Déclaration de flanelle [Aelys - Xandra ♥]

La rouquine soupira pour la énième fois, empilant avec sérieu son tas de pièces sur la table du salon. Toutes ses économies étaient là. L’argent qu’elle avait pu ponctionner sur sa solde et celui qu’elle avait amassé grace à L’Esbigneur et qui lui restait après l'achat de la bâtisse avec son collègue. On aurait pu penser qu’elle savait compter à ses gestes, ce n’était évidemment pas le cas, mais la rousse avait été voleuse elle avait une idée assez réaliste de la valeur des choses et de la somme qu’elle possédait. L’excitation aidant, elle gonflait un peu son pactole, mais la jeune femme avait de la chance, elle avait ce qu’il fallait, à peu de chose près pour ce qu’elle désirait. Finalement, la rouquine ramena les pièces vers elle à deux mains et les fit glisser dans sa bourse en cuir. Elle verrait bien là bas.

- J’y vais ! A plus tard Barral !

Sur ceux, la rousse avait fermé la porte un peu violemment derrière elle et s’était engagée dehors d’un pas décidé, avec la ferme intention de mettre son projet à exécution. Un projet qui allait lui coûter cher mais elle y tenait, elle se disait qu’elle avait bien plus à gagner qu’une bourse rebondi et au point où en était les choses, autant jouer le tout pour le tout. La petite soirée avec Barral et sa cuite avait achevé de lui remettre les idées en place et l’avait étrangement encouragé. Ses mots lui revenait d’ailleurs en tête alors qu’elle approchait du quartier de la Hanse et la rouquine se mit à sourire, s’attirant quelques regards. S’il savait...“avec des frusques de femme tu ferais tourner de l'oeil au Duc.”

Comme d’habitude à cette heure les rues étaient pleines de vie et la rouquine devait jouer des coudes et se glisser entre les gens pour atteindre son but tant elle était pressée. Xandra ne l'avouerait jamais mais c’était une expérience qu’elle avait envie de vivre. Enfin elle trouva la fameuse boutique de la couturière et frappa à la porte, avant de se rendre compte qu’il y avait une petite cloche juste au dessus qui annonçait sa venue.

Andouille…

- Bonjour ? lança doucement la rouquine en jetant des coups d’œils autour d’elle. Elle avait nettoyé ses bottes crottées à la caserne avant de venir, mais elle se sentait déplacée, là, au milieu des étoffes, de cette douce odeur qui contrastait avec celle du vieux cuir qu’elle portait alors qu’une voix douce lui répondait.

- L’homme avec qui je vis, vous le connaissez bien. Barral Trell. Il m’a parlé de vous, par hasard. J’ai appris que vous étiez couturière alors me voila. Je sais, ça doit vous sembler étrange mais...J’ai vraiment besoin de vos service et de quoi me les offrir.

Xandra avait baissé les yeux et grimacé sur son pantalon rapiécé, se demandant si elle allait réussir à être crédible, avant de relever les yeux vers la jeune femme.

- Il ne sait pas que je suis ici, je compte sur votre discrétion. C’est une demande un peu...particulière. D’ailleurs on...Nous ne sommes pas "ensemble" avec votre cousin, il vous l’a peut être dit, on vit juste sous le même toit. C’est pratique, les temps sont durs.

La rouquine avait toussé et était resté planté là, muettement, dans l’entrée.

Les préparatifs du mariage étaient parfois des plus oppressants. Tout d'abord avec la mère de la promise, Catherine, qui n'avait de cesse de vouloir régenter le plus petit détail, la plus infime variation qui puisse se produire, d'anticiper par avance le moindre incident, le moindre manquement à quoi que ce fut et de s'assurer que tout soit impeccable pour le grand jour... et cela passait, inévitablement, par une consultation systématique de sa fille qui finissait par ne plus pouvoir supporter cette suractivité et cette pression que sa chère mère lui imposait inévitablement. Venant au secours de sa progéniture, André était intervenu pour permettre à leur enfant de s'éclipser le temps d'une journée au moins et de retrouver son environnement préféré à savoir : son atelier. Ah, comme il faisait bon d'être entouré par le fruit de son labeur, par ces pièces de tissus et ces étoffes toutes plus différentes les unes des autres, cette odeur inimitable qui flottait dans l'air emprunt d'une quiétude qui semblait à toute épreuve, le bois de la boutique illustré par les poutres au plafond et le comptoir sur le côté donnant vue sur la porte d'entrée. Non, assurément, il n'y avait que là que la jeune femme se sentait le plus à l'aise et c'est ainsi qu'elle pu donner congé à sa nouvelle employée, ce que celle-ci apprécia grandement, d'autant plus qu'elle reçu une petite somme pour profiter pleinement de cette journée de repos. Quand Xandra investit les lieux, ce fut une Couturière aux longs cheveux blonds et à l'air positivement tranquille qui l'accueillit, sourire aux lèvres.

- Bonjour et bienvenue au "Au Fil du Temps". Que puis-je faire pour vous ?

D'un regard la future mariée reconnue ce qui était plus ou moins l'uniforme de la Milice et fut agréablement surprise de voir une femme tenir ce rôle difficile, d'autant plus par les temps qui étaient les leurs. Sa nouvelle cliente n'y alla pas par quatre chemins et à peine avait-elle prononcée le nom de son Cousin que le visage d'Aelys s'éclaira soudain d'un large sourire de ravissement : ainsi c'était donc elle ! Une collègue rousse, fort belle et avec un bon caractère, Barral lui en avait brièvement parlé sans pour autant entrer dans les détails et, tandis que Xandra achevait d'exposer le motif de sa visite, sa vis-à-vis avait franchit la distance qui les séparaient et, sans autre forme de procès, lui saisit délicatement les mains, quoique avec un certain empressement, hochant vivement la tête en souriant de plus belle.

- Je suis ravie que vous soyez venue ! Vous devez être Miss Erkal je présume, je suis Aelys de Beauval, enchantée de vous rencontrer enfin !

Le Milicien ne parlait pas forcément beaucoup de son travail et n'évoquait guère certaines choses auxquelles il était exposé, mais celle qui se tenait devant la fille De Beauval avait été évoquée et rien que cela suffisait à indiquer son importance.

- Pour vous il y aura un prix spécial, mais cela devra rester entre nous, quant à la discrétion dont je saurais faire preuve, sachez qu'ici chaque client est assuré que ne s'ébruite jamais la moindre information concernant sa commande, quelle qu'elle soit.

Lui adressant un regard entendu, Aelys relâcha les mains de Xandra et l'invita à se placer plus avant au milieu de la boutique, la fixant alors de ses yeux verts où brillait une bonne humeur évidente. Cette visite seule suffisait à égayer sa journée.

