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 Vendetta

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La Poisse
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MessageSujet: Vendetta    Vendetta  EmptySam 6 Aoû 2016 - 17:41
Le petit Geoffrey de Flocques, écuyer, restait à la disposition constante de son maître, qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige. Le jeune adolescent de seize années, brun, au beau visage avec ses joues creuses et ses poils naissant sur le menton, était tout droit, vêtu d'un petit habit de cuir et de lin, portant en ses bras l'épais bouclier de son maître.
Où pensez-vous qu'il était, ce brave écuyer qui depuis maintenant deux années servait avec diligence et dignité son maître ? Est-ce qu'il se tenait près d'un château ? Est-ce qu'il était à côté d'une lice de tournoi ? Est-ce qu'il se préparait à lever l'oriflamme pour partir en guerre ?

- Montjoie ! Montjoie !
MONTJOIE !


La seule chose qui était levée pour l'instant, chez son maître, c'était sa verge. Et je parle pas de l'arme des huissiers. C'est ainsi que le jeune Geoffrey, soupirant, fatigué, se retrouvait à monter la garde devant la porte d'un lupanar du Bourg-Levant, devant supporter les gémissements de cochon de son maître, derrière la mince cloison du bordel. Le chevalier hurlait le cri de ralliement de la chevalerie pendant qu'il faisait son affaire, voilà donc une habitude bizarre qu'il avait gardée. Après être parvenu à terminer sa charge, il se retourna, et s'étala le dos contre le matelas, à gémir et à grogner. Ses mains couvrirent son visage le temps qu'il refasse surface. La pierreuse, elle, s'était déjà retournée pour se cacher sous les draps. Deux minutes d'une inertie complète, avant qu'il ne décide d'enfin se lever, et commencer à se rhabiller.

- Comment va ton fils ?

- J'ai pas envie de parler de mon fils...

Le chevalier Raymond ne put s'empêcher de ricaner à sa réflexion. Debout, il se tenait avec une lanière de cuir dans le bec, sa ceinture, le temps qu'il remette son froc, ses braies, son manteau. Il arqua bien ses sourcils, ridant son front, tout en continuant d'observer la jeune prostituée qui se cachait sous les couettes comme une tortue.

- Ah, ça y est, pourquoi tu réagis comme ça, d'un coup ?
Hm ?
Gisèle ?

- Va-t-en...

Elle avait presque dit ça en sanglotant, même si Raymond ne pouvait pas le savoir. Pas seulement parce qu'elle enfonçait son visage dans le canapé. Parce que Raymond, bah, c'était pas tellement le genre de gars très porté sur l'empathie.
Non, en fait, c'était même lui qui était vexé. Il souffla, avant de se diriger vers la porte de la chambre.

- Très bien. Puisque *madame* ne souhaite pas me parler.
Je reviendrai la semaine prochaine. D'acc ?


Pas de réponse. Qu'importe. Raymond ne s'en occupait pas. Sifflotant, les mains dans les poches, il s'éloigna en ouvrant subitement la porte. Geoffrey trembla d'un coup, surpris, tandis que son maître le poussa d'une main ferme.

- Allez, gamin. On sort dehors. J'vais respirer un peu d'air frais.
Et boire un peu de vin !


Et c'est comme ça que Raymond de Longuespée se retrouvait dans l'arrière-cour du bordel, une impasse reliée à une petite ruelle, le séant sur un tabouret, le soleil paraissant entre les nuages qui lui léchait le visage, une coupe débordante d'un vin rouge peu alcoolisé à la main. Et son écuyer, Geoffrey, qui était en train de l'équiper à nouveau, de l'aider à revêtir son haubert, à lui remettre, une à une, les plaques de métal qui lui servaient à protéger ses membres. Quand il acceptait de se laisser faire... Car, souvent, Raymond se mettait à grogner, à donner une baffe à son écuyer, qui risquait de lui faire renverser son si précieux liquide.

- Allez, magne, magne ! Qu'il lui disait des fois. Arrête, rah, tu m'énerves ! Qu'il clamait deux secondes après. Et Geoffrey, tout obéissant, se reculait ou s'avançait de quelques pas selon chaque volonté de son maître, le tout chargé comme s'il était un âne.

L'adolescent n'avait aucun problème à servir son maître. Il lui avait tant appris. Raymond de Longuespée avait eut une vie trépidante, gigantesque, telle qu'on aurait pu remplir des centaines de chansons de gestes sur ses exploits à travers le monde entier. Il y eut un temps où c'était un homme beau, avec ses joues creuses et sa superbe barbe bien taillée, qui donnait des bouffées de chaleur à la plus prude des femmes... Aujourd'hui, il avait sacrément perdu de sa superbe. Le visage couvert de cicatrices, les yeux vitreux, le teint jaune, des cheveux partant par poignées, des mains qui tremblaient lorsqu'il était sobre, sans oublier ses atroces sautes d'humeur et de colère quelques fois... Il avait toujours été bon buveur. Mais maintenant, c'était l'alcoolisme qui le gangrenait, qui ruinait sa vie. Et depuis que la Fange était arrivée, le vieux chevalier ne combattait plus, il ne sortait même plus dehors, il ne participait plus à aucun tournoi. Sa vie n'était qu'une constante dilapidation de sa maigre fortune, en putes et en vin. Et aujourd'hui, dites-vous que c'était un bon jour, que Geoffrey était tout content, parce que Sire Raymond s'était réveillé ; Il n'avait pas passé sa journée sur sa paillasse, à ronfler, à s'étrangler lorsqu'il subissait une « apnée du sommeil » ; Certaines mauvaises langues disaient que c'était Rikni qui l'étouffait. Parce qu'elle était pressée de voir un homme tel que lui rejoindre sa milice céleste ? Ou juste parce qu'elle était enragée à voir ce gentilhomme adouber renier chacun de ses serments ?

- C'est bien... C'est bien...
- Où vas-t-on, sire ?
- J'ai rendez-vous à une passe d'armes...
- Une passe d'armes, sire ?
- Ouais, c'est un prévôt qui m'a dit que j'devais aller entraîner des miliciens... Ça m'enjaille pas trop je t'avoues. Mais bon, j'ai pas envie d'attirer la vindicte de son altesse Sigfroi, hein.

Geoffrey était un garçon très silencieux, et obéissant. Il ne saoula pas son maître avec des questions, des demandes de précision, des remarques. Il termina juste son travail, puis se recula, les mains dans le dos. Quand Raymond eut fini son verre, il se dressa sur ses deux pattes et ne manqua pas d'agiter la chevelure du gamin de seize piges, avec sa grosse main droite.

- J't'aime bien petiot. Tu dis jamais un mot.
- Merci, sire.
- T'sais, techniquement, j'ai pas de suzerain.
- Je le sais, sire.
- J'suis un chevalier errant, moi, j'ai jamais eut aucun hommage à faire. Alors en vrai je devrais avoir aucune obligation à faire c'que ce petit merdeux de prévôt me demande.
- Soit, Sire.
- Mais on parle des gars qui maintiennent l'ordre dans la cité, qui peuvent faire bannir n'importe qui, qui s'assurent qu'on a encore de l'eau et de la bouffe. Alors tu vois, même si c'est pas méga coutumier, je vais pas ouvrir ma grande gueule et dire : « Allez vous faire foutrez zêtes pas mon patron ! ».
- Je comprend, Sire.
- Et puis de toute façon ça me fera du bien. J'veux dire, la milice c'est devenu vraiment zarb. Maintenant y a des viocs, y a des gamins, y a des femmes... Bientôt on enverra les bébés et les handicapés moteurs y servir. Quel autre choix as-t-on ?
- Aucun autre, sire.
- Bon bref, j'espère que t'as bien aiguisé mes lames c'te fois. Enfin... J'veux dire, je vais pas chercher à les tailler, les miliciens, mais voilà quoi, on va taper dans du bouclier.
- Tout est prêt sire.
- Bien ! Cool ! Génial !

Raymond étira tous ses membres comme un chat qui venait de se relever de sa sieste, et poussa l'écuyer en avant, le suivant tout derrière.
Mais le duo n'eut pas bien loin. Sitôt qu'il avait fait un rot, des hommes arrivèrent dans la petite ruelle qui menait à l'impasse du bordel. Douze hommes, en armes, vêtus de façon hétéroclite. Il y en avait deux habillés comme des chevaliers, les autres, avec des gambisons et des salades sur la tête. Les soldats s'approchèrent, deux bloquant la ruelle, et les autres formant une sorte de demi-cercle devant nos deux héros.
Instinctivement, Raymond avait soudain attrapé Geoffrey et l'avait poussé derrière-lui, comme pour le protéger. Tout connard qu'il était, sire Longuespée était d'un naturel chevaleresque. Il jeta un regard de ses yeux vitreux et inquiets derrière-lui, observant quelques pierreuses regarder par la fenêtre. L'une d'elle fuit de son balcon. Certainement pour aller prévenir la matrone, et bien sûr, prévenir la milice.

Qu'importe. Il y eut un silence. Un silence de mort. Raymond sourit au groupe, avant de sortir quatre mots sur un ton jovial, qui firent écho.

- Je peux vous aider ?

L'un d'entre eux, dans ce petit groupe de truands, c'était avancé et avait enlevé son casque, révélant un visage d'un quarantenaire, avec une longue chevelure blonde, des joues creuses et des yeux verts. Il n'avait pas eut à se présenter. Sur son tabard étaient dessinées ses armoiries, qu'il avait tout de suite reconnus, le Raymond.

Blason de la maison de l'Éspée-Montfort:

- Vous non, sire Raymond. Lui, oui.

L'homme leva son bras, et pointa de sa main gantée vers le petit écuyer. Celui-ci trembla, prit soudainement d'un frisson.
Le chevalier regarda son écuyer. Puis le maraud noble. Puis l'écuyer encore. Il haussa des épaules.

- Et... Je peux savoir pourquoi ?
- Vous n'avez pas à savoir pourquoi ! Ce ne sont point vos affaires ! Lui, il sait pourquoi.
- Ah ouais ? Dis Raymond en se retournant. Qui c'est ce gland et qu'est-ce qu'il te veut ?
- Je ne sais pas sire, je vous l'assure !
- Le gland ! Exulta l'homme en question. Je suis Virgile de l'Éspée, frère et banneret du baron Amaury de l'Éspée, seigneur de Montfort, sénéchal de-
- Ouais ouais, c'est pas à toi que je parle alors attend ton tour ! Siffla Raymond, avant de parler à l'écuyer en question, tout en le pointant du pouce. C'est qui ?
- Je vous jure, sire Raymond, je n'ai rien fait ! Rien ! Je n'ai même jamais vu cet homme auparavant.

Virgile de l'Éspée fit un pas en avant, les dents serrées, une veine manquant d'exploser sur son front. Il avait fermer ses poings fermement, et même si ses bras étaient cachés sous les manches de mailles, toute sa musculation était prête à anéantir la face du petit, si seulement il pouvait s'en approcher, car pas moins de vingt pas le séparaient des deux « héros ».

- Non, il ne m'a jamais vu ! Mais il a déjà vu ma nièce, Constance ! Hein, ta mémoire ne flanche pas, là ?!
- Baisse d'un ton, veux-tu, sire ?
- Je ne vous permet pas de me parler comme ça ! Je suis un seigneur, bon sang ! En fait, je reviens tout juste du Labret, où j'ai dû accomplir mon devoir en défendant les-
- C'est bien, j'suis fier de toi. Bravo. Je vous remercie pour votre devoir, votre seigneurie...
Maintenant. Parlez clairement. Qu'est-ce que vous voulez au gamin ?


Virgile fit un deuxième pas en avant. Puis un troisième. Puis un quatrième. La seule chose qui l'arrêta, c'est que devant lui, Raymond s'était mis en posture de combat : Un pas en avant, et la main droite sur son épée. Geoffrey, lui, avait soudainement reculé, impressionné, et terrifié.

- Cela ne vous regarde pas, chevalier. C'est entre moi, et le morveux.
- Ah ça ! Malheureusement, le morveux il a un père, Étienne de Flocques ! Et vous voyez, j'suis pas sûr qu'il le prendrait très bien, ce bordel que vous êtes en train de faire.
- Je m'en fous. Ôtez-vous de mon chemin.
- Cela ne marche pas comme ça, vous le savez...
- Maintenant !

Si jusqu'ici Raymond avait pris cette altercation sur le ton de la plaisanterie, tout changea lorsque Virgile se mit à postillonner avec son hurlement. Derrière-lui, ses hommes d'armes avaient tous avancé et pointé leurs lames vers le chevalier.
Un petit silence, à nouveau. Mais il ne dura pas longtemps. Raymond avait beau être ivre et vieux, il avait prit cet événement comme une insulte. Impulsif, bouillonnant, il avait craché au sol, en direction du « banneret ».

- Facile de faire des menaces quand on se cache derrière sa troupe de vauriens ! Encore que j'men fous, on m'appelle pas Longuespée pour rien ! Je pourrais tous vous foutre la raclée de votre vie, avec une main sur ma dague et l'autre sur ma queue qui satisfait vos putes de mères !
- Oh mes Dieux... Murmura Geoffrey à lui-même.
- Mais vas-y, Virgile, comte de Montcul ou je sais pas quoi ! Prouve-moi que tes bourses sont dans ton froc et pas dans ta bouche !
- Assez ! Je ne me ferais plus insulter de la sorte !
- T'as dû tellement te bouffer du foutre que ça a dû te monter au crâne, ma pute ! Ta bouche est toute juste bonne à sucer ma carotte, et comme je t'aurais pété les dents il y aura pas de risque de morsure !
- EN GARDE !
- Voilà, là tu parles comme un mec !

Virgile fit un signe à ses soldats pour qu'ils baissent leurs armes. Le chevalier, lui, se retourna vers l'écuyer, avec un gigantesque sourire sur ses lèvres.

- Vas-y. T'attends quoi ? Arme-moi.

L'écu de Longuesépée se retrouva dans sa main gauche. Un crissement de fourreau, et il dégaina son épée de l'autre, un claquement d'acier, et il se retrouva avec la visière de son casque baissée. Les prostituées qui étaient derrière étaient en train de siffler, aux cris de « Aller Raymond ! », pensant sûrement que la troupaille de chevaliers étaient quelques rapaces venus les agresser.
Bordel, la scène était tellement grotesque qu'elle en avait quelque chose de comique. Pas du tout au goût de Geoffrey, qui lui s'était reculé, reculé, reculé, jusqu'à arriver à la porte de la maison close. Les deux chevaliers, habillés pareil, armés à l'identique, s'avancèrent, et on dégagea autour d'eux un cercle de quinze pas, qui servirait d'arène totalement improvisée.

« En garde », ouais. On aurait dit un tournoi comme il y en avait des tas à une époque. Les deux chevaliers se tournaient autour, agitant lentement leurs membres, toujours se faisant face. Raymond arborait ce duel avec flegme et sur un ton rigolard. Rien à voir avec Virgile, qui enrageait tellement qu'on aurait pu s'imaginer que de la fumée sortait de ses oreilles. Raymond feinta, par deux fois il s'avança rapidement, dans un rutilement d'acier, mais par deux fois Virgile leva son bouclier, sans recevoir aucun choc. C'était pour le provoquer. Raymond jouait avec lui, comme un chat avec une petite souris. Cela ne servait qu'à enrager encore plus le banneret. Troisième feinte. Quatrième feinte. Cinquième feinte. A chaque fois, Virgile se reculait, bouclier devant.

- Ah ah ! Putain ! T'as peur ? T'as peur ?!


L'épée du chevalier au lion se leva en l'air, et tenta de frapper de son tranchant la tête de son adversaire. Raymond leva son bouclier, qui encaissa tout le choc, dans un tremblement. Avec son bras droit, il tenta u coup d'estoc, pour empaler l'armure de son adversaire. Mais Virgile, à défaut d'avoir du sang-froid, semblait être réactif ; Il se recula rapidement et parvint, sinon à encaisser, à dévier le coup avec son écu.
Trois fois, trois coups de tailles, rapides, de la part du banneret. Trois chocs encaissés, même si à chaque fois Raymond se devait de reculer.
Virgile en avait marre. Et il ne voulait certainement pas laisser l'avantage à son adversaire. Il fonça comme un buffle, et les deux hommes se retrouvèrent à faire une mêlée, bouclier contre bouclier. Ils laissaient chacun derrière eux une traînée dans le sol, des traces de pas. Raymond gémit, de douleur ; Il donna dans son bouclier des coups de poings droit, alors même qu'il tenait encore son épée avec cette main. Tant pis, il ne tiendrait pas ; Raymond recula, subitement, rapidement, faisant un petit bond vers l'arrière ; Virgile en profitant pour décocher, taillant dans l'air, en avant. Il y eut un crissement ; Son épée frôla et gratta le plastron de son adversaire.
Le chevalier fit alors un coup de pointe, directement dans le bras qui venait de l'assaillir. Ne voulant pas se blesser, Virgile recula aussitôt, ne cherchant pas à profiter de son court avantage. Les deux se refirent face, dans la même position, bouclier en avant et épée derrière. Ils se préparèrent, en position d'escrime, à voir qui irait attaquer le premier...

- Milice de Marbrume !

Mais bien sûr les keufs arrivent toujours pour déranger les honnêtes gens.
De derrière Geoffrey, depuis le bâtiment du bordel, quatre hommes arrivèrent, portant des haubergeons et la livrée aux couleurs de la Cité. Ils avaient dans leurs mains des gourdins ou des verges, et se préparaient à mater ceux qui troublaient l'ordre.
Raymond avait rangé son épée dans son fourreau. Virgile avait baissé ses bras. Tous les deux, les visages encore cachés, observaient les autorités qui se ramenaient.

- Qu'est-ce que signifie que cet attroupement ?! Depuis quand les chevaliers font-ils des tournois chez les putains ?!
- Ne vous mêlez pas de ça, archer. C'est une question d'honneur !
- Z'avez raison que je vais pas me mêler de ça, messeigneurs ! J'suis là pour maintenir l'ordre ! Veuillez vous disperser à la seconde !

Les miliciens étaient quatre, avec des gourdins.
Virgile avait derrière lui une douzaine d'hommes avec des lames.

- Très bien. Nous partons. Vous avez vu, archer ? Sans aucun grabuge, et sans aucune violence.
Mais je veux que vous sachiez quelque chose, sergent : La prochaine fois que Geoffrey de Flocques ose s'approcher du manoir de Sire Amaury de l'Éspée, on retrouvera sa charogne bouffée par les chiens !
ALLEZ !


Sur ce, lui et sa troupe partirent sans plus de mot. Raymond, lui, retira son casque et fila son écu à son écuyer. Le milicien qui se trouvait là ne pouvait s'empêcher de croiser les bras et de regarder de haut le gentilhomme qui retournait déguster une autre coupe du vin, sous les sifflets encourageants et pleins de félicitation des prostituées qui avaient regardé la lutte.

- Zêtes fier de vous ?
- Très fier !
- Cela peut aller loin ce genre d'affaires, sire Raymond !
- Hey ! J'étais innocent cette fois ! Je le jure ! Je le jure devant les Trois ! C'est ce gros crétin qui a commencé !
- « Cette fois ? »
- C'est au petit qu'ils en voulaient. Je sais pas ce que t'as fait pour l'enrager comme ça Geoffrey, mais je suis fier de toi !
- « Fier » ?!
- Bah oui. Roh, faites pas cette tête, Damien. Sérieux, vous prenez tout trop au pied de la lettre.
- Je ferai un rapport à mon capitaine.
- Mais faites donc ! Et bonne journée !




« Juste vengeance ne demande pas la peine. »
Pierre Corneille.

- Mon cher frère, tu t'es encore surpassé par ton immense débilité. Peu étonnant que père m'ait toujours plus fait confiance qu'à toi.


Amaury de l'Éspée, baron de l'Éspée-Montfort. Je pense qu'avec cette phrase, vous devez déjà avoir comprit l'étendue des relations entre lui et son frangin. Non pas que Virgile soit très concerné. Rentré au manoir depuis maintenant plusieurs heures, il contemplait son aîné assis sur une banquette, un verre à la main.

- Non pas que j'aie eu un autre choix... Ce chevalier était dans mes pattes.
- Tu avais le choix de ne pas y aller !
- Veuillez ne pas bouger, sire !

Ne pas bouger, oui. Parce qu'on était en train de prendre le portrait d'Amaury. Il se tenait tout droit dans son salon, les sourcils froncés, les lèvres pincées, observant de ses yeux verts l'artiste qui avait été commissionné pour dessiner la figure du baron, bien habillé, avec son manteau violet et orné par un médaillon d'or portant le lion de l'Éspée.

- Tu m'as demandé de m'occuper de l'écuyer... C'est que je j'allais faire.
- Il y avait des moyens plus subtils de le menacer que de venir avec une dizaine de gens d'armes à la sortie d'un bordel.
- La subtilité a jamais été mon fort. Tu le sais. Pourquoi m'avoir donc demandé de « m'occuper de lui » si au final ça te plaisait pas ?!
- Cesse de jouer au crétin. Je te sais plus intelligent que ça !
- Tu voulais que je fasse quoi ? Que j'assassine le gamin ?!
- Certainement pas.
- Que je le capture pour le prendre en otage ?!
- Encore pire.
- Alors quoi ?!

Un sourire naquit sur le visage du baron. Puis, il siffla et fit un signe de tête à l'artiste, lui indiquant qu'il pouvait prendre une pause.
Enfin, Amaury arrêta de rester droit et fixe. Il s'approcha de son frère, en rigolant.

- Tu ne comprends pas...
Quand j'ai dis que tu t'es surpassé, cela n'était pas une insulte. Je le pensais vraiment.
Tu as fait quelque chose de particulièrement idiot et débile. Mais c'est précisément ce que je voulais que tu fasses.

- Hein ?
- Virgile... Vient dans mes bras.

Son frère obéit en se levant. Les deux eurent une étreinte rapide, et Amaury ne manqua pas de donner une petite tape dans le dos de son frère, avant de l'embrasser.

- J'ai eut tellement peur pour toi, quand tu es parti au Labret ! Mais je savais que tu reviendrais vivant. Tu ne m'as jamais déçu. Tu n'as jamais déçu père. Tu vois, Virgile, je pense que tu es un homme très intelligent, et très fort, mais malheureusement, tu n'as jamais été bon aux échecs. Parce que tu ne peux jamais prévoir la réaction des autres.
Je voulais que tu fasses une scène dans le Bourg-Levant. Je voulais que tu le fasses, pour que ça aille jusqu'aux oreilles d'Étienne de Flocques, et qu'il se décide enfin à faire un scandale.


Amaury lâcha son frangin, et l'attira vers lui, pour que tout deux aillent sur le balcon de leur grand et luxueux manoir, avec vue sur jardin et le clocher de la cathédrale de la ville.

- Étienne a toujours été quelqu'un de très... Satisfait. Il déteste faire des remous, il fait ce qu'on lui dit en se taisant.
Mais maintenant que tu as réussi à terrifier son fils, je n'ai aucun doute qu'il est allé faire un scandale chez ses suzerains, les Brasey, pour qu'ils se décident à faire quelque chose pour notre cas.

- Ah oui, c'est très rassurant alors, tu m'as fait peur ; Je pensais que tu voulais juste qu'on se frotte aux Flocques, mais tu veux carrément avoir des barons sur le dos, dit Virgile de façon à peine sarcastique.
- Il ne s'agit pas de ça. Tu crois quoi ? Qu'avec la Fange dehors et l'Apocalypse sur le point d'arriver, le duc Sigfroi va nous permettre de nous entre-tuer dans un champ de justice ? Tu as servi au Labret. Le fils aîné d'Étienne a servi au Labret. Imaginez que vous vous tuiez tous les deux dans un duel.
- Jamais je ne perdrais un duel face à lui, tu m'insultes à-
- Oui, oui, mais c'est pas la question Virgile ! Tu es lourd à la fin !
Je suis en train de t'expliquer. Ce n'est pas nous qui allons démarrer les hostilités. C'est Étienne qui va le faire, il va fulminer, il ne va jamais ravaler sa fierté, et il va demander à Brasey de lui laisser rendre justice comme il faut !

