Marbrume


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 L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]

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Gisèle MessonnierProstituée
Gisèle Messonnier



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MessageSujet: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyJeu 16 Fév 2017 - 23:50
La porte de la chambre se referma avec douceur. Gisèle venait de congédier son dernier client de la soirée. C’est avec un soupir fatigué qu’elle réajusta sa robe, puis se laissa tomber avec grâce sur une chaise faisant face à l’unique fenêtre de sa chambre. Les jambes tendues, appuyées contre le mur, elle se balançait sur son siège dans un rythme régulier, fixant la lune et ses reflets sur la mer paisible.

Ignorant les discussions animées qui s’entendaient jusque dans la pièce, elle pensait. Enfin, elle se remémorait plutôt. Cette nuit de février. Cela remontait à quelques temps déjà, mais la scène restait pourtant si clair dans son esprit. Elle sentit une chaleur s’installer dans son bas ventre, son corps se rappelant tout aussi bien chacune de ces sensations. Son regard empli de désir, ses lèvres impatientes de la goûter, ses mains avides de découvrir son corps… Cette nuit lui revenait comme un doux rêve. Elle avait parfois du mal à croire que tout cela s’était réellement passé.
Pour la première fois, elle avait entrevu une part de Barral qu’elle ne connaissait pas, quelque chose d’enfoui au plus profond de son être et que seules les effluves d’alcool pouvaient réveiller. Le reverrait-elle un jour ainsi ? Jouirait-elle à nouveau de ce contact, de cette chaleur incomparable ? En cet instant elle ne pouvait qu’espérer. L’espoir c’était tout ce qu’elle avait. Avant, il y avait le déni, mais elle ne pouvait plus ignorer ses sentiments maintenant qu’elle savait ce qu’il ressentait. Elle était amoureuse de lui, c’était devenu une évidence. Tous ses doutes s’étaient envolés cette nuit-là. Il était celui qu’elle aimait, celui qu’elle aimerait.

« Je l’aime. »

Immobile sur sa chaise, Gisèle sentit ses joues s’embraser. Elle rit doucement, hochant légèrement la tête, consciente du ridicule de la scène. Si elle devait le dire à voix haute, elle préférerait s’adresser à lui et non pas au ciel. Mais elle savait que prononcer ces mots devant lui ne serait rien d’autre qu’une erreur, elle ne pourrait se confesser sans le faire fuir. Elle poussa un long soupir. Il fallait qu’elle soit patiente. Peu importe le temps que cela prendrait, elle l’attendrait. Aussi longtemps qu’il le faudra.

Un nouveau soupir échappa ses lèvres tandis qu’elle quittait sa chaise. Elle s’étira de tout son long, passa la porte de sa chambre et tomba nez à nez avec Eloïse, l’une de ses collègues.

« Je t’ai devancée. » Sourire en coin, elle désigna le pichet qu’elle tenait, rempli d’eau chaude. S’il y avait une personne qui la connaissait aussi bien que Barral, c’était Eloïse. Elle aussi venait tout juste de finir son service au vu de ses boucles blondes désordonnées et de sa robe mal ajustée. Avant d’aller dormir, elles prenaient souvent leurs tisanes ensemble, passant le reste de leur soirée à discuter de tout et de rien. Alors qu’elles laissaient leurs boissons infuser, Eloïse se tourna vers son aînée :

« Alors il est enfin venu te voir, ton choupinet ? » dit-elle sur un ton moqueur. La blonde n’hésitait pas à la charrier sur ses petites habitudes, principalement sur celle qu’elle avait de trouver un surnom à tous ses clients, idée qu’elle trouvait ridicule.

Pour toute réponse, Gisèle lui adressa une grimace. Non, il n’était pas venu la voir depuis ce fameux soir de février. Eloïse savait que quelque chose tracassait son amie, mais dès qu’il s’agissait de Barral, il était impossible de lui extirper la moindre information. Ce n’était même pas la peine d’insister.

« C’est Lise qui va être contente, chaque fois qu’il vient t’voir elle arrête pas de râler : "Il est allé la voir elle", "Pourquoi il va toujours la voir elle"… » Gisèle ne put s’empêcher d’éclater de rire face à cette piètre imitation. « Mais j’rigole pas ! Cette fille elle est méchante comme une teigne, méfies toi ! »

« Que veux-tu qu’elle me fasse ? Me faire virer ? Le vieux me laissera jamais partir ! »

« En parlant du vieux, t’sais qu’il commence à prendre quelques libertés sur mon salaire ? Soi-disant qu’la bouffe ça coûte cher maintenant… Mes robes aussi coûtent cher ! »

Avant que Gisèle ne puisse lui répondre, des coups se firent entendre en provenance de la porte réservée à ses habitués.

« On dirait que ta journée n’est pas encore finie. »

Oh si, elle était finie. Elle savait très bien qui l’attendait derrière cette porte, elle l’avait reconnu sans même le voir. A cette heure-ci, cela ne pouvait être que lui. Sa tasse en main, Eloïse quitta la pièce en lui souhaitant un rapide bonne nuit. Gisèle se dirigea vers la porte le sourire aux lèvres.

« Viens, entre. »

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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyDim 19 Fév 2017 - 15:37
Le travail au Labret avait été rude mais pas insurmontable pour le borgne. C'était plutôt le fait de se trouver tout le temps sous la menace d'une attaque de Fangeux qui rendait leur labeur extrêmement éprouvant. Et il y avait de quoi quand on avait vécu l'enfer pour atteindre le plateau. Barral n'avait du son salut qu'à la chance et à son instinct de survie qui lui avait fait prendre la fuite plutôt que d'essayer de se cacher. Comme la plupart des gens qui en avait réchappé il avait été traumatisé par la vision de cette horde de bêtes sanguinaires qui avait décimé sans réel effort une grande partie de leur escorte armée et en armure.