- Alors, que puis-je pour vous ma chère ?

Elle était toute ouïe, supposant peut-être à la vue de sa tenue qu'elle avait besoin de s'en faire refaire une neuve, à moins qu'elle n'ai envie d'un vêtement pratique pour la ville, étant encore loin d'imaginer ce que sa vis-à-vis s'apprêtait à lui demander.

- Bonjour et bienvenue au "Au Fil du Temps". Que puis-je faire pour vous ?

Aelys était belle, elle respirait la sérénité, la force tranquille. Il y avait autre chose aussi, ses yeux brillaient d’énergie alors qu’elle souriait. La rouquine était toutefois trop perturbée, excitée et étonnée par la raison de sa venue à la boutique pour s’y attarder vraiment.

Il est encore temps de prendre la fuite Xandra...

Le regard de la rousse se posa instinctivement sur les mains qui s’étaient alors saisis des siennes avec une chaleur qui ne saurait mentir. Pour sûr, ils étaient de la même famille ces deux là, aussi doux et paisible l’un que l’autre ! La milicienne se mit à sourire à son tour, instinctivement, elle se sentait à l’aise à présent et c’était une bonne chose, parce que ce qu’elle avait à demander était assez peu...conventionnel, convenable, aussi. Xandra se sentait ridicule.

- Je suis ravie que vous soyez venue ! Vous devez être Miss Erkal je présume, je suis Aelys de Beauval, enchantée de vous rencontrer enfin !

Miss Erkal ? Soit on l’appelait Xandra, soit on aboyait son nom de famille, ni plus ni moins, et il n’y avait jamais de titre, si ce n’est Soldat ou d’autres petites attentions trop vilaine pour être citées. Alors ses yeux s’étaient arrondis sous le coup de la surprise. Mais après tout, dans un endroit comme celui là, c'était normal et...agréable.

- Pour vous il y aura un prix spécial, mais cela devra rester entre nous, quant à la discrétion dont je saurais faire preuve, sachez qu'ici chaque client est assuré que ne s'ébruite jamais la moindre information concernant sa commande, quelle qu'elle soit.

- Je vous fais entièrement confiance et je serais muette comme une tombe, vous avez ma parole. Je vous remercie, sincèrement, c’est...quelque chose qui me tient à cœur.

Obéissant au geste d’Aelys l’invitant à s’avancer, la rouquine fit quelques pas de plus dans la pièce, continuant de lorgner les étoffes, charchant à deviner où se trouvait l’atelier. Xandra se disait que ça devait être un joli métier que de donner vie à de si belle choses avec des aiguilles et du tissus. D’ailleurs, ce serait surement la seule “jolie chose” que la rouquine achèterait de toute sa vie et à y penser, un nouveau sourire joyeux se dessina sur son visage. Puis, Xandra se rendit compte qu’Aelys l’observait. Elle semblait amusée, la milicienne se demanda si c’était son vieil accoutrement qui en était la cause ? Ce qui était certain, c’est que c’est dans des nouvelles tenues pour le travail que la rousse aurait dû investir, c'eût été plus utile et mille fois plus raisonnable. Seulement ce n’était pas possible, ça ne l’était pas parce qu’elle avait vu ce qu’elle avait vu.

-Vous vous faites une idée de mes mensurations ?

Xandra n’avait aucune idée de comment allait se passer les choses, ni dans quel ordre. Alors c’est ce qui lui semblait le plus logique. Elle passa les mains dans sa longue chevelure pour dégager ses épaules.

- Alors, que puis-je pour vous ma chère ?

- Je crois que le plus simple pour que vous puissiez vous faire une idée concrète de ce dont j’ai réellement besoin, serait que je vous expose la raison précise pour laquelle j’en ai besoin.

Puis la rousse s’était mit à faire le cent pas alors qu’elle commençait son explication.

-Imaginez que vous soyez une femme qui...enfin une femme comme moi. Du genre qui crapahute dans les marais qui porte du cuir élimé et qui ne sait pas se comporter comme une...dame. Vous voyez ce que je veux dire ? J’ai toujours été de la mauvaise graine. Maintenant, imaginez que vous tombiez…

Elle s’était interrompu, elle craignait que si elle le disait à haute voix, ça devienne trop réel, qu’elle se retrouve “victimes” de ses sentiments. Mais après tout, c’était bien eux qui l’avait conduite ici. Alors elle avait inspiré un grand coup, elle avait arrêté de marcher et avait fixé la couturière dans les yeux.

- Imaginez que vous tombiez amoureuse maintenant, ça vous est peut être déjà arrivé ? C’est ce que je vis depuis quelques mois, même s’il m’a fallu un moment pour en prendre vraiment conscience. Je ne sais pas si c’est réciproque, je ne crois pas. Il y a quelques temps j’ai voulu aller le voir, ça nous arrive, occasionnellement de nous revoir, pas assez. Enfin là n’est pas la question, il était déjà dans les bras d’une autre, d’une noble, sans doute possible. Le genre qui sent bon et qui porte de belles robes.

Cette fois ce fut-elle qui saisit l’une des mains d’Aelys dans la sienne, avec une hésitation manifeste.

- Dame Aelys...Je suis bien plus jeune que lui et je n’ai ni la grâce ni la conversation d’une grande dame mais… j’ai le sentiment qu’on est bien quand est ensemble, je voudrais juste lui prouver que même si je ne serai jamais ce genre de femmes, j’en suis belle et bien une et plus enfant. Je voudrais qu’il voit toutes les facettes de ce que je suis, qu’il me voit sous un autre jour. J’ai besoin d’une robe, mais pas d’une robe commune non, d’une qui nous ressemble. Pensez vous que...ce soit possible, que ce soit une bonne idée ?

Parce qu'elle avait envie d'un petit coup aux fesses, qu'on la conforte un peu dans sa folie.

Aelys trouvait la rousse fort belle malgré son accoutrement de Milicienne et elle ne s'imaginait pas tant ses mensurations que l'effet que cela pourrait donner de la voir habillée comme une dame, dans une jolie robe assortie à la couleur de ses yeux et qui ressortirait à merveille avec celle de ses cheveux. La question avait été posée dans un but tout professionnel, mais la réponse qui lui fut faite trahissait un engouement tout personnel concernant le motif de sa démarche auprès de la Couturière. En un mot comme en mille, Xandra était amoureuse... Et là, il n'y avait guère sujet qui parlait plus à la blonde en ce moment que cette vive émotion qui vous prenait toute entière et vous transformait à jamais, quoi qu'on en dise. La regardant faire les cents pas, la future mariée écouta avec un sourire allant grandissant les explications de sa cliente, acquiesçant à intervalles réguliers avec une expression de douce compréhension sur les traits. Lorsque la Milicienne lui saisit les mains, Aelys cligna des paupières sous l'effet de l'agréable surprise que c'était, puis son sourire se fit plus complice, ses yeux verts pétillants alors d'une lueur amusée. Était-ce une bonne idée ? Par les Trois, c'était même l'une des meilleures qu'elle ait jamais entendue.