- Et si Brasey refuse ? S'il demande à son vassal de la fermer et de se calmer, comme nous ferions si l'un de nos chevaliers se mettait à faire le mariole ?
- Alors nous le menacerions. Encore. Et encore. Jusqu'à ce qu'il craque. Mais nous ne nous mettrons jamais en tort. Je ne veux pas que tu touches un cheveux sur la tête du petit écuyer Geoffrey.

Il donna une petite tape sur la joue de son frère. Il serait en mesure de tout remettre dans sa tête tout seul, comme un grand.
Mais il se permit quand même une remarque, dans un soupir.

- Ce n'est pas moi qui le touche, Amaury. Il faudrait que tu surveilles ta fille.
- Je sais. C'est ce que je fais.
- Je le dis sérieusement ! Tu t'occupes à peine de tes gosses, c'est pratiquement moi qui les a élevés ! Moi je peux te dire comment elle le regarde, c'est inquiétant. Elle serait capable de faire une grave erreur. Et je peux te jurer, si jamais on remet en cause sa valeur...
- Alors quoi ?
- Devant Rikni, je jure que je le détruirai.

Les deux hommes s'approchèrent devant le dessin, qui n'était pas encore terminé, d'Amaury.

Spoiler:

- Tu ressembles beaucoup à Rodrigue, sur ce portrait...

- Ah, ne me parle pas de lui.
- Il est mort en héros. Face aux monstres, et avec ses enfants.
- Des héros il y en a plein, Virgile. C'est pour ça qu'on les appelles comme ça.
Mais les héros ils sont morts. Nous autres nous avons la chance d'être encore vivants. Alors, pour le bien de notre famille, ne cherche pas à faire ton devoir trop vite.

- Bien.
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyDim 7 Aoû 2016 - 0:10
Grâce et Audric se regardèrent d’un air convenu lorsque le domestique passa le pas de la porte du bureau du Baron de Brasey pour l’informer qu’une fois encore Monsieur de Flocques était venu l’entretenir de son désir de se rendre justice comme il le fallait dans son affaire avec les Éspée-Montfort. Si la progéniture avait pu fuir en toute discrétion de la pièce dans l’instant, nul doute qu’elle l’ait fait, tous deux savaient à quel point l’insistance de l’homme avait exaspéré leur père au cours de cette semaine et cette nouvelle requête sonnait presque comme cette de trop.

La première fois Anthime avait cordialement conseillé à son vassal, de se taire, laisser couler et avoir une discussion avec son fils, car, après tout si les Éspée-Montfort avaient réellement voulu attenter à la vie du petit écuyer, ce dernier aurait déjà cessé de respirer.
Au deuxième essayé lui avait-il vivement dit de ne rien faire, rien. Tentant de lui expliquer que si la famille continuait ses bravades, c’était là possiblement un moyen de poussée l’obéissant Étienne à la faute.
À leur dernière entrevue Monsieur de Brasey avait expressément ordonné à Monsieur de Flocque de ne pas agir sous peine de sanctions. Cette fois-là, le Baron avait réellement cru que le père du pauvre Geoffrey, tout loyal et obéissant qu’il était, avait compris et aurait accepté ruminant dans son coin. Malheureusement la nouvelle requête de ce jour tendait à démontrer l’inverse.

Cessant de gratter son parchemin, posant sa plume Anthime poussa un bref soupiré contrarié alors qu’Audric se rapprocha de sa sœur pour lui murmurer à l’oreille ce qu’il prévoyait pour la réaction du patriarche, d’ailleurs cela fit esquisser un sourire à la demoiselle. Pensait-il que cette insistance butée allait déchaîner des foudres quasi divines, que l’âne bâté allait se faire remettre à sa place, froidement. Pourtant, il n’en fut rien, du moins pas tout à fait, Monsieur de Brasey refusant simplement d’accorder une entrevue à celui qui venait encore une fois lui ressasser sa rancœur et quémander le droit d’une action idiote et seulement motivé par l’orgueil.

« Il m’agace ce Flocques… plus buté que je ne me souvenais. »

Souffla l’homme en s’appuyant sur le dossier de son fauteuil. Son regard glissa vers ses enfants qui faisaient des messes basses gloussant délicatement, sûrement se moquait-il de l’intrus qui allait vite être éconduit et poliment prié de revenir un autre jour par un domestique.

« - Soit, occupons-nous de cette affaire avant qu’elle ne prenne des propositions démesurées.

- Vouliez-vous que nous allions voir les d’Éspée-Montfort, Père ?

- Assurément pas Audric.
La phrase était incisive, n’ayant que pour but de stoper net l’élan d’Audric.

- Pourquoi donc ?
Questionna le jeune homme avec un haussement de sourcils.

- Le Baron d’Éspée-Montfort et le reste de sa famille, n’a aucune raison de nous écouter. Intervint Grâce et laissant filer son regard sur son frère.

- Tout à fait. Cela ne serait que prendre le risque de perdre quelques heures pour rien, mais également celui d’envenimer encore plus la situation. Nous allons prendre contact avec les Mirail, leur suzerain, en passant par eut il y a bien plus de chances de couper net les tentatives des d’Éspée-Montfort de pousser à bout ce brave Étienne. »

Anthime sorti un nouveau de parchemin d’un tiroir, trempa sa plume dans l’encrier l’essuya contre le rebord de verre et commença à tracer ces lettres.

« Comte de Mirail,

Je me vois désoler de devoir ainsi contact avec vous suite à quelques réclamations récurrentes du Seigneur Étienne de Flocques. Ce dernier demande le droit de faire justice suite à des provocations et menace d’agression, ou de mort, répétée à l’encontre de son fils Geoffrey de Flocques. J’aimerais éviter un tournoi, en ces temps troubles il nous ne faudrait guère risquer des vies pour des raisons pouvant trouver une issue moins brutale. Soyez assuré que je ne cherche qu’une issue diplomatique à cette affaire.
Je vous prie de bien vouloir croire, cher Comte, en l'assurance de ma considération.

Athime de Brasey. »


Le Baron plia avec soin la missive avant de la sceller comme il se devait. Puis il regarda à nouveau ces deux aînés, qui l’avaient regardé écrire. Son yeux passèrent d’Audric à Grâce, de Grâce à Audric, de son fils à sa fille, pour que finalement sa main tende la lettre à la demoiselle.

« Nous verrons ce que les Mirail répondront. Toutefois, s'il devait y avoir une entrevue, je souhaiterais que tu m’accompagnes, Grâce. »


L’expression de l’aînée de la fratrie se décomposa, passant un léger sourire amusé à une profonde incompréhension. S’était lui l’hérité, c’était son aide qu’on devait quérir dans ce genre de moments, pas celle d’une intrigante sournoise. Ladite intrigante sournoise, elle, arborait ce petit sourire en coin mesquin qui de lui seyait tant. La jeune femme attrapa avec une délicatesse résolue la missive qu’on lui tendait et dont le nom du destinataire était calligraphié sur le devant.

Le patriarche ne prit nullement la peine d’expliquer son choix avant de congédier sa descendance. Pour lui Grâce était un meilleur choix simplement, elle était d’une présence affirmée, mais l’apparente douceur de ses trais et son calme poussé, seraient certainement des atouts, contrairement à l’indécision chronique et le manque d’assurance de son fils. Surement aurait-il dû prendre Victoire, qui depuis le mariage Ventfroid cultivait une amitié avec Jade de Mirail, cependant il doutait que sa cadette soit assez habile pour ce genre de sujet délicat.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyDim 7 Aoû 2016 - 20:03
18 avril 1165


Ambre n’était pas d’humeur. Réellement pas d’humeur. De sombres affaires avaient éclaboussé son quotidien récemment. D’abord la folle aux chats, comme elle s’était mise à l’appeler avec Grâce, qui avait perdu la vie de leur fait quelques jours plus tôt à peine. Ensuite le sujet de Cassandre qui avait explosé entre Morion et elle, achevant de perturber sa routine déjà fatiguée par les deux mois de grossesse. Le tout, sans compter les missives étranges que le couple recevait dès que Morion était vu dans la basse-ville. En clair, le mois d’avril avait vraiment été compliqué, alors qu’elle avait besoin de repos. C’est pourquoi, assise dans le salon en face de son frère Evan, Ambre gardait un œil las sur la missive froissée entre ses doigts, son autre main tapotant doucement sur sa tempe.

La jeune femme était cernée, enroulée dans une tenue de confort. Il était tôt, et son frère l’avait dérangée presque au saut du lit. Ils se trouvaient actuellement tous les deux dans le salon des Ventfroid, où Evan était venu directement la quérir. Un long silence s’éternisa entre les deux nobles de la fratrie Mirail. Un silence inhabituel, car en temps normal, Ambre était toujours heureuse de voir son frère. Là, de toute évidence, elle était agacée.

- Ces crétins ont-ils vraiment besoin de nous pour régler leurs différends ? Qu’ils fassent donc leur duel, comme des hommes d’honneur, et qu’on n’en parle plus ! Grands dieux, le monde est au bord du gouffre et certains prennent encore le temps de se chamailler pour des… Par les Trois, pourquoi se chamaillent-ils ?

- Si j’ai bien tout saisi… Evan éplucha les lettres qu’il avait emportées avec lui, celles échangées avec le baron Anthime de Brasey après la réception de la première missive. Le fils du seigneur Flocques aurait culbuté la nièce du frère du baron d’Espée. Le visage d’Evan se crispa de mépris à la prononciation de sa propre phrase, qui était réellement ridicule pour le coup. « Le fils du seigneur machin qui a touché la soeurette du cousin du troisième frère de bidule ». Non, vraiment, l’affaire paraissait comique, et indigne de leur attention. Tu me connais, ma sœur. Je suis tolérant, mais je risque de secouer un peu trop la fourmilière s’ils m’agacent. J’ai hérité de Père un certain mépris pour ces Espée qui menaçaient en secret de nous trahir, et lever le petit doigt pour leur sauver les fesses me met déjà dans de mauvaises conditions.

Ambre eut un rire sans joie.

- Tu crois sincèrement que je serai dans de meilleures conditions, moi ? Que je ne possède point les mêmes griefs à l’encontre des Espée ?

Evan sourit doucement.

- Je ne doute pas que tu feras preuve d’un meilleur tact que moi, oui. Je ne veux pas y aller seul ; une présence féminine de la famille sera bienvenue parmi tous ces singes. Tu sauras peut-être trouver les mots, mais surtout, je suis terriblement occupé en ce moment. Si l’affaire s’éternise, je ne pourrai pas être présent tous les jours qu’il faudra. En prévention, il faut que tu sois là depuis le début pour saisir tous les tenants et aboutissants. Et puis… j’ai cru comprendre que t’éloigner un temps du manoir pourrait te faire du bien, ajouta-t-il prudemment, relevant le regard vers la rousse.

Ambre échangea un regard avec son frère. Elle resta silencieuse un moment, repensant à tous les évènements récents. Il y avait des choses qu’elle ne pourrait jamais lui confier, et d’autres qui étaient trop compliquées à confier tout de suite. Evan était un homme intelligent, et même si la comtesse ne s’était pas encore confiée, il savait qu’Ambre ne passait pas l’une des meilleures périodes de sa vie disons. La comtesse attendrait de s’être remise de ses propres émotions avant de lui en parler cela dit. Il lui faudrait avoir assez ruminé pour aborder le sujet avec son frère avec une meilleure objectivité.

- Je viendrai, Evan. Mais ne t’attends pas à ce que j’offre des sourires et des cadeaux pour calmer le jeu, selon la situation. Que veux-tu faire ? Veux-tu que je contacte Grâce de Brasey pour programmer une entrevue entre nos familles ? Nous avons fait meilleure connaissance depuis mes noces, j’entretiens avec elle une correspondance régulière désormais.

- Oh, nous allons voir les Brasey, oui. Mais pas que. L’on va percer directement l’abcès, ma sœur. Nous nous présenterons ce soir chez les Espée, et j’y convierai les Brasey, ainsi que leurs vassaux les Flocques. Cela sera réglé dès ce soir, il y a intérêt, je n’ai pas que ça à faire.

Ambre partit dans un grand éclat de rire.

- Tu veux convier les autres chez les Espée sans même demander leur avis ?

- Ils seront informés dans ma lettre, claqua Evan, indifférent. Je ne suis pas devenu comte pour jouer les garde-mômes. Les Espée cherchent la provocation ? Ils la trouvent ; ils vont avoir tout le gratin sur le dos.

La comtesse toisa un instant son frère. Diantre, ce qu’il avait pris en responsabilités depuis la mort de leur père. Il croulait sous le travail, Ambre le sentait bien. Ce fut pour cette raison, principalement, qu’elle ne refusa pas cette affaire. Si elle pouvait épauler Evan dans une affaire qui risquait de s’enliser dans un esclandre grave, elle le ferait. Elle était devenue comtesse de Ventfroid, certes, mais restait toujours d’une certaine manière le symbole féminin des Mirail. Son frère avait besoin d’elle pour contenir des honneurs bafoués et des gestes que leurs vassaux viendraient à regretter. Alors, elle serait là. Elle ne donnait cependant pas cher de la peau de celui qui réussirait à faire sortir Evan de ses gonds. Faire sortir le bienveillant, le tolérant Evan de Mirail de ses retranchements, c’était creuser un peu plus vers la tombe.

--

18 avril 1165, dix heures du matin,

« A l’intention d’Amaury d’Espée,

J’ai reçu la veille de nombreuses plaintes vous concernant à propos d’une affaire concernant les Flocques. Je n’ai point l’habitude de me mêler des affaires personnelles de mes vassaux, cela dit, désormais que nous vivons tous en huis clos et que nous devons tous nous entraider pour faire face à la Fange, je me vois dans l’obligation d’intervenir. J’escompte avoir un récit précis des griefs qui taraudent vos deux familles, non pas par le biais de langues bavardes, mais bien par la vôtre. En tant que suzerain, je ne puis me dérober plus longtemps à l’arbitrage d’un conflit qui semble vouloir évincer nos rares nobles guerriers encore debout.

Ainsi, je me présenterai ce soir vous saluer, en compagnie de ma sœur Ambre. Je convie également les Brasey et les Flocques à nous rejoindre, pour que nous puissions tous démêler les tenants et aboutissants de ce conflit qui, je l’espère, ne sera finalement qu’un horrible malentendu. Justice sera faite, dans tous les cas.

J’escompte bien à ce que vous accueilliez vos invités avec dignité ; que l’on ne dise pas que les vassaux des Mirail soient des rustres. Montrez-vous digne de la famille à laquelle vous avez juré allégeance.

Evan de Mirail. »


--
18 avril 1165, dix heures du matin,

« Baron de Brasey,

J’ai tenu bonne réception de votre missive. Je n’ai, de mon côté, pas reçu la moindre réclamation de la part de mes vassaux les Espée. Ce silence reste éloquent, cela dit.
J’ai eu vent de ce qu’il s’était passé, et les griefs entre les deux familles semblent enfler depuis trop longtemps en effet. J’aimerais autant que nous n’arrivions pas au point de rupture ; perdre des hommes d’expérience au combat ne nous est plus permis en ces temps troublés.

Je vous convie donc, si vous l’entendez, vous et vos vassaux concernés, dans la demeure des Espée ce soir. Ils sont prévenus, et devraient vous accueillir avec le respect qui vous est dû ; j’en ai donné l’ordre. Conviez tous les protagonistes de cette affaire, qu’ils puissent se confronter sous l’œil juge de leurs suzerains. J’espère que nous pourrons régler le tout rapidement sans avoir à quémander l’intervention ducale.

Bien à vous,

Evan de Mirail. »



Dernière édition par Ambre de Ventfroid le Dim 16 Oct 2016 - 23:26, édité 1 fois
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La Poisse
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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyLun 8 Aoû 2016 - 13:12
- Raconte-moi ta journée, mon cœur.

Boson d'Andaral essayait de faussement mettre à l'aise son amant, tout en étant assis, sur sa table, à travailler au milieu de livres de comptes poussiéreux, et à lire des missives grattées sur des parchemins crépitant. Le Grand Argentier du duc s'était mis à l'aise en cette nuit un peu fraîche, en se mettant un long manteau de fourrure au-dessus de sa robe de chambre. À la lueur d'une bougie, et des lunettes collées sur son nez, il essayait de décrypter les chiffres et les nombres qui s'étalaient tout autour de lui.

- Pourquoi tu veux savoir ça ? Depuis quand tu t'intéresses à moi, tiens ?
- Pour parler.

Le sergent Damien Troussel, lui, était avachi sur le lit juste à côté, nu comme un ver. Fatigué, il n'avait qu'une envie, celle d'enfin pouvoir roupiller. Mais son amant avait décidé que c'était le meilleur moment pour revoir d'anciennes feuilles de comptes, afin de pouvoir préparer les semonces de la taille pour cette année. Elle serait bien maigre, vu comment le Duc ne contrôlait plus aucun péage et plus aucun fiefs, à part le Labret.
Mais bon. C'est pas comme si les autres étaient mieux lotis, alors...

- Baah... Il s'est passé un truc. Un truc trop bizarre. C'était Chez Lulu.
- « Chez Lulu » ?! Tu visites les maisons closes maintenant ?! Cria Boson, visiblement énervé.
- Pour le boulot ! La madame est v'nue hurler au guet. J'suis venu à cheval, comme ça, elle me disait qu'il y avait une dizaine de types armés qui la menaçaient.
- Des usuriers ? Ils travaillaient pour le compte de qui ?
- Même pas des usuriers ! De la piétaille, au service d'un noble.

« Noble ». Alors là... Le mot avait enfin fait changer l'attention de Boson. Il s'était tourné sur sa chaise, pour regarder Damien allongé sur le lit, qui lui sourit.

- T'es mignon avec tes lunettes.
- Tais-toi.
Qu'est-ce que tu racontes, à dire qu'un noble vient au bordel avec des hommes armés ?

- C'est plus compliqué que ça ! En fait, le mec a voulu provoquer en duel un chevalier bourré, t'sais, le mec qui arrête pas de se forcer sur les servantes quand-
- Raymond de Longuesépée.
- Ouais. Mais comment tu le connais ? Enfin bref. Figure-toi que, le mec, c'était Virgile de l'Éspée-Monfort, et il en avait après un petit noble d'une famille que je connais pas, enfin, juste une-
- Geoffrey de Flocques.
- Ah bah t'es au courant de tout. Je vais plus parler ça va être plus simple.
- Je sais que les Éspées et les Flocques se haïssent depuis longtemps. Mais là ce que tu me dis, c'est... Surprenant.
Et intéressant.
Dis m'en plus.


Boson s'était levé, et était revenu s'allonger auprès de celui qui lui servait de garçon. Ah, l'homosexualité de Boson, le plus gros secret de polichinelle de toute l'Esplanade... Tout le monde était au courant, mais personne n'en parlait, même pas en famille. C'est qu'on parlait d'un homme qui avait les faveurs du Duc.

- Franchement, tu me casses les couilles Boson. Tout ce qui t'intéresses c'est le boulot. Eh bah je vais te décevoir. J'en sais pas plus ! Ils se sont tous dispersés bien sagement et c'est pas allé plus loin.

- Quelle était la cause de cette bagarre ?
- Une femme. Tout le temps les femmes, pas étonnant que je sois pédé comme tout. J'aime pas les emmerdes.
- Bien ! Dès demain, je vais m'occuper de cette affaire... Ce serait dommage de ne pas profiter d'une vendetta juste dans l'enceinte de notre belle Esplanade.
- Le duc a pas dit que c'était pas très légal ça ? 'Fin j'veux dire, les gens qui s'entre-tuent pour un rien chez lui alors qu'il y a la Fange chez lui ?
- Exactement, c'est très illégal. Si une telle chose devait se produire, nul doute qu'il y aurait des condamnations.
Et des amendes. Tu sais, les amendes, la chose qui permet de renflouer le trésor désespéramment vide ?

- Tu me dégoûtes Boson.
- C'est grâce à ça que t'es payé, sergent.
- Oui bah je vais me coucher, bonne nuit.

Ayant dit cela, un poil énervé, il se retourna dans sa couche et fit dos à sa moitié, quand bien même le proverbe disait qu'il ne fallait jamais faire dos à un... Enfin, bref, vous m'avez compris.




Amaury relisait pour la vingtième fois la lettre qui lui avait été portée par son seigneur-lige. Les sourcils froncés, l'air contrit, les lèvres pincées, il affichait une mine grave, assis sur la table de sa cuisine. Virgile entra juste après, en tenant dans ses mains une arbalète. Il posa l'arme à terre, plaça son pied dans l'étrier, et à l'aide d'un crochet, il remonta la lourde corde le long de l'arbrier, pour la verrouiller sur la noix de métal.

- Frère, qu'est-ce que tu es en train de faire ?
- Je prépare mon arbalète. Dès qu'Étienne franchira le pas de la porte, je lui mettrais un carreau entre les deux yeux !

Amaury s'était déjà levé, et tout juste Virgile avait placé la crosse de l'arme sur son épaule, que le baron l'avait subtilisée de ses mains.

- Cesse donc de jouer, Virgile ! C'est une affaire très sérieuse !
Je m'attendais à une réaction de la part de sire Evan, mais certainement parce qu'il s'amuse à inviter nos ennemis chez nous !
En même temps je peux le comprendre. C'est exactement ce que j'aurai fait à sa place. C'est exactement la même chose que le Roi faisait avec sa quarantaine. C'est juste que ça me met mal à l'aise !

- Ouais. D'accord. Et donc, on fait quoi ? On va leur servir le couvert, à toute cette troupe ?
- Bien sûr.
- Tu comptes mettre du poison dans le verre des charognes ?

La plaisanterie arracha un rire à Amaury, qui s'était éloigné pour ranger l'arbalète de son frère. Il la fila dans un placard, derrière une mince cloison.

- Ha ! Je préfère pas.
- N'empêche que tu t'y attendais, à cette réaction ! Alors maintenant, le joueur d'échec, tu vas faire quoi pour régler ce « soucis » ?
On dit aux Mirails de se la fermer et de surtout pas se présenter ?

- C'est hors de question. Evan de Mirail est notre suzerain. Et de toute façon, je n'ai certainement pas envie de le mettre à dos. Ni lui, ni son nouveau beau-frère, Morion de Ventfroid. De plus, si jamais le duc en a marre que ses arrières-vassaux s'entre-tuent, il va mettre la pression sur sire Evan, qui va mettre la pression sur nous, enfin bref, tu vois le genre.
- Bien. D'accord.
- Ne t'en fais pas. Tu sais bien que je trouve toujours des solutions à tout.

Il disait vrai. Amaury trouvait toujours une solution. C'est pour ça que des trois frères de l'Éspée, il avait toujours été le favori.
Virgile, le cadet, c'était le sang chaud, l'homme qui ne voyait le monde qu'au bout de sa lance couchée. Cela ne faisait pas de lui un rustre, contrairement à ce qu'on pourrait s'imaginer. C'est juste qu'il était un homme peu patient, vivant selon ses passions, et qui n'était efficace lorsqu'il se concentrait sur une chose. Son mariage totalement raté en était une sacrée preuve.
Amaury, l'aîné, c'était l'exact opposé de son frère. Un homme froid, peu accorte, qui ne caressait jamais dans le sens du poil. Il n'était pas cruel, même s'il avait cette réputation qu'il ne méritait pas du tout ; Simplement, c'était quelqu'un qui avait du mal à pardonner, un bourreau de travail, froid et sérieux.
C'est Rodrigue, entre ses deux frères, qui avait toujours eut du mal à trouver sa place. Il n'avait pas eut toutes les responsabilités de son aîné. Et il n'avait pas eut tout l'amour parental de son cadet. Le résultat avait été assez bizarre. Rodrigue était un homme... C'était difficile de le décrire. Maniaque, obsédé par de petits détails, dur, il n'aimait pas grand monde, et personne ne l'aimait. Mais il fallait pas parler de Rodrigue. Il était mort, comme son seul fils était mort, bravant la Fange lors de la marche vers le Labret... C'était étrange comment Amaury avait exprimé tellement peu envers lui, pour se retrouver maintenant rempli de regrets à sa mort.

- Sire. Votre fille est à l'entrée.
- Bien ! Voilà au moins une bonne nouvelle !
- Charlotte ? Elle est ici ?
- Oui, elle fera bonne figure. Son mari est assez collant avec elle, mais lorsque c'est son père qui demande à la voir...
Maintenant, Virgile. Va donc te raser et te préparer. Tu as vu les instructions de notre lige ?

