Une soirée hors du temps et des soucis

Hector avait une boite aux lettres à son nom chez sa fille et sa gouvernante. Et, évidemment, il avait reçu une lettre de la part venant de l'Effeuill’Âge, une invitation. Par chance, cela tombait pendant son séjour à Marbrume, le 13 juillet. Le baron s'était vêtu de ses plus beaux atours, et notamment ce formidable pourpoint de soie rouge orangé qui lui allait si bien. Il ne savait pas vraiment ce qu'il allait y faire. "Orgie thermale" il était écrit. Mais, à dire vrai, le baron avait eu vent du fait que cet établissement était aussi un lieu de jeux. Et, après la mésaventure tout fraîche qu'il avait vécu avec Aénor, il n'avait guère envie de sexe.

Il montra son carton et fut invité à pénétrer les thermes de l'Effeuill’Âge. Bizzarement, dès qu'il se trouva dans la grande pièce clair-obscure, au milieux des déesses antiques et de leurs fines étoffes blanches, il sentit monter en lui la flamme du désir. Son esprit tentait de le freiner "[i]Mais ne vois-tu pas où te mènent toutes ces aventures ?[/b]" Aussi se rendit-il directement vers la seule femme décemment habillée de l'endroit. Une femme toute de noir vêtue qui inspirait le sérieux... mais qui malgré cela, ne manquait guère de charme !

- Madame, mes hommages... Fit Hector en lui baisant la main. Hector de Sombrebois. Vous êtes mon radeau de survie au milieu de cet océan de nymphes et de sirènes auxquelles j'ai tant de mal à résister (!) - ce qui veut dire, si j'ai bien compris votre position au sein de cet établissement, que vous avez fait du bon travail !

Il rendit sa main à la veuve et regarda autour de lui.

- Que me proposez-vous pour commencer cette soirée ? Auriez-vous quelque chose de calme et de reposant ? J'ai eu une dure journée et, même si je ne suis pas contre un peu d'amusement, bien sûr, j'aimerais d'abord me détendre un peu. Rien ne sert de se précipiter, n'est-ce pas ? Ne dit-on pas que... plus c'est long plus c'est bon ?

Content de son entrée en matière, Hector se découvrit le chef et tendit son chapeau à la maîtresse des lieux.

Ses flatteries la firent rire. Le baron était satisfait. Elle avait un joli rire et un sourire plus beau encore.

- Merci, Monsieur, commença-t-elle, c’est un honneur pour nous de vous recevoir parmi nous… je suis ravie que cette soirée vous plaise...

Lorsqu'il lui demanda conseil, elle évoqua la salle de jeu et les bains. Les yeux d'Hector brillèrent d'un étrange espoir lorsqu'elle évoqua les jeux. Il se rappela Luna et se demanda si par hasard, il n'était pas possible qu'elle soit ici... Les Dieux l'avaient maintes fois menée sur sa route, dans des endroits parfois improbables. Alors qui sait...

- Croyez-le ou non, c'est avec grand intérêt que j'irais voir ce que votre établissement propose en matière de jeux, Madame.

Hector aimait les jeux : les échecs et les dames évidemment... Mais pourquoi pas les cartes, les dés, ou d'autres jeux plus polissons... Le baron sourit à la maîtresse des lieux, prêt à la suivre dans les méandres de l'Effeuill’Âge.

Et au moment où il s’apprêtait à suivre la patronne, l'une de ses employées, une petite brune passa près de lui, effleurant de sa poitrine à peine couverte par son drapé blanc le bras du baron qui se tourna par réflexe vers elle. Elle continuait son chemin comme si de rien n'était... mais, deux as plus tard, tourna la tête vers lui, lui offrant un délicieux battement de cils et un regard de braise. Le baron crut défaillir.

Lorsqu'il remit les yeux sur la patronne, celle-ci semblait attendre une réponse de sa part.
- Euh... pardon ? Fit-il sans grande assurance. Je... je vous suis.

Mais, alors qu'il marchait derrière la fille en noir, il ne put s'empêcher de lui demander :
- Comment se nomme la petite déesse qui est passée à coté de moi tantôt ?

- C’est Ange, une de nos plus belles créatures…
- Vous faites erreur, c'EST la plus belle ! Affirma le baron.

Et, comme si elle eut lu dans ses pensées, la patronne fit signe à l'ange de venir vers eux.