- Ma chère, vous ne pouviez pas mieux tomber qu'ici.

Tapotant ses mains, elle s'écarta alors pour se diriger vers la porte de sa boutique, usant d'une petite clef de fer pour la verrouiller et tirer les rideaux devant les fenêtres.

- Mon Cousin a eu raison de vous parler de moi, je vais vous aider à concrétiser votre espérance.

Revenant vers Xandra, la Couturière eut un tendre sourire chargé d'affection, sa voix laissant de côté les intonations de la complicité pour faire place à une grande douceur.

- Voyez-vous, j'ai la chance d'avoir trouvé l'homme que j'aimerais toute ma vie et je vais bientôt me marier, cependant il m'a fallu plusieurs mois avant d'oser me déclarer et j'ai bien cru que je n'y arriverais jamais, aussi ne puis-je que comprendre votre ressenti.

Son sourire se fit en coin, de nouveau amusé comme seules deux confidentes peuvent l'afficher entre elles lorsqu'elles parlent des hommes sans personne d'autre pour les écouter.

- N'est-ce pas que ces messieurs sont plus beaux quand ils sont plus âgés ?

Ça n'était pas tant une question qu'une affirmation détournée et, sans plus de cachotteries, Aelys guida la Milicienne vers la porte au fond de la boutique qui menait vers son atelier. A cette heure de la journée, les grandes fenêtres éclairaient fort bien la pièce qui, si elle était spacieuse à vide, était savamment organisée de façon à permettre de ne jamais en sortir pour travailler. Les tissus et pièces d'étoffes étaient rangées dans un meuble fort large qui montait jusqu'au plafond et qu'un escabeau pivotant permettait d'atteindre au plus haut niveau. Contre d'autres murs se trouvaient d'autres meubles contenant différentes matières servant à embellir une confection quelle qu'elle soit, puis venait celui qui dissimulait une quantité affolante de petits ornements et autres boutons indispensables à tout vêtement. Une immense table de travail trônait au centre de la pièce, propre et rangée, les patrons de ses travaux passés demeurant rangés dans un dernier meuble tandis que ceux en cours étaient déployés sur un bureau ancien et propre, et une odeur indéchiffrable de celle qui accompagne le mélange des matières flottait dans l'air de cet après-midi ensoleillé.

- Il vous faut une robe qui vous sublime et mette en avant tout ce que vous êtes. Cela ne sera pas un travail facile, mais sachez que je ne vous prendrais que le prix des matières et rien de plus. Ce sera mon cadeau.

Un bref regard vert pétillant d'amusement se posa sur la rousse, avant que Aelys ne reporte son attention sur son atelier, allant chercher de quoi prendre les mesures et faisant place nette sur son plan de travail pour permettre de tout préparer au plus vite. C'était à la fois une saine agitation et une certaine excitation que l'on pouvait percevoir, cette commande étant bien loin des habituels vêtements qu'on lui demandait toujours et, fort heureusement, ce genre de choses existaient encore dans ce monde qui était le leur, sans quoi le quotidien serait des plus ennuyant.

- Ma chère, vous ne pouviez pas mieux tomber qu'ici.

Ce fut au tour de la rouquine d’esquisser un sourire, ses yeux à présent rieurs répondant à ceux pétillant de cette cousine que la vie avait mit sur sa route. Elle avait de la chance et vu l’excitation contagieuse de la coutière à cette idée, peut être étaient elles deux à bénir cette rencontre.

Tout malaise avait disparu et Xandra retrouvait son assurance coutumière, toute raideur avait disparu de sa posture alors qu’elle observait la jeune femme rendre ce moment intime, les isolant du reste du monde pour un moment, ce qui l’arrangeait bien vu les...détails qu’elle risquait de confier à Aelys, qui, elle en était certaine, l’avait bien comprit.

- Voyez-vous, j'ai la chance d'avoir trouvé l'homme que j'aimerais toute ma vie et je vais bientôt me marier, cependant il m'a fallu plusieurs mois avant d'oser me déclarer et j'ai bien cru que je n'y arriverais jamais, aussi ne puis-je que comprendre votre ressenti.

- Un mariage…

Xandra ne se marierait probablement jamais, qui voudrait d’une femme dont la virginité n’était plus ? De toute façon elle n’était pas faites pour ça et le seul homme qu’elle désirait ne risquait pas d’accepter une telle demande. Elle n’était même pas certaine que le Capitaine partage ses sentiments, mieux qu’il les accepte alors songer aux mariages. Les images des mains du mercenaire sur le corps de cette femme lui revinrent à l’esprit mais elle les balaya préférant imaginer la douce Aelys avec...

- N'est-ce pas que ces messieurs sont plus beaux quand ils sont plus âgés ?

...Un homme plus agés et sans doute très distingué. Xandra n’en doutait pas une seconde. Un petit rire complice échappa à rousse.

- Ce n’est pas moi qui dirait le contraire ! C’est courageux de se déclarer, plus encore pour une femme. J’espère m’y prendre aussi bien que vous et je vous souhaite le plus beau des mariages et tout le bonheur qui va avec, évidemment.

Mais quand même, un mariage, la rouquine se m’y à y songer à nouveau, rêveuse, s’imaginant s’unir au mercenaire. Xandra n’était jamais très douée lorsqu’il s’agissait de se montrer courtoise, ni trop au fait des formules d’usages mais en tout cas, elle était on ne peut plus sincère et c’était bien là, au fond, le plus important.

Quoiqu’il en soit, tout cela ne la concernait pas, non, ce n’était pas pour les femmes comme elle. Si Aelys savait pour cette nuit, pour elle et Barral, ces petites graines d'amitié qui venaient de prendre racine pouriraient sûrement dans l’instant. De toute façon, si la rousse ne le regrettait pas, ce n’était qu’un instant, un songe éveillé qui s’était produit parce qu’il devait se produire. Un souvenir tendre et chaleureux qu’on gardait dans un coin de son esprit sans revenir dessus, qui lui avait donné la force d’être là, aujourd’hui. Il était au fond plus facile pour Xandra d’accepter ses envies que de faire face à ses émotions mais elle avait déjà commis cette erreur une fois, de les enfermer à double tour, pouvait-elle prendre le risque de recommencer à nouveau, de perdre La Capitaine pour de bon ? Xandra était morte de trouille, elle ne faisait pas le poids face à cette femme sauf si elle ne lâchait rien, comme elle savait si bien le faire le cul dans la boue à massacrer des fangeux et si Aelys parvenait à la comprendre et à faire ressortir ce qu’elle était, ce qu’ils étaient.