- Ouais. Il nous demande de nous torcher la raie comme si nous étions des nourrissons. Il y a de quoi se sentir insulté !

Tandis que Virgile s'éloigna d'un côté, Amaury suivi son domestique pour descendre de l'étage de son manoir. Sa petite chérie s'était permise de déjà accéder au jardin de la résidence, où elle s'était assise sur une chaise, ne se levant que pour aller embrasser son paternel. Enfin, vous connaissez les papas : Ils voient toujours leurs filles comme si elles avaient 8 ans, quand bien même Charlotte était mariée, et déjà mère. Une femme plutôt mignonne, avec des grosses joues et de larges hanches, et de beaux cheveux blonds qu'elle avait l'habitude de voiler après que son mari, facilement jaloux, lui ait demandé de le faire.

Les deux commencèrent à piailler, de tout et de rien, de nouvelles, de leur famille, de choses de familles. Vous vous imaginez bien le genre de discussion que les deux peuvent avoir, comme ça, assis dans leur jardin, sans se soucier de bien des malheurs que subissaient les gens communs à Marbrume.

- Tonton Virgile !

Elle accueilli bien plus chaleureusement le frère de son père, qui était descendu, le teint tout frais, son épaisse touffe de cheveux et sa longue barbe taillés pour faire beaucoup plus propres ; Virgile était tout juste rentré du Labret il n'y a pas deux jours, il était jusqu'alors aussi sale qu'il était fatigué. Les trois se retrouvèrent à nouveau à table autour d'un bon vin.

- Alors, tonton, explique-moi tout. Qu'est-ce que tu as cherché à faire ?
- Tout ça c'est la faute de ta petite sœur, Constance. Je l'ai vu de mes propres yeux rôder auprès du rejeton d'Étienne de Flocques.
- Allons. La garce a déjà quinze ans et commence à réfléchir à ce genre de choses ; Père, remets-lui donc les idées en place, que nous n'avons plus à nous occuper de ça.
- Le problème, c'est que cette saloperie de morveux est tenace. Je commence à croire qu'il souhaite s'en prendre à la vertu de ma petite nièce ! Cela ne passera pas !
- Virgile, tu te doutes bien que je ne vais pas le laisser toucher à ma fille. Mais cette affaire est très, très exploitable pour moi... Le fait qu'il menace la vertu de la prunelle de mes yeux est un motif plus que légitime pour chercher à lui trancher la gorge.

Le propos d'Amaury était censé rassurer.
Ce n'était sûrement pas la réaction escomptée qu'il obtenu.
Virgile devint rouge, les yeux tout écarquillés.

- Attend... T'es en train de sous-entendre quoi exactement ? Que... Que t'es en train d'utiliser ta fille, comme d'une putain ?!
- Je n'ai jamais dis une telle chose.
- Mais tu l'as pensé tellement fort que c'est monté jusqu'à mes oreilles !
- Virgile, tu sais bien que jamais je ne mettrais l'honneur de ma fille en danger. Alors baisse d'un ton immédiatement.

Le cadet obéit à l'aîné. Mais régna un instant un silence pesant, à faire frissonner.
Pour tenter de détendre l'atmosphère, Charlotte hasarda à poser une question.

- Et... Toussaint ? Il va venir j'espère ?
- Vu qu'il est mon héritier, bien sûr qu'il va venir.

Amaury dit ça avec un ton froid. Très froid.

- Moui...

- Où il est en ce moment ?
- À la bibliothèque du Temple. Avec les autres hommes en robes de bure.
- N'avait-il pas renoncé à ses vœux ?
- Bien sûr que si il a renoncé à ses vœux, depuis longtemps. Mais il se sent toujours l'humeur d'un prêtre.
- J'espère que ce délire va vite lui passer. Depuis... La gorge d'Amaury se noua subitement.
- Depuis « l'accident », reprit Virgile en accentuant ce mot avec hargne, c'est Toussaint l'héritier présomptif. Et crois-moi, qu'il va commencer à comprendre quelles responsabilités lui incombent !

Et ils repartirent dans une autre discussion, sur Toussaint cette-fois, sa sœur tentant tant bien que mal de le défendre, malgré les avis durs de son père et de son oncle.




Étienne de Flocques ne pouvait s'empêcher de sourire. Depuis qu'il avait reçu l'invitation à aller dîner chez ses pires ennemis, les Éspée, il agissait comme une petite puce. Tout énervé, tout empressé, il était aller acheter de la fourrure pour sa femme, et quelques ornements et bijoux. D'habitude, il ne se souciait guère de ces mondanités, vivant le plus simplement du monde, un moine aurait été impressionné. Mais là, là c'était différent. Il fallait qu'il se fasse tout beau, tout propre, pour bien montrer tout son prestige, et en même temps, faire honneur à son seigneur-lige.

Il faut dire qu'Étienne de Flocques, c'était un peu le vassal rêvé. Il était né bâtard, et pas du tout d'une dynastie prestigieuse. Les Flocques n'avaient jamais eut grandes richesses ou prestige. Ils n'étaient que de petits châtelains, suzerains de deux villages, obtenant l'hommage d'à peine une douzaine de chevaliers. Légitimé par son père, c'est un concours de circonstance qui l'avait fait hériter du château : Tous ses frères étaient morts, tout bêtement. Aussi, Étienne s'était retrouvé agenouillé, à embrasser les mains du patriarche des Brasey, et ainsi avait commencé une longue histoire à servir de coupe-jarret noble. Constamment obéissant, constamment loyal, l'idée de devenir félon ne lui avait jamais traversée l'esprit. Il s'était toujours montré à la hauteur, par une seule faute sur son long tableau de chevauchées et de services à rendre. Il avait même payé de l'argent de sa propre poche lors du mariage de Grâce de Brasey ; Autant vous dire qu'il était devenu un peu vert quand il avait appris l'annulation de l'union.

Mais ça c'était pas important. L'important, c'est qu'on lui avait enfin accordé d'aller voir les Éspées. En le voyant courir un peu partout pour se préparer, sa femme restait froide, n'arrêtant pas de souffler, et de faire des remarques à demi-mots.

- Qu'est-ce qui te mets donc dans de tels états Étienne ? Je pensais que tu détestais Amaury...
- Bien sûr que je le déteste ! Crois-moi, il m'arrive de faire des rêves où je l'étrangle !
- Alors pourquoi être si pressé d'aller le voir ?
- On va enfin pouvoir en découdre ! Ce sera sympa ! Je pourrais lui dire ses quatre vérités, droit dans sa gueule, et avec la bénédiction du comte de Mirail en plus ! Ce sera géant !
- Si tu le dis.
- En plus, il y aura Grâce. Ce sera sympa. Je l'aime bien cette petite ! Quand je l'ai vue pour la première fois elle était minuscule, une véritable petite puce, à me faire une petite révérence de dame dans sa robe !

Sa femme leva les yeux au ciel. Elle se retourna, et s'éloigna de la pièce dans laquelle ils étaient tous les deux.

- Très bien ! Mon mari est heureux, à la bonne heure ! Pour une fois qu'il ne ronchonne pas devant la cheminée !
- C'est ainsi.

Tic. Tic. Tic.

Le bruit de la canne accompagnait Étienne partout où il allait.
Car c'était bien ça le problème. Lui, « le Bâtard Noir » comme on le surnommait, après une vie passée en portant les armes, se retrouvait infirme de sa jambe droite, devant abuser d'opium et d'onctions pour faire passer la douleur. Cela avait laissé des marques sur son visage, d'ailleurs, mais qu'importe. Il avait une relève. Cinq enfants, tous des mâles. Quatre d'entre eux étaient en ce moment même en train de se battre au Labret, et le dernier, Geoffrey, faisait de folles aventures avec son chevalier protecteur.
Malheureusement, les menaces colportées sur son fils, il les prenaient gravement. Très gravement. En fait, c'était même un euphémisme. Quand Raymond de Longuespée était rentré en ayant expliqué ce qu'il s'était passé, il était entré dans la même rage qu'un gorille, et avait sauté à pieds joints sur un vase qu'il avait brisé en milles morceaux. Ce genre d'acte méritait Vendetta. Et qu'importe qu'avec sa patte blessée, et avec Amaury qui approchait de la cinquantaine, les deux hommes ne puissent pas régler leur différent en duel ; Ils trouveraient bien un autre moyen d'en finir.

- Les Éspées... Ah, oui, j'oubliais, pardon, les Éspées-Montfort ! Car ouais, c'est bien par pure vilaine qu'ils ont mis la main sur la seigneurie de Montfort.
- La mère d'Amaury était seigneuresse de Montfort, mon cher mari, répondit son épouse en haussant de la voix, écoutant à peine celui qui parlait tout seul dans son bureau.
- Et la coutume a toujours été d'ordre agnatique sur ce fief, jamais cognatique !
- Le parlement du Roi a dit l'inverse.
- Parce qu'Amaury était le singe de Sa Majesté !
- Parce que le frère Montfort sucrait les fraises, plutôt ! Allons, arrête de ressasser cette histoire vieille de quarante ans. Nous n'étions que des enfants.

Tic. Tic. Tic.

Il s'approcha dans le dos de sa femme, ses joues couvertes d'une barbe noire se mettant à rougir de colère.

- Tu as à peine connu ta famille, Isabeau ! Mais moi pas. Tout jeune, mon père m'a apprit à craindre et à haïr Amaury et ses frères !
La « vendetta », tu connais ? J'ai toujours agis dans le simple but de venger les miens.

- Et Amaury agit pour venger les siens ! Et si il te tue, alors nos enfants s'entre-tueront avec *ses* enfants, et ça continuera encore, et encore, pendant des générations.
Pas étonnant qu'Anür ait décidé de nous maudire avec la Fange, si ce sont des hommes comme toi qui règnent sur Terre !


Et ayant dit cela, Isabeau se mangea une rouste mémorable. Du plat de sa main, il décocha une gifle monumentale qui claqua la face de son aimée. Cela lui arracha un cri, très court, avant qu'elle regarde avec une peur incompréhensible son mari.
Il ne l'avait jamais battue. Jamais. En trente ans de mariage il ne s'était jamais montré violent.

- Je ne tolérerais jamais qu'on blasphème le nom des Trois dans cette maison.
Est-ce que tu m'as compris ?
Dis-le à voix haute !

- O...Oui...

Des bruits de pas dans le couloir. Les deux nobles se tournèrent, pour voir un vieillard alcoolisé tout gêné d'être arrivé juste au mauvais moment.

- Heuu... Pardonnez-moi, je dérange... Je repasserai, et-
- Non ! Non, je suis ravi de vous voir, chevalier Raymond !
Tenez, approchez !


Isabeau de Flocques s'échappa d'un pas rapide dans sa chambre, des larmes commençant à couler de ses yeux. Raymond parut vraiment gêné, contrit un instant, avant d'obéir.
Il se tapa le torse avant d'étendre le bras, pour saluer le sire Étienne, avant d'obéir et de s'approcher.

- Vous auriez quelque chose à boire, sire ?
- Malheureusement non, sire Raymond. Et je dis ça pour votre bien. L'alcool est un fléau, vous devriez arrêtez.
- Bwaf ! C'est que je suis un gros bonhomme, monseigneur, j'ai b'soin d'un peu plus de r'montant que les autres, faut pas m'en vouloir, les Dieux me pardonnent...
- Je voulais encore vous remercier pour votre diligence. C'est grâce à vous que mon fils est encore sauf. Vous avez ma gratitude éternelle. Vous pouvez tout me demander.

Raymond alla s'asseoir, en gros balourd, sur un tabouret d'une grosse table pas très élégante. En réalité, il se sentait un peu mal d'être dans cette situation. Il aimait pas que les gens lui soient redevables, ça le mettait mal à l'aise.

- J'suis un gars simple, sire. Pis j'ai juste fait mon d'voir.
Et j'dois vous avouer que ça me manque de me battre, alors hein ! Surtout qu'il est doué le Virgile, pour un vieux de son âge il bouge bien.

- Vous n'êtes pas jeune non plus, chevalier.
- Ah. Oui. Sans doute...

Ayant été bien séché par cette insulte, il se mit à tapoter la table, affichant une mine bien ennuyée.

- Bien, heu... Enfin... Voilà, sire, pourquoi vous m'avez fait venir ? Enfin, c'était vraiment que pour me remercier ?
Désolé, j'dois vous paraître désagréable, c'est juste que... J'ai l'habitude des gens qui m'invitent à leur table c'est rarement uniquement pour parler de la raison de votre invitation.

- Effectivement. Chevalier. J'ai une proposition pour vous. Une dont vous devez me jurer de ne la répéter à personne.
- Ah bah ! D'accord, ouais, c'est le genre de truc extrêmement grave qu'on peut pas crier sur tous les toits ?
Ouais, mon silence est garanti, vous savez. De quoi s'agit-il ?

- J'ai besoin que vous assassiniez quelqu'un pour moi.

Raymond parut tout livide un instant. Étienne ouvrit la bouche, mais le chevalier le coupa dans son élan.

- J'vous arrête tout de suite, sire. J'ai pas envie de savoir. J'ai besoin que vous ne disiez pas mot de plus.
- Non ?
- Non... J'suis désolé sire, mais... C'pas mon genre de faire ça. J'suis pas un coupe-jarret, alors que je suis sûr que vous trouverez plein de vauriens dans Marbrume prêts à faire ce genre de basses œuvres.
- Très bien. D'accord. Alors, faisons comme si cette conversation n'avait jamais eut lieu, très bien ?
- J'ai déjà oublié de quoi nous parlions.

Silence gênant. Vous savez, ce silence gênant quand on vient de se faire recaler dans son projet de commanditer un assassinat. Mais si ! C'est déjà arrivé à tout le monde !

- Sire, heu... Pardonnez-moi de me mêler de ce qui me regarde pas, hein, mais... Enfin...
C'est quoi l'histoire entre vous et les Éspées ? 'Fin j'veux dire... D'après c'que votre petiot m'a raconté, c'est plus que le fait que la nièce de Virgile s'amuse à lui sourire et à rougir quand il passe.

- Non, vous avez raison chevalier. C'est beaucoup plus compliqué que ça. Et je doute que l'Histoire vous intéresse...
- Si vous me filez un verre de vin j'suis prêt à vous écouter !
- Ha ! Très bien...

Et il s'exécuta, le bâtard, à aller chercher une coupe pour celui qui se chargeait de l'éducation des armes de son fiston. Une bonne rasade alla brûler la gorge du chevalier alcoolique, et pendant qu'il écoutait comme un petit garçon écoutant son tonton lui raconter une histoire, il buvait, satisfaisant ses horribles démons.

- J'ai toujours eut du mal à situer jusqu'à quand remonte la haine entre ma famille, et la leur. Je n'étais qu'un bâtard, je n'ai jamais fait vraiment partie de la fratrie, et on ne m'a pas trop expliqué les tenants et les aboutissants de notre longue histoire sur notre petit château, si loin du Morguestanc...
Ce que je sais, c'est que le domaine de Montfort, une large et riche terre, se devait de revenir à mon oncle. Mais Amaury de l'Éspée avait des prétentions par sa mère, seule survivante des enfants du sire de Montfort...

- Ah ! C'est juste une histoire d'héritage, alors... C'vrai que les familles s'entre-tuent souvent pour-
- Non, non, c'est pas juste une question d'héritage. Cela remonte à plus loin encore. À six, ou sept générations. Mon arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père était déjà dans une vendetta avec eux. Vous imaginez un peu le tableau ? Mais c'est que c'est un cercle vicieux, un cercle de la haine. On les blesses, et ils nous blessent, et c'est sans fin. Je sais même pas qui a commencé, est-ce que ça a la moindre importance ? Il me semble que c'était une histoire, pendant une Croisade en Orient, en plus... Donc, chacune de nos deux familles dit même agir avec la bénédiction des Trois. C'est vous dire le bordel !
Ce que je sais, moi, c'est qu'Amaury de l'Éspée a tué mon demi-frère. Et il n'a jamais inquiété pour ça. Parce que pour le Parlement du Roi, dans la capitale des Langres, il n'avait fait que défendre ses prétentions parfaitement légitimes.

- Et alors ? Qu'est-ce que ça vous fiche ? Montfort j'y suis déjà allé. C'est vrai que c'était beau et que ça puait la richesse avec tous ces champs de vignes... Mais, ça doit être morne et infesté de fangeux maintenant, comme le reste des Langres. Pourquoi vous faites pas la paix ?
- Parce que, ce qui a abreuvé les sillons de Montfort, c'est du sang... Tellement de sang...
Vous devez savoir ce syndrome, qu'on les joueurs aux cartes. Ils jouent, ils perdent, ils perdent, ils perdent... Et lorsqu'on leur dit : « Il serait temps d'arrêter maintenant », ils vous répondent, « oui, mais j'ai déjà tant perdu ! Je ne peux pas rentrer chez moi en ayant tant perdu ! ».

- Un marchand étranger, Enrico di Verlidi, m'avait dit que ça portait un nom. « Le dilemme du coût irrécupérable ». Quand on a acheté un stock pour beaucoup, on veut à tout prix le vendre, même si ça vaut plus rien, même si on le vend à perte.
- C'est... C'est ça en quelque sortes. C'est compliqué.
Amaury a fait beaucoup de choses contre moi. Il m'a fait souffrir. Il a prit des choses, et des gens, qui étaient très chers à mes yeux.
Et en retour, je lui ai fait très mal. Je l'ai fait souffrir.
Maintenant, aucun d'entre nous ne peut reculer. C'est pas simplement une question d'honneur, c'est pas pour satisfaire une ordalie divine que Rikni aurait ordonné parce que l'arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père d'Amaury a péché.

- C'est pour quoi alors ?
- Parce que j'ai besoin d'à nouveau pouvoir dormir la nuit.

Raymond haussa les épaules, avant de soupirer un peu.

- La vengeance ça vous supprimera pas votre peine, sire. J'espère que vous vous en rendez compte. Moi-même j'y ai goûté. Ça supprime pas votre colère. Ça vous rend juste... Vide.
- C'est ce que les prêtres vous disent au Temple, oui. « Apprend à pardonner, mon fils », avec leurs soutanes et leurs airs condescendants... Ils ont sûrement raison, mille fois raison...
Mais Amaury a menacé mon fils. Mon fils. Mon fils. On ne s'en prend pas à mon fils, chevalier. C'est sacré. C'est comme les païens qui s'amusaient à se masturber sur des statues d'Anür ; On les a tous passés à l'épée. Eh bien, Amaury, je vais le faire souffrir.

- Soit. À votre vendetta, alors !

Le chevalier leva son verre, et le termina d'une traite. Tout juste après avoir bu, il exhala un bon coup d'air avant de reprendre.

- Sire. Votre petiot... Il va venir là où qu'vous êtes invité ?
- Non, chevalier. Je n'ai pas envie que... Enfin, les choses empirent. Et de toute façon, je n'ai pas envie qu'il continue de rôder autour de la petite garce d'Amaury.
- C'est bien, vous êtes tous deux d'accord sur un point au moins !
- Vous pouvez vous occuper de Geoffrey pendant cette nuit ?
- Vous voulez dire comme une nounou ? Bien sûr sire, aucun problème. Il devient lent, j'vais l'amener parer avec un pote, il y aura pas de soucis.




Le soleil était déjà en train de se coucher, et la table avait été dressée. La coutume de l'hospitium serait respectée ce soir. Rien n'arrivera à Étienne de Flocques, il repartirait vivant, sur ses deux jambes. C'est que Amaury avait une double crainte : Celle d'attirer la ire des Dieux, et plus simplement, celle de voir des miliciens débarquer chez lui.

Amaury s'était fait beau. Il avait revêtu ses plus beaux vêtements et son mantel le plus soyeux pour venir accueillir ses suzerains, ainsi que les autres invités. Toute sa famille, ou plutôt, tout ce qui restait de sa famille, s'était également préparée. Son frère, Virgile ; Ses deux filles, Charlotte, qui n'était pas venue avec son mari, et Constance, encore pucelle ; Et son fils survivant, Toussaint. Tout ce beau monde, réuni dans le salon, tonton Virgile épatant la galerie à conter ses magnifiques histoires du Labret.

- Et donc, là, t'as le petit gros, il se retrouve avec la mâchoire littéralement arrachée ! Elle se met à pendre sous ses lèvres, et le mec il s'en rend pas compte, la douleur devait pas encore avoir fait effet. Il a levé ses yeux pour moi, et je vous jure, j'ai jamais vu ça dans les yeux de quelqu'un... Un instant, deux, trois secondes, il m'observait avec ses yeux de chiens battus, et après, il se mit à hurler, le hurlement le plus aigu que j'ai jamais entendu...
- Mais c'est horrible ! Dit Constance, choquée, devenue un peu pâle tant le récit de son oncle était vivant.
- T'as raison que c'est horrible ! C'est pour ça que je te dis : Épouse pas un chevalier. Il fera pas long feu. Trouve-toi un prêtre qui passe ses journées à copier ou un infirme qui peut pas sortir dehors.
- Elle épousera qui je lui dis d'épouser, répondit Amaury en entrant dans le salon.
- Bien sûr. Et tu élèveras ses enfants aussi ? Allons...
Et toi, Charlotte ? Ton mari ? Il va comment depuis sa blessure ?

- Il est insupportable. Il passe ses journées à fumer de l'opium, une addiction qui commence à coûter cher...
- Il lui faut bien ça pour arrêter de souffrir. C'est un miracle que sa blessure ne se soit pas infectée...
- Je sais bien. Mais ça ne guérit toujours pas. Et... Et quand il n'a pas sa dose, il devient...

Elle laissa sa phrase en suspens. Quelque chose qui ne plus pas du tout aux deux patriarches de la famille.

- Est-il violent avec toi ?

- Il me gifle quelques fois... Comme tout mari, je suppose...
- Cela n'est pas tolérable.
- Pourquoi tu m'en as pas parlé ? Je serai allé le démonter aussitôt !
- Tu étais au Labret, toi !
- Et moi ? Pourquoi tu ne me l'as pas dis ?
- Parce que ça sert à rien. C'est comme jeter de l'huile sur le feu ! Je sais qu'il est malade, et ce n'est pas sa faute... C'est juste que j'arrive plus à m'en sortir avec lui. Il n'a jamais été très agréable, mais là, c'est juste plus possible...

Elle n'eut pas le temps de terminer. Un valet entra, portant une livrée aux couleurs rouges et or. Il retira son couvre-chef en arrivant dans le salon.

- Messeigneurs, mesdames. Pardonnez-moi de vous déranger.
Leurs seigneuries de Mirail et de Brasey sont arrivées.

- Bien.
Nous continuerons cette discussion, Charlotte. Pour l'heure, soyez tous irréprochables.


Evan et Ambre de Mirail, Grâce et Athime de Brasey. Les quatre n'avaient pas dû attendre devant l'entrée comme de vulgaires rats demandant une audience ; Sitôt présentés, ils avaient été escortés jusqu'au jardin du manoir, et on leur avait proposé quelques boissons en apéritif. Ils n'eurent même pas à attendre bien longtemps. Déjà, tout le troupeau de l'Éspée-Montfort était arrivé, et tous les saluèrent, un par un, tout en bon ordre, le patriarche commençant.

- Messeigneurs. Mesdames. Enchanté de vous recevoir ici, avec tout le respect dont je puisse faire preuve.
Sire Athime, dame Grâce, je vous présente ma famille, que vous ne connaissez peut-être pas. Voici mon fils Toussaint, et mes deux filles, Constance et Charlotte.


Les deux jeunes filles firent une courte et élégante révérence. Toussaint, lui, un homme tout fin et très grand, timide, resta derrière, ne faisant qu'un signe de tête à l'annonce de son nom.

- Et... Mon frère, Virgile, qui nous a fait le plaisir de rentrer du Labret vivant.
- Sire Evan ! Dame Ambre ! C'est un plaisir de vous revoir.
J'aimerai, pour commencer, rattraper tout le temps que j'ai perdu en ayant servi. Ce n'est qu'il y a deux jours que j'ai appris avec grand regret la mort de votre père. Même s'il est vrai que nous avions des relations... Tendues... Je sais ce que c'est de perdre un père. Vous avez mes plus sincères condoléances, et si je peux faire quoi que ce soit pour vous, ce sera avec grand plaisir.
Dans un registre plus heureux, j'ai appris votre union avec le comte Morion. Vous avez tous mes vœux de bonheur.
Et comme je n'ai pas pu être à la fête, c'est avec beaucoup de retard que je vous offre votre cadeau de mariage.


