boueux pour une fois. Mais il avait perdu l'habitude et en arrivant au bord de la fenêtre il fut happé à l'intérieur. Heureusement la chute fut sans conséquence pour lui, il avait eut la présence d'esprit de tendre ses mains devant lui pour se réceptionner.

La pièce était remplie de manuscrit en tout genre. Comment savoir lesquels étaient les bons ? Lui n'en savait rien, et ne s'y connaissait de toute façon pas en lettre. Le plus urgent à faire c'était d'aller ouvrir la porte aux autres avant qu'ils ne la défoncent.


-Ca va Etienne j'ai rien, je ne suis pas en sucre.

Fit-il en rouspétant un peu contre l'inspection de son camarade avant de mettre lui aussi à enfourner des livres dans le sac. Bien entendu le coutilier resta à les attendre grommelant qu'ils n'allaient pas assez vite. L'ane chargé, la troupe repartit vers Marbrume.

-Laisse Etienne...on ne peut plus rien maintenant...d'ailleurs je n'entend plus les cris.

S'ils avaient voulu faire quelque chose c'était avant, sans demander la permission, maintenant c'était trop tard, la solution la plus sage était de rentrer avec le groupe et d'essayer d'oublier ce qu'ils avaient entendu tous les deux.

Deux semaines plus tard.

Etienne avait couvé Barral comme une mère poule pendant quelques jours. C'était à la fois pénible de toujours l'avoir sur le dos, mais en même temps très utile d'avoir quelqu'un à qui parler, faire la causette, ou qui donnait des conseils. Et puis du jour au lendemain il avait disparu. Barral ne l'avait plus revu. Faut dire aussi que les missions ne manquaient pas. Il ne se faisait pas trop de souci. Peut-être que Etienne était retourné au monastère faire des provisions ?

La nouvelle tomba comme un couperet. Etienne était mort. Barral accusa le coup un instant. Jusqu'à ce qu'un homme l'apostrophe.


-Oui ?

L'homme avait l'air assez important, et imposant. Barral quitta sa place et s'approcha.

-Je me tiens à votre disposition Sergent.


Barral était triste. Il l'aimait bien Etienne. C'était un bon camarade. Il se dirigea vers les deux miliciens et serra la main de Raoul. Bien jeune pensa-t-il pour être coutilier. Condoléance ? Ca va bien pour un membre de sa famille proche ce genre de mot, mais après tout ne faisait-il pas parti de la famille de la milice ? Barral hocha la tête silencieux. L'autre personne qui accompagnait le coutilier lui était connu. En d'autre circonstance il lui aurait peut-être même adressé un sourire.

-Bonjour Sydonnie.

Sur la place des pendus, il n'y avait pas la foule des grands jours. On aurait pu dire même qu'elle était déserte. Mais ce n'était qu'une impression. Au premier regard Barral aperçut la charrette qui semblait trôner au milieu du sable, comme si elle cherchait à faire concurrence aux potences dressées.

Elle était bien bonne celle-là ! Le coutilier qui ne savait pas quoi faire... Et eux alors simples miliciens ils étaient censés faire quoi ? Des miracles. C'étaient en somme ce qu'attendait Raoul de Barral et de Sydonnie. Les badauds étaient tenus à l'écart par leur camarade, mais ça ne saurait durer. Il fallait récolter le plus d'indice possible sur "la chose"...Barral s'approcha donc de la charrette.


-Examinons ça, avant de le mettre à l'abri défitivement des regards indiscrets. Prête ?


Il était loin de se douter qu'en vérité ce n'était pas le premier cadavre qui finissait de la sorte, et encore moins qu'Etienne avait subi ce sort là.
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