La jeune femme se laissa guider jusqu’à l’atelier ne pouvant s'empêcher de lâcher un sifflement admiratif peu féminin.

- Vous avez vraiment un sacré local !

Pour dire des choses aussi puéril, elle ferait mieux de se taire. La chaleur s’insinuait doucement par la fenêtre, offrant à l’atelier une douce ambiance qui ne faisait que mettre Xandra un peu plus à l’aise. Ce qui était une bonne chose, l’heure des révélations nécessaire à la confection de cette robe si particulière approchait à grand pas.

- Il vous faut une robe qui vous sublime et mette en avant tout ce que vous êtes. Cela ne sera pas un travail facile, mais sachez que je ne vous prendrais que le prix des matières et rien de plus. Ce sera mon cadeau.

-Vous en faites déjà bien assez pour moi, vraiment. Vous avez le mariage, vous allez faire un travail formidable j’en suis sûre. Laissez moi vous payer pour les heures que vous passerez sur cette robe, je m’en voudrais sinon…

Xandra regardait le petit bout de femme s’activer autour d’elle, tout préparer, c’était touchant de la voir prendre aussi à coeur quelque chose qui bouleversait le sien, qui d’ailleurs s’emballait doucement alors qu’elle réfléchissait à la manière dont elle percevait le Capitaine, leurs étreintes. Ses joues avaient prit une teinte rosée alors qu’elle tendait les bras pour faciliter les choses à Aelys qui revenait vers elle mètre en main.

-Qui mette en avant ce que je suis hum...J’ai peur que mes propos vous gênent mais j’imagine que vous avez besoin d’en savoir le plus possible sur moi, sur...nous. Je veux dire lui et moi. Je ne suis pas fichu de lui dire ce que je ressens mais d’un autre côté, vous voyez ce que je veux dire…

La rouquine baissa les yeux comme une petite fille qui venait d’avouer une bêtise, à présent écarlate. Mais il était trop tard pour reculer elle en avait trop dit de toute façon.

-Il faudrait quelque chose d’audacieux, qui soit féminin mais sans fioriture, ça ne me ressemblerait pas sinon, je crois..Quelque chose d’osé qui frôle les limites de l'indécence mais sans être vulgaire, parce que ce n’est pas comme ça entre nous. Bon sang c’est compliqué….

C’était difficile de savoir quoi dire, elle était un peu perdue. Xandra réfléchissait avec sérieux bien que ses propos en auraient surement fait ricaner plus d’un, plus d’une ? Il sembla bien à la rousse ne lire ni jugement ni moquerie pourtant dans les beaux yeux d’Aelys, elle l'espérait en tout cas.

Xandra était comme une bouffée d'air frais dans un quotidien devenu étouffant par la faute d'une Mère désireuse de tout régenter à la perfection pour le mariage. Telle une brise de printemps chaude et réconfortante, elle chassait le rude hiver et permettait à la nature de revivre, en l'occurrence ici elle laissait exploser de nouveau l'imagination de la Couturière qui sentait déjà le bout de ses phalanges picoter à l'idée de travailler sur un nouveau projet qui ne soit pas un "simple" vêtement, chose qu'elle faisait malgré tout avec application et professionnalisme. Mais entre une veste de travail et une robe pour une déclaration, il y avait tout un monde quoi qu'on en dise. Guidant sa cliente d'honneur, Aelys la mena jusqu'à son atelier et ne pu s'empêcher de rire un peu en entendant le sifflement appréciateur, ayant l'impression d'entendre ces hommes qui commentent le matériel sur les étals du marché. Cependant le compliment était sincère et elle ne pu qu’acquiescer, prenant quelques secondes pour jeter un regard fier et un peu morose à la fois sur la pièce et ce qu'elle recelait.

- Je vous remercie, il m'a fallu du temps pour tout amasser.

Et voilà que dans quelques mois tout prendrait fin, ou tout du moins il lui faudrait recommencer ailleurs, d'une autre façon, mais c'était là aussi une part de la vie qu'elle s'était choisie et bien que quitter le monde de "l'enfance" pour celui d'une femme adulte et accomplie puisse avoir un côté impressionnant, voir même effrayant, elle ne regrettait ni ne regretterait rien. Pas tant que Eadwin serait à ses côtés... Chassant ces pensées, la Couturière se mit à préparer l'atelier et son plan de travail, allant et venant avec la force de l'habitude, à un point tel qu'on ne doutait pas que si elle avait eu les yeux bandés, elle aurait retrouvé chaque chose sans grande difficulté. Revenant vers Xandra, elle lui offrit un sourire complice et impatient, lui parlant du type de robe qu'il lui fallait sans pour autant y apporter de détails, écoutant à la place ce que la Milicienne avait à lui dire à ce sujet. C'était ainsi que fonctionnait l'artisane : écouter, chercher à comprendre l'autre, ses désirs, ses aspirations, le motif et la portée de sa demande, son objectif à atteindre... Tout cela ne se faisait pas comme on choisit une gravure pour la reproduire sans rien modifier. Non. Pour ce genre de commande, il fallait y ajouter cette touche personnelle propre au client, ce petit morceau d'âme qui faisait que porté par un autre, l'habit n'offrirait pas le même rendu ni la même sensation. Tout l'art de la confection résidait dans le sur-mesure non seulement physique, mais également spirituel.

- Vous l'aimez, n'est-ce pas ?

La question qui tomba après les propos de la rousse ne ressemblait pas à une véritable question tant le ton était à la fois attendrie et compréhensif, tout autant que le sourire adressé à la jeune femme.

- Lorsque vous êtes avec lui, comment êtes-vous ? Est-ce que vous parlez beaucoup ensemble ou bien parvenez-vous à vous comprendre d'un regard ? Parlez-vous souvent tous les deux ? Est-ce qu'il préfère l'art de la guerre ou bien est-il plutôt lettré, ou même pieu ?

Aelys commença à prendre les mesures de Xandra tout en écoutant ses réponses, attentive et concentrée malgré un léger sourire complice qui perdurait. Peu importait les histoires d'argent et du temps passé à confectionner cette robe, ce qui lui plaisait davantage était de voir fleurir un amour visiblement sincère et passionné, qui méritait d'être exposé au grand jour, véritable.