Ayant dit cela, il sorti de derrière son dos un paquet cadeau, qu'il tendit à Ambre. Mais étant donné qu'Ambre n'allait pas se trimballer avec, et qu'elle n'allait pas l'ouvrir devant tout le monde, un valet le lui reprit et le lui rendrait juste en fin de soirée, quand elle partirait.
Le cadeau de Virgile n'avait rien de spectaculaire ou de luxueux. De toute façon, Amaury, en tant que vassal, avait été obligé d'en faire un, et il en avait fait un beau. Là, Virgile avait décidé d'offrir un jouet, un cheval en peluche, un petit doudou, qui irait certainement à la prochaine progéniture de la rousse dont le ventre commençait déjà à devenir rond.

- Je vois que sire Étienne a un peu de retard. C'est tant mieux. Nous pouvons discuter de manière agréable sans lui un moment.
Si vous voulez bien vous asseoir. Nous vous proposons de dîner avec nous.


Amaury alla en bout de table, avec, à chaque côté, les deux patriarches qui devaient être venus pour lui passer un sacré savon : Athime et Evan. Du reste, les autres se répartissaient autour, après tout la table était bien grande et large.

- J'espère que cette soirée se passera bien, et que vous apprécierez. Néanmoins, je suis bien conscient que vous n'êtes pas venus pour que nous échangions quelques... Aisances. Alors, soyons le plus honnêtes possibles, et débarrassons-nous de ce soucis qui nous concerne.
Vous êtes ici parce que sire Étienne de Flocques est allé se plaindre, n'est-ce pas, sire Athime ? J'ai énormément de respect pour vous, et je comprend, vu toute la considération que vous avez pour lui, que vous me demandiez des comptes pour... Le problème, qui nous concernent.
Aussi, je ne vais pas vous insulter en vous prenant pour des idiots et en tentant de noyer le poisson. Je vais être le plus honnête possible, en vous disant ceci.
J'ai des prétentions extrêmement légitimes à demander justice. Je veux qu'il paye pour ce qu'il m'a fait, et je souhaite lui faire payer de ma propre main, sans qu'on s'embête d'un procès devant le parlement de son altesse Sigfroi, ou qu'on perde notre temps à rechercher quelconque terrain d'entente.
Je pense que ce serait aussi juste et aussi simple pour tout le monde, non ? Que nous réglions cela par un duel judiciaire, et que Rikni décide à notre place, qui a tort et qui a raison ! Rikni est bien meilleure juge que nous autres.


La réflexion fit visiblement tiquer son propre fils, Toussaint, qui ne put s'empêcher de grimacer. Et elle sembla également attrister Constance, qui baissa les yeux pour regarder la table. Mais bien sûr, aucun ne se permit de parler, surtout en présence d'invités.


Dernière édition par La Poisse le Jeu 11 Aoû 2016 - 21:34, édité 1 fois
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyMar 9 Aoû 2016 - 20:47
Ambre s’était préparée, comme à son habitude. Elle ne négligeait jamais son apparence, mais cette fois-ci, elle prit un soin particulier à paraitre plus… digne ? La comtesse devait venir en tant que suzeraine, pour arbitrer les affaires de ses vassaux en compagnie de son frère, alors elle fit tout pour s’apprêter de façon à être prise au sérieux. Sans crouler sous les bijoux, elle voulait être le témoin d’une certaine forme de puissance, même si la puissance était devenue toute relative depuis la Fange et la perte de la plupart des terres. Le lien vassalique restait important cela dit, symbolique, tenancier d’une tradition ancestrale. Ambre comptait honorer ce lien tout comme rappeler à ses vassaux qu’il fallait en être digne. Aussi la jeune femme, après avoir prévenu son époux de sa sortie, s’affubla d’une de ses robes rouge bordeaux, brocardée de fils dorés. Le pendentif offert sous les yeux juges de Philippe de Tourres courait également sur ses clavicules, avec des boucles d’oreille assorties, et des épingles dorées également, qui nouaient ses cheveux miroitants. L’une des pinces portait les reliefs d’une licorne, animal de leur blason. Un trait noir et fin vint maquiller ses paupières, et, en dernier lieu, elle ajouta sous sa manche gauche le brassard fabriqué par son époux, pour dissimuler sa dague. Elle sortirait en présence d’Evan, à l’Esplanade en plus, donc ne risquait presque rien, mais porter cette arme de défense chaque fois qu’elle quittait la sureté de son manoir était devenu un réflexe. Rabattant la manche sur son avant-bras, la comtesse retrouva son frère rapidement lorsqu’il fut l’heure.

Malgré les plusieurs heures qui séparaient l’annonce de cette affaire au dîner chez les Espée, l’agacement d’Ambre n’avait point diminué. Elle avait pu se reposer dans la journée, mais se déplacer pour des bêtises pareilles l’ennuyait toujours autant. Evan, l’épée au flanc dans sa tenue de comte, portait discrètement les couleurs des Mirail dans ses vêtements – un peu de rouge, un peu de vert et d’or. Le frère et la sœur se présentèrent tous deux à l’heure, ni en avance ni en retard. Juste à l’heure annoncée, et Ambre leva un regard vers son frère alors qu’ils marchaient tous deux les derniers mètres qui les mèneraient devant les grilles du manoir des Espée.

- Crois-tu que la confrontation se déroulera bien ? questionna Ambre, sincèrement curieuse.

- Je l’ignore, soupira Evan, un peu contrit. J’ai dit à Hélène de ne pas m’attendre pour la nuit en tous les cas, si jamais cela s’éternise.

- Oui, eh bien, je ne passerai pas la nuit ici, de mon côté, ça c’est certain.

Le ton d’Ambre était sec et contrarié, mais Evan ne répliqua pas. Il savait que malgré le mépris de sa sœur pour cette histoire, elle jouerait son rôle jusqu’au bout, et ne délayerait jamais ses responsabilités. Et que malgré ses dires, si cela était nécessaire, elle resterait jusqu’à l’aube en compagnie des Espée si cela permettait d’éviter d’éclabousser leur réputation de taches sombres.
Ambre portait encore les stigmates de sa contrariété lorsqu’ils croisèrent sur les pavés Anthime de Brasey et sa fille, Grâce. Evan serra aussitôt la main du baron, vivement, pour le saluer.

- Bonsoir monseigneur. Je suis navré de vous sortir à une heure si tardive, surtout pour des raisons aussi peu festives. J’espère que nos vassaux se montreront raisonnables et ne rendront pas cette sortie complètement inutile cela dit. En tous les cas, je sais que mon père vous portait grande estime, alors, j’ose espérer qu’aucune inimitié ne s’installera entre nos deux noms à la suite de cette affaire.

Clairement, se mettre à dos les Brasey pour une histoire de vassaux qui ne savaient pas tenir leurs laisses, cela serait ridicule en effet. Evan salua ensuite Grâce, notant l’absence de l’héritier Audric, mais sans commenter. Ambre s’inclina face au baron, puis salua Grâce elle aussi, non sans échanger un regard plus long avec elle. Elle resta silencieuse en-dehors des paroles de salutation d’usage, mais de toute évidence, les deux femmes partageaient bien plus que de simples banalités désormais. Saurell était morte de leur fait à tous les deux, et ni Evan ni Anthime ne pouvait saisir la manière dont elles s’étaient rapprochées ces derniers temps. Evan savait seulement qu’elle avait contribué à calmer Joscelin de Puylmont au mariage, qui remontait à deux mois désormais.

Les deux familles ainsi réunies et arrivées devant les grilles du manoir des Espée, ils n’eurent pas à attendre longtemps. Aussitôt, des domestiques vinrent les accueillir et leur ouvrir le chemin, et Ambre toisa de ses yeux observateurs le jardin de ses vassaux, la tenue de la demeure, et l’état des domestiques. La façon dont un noble tenait sa maison et ses serviteurs en disait beaucoup sur lui, alors elle ne se privait pas, sachant déjà qu’elle méprisait Amaury pour ses trahisons sous-jacentes envers feu son père Aaron. Elle présenta de façon un peu froide à l’approche d’Amaury et de sa famille. Elle sourit pour saluer leur arrivée, s’inclina selon l’usage, mais le coin de ses lèvres se releva de quelques millimètres à peine, et le sourire n’atteignit pas ses yeux. Elle n’était point là pour s’amuser et prendre du bon temps, cela se sentait à des lieues, et même si elle n’eut aucun geste ni parole déplacés, elle apparut très clairement distante.

- Bonsoir, messeigneurs, mesdames, répondit-elle, tête inclinée, robe légèrement relevée par ses doigts alors qu’elle pliait doucement les genoux. Elle eut un sourire triste un peu crispé à la mention de la mort de son père. Deux mois désormais qu’il était décédé et l’homme ne l’apprenait que maintenant ? Avait-il été si occupé par le Labret ? La nouvelle était tombée une bonne semaine avant l’opération du 3 mars pourtant. Je vous remercie de votre sollicitude, messire Virgile. En espérant que les tensions passées seront justement définitivement oubliées, en respect à mon défunt Père. Il y a avait de toute façon intérêt, un seul coup en douce de la part de ces Espée et les Mirail n’hésiteraient pas à les briser pour trahison.

Ambre accueillit avec surprise le cadeau et attrapa le paquet, remerciant une nouvelle fois la famille cela dit, avant qu’on ne la déleste de la chose. Elle verrait plus tard ce que c’était.
Evan avait regardé la scène d’un air plutôt bienveillant, puis avait serré la main de chacun de ses vassaux, et salué les dames.

- Mes salutations, baron, déclara-t-il, non sans hausser un léger sourcil à la mention d’Amaury qui félicitait le retard d’Etienne de Flocques. Il ne réagit pas tout de suite à l’ouverture des hostilités cela dit. Vos filles sont de plus en plus charmantes, je vois. Un compliment qu’il pouvait se permettre sans passer pour un opportuniste, puisqu’il était déjà mari et père.

Ils suivirent tous le baron au sein de sa demeure, jusqu’à la salle à manger. Evan et Anthime prirent place en bout de table bien évidemment, de chaque côté du maître des lieux : Amaury d’Espée. Ambre s’installa à côté d’Anthime, donc face à son frère, de façon légèrement décalée. De cette façon elle avait une vue complète sur son frère et ses expressions, et restait proche des protagonistes principaux. Droite, elle attendit que tout le monde ait pris place, même si l’absence des Flocques rendait pour l’instant la rencontre peu utile.

Cela dit, Amaury, à peine tout le monde fut assis, alla droit au but. Il évoqua son conflit avec les Flocques, et partit déjà sur ses grands chevaux, à parler de duel judiciaire. Le silence s’installa aussitôt autour de la table, et la progéniture d’Amaury resta coite, gênée, évitant les regards des Mirail et des Brasey. Evan fit un tour de table du regard, avant de se concentrer définitivement sur Amaury. Ambre, de toute évidence, se retenait d’intervenir, laissant son frère, héritier des Mirail, réagir le premier.

- Un duel judiciaire, sous les yeux de Rikni, serait évidemment le meilleur moyen de vous départager ; que celui qui a les faveurs des dieux se relève, que l’autre reste à terre. Cela dit, je méprise la violence gratuite, et le… gâchis. Risquer la mort d’un de mes vassaux dans un duel en des temps où nous avons instamment besoin de mains pour vaincre les démons qui se massent à nos portes, ne comprenez-vous pas que la question soit plus délicate que prévue ? Des hommes capables d’en former d’autres, j’en ai peu, et je ne donne ma bénédiction pour un duel d’honneur que lorsque l’honneur a été réellement, et concrètement, entaché. Evant fit une pause, lançant un bref regard à sa sœur, qui restait droite et le regardait, approuvant silencieusement ses propos. Vous demandez justice, mais contre quoi, exactement ? Il va falloir tout me conter, comme si j’étais ignorant de tout et que je n’avais pas déjà certains éléments.

Un léger silence passa, et considérant qu’elle pouvait se le permettre, Ambre prit la parole à son tour.

- De toute évidence, récemment, le seul grief qui vous oppose est le comportement déplacé du fils d’Etienne de Flocques envers… votre fille. Ambre glissa un regard vers la concernée, Constance, qui restait silencieuse, toute penaude. C’est trop peu. Mettre à mort un homme parce qu’il regarde votre fille, ou parce que votre fille en regarde un qui n’a pas la bénédiction de votre famille ? En ce cas tenez-la mieux, ou acceptez les sentiments de votre progéniture, mais engager un duel à mort pour cela n’est décemment pas convenable. Il n’y a point eu violence ou viol, que je sache.

Les propos d’Ambre étaient plutôt clairs : Constance avait largement sa part de responsabilité, et tuer un homme pour la bêtise d’une femme incapable de contrôler ses inclinaisons, c’était complètement stupide. S’il y avait bien quelqu’un à punir, c’était elle, la rosser comme il fallait, affaire terminée.

Evan jeta un œil à sa sœur, reprenant ses propos.

- …Ma sœur est peut-être un peu trop crue, mais est dans le vrai. Je doute que vos raisons soient uniquement motivées par de simples badinages, alors, expliquez-nous donc. Qu’est-ce qui motive tant de véhémence ?

De toute évidence, tuer un homme dans le huis clos qu’était devenu Marbrume, c’était pour le comte de Mirail une folie. C’était le meilleur moyen de se faire des ennemis et de soulever une envie de vengeance, et dans une ville où tout le monde était entassé, se protéger de ces nouveaux ennemis était difficile, voire tout simplement impossible. Alors, pourquoi risquer de tels aléas ?
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyMer 10 Aoû 2016 - 1:38
«Pourquoi n’as-tu même pas protesté ? »

Le reflet légèrement déformé d’Audric se dessinait dans le miroir de la coiffeuse de Grâce. Il était régulièrement occulté par celui de la femme de chambre qui s’assurait de mettre la touche finale à la coiffure de la jeune femme. Cette dernière avait mis un certain soin à se préparer. Bien entendu elle ne négligeait jamais son apparence, elle était primordiale pour elle, cependant cette fois, ce n’était seulement une mondanité frivole, un entretien d’affaire, un rendez –vous d’intrigue, Il fallait se poser en dominant de la situation.

« - Parce que ça aurait été parfaitement contre-productif ? Père m’a demandé à moi, de l’accompagner pas à toi. Qui suis-je pour lui dire non ? S’offusqua faussement la demoiselle alors que la domestique épinglait quelques perles dans sa mise.

- Une femme, Grâce, une foutue femme, ce n’est pas toi qui hériter du titre et des responsabilités, ce sera moi et uniquement moi. C’est moi qui aurais dû l’accompagner à cette … Cette. L’aîné de la fratrie était tellement fou de rage et de jalousie qu’il parfait ses mots.

- Médiation ?

- J’ai tellement hâte que tu finisses aux mains de ton cher bâtard bien aimé. »

Souffla-t-il excédé.
Grâce cessa de passer le pinceau recouvert d’une pâte rosée sur ses lèvres. Audric connaissait parfaitement la répulsion que son fiancé produisait sur sa sœur. Parfois il était plus vil qu’il en avait l’air avec ses allusions maladroites et son air superficiel.

« - Me souhaiter de finir dans une fausse aux lions pour une sombre histoire de médiation entre deux familles basées sur ce qui semble être une amourette de petite godiche rougissante. C’est un peu excessif, non ? Même pour toi… le ton était corrosif, elle n’avait pas aimé sa remarque.

- Oh ce n’est pas pour ça, J’irais corriger d’Alchas moi-même s'il te fait vivre un enfer ma chère petite sœur. Je ne le laisserais pas te malmener. C’est seulement pour pouvoir enfin respirer, enfin avoir de la place, enfin pouvoir espérer faire mes preuves sans personne pour saboter mes chances. Tu ressembles à ces petites lentilles d’eau qui recouvrent s’étendent, finissant par priver de soleil la marre et asphyxier tout ce qui se trouve au-dessous.

- Il est là ton problème Audric, du moins, une partie de ce dernier. Passer ta vie à chercher un responsable à ton manque d’assurance ne le fera disparaître miraculeusement. La jeune femme indiqua un tiroir de sa coiffeuse. Maintenant aurais-tu amabilité de me donner le contenu de l’écrin gravé d’une rose ? »

Dans le coffret un collier qui remontait légèrement sur son cou, des arabesques de métal une pierre et une pierre qui pendait très légèrement vers un décolleté assez sage souligné par les perles et surpiqûres de l’encolure. La robe de Grâce arborait une couleur bleu marine et son bustier était brodé de motifs végétaux, des feuilles et de petites fleurs discrètes. Elle avait fait simple, outre le collier, la jeune femme portait seulement un bracelet et une bague.
Elle s’observa un instant, replaçant une de ses mèches. Elle semblait prête. Jetant un coup d’œil à son frère, qui n’était pas parti, la demoiselle ne récolta un soupire, qu’elle prendrait pour une approbation.

Il était presque l’heure. Ils ne seraient ni en avance, ni en retard.
Le manoir des d’Espée se rapprochait, il était donc temps pour un dernier point.

« Il va de soi que, pour ce soir, ton frère était souffrant. J’attends de toi une attitude exemplaire, même s'ils nous attaquent personnellement avec Sombrebois ou d’Alchas. Toutefois, je vois mal ce qui pourrait les pousser sur cette voit au vu de la situation, excepté si un quelqu’un évoque l’éventualité de marier la fille D’Espée-Monfort à Geoffrey. »

Anthime esquissa un sourire amusé à cette probabilité, sourire qui fut repris par sa progéniture. Qui serait assez fou pour faire une telle proposition ?

Avant d’entré les Brasey avaient retrouvé les Mirail devant l’entrée de la demeure où ils allaient passer la soirée. Evan semblait vouloir échanger quelques mots avec celui qu’il semblait espérer être un soutien ce soir.

« Bonsoir Comte de Mirail. Je l’espère également, tout comme j’espère que le fait que nous soyons d’accord sur le fait qu’un duel serait parfaitement inconsidéré soit de bon augure. »

Rétorqua le Baron avec un léger sourire poli. Anthime avait l’air calme, serein, impression accentuée par les tons froids de ses vêtements, seulement rompu par une broche dorée représentant deux clés croisées.

Pour sa part, Grâce était bien aise de retrouver Ambre ici, elle savait ce dont elle était capable, elle avait pu avoir une assez vaste étendue de ces dispositions lors de l’affaire Saurell. Cette sordide blague de celle qu’elles avaient appelé la folle aux chats. Leurs secrets les avaient rapprochés, heureusement pour elles, dès le départ il avait semblé avoir un terrain d’entente possible.

« Entrons dans le nid de Vipères… »

Lui glissa-t-elle dans un souffle alors que les salutations d’usage prenaient fin et que les deux familles se faisaient accueillir dans le manoir d’Espée-Monfort. Se faisant guider Mademoiselle de Brasey observaient autour d’elle cherchant à comprendre l’ambiance qui régnait dans ce lieu pour espérer plus comprendre la famille qui y vivait. Cependant, ce ne fut pas le plus instructif. Les membres de la famille avaient bien plus à dire comme toujours. Faisant honneur à son éducation et épousant parfaitement les exigences de son père pour cette soirée la jeune femme salua leurs hôtes comme il se devait, une voix douce, une révérence courtoise.

Autour de la table, chacun y allait de son petit monologue, Amaury de l’Espée le premier, n’oubliant pas de glisser quelques petits coups bas à son rival de toujours. S’était dans les règles. Grâce avait pris place, à côté du jeune Toussaint et la jeune fille à l’honneur ce soir, si l’on pouvait dire, Constance. Leurs airs timides, presque farouches avaient fait d’eux un choix intéressant. Surtout le jeune homme, peut-être qu’avec deux trois mots gentils encourageants, sa langue se délierait si elle avait quelque chose à dire. Au vu de la grimace qu'il avait esquissé à la fin de la tirade de son paternel, il devait avoir quelques mots à laisser sortir.

« J’affirmerai plus fermement ma position vis-à-vis de notre cas quand nous aurons entendu votre version complètent ainsi que les doléances et arguments du Seigneur de Flocques. Cependant, Je tends à me joindre au point de vue dominant ; risquer les vies d’hommes d’armes de qualité pour une regrettable histoire d’amourette de jeune fille en fleur semble démesuré. Nous ne manquons nullement de causes bien plus vitales et nobles pour lesquelles tirer l’épée. »

Il était vrai que le brave Étienne se faisait quelque peu attendre, était-ce sa manière de montrer son de mécontentement face à cette tentative de conciliation ? Si cela était le cas, s’était puéril.
S’appuyant sur de dossier de sa chaise, se penchant légèrement vers son jeune voisin de table Grâce prit la parole à voix basse.

« Si j’étais vous, je cacherais mieux mes risettes, elles ont tendance à agacer les parents. S’amusa la jeune femme avec un mi-sourire mutin au coin des lèvres, puis fit une très brève pause. Votre père a l’air d’un homme déterminé. »

Si ambre jouait la carte de la sévérité et de la rigueur, Grâce semblait tenter un jeu plus souple, laissant à son géniteur la sévérité qui incombait à leur tâche de ce soir. Elle cherchait à réunir des éléments sur les dessous de l’affaire. Voir si Toussaint était ouvert à la discussion était un premier pas.
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La Poisse
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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyMer 10 Aoû 2016 - 15:15
HRP : Parce que je me suis dis que ça pouvait être rigolo, et parce que j'aime bien, j'ai trouvé un avatar pour chacun des personnages principaux. Pis avoir leur tête voilà ça peut vous permettre de mieux les imaginer je sais pas é_è

Constance de l'Éspée:

Virgile de l'Éspée:

Étienne de Flocques:

Raymond de Longuespée:

Geoffrey de Flocques:




Amaury de l'Éspée-Montfort avait une très grande qualité, une qui faisait de lui un homme un peu plus appréciable vu son caractère de chien.
Il était parfaitement capable d'encaisser.

Là où n'importe qui se serait senti foutrement insulté par les propos très peu diplomatiques de la dame de Mirail, lui se contentait de garder une face morne et sans aucune expression. On ne le vit même pas hausser les sourcils, écarquiller les yeux, ou souffler du nez. Il resta totalement fixe, plus fixe qu'une statue, les deux coudes sur la table, les deux index levés, se touchant entre eux, et cachant sa bouche. Et son regard, son regard de pierre, jeté directement dans les prunelles d'Ambre. Le regard d'Amaury, il mettait vraiment mal à l'aise... Beaucoup avaient des frissons dans le dos en le voyant faire cette tête.
Mais beaucoup n'étaient pas dans un rapport de domination. Alors, Amaury, en tout bon vassal qu'il était, il resta tout fixe, sans aucun signe d'insulte sur sa face. Sa seule réaction fut de faire un petit geste de tête, de haut en bas. Pour... Acquiescer ?

Constance, en tout cas, n'avait pas hérité de l’impassibilité et du sang-froid à toute épreuve de son père. Si elle avait été une autruche, elle aurait enfoncé sa tête dans le sol, c'est sûr. Elle rougissait tellement, on aurait dit un fruit d'un continent pas encore découvert, qui servirait dans le futur à agrémenter les pâtes. La pauvre subissait complètement. Tout autour d'elle, elle était l'objet d'insultes. On parlait d'elle sans lui parler directement, comme si elle n'était pas présente, et c'est ce qu'elle priait secrètement pour que ceci se produise ; Qu'elle disparaisse et n'ait plus à entendre autant d'insultes. Elle haïssait tout le monde, à commencer par son abruti de père, son oncle butor, et cette garce de comtesse rousse qui avait quitté son manoir juste pour aller la crucifier.
Oui, elle avait voulu disparaître, Constance, loin sous terre.

Juste à côté d'elle, Grâce était en train de chuchoter au jeune Toussaint, seul enfant mâle du baron. Le jeune homme, fin comme une allumette, leva doucement ses yeux pour observer ceux de la jeune femme. Il fit un petit geste de la main en écoutant son propos.

- « Déterminé ». C'est un euphémisme. Mon père est quelqu'un de très...

Il n'eut pas le temps de finir. Quand bien même il avait chuchoté à voix basse, le patriarche tourna son regard de pierre vers sa progéniture, sans même bouger autre chose dans son corps. Et immédiatement, Toussaint se tût. Il semblait terrifié par son père.
Un silence gênant dura un petit instant. Quand finalement, le baron se décida à réagir. Il posa ses deux mains sur la table, et pivota lentement sa tête à sa gauche, pour regarder sire Evan.