- Ange, voici le Baron de Sombrebois, Baron, je vous présente Ange.
- Enchanté, fit Hector, mademoiselle, vous portez votre nom à merveille.

Un ange, certes, mais un ange qui pouvait vous poussez à tous les vices... Mais c'était sans doute exactement ce que voulait Aalicia !

- Voudrais-tu bien le divertir ce soir ? il a envie d’être au calme, emmène le dans une des salles de jeu privée.

Ange opina du chef et tendit gracieusement la main à Hector qui la prit sans se faire prier. Elle était si douce et si fine, Hector avait peur d'en flétrir le charme en la laissant trop longtemps dans sa large et rugueuse paume.

- Le baron a-t-il une préférence pour le jeu auquel il veut jouer ?

Hector sortit de ses songes cotonneux et sourit à Ange.

- Si je vous dis que je serais heureux de jouer à n'importe quoi tant que vous êtes avec moi... Me croiriez vous ?

Son pouce caressait le dos de la douce main et il regarda autour de lui. Un jeu de carte traînait dans l’alcôve. Hector le prit.

- J'ai tout mon temps... et si vous aussi... alors choisissez ce qu'il vous plaira. Ça m'est réellement égal !

Il sortit machinalement le jeu de cartes de son carton et étala les cartes, faces cachées, sur la table.

- Si vous n'avez pas non plus de préférence, je peux vous proposer un jeu ! Le voici - il désigna les cartes - Si vous retournez un pique, vous devrez répondre la vérité à l'une de mes questions ; si vous retournez un carreau, vous devrez découvrir une épaule de votre beau drapé ; si vous retournez un trèfle, chance ! vous échapperez à ces deux châtiments ; mais si vous retournez un cœur... vous m'embrasserez et tomberez instantanément amoureuse de moi...

Le baron sourit et s'assit sur le canapé de la discrète alcôve. Que cette soirée s'annonçait amusante !

- Vous êtes d'une grande beauté, Madame, fit-il en s'adressant à la femme en noir - dont il ne connaissait pas le nom - , et ce n'est point mensonge. D'ailleurs vous le savez-vous sans doute bien vous même ! Seulement, je crois que parfois, un détail, un frôlement, un regard, suffit à faire basculer un cœur...

Il restait mystérieux mais nul doute que les deux femelles qui l'entouraient avaient compris le sens de ses mots.

- Et, qui plus est, vous devez être fort occupée, ce soir...

C'est ainsi qu'Hector quitta la belle Aalicia, se jurant à lui-même qu'il retournerait la voir avant de quitter son établissement.


Quant au jeu qu'il proposa à Ange, celle-ci ne le refusa point, le trouvant même, à en croire ses propos, tout à fait à son goût ! Elle s'installa à coté d'Hector qui put se laisser enivrer par son délicat parfum floral et éblouir par la brillance de sa sombre chevelure.

Lorsqu'elle tira une carte, le baron sourit. Carreau ! Ange ne semblait pas gênée le moins du monde par ce tirage. Au contraire même, là où Hector croyait qu'elle ne ferait que faire glisser sa manche sur son bras, la demoiselle défit entièrement cette partie de son drapé blanc. Gracieusement, elle retira une épingle et découvrit un sein. L'alcôve n'était éclairée que par quelques bougies disposées ça et là aux coins de la petite pièce et la lumière chaude et chancelante que ces petites flammes produisaient sur l'épiderme de l'ange produisaient un effet fabuleux.

- Ange... soupira Hector.

Son cœur accélérait, ses pupilles se dilataient. Il était en plein rêve ! Mais il était encore trop tôt pour tomber. Il parvint à se ressaisir en saisissant une carte à son tour.

- Mêmes règles pour moi... annonça-t-il d'un air sérieux.

Il retourna la carte. As de cœur !

Spoiler:

- Et bien ! Fit le baron fort surpris en tournant son visage vers celui d'Ange, je crois que les cartes m'ont bien cernées. Hum... alors je dois vous embrasser...

Il plongea ses yeux dans ceux de la sensuelle brune.

- J'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénient ?

Il posa sa main sur la fine épaule dénudée.

- Fermez les yeux...