- Je vais vous confier un secret, Dame Erkal, concernant mon futur époux. Lorsque je me suis déclarée à lui, j'ai tout comme vous songé à mettre les chances de mon côté et j'ai savamment orchestrée le moment de ma confession.

Ses mains, agiles et légères, fines et rapides, prenaient les mesures et notaient celles-ci d'une plume vive sur un morceau de papier servant à cet effet, puis reprenaient leur course autour du corps de la Milicienne.

- J'ai revêtue mes plus beaux habits, ceux avec lesquels il me rencontra et où je su que quelque chose était né entre nous. J'ai coiffé mes cheveux de la façon dont je savais qu'il les préféraient et je lui ai apporté un présent afin de justifier partiellement ma visite, en gage de remerciement pour une chose qu'il avait faite pour ma cousine.

Elle se souvenait de cette nuit où il avait ramené Luna chez son Oncle où elle dormait exceptionnellement, de sa blessure au genou et de la suture qu'elle lui avait alors faite, vêtue en tout et pour tout d'une simple chemise de nuit frisant l'indécence. Ils avaient peu parlé cette nuit-là et il était repartit trop rapidement pour qu'elle n'osa dire quoi que ce soit, mais le fait demeurait que depuis lors, elle avait souhaité se déclarer.

- La robe que vous souhaitez porter, nous allons tout faire pour qu'elle vous corresponde au mieux, vous avez ma parole.

Sur son honneur, il ne serait pas dit qu'une amie de son cher Cousin repartirait déçue de son atelier et sûrement pas au sujet d'une commande aussi précieuse qu'un habit servant à déclarer sa flamme. Finissant de prendre les mesures, Aelys désigna une chaise à Xandra et entreprit pour sa part de chercher dans les différents patrons roulés dans les cases d'un meuble, farfouillant avec une certaine agitation, les sourcils froncés et l'air concentré après ce que lui avait dit la jeune femme. Trouver le modèle idéal ou celui s'en approchant le plus, voilà une chose qui était de loin aussi difficile que la confection en elle-même, si ce n'est plus encore.

- Vous l'aimez, n'est-ce pas ?

Xandra était restée là, les lèvres légèrement pincées comme pour empêcher les mots de lui échapper, se sentant idiote les bras écartés tandis qu’Aelys prenait les mesures nécessaires à la création la plus insensée du monde. Du moins c’est ce que ressentais Xandra.

-Si je...Oui, je l’aime.

Elle avait rougit, comme si elle venait de le dire au Capitaine en personne et pas à la jeune couturière dont le sourire amusé ne laissait pas de doute quant au fait qu’elle était certaine de la réponse avant de l’entendre. La milicienne avait raté une occasion de se taire et en ressentait un certain trouble. Oui, il était le deuxième homme qu’elle aimait de toute son âme, l’unique peut être ? Elle l’ignorait et ça n’avait pas d’importance aujourd’hui, parce qu’elle ne cesserait pas de l’aimer, quoi qu'il advienne.

- Lorsque vous êtes avec lui, comment êtes-vous ? Est-ce que vous parlez beaucoup ensemble ou bien parvenez-vous à vous comprendre d'un regard ? Parlez-vous souvent tous les deux ? Est-ce qu'il préfère l'art de la guerre ou bien est-il plutôt lettré, ou même pieu ?

Un petit rire gêné échappa à Xandra, qui fut d’abord tentée de lui répondre que parler n’était pas vraiment ce qu’ils faisaient lorsqu’ils avaient la possibilité de se retrouver mais à bien y réfléchir…
Ils avaient parlés, plus d’une fois et si le mercenaire n’était pas particulièrement bavard il savait écouter et surtout entendre.

- Les choses se font naturellement. Je dirais que c’est surtout nos gestes qui ont du sens, qui sont des évidences. Il nous arrive de parler, oui, enfin surtout moi à dire vrai. Il comprend, il agit en conséquence sans que j’ai besoin de m’étendre. C’est...Je crois que c’est une des choses que je préfère chez lui. Il me permet d’être faible aussi, c’est reposant, j’en ai besoin parfois.

Peut être qu’elle était plus faible qu’elle ne le croyait ou peut être était-ce naturel ? Peu de femmes parvenaient à intégrer la milice, encore moins à s’y faire une place. Xandra se demandait si ce n’était pas légitime de sa part de lâcher prise, d’autant qu’il ne s’était jamais plaint de la protéger ou de la soutenir, peu importe comment.

- Je ne sais pas si c’est ce qu’il préfère, s'il en a toujours été ainsi, mais c’est un combattant. Calme, mesuré, intelligent mais il ne faut pas réveiller ce qui dort en lui.

Xandra ne savait guère comme mieux expliquer la chose, elle n’en savait pas l’origine. Le fait est qu’il aimait tuer, le goût du sang, mais elle ne pouvait pas lui dire une telle chose. La jeune femme repensa brièvement à la mort d’Angelo, à ce qu’elle avait vu du Capitaine, ce qu’il était vraiment et dont elle ne pouvait pas se passer.

- Je vais vous confier un secret, Dame Erkal, concernant mon futur époux. Lorsque je me suis déclarée à lui, j'ai tout comme vous songé à mettre les chances de mon côté et j'ai savamment orchestrée le moment de ma confession. J'ai revêtue mes plus beaux habits, ceux avec lesquels il me rencontra et où je su que quelque chose était né entre nous. J'ai coiffé mes cheveux de la façon dont je savais qu'il les préféraient et je lui ai apporté un présent afin de justifier partiellement ma visite, en gage de remerciement pour une chose qu'il avait faite pour ma cousine.

Le regard perdu dans le vague de la rousse se posa, complice, sur celui d’Aelys.

-Il a dû vous trouver magnifique. Surtout si vous aviez le même regard amoureux et complice qu’en ce moment même.
Pour ma part, j’aurais bien du mal à faire de même, on s’est rencontré lors d’une patrouille hors de la cité. Il y a eu un orage, le terrain à cédé. Il m’a ramassé trempé et sonné dans une tenue comme celle là et il m’a sauvé la vie. Par la suite on ne peut pas dire qu’il ait eu souvent l’occasion de me voir dans un meilleur état...

Et si ça ne suffisait pas ? S’il la trouvait trop peu féminine ? Trop abîmé ? S'il s'était de fait lassé ? Peu importe, il fallait essayer. Xandra ne comptait pas abandonner sans s’être battu.

- La robe que vous souhaitez porter, nous allons tout faire pour qu'elle vous corresponde au mieux, vous avez ma parole.