- Monseigneur. Dit-il d'une voix rauque et ferme ; Madame. Cette histoire ne concerne pas seulement ma fille. C'est un casus belli, un prétexte. Mais j'ai une raison très personnelle de haïr Étienne.
Et vous la connaissez. Quand bien même c'était il y a longtemps, et vous étiez tous deux encore enfants.
Votre père vous a sûrement raconté des choses horribles sur moi. Il vous a sûrement expliqué que j'étais un chien galeux, qui est parti fuir dans la capitale alors que vous étiez jeunes pour venir conspirer avec Sa Majesté le Roi des Langres. Que j'étais un félon en devenir, qui, après avoir conquis la terre de Montfort, allait s'empresser de vous trahir, et de faire sécession. Ne me mentez pas. Je sais ce qu'on raconte sur moi.
Mais la raison de ma ire est extrêmement simple. Étienne de Flocques a tué mon fils. Et tout récemment, il a tué mon frère.
C'est pour cela que je demande justice.

Il attrapa la serviette qui était à côté de son assiette la déploya, et la posa sur ses jambes, avant de prendre un ton aigu et calme.

- Bien ! On pourrait servir les entrées maintenant, non ?

La nonchalance avec laquelle il avait dit ça était impressionnante. Mais qu'importe. Deux domestiques qui se trouvaient derrière-lui partirent, et revinrent rapidement, en apportant avec eux du pain, du foie gras, de la compotée d'oignon, et d'autres trucs faciles à manger rapidement. De gros pichets de bon vin aussi, dont Amaury en attrapa une pour servir Evan et Anthime, les deux invités mâles, puis lui-même.
Et pourtant l'ambiance ne s'était pas totalement détendue. Après avoir hésité un moment, et voyant son père occupé, Toussaint se sentit autorisé à poursuivre sa discussion à voix basse avec Grâce.

- Mon père n'écoutera jamais la raison. Il aime citer les Dieux lorsque cela lui chante, mais il ne veut pas justice, il veut vengeance.
Je ne sais pas comment faire pour le calmer. Et de toute façon, je ne peux pas lui parler. Il me hait. Pourtant, je ne partage pas ses griefs sur les Flocques, ce serait tellement plus simple de...


Constance toussa. Une fausse toux. C'est qu'elle pouvait entendre les chuchotements de Toussaint. Et quand bien même sa relation avec son père n'était pas très fusionnelle, elle avait horreur qu'on parle dans son dos.
Ou plutôt juste devant lui. Simplement, le vieux était trop occupé pour écouter ses morveux discuter avec les invités.

Alors que Evan et Anthime commençaient à boire, Virgile émit un long, long soupir. Un soupir assez... Triste.

- Vous devez vous en rappeler, pourtant, de cet événement...
De « l'accident ».
C'était chez vous, au domaine de Mirail. Vous n'aviez que 14 années à l'époque, ma dame, dit-il en se redressant sur sa chaise et en pointant subtilement le doigt vers Ambre. C'était une toute autre époque, alors. Plus simple, peut-être. Non, pas plus simple, c'est pas le bon mot... Moins incertaine.

- « Moins incertaine ». Tu exagères mon frère. C'était le bordel cet ancien monde. Tant de jeux de pouvoir, tant de rivalité, tant de changements...
- En tout cas, nous savions quel genre de vie nous devions mener. Et nous n'avions pas à risquer de mourir face à... À...
Bon sang. Qui autour de cette table a déjà vu un fangeux ?! Je vous jure que quand j'ai vu une de ces choses de mes propres yeux, à moins d'un mètre de moi, mon opinion sur l'Humanité s'est transcendée !

- Calme-toi, ordonna Amaury, sèchement.
- Vous, messires, mesdames, vous étiez peut-être trop jeunes pour que ce tournoi soit marquant... Mais pour nous, ça a été un choc.
- Je le revois tous les soirs dans mon sommeil... Chuchota Amaury à lui-même.
- Mais on aura tout le temps d'en reparler.
Moi ce que je sais, c'est que les Flocques ont tué mon... Notre frère, Rodrigue. Rodrigue de l'Éspée. Lui vous le connaissez. Vous le connaissez parce qu'il a également porté les armes pour partir au Labret. Et ils les a portées en votre nom, sire Evan.
Étienne n'était pas là, trop vieux... Mais ses enfants, oui, ses fils chevaliers. Et par je ne sais quelle misère, Rodrigue s'est retrouvé à diriger une lance avec son propre fils à lui-

- Bernard.
- Et Guérin de Flocques. Et bien sûr, vous vous doutez bien de ce qui s'est passé.
Quand les Fangeux ont attaqué le convoi, la lance de Rodrigue était partie en reconnaissance. Rodrigue est mort. Bernard est mort. Et comme par pur hasard, Guérin et ses hommes étaient ressortis indemnes, sans la moindre égratignure, sans même une tâche de sang sur leurs impeccables armures.
Je vais vous dire ce qui s'est passé : Guérin a abandonné ses camarades. Et il ne l'a pas fait par couardise. Il l'a fait parce qu'il avait un intérêt malveillant à le faire. Il l'a fait parce qu'il voulait que mon frère, et mon neveu, crèvent au milieu des marais.
C'est une insulte à Rikni. Je souhaite réparer cette insulte.
Malheureusement, au Labret, ni Guérin, ni moi, ne pouvions nous permettre de nous entre-tuer, alors qu'il y avait la menace constante de la Fange tout autour.
Lorsque je suis venu avec des hommes dans l'impasse de cette maison close, mon but n'était pas de tuer le petit Geoffrey. Mon but était de le prendre otage. De manière à pouvoir réclamer réparation, de manière à ce que Guérin, ou un de ses frères, cesse de se terrer dans sa motte castrale du Labret, qu'il revienne à Marbrume, et qu'on en termine avec cette rivalité vieille de sept générations, une bonne fois pour toutes !


Toussaint avait levé le museau. Avec une voix assez forte, et nasillarde, il se permit alors de parler, sans l'autorisation de personne.

- Vous ne nous aviez pas raconté cette histoire, mon oncle.

- Mais il l'avait racontée à moi, confirma Amaury. Mon propre frère, ma chair, mon sang... Tous les soirs je l'imagine, dans les marais, à vagabonder, transformé en l'une de ces... De ces... De ces choses !
C'est encore pire que de le savoir mort !
Et après, qu'on va dire qu'il est « mort en héros » ! Il est mort d'une façon lâche et traître, seul, comme... Comme un... Comme un rat coincé dans un piège !


Enfin Amaury montrait un peu d'émotion. Il tourna sa face vers Anthime, avant de lui dire ces mots, froids et résonnant.

- Voilà le genre d'actes qu'il commet, votre « bâtard noir ». Il frappe dans le dos.
Est-ce que vous permettez à vos vassaux d'avoir une telle réputation ?
C'est vous qui devriez ordonner à Étienne de tenir un duel, qu'on en finisse comme des hommes, et pas comme des chiennes.


Un valet alla sur la terasse de jardin, et fit claquer ses poulies sur le bois.

- Sa seigneurie Étienne de Flocques, et son épouse, sont arrivés. Ils-

Tic. Tic. Tic.

Un sifflement se fit audible derrière-lui. Voilà que l'intéressé arrivait, sa cane dans une main, l'autre tenant le bras de sa femme, Isabeau. Les deux étaient venus tout seuls, et visiblement, le patriarche des Flocques regardait tout autour de lui. Ricanant, il se permit un commentaire rustre.

- Classe la baraque ! Tu ne te fais pas chier, sire Amaury !
Alors alors. Que vois-je ici. On commence à bouffer sans moi ? C'est pas très poli, Pourquoi donc les hôtes sont-elles si pressées de commencer le repas ?


Il fit lentement le tour de la table, pour venir juste à côté d'Anthime.
En temps normal, il se serait agenouillé. Il s'agenouillait tout le temps, tant il avait de respect pour son suzerain, comme un chien en avait pour son maître. En fait, une plaisanterie sur l'Esplanade était qu'Étienne s'était rendu infirme à la patte à force de faire des courbettes au baron de Brasey. Mais qu'importe ; Il s'inclina autant que la douleur lui permit, en posant une main sur son cœur.

- Sire Anthime... C'est un honneur de vous revoir.
Pardonnez-moi donc pour ce retard. Nous nous sommes perdus au détour d'une ruelle.
Et vous, dame Grâce ! Cela faisait longtemps, tiens ! Comment se portent votre frère et votre sœur ?


Étienne approcha ses lèvres, et fit un bisou sur la joue de la dame. C'est qu'il fallait le pardonner ; Voilà un homme qui n'avait pas de filles pour lui-même, mais qui avait vu Grâce depuis qu'elle était minuscule.
Son entrée brillamment (Et bruyamment) réussie, il tira l'une des chaises pour que sa femme puisse s'asseoir, puis il posa ses fesses.... Tout en bout de table. Juste en face d'Amaury. Pour pouvoir le regarder droit dans les yeux, avec un sourire narquois et insupportable.

Mais avant cela, il observa Virgile, en lui faisant un clin d’œil.

- Alors sire. Comme ça, depuis qu'on est veuf, on s'amuse à traîner dans les bordels ?

- Uniquement dans les ruelles qui y mènent. Les coupes-gorges.
- Ah ah ah ! Toujours le mot pour rire, Virgile !
Comme tu le vois, mon fils n'est pas ici, dans ton manoir. C'est que tu... Tu parlais de charogne ?...

- Mes chiens sont affamés Étienne.
- Ah ah ah !

Les rictus d'Étienne étaient insupportables. Ils avaient un peu un effet de déraillement... En tout cas, ils mettaient très mal à l'aise Amaury, qui serrait la mâchoire. Il la serrait, tellement, tellement fort, qu'on aurait dit que ses dents allaient s'éclater entre elles, comme du verre.

- Constance ?

Il dit le prénom, subitement, ce qui avait fait tourner des têtes aux femmes présentes. Il fit alors un gigantesque sourire, vicieux, montrant ses dents, à la petite blonde rougissante, qui avait enfin daigné relever la tête pour regarder celui qui s'était mis à l'appeler.

- Oui, c'est toi Constance, n'est-ce pas ?
Tu es bien jolie. Je comprend pourquoi mon fils te rode autour !
Ah, petite gaupe. Comme si j'avais besoin de ça, moi...

- Qu'est-ce que vous venez de dire à ma fille ?
- Que c'est une sale garce. Je pense que tout le monde est d'accord ici pour dire que c'est elle la fautive de cette affaire. Allons, Amaury. Commence par discipliner ta gosse si tu ne veux pas finir par la voir pierreuse.

Amaury voulu bondir. En tout cas, un instant, son cœur avait lâché. Il avait posé les deux mains sur la table, assez pour pouvoir sauter, et peut-être aller étrangler le vaurien qui avait dit ça.
Mais Charlotte, son enfant aînée, tourna la tête et lui fit un signe, de la bouche, comme si elle avait prononcé un mot sans le dire à voix haute. Et comme écrit plus haut, une rare qualité d'Amaury, c'était d'être capable d'encaisser.

- Bien. Puisque nous sommes ici, ne perdons pas notre temps !
Sire Evan, Dame Ambre, ah... Il va falloir que vous appreniez à discipliner vos bannerets, dites donc. Je sais que depuis qu'il y a eut un changement de leadership dans votre maison, ce doit être difficile de rentrer dans les chaussures de papa, mais lorsqu'un noble envoie une troupe pour rosser un autre, c'est légèrement illégal, et cela appelle à une punition !

- Étienne. C'est le comte Evan de Mirail qui a convenu de cette réunion. Rien ne sert de lui manquer de respect, surtout lorsque cette affaire est uniquement entre toi, et moi.
- Et entre Virgile, et entre Guérin, et Geoffrey, et Constance, et Rodrigue... Bon sang... Comte Evan, vous ne vous perdez pas dans toutes ces relations ? Va falloir que vous preniez des notes, il y a un paquet de personnages, ah ha !
Pourtant, l'affaire est d'une simplicité incroyablement remarquable. Regarde, même un attardé mental pourrait le faire. Alors, on va reprendre, la seule chose qui concerne notre affaire. Ensemble, et tout paisiblement, en faisant table rase du passé, et de toute notre histoire et tout le bordel qui prendrait des heures et des heures à raconter...
Tu as menacé mon fils. Tu ne menaceras plus mon fils. D'ailleurs, nous n'aurons même plus à nous parler, à nous rencontrer, et à faire de faux airs, puisque ta pute de fille ne traînera plus avec mon garçon. Et tout rentreras dans l'ordre !
Virgile, tu me sers à boire ? Allez. L'hospitalité est un devoir sacré !


Le frère du baron attrapa un pichet de vin, et servit la coupe posée devant le Flocques. Dieux qu'il aurait aimé que ce vin soit empoisonné... Il aurait adoré voir la saloperie de gueux s'étrangler, là, sous leurs yeux.
Mais non, il se contentait de boire avec hardeur et bon goût l'alcool qui venait de lui être offert.

- Hmm ! Fabuleux !
Mais... Ôtez-moi d'un doute... Ce ne serait pas un vin de Montfort ?

- Si.
- Ah ! Trop marrant. Montfort, cela me ramène tellement de bons souvenir.
- Comme lorsque vous avez tué mon fils ?
- Par exemple !

Et voilà. Les hostilités sont déclenchées. L'oriflamme a été levée. « Rikni lo Vult ». La Croisade peut débuter. La horde part. L'ost se mobilise.
Étienne prit un air faussement choqué en reposant son verre, et en posant l'une de ses mains sur son cœur.

- Oh ? Oh ? Oh, pardonnez-moi... Ai-je dis quelque chose qu'il ne fallait pas ?
T'ai-je vexé, Amaury ? Pardon, ô, ce n'était pas mon intention !
Dieux quel sot je fais !
Enfin, heureusement, toute cette histoire est derrière nous !
Elle est derrière nous, n'est-ce pas ? Enfin, je veux dire, après tout, tout s'est réglé de la meilleure des manières !
Vous avez obtenu Montfort. Puisque le Roi a finalement jugé que c'était à vous... Et nous en avions fini avec notre guerre privée.
C'était une défaite. J'ai perdu, pauvre de moi. Enfin...
Dis-moi tout, Amaury. Est-ce que ça en valait le prix ? Je veux dire... Perdre ton fils pour ce délicieux vin ?


Amaury avait fermé les yeux. Et il exhala, lentement.
Oui. C'était une qualité chez lui de pouvoir encaisser. Mais malheureusement, c'était dur parfois. Comme se prendre un coup de couteau dans les côtes.

- C'est dernière nous.
- J'espère ! Après tout, Amaury... Enfin, je veux dire. Amaury « le fils », ton fils, pas Amaury-toi... Je ne l'ai pas fait assassiner lâchement dans une allée sombre. Je ne l'ai pas tiré à l'arbalète depuis un rempart. Je ne l'ai pas fait se noyer en le désarçonnant pour qu'il tombe dans une rivière, je...
Tiens, tu vois tous les exemples que j'ai cité, par exemple ? Que des gens que tu as tué ! Charles de Louvien, Paul d'Agrance, Marcel sans Peur...

- Oui... Mais c'est derrière nous ?
- C'est derrière nous. De l'eau a coulé sous les ponts, comme de l'eau a coulé dans les narines et les poumons de ce pauvre Marcel !
Non. Non, non, non... Non, Amaury fils, je l'ai tué à la loyale. Dans un tournoi ! Avec la bénédiction de Rikni ! Est-ce que c'est pour ça que tu m'en veux ? Tuer un garçon, à la loyale, face à face, acier contre acier, sur un terrain plat, avec pour seule juge la déesse ?
Vraiment, je n'espère pas. Ce serait puéril. Et puis, c'était il y a si, si longtemps...
Sept ans, en fait.
Ressers-moi un verre, Virgile.


Le frère du baron obéit. Étienne continua alors à boire, prenant une pause dans son récit.
Oui, c'était ça, le début de la haine. Enfin... La continuation de la haine entre les deux familles.
C'était un tournoi, il y a sept années, alors qu'Ambre n'était qu'une jeune adolescente. Un tournoi remporté par Raymond de Longuespée, à l'époque où il était encore beau et athlétique ; Et il s'était amusé à donner une fleur à la jolie et jeune Ambre, sans pour autant aller plus loin. C'est qu'Aaron de Mirail l'avait fusillé du regard...
Et puis, à l'écart, loin de tout témoin, Amaury, le fils d'Amaury, s'était retrouvé à se battre face à Étienne de Flocques. Ou peut-être étais-ce un assassinat. Personne n'était sûr. Il n'y avait personne pour témoigner, personne à part Étienne.
Et c'est ainsi qu'avait commencé la guerre pour Montfort.

Mais c'était il y a sept ans. Pouvait-on vraiment garder une haine aussi longtemps ?
Encore que la mort de Rodrigue, cela n'était qu'il n'y a plusieurs semaines...

Silence. Long silence gênant. Et alors, le bâtard continua à régler ses différents avec Amaury, puis qu’apparemment, c'était ce que Evan souhaitait.

- Moi cela me fait du bien de parler de tout ça, de vider mon sac. Pas à toi, Amaury ? C'est salvateur. Quand on en aura fini, on sera les meilleurs amis du monde !
- Ne va donc pas trop vite en besogne. Il y a beaucoup à expliquer.
- Oui, allons-y, expliquons quelque chose !
Est-ce que ton fils il pleurait beaucoup, jeune ?


L'oriflamme avait déjà été levée. Alors c'était quoi ça ? Putain, l'enculé, il savait foutre l'ambiance. Pourquoi faisait-il ça ? Pourquoi était-il si enragé ?
Charlotte fit un petit signe de tête à Isabeau de Flocques.

- Ma dame... Heu... En attendant le plat principal, peut-être pourrions-nous... Pourrais-je... Vous faire visiter le manoir ?
- Bien sûr. Oui, je...
- Constance, toi et ses dames Grâce et Ambre pourriez également venir ?

En bonne épouse qui devait gérer un mari violent, et en mère de famille habituée aux disputes fraternelles, elle avait vite ressorti ses propres instincts maternels pour tenter de protéger au maximum la casse. Ici, en s'arrangeant pour évacuer toutes les victimes potentielles, c'était dire, les femmes.
Si elles le voulaient, Grâce et Ambre pouvaient donc facilement quitter la terrasser pour aller rejoindre l'intérieur, où elles n'auraient pas à gérer le déluge d'artillerie qui allait se produire dans quelques moments.

Parce que là, on aurait dit qu'une veine du front d'Amaury allait exploser.

- Qu'est-ce que tu viens de dire ?
- Avant de mourir... Ton fils... C'est la seule chose qu'il faisait. Pleurer.
Et il appelait sa mère, aussi.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyMer 10 Aoû 2016 - 19:32
Evan hocha un peu sèchement de la tête ; oui, bien sûr qu’il savait, pour cette histoire de tournoi qui remontait il y a sept ans désormais. Il était jeune, ne pouvait pas saisir tous les tenants et aboutissants à l’époque, mais il se souvenait parfaitement ce tournoi qui avait ôté la vie du fils d’Amaury d’Espée. Cependant, c’était la vie. Cet homme s’était engagé dans un tournoi avec honneur et droiture, à la loyale. La mort était regrettable, mais tous ceux qui s’engageaient à lever l’épée dans ce genre de duel, s’engageaient aussi à mourir pour l’amour du combat. Une tradition violente, pour beaucoup stupides, mais qui n’était en rien illégale. Si Amaury avait réellement tenu rigueur de cela à Etienne, il aurait fallu engager lui-même son propre combat au tournoi, qu’en savait-il ? Cette histoire était vieille, était triste, et il était fort compréhensible qu’elle laisse encore d’amères déceptions parmi ceux qui étaient restés vivants. Mais il était un peu tard désormais pour pouvoir réclamer duel judiciaire là-dessus… Il aurait fallu réagir sept ans plus tôt. Désormais, les rares nobles combattants capables de former des hommes vaillants contre la Fange se comptaient sur les doigts de la main, et Evan de Mirail aurait aimé que les tensions passées restent au placard pour permettre leur survie à tous. La mort du fils d’Amaury était regrettable, mais trop vieille pour faire éclater un tel esclandre à l’Esplanade.

Néanmoins, lorsque Virgile évoqua une autre histoire ; une histoire bien plus récente dont Evan ignorait tout, le comte se figea. Il déglutit sa dernière gorgée de vin en reposant son verre, ses yeux s’étaient légèrement écarquillés, et il échangea un nouveau regard avec sa sœur Ambre. Cette dernière ouvrit doucement les paupières, eut un léger signe négatif de la tête, lui signifiant par là qu’elle non plus n’en avait point entendu parler, et qu’elle découvrait de concert avec lui. Pour le coup, c’était une situation complètement différente. Tout à fait hors du cadre d’un tournoi légal, ou d’une banale amourette entre deux adolescents. Une attaque en traitre, un meurtre lâche, en pleine escarmouche contre les Fangeux ?
Evan de Mirail était un homme d’honneur, et une telle éventualité, si elle s’avérait vraie, changeait totalement la donne. C’était justement tout à fait le genre d’actes qui pouvait quémander justice, et avec raison. L’homme avait la mâchoire serrée, et ses pupilles s’étaient légèrement étrécies au milieu de l’iris bleutée, seuls témoins de sa grande surprise.

- Ce sont des accusations graves que vous faites là, je rejoins le baron de Brasey, déclara Evan avec un ton très bas, tellement bas qu’il fallut que tout le monde se taise et ne touche plus un seul couvert pour l’entendre. Des accusations tellement graves que je trouve même étonnant que vous ne quémandiez qu’un vulgaire duel pour régler cela. Guérin de Flocques mérite procès judiciaire et exécution si tel est le cas ; sous les auspices des prévôts de notre Grandeur le Duc. Un duel ridicule qui mettrait en danger une autre vie que celle du coupable est caduc. Je refuse cette éventualité. Evan balaya la table du regard, pour revenir se poser sur Virgile, celui qui avait conté toute l’histoire. Cela dit… cela fait désormais un mois et demi que la journée de reconquête du Labret est terminée. Je reste… stupéfait ? Qu’aucun de mes vassaux ne m’aient avertis de tels soupçons, ou n’aient pas même parlé de l’affaire jusqu’à présent. En clair, ce ne sont là que des suppositions, sans aucune réelle preuve ? N’êtes-vous pas aveuglés par la rage ancestrale qui couve entre vos familles ? Guérin est peut-être un simple couard, ou, tout simplement, un homme intelligent qui savait son groupe perdu face à la fange, et ne s’est point entêté dans des actions suicidaires. C’est aussi une probabilité très forte, mais ça, seul le talent des prévôts ducaux pourra faire la lumière sur la vérité. Et potentiellement arrêter ce conflit haineux sans fin, qui ne prendra jamais fin si vous continuez tous à vous entretuer pour faire vengeance à la moindre contrariété.

Ambre aussi était assez stupéfaite. Elle avait laissé son frère parler, mais ses doigts étaient venus pianoter doucement sur la table, accusant un peu cette nouvelle information. Les Espée se faisaient peut-être des idées. Peut-être pas. Dans tous les cas, si le soupçon était fort, les Mirail seraient ingrats de ne pas au moins considérer cette possibilité. Mais que pouvaient-ils faire ? Ils n’avaient point l’autorité de décréter que Guérin de Flocques était coupable, et pouvaient encore moins offrir l’homme sur un plateau en lançant « eh bien vas-y, venge-toi ! ». Non, l’affaire commençait doucement à glisser de leurs mains, et cela deviendrait une grossière erreur, très grossière, de faire cela dans le dos du Duc de la cité. Si un groupe de nobles avait profité de son opération pour régler des différends anciens, il devait être le premier à le savoir. Jouer au con n’était plus possible à Marbrume. Et si le Duc, le tueur de Sarosse venait à s’en mêler, peut-être que cela calmerait les ardeurs de certains. L’on ne se mettait pas Sigfroi de Sylvrur à dos, jamais. Se mettre ouvertement en guerre avec lui, c’était signer un aller simple pour aller voir Anür faire des plongeons.

Quand Ambre entendit les propos d’Amaury envers Anthime de Brasey, elle fronça le nez, tournant doucement le visage vers son vassal.

