La bague au doigt [Hérald Dreit]

Le lendemain se s'annonçait pas plus trouble que la journée précédente.

Dreit était le seul analphabète de son unité. Ce qui lui valait les corvées administratives pour rendre des comptes au sergent Blatus. Il s'était levé un peu plus tôt qu'à son habitude pour profiter un peu de temps d'entraînement avant de se plonger dans la paperasse. Quelques exercices physiques, un peu avant l'aurore, pour demeurer en forme, ni plus ni moins.

Il profita d'un instant de calme, dans une salle initialement prévue pour les interrogatoires, dans lequel il consignait dans son rapport les faits à propos de la voleuse, racontant en toute objectivité la conduite de son supérieur Lombeth, de ses camarades et aussi de son erreur pour avoir laissé sa détenue à l'infirmerie d'où elle a pu s'échapper. Faire patte blanche plutôt que de se préoccuper à chercher de vaines excuses, voilà qui lui permit de gagner du temps pour griffoner autrechose, sur un autre morceau de parchemin vierge. Il y dessina un plan approximatif de la caserne, à l'étage où se trouvaient les bureaux des sergents. Il en mit un en évidence : celui du Lucifer.

Il ajouta quelques annotations çà et là pour permettre à la saltimbanque de mieux se repérer, tout en décrivant une description physique succincte de la cible.

"Cela devrait convenir." dit-il à voix haute alors qu'il dissimulait sous son armure.

Il quitta la pièce, navigua dans la caserne, monta à l'étage et se dirigea devant le bureau verrouillé du sergent Blatus, glissant sous la porte son rapport, et tourna les talons lorsqu'il fut surpris par un homme trapu et chauve, un visage familier. C'était celui du Sergent Hagine, son ancien supérieur avant que Dreit ne se fasse consigner à l'Est du pays.

"Dreit... Même plus j'suis ton chef et faut encore que j'recroise ta sale gueule ?" dit-il d'un ton ironique, croisant les bras tandis qu'il toisait le grand blond pâle.
"Anür m'offre visiblement sursis sur sursis. Ou vous peinez à vous débarrasser de moi."
"T'es la pire tête de con que j'ai jamais croisée, mais faut dire que t'es bon. Ca en défie même les lois de la nature, mon con. Mais j'vais te donner un bon conseil : si tu merdes à nouveau, Dreit, j'pourrai pas baisser mon futal et ramasser à ta place. Et c'est pas Blatus qui le f'ra. J'sais pas si tu t'rends compte..."

Dreit continua son chemin considérant la conversation comme non intéressante.

"... Mais t'as d'la merde jusqu'en-dessous d'la lèvre inférieure, gamin !"

Il était redescendu.

Il navigua entre les tables bondées de la salle commune, arrivant jusqu'à son placard qu'il déverrouilla pour saisir un petit paquet qu'il fourra sous son armure. Puis quitta les lieux, sortit de la caserne pour se diriger d'un pas énergique et élancé en direction du Temple de la Trinité.

Il se fit moins prompt dans ses manières en passant le seuil du lieu de culte, marchant d'un pas modéré malgré et discret au possible malgré le cliquetis de son armure.

Il aperçut la silhouette familière de la cambrioleuse discutailler avec un prêtre, peut-être en train de se refaire une éducation religieuse, ou qu'en sait-on. Le milicien ne lui accorda pas un regard, alla se poser sur l'un des bancs, dans un coin discret de la chapelle, où il joint ses mains, ferma les yeux et fit le vide dans son esprit. D'une pierre deux coups, il souhaitait qu'Anür sonde son âme, qu'elle lui révèle ses projets de mort dans un futur proche.

Il se passa longtemps avant qu'il n'ouvrit les yeux et laisse derrière lui le paquet et le parchemin plié en quatre à sa place. Il partit aussi discrètement qu'il était venu...