-Je vous fais entièrement confiance.

Il y avait bien plus que de la politesse dans cette affirmation, la jeune femme était convaincu qu’Aelys ferait de son mieux pour l’aider. Xandra s’assit sagement sur la chaise que lui montrait la jeune femme et la regarda s’agiter à nouveau, posant patrons sur patrons sur la table. La rouquine se saisit timidement d’un ou deux d’entre eux mais tout ça lui semblait très abstrait. Elle attendait que la jeune femme l’aiguille, certaine qu’elle saurait mieux qu’elle ce qu’il fallait pour la mettre en valeur.

Plus Aelys entendait ce que sa cliente avait à dire au sujet de cet homme tant aimé et plus elle saisissait les détails de ce lien qui les unissaient. Il était évident qu'ils se complétaient, comme deux faces d'une même pièce, comme deux êtres qui n'avaient guère besoin d'échanger pour se comprendre et qui vivaient quelque chose de puissant qui les dépassaient presque. C'était là un bel amour et la jeune femme en souriait avec douceur et bienveillance, leur souhaitant mentalement que leur histoire dure toujours et que le bonheur accompagne chacun de leurs pas, qu'ils fassent front dans l'adversité et qu'ils parviennent à surmonter les obstacles et les dangers qui se présenteront. Elle songea brièvement à Eadwin et se dit que lui aussi possédait cette part d'obscurité, qu'il croyait cacher habilement sans doute mais que la Couturière avait eu l'occasion d'entrevoir lors du duel amical avec le Comte de Ventfroid. Certains hommes étaient ainsi et l'on ne saurait les changer totalement, jamais, car cela leur permettait de survivre dans ce monde qui était le leur. Les mesures prises et après avoir remercié la Milicienne, la fiancée lui fit signe de prendre place et commença à préparer ce dont elle aurait besoin pour confectionner le modèle de la robe, son léger sourire ne quittant plus ses lèvres malgré son air concentré.

- Vous serez certainement magnifique vous aussi lorsqu'il posera les yeux sur vous dans votre nouvelle robe, miss Erkal. Nous devons tout d'abord décider de la teinte du tissu et de son intensité.

Un air amusé se peignit sur les traits de la blonde qui adressa un regard complice à Xandra en même temps qu'elle semblait la scruter avec attention.

- Vous avez des yeux magnifiques, pourtant si vous souhaitez conquérir votre aimé, alors peut-être devrions-nous orienter la couleur selon celle de vos cheveux. Ils sont d'un roux intense et me rappellent ceux de la Comtesse Ambre de Ventfroid.

Même si la nature des cheveux en question était très différente de celle de la femme d'arme. Allant à l'une des grandes armoires ouvertes, la Couturière hésita visiblement puis choisit une gamme d'échantillons de tissus colorés et les ramena vers sa cliente à qui elle sourit gentiment.

- Voici différentes teintes de rouge allant du plus lumineux au plus sombre, du vif rouge orangé à l'intense bordeaux en passant par différentes variantes. Je vous recommanderais une robe d'une teinte unie afin de le surprendre telle une apparition irréelle.

L'on était davantage pris de court face à une surface unie qu'à une myriade de couleurs, la réaction était bien souvent différente et l'objectif ici était de capter le regard de telle façon qu'à aucun moment l'on ne soit tenté de se fixer sur les détails du vêtement, mais bien sur la personne que l'on pouvait apercevoir au-dedans. Ainsi chaque ligne, chaque courbe, chaque carré de peau dévoilé serait sublimé par le côté uni de la robe. Restait à laisser le choix à la Milicienne de sélectionner ce qui conviendrait le mieux à la fois à ses goûts, mais également à son physique.

- Vous serez certainement magnifique vous aussi lorsqu'il posera les yeux sur vous dans votre nouvelle robe, miss Erkal. Nous devons tout d'abord décider de la teinte du tissu et de son intensité.

Xandra avait rougit, à nouveau, il faut dire que le moment s’y prêtait, qu’elle le veuille ou non. Se dessinait dans son esprit mille et une choses, mille et une possibilités et elle espérait que le mercenaire ne trouverait pas ça ridicule, mais la rousse en doutait. Non, peut être que pour une fois tout se passerait bien, peut être qu'il lui donnerait la réponse qu'elle rêvait d'entendre.

- Je vous fais confiance pour m’éviter des fautes de goûts atroces ! J’en serais capable…

La milicienne lança un sourire amusé et tout aussi complice que celui de la couturière à Aelys. La rouquine aurait choisis quelque chose qui lui plaisait sans se poser de question sur la couleur de ses cheveux, de ses yeux ou de sa peau. A dire vrai tout ça la dépassait un peu et elle avait grandement besoin des conseils de la jeune femme. A ses yeux cette robe revêtait une importance capitale. C’était finalement l’intermédiaire dont elle avait besoin pour réussir à se lancer.

- La Comtesse de Ventfroid…

Xandra attrapa une de ses mèches flamboyantes et y jeta un regard. C’était quelque part rassurant qu’une dame de ce rang soit respectée avec une tignasse aussi rousse, normal mais plaisant. La milicienne ne les avait en toute objectivité jamais trouvé laid, mais les avait détesté pour les critiques qu’ils avaient entraînés autrefois.

- Voici différentes teintes de rouge allant du plus lumineux au plus sombre, du vif rouge orangé à l'intense bordeaux en passant par différentes variantes. Je vous recommanderais une robe d'une teinte unie afin de le surprendre telle une apparition irréelle.


- Le surprendre ? Je pense que le simple fait de me voir dans une robe devrait suffire pour ça, alors si en plus on fait le bon choix…

L’attention de Xandra se porta sur les échantillons qui lui faisaient à présent face. Elle fut d’abord tenté de poser son index sur un rouge flamboyant, torride comme l’était leurs étreintes mais ça ne collait pas, le Capitaine était un homme calme et mesuré et elle même était finalement assez discrète…

- Hum…

Le front soucieux, concentrée, les yeux de la rousse allaient de tissus en tissus jusqu’à ce qu’enfin, elle le voit, c’était une telle évidence qu’elle n’aurait même pas dû prendre le temps de réfléchir. L’index de Xandra se posa sur un rouge plus sombre, légérement violacée, communément appelé, mais la jeune femme l’ignorait, lie de vin.

- Celui-là ! Je trouve qu’il serait parfait pour nous. Qu'en pensez-vous ?

Elle jeta un regard interrogateur à Aelys comme une enfant attendant de savoir si elle avait, ou non, commis une erreur.