Les premiers jours il n'avait pas pu fermer l’œil de la nuit privé du bercement de la coque et entouré de bruits inconnus. Il avait reconnu sans mal le bruit du raclement des griffes contre la frêle palissade de bois. Ce bruit qui resterait à jamais gravé dans sa mémoire.
Et puis bien vite le travail avait pris le dessus les rares paysans présents leur expliquant le métier sur le tas. Barral avait pour lui une bonne forme physique et bien qu'il faisait preuve de bonnes intentions il se montra très maladroit à ses débuts. Mais au moins il essayait de faire de son mieux. Clairement le métier de la terre n'était pas fait pour lui. La mer lui manquait. Et c'était aussi la première fois qu'il se trouvait hors des murs de la cité.

Le fait d'avoir survécu au carnage avait provoqué en lui un changement. Il avait pris conscience que si on ne faisait rien les bêtes prendraient le dessus et dicteraient leur lois sans pitié pour les humains. On ne passait pas du jour au lendemain de non-violent à tueur de Fangeux. Le borgne savait que la voie qu'il s'apprêtait à prendre était loin d'être simple et sans embûche pour lui. Mais il sentait que c'était ce qu'il devait faire. Lutter pour ne pas se faire manger. Lutter pour tenter de rayer de la surface de la Terre ses abominations. Lutter pour pouvoir à nouveau partir loin en mer.


Trell qu'est-ce que tu vas faire quand on nous libérera ?

C'était un de ses compagnons de chambré qui s'adressait à lui,celui qui occupait le lit en dessous du sien. Barral s'était approprié la couchette supérieure pour être tranquille. Le soir après le repas il ne s'attardait guère et venait s'y réfugier sans demander son reste, sans même chercher de la compagnie pour la nuit.

- J'sais pas. Personne ne m'attend en ville. Je suis libre.
Pas de famille ? D'amoureuse ?
- Rien de tout ça. Et toi ?
Bah, si ma femme ne m'a pas flanquer dehors après une absence aussi longue j'aurais encore un toit. Après question boulot je pense que je ne vais pas en manquer. J'aiguise des lames.


Effectivement c'était un métier qui n'allait pas connaître de repos. Se recalant sur le dos dans sa modeste couchette, Barral soupira. Et puis il dit à voix basse qu'il comptait s'engager dans la milice. L'autre éclata de rire mais il ne pouvait voir la détermination qu'il y avait dans l’œil marron du borgne.

Les jours suivants les travaux divers s'étaient enchaînés. Aménager le sol fertile pour le préparer à accueillir les futurs semis, fabriquer des enclos pour les vaches, les moutons. Une jeune femme était arrivée avec un nouveau convoi, il avait fait sa connaissance, ils avaient même sympathisé alors que d'autres ne voyaient en elle que de la chaire fraîche à culbuter. S'il avait su à ce moment là qu'elle était sa cousine !

Le temps passa. Quelques charrettes retournèrent à Marbrume. Le borgne choisit de ne pas prendre place dans ce premier voyage de retour préférant attendre de savoir si tout se passait bien. Et il prit place dans le suivant qui partit en milieu de matinée quand le soleil était bien haut dans le ciel leur assurant une protection relative contre les Fangeux.

Dès qu'il franchit les lourdes portes après le contrôle, Barral se dirigea droit vers le port sans même réfléchir. Il avait besoin de revoir la mer. Longtemps il resta à humer l'air au bout du quai. Le jour déclinait encore bien vite à cette époque de l'année. Où allait-il dormir ? Il lui restait toujours son refuge dans la remise de « La belle rousse ».

La nuit était tombée. Barral avait passé la fin de l'après-midi à tenter de s'embarquer, en vain. Aucun patron n'avait de place pour lui. C'est que le borgne faisait peur à voir avec son cache-œil, son air fatigué, ses vêtements usés et rapiécés. Demain serait un autre jour se dit-il en espérant que sa chance tourne. Bien que ce n'était qu'en fin de compte qu'un moyen de repousser l'échéance. D'affronter le recrutement pour la milice. C'était le moment d'aller voir une vieille connaissance. Quelqu'un qui avait toujours su l'écouté. Comme à son habitude il patienta jusqu'à très tard dans la nuit. Jusqu'à ce qu'il soit certain que le dernier de ses clients soit parti. Et puis il voulait aussi à tout prix éviter de croiser le tenancier qui ne l'aimait guère. Le moment venu il grimpa l'escalier extérieur et cogna contre la porte. Dans un rituel immuable, une combinaison de grattement et de petits coups que lui seul faisait, il signala sa présence à la brune. La porte ne tarda pas à s'ouvrir sur son antre.


« Viens, entre. »

Barral ne se le fit pas dire deux fois. Rien n'avait changé par rapport au souvenir qu'il en gardait même si cela devait faire bien un mois, voir un peu plus qu'il n'était pas revenu la voir. Elle aurait pu, à de nombreuses reprises, refuser de lui ouvrir sachant qu'il ne lui rapporter rien. Mais elle ne l'avait jamais fait comme d'ailleurs elle n'avait jamais trahi son secret. Et puis il appréciait tout de même se retrouver en sa présence même si il ne consommait pas. Un sourire timide s'afficha sur ses lèvres.

- Il fait toujours aussi bon ici.
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Gisèle MessonnierProstituée
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyJeu 23 Fév 2017 - 14:54
« Tu dis ça pour me faire plaisir. » Elle répondit à son sourire par un autre, plus moqueur. Elle savait pourtant qu’il était sincère (il faisait probablement bien meilleur dans cette chambre que dans la cale d’un bateau).