- Nous ne voulons pas d’insultes ; nous sommes tous là pour tenter de mêler aussi objectivement que possible cette affaire. Le baron de Brasey n’a de toute manière aucun intérêt à donner un tel ordre à son vassal. Selon vos dires, c’est Guérin de Flocques qui mérite actuellement punition. Messire Etienne ne semble pas avoir fait d’autre esclandre depuis le tournoi d’il y a sept ans – à moins que vous ne l’accusiez, lui aussi, d’avoir fomenté ce projet au Labret, et ordonné à Guérin de s’en charger ?

A peine ces paroles étaient-elles prononcées que bientôt, l’arrivée d’Etienne de Flocques était prononcée. Et quelle arrivée, parbleu. Vulgaire, grossier et insultant, voilà ce qu’était Etienne de Flocques. L’on aurait dit un chien enragé lancé au beau milieu de cygnes. Et il était seul. Ce qui agaça grandement Ambre, mais aussi Evan. Pour percer l’abcès de haine qui enflait entre les deux familles, il aurait fallu la présence de tous les protagonistes – en clair, au moins Geoffrey, et Guérin, du coup, même si la présence du dernier était rendue impossible par sa présence au Labret.

Si Ambre était partie avec un certain mépris à l’encontre de son vassal Amaury, la tendance s’inversa un peu à cet instant. Devant les attaques continuelles d’Etienne – une insulte directe à propos de sa fille, en plus –, qui déblatérait un monologue vipérin qui n’en finissait plus, Amaury resta très maître de lui-même. La colère couvait, c’était certain et évident, mais il fut d’une grande dignité, et le visage d’Ambre s’était tourné vers Etienne, complètement figé, puis, carrément méprisant lorsque l’homme de Flocques s’adressa aux Mirail. Difficile de rentrer dans les chaussures de papa ? Pour qui se prenait-il, ce grand couillu ? Ambre serra les dents, acceptant difficilement qu’on insulte son frère de cette manière. Son frère qui, contrairement à ce que lançait Etienne, avait parfaitement su reprendre les rênes du nom légué par leur Père. Evan était peut-être encore jeune mais avait pour lui toute la maturité nécessaire à diriger les Mirail.

Ce fut un discours interminable, qui fit serrer les dents à Evan également. L’homme de Mirail termina par frapper du poing sur la table pour tous les faire taire, juste après la provocation puérile d’Etienne à propos des pleurs du fils d’Espée avant sa mise à mort.

- Il suffit ! Grands dieux, j’ai l’impression d’être le seul raisonnable ici, alors que vous avez le double de mon âge, messire Flocques, gronda le comte. Cessez ces gamineries, on vous dirait tout droit sorti d’une chanson de gestes ; vous êtes parfaitement ridicule, et ridiculisez votre seigneur en agissant ainsi. Calmez-vous tout de suite, s’il vous plait ; écoutez donc votre seigneur.

Evan prit une grande inspiration, jetant un coup d’œil à sa sœur qui avait tourné le visage vers Charlotte, qui proposait une sortie pour visiter le manoir. Ambre était sur le point de refuser l’invitation, refusant visiblement de laisser son frère seul en compagnie de ces pourceaux, prête à elle-même réagir face à Etienne, bouillante de rage. Evan le nota bien, et l’avertit d’un regard. Ambre était trop à fleur de peau ces temps-ci ; cela n’avait peut-être pas été une bonne idée que la convier ce soir. La comtesse échangea un long regard avec son frère, comme s’ils discutaillaient avec des mots. Eux seuls semblaient se comprendre, et la jeune rousse termina visiblement par se résigner. Se massant doucement la tempe d’un doigt, elle termina par se lever, les mains mêlées contre son ventre, jetant un dernier regard à la tablée.

- Je vous suis, dame Charlotte ; je crains ne plus avoir envie de subir les chamailleries puériles. Je reviendrai lorsqu’Anür aura remis un peu de sagesse autour de cette table.

Elle coula un long regard méprisant à Etienne de Flocques, avant de tourner le dos et suivre ses confrères. Une fois seule et assez loin de la salle à manger pour pouvoir parler en paix avec les jeunes femmes des Espée, Ambre terminerait par lancer :

- Comment avez-vous réussi à vivre parmi ce nid de conflits constant ? Ils semblent presque prendre plaisir à se taper dessus, comme s’il s’agissait d’une tradition ancestrale. Pensez-vous réellement que Guérin de Flocques aurait pu projeter de tuer votre oncle ; alors qu’il avait les fangeux aux trousses, dehors ?

En connaissant l’état dans lequel Morion était rentré, Ambre doutait un peu qu’on ait pu prendre le temps de prévoir un tel complot alors que la mort courait partout autour du convoi.

Citation :
Utilisation de toute compétence possible pour déceler une trace de mensonge ou autre dans la réponse des femmes.

De son côté, Evan de Mirail tentait de démêler le vrai du faux, lui aussi.

- Vos affaires de tournoi, il y a sept ans, c’est du passé, je n’en ai que faire. J’ai moi aussi perdu des oncles, tombés devant Rikni ; j’en suis resté fort contrit, mais j’ai appris à passer outre. La vengeance est puérile. Elle ne sème que mort et malheur sur sa route. Les propos étaient presque tristes, quand on savait que sa propre sœur, Ambre, projetait justement ce type de vengeance contre le Duc de la ville. Mais ça, il ne pouvait pas réellement se douter de tout. Ce qui m’intéresse en revanche, c’est que mon vassal vous accuse, vous et Guérin de Flocques, d’avoir monté une stratégie destinée à faire mourir Rodrigue d’Espée durant l’opération du trois mars. Parlez fort et bien. Si aucun d’entre vous ne parvient à faire entendre raison à l’autre, cette affaire sera remontée dès demain à l’aube aux oreilles ducales. Je le ferai en personne, vous êtes prévenus.

Son ton était sec et énervé, mais il restait calme et désireux de démêler le vrai du faux, tant qu’il était encore temps, tant que l’on pouvait se passer de prêvots.

- Vous êtes venu seul, je vois ; et c’est bien dommage, la présence des autres membres de votre famille aurait été nécessaire, commenta, en dernier lieu, Evan. Le comte trouvait cela suspect, à défaut d’être une preuve de mauvaise volonté de calmer le jeu avec les Espée.


Dernière édition par Ambre de Ventfroid le Jeu 11 Aoû 2016 - 16:01, édité 3 fois
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyJeu 11 Aoû 2016 - 15:45
Il semblait assez évident qu’Amaury aimait parler et parler pour avoir un effet un impact, sûrement assez dramatique se plaçant ouvertement en victime de la félonie des Flocques. Cette même félonie que mademoiselle de Brasey ne devait jamais avoir entraperçue, avec sa famille Étienne était d’une loyauté semblant sans bornes.

Il y avait un vague sentiment de déjà-vu, de familier dans la manière dont se déroulait ce début de repas chez les d’Espées. Une progéniture effrayée par un père autoritaire et un frère qui visiblement se souciait assez des réactions de sa sœur pour se stopper net quand la pimbêche toussait. Ion aurait pu rejouer ce fragment de scène avait la famille Brasey que cela ne se serait sûrement pas passé autrement. Au moins Toussaint semblait enclin à échanger quelques mots et à ce qu’il avait glissé, par uniquement d’affligeante banalité sur le temps qu’il faisait.

« Bien, je vois que je ne suis guère la seule à avoir des problèmes de cadette qui écoute ce qui la concerne nullement. »

Glissa Grâce au jeune homme avec légèrement railleuse, avant de se tourner vers son autre voisine, la fameuse Constance. La demoiselle lui offrit son plus charmant sourire et son ton le plus mielleux alors qu’elle chuchotait toujours.

« J’espère que vous appréciez d’être, malgré vous, le centre de beaucoup d’attention, mademoiselle ? D’expérience, je sais que ce n’est guère agréable, mais cela ne vous rendra que plus forte, ou plus subtile. »

Parce que si elle ne s’était pas fait prendre à rougir et faire les yeux doux à Geoffrey, sûrement personne ne serait en train d’endurer ce dîner. Quoiqu'il n’ait pas fallu en mettre sa main à couper, le cas des prétendus amoureux impossibles semblait n’avoir été qu’un prétexte pour déterrer de plus vieilles rancœurs. Si la gourde avait eu une quelconque envie de défendre ses capacités et relever la petite pique de sa voisine de table, cette dernière n’y prêta guère attention plus intriguée par le récit que contait Virgil. Son histoire était cousue de fils blanc, le trépas seul comme des chiens abattus par les vils fils d’Étienne, cela sonnait dramatique. Cependant si elle avait un quelconque fondement l’affaire était grave, très grave.

Le frère du Baron parlait de mettre fin à leur querelle vieille de sept générations. Réellement sept ? Comment-était-il possible d’entretenir la haine si longuement ? Cependant, là n’était pas la question qui s’était imposée de suite dans l’esprit de Grâce. Il voulait cesser cela en s’entre-tuant, tous ? Radicale, toutefois stupide.

Sur la lancée du récit de Virgile Amaury continua, montrant pour la première fois une nuance d’émotion, mais aussi adressant une nouvelle douceur à Anthime de Brasey, qui ne sembla pas s’en émouvoir outre mesure laissant juste échapper un bref souffle.

« Vous portez sur Guérin et ses frères une grave accusation. Commença-t-il avec une expression fort sérieuse. Avez-vous une réelle preuve de ce que vous avancez Monsieur d’Espée ? Ce n’est nullement parce que vous affirmez une chose et que votre frère, votre sang, confirme que cela est la vérité telle qu’elle s’est produite. En attendant qu’une partie plus impartiale s’exprime nous ne présumerons nullement de la réputation de mes vassaux. »

En parlant du loup, ce dernier avait enfin décidé de faire son entrée et quelle entée, une entrée tout en panache, cependant pas le genre de panache qu’appréciait particulièrement les Brasey. Si la jeune femme avait pu se taper la main sur le visage pour montrer l’énervement et le désappointement que lui inspiraient les premiers mots de Flocques, elle l’aurait fait, malheureusement cela serait sûrement mal vu, surtout par son père qui ruminait déjà la loquacité d’Étienne. D’ailleurs lui laissa-t-il filtrer son mécontentement lorsqu’il vint le saluer, son regard était froid, dur.
Grâce esquissa un doux sourire lorsque l’homme lui embrassa la joue. Cela pouvait sembler quelque peu familier pour un œil extérieur, elle y était habituée depuis. L’homme n’avait eu que des garçons et il semblait manquer une fille. Les filles semblaient quelque chose ticulier pour beaucoup de pères. Si le vassal d’Anthime n’avait nullement la présomption de prendre la progéniture de son suzerain pour la sienne, il n’en était pas moins que l’avoir vu grandir, semblait lui faire éprouver une certaine affection pour elle.

« Malheureusement Audric est souffrant et Victoire à préférer rester à son chevet pour lui tenir compagnie. »

Il ne devait y avoir, autour de cette table, seules trois personnes outre la jeune femme, qui pouvait comprendre le mensonge éhonté qu’était cette réponse énoncée le plus naturellement du monde. On ne pouvait raisonnablement remettre en doute la prétendue maladie de l’aîné de la fratrie, cependant, ceux qui connaissaient un tant soit peu la cadette, savaient que la délicatesse dont sa sœur la gratifiait ne lui était pas coutumière.

Si les convives s’étaient déjà sentis mal à l’aise ou agacés par l’entrée tonitruante du seigneur de Flocques, ils n’avaient certainement pas été apaisé par la suite de l'échange qui s’était instauré avec le patriarche des d’Espée et son frère. Plus les phrases s’enchaînaient, toutes plus irrévérencieuses les unes que les autres, plus le Baron de Brasey se crispait. Diantre qu’est-ce qu’il pouvait être fatiguant Étienne, aussi fatigant que ventre à terre. Il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre, tous deux étaient rongés par les rancœurs, leur seule différence étant la manière de s’exprimer, l’un maniait habilement les mots, alors que l'autre étaient plus rudes plus brutes. Toutefois dans leur fond leurs deux propos n’avaient que pour but d’offenser ceux à qui s’adressaient leurs mots.

« Pourront-ils vraiment se mettre d’accord sur autre chose que s’entre-tuer ? »

Souffla Grâce à mi-voix au jeune Toussaint. Ce n’était pas forcément une raison à laquelle elle attendait une réponse cette dernière semblant assez évidente. À moins d’une manipulation particulièrement habile ou d’un miracle cela semblait compromis.

Le dialogue devenait de plus en plus hargneux à tel point que Dame Charlotte se soit sentie obligée d’intervenir pour proposer aux femmes de s’éloigner de l’agressivité et des affaires d’hommes. Même après cela Étienne se permit une dernière exhortation, elle était basse, sale, parfaitement déloyale.

Si Anthime s’était tu pour l’instant, là il en était trop.
Posant son verre sèchement sur la table, Anthime jeta un regard qui n’avait rien de rassurant à Flocques.

« Étienne cessez de suite ces provocations déplacées et vaines. Nous sommes ici pour trouver une alternative au duel, pas pour en provoquer un ce soir même. Continuer à insulter ceux présents autour de cette table et vous ne pourrez-vous exprimer qu’expressément invité à le faire. Dusse ai-je vous faire museler pour cela. »

Les prononcer avait été prononcés calmement, pour que le vassal en comprenne chaque syllabe, qu’il ne puisse nullement se tromper sur le sens des dires de son suzerain. Le ton était froid, incisif. Étienne avait dépassé les bornes depuis un moment, sûrement à partir du moment, il devrait réfléchir avec attention avant de tirer à nouveau sur la corde, avant d’ouvrir à nouveau la bouche.
D’autant plus que Grâce jugea utile d’en rajouter prendre à son tour la parole, elle arborait une mine déçue feinte avec le plus grand soin.

« Il n’était pas nécessaire d’être si malveillant Étienne. J’avais souvenir que vous valiez mieux que cela. »

Au pire cela aurait nul effet, au moins peut-être que cette phrase incisive pourrait faire réfléchir celui qui avait vu la demoiselle grandir.

« Monsieur d’Espée, si j’ai suivi cet échange pour le moins chaotique, vous demandez réparation pour un fait datant d’il y a sept ans, pour un acte dont nous attendrons des preuves avant de juger s'il y effectivement matière à exiger un duel et parce que votre fille et Geoffrey se serait possiblement tourner autour ?
Cela semblait avec les éléments actuellement connus.»


S'il ne l’avait pas laissé filtrer, le patriarche de Brasey trouvait que les motifs de revendications manquaient quelque peu de consistance. Une affaire vieille de sept ans. Si on ne réagissait pas au moment du prétendu méfait sept ans après, il était trop tard, d’autant plus quand l’humanité se retrouvait confinée dans une unique ville et qu’elle était assaillie par un ennemi redoutable. Un fait dont pour le moment on avait que le récit fait par la partie de la prétendue victime. Ce qui était parfaitement insuffisant. Et une vague histoire d’amourette dont on ne savait finalement pas s'il avait juste été que des rougissements, des battements de cils et quelques échanges de mots, ou si la vertu de la demoiselle avait été remise en cause.

« Ne voudriez-vous pas profiter de cette opportunité pour poursuivre notre conversation loin de la charmante toux de votre sœur et du regard accusateur de votre père ? J’aimerais connaître ce que vous jugiez plus simple et votre point de vue sur cette affaire. »

Questionna Grâce toujours aussi discrète à Toussaint. Elle ne lui proposait pas réellement de suivre les femmes dans leur petite virée sans le manoir, mais plus de s’éloigner un peu pour pouvoir parler sans la contrainte familiale, seulement parler.
Si le jeune homme refusait de quitter la table, la demoiselle refuserait poliment la proposition de Dame Charlotte. De toute façon, rester au milieu de la tempête ne l’impressionnait pas tant.
Autour la confrontation se poursuivait.

« D’ailleurs, Étienne, j’aimerais pourriez-vous expliquer au Mirail, ici présent ce pour quoi vous, personnellement, demandez réparation. Vous ne m’avez parlé que des menaces et provocations à l’encontre de votre cadet, y as-t-il quelque chose de plus ancien ? Sans parler de Montfort, cela va de soi. »

Autant remuer le couteau dans la plaie autant le faire jusqu’au bout, en essayant cependant de garder un certain calme.
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La Poisse
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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyJeu 11 Aoû 2016 - 21:23
L'intervention des Brasey avait eut au moins un mérite : Calmer Étienne. Vous l'avez donc vu. Le chien n'hésite pas à mordre lorsqu'il se sent menacé, mais un simple coup sur sa laisse, et il revient dans le rang. Le seigneur de Flocques resta silencieux, son sourire narquois disparu, puis il se remit plus bas dans sa chaise, prenant une posture beaucoup moins agressive.

- Bien sûr, sire... Pardonnez-moi... Je... Resterai plus silencieux.

Il ne demandait des excuses qu'à ses maîtres, et certainement pas aux autres.
Étienne avait des problèmes avec l'autorité. Il ne respectait pas les parlements, ou les prud'hommes, ou les ordonnances du duc, ou les décrets du Roi, ou les lois canoniques du Temple... Mais Anthime ? Anthime c'était différent. Étienne représentait un ancien monde, périmé depuis bien longtemps. Il ne croyait pas au pouvoir du papier, des sceaux, des jugements, des bureaucrates qui gribouillaient sur du papier et partaient en théories sur le coutumier et la législation. Il n'y avait pas plus terre-à-terre que lui. Et Anthime de Brasey, c'était l'homme devant lequel il s'était agenouillé, à qui il avait embrassé les mains ; C'était celui qui lui avait donné tout ce qu'il avait, et en échange, on ne lui avait jamais demandé rien d'autre que loyauté et obéissance. Un prix plus que convenable à ses yeux.

D'ailleurs, Anthime lui laissa s'expliquer, en lui permettant de dire lui aussi quels griefs il avait contre la famille de l'Éspée.

- Mais bien sûr, sire.
Il y a bien longtemps, deux de mes frères, les enfants légitimes du seigneur Jean de Flocques, furent tués par le père d'Amaury ci-présent, Amaury III de l'Éspée. Mais c'était il y a tellement longtemps... D'autan plus que leur mort était totalement légitime et légale. Je n'en ai que faire. Je ne suis pas du genre à garder en tête des querelles vieilles d'un siècle.
Il y eut le plateau de Montfort, qui me fut injustement volé, mais je n'en veux pas au comte de Mirail ou ses vassaux. S'il y a une personne à qui j'en veux, c'est au Roi des Langres et à son parlement. Mais j'imagine que Sa Majesté étant... Rendue introuvable par la Fange, nous pouvons oublier toute cette histoire.
Il y a, en plus de cela, des insultes constantes et insupportables que la famille de l'Éspée n'arrête pas de colporter sur ma réputation et sur ma maison. Comme par exemple, le jour où le fils de notre Amaury ici présent, Amaury, puis qu’apparemment ils s'appellent ainsi de pères en fils, a fait une chevauchée sur mes terres et s'est amusé à vilipender mes manants. Mais plutôt que de me plaindre devant une cour de justice, ou de demander une guerre privée, j'ai tout simplement défié le rejeton en duel. Il a accepté, je l'ai tué, et seul le baron de l'Éspée m'en tiens encore rigueur.
Ah oui, autre chose. Il y a un an, une bande de bandits se sont attaqués à un convoi qui transportait des revenus que j'avais levé sur mes fiefs. J'ai toujours accusé sire Virgile d'être à l'origine d'un tel assaut, notamment parce que l'un des brigands a avoué sous la torture que notre cher banneret était le commanditaire. Mais le brigand est mort dans mon cachot, et son témoignage n'a pas été marqué par écrit. Qu'importe. Je n'ai pas de preuves, tant pis. C'est du passé, j'oublie.
En revanche, la question pressante, c'est bien le fait que des hommes armés ont voulu s'attaquer à mon propre fils. Et je crois bel et bien Amaury assez fou pour mettre ses menaces à exécution.
Une fois que j'aurai une garantie, pure et simple, qu'aucun mal ne lui sera jamais fait, alors je suis prêt à oublier ma vendetta jurée contre lui.


Malheureusement, si Étienne s'était soudainement détendu, et alors que plusieurs personnes quittaient la table, laissant les « grandes personnes » entre elles (C'est à dire les mâles), le seigneur de Flocques n'eut qu'un temps d'accalmie très partiel, lorsque Evan repartit dans une autre discussion, et se mit à dire le nom d'un homme dans son discours. Avant d'ajouter le terme : « les oreilles ducales ».
Cela en était trop. Le seigneur serra les dents et les poings, en dévisageant le comte devant lequel il n'avait pas prêté hommage.
Néanmoins, il avait arrêté de prendre un ton narquois et hautain. Les mots qui sortaient de sa bouche étaient au contraire plus froids, et plus graves.

- Sire Evan. Je suis venu seul, parce que mes enfants sont occupés. Quatre de mes fils sont en ce moment même au Labret à porter les armes contre la Fange. Quant au dernier, il était hors de question de le faire venir ici, quand sire Virgile de l'Éspée a été on ne peut plus clair, en hurlant qu'il jetterait mon enfant à ses chiens s'il s'approchait de leur manoir.
A-t-on déjà menacé votre famille, sire ? Vous ne seriez que la moitié d'un homme si vous ne réagiriez pas comme moi à entendre de telles rumeurs de meurtres.
Ensuite. Qu'est-ce que c'est que cette histoire avec Guérin ? J'ai raté un épisode ?

- Tu l'ignores peut-être, Étienne, mais ton fils, mon frère et mon neveu faisaient partie de la même lance lorsqu'ils devaient faire reconnaissance à l'avant-garde de la bataille pour le Labret !
- Peut-être. C'est bien possible. Les arrangements de l'ost étaient chaotiques, et je doute que le connétable eut envie de changer ses plans de bataille simplement parce que deux nobles ne s'entendaient pas... Et alors ?
- J'étais au Labret. Je sais ce que j'ai vu. Ton fils, et ses hommes, rentrer avec leurs armures immaculées, sans la moindre trace de sang ; Alors que Rodrigue et son fils ont disparu !

Haussement d'épaules d'Étienne. Rien à voir avec l'attitude de Virgile, qui maintenant lui met le doigt juste sous le visage, menaçant.

- Ce sont les choses de la guerre. La chance est une donnée importante lors de quelques escarmouches.
- Assez ! Cria Amaury en se levant de sa chaise. Étienne, je suis prêt à tout oublier ! Les insultes, les injures, les meurtres, tout, tout ce qui s'est passé avant ! Je suis prêt à dire que tout ça c'est derrière nous, que l'urgence de la situation, de la survie de l'Humanité, passe avant notre haine mutuelle...
Mais pour cela, il fait que tu me regardes dans les yeux. Que tu me regardes dans les yeux, et que tu me jures devant les Trois, que tu ne sais rien de cette histoire !

- Amaury. Je ne vois même pas de quelle histoire tu veux même parler.
- Est-ce que tu as demandé à ton fils d'abandonner Rodrigue dans les marais ?!
- Je vous l'ai dis. Je ne savais même pas qu'ils devaient combattre ensemble !
- Mais est-ce que ton fils aurait pu avoir cette idée tout seul ?

Si Étienne avait eut un couteau, il aurait coupé la gorge à son voisin de table immédiatement.
Mais rappelez-vous, il y a Grâce et Anthime qui surveillent. Alors... Longue inspiration, et voix légèrement déraillant, à peine.

- Est-ce que tu es en train d'accuser mon fils d'avoir commis une bassesse telle ?

- Je te pose la question !
- Si mon fils avait voulu tuer Rodrigue, il l'aurait tué en face, à la loyale. C'est comme ça que je lui ai appris.
Tuer les gens dans le dos, en faisant disparaître les preuves, ce serait un peu plus du gabarit d'Amaury de l'Éspée.

- Cela n'est pas une réponse !
- Et pourtant c'est la seule que je peux donner. Donc tu t'en contenteras. Vous vous en contenterez tous.
Et nous n’appellerons pas la justice ducale. J'ai appris il y a bien longtemps qu'on ne pouvait pas compter sur les juristes pour rendre la justice. D'autant plus qu'aucun de vous n'a aucune preuve de ce qu'il avance.