Aelys n'avait guère de difficultés à imaginer la surprise d'un homme habitué à voir une femme dans un habit masculin, qui tout à coup apparaitrait devant lui revêtue d'une robe si séduisante qu'elle pourrait rivaliser avec celle des nobles de la Cour. Malgré tout il importait que chaque détail soit minutieusement choisit, que chaque chose soit parfaite et donne à l'ensemble un air naturel, comme si Xandra aurait toujours du porter une robe, ceci afin de sublimer la beauté de la Milicienne et faire chavirer définitivement le cœur de cet homme qu'elle aimait tant. Bien décidée à l'y aider, la blonde lui présentait les échantillons qu'elle pensait lui convenir et, quand son choix s'arrêta sur un bordeaux lie-de-vin, elle hocha la tête avec un sourire qui alla crescendo en même temps que son excitation à l'idée du rendu que cela pourrait donner. Reposant les tissus, elle saisit doucement celui qui correspondait à sa cliente et le scruta avec attention, réfléchissant déjà à la suite des opérations.

- Que voilà un choix aussi audacieux que judicieux. Cette teinte ne jurera point avec celle de vos cheveux, elle mettra en valeur votre peau encore blanche et permettra d'oser bien des extravagances pour le modèle que vous porterez... Non vraiment, c'est parfait.

Visiblement satisfaite et heureuse pour la jeune femme, la Couturière alla reposer le tissu et se plaça devant les étagères contenant de nombreux rouleaux de patrons, la mine songeuse, plongée dans une intense réflexion. Ses mains fines se levèrent et vinrent s'emparer avec autorité de plusieurs rouleaux qu'elle ramena sur la grande table servant de plan de travail, les déroulant avec précautions pour mieux les présenter à sa vis-à-vis.

- Ici nous avons un modèle qui couvre les épaules, mais qui est grandement échancré dans le dos avec des rubans en guise d'attache. C'est un peu osé et difficile à porter en public, profitant davantage aux regards indiscrets qu'à celui d'un être aimé. Celui-ci...

Sa main vint se poser sur l'autre patron, effleurant du bout des doigts le papier si précieux, un léger sourire aux lèvres.

- Un modèle fendu qui permet d'ajouter une touche exotique à l'ensemble, un brin provocateur dirais-je, mais des plus efficaces. Le dos est couvert, l'avant est fort complexe et contient moult détails, mais le tout permet de donner un effet à la fois habillé et provoquant. Une façon de se déclarer des plus affirmées.

Sa main atterrit finalement sur le dernier modèle, y passant sans vraiment s'attarder.

- Et enfin nous avons quelque chose de plus sobre dans la coupe, presque classique dirais-je, mais qui ne déçoit jamais. C'est une robe faite pour les femmes qui veulent la porter au quotidien, il n'y a guère d'exubérance ni beaucoup de fioritures, aussi je pense davantage que la précédente vous conviendrait mieux.

Aelys porta sur Xandra un regard presque amical, lui souriant avec un mélange de gentillesse et de complicité toute féminine au vu de l'affaire qui les occupaient. Assurément, si on lui demandait son avis, la seconde robe serait parfaite après tout ce que la rousse lui avait confié, mais c'était à celle-ci de choisir et à personne d'autre. Après tout, ce serait elle qui la porterait et se montrerait à l'homme qu'elle aimait.

Avant même que la couturière ne lui donne une réponse verbale, son sourire complice qui s’était élargi et ses grands yeux brillants l’avaient fait pour elle. Xandra n’avait finalement peut être pas si mauvais goût que ça ! La jeune femme se laissait gagner par une espèce d’euphorie qui embellissait ses traits souvent tirés et lui donnait un air jeune et détendu, celui là même qu’elle aurait dû avoir plus souvent.

- Je suis désolé de ne pas pouvoir vous aider à remettre tout ça en place…

Xandra regardait Aelys ranger les échantillons de tissus magnifiques sans perdre un instant, elle se demanda si elle avait un dixième de la grâce de la jeune femme, de celle avec qui il passait du bon temps, probablement pas. Ses sombres pensées furent balayées par le retour d’Aelys et ce qu’elle lui présenta cette fois. La description des patrons suffit à éveiller l’imagination de la rouquine qui visualisait sans mal les différences entre les modèles.

- Le premier est tentant, le dernier me semble trop conventionnel pour le...lien...qui existe entre nous, quand à celui là et bien je pense que c’est celui dans lequel je me sentirais le plus à l’aise, c’est au fond aussi important que mon apparence, n’est-ce pas ? Aelys...Je vous avoue que tout ça reste assez abstrait pour moi.

Xandra désigna la table des deux mains.

- Vous pensez que je pourrais abuser de votre gentillesse et vous demander un croquis ? Même très mal fait !

Il n'était jamais aisé d'opérer un choix aussi délicat que celui de la confection d'une robe sans avoir soi-même une idée extrêmement précise de ce que l'on désirait. Ainsi Xandra fonctionnait-elle à l'instinct, obligeant Aelys à faire preuve d'ingéniosité et de créativité pour lui soumettre des idées suffisamment éclairées pour que le choix qu'elle fasse ne soit pas décevant. La couleur du tissu choisi, ce fut au tour du modèle de la robe d'être sélectionné, non sans une intense réflexion et les conseils discrètement suggérés par la blonde qui avait à cœur la réussite de cette entreprise. Elle sourit doucement en écoutant Xandra évoquer ce qui ressemblait à des doutes et hocha légèrement la tête, se redressant pour rouler le premier et le troisième patron, ne laissant que le second sur la table de travail. La requête de sa cliente eut cependant le mérite de la surprendre et elle cligna des paupières, étonnée, avant de sourire avec une certaine indulgence.

- Et bien, si vous ne craignez point mon tracé, je puis effectivement vous faire un croquis moyennant cinq sous supplémentaire pour le prix du parchemin. Vous souhaitez que je m'y attèle de suite ?

Demanda la Couturière qui n'aimait guère ajouter de supplément, mais qui au vu du prix du papier qui avait explosé évitait au maximum de s'en servir en-dehors de ses patrons et de la tenue de ses comptes sur un support adapté. Difficile en effet dans ces conditions de s'attendre à quoi que ce soit, mais utiliser un parchemin serait moins dommageable et moins coûteux pour la rousse en terme de prix que d'utiliser une belle feuille valant de l'argent et non du bronze. En tout cas elle avait de quoi réaliser ce croquis si nécessaire.

- J'ai omis de vous poser la question, mais votre commande est-elle urgente ? Ce modèle est fort beau, mais il prend un peu plus de temps que certaines autres confections de par la complexité des détails de la tenue.