« Assieds-toi, tu as l’air épuisé. » Elle l’invita à prendre place sur le lit, comme elle le faisait pour chacun de ses clients, mais avec Barral, c’était bien évidemment différent. Il n’y avait aucune arrière-pensée derrière ces mots. Lorsqu’il était là elle n’était plus une prostituée, elle ne cherchait ni à plaire, ni à satisfaire, elle n’était plus qu’une simple femme en compagnie d’un ami.

Elle ne prit pas immédiatement place sur le lit, préférant se détourner de Barral une rapide seconde pour prendre la tisane qu’elle avait préalablement fait infuser. Elle lui tendit la tasse :

« Tiens, c’est de la mélisse, ça a des vertus apaisantes. » Avant même qu’il ne puisse contester l’idée de boire ce qu’elle s’était préparé, elle le rassura : « Ne t’inquiètes pas, il me reste encore assez d’eau chaude pour en refaire une. »

A nouveau elle se retourna, se dirigeant vers la petite table en bois où étaient disposées toutes ses herbes. Elle en achetait beaucoup moins à cause de la Fange, les réserves de son herboriste se faisant de moins en moins abondantes. Avant, il y avait des plantes de tous les spécimens sur cette table, mais désormais elle se contentait de l’essentiel. Ses mains expertes déposèrent quelques feuilles de mélisse au fond de la chope qui lui servait de tasse, noyant ensuite le tout avec le reste d’eau chauffée qu’Eloïse lui avait apporté. Elle vint s’installer près de Barral, posant sa boisson sur la table de chevet le temps que celle-ci infuse.

« J’ai beaucoup de mal à dormir ces temps-ci, j’ai tout essayé : verveine, camomille, maintenant mélisse, mais rien n’y fait ! Je ne sais plus quoi faire, choupinet. »

Elle poussa un soupir faussement désespéré. Il savait que lorsqu’elle se plaignait ainsi, c’était plus dans le but de lui tirer un sourire que dans celui d’en tirer la moindre sympathie. Bien sûr, Gisèle omit de lui donner la raison pour laquelle elle n’arrivait plus à dormir. Il s’enfuirait sûrement en courant si elle lui avouait ne plus être capable de le sortir de ses pensées. Se rappelait-il seulement de cette nuit qui la hantait encore aujourd’hui ? Avait-il le moindre souvenir du moment qu’ils avaient partagé ? Rien dans son attitude ne lui donnait ne serait-ce qu’un seul indice. La façon dont il la regardait, la façon dont il se tenait, rien ne laissait entrevoir le moindre désir. Ne se rendait-il pas compte de ses sentiments ? Ou alors s’était-elle trompée sur toute la ligne ?

Effaçant mentalement ses doutes et questions, elle revint rapidement à la réalité. Elle ne pouvait se permettre de penser à cela en sa présence, elle risquerait de faire une gaffe et de le perdre pour toujours. Elle n’aimait pas être dans le flou, mais il fallait qu’elle prenne sur elle désormais. Elle se devait d’être patiente, par amour pour lui. Elle lui adressa un sourire sincère :

« Je suis contente que tu sois là. » Puis, elle but une gorgée de sa tisane, avant de lui demander : « Combien de temps as-tu passé en mer cette fois ? Il s’est passé quelque chose d’intéressant pendant le voyage ? »
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptySam 25 Fév 2017 - 16:28
« Evidemment. Je ne te le dirais pas s'il faisait froid, humide et que c'était rempli de courant d'air. »

Barral se dirigea vers ce lit qui les premiers temps l'avait terrifié parce qu'il savait très bien ce qu'il s'y faisait. Et c'était là une chose qu'il n'avait pas du tout envie de faire avec Gisèle. Il avait bien du s'écouler un an, peut-être un peu plus, pour qu'il finisse par accepter qu'elle ne lui ferait rien tant qu'il ne ferait aucun geste en ce sens. Elle dégageait toujours autant cette douceur comme au premier soir où il avait voulu tenter l'expérience. C'était d'ailleurs cette attitude qui l'avait convaincu de ne pas la ranger comme toutes les autres dans la même catégorie. C'est donc sans crainte qu'il s'installa. Blondin lui avait fait comprendre qu'il ne l'aimait pas, qu'il occupait sa meilleur fille pour rien. Pourtant le borgne avait toujours payé, enfin surtout quand le patron faisait le gué devant la porte de la brune.

« Tiens, c’est de la mélisse, ça a des vertus apaisantes. »

Barral reconnu bien là sa Gisèle. Prévenante, pensant avant tout à l'autre et non à elle. Aucune autre n'était comme elle. Et avant qu'il n'ait pu formuler quoi que ce soit il se retrouva avec une tasse de tisane fumante entre les mains la chaleur se diffusant contre ses paumes. Si seulement à quel point elle savait comment il en avait besoin !

« Je suis désolé de ce long silence, j'étais très occupé »

Sans savoir pourquoi il avait besoin de s'excuser de son absence alors qu'il ne lui devait rien. Après tout ce n'était qu'une prostituée parmi tant d'autres. Et pourtant il continuait à venir la voir, elle, et pas une autre justement. Elle était devenue au fil des ans une amie précieuse et ce n'était pas bien de la laisser sans nouvelles. Mais lui aussi était content d'être ici. Son attitude avait énormément changé. S'il était toujours réservé, il se montrait moins renfermé sur lui-même et craintif au moindre geste suspect. Il arrivait à présent à la regarder sans éprouver le besoin de baisser les yeux, il la soupçonnait d'ailleurs de savoir depuis bien longtemps que son cache-oeil n'était qu'une illusion. Encore une fois elle n'en avait rien dit, respectant ses choix, tout comme lorsqu'elle avait deviner qu'il passait ses nuits en compagnie d'autres hommes.