- D'accord. Très bien. Est-ce que je pourrais interroger Guérin, alors ?
- Pardon ?
- Je ne veux pas lui faire de mal. Simplement qu'il revienne, ou que j'aille au Labret, que je le regarde droit dans les yeux, et que je lui pose la question ?
- Non.
- Pourquoi pas ?
- Parce que mon fils n'est pas un criminel. Et à moins de voir quelque chose de concret, nous ne discuterons plus de cette affaire.
C'est bon ? Avons-nous fait le tour ? J'ai faim. Je suis venu manger.


A vrai dire, Étienne n'avait pas tellement faim. Ces discussions lui avaient même carrément coupé l'appétit. Mais il voulait qu'on se dépêche d'en finir, que tout le monde puisse revenir chez lui. Avec un peu de chance, on ne viendrait plus l'embêter avec ces histoires. Et ce sale crétin d'Evan de Mirail arrêterait de venir lui casser les couilles à prendre la défense de son vassal, vassal qui, rappelons-le, fomentait tranquillement un plan pour faire sécession et n'avoir hommage à rendre qu'au Roi des Langres.
Qu'importe, le dîner continuerait. Allez, dépêchons, nous en sommes au plat de résistance. De l'oie, voilà ce qu'ils allaient manger. Quelque chose de cher et luxueux, certes ; Mais surtout quelque chose qu'on pouvait acheter facilement, puisqu'il y avait des oies dans les petits étangs de l'Esplanade.

Toussaint était parti avec Grâce, rapidement, et à part. De toute façon, son père était bien trop occupé par ses pensées pour hurler à son fils de rester. Depuis tout à l'heure, il réfléchissait à quelle serait la meilleure des façons pour tuer Étienne de Flocques à main nues avant que quelqu'un lui en empêche. Peut-être en utilisant le couteau à viande ?
Le jardin de la propriété n'était pas grand. Mais il était assez bien construit, avec ses herbes hautes et ces arbres, pour séparer de la terrasse, et pour qu'on puisse parler sans que les « mâles » réunis autour de la barbaque n'aillent les écouter ou les épier.

- Je ne sais pas quoi vous dire, ma dame. Cette situation est très compliquée.
J'ignore si vous connaissez cette situation... Voir les membres de votre propre famille se comporter en parfaits abrutis.


Il marcha d'un pas rapide, ses longues jambes lui permettant de partir bien rapidement. Il avait l'air tellement énervé... Il serrait les dents, n'arrêtait pas de souffler, ses poings serrés... Il avait tellement de choses sur le cœur, mais aucun moyen de les sortir. En ce monde, on ne s'oppose pas à l'autorité du père.
Le grand Toussaint, d'ailleurs, ne ressemblait pas beaucoup à Amaury. Il était plus grand que lui, mais aussi plus fin, avec des épaules étriquées, un visage rasé de près, et des cheveux bruns très courts. Et puis son regard, aussi... Il avait des yeux bruns, doux, comme ceux d'un labrador, avec des sourcils assez fins. Non, sérieusement, on aurait vraiment pas dit qu'il était l'héritier du baron de l'Éspée.

- Je les aimes, bien sûr, ne méprenez pas mes propos, mais... Il y a tellement de choses que je leur reproches ! Ils sont obnubilés par leur vanité, sans même se rendre compte de leurs propres torts... Pourtant, avec la Fange qui met la totalité du genre humain au dos du mur, on pourrait croire que ce serait le moment de faire table rase du passé, de...
Et puis Virgile, qui s'amuse à...


Il se mordit la lèvre, subitement. Et il ferma ses yeux, exhala de l'air de ses narines, avant de se redresser.

- J'en dis trop, ma dame...
C'est juste que j'espère cette histoire résolue au plus vite. Même si en vérité j'en doute fortement. Ce n'est pas en réunissant sire Étienne et mon père autour d'une table qu'on va les encourager à enterrer la hache de guerre.


Pendant ce temps, revenons-en à la comtesse rousse, qui se retrouvait à accompagner les autres femmes à l'écart, à l'intérieur du manoir, de retour vers un salon. Si Charlotte avait fait semblant d'être aimable dehors, une fois à l'écart, elle avait envie d'exploser comme une bombarde. Elle était rouge, à la fois de honte et de colère.
Pendant ce temps, Isabeau se confondait en excuses, constantes, à tout le monde.

- Il n'aurait pas dû dire ça, je suis désolée, c'est mal ce qu'il a fait, et...

- Mais il le pensait, ma dame. Bien sûr qu'il y pensait, à se moquer de la mort de mon frère !
Soit, je ne vous en veux pas à vous. Mais j'entendrai des excuses sincères de la part de votre époux.


Pour le coup, Charlotte ressemblait beaucoup à Amaury. Elle était son enfant aînée, et celle qui avait été le plus dotée par lui.
Pour autant, elle n'avait pas hérité des défauts de son paternel. À savoir, une vanité étouffante. Non. Elle se permit de s'asseoir, fatiguée, la tête tournée vers le plafond et ses jambes croisées sous sa robe.

- Bon sang, j'ai deux enfants, et j'ai prévu d'en avoir un troisième ! Je ne devrais pas avoir à supporter de telles disputes !
Et pourtant, dame Ambre, ce ne sont pas des chamailleries puériles, contrairement à l'expression que vous utilisez. Ce que vous voyez là-dehors, c'est ce qui se passe quand on garde tout sur soi au lieu de dire très clairement ce qui va pas.
Vous me demandez si Guérin de Flocques aurait pu faire une telle chose. Eh bien, c'est compliqué ! Je ne sais vraiment pas quoi vous répondre !

- Mon fils n'aurait jamais fait une telle chose.
- Oh bien sûr, on pardonne tout à ses enfants, ma dame, mais vous n'en savez rien. Moi ce que je sais, c'est que Rodrigue et lui se haïssaient, et pas simplement parce qu'ils venaient de ces deux familles rivales... Non, non, c'était une haine très personnelle, une que Rodrigue n'éprouvait pas pour le reste des enfants d'Étienne.
« Pourquoi ? », vous allez me dire. Eh bien, il y a encore toute une histoire là-derrière... Mais est-ce que vous avez vraiment envie de l'entendre ? Cela ne sert à rien, c'est encore débile, encore de la rancœur qu'on traîne pendant des années...


Petit silence. Constance, elle, contrairement aux autres, ne s'était pas assise. Elle restait toute droite, dans le couloir, un bras touchant l'autre, à regarder le sol, penaude.

- Je... Je suis désolée d'avoir commencé tout ça...
- Tu n'y es pour rien, ils t'utilisent juste comme un prétexte pour déchaîner leur ire.
Au fond c'est bien tout ce qu'ils font, non ? Déguiser leurs prétentions... J'en suis persuadée. C'est ma théorie.
Amaury éprouve de la haine envers Étienne, plutôt que d'éprouver de la haine envers lui-même ; Parce que c'est lui qui a éduqué son fils, et qu'il n'a pas pu le protéger, empêcher le duel qui l'a mené vers sa mort.
Et pareil pour Virgile. Il a toujours été extrêmement protecteur de nous, des enfants d'Amaury, parce qu'il n'a pas réussi à protéger les siens. C'est pour cela qu'il réagit avec autant de haine quand on s'approche de Constance.
Et même si je ne connais pas votre mari, dame Isabeau, je suis sûr qu'il y a une raison derrière tout le bordel qu'il fait. Une raison, qui remonte à l'enfance ou je ne sais quoi, qu'il fait qu'il dédie autant d'énergie à nous rendre la vie impossible...
Et vous savez pourquoi, mesdames ? Parce que les hommes sont des putains de connards. Tous. Ils arrivent à faire des montagnes avec de la boue, et ils sont incapables de lâcher prise.


Citation :
Discernement.
Jet : 1. Réussite critique.
Charlotte d'Éspée semble totalement sincère dans ses propos. Elle est sûre d'elle, et semble à la fois énervée et attristée de la situation. Elle n'a aucune arrière-pensée et semble vouloir véritablement que les choses s'arrangent entre son père et son rival.
Ambre peut lui poser n'importe quelle question, elle y répondra sans mentir.

Constance ne resta pas. Silencieusement, sans même s'excuser, elle était partie. Charlotte leva le regard, en coin, pour la voir filer comme une petite souris, ce qui la fit grimacer. On ne réagit pas comme ça devant une comtesse, enfin ! Si Ambre voulait aller la poursuivre pour lui parler en privé, nul doute qu'alors la fille d'Amaury l'y encouragerait.

- Je suis désolée que vous ayez à assister à un tel spectacle, dame Ambre.
Est-ce que vous êtes enceinte ?
Pardonnez-moi, la question doit vous paraître bizarre et foutrement impolie... C'est juste que vous êtes mariée depuis un moment, et... Enfin... J'ai vécu ça. Vous ne devriez pas avoir à subir autant de stress, même si la situation en ce moment ne doit pas aider.
Je ne vais pas vous mentir. L'accouchement c'est douloureux, et les moments après sont difficiles, surtout quand le papa n'est pas là...

- C'est bien vrai...
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyVen 12 Aoû 2016 - 0:26
À table, une certaine forme de tranquillité était revenue, une tranquillité illusoire, une tranquillité de surface, mais une tranquillité tout de même. Comme escompté Étienne s’était tu et excuser pour son excès. Anthime s’en serait presque voulu de l’avoir rossé aussi sèchement, presque. Son vassal s’était exprimé clairement avec le plus grande de calmes pour ce qui avait été de mettre aux jours ses griefs contre les d’Espées. Finalement ne restaient de valable que les menace fait un dernier de ses fils, ces mêmes menaces qui avaient provoqué l’absence du jeune homme autour de la table.

« Du calme Étienne, le fait que vous soyez venue seule est regrettable, mais compréhensible. »

Essaya de tempérer Monsieur de Brasey en espérant que son vassal cesser de s’adresser aussi hargneusement au suzerain de son rival. Cependant, il fallait avouer qu’il avait peu d’espoirs, l’animal pouvait se montré plus de buté.

« Les possibilités du Comte Mirail sur ce qui a bien pu se passer au Labrets sont très pertinentes que ce soit la quardise ou l’intelligence, elles sont même sûrement plus probables qu’un coup visant à éliminer votre frère Monsieur d’Espée. Le Baron marqua une brève pause. Je suppose assez fortement que vous avez déjà rencontré Guérin monseigneur. Un jeune homme plutôt buté et qui ne joue pas réellement de l’étiquette. Il n’est guère du genre à s’encombrer de malice quand il s’agit de régler ses comptes. »

Grâce avait qualifié une fois Guérin de Flocques de rebus d’âne dégénéré. Des mots fort charmants qui bien entendu n’avaient été prononcés que dans la confidence d’un boudoir. Ce n’était pas bien loin de la vérité, même si c’était moins flatteur.

« Il a été également soulevé que la reprise du plateau datait d’il y a un mois et demi. Pourquoi avoir attendu maintenant pour en parler, pour exiger de poser de questions ? Encore si vous avanciez des preuves, nous aurions pu comprendre, car il aurait fallu le temps pour les réunir. »

Anthime ne s’était pas énervé, il n’avait pas plaidé la cause de son vassal avec passion, il avait juste présenté ce qu’il connaissait de « l’accusé », ce que lui inspirait la situation telle qu'il la leur dépeignaient et relever les incohérences qu’il semblait y avoir.

Dans l’alcôve du jardin, Toussaint semblait agiter, il avait l’air agacé, énervé, il semblait avoir envie de vider son sac, ce qu’il avait commencé à faire un peu fébrilement. Il parlait de ce que lui inspirait sa famille et ce n’était pas très reluisant, il était d’avis pour Grâce que peu de jeunes gens nobles pouvaient se pâmer d’une famille parfaite où’ils n’avaient régulièrement pas envie de décimer dans moult tourments.

« J’ai une certaine expérience en affaires de famille. Si vous avez le bonheur de connaître ma chère sœur j’ai bon espoir que vous n’en doutiez pas. »

Rétorqua la jeune femme avec un sourire amusé, elle voulait le mettre à l’aise, l’amadouer. Il y avait quelques chances qu’il se soit au moins croisé un jour avec Victoire. A vu d’œil, ils avaient approximativement le même âge, et s'il avait eu le malheur de la croiser, le damoiseau timide qu’il était avait dû être une cible parfaire pour la petite teigne. Elle avait dû enrober ses piques dans de charmants mots, mais cela n’en serait pas moins resté des désobligeances.
Puis le grand jeune homme s’était arrêté d’un coup se mordant les lèvres serrant les poings se ravisant au dernier moment. Il voulait les préserver où se préserver, cependant, voyait-il seulement que ne pas intervenir pouvait être pire que mieux ?

« Je comprends, ce n’est pas aisé de prendre le parti de se retourner contre sa famille. »

Le regard compatissant, la voix douce et posée. Grâce s’était rapproché, juste un peu, peut-être un pas, sûrement pas plus avant de commencer à lui expliquer ce qui était réellement en train de se passer ce soir, du moins ce qu’ils étaient censés faire ici.

« C’est pour cela que nous sommes ici, pour que cela soit régler au plus vite et sans l’intervention Ducale. Ne croyez-vous pas que je préfèrerais passer une soirée avec mon frère que d’entendre deux vieux boucs fiers et hargneux se bêler des insanités et s’accuser mutuellement des pires maux ? »

Sa question était complètement rhétorique et avait été posé avec une expression amusée. Il était évident que présenter ainsi les choses n’avait rien d’engageant. Ils n’étaient pas là pour le plaisir de la compagnie des patriarches d’Espée et Flocques.

« Mon père et le Comte de Mirail ne verront que la surface, uniquement ce que votre père et Étienne voudront bien leur dire. Toutefois, vous l’avez dit vous-même, ce n’est pas cela qui cessera la haine, je pense au contraire que ça ne fera que l’entretenir. Ils ne pourront arbitrer justement ce conflit avec si peu d’éléments, un des partis se sentira forcément lésé et la vendetta continuera comme elle a l’air de traîner depuis des années, des siècles. »

C’était peut-être un peu simple, mais dans ce genre de guerres familiales qui remontait à des générations et des générations, parfois il ne fallait pas plus pousser pour entretenir la haine.

« Vous, vous vivez cela tous les jours. Leur rancœur vous use un peu plus à chaque fois qu’elle remonte. Vous semblez savoir ce qu’ils font réellement, ce qu’ils veulent réellement. »

Elle espérait comprendre que se laisser vivre, se laisser écraser n’allait pas arranger les choses. Bien entendu, ce n’était pas réellement un but altruiste, le pauvre Toussaint, tout adorable qu’il semblait être, elle s’en moquait un peu sur le long terme, elle avait d’autres problèmes, en fait surtout un, cette carne de d’Alchas. Mais ce soir, le bâtard n’était pas là, donc l’héritier des d’Espée avait toute l’attention de la demoiselle.

« Je ne peux et ne veux vous obliger à rien, cependant c’est votre famille Toussaint, c’est vous qui en serez à sa tête un jour, c’est vous qui devrez prendre les décisions. Ses affaires vous concernent, et non seulement en tant que spectateur impuissant, serrant les poings. »

Il était jeune, il avait un père autoritaire et oppressant, dans une certaine mesure, il était un peu comme Audric, et s'il songeait ne serait-ce qu’un peu comme lui, il ne devait pas réellement se projeter dans le rôle de chef de famille, doutant de sa capacité à prendre des décisions intelligentes ou simplement de prendre une décision. C’est pour ça que tout dans son attitude se montrait rassurant.

« Pardonnez-moi d’aborder un sujet qui n’est guère plaisant, d’ailleurs il serait miraculeux d’arriver à parler de choses agréables ce soir, glissa-t-elle avec une légère risette rieuse, mais pourquoi avez-vous dit que votre père vous hait ? Sauf votre respect, j’ai le sentiment qu’il hait le monde entier. »

On ne pouvait pas dire que le patriarche s’était montré particulièrement agréable, il avait même été plutôt salé depuis le début de soirée. On pouvait lui accorder que la situation n’était guère à propice à montrer son meilleur jour, son plus beau masque, ce qui au final était fort bien. En effet, sous la colère, la pression, l’on était plus enclin à montrer malencontreusement sa vraie nature.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptySam 13 Aoû 2016 - 22:31
Evan regarda sa sœur partir avec soulagement. Cela lui permettrait peut-être, de son côté, d’essayer de déblayer le terrain avec des partis déjà un peu moins bornés qu’Amaury et Etienne. Car actuellement, le comte de Mirail faisait face à des murs complets. Amaury et Etienne étaient les seuls à parler, les enfants d’Espée s’écrasaient complètement, alors ils étaient bons qu’ils quittent la table en compagnie d’Ambre ou Grâce, pour permettre d’avoir des conversations plus discrètes et disons moins… échauffées ? Le comte de Mirail commençait à comprendre qu’avoir convié les deux familles à dîner n’arrangerait point les choses en cette soirée, et cela le lassait. Etienne se sentait insulté que son fils ait été agressé, mais le concerné était absent. Il aurait été bon que le fils soulève ses propres griefs, ou calme les ardeurs s’ils ne tenaient pas rancune à Virgile. Là, ils se retrouvaient avec un père vexé dans son ego, donc forcément…
Le comte soupira un grand coup.

- Bon. Résumons. Nous avons d’un côté vous, messire Amaury, qui réclamez justice pour la mort récente de votre frère, que vous soupçonnez liée d’une quelconque manière à une action de Guérin de Flocques. Evan posa le regard sur son vassal en disant ces mots, avant de se tourner vers Etienne de Flocques. Et vous, messire, vous demandez réparation pour provocation à l’encontre de votre fils il y a quelques jours. Les Espée demandent duel. Est-ce là votre souhait à vous aussi, messire Flocques ? Un duel à mort entre vos deux familles pour régler ces questions ? Qui serait les deux combattants représentants vos noms respectifs ?

Les questions étaient sincères, même si Evan refusait toujours d’arriver à un duel. Ils voulaient voir comment les nobles voyaient les choses, et espérait leur faire comprendre la stupidité de leur comportement en leur faisant répondre à voix haute au sujet de telles extrémités, peut-être.

- Comprenez-vous que je ne puisse point approuver de tels recours en ces temps de guerre ? Nous avons besoin, tous, d’oublier nos griefs, pour vaincre la Fange, en alliés. Si vous n’en êtes pas capables, je ne vois pas quoi faire de plus. Cela ne dépend plus de mon ressort. Si mes vassaux sont déterminés à porter des accusations de meurtre concernant Guérin de Flocques, il sera nécessaire de faire marcher la justice ducale. J’apprécie peu que de tels soupçons soient portés, et qu’on engage un duel de Rikni sans réelle preuve ou aveu de la part du concerné. C’est de félonie que nous parlons.

Si Guérin de Flocques était le félon décrit, il n’avait pas même le droit de pouvoir se défendre dans un combat singulier. Il serait décapité, point. Cela dit, sans preuves, et avec la paranoïa énorme que se portaient ces deux familles, il y avait matière à se méfier des soupçons portés contre les autres. Evan était dans une position délicate.

--

Du côté d’Ambre, l’on avait donc suivi Charlotte, Isabeau et Constance. Charlotte était dans une ire compréhensible. Si un homme avait été aussi insultant avec sa propre famille, Ambre l’aurait congédié hors du manoir. Là, elle n’avait pu regarder Etienne qu’avec un regard méprisant sans avoir l’autorité de le faire partir, puisqu’il avait été convié pour ça après tout : se confronter aux Espée.

- Etienne s’est montré particulièrement ignoble, je partage parfaitement votre avis à toutes. Remuer les souvenirs désagréables, et se gausser de la mort d’un jeune homme… Ambre frissonna. Le comportement lui rappelait le duc sur certains points, qui aimait à afficher gaiement la tête de ses rivaux au nez de tous.

Ambre haussa un sourcil discret sur la suite du discours de Charlotte. Son émotion la faisait parler, beaucoup parler, au point d’évoquer une autre histoire qui se serait déroulée entre Rodrigue et Guérin. La comtesse sentit qu’il y avait quelque chose à gratter là-dessous, et demanda, de façon très concise :

- Une haine très personnelle ? Que s’est-il passé entre eux ? Amaury et Etienne sont-ils eux-mêmes au courant de ce conflit interne ? Je considère que rien n’est inutile ou vain à connaître, ma Dame. Dans ce genre de situation, c’est avec des détails que nous parvenons toujours à trouver le fil sur lequel tirer pour démêler les griefs… Malgré les rancœurs tenaces entre vos deux noms – elle regarda Charlotte, puis Isabeau –, je suis certaine qu’il est possible de trouver une solution. Sinon… je vous assure que mon frère va rapidement perdre de sa tolérance, ainsi que moi-même. Je tiens d’ailleurs à m’excuser pour mes propos qui ont pu vous paraître très secs, un peu plus tôt. Elle coula un regard vers Constance. Maintenant qu’elle était en petit comité avec les femmes, elle pouvait abandonner un peu ses grands airs de suzeraine pour tenter une approche plus douce, plus compatissante. Plus manipulatrice, d’un certain point de vue, mais… Ambre espérait ne pas avoir à passer trois semaines sur ce conflit. Je vous avoue que me déplacer pour ce genre d’affaires m’agace beaucoup en ce moment. Mais, bref. J’aimerais entendre l’histoire. Qu’y avait-il entre Rodrigue et Guérin ?

Par la suite, Ambre suivit du regard Constance, qui s’éclipsait, l’air neutre, mais réfléchi. Elle tentait de déterminer s’il était bon de la suivre ou non. Si la jeune adolescente aurait le cœur à profiter de sa présence après ses paroles dures à table. Préoccupée, Ambre mit donc quelques secondes à réagir à la dernière question de Charlotte. Elle cligna doucement des yeux, refermant par réflexe ses mains sur son ventre.

- Oh, oui. Oui, j’attends un enfant. La nouvelle est toute récente, il est normal qu’elle ne soit pas encore arrivée aux oreilles de tout le monde. Ne vous en faites pas pour moi, j’ai connu des stress plus… prenants, ces derniers temps. Cette affaire me fatigue mais ne devrait pas être dangereuse pour moi. Le sourire d’Ambre se crispa légèrement pour la suite des propos. J’escompte bien que mon époux soit présent pour son fils ou sa fille à venir… Je ne crois pas qu’il délaissera ses devoirs de père, même si la situation de Marbrume nécessite désormais des absences prolongées au Labret ou ailleurs, en effet… Sans parler des absences qui deviennent par la suite définitives à cause de la Fange, mais Ambre n’avait pas le cœur à l’évoquer, elle angoissait déjà bien assez pour Morion lorsqu’il mettait un pied hors des remparts. Sa récente blessure à la cuisse avait au moins eu le mérite de le garder près d’elle pour un moment. Quant à l’accouchement, je prierai les Trois pour que le travail ne se montre pas trop long, même si je sais que cela sera difficile.

Ambre tourna à nouveau le visage vers le coin de couloir derrière lequel Constance avait tourné.

- Excusez-moi, vous permettez que j’aille tenir compagnie à votre sœur… ?

Après la longue discussion avec Charlotte et Isabeau, la comtesse s’éclipsa donc. Constance était partie sans saluer personne, un comportement assez impoli, mais Ambre la sentait perturbée, un peu trop peut-être… A moins que les propos d’Etienne, « sale garce », l’aient touchée à ce point ?
Ambre tourna dans le couloir où elle avait vu Constance s’engouffrer, et lorsqu’elle la trouverait – si elle ne s’était pas déjà éclipsée dans un lieu où la comtesse ne pourrait point la trouver –, la jeune rousse lui tiendrait globalement ces propos :

- Je comprends que vous ressentiez le besoin d’être seule mais… il ne faut point vous arrêter aux paroles crues qui ont pu être dites à cette table, dame Constance. N’avez-vous point eu l’envie de réagir, lorsque nous avons dit que vous étiez responsable de vos inclinaisons alors que nous sommes, après tout, que des étrangers dans cette histoire ? Je l’espérais, à dire vrai, car des paroles des concernés directs seraient très utiles… Petite pause. Aimez-vous le fils d’Etienne ? Et lui, vous aime-t-il ? Ne pensez-vous pas qu’il serait… sain… que tous les deux, vous donniez vos envies, et votre point de vue, au beau milieu des piques que se lancent vos parents ?