Aelys préférait ne pas attendre la fin de l'échange pour annoncer un éventuel délai, mieux valait connaitre l'urgence de la situation de sa cliente avant d'accepter ce travail. Combien de nuits blanches n'avait-elle pas fait à ses débuts en arrêtant une date trop proche ? Voilà bien une chose qu'elle essayait de ne pas réitérer.

- Et bien, si vous ne craignez point mon tracé, je puis effectivement vous faire un croquis moyennant cinq sous supplémentaire pour le prix du parchemin. Vous souhaitez que je m'y attèle de suite ?

-Tout de suite ? La rousse hocha la tête vigoureusement, sa voix trahissant son empressement et son excitation.

- Je n’ai jamais été très douée pour visualiser les choses ou pour me projeter. Pour le coût supplémentaire, c’est tout naturel. Evidemment, j’accepte. Montrez-moi, s’il vous plaît.

Xandra se sentait comme une enfant à qui on allait faire un cadeau, un peu comme le jour ou on lui avait offert sa dague. Celle là même qui pendait toujours à sa ceinture. A la différence qu’elle avait quelques années de plus.

- J'ai omis de vous poser la question, mais votre commande est-elle urgente ? Ce modèle est fort beau, mais il prend un peu plus de temps que certaines autres confections de par la complexité des détails de la tenue.

- Non, nous sommes loin de nous rencontrer autant que je le voudrais, prenez tout le temps dont vous avez besoin, je vous en prie.

Une nouvelle confession sur la situation, des rencontres intenses mais bien trop rare, une demande sous entendu mais explicite, que son sourire ne fit qu’accentuer un peu plus. Aelys avait tout son temps, tout le temps nécessaire pour confectionner la robe de sa vie, Xandra n’en porterait plus jamais d’aussi belle, elle le savait pertinemment, surtout pour une telle...raison.

Aelys se mit bientôt à dessiner, donnant vie à des images colorés dans l’esprit de la rousse à mesure que sa main allait et venait en gestes souples sur la feuille et bientôt Xandra releva le nez du croquis pour chercher le regard pâle de la couturière.

- Elle est parfaite.

Aelys n'était pas une artiste, mais on lui avait enseigné les bases du dessin et de la peinture, à l'époque où l'on cherchait encore à canaliser l'énergie de la vive petite fille qu'elle était alors, si bien qu'aujourd'hui elle était tout à fait capable de faire un croquis convenable qui puisse donner à Xandra une idée relativement claire du rendu de la robe désirée. S'appliquant pour se faire, la Couturière prit plusieurs longues minutes à laisser le crayon courir sur le parchemin, réalisant un modèle ressemblant au patron, mais adapté à la morphologie de la Milicienne à qui elle jeta de fréquents regards, ses yeux verts brillant d'une lueur vive allant de pair avec la concentration qu'elle afficha tout le long de l'opération. Une fois terminé, elle souffla pour évacuer la tension et tourna le dessin vers sa cliente qui sembla comme subjuguée, allant même jusqu'à utiliser le mot "parfait" qui ne manqua pas d'éclairer le visage de la jeune femme d'un sourire.

- Vraiment ? En ce cas je vais m'y atteler dès que possible afin de ne point trop vous faire patienter. Vous pourrez venir la chercher dans un mois si cela vous sied.

Glissant le croquis contre la feuille du patron de la robe, elle les roula ensemble et les déposa de côté dans une petite case en bois destinée à cet effet, s'en retournant dans la pièce principale de la boutique où se trouvait son comptoir derrière lequel elle se plaça, songeuse.

- Voyons voir, les tissus et le fil... les lacets... hmm...

Mentalement elle calcula rapidement ce dont elle aurait besoin, puis hocha la tête pour elle-même avant de relever ses yeux verts sur la Milicienne à qui elle sourit gentiment, essayant de faire passer au mieux le prix de cette commande pour le moins particulière.

- Cela fera dix écus d'or. J'ai conscience que c'est fort couteux, mais je ne puis faire plus bas... Cependant vous pouvez me payer en plusieurs fois, je sais que cela représente presque trois mois de votre salaire.

Nul doute que la rousse devait déjà avoir bien besoin de cet argent, quand bien même elle aurait cherché à économiser, aussi Aelys était-elle prête à proposer tout arrangement nécessaire pour permettre à Xandra d'avoir sa robe sans se ruiner ni trop se priver.

- Vraiment ? En ce cas je vais m'y atteler dès que possible afin de ne point trop vous faire patienter. Vous pourrez venir la chercher dans un mois si cela vous sied.

- Un mois ? C’est parfait, prenez votre temps, tout le temps nécessaire pour qu’elle soit aussi parfaite que ce croquis sans vous épuiser.

Parce que c’était l’investissement de sa vie, la vieille grange mis à part et parce qu’elle sentait que la couturière partageait une partie de son impatience et de son enthousiasme depuis qu’elle avait évoqué ce projet et la rousse ne craignait qu’elle y travaille bien trop.

Silencieusement la milicienne suivt la cousine de Barral jusqu’à la pièce principale, patientant sagement, permettant à Aelys de compter dans le calme. Xandra espérait avoir une idée réaliste du coût d’un tel projet, devoir l’annuler serait un coup dur...

- Cela fera dix écus d'or. J'ai conscience que c'est fort coûteux, mais je ne puis faire plus bas... Cependant vous pouvez me payer en plusieurs fois, je sais que cela représente presque trois mois de votre salaire.

Xandra hocha doucement la tête, se décomposant un peu, appuyant les propos de la jolie couturière. C’était une belle somme, une coquette somme, un peu plus que ce qu’elle avait estimé, mais la robe les valait, le prix était justement estimé elle n'en doutait pas et la raison pour laquelle elle la désirait autant le valait. Il manquait, pas tant que ça finalement, mais assez pour l'empêcher de tout régler aujourd’hui. Un profond soupire lui échappa bien malgré elle à l'évocation d’un paiement en plusieurs mensualités. Un nouveau sourire complice égaya le visage de la rousse.

- Nous savons toutes les deux, qu’il le faut. Je peux dors et déjà vous payer 8 écus, je reviendrais vers vous dès que j’aurais touché ma solde pour le reste, si vous le permettez.

Elle le savait, c’était une simple formule pour se montrer polis, pour témoigner discrètement d’une immense reconnaissance qui lui donnait envie de la serrer dans ses bras. D’ailleurs, elle ne put s’empécher de serrer brievement l’avant bras de la couturière sans cesser de lui sourire, son regard pâle planté dans le sien.

- Je ne sais comment vous remercier, pour ça, pour votre accueil, je n’ai pas vu l’once d’une moquerie, merci, Aelys.