« J’ai beaucoup de mal à dormir ces temps-ci, j’ai tout essayé : verveine, camomille, maintenant mélisse, mais rien n’y fait ! Je ne sais plus quoi faire, choupinet. »

C'était étonnant d'entendre Gisèle se plaindre ouvertement de quelque chose. Du moins pas de façon si directe. Le borgne se demandait bien qu'est-ce qui pouvait lui causer autant de souci pour qu'elle n'en ferme pas l'oeil de la nuit. D'un autre côté la réponse était évidente : nombreux étaient ceux qui redoutaient une nouvelle attaque de fangeux au sein même de la cité.

« Et si tu prenais un peu de temps pour toi? »

Une proposition qui semblait logique. Il savait qu'elle trimait ici tous les jours au service et dès la tombée de la nuit en accueillant ses clients.

« Quand cesseras-tu de m'affubler de ce surnom idiot, je ne suis plus un gamin... »

Barral fit semblant d'être outré par sa façon de le nommer. Jamais ce lien qu'elle avait crée entre eux ne pourrait se défaire. Et il lui sourit parce qu'il n'aimait pas lire dans son regard de la tristesse. Il préférait largement voir son regard pétillait de malice et de bienveillance.

« Et si tu mélangeais tout ensemble ? »

Barral n'avait pas conscience d'être la cause des ennuis de la brune. Il ne se trouvait ni beau ni attirant. Mais Gisèle était différente. Avec elle, il avait le sentiment qu'elle ne s’intéressait pas à lui pour son apparence, mais à ce qu'il était. Ils arrivaient à se comprendre, sauf sur un point essentiel évidemment, à échanger, à rire.

« Combien de temps as-tu passé en mer cette fois ? Il s’est passé quelque chose d’intéressant pendant le voyage ? »

C'était une question habituelle, à laquelle il prenait un plaisir tout particulier d'y répondre. Sauf que ce soir là elle lui causait plus de peine qu'autre chose. D'ordinaire c'était l'occasion de la faire rêver un peu. Il se plaisait à enjoliver un peu ses sorties en mer. Elle savait très bien qu'il en rajoutait toujours. C'était devenu une sorte de jeu entre eux. Si Barral ne mentait jamais, il lui fallait tout de même deviner ce qu'il avait exagérer dans son récit. En échange, le borgne lui demandait de raconter ce qu'il s'était passé en ville en son absence.

« C'est terminé la mer. » fit-il dans un soupire. Il se plongea alors dans un examen attentif de sa tasse pour éviter son regard. Le Labret l'avait profondément marqué. Et il ne pouvait plus continué à vivre comme si rien ne s'était passé. Les images sanglantes des Fangeux à l'oeuvre se bousculaient sans cesse dans sa tête.

« Je reviens du Labret .»
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyMer 1 Mar 2017 - 22:54
« Et si tu prenais un peu de temps pour toi ? »

Elle haussa vaguement les épaules, révélant par ce simple geste qu’elle ne saurait que faire d’un peu de temps libre. Depuis toute petite, elle avait été habituée à être toujours occupée (on avait jamais le temps de souffler à la ferme), et aujourd’hui encore c’était la cas. Elle réalisa cependant que ce n’était pas tout à fait exact de dire qu’elle ne prenait jamais de temps pour elle, il y avait les soirs qu’elle passait à discuter en compagnie d’Eloïse, et puis…

« C’est ce que je fais avec toi maintenant, choupinet. » Elle lui adressa un sourire sincère tandis qu’elle s’adossait confortablement contre la tête de lit, les jambes en tailleur. Les soirées qu’ils passaient ensemble, c’était ce qu’elle appelait prendre du temps pour soi. Sa journée était finie quand il venait la voir, elle pouvait se détendre totalement en sa présence, oublier le travail, la misère, la famine, la Fange. « On prend du temps pour nous, à deux. »

« Quand cesseras-tu de m'affubler de ce surnom idiot, je ne suis plus un gamin... »

Gisèle se mit à rire devant ce faux air outré que lui servait son ami. Elle l’aimait bien ce surnom elle, même s’il fallait avouer qu’il était peut-être plus approprié lorsqu’il n’était qu’un adolescent effrayé par la simple vue de son corps féminin. Il était bien différent aujourd’hui, et il avait acquis au fil de temps un certain charme qui ne la laissait pas indifférente, même si lui-même semblait ignorer totalement le pouvoir de séduction qu’il pouvait avoir sur la gente féminine. Cependant, Gisèle aimait beaucoup trop taquiner Barral pour pouvoir se résoudre à abandonner ce surnom. Et puis, elle savait qu’il s’y était habitué autant qu’elle.

« Très bien, que penses-tu de mon chou alors ? Ça fait plus mature que choupinet, tu ne peux pas le nier ! » dit-elle avant de lui adresser une grimace enfantine, riant doucement.

Toujours inquiet pour son bien-être, Barral suggéra de mélanger toutes les plantes qu’elle venait de citer ensemble. Cela faisait partie des petites choses qu’elle trouvait le plus touchant chez lui : même quand il n’était pas expert sur le sujet, il essayait toujours de l’aider à trouver une solution.

« J’ai déjà essayé, mais j’ai dû mal doser mes plantes car ça avait un goût atroce. » Elle hocha légèrement la tête, grimaçant en se souvenant de l’amertume de la boisson. Elle n’avait même pas été capable de finir sa tasse, ce qui était tout de même plutôt rare. Une chose était sûre, elle ne réessaierait pas ce mélange.

