Le héraut itinérant [Libre]

Les bordels de la Hanse. Comment rester insensible face à tels lieux de profit se voulant donnant-donnant, consciencieusement entretenus et naturellement attrayant de par leur standing de loin opposé à celui des bas-quartiers de Marbrume ?
Ici les moins démunis pouvaient atteindre le bonheur et éteindre leur conscience, jouissant d’outils de luxe qui ne leur rappelleraient en rien la misère du bas peuple. Ici l’argent prenait tout son sens entre les mains de ceux qui détenaient le pouvoir du Choix : Celui de se lover dans les bras d’un partenaire brièvement consacré à leur petite personne plutôt que de choir entre ceux de nécessiteux contraints aux compromis les plus dégradants dans le but de survivre au jour le jour.

Telle était la pensée de Malicante alors qu’il se tenait face à l’un de ses fameux établissements, scrutant chaque individu à portée d’un regard sévère qui ne manquait pas de trahir son dégoût à leur égard. Bien sûr, un homme sage affirmerait que rien n’est tout noir ou tout blanc, et l’ecclésiastique se doutait bien que dans cet entourage se tenait certainement de bonnes âmes. Seulement c’est bien là que se situait le problème. Même face au fléau d’Anür, les repentis se faisaient rares ; pire encore, certains s’étaient même détournés de la Trinité comme s’ils étaient forcément victimes, plutôt que coupables. Et ceci, il fallait bien le rappeler d’une manière ou d’une autre afin que les esprits s‘éveillent et s‘évertuent à œuvrer main dans la main.

C’est cela : Oubliez.
Affublez-vous d’œillères et jouissez de vos maigres privilèges si cela vous chante, mais ne soyez plus surpris si face au Châtiment Divin vos lamentations restent ensuite sans réponse ! S’exclamait-il tout à coup d‘un timbre volontairement grave, attirant l’attention de quiconque se tenait dans les parages.

Le prêtre se tenait au beau milieu de la rue, ses yeux stricts entourés d’une peinture à la teinte céruléenne se baladant d’un quidam à un autre comme s’il cherchait à capturer l’attention qu’on lui donnait, qu’elle soit éphémère ou non. Sa tenue composée de nombreux tissus colorés et de quelques minces protections lui donnaient une stature plus imposante qu’elle ne devait l’être à l’origine. Il se détourna ensuite de plus belle vers la façade qui se tenait face à lui, reprenant parole tout en haussant le ton, au point d’en devenir certainement dérangeant pour ceux qui devaient s’y trouver.

A vous tous qui vous complaisez ici-même, votre regard s’est-il déjà porté vers les tréfonds de Marbrume ?

J’arrive du Labourg, où par le feu de nouvelles âmes ont pu échapper à Sa colère.
Là bas la vie est un luxe hors de leur portée. Retranchés, incultes, désespérés… Le plus souvent les adultes atteignent ce statut par efforcement plutôt que par la dispensation de nos rites. Les compromis sont tels qu’ils alimentent la corruption malgré eux, sans même disposer de la possibilité d’œuvrer pour notre cité.
Contrairement à vous.

Vous, qui ne vous interrogez pas, ou pas assez… Vous, qui ne pensez qu’au plaisir de votre propre chair… Alors que vous le savez tous ; à votre mort, elle vous sera dérobée pour votre manque de ferveur, et seule la naissance d’un brasier impie « offrira » à votre âme une forme de salut dont on ignore les méandres spirituelles…

Est-ce que cela vous contente t-il vraiment ?
Pourtant tel est et demeurera le Fléau d’Anür… Il ferma les yeux puis baissa la tête, sa poigne se resserrant sur son bâton, avant de conclure. …Jusqu‘à ce que l’on libère Marbrume de sa corruption et apporte à la Déesse les preuves de notre repentance !

Etrange sermon.
Depuis que ses yeux s’étaient clôt, il semblait comme figé, stoïque. Quoiqu’il en soit, le message venait d’être transmis ici aussi, qu’il soit ignoré ou non importait finalement bien peu. Une simple scène en disait parfois d’avantage qu’une longue conversation, surtout lorsque le public s’avère approximativement nombreux.