Et se pencha sur elle. Ses lèvres pulpeuses et rouge comme les coquelicots de printemps étaient si attirantes... Dire que, déjà, il les gagnait ; c'était presque trop beau beau pour être vrai. Il la regarda encore un instant ; ses paupières délicatement fardées, ses longs cils noirs, son sein blanc comme les neiges... Il ferma les yeux à son tour et embrassa tendrement la prostituée. Le goût de ce baiser, le tremblement de ses lèvres, les battements de son cœurs, le feu qui brûlait en lui, l'envie de caresser sa poitrine mi-découverte qui montait et descendait au rythme de sa douce respiration... Il s'obligea, se força, à ne point trop prolonger ce moment de grâce. Et pourtant, Dieu qu'il était bien, là, à son tendre contact.

Il reposa son dos sur le dossier du canapé comme s'il venait d'effectuer un effort immense - ce qu'il venait de faire, du reste, d'un point de vue psychologique - et soupira.
- Mademoiselle, vous avez gagné... vous pouvez faire de moi ce que vous voulez...

Il ne mentait sans doute pas... mais il ne voulait pas qu'elle lui demande de sauter par la fenêtre - juste pour voir - ou de quitter l'établissement, ça il en aurait bien été incapable. Il préférait continuer un peu la partie !

- A votre tour, belle Ange...

Les mots, le visage et les gestes d'Ange, tout laissait penser qu'elle aimait ce jeu. Elle prit une autre carte et tira la...
- Dame de cœur... à mon tour de vous embrasser monsieur de Sombrebois...

Avec plus de sensualité qu'aucune vierge ne pourrait jamais en avoir, la prostituée, maîtresse des choses de l'amour, se glissa sur les cuisses du baron et l'embrassa, l'embrassa un peu, puis lui mordilla la lèvre inférieure tandis qu'Hector avait pris ses fines hanches entre ses larges mains. Que le tissu de sa robe était léger. Il lui semblait pouvoir sentir chaque pore de sa peau à travers la fine étoffe blanche. L'excitation du baron commençait à être telle que la jeune femme devait sentir - si elle y prêtait attention - les mains d'Hector frémir et son second s'éveiller.

- Quelle autre carte que celle-ci pourrait mieux vous définir, mademoiselle ?

Le jeu devenait de plus en plus intéressant. Hector dut se pencher vers Ange pour attraper une carte... aussi, son visage frôla le sein nu de la belle, le caressant à peine de sa douce barbe tandis qu'entre son pouce et son index, il prenait une carte.

- Voyons-voir - il la tourna entre elle et lui - roi de carreau. Alors, si je me souviens bien des règles, il s'agit, pour vous, de découvrir votre seconde épaule...

Hector rougit un peu. Il était légèrement gêné. C'était étrange. Il avait eu recours à de nombreuses prostituées tout au long de sa vie d'adulte alors pourquoi, là, avec Ange, ne se sentait-il pas aussi tranquille que d'habitude ? Le coquin n'était-il pas - grâce au jeu ou à une attirance trop naturelle ? - entrain de tomber amoureux ?

Sur ce confortable canapé, dans cette intime alcôve, en cette charmante soirée dans ce haut lieu de perdition, Hector, effectivement, se perdait...

Hector était tellement troublé qu'il avait - bien involontairement - triché ! La jeune femme, néanmoins, ne semblait pas gênée par cette erreur. Sourire séduisant aux lèvres, elle accepta de dévoiler sa seconde épaule et, en fait, sa poitrine toute entière... Mais, cette vision délicieuse, ses seins ronds et attirants, elle ne les offrit aux yeux du baron qu'un instant seulement... ensuite, elle les posa délicatement contre son torse, son cœur tambourinant d'émotion. Il avait le souffle court et, rien ne s'arrangea quand, à son oreille, elle murmura :

- Et je serais intransigeante sur ça… mais je vous laisse gagner ce tour…
- Vous me troublez mademoiselle, fit-il alors qu'elle se redressait déjà pour tirer une nouvelle carte, mais je tiens à ce que les règles soient respectées. C'est dans ma nature...

Et, alors qu'elle regardait sa carte, Hector défit les boutons de sa chemise, l'enleva et la déposa un peu plus loin sur le canapé. Son torse était fort, musclé... et couvert de nombreuses cicatrices guerrières.