L’atmosphère de la pièce changea brusquement lorsque Gisèle posa une question qui, d’habitude pourtant, était totalement innocente. « C’est terminé la mer. » Qu’est-ce que cela voulait dire ? Il était marin depuis qu’elle le connaissait, il ne pouvait pas avoir subitement décidé d’arrêter ! Quelle pouvait être l’origine de ce changement si brutal ? Heureusement qu’il ne la regardait pas en cet instant, il n’aurait vu que son air inquiet, ce qui aurait sans doute fait très peu pour le réconforter.

« Le Labret ? Que… »

Elle se ressaisit, repensant ses mots. Elle ne voulait pas le brusquer, elle ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie. Il était évident que sa situation le troublait, il s’était passé quelque chose pour qu’il quitte la mer, pour qu’il parte au Labret. Elle pensa un instant à ses frères. Avait-il, comme eux, était envoyé de force là-bas ? Elle posa sa tisane sur la table de chevet et se rapprocha doucement de lui. Elle prit cependant soin de garder une certaine distance, sachant très bien qu’une trop grande proximité l’aurait mis mal à l’aise.

« Barral, je ne comprends pas, que s’est-il passé ? Pourquoi étais-tu là-bas ? » La surprise maintenant passée, sa voix s’était adoucie, tout comme son visage.
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptySam 4 Mar 2017 - 14:32
Quand Barral venait retrouver la brune le soir il oubliait bien volontier touts ses soucis sur le pas de la porte. Du moins il essayait de le faire. Cependant Gisèle ne mettait jamais bien longtemps avant de percevoir ses tourments. Depuis qu'elle avait découvert ses penchants elle était bien la seule à l'écouter sans le juger. Une amie précieuse, avec qui il appréciait passer du temps, alors même que c'était une femme.

« On prend du temps pour nous, à deux. »

Cette phrase résumait à elle seule leur relation. Etre ensemble, sans vraiment l'être. Un semblant de couple sans le sexe qui va avec. Quelqu'un qui les observerait depuis l'extérieur aurait tendance à le penser tant ils leur arrivaient de se trouver sur la même longueur d'onde. Peut-être que le vieux Blondin était de ceux-là. Et qu'il voyait forcément d'un mauvais œil sa meilleur fille le quitter...

« Très bien, que penses-tu de mon chou alors ? Ça fait plus mature que choupinet, tu ne peux pas le nier ! »

- Mon chou ?

Répéta-t-il avant de secouer la tête. Non. Ce surnom là ne lui plaisait vraiment pas. Il n'avait pas la même signification pour lui. Ni la même musicalité dans sa voix quand elle le prononçait. Et puis il le trouvait tellement impersonnel. Des mon "chou" il devait y en avoir des centaines.

- Restons-en à choupinet s'il te plait. C'est vrai que je ne suis plus un gamin, mais j'aurais l'impression que tu t'adresses à quelqu'un d'autre. J'ai changé, mûri, grandi certes, mais il n'y a que moi qui puisse être ton choupinet. Pour rien au monde je voudrais que tu m'appelle autrement.

Barral était loin de se douter que ses mots pouvaient être interprétés d'une façon bien différente pour quelqu'un qui avait des sentiments envers lui.

La tasse de tisane fumante entre ses mains, le borgne en but une longue gorgée pour se donner du courage. Il était venu ce soir pour lui faire part d'une décision, à la fois importante et déchirante pour lui, mais après ce qu'il venait de vivre il ne pouvait en être autrement.
Evidemment Gisèle réagit à cette annonce brutale de ne plus prendre la mer. Elle ne l'avait toujours connu qu'en tant que marin et plutôt passionné par son métier. Le sommier craqua lorsqu'elle se déplaça. Plus proche de lui, il perçut son parfum cependant elle resta à une distance respectable. C'était quelque chose qu'il appréciait chez elle. Elle ne s'imposait pas à lui, ne cherchait pas à tout prix à établir un contact physique. Chose qu'il redoutait par dessus tout. Jamais il n'avait pu lui avouer ce terrible secret. Peut-être le seul à persister entre eux


« Barral, je ne comprends pas, que s’est-il passé ? Pourquoi étais-tu là-bas ? »

- Le Duc avait besoin de main d'oeuvre pour travailler là-bas. Mon bateau se trouvait en réparation suite à une importante avarie. On ne m'a pas laissé le choix...tu as du entendre les crieurs à ce sujet. Certaines personnes se sont portées volontaires dans l'espoir d'une nouvelle vie, et d'autres ont été emmené sous la contrainte...Le trajet fut épouvantable...

Sa voix se brisa. Il avait besoin d'évacuer, de mettre des mots sur les horreurs qu'il avait vues. Et sans prévenir il vint se réfugier contre elle dans ses bras parce qu'il se savait en sécurité.

- J'ai vu des gens se faire déchiqueter, démembre par ces choses...et moi j'ai survécu parce que...je me suis caché, j'ai fui comme un lâche...

S'il ne pleurait pas, elle pourrait sentir qu'il était profondément marqué par ce qu'il avait vécu. Certes il était revenu vivant et en un seul morceau en apparence mais intérieurement il sentait malgré la peur qui le tenaillait, un sentiment de révolte.

- Je ne peux pas rester sans rien faire...
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyJeu 9 Mar 2017 - 22:58
Gisèle ne retint pas son rire, se délectant de la réaction de son ami. Elle savait que ce nouveau surnom ne lui plairait pas, c’était bien pour ça qu’elle y avait pensé : il ne pourrait plus se plaindre sans qu’elle ne lui rappelle qu’il aurait pu tomber sur pire ! Elle était amusée de le voir refuser ce changement avec autant de véhémence, mais également étrangement touchée. Ses paroles avaient quelque chose de réconfortant, lui rappelant que peu importe le temps, il reviendrait toujours vers elle. C’était rassurant. En cet instant, la brune ressentait une forte envie de le serrer dans ses bras, de l’embrasser, mais elle n’en fit rien, gardant cet éternel sourire amusé qui dissimulait habilement les sentiments amoureux qu’elle pouvait éprouver.