Si Constance et le fils Flocques pouvaient eux aussi apporter leur pièce à l’édifice de la paix, cela ne serait pas plus mal. C’était ce que pensait la comtesse, du moins.
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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyMer 17 Aoû 2016 - 16:46
Evan de Mirail avait une définition bizarre du terme de « félonie ». Lorsqu'il n'y a pas d'aveux ou de preuves, on a recourt à un duel judiciaire, à une ordalie, justement pour que les Dieux fassent justice puisque la justice des hommes fait défaut. Le but du duel n'a pas pour lieu de réparer une injustice, contrairement à ce qu'on pourrait penser. Au cours de l'Histoire des Langres, le Roi, et l'Église, n'ont pas arrêté de multiplier édits, canons, et parlements pour justement tenter d'éviter la violence endémique et atroce qui n'arrêtait pas de gangrener les affaires. Mais là, c'est une toute autre affaire.
À moins que... Ce soit autre chose que le jeune comte veule dire. « C'est de félonie que nous parlons ». Est-ce qu'il parle des soupçons portés sur Guérin ? Que l'acte qu'il aurait commis aurait été si grave, qu'une ordalie ne serait pas suffisante pour juger d'une telle affaire ? Amaury n'en était pas convaincu. Qui d'autre que les Dieux peuvent décider lorsqu'une affaire est aussi grave ?
Non, en réalité, le problème de la félonie, c'est surtout sur Evan qu'il se posait. Les choses avaient beaucoup changées depuis l'arrivée de la Fange, et permettre à deux chevaliers de s'entre-tuer, ce serait non seulement très mal vu, mais peut-être que le duc en profiterait pour faire un exemple...

En tout cas, les quelques mots qui étaient sortis de la bouche du tout nouveau comte n'avaient pas du tout servis sa cause. Peut-être espérait-il impressionner les deux belliqueux. En fait, il avait réussi tout l'effet inverse, en affermant leur cause. D'un côté, le seigneur de Flocques se sentait persuadé qu'Evan de Mirail allait le protéger, qu'Amaury de l'Éspée ne pourrait jamais demander un duel sous peine d'être puni par son suzerain. De l'autre, le baron de l'Éspée se trouvait maintenant convaincu que le meilleur plan était de se porter en victime, auprès de celui qui aura un meilleur jugement que lui...

Il n'y avait que Virgile qui ne commençait pas à se faire des manipulations mentales, en son for intérieur. Lui, il ne cherchait pas vengeance, il cherchait justice. C'est pourquoi, après un certain silence, silence qui fut particulièrement comblé par l'arrivée du plat principal (Un merveilleux sanglier chassé dans les marais, et proprement rôti), il se mit à soupirer avant de sortir quelques mots d'une voix très rauque.

- J'ai mis du temps à prévenir de cet épisode, car j'étais occupé. Pensez-vous que nous puissions faire ce qu'on veut au Labret ? Un messager ça coûte cher, je n'avais pas envie d'envoyer mon valet prévenir Amaury d'une telle histoire... Et puis, de plus, ce n'est pas le genre de choses qu'on annonce par correspondance. Amaury avait déjà fait une cérémonie pour son frère, je me voyais mal lui balancer de telles rumeurs dans la tronche alors même qu'il était encore endeuillé.
Mais, soit.
Quels genre de preuves pourraient satisfaire autour de cette table ? Témoignages ? Le récit de quelqu'un d'autre ? Cela peut s'arranger. Donnez-moi du temps, un sursis. Qu'en dites-vous, Étienne ?

- Si vous arrivez à me convaincre de quelque chose de concret, oui, je demanderai à Guérin de s'expliquer, d'avoir sa vision des choses.
En attendant, je refuse que vous puissiez lui faire du mal.
Quant à Geoffrey, il nous faut-

- Comme je vous l'ai dis, je ne m'attaquerai plus à Geoffrey, s'il ne s'approche plus de Constance et du manoir.
- Parfait, c'est également dans mon intérêt qu'il ne vienne plus ici. Donc, c'est arrangé ?

Virgile et Amaury firent tous deux un signe de tête. Étienne aussi.

- Bien.
D'accord.
Parfait.

En réalité, rien n'avait été arrangé. Strictement rien. Aucun progrès n'avait été accompli, aucun semblant de paix ne venait d'être atteint. C'était plus comme un cessez-le-feu lors d'un siège, le temps de laisser les gens innocents, les « bouches en trop », femmes et enfants, sortir des murailles sans être attaqués ; Ensuite, lorsque le cessez-le-feu expirerait, la guerre irait reprendre, avec seulement beaucoup plus de violence.
Mais bon. Le temps que tout s'arrange, le temps qu'on mette en lumière la vérité sur l'affaire, il faudrait que cette fragile trêve tienne.

- Je... Heu... Ahem. J'aimerai, présenter mes excuses pour mon commentaire sur votre fils. Ce... C'était un moyen puéril et bien bas de vous faire du mal. Et-
- Étienne. Pour votre bien. Ne reparlez plus jamais de mon fils. Plus jamais. Je me fiche de savoir s'il pleurait ou s'il est mort dignement. Je ne veux juste que ce souvenir ne remonte pas jusqu'à ma conscience.

Le seigneur de Flocques fit silence. Il ne parlerait plus de la mort du fils d'Amaury. Alors même qu'il avait, peut-être, beaucoup à dire dessus.

- Le sanglier est délicieux. Les dames devraient revenir.

- Oui... Oui, faut les rappeler à table.




Toussaint recueillait les mots de Grâce. Il semblait très mal à l'aise. Enfin, depuis le début du repas il était mal à l'aise, c'était une mauvaise image, mais... Il n'aimait pas cette situation. Il se sentait le cul entre deux chaises, il avait peur de faire ce qui pourrait être perçu comme une trahison envers les siens.

Néanmoins, elle avait, peut-être, réussi à faire germer une idée dans la cervelle du garçon. Même s'il continuait de serrer la mâchoire et les poings, chose qui ne parvenait pas à lui donner un air vraiment sévère ou aigri.

- Mon père a souvent l'air désagréable, et hautain, mais c'est dans sa personnalité. Non, non, ce qu'il éprouve envers moi, c'est... C'est particulier.
Il ne m'insulte pas, il ne hausse jamais le ton avec moi, il ne s'agit pas de ça. C'est juste que... Il m'ignore. La plupart du temps il ne m'adresse même pas la parole. Il a toujours refusé de me mêler aux affaires de la famille, c'est seulement mon oncle Rodrigue qui me prenait sous son aile. Mais Rodrigue est mort, et depuis, eh bien...
Je ne sais pas pourquoi il réagit comme ça. J'ai longtemps pensé que c'était juste moi qui psychotait, mais les autres m'ont souvent fait la remarque, mes sœurs ou Virgile. Il éprouve beaucoup de haine envers moi, beaucoup de rancœur. Et je suis incapable de vous dire pourquoi. Je n'ai jamais rien fait contre lui. À une époque, c'est vrai, j'ai réussi à l'énerver en lui disant que je souhaitais devenir prêtre, mais une fois qu'il m'a fait clairement savoir que ce n'était pas une option, j'ai oublié.

Citation :
Intelligence Grâce : 17 (+1)
Dès : 14
Réussi.

Alors que Toussaint tourne sa tête vers le jardin, et qu'il baisse ses mains, Grâce remarque immédiatement des griffures rouges le long du cou du jeune garçon, et des marques rouges, profondes, comme des entailles, sur son poignet gauche, qui est rapidement caché par sa longue manche qu'il remet en place. Bien qu'elle ne peut pas voir clairement, tant il est tiré à quatre épingles, il semble effectivement qu'il ait des bleus et d'autres traces profondes de blessures.

- Il faudrait revenir terminer ce repas, non ?




Charlotte répondit très simplement à la question d'Ambre. Même assez évasivement.

- Je ne connais pas les détails de cette affaire, entre Guérin et Rodrigue. Mais il me semble que ça avait à voir avec une femme.
Rodrigue a toujours été le vilain petit canard de la famille. Vous deviez le savoir, peut-être. Amaury, Rodrigue, Virgile, les trois frères chargés d'hériter du grand domaine de leur père... Amaury était le travailleur forcené, Virgile le grand combattant qui ne prenait pas tout trop au sérieux, mais Rodrigue... Rodrigue c'était autre chose. Froid, distant, toujours à tout prendre au pied de la lettre...
Non, je suis désolée, moi je ne connais pas cette histoire. Peut-être qu'Étienne ou sa femme en sauront plus que moi.


Qu'importe. Ambre était partie aussitôt pour aller voir Constance.

- Elle doit être dans sa chambre, allez-y donc sans frapper. À l'étage, deuxième porte à droite.


La comtesse obéit. Certes, elle était pas chez elle, mais c'était très impoli de la part de la petite de s'être éclipsée comme ça, en plein repas, sans dire mot. Peut-être que Ambre aille la secouer allait lui apprendre la politesse.
Lorsqu'elle ouvrit la porte en appuyant sur la poignée, la petite Constance se mit à sursauter. Sa chambre ressemblait à une chambre d'adolescente, comme toutes les autres. Elle avait un lit parfaitement fait, quelques décorations, un grand miroir, beaucoup de livres, dont l'un près de son chevet était un beau recueil de poésies et de chansons de troubadours. La petite Constance était devant la fenêtre du manoir, à jouer avec un bout de sa robe, assise en tailleur. Mais dès qu'Ambre était rentrée, elle s'était levée et mise toute droite, presque comme un militaire au garde-à-vous.

Les quelques mots d'Ambre la prirent un peu au dépourvu. Elle baissait un peu les yeux, et affichait un air triste et gêné.

- Ma dame, je...
Je ne sais pas quoi vous dire.
Oui, je l'aime. Je l'aime, cela fait longtemps d'ailleurs... Et... Et lui, je... Je crois qu'il m'aime aussi. Il m'a offert une rose...


Elle tourna le regard vers une petite table posée devant un grand miroir, où effectivement, dans un minuscule vase se tenait une rose épineuse bien solitaire. Mais bon. C'était un peu léger. Constance semblait bien sotte pour croire qu'offrir une rose qui aurait pu être arrachée à n'importe quel arbuste de l'Esplanade était une preuve d'amour.

- Mais lorsque j'ai dis à Virgile que c'était lui qui m'avait offert cette rose, il est devenu rouge, il a prit son épée, il a détruit quelques-unes de mes affaires et est sorti en hurlant... Une rose a suffit à le mettre dans cet état-là, comment est-ce que je pourrais lui en dire plus ?
Pourtant, je... Je suis sûre que si j'épousais Geoffrey, ils ne pourraient pas faire autrement. Après tout, malgré tous ses défauts, mon père est quelqu'un de croyant, il sait ce qu'est un sacrement devant les Trois.
Ma dame, ce que je vais dire va vous paraître... Enfin...
Est-ce que vous m'aideriez à le voir ? Geoffrey ?
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyMar 30 Aoû 2016 - 14:58
Ambre soupira intérieurement lorsque Charlotte affirma ne rien savoir au sujet de l’affaire personnelle entre Guérin et Rodrigue. Il y avait eu une femme en jeu, visiblement, mais elle ne donna aucun autre détail. En clair, l’évocation de cet élément n’avait pas apporté grand-chose à la comtesse, à part remuer quelque intérêt dont il semblait qu’elle n’aurait pas de réponse, à moins d’interroger les autres membres de la famille peut-être… Diantre, la comtesse avait l’impression d’évoluer dans un magma d’informations. Elle en avait l’habitude, la cour, les rumeurs, les espionnages, elle avait grandi dans ce bain. Cela dit, en ce jour, elle n’avait point la tête à ces babillages avec tous ses propres problèmes personnels et toute la pression récente. Ainsi, Ambre se lassait très vite. Elle n’insista pas auprès de Charlotte, ne tenta pas de lui arracher des souvenirs plus précis par d’autres questions, et partit donc comme expliqué dans les couloirs pour rejoindre Constance.

Cette dernière était remontée dans sa chambre. Ambre avait écouté les recommandations de Charlotte et avait trouvé sans grande difficulté la pièce. Jetant un coup d’œil circulaire à la chambrée, elle observa les lieux, qui détonnaient peu avec le caractère de la jeune adolescente, finalement. Une chambre discrète, des décorations, des livres de poésie, un miroir… Une chambre classique pour une petite noble.
Constance s’était levée à son entrée, raide, surprise de l’irruption de la comtesse dans sa chambre. Ambre inclina la tête, autant pour la saluer que pour lui rendre la politesse, et lorsque la conversation s’engagea entre elles deux, elle ne quitta jamais l’adolescente des yeux. La jeune rousse essaya de ne pas écouter les propos de Constance avec l’arrogance d’une femme plus âgée – ce qu’elle était –, mais elle n’y parvint pas. Les paroles de la petite Espée étaient enfantines, parlant d’amour, et visiblement persuadée que les sentiments étaient réciproques. Non pas parce que Geoffrey lui avait fait part de ses sentiments, mais simplement parce qu’il lui avait tendu une rose. C’était… Enfin, voyons, Geoffrey était un écuyer, futur chevalier, offrir des roses aux femmes était quelque chose de très courant, parfois par séduction certes, mais aussi et surtout par politesse, coutume et pour jouer le gentilhomme propre aux codes de la chevalerie… Comment pouvait-elle se persuader si vite ? Et, surtout, si cet homme avait quelque chose à faire de Constance, si son sort lui était cher, pourquoi ne s’était-il pas présenté à ce repas ? Tout était parti de cette rose offerte, visiblement, et l’homme brillait par son absence. Enfin… l’existence de sentiments réels, réciproques ou non, n’était finalement pas très important pour ce qui se déroulait en cette soirée.

Ambre toisa Constance durant quelques secondes à la fin de son discours, le visage neutre, les mains croisées devant son ventre. Elle sembla figée plusieurs instants, seul son pouce caressant le dos de sa main comme mouvement visible. La comtesse prit ensuite une longue inspiration pour répondre.

- Je ne le puis, dame Constance.

Le ton était calme, sans colère, mais ferme et résigné. Ferme car Constance ne pourrait jamais la faire changer d’avis sur ce sujet, c’était clair et net : elle n’était pas habilitée à faire s’échapper des jeunes filles pour aller se compromettre dans les bras d’un homme. Résigné, car la demande de Constance, immature, réveillait chez la comtesse la sensation d’avoir à l’éduquer un peu sur les grands principes de la vie, et là n’était pas son rôle non plus ; elle n’était pas sa fille. Cela dit, Ambre avait l’impression qu’il y avait besoin d’éclaircir certains points.

- Il y a des devoirs qu’une noble dame se doit d’assumer. Prendre l’époux que sa famille considère digne d’elle en fait partie. Ambre se souvint de ses fiançailles avec Armand de Sarosse, qui n’étaient pas désirées par la jeune rousse, de base. Elle avait protesté comme une enfant, arguant qu’elle ne le connaissait que mal, et qu’elle ne le voudrait jamais dans son lit. Le temps avait cependant fait son œuvre, et lorsqu’elle avait appris à connaître l’homme, une passion sincère était née entre eux. Cela dit, lorsque l’union est désirée par les deux époux, c’est toujours le mieux. Si vous et Geoffrey vous aimez d’un amour sincère, que vos familles ont des avantages à se lier… Ambre fit une légère pause. Dans leur cas, mettre un terme aux conflits centenaires serait un grand pas en avant, mais c’était compliqué. Du côté d’Ambre, cela serait comme lier ses futurs enfants à la lignée du Duc, une chose inconcevable malgré toute la puissance que cela apporterait. Eh bien, vous devez assumer vos inclinaisons, et en parler ouvertement à votre famille, plutôt que tenter d’aller voir cet homme en douce et accentuer les conflits. S’ils se rendent compte que vous envisagez réellement un mariage avec lui, peut-être considéreront-ils la question. Soumettez-vous aux décisions de votre père, ou faites entendre votre voix. Je ne puis décemment vous permettre de voir en cachette cet homme ; là n’est pas ma place. Et cela serait compromettre mes relations avec votre famille pour une amourette qui, je suis navrée de vous le dire, n’en est encore qu’à ses balbutiements. Cela dit, si vous voulez le voir, il faut le faire officiellement. Pas en cachette. Montrer que cela est votre souhait, influencé par aucune personne de l’Esplanade, ne nécessitant aucune aide de la part d’autrui, et donc pas de la mienne. Mais je tiens à vous mettre en garde. Vous êtes jeune. Vous pensez être sincèrement amoureuse, certainement. Cependant vous lier à Geoffrey compromettra certainement vos relations avec votre père, votre oncle, peut-être d’autres. Vous devez être prête à faire ce choix. Vos devoirs en tant que fille, le respect envers votre famille et sa réputation. Ou les souhaits de votre cœur. Les deux sont parfois incompatibles. Il faut simplement savoir déterminer quelle partie vous êtes prête à sacrifier. Et ça, je ne puis le faire à votre place, dame Constance.

Ambre posa un instant les yeux sur la rose qui s’élevait dans le petit vase.

- Les sentiments sont volages, fugaces. La famille et la réputation, elles, subsistent toujours, et vous suivront jusqu’à la fin de votre vie. Si vous étiez ma fille, je vous déconseillerais de tourner le dos à ceux qui vous ont éduquée, pour un homme que vous connaissez finalement à peine. Epouser quelqu’un pour des bénéfices politiques n’est pas si terrible, vous savez. L’on apprend à aimer son époux petit à petit, si votre père n’a pas le manque de goût de vous marier à un vieil aigri. Mais cela n’est que mon avis personnel. Vous n’êtes pas ma fille, ça n’est pas à moi de vous recadrer. J’ai beau être votre suzeraine, je n’ai pas à vous dire quoi faire de votre cœur, votre corps et votre qualité de femme. Simplement, je n’organiserai pas de rencontre secrète avec Geoffroy. Vous devez devenir actrice dans cette affaire, et ne plus subir. Arrêtez de vous cacher. Affrontez votre père, ou oubliez Geoffrey. Il n’y a point d’autre solution, je le crains.

Ambre tapota doucement sa main, réfléchissant.

- Je me porterai garante d’une rencontre avec cet homme si vous en faites la demande à votre père.

La comtesse considérait que cela pouvait décanter la situation. Cependant, elle avait quelques doutes à propos des intentions de Geoffrey. S’il ne ressentait rien pour la petite Constance… eh bien, disons que la jeune adolescente apprendrait bien vite les aléas des sentiments humains.

--

Du côté du repas, tout semblait s’être calmé. Les deux partis étaient arrivés à un statut quo, et bien qu’Evan de Mirail était lassé au plus haut point, il n’en montra rien. Il resta droit sur sa chaise, l’air sérieux, malgré sa déception. Ils n’avaient avancé en rien. Strictement en rien.

- Témoignages, récits, preuves matérielles, tout ce que vous voudrez, en effet. Je gage qu’il faut au moins cela, sans quoi toutes ces accusations ne pourront dépasser le stade de simples suppositions, messire Amaury, je le crains.

Evan ferait appel à ses propres relations pour démêler le vrai du faux, ses propres espions, après ce repas. Non pas qu’il n’avait pas confiance en son vassal, mais des preuves apportées par quelqu’un qui avait de réels griefs contre le parti opposé… C’était toujours délicat. S’il pouvait trouver des preuves par lui-même, cela serait pour le mieux.


Citation :
Pas écrit grand-chose pour le côté Evan mais je ne voyais pas quoi rajouter pour l'instant ^^
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Vendetta    Vendetta  EmptyMar 30 Aoû 2016 - 17:17
Les relations de garçons avec leurs pères cela semblait toujours fort complexe, surtout avec des hommes comme semblait l’être Amaury, intelligeant et exigeant. Grâce avait longtemps envié la place de son frère, protégé comme un trésor alors qu’elle et sa sœur étaient traitées plus rudement, avec plus de distance. Cela avait cessé le jour où elle avait compris que cette fausse proximité n’était en effet qu’un moyen de contrôle comme un autre est surtout qu’à force de le ménager par peur qu’il lui arrive quoi que ce soit, Audric n’avaient pas pris l’assurance qu’il était préférable dans sa situation. Lui également on ne le mêlait que partiellement aux affaires familiales luire préférant quelqu’un de moins indécis, de plus combatif. Son absence ce soir était parfaitement symptomatique de ce problème. Car à force de procéder ainsi, Anthime ne faisait que conforter les défauts qui lui déplaisaient chez son fils.

« Les relations avec votre père étaient-elles déjà ainsi avant le décès de votre frère ? Je sais que cela remonte à sept ans, cependant il doit vous rester quelques souvenirs. »

Peut-être n’était-ce que cela. Il était possible que ce dédain que semblait porter d’Espée pour son fils restant, qu’une résurgence ceux de l’aigreur due à la perte de son aîné, idéalisant celui qui avait rejoint Anür.

Pour qui était quelque peu observateur, difficile de manquer les marques involontairement dévoilées par le jeune homme alors qu’il regardait autour de lui. Elles ressemblaient à des griffures ou peut-être des entailles et autres traces de coups. Sur un homme plus âgé qui combattait la fange possible que ce genre de marques eurent l’air moins suspectes. Difficile également de faire passer cela pour des marques d’entraînement au maniement de l’épée. Puis, si cela était le cas, il n’avait pas réellement de raison de cacher avec tant de zèle.

Comme pour changer de sujet il proposa de retourner à table. Parole qui n’eurent pour simple réponse qu’un soupire vaguement amuse accompagne d’un regard des plus sérieux.

« Pas avant que vous m’ayez dit qui vous avez fait ces marques et pourquoi. En avez-vous d’autres ? Si votre père ne hausse pas le ton, lève-t-il la main ? »


Il était le seul coupable aisément envisageable avec ce que Grâce savait de la situation, à moins que l’héritier d’Espée ce les soit fait lui-même.

« Si j’étais vous, je n’éluderais pas la question. Je n’hésiterais nullement à faire allusion à vos marques à table devant le reste des convives. Vous avez l’air d’un jeune homme intelligent, une qualité que j’affectionne particulièrement… »


Il n’aurait donc aucun mal de comprendre que si elle faisait une telle allusion au dîner à défaut d’avoir une réponse, elle obtiendrait une quelconque réaction de la part d’Amaury et une réaction que ne serait pas réellement plaisante pour le jeune homme au vu de la manière dont il semblait craindre son géniteur.

« Pendant que nous y sommes pourriez-vous me dire votre sentiment sur le cas de votre sœur Constance ? S'il est vrai, trouvez-vous son béguin particulièrement inapproprié ?
Sait-on jamais que l’affaire refait surface, après tout elle était le prétexte pour tous nous réunir ici.

Après nous aurons tout le loisir de rejoindre le fausses aux lions. »


Le sourire n’avait nullement quitté les lèvres de la demoiselle, le ton calme et posé, vilaine habitude prise depuis longtemps.

A table, ils n’avaient rien résolu, rien du tout, il suffisait de voir leurs attitudes respectives. Evan et Anthime s’étaient contentés d’étouffer le feu tant bien que mal, mais au moindre coup de vent tout allait reprendre de plus belle. C’était navrant.
Tout à fait d’accord de lui laisser le temps de réunir ses preuves mais il faudrait être prudent, cela voulait également lui dire lui laisser le temps d’en fabriquer, des preuves. Après cette soirée il demanderait une entrevue avec le Comte Evan, après tous les deux hommes étaient venu pour une amourette futile était s’étaient retrouvés face à de bien plus graves griefs, cela méritait d’en parler.

Le Baron de Brasey avait bien vu sa progéniture s’éclipser en même temps que ces dames mais en compagnie du jeune Toussaint. Il se demandait ce que Grâce avait bien pu trouver au timide jeune homme pour l’inciter à quitter la table, le centre de l’activité, l’endroit pour ceux que les affaires de la famille concernaient plus ou moins directement. Il lui semblait que c’était plutôt là la place de l’unique fils d’Amaury.

« J’espère, Monsieur de Mirail, que votre fille ne vous causera pas ces soucis lorsqu'elle aura l’âge de Constance. »

La réflexion était seulement faite sur le ton de la boutade. Il se permettait de rire de la situation, car elle était grotesque à ses yeux, D’Espée et Floque, outre leur différend concernant Rodrigue, ne semblaient même plus comprendre pourquoi ils se haïssaient. N’importe quoi était un prétexte pour entretenir le ressentiment que ce soit pertinent ou non. Anthime était tout à fait prêt à recevoir quelques piques concernant sa propre descendance et plus particulièrement celle qui l’accompagnait, même si la cadette n’était pas en reste seulement on ne pouvait pas l’attaquer sur quelques affaires douteuses.
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