- Je change une règle, si je tire un trèfle, je fais ce que je veux pendant une minutes, bien sûr, il en est de même pour vous...
- Mademoiselle, commença Hector en souriant d'un air malin. On ne peut changer les règles en cours de jeu... ce serait trop facile ! La seule chose que nous pouvons faire est de déterminer les conditions de victoire ou de défaite à ce jeu... puisqu'il n'y en pas pour l'instant !

Pour Hector, c'était limpide.

- Et pour ma part, je trouverais le jeu parfait si le perdant était celui qui ne parvenait pas à accomplir ce que les cartes demandaient de lui... OU - il regarda sa belle compagne de jeu avec envie - celui qui fait PLUS que ce que les cartes lui demandent !

Le baron marqua une pause pour attendre l'avis de la sensuelle brune.

- Trèfle, si je me souviens bien, vous échappez à tout châtiment. Et ce n'est que justice après l'erreur que j'ai commise !

Hector dégagea la divine poitrine d'une mèche brune de sa partenaire. Sa main hésita un instant devant ce sein découvert... mais il ne voulait pas perdre si vite !

- Hum... A mon tour, alors !

Il tira une nouvelle carte et la montra à la jeune femme. C'était le roi de pique.

- Je dois donc répondre à l'une de vos questions...

Il posa "sagement" ses mains sur le beau drapé blanc qui couvrait encore les cuisses d'Ange. C'était une position confortable qui lui permettrait - le pensait-il du moins - de se concentrer sur la réponse qu'il aurait bientôt à fournir. Evidemment, il aurait préféré passer ses mains sous le fin tissus, mais, cela eut été considéré - à raison - comme un geste de trop... Et Hector était encore assez lucide et joueur pour ne pas se précipiter dans une - pourtant délicieuse - défaite !

La douceur de ces mots ("vous me troublez aussi...") caressait autant qu'une poésie sacrée les tympans du baron. Il vit la main de la belle s'approcher de son torse... puis s'arrêter.

Quel dommage ! Pensa-t-il.

Et, au lieu de continuer ce doux jeu de carte et de tentation, la belle brune descendit des cuisses d'Hector et demanda une précision quant aux règles du jeu.

- Si nous venions à tirer un autre carreau, je propose que nous continuions à nous dévêtir, répondit le baron. Et, si nous arrivons jusqu'au moment où celui qui tire carreau n'a plus rien à enlever, je pense que le match nul s'impose... Qu'en dîtes vous ?

Ange quitta l'alcôve et revint un instant plus tard avec une carafe de vin et deux verres. Elle tendit un verre à Hector qui fit tinter celui de la professionnelle en disant :
- A notre belle soirée...

Puis la belle brune posa enfin sa question au baron. Celle-ci le surprit un peu. Il pensait qu'elle resterait dans le jeu sensuel auquel ils se livraient... mais ce ne fut pas le cas, elle lui demanda pourquoi il fréquentait les bordels.

- Contrairement à ce que vous croyez, je ne puis avoir toutes les femmes que je désire. Les femmes sont étonnamment prudes depuis le fléau. Comme si elle craignait un jugement divin, elles semblent avoir peur de donner aux derniers jours de leur vie tout le bonheur qu'elle peut leur offrir... Et c'est bien dommage. Quel meilleur remède à la peur que la jouissance physique, que l'oubli dans l'amour et la volupté ? Et puis, pour être tout à fait honnête, si je suis venu ici, ce soir, c'était pour jouer, réellement...

Le baron se leva. Il s'approcha de nouveau d'Ange, heureux de sentir de nouveau la chaleur de son petit corps dénudé à côté du sien. Mais il ne la toucha pas. Il la contourna et se plaça juste derrière elle ; si près qu'il pouvait sentir son délicieux parfum dans sa nuque et son cou si gracieux.

- Mais je trouve notre jeu bien plus plaisant qu'aucun autre jeu auquel il m'ait été donné de jouer.

Sa chute de rein, divine, était une invitation au pêché et Hector, au prix d'un effort gigantesque, parvint à empêcher sa main libre d'aller la caresser.

- C'est à votre tour de tirer une carte, Ange... lui chuchota-t-il à l'oreille.

Hector but une nouvelle gorgée de vin rouge, délicieux, fruité, chaleureux, enivrant, excitant... et posa son verre sur la table. Ses mains se posèrent sur les hanches de la demoiselle, il hésitait à l'attirer contre lui ou simplement à descendre caresser le galbe fabuleux de ses cuisses...

Non, Hector, tiens bon !