« Tu vois que choupinet ce n’est pas si mal au final ! J’aurais pu trouver bien pire comme surnom ! » Tout sourire, elle lui adressa un clin d’œil, sirotant sa tisane d’un air satisfait.


L’atmosphère de la pièce se fit plus pesante suite aux révélations de Barral. Gisèle avait encore du mal à digérer l’information. Comme elle l’avait craint, il y avait été envoyé de force, tout comme ses frères. Elle se sentait honteuse d’avoir pu croire, ne serait-ce qu’une seconde, qu’il cherchait à l’éviter après ce fameux soir de février, alors qu’il était dehors, hors des murs, risquant sa vie pour Marbrume, sans qu’elle n’en sache rien. Ses yeux s’humidifièrent lorsqu’il vint se réfugier dans ses bras, ressentant sa détresse, réalisant à quel point elle était chanceuse qu’il soit revenu en vie.

« J'ai vu des gens se faire déchiqueter, démembrer par ces choses... et moi j'ai survécu parce que... je me suis caché, j'ai fui comme un lâche... »

Elle le serra un peu plus fort, le rassurant silencieusement de sa présence, de son soutien. Il n’était pas un lâche, il avait tort. Elle ne pouvait prétendre avoir fait face à l’une de ces créatures, mais elle avait entendu des choses terrifiantes sur ces bêtes aux griffes tranchantes et aux crocs acérés, qui ne craignent personne et haïssent tous. Elle avait entendu parler de la façon dont un seul de ces monstres pouvait décimer plusieurs hommes armés, se battant avec une fougue inhumaine. Barral, seul, n’aurait rien pu faire. Il se montrait injuste envers lui-même.

« Je ne peux pas rester sans rien faire... »

Elle relâcha son emprise, ses yeux larmoyants cherchant à capter son regard. Que voulait-il dire par là ? Il y avait une telle détermination dans sa voix… Une pensée fusa dans son esprit, mais elle refusait d’y croire. Il ne voulait pas dire ça, ce n’était pas possible.

« Barral, tu… » Elle s’arrêta, fixant ses propres jambes, incapable de finir sa phrase. Elle sentit une larme couler le long de sa joue. Il ne pouvait pas vouloir dire ça. Prendre les armes. Ce ne pouvait pas être ça. Elle se trompait dans son interprétation, voilà tout. Et pourtant, elle se sentait incapable de dire ce qu’elle voulait lui dire : qu’il ne pouvait rien faire, que ces créatures étaient trop dangereuses, même pour quelqu’un qui avait de l’expérience. « Barral, dis-moi que… (du revers de sa main, elle essuya une larme), enfin, que veux tu dire par là ? Ce n'est pas comme si… » Elle ne savait comment s’exprimer, elle ne savait comment mettre des mots sur ses pensées confuses : elle s’inquiétait beaucoup trop pour pousser Barral à aller plus loin dans son idée, mais quelque chose en elle l’empêchait d’essayer de l’en dissuader.
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyJeu 16 Mar 2017 - 19:57
Le borgne ne broncha pas lorsque Gisèle resserra ses bras autour de lui. Tout au plus un léger mouvement de recul, mais il n'était pas en état de la fuir, c'était après tout de sa propre initiative qu'il était venu chercher refuge contre elle. Et il avait besoin de ce réconfort même s'il n'était pas vraiment à l'aise avec ce genre de contact très rapproché.

Elle était la bouée à laquelle il se raccrochait quand il n'allait pas bien. Il ne savait pas comment elle réussissait toujours à l'apaiser et à lui redonner ce tout petit coup de pouce qui lui permettait d'avancer encore. Il ne se souvenait que trop bien de la première fois où il était venu ici et comment il avait fini, bien malgré lui, à venir chercher une présence humaine contre qui dormir.

A présent, il connaissait bien Gisèle. Il savait qu'elle ne lui ferait aucun mal. Aussi lorsqu'il perçut son hésitation dans sa façon de lui parler il sut qu'elle avait d'une part compris ce qu'il avait vécu durant l'aller et d'autre part qu'elle avait grandement deviner, du moins l'essentiel, de ce qu'il comptait faire à présent.

Comme elle ne parlait pas ou peu, de manière décousue, il releva la tête et la regarda. Et il lui découvrit une expression de tristesse. Elle avait les yeux humides à cause de lui. Il leva la main et vient effacer d'un geste presque rageur ces larmes, presque anodin pour n'importe qui, mais qui venant de lui était surprenant. Un miracle presque.


- Je préfère te voir avec le sourire.

Bien souvent le borgne était ainsi parlant sans détour de ce qui le gênait sans même penser que ça pouvait lui faire du tord ou induire son interlocuteur en erreur. Il n'était pas du genre à noyer une information dans un long monologue.

« Barral, dis-moi que…enfin, que veux tu dire par là ? Ce n'est pas comme si… »

Elle avait compris, c'était certain, son intention. Que pouvait-il lui dire de plus? Pas grand chose. Hélas...il aurait bien aimé être capable de la faire sourire à nouveau mais il ne savait pas quoi faire ni dire pour cela.

- Tu sais que je n'aime pas me battre...mais...mais je dois le faire tu comprends.

Il avait bien du mal lui aussi à exprimer ce qu'il avait ressenti après le carnage les jours suivants. Pourtant c'était pour lui une évidence.,

- Personne ne m'y oblige Gisèle. C'est ma décision. Je veux lutter contre ces choses tant que je le peux. Si je ne le fais pas je ne pourrais plus me regarder dans un miroir. Je sais d'avance que je m'engage dans un chemin difficile voir même mortel mais c'est un sacrifice nécessaire si l'humanité veut surmonter cette épreuve. Une fois que la dernière de ces créatures aura rendu l'âme la vie pourra reprendre...

Son regard était déterminé. Il ferait tout pour mener à bien son objectif qu'importe le prix qu'il devrait payer. Cela suffira-t-il pour quelqu'un qui comme lui avait la violence en horreur? Il savait pourtant que vaincre la fange était un combat qu'il devait mener.

- Gisèle, je préfère me dire que j'ai essayé de faire quelque chose plutôt que d'attendre l'heure où elles viendront dévorer mes entrailles, ou voir mourir mes amis sans avoir tenter de les sauver...

Il ne supporterait pas de la voir succomber de la griffe d'un fangeux. Ni même de ne plus la voir tout court. C'était aussi une façon de la protéger...
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyDim 26 Mar 2017 - 14:33
« Je préfère te voir avec le sourire. »

Un rire entre deux sanglots, un soupir : difficile de décrire le son qui venait d’échapper les lèvres de la brune en cet instant. Elle se sentait gênée de sa propre réaction, gênée qu’il soit celui qui essuie ses larmes quand les rôles auraient dû être inversés.

« Je suis désolée, la fatigue sûrement… »

Evidemment, laisser une éventuelle fatigue porter le blâme était plus facile que d’évoquer les réelles raisons derrière toute son inquiétude. Cela aurait été plus long à expliquer, plus complexe, et Gisèle ne se sentait pas prête à partager ses sentiments avec Barral. De plus, il n’était sûrement pas préparé à les entendre.

« Tu sais que je n'aime pas me battre...mais...mais je dois le faire tu comprends. »

« Je comprends. »

Elle n’avait pas menti. Elle comprenait pourquoi il voulait faire cela. C’était sa propre décision et elle ne voulait en aucun cas être celle qui l’en dissuaderait. Elle n’en avait pas le droit. Barral était un homme courageux, bien plus qu’elle, bien plus que n’importe qui. Elle admirait sa conviction, sa détermination, son altruisme. Malgré son inquiétude apparente, elle sentit une pointe de fierté lorsqu’il parla lui-même de sacrifice nécessaire, de son envie de sauver non seulement ses proches, mais aussi l’humanité toute entière. Elle ne connaissait personne d’aussi honorable.

« Que comptes-tu faire pour combattre ces… choses ? T’engager dans la milice ? »

Son expression se fit plus sombre lorsqu’elle prononça ce dernier mot. Malgré tout le respect qu’elle avait pour la milice et leur fonction au sein de Marbrume, le peu de miliciens qu’elle avait eu l’occasion de rencontrer ne lui avaient pas laissé une très bonne impression. Ils étaient rustres, vulgaires, violents et avaient peu de considération pour les petites gens comme elle, alors imaginer Barral s’associer avec des gens pareils était… inimaginable en fait. Tous n’étaient pas comme ça, elle s’en doutait bien, mais il lui semblait qu’une bonne majorité l’était.


Elle sembla pensive un instant, réfléchissant sur le fléau et son origine. Est-ce que les armes suffiraient réellement pour arrêter l’avancée de la Fange ? Si les dieux avaient envoyé ces créatures pour punir les mortels de leurs péchés, alors les combattre ne ferait que retarder l’inévitable. Ou bien était-ce un test ? Les prêtres eux-mêmes semblaient avoir des difficultés à comprendre l’origine de la Fange. On ignorait même jusqu’où la menace s’étendait. Les fangeux rôdaient-ils par-delà les marais ? Avaient-ils envahi le reste du continent ? Et si Marbrume était la seule ville encore debout ?

« Barral, penses-tu réellement que mettre fin à cette horreur est possible ? »

C'était une question tout à fait honnête : elle ne cherchait pas à remettre en doute son engagement dans la lutte contre la Fange, elle souhaitait simplement entendre sa théorie, lui qui semblait bien plus optimiste qu'elle sur le problème.


Dernière édition par Gisèle Messonnier le Dim 2 Avr 2017 - 1:08, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyJeu 30 Mar 2017 - 15:53
Gisèle l'avait écouté comme toujours. Et elle n'avait pas tenté de le faire changer d'avis. C'était appréciable. Mais elle ne l'encourageait pas vraiment non plus. Barral s'écarta doucement de ses bras. Il ne pouvait pas rester plus longtemps aussi près d'elle. Mais il resta assis en tailleur sur le lit.

« Que compte tu faire pour combattre ces… choses ? T’engager dans la milice ? »

Elle avait dit ça comme s'il allait se jeter dans la gueule du loup. En un sens c'était vrai. Là-bas il côtoierait beaucoup d'hommes et ça serait un véritable défi pour lui de ne pas se faire démasquer. Enfin avant d'en arriver là, il faudrait déjà convaincre le recruteur de le prendre. Avec sa sainte horreur de la bagarre ce n'était pas gagner, mais d'un autre côté il avait toutes ses chances vu les pertes dues à la reconquête du plateau du Labret.

- Certains t'ont malmené ?

C'était une chose qui le dépassait. Qu'on puisse lui faire du mal à elle qui se montrait si douce et si compréhensible avec lui. Elle avait bien essayé la première fois qu'il était venu, et les deux-trois fois suivantes, de faire son travail avant de comprendre. Il ne lui en avait pas voulu, c'était même lui qui était revenu pour la voir. Discuter. Se confier parfois. D'une certaine façon il lui permettait de penser à autre chose. Si seulement il avait su précisément à quoi elle pensait...

- Je n'ai pas vraiment d'autre choix. Je n'ai jamais tenu d'arme de ma vie. J'ai du perdre la plupart des bagarres dans lesquelles j'étais impliquées.

Soudain il se tut, se rendant compte que s'il continuait à parler ainsi de son inexpérience totale en matière d'armes et de combat elle finirait surement par se remettre à pleurer. Et il ne voulait pas la voir triste. Pas maintenant. Pas ce soir. Il avait besoin de voir son regard doux et sincère pour se donner le courage nécessaire à faire ce qu'il devait faire.

-Je l'ignore sincèrement Gisèle. Tout ce que je sais c'est qu'il est possible de les éliminer et que si on ne fait rien bientôt elles seront plus nombreuses que nous. Je ne sais pas comment elles sont apparues...ni pourquoi. Peut-être qu'il s'agit d'une épreuve des Trois. Ou alors une expérience d'un savant fou qui a mal tourné. Tout ce que je sais c'est qu'il en va de la survie de l'humanité.

C'était surprenant de l'entendre tenir de tels propos belliqueux, mais Barral était bien conscience que face à une telle menace n'importe qui se devait de se faire violence pour ne pas sombrer. Il était décidé à se battre contre ses choses.

- Ensuite je suppose que la vie reprendra son cours.

On se souviendrait des sacrifices effectués pour endiguer le fléau ou bien les Fangeux régneraient en mettre sur le monde...Barral était conscient qu'il pouvait y laisser la vie mais il préférait lutter que de laisser d'autres décider de son sort. Son œil regardait la brune tendrement en toute innocence. Il ignorait s'il pourrait avoir du temps pour lui rendre encore des petites visites tout comme il supposait qu'elle avait toujours su pour ses yeux.
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyDim 16 Avr 2017 - 22:40
Gisèle ne broncha pas lorsqu’il quitta ses bras, mais elle ne put s’empêcher d’en ressentir une pointe de déception. Les sentiments qu’elle avait pour lui rendaient insupportable la répulsion qu’il pouvait éprouver à son contact. Ce n’était pas son amour propre qui en était blessé, car elle connaissait Barral depuis trop longtemps pour se vexer d’un tel geste, mais c’était plutôt l’amour qu’elle lui portait qui s’en trouvait touché : il était douloureux d’aimer un homme qui n’appréciait aucunement son corps féminin. Elle espérait qu’un jour il puisse passer outre le dégoût qu’il éprouvait pour son sexe.

La question qu’il lui posa ensuite adoucit son amertume. Il s’inquiétait toujours pour elle, et cela la touchait. Elle lui adressa un sourire rassurant : elle ne voulait pas qu’il se fasse du souci, pas pour ce genre de choses. Elle n’aimait pas évoquer son travail lors de leurs discussions. Lorsqu’elle était avec lui, elle avait l’impression d’être à mille lieues de cette taverne : elle pouvait oublier son malheur, profiter d’un instant avec un précieux ami, le seul à ne pas la considérer comme une ignoble tentatrice ; alors, évoquer le comportement de quelques-uns de ses clients aurait été une excellente façon de plomber l’ambiance, déjà bien assez lourde.

« Oh non, c’est juste que j’ai entendu beaucoup de choses sur la façon dont ils traitent les gens… Je sais qu’ils ne sont pas tous comme ça, mais la plupart ont très peu de respect pour ceux qui n’ont pas le sou. » Et ils en ont encore moins pour les filles comme moi, pensa-t-elle en poussant un discret soupir.

« Je n'ai pas vraiment d'autre choix. Je n'ai jamais tenu d'arme de ma vie. J'ai du perdre la plupart des bagarres dans lesquelles j'étais impliquées. »

Elle espérait qu’il ne pensait pas la rassurer en évoquant son inexpérience totale dans le domaine. Gisèle se mordit la lèvre pour se retenir de faire un commentaire malvenu. Quelle idée, vouloir se battre contre une armée de fangeux quand on ne peut pas vaincre un autre homme ! Cette pensée, bien que vexante, n’était en aucun cas de la mesquinerie : ce n’était là encore que sa terrible inquiétude qui refaisait surface. Elle avait parfois du mal à oublier l’adolescent timide qu’elle avait rencontré dix ans auparavant. Barral avait pourtant tellement changé, il était fort stupide de garder cette image de lui. Surtout après… Après… Enfin, bref. Passons à autre chose.

Répondant à sa question, Barral lui fit part de ses théories : une éventuelle épreuve de la Trinité, comme le pensait tout Marbrume, ou…

« Un savant fou ? Tu penses vraiment qu’un être humain aurait pu créer ces bêtes ? »

Un coup des dieux, ça c’était une théorie véhiculée par nombre d’habitants de Marbrume, mais cette histoire de savant fou, c’était une toute nouvelle hypothèse qui l’intriguait particulièrement. Elle n’avait jamais pensé à cela. Il faut dire qu’il lui était difficile d’imaginer qu’une personne puisse provoquer un tel désastre. A moins qu’il ne s’agisse de quelque chose qui dépasse les compétences d’un simple humain.

« Tu penses que c’est possible qu’il y ait de la sorcellerie derrière tout ça ? Peut-être qu’il s’agit d’une malédiction… Ma mère adorait raconter ce genre d’histoires, elle en parlait comme si elles étaient réelles. Je n’y ai jamais cru, mais maintenant que les morts reviennent à la vie, je dois avouer que ces contes me paraissent de moins en moins absurdes. »


« Ensuite je suppose que la vie reprendra son cours. »

Elle eut un sourire sincère en entendant ces paroles, touchée par l’optimisme du brun. Elle aurait aimé être comme lui : c’était d’espoir dont le monde avait besoin en cette sombre période, mais elle avait toujours été plus pessimiste, ne pouvant s’empêcher de se préparer aux pires scénarios.

« Que les Trois t’entendent. Je crois que je ne pourrais supporter mourir avant d’être sortie de cette taverne ! »
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyMer 19 Avr 2017 - 19:22
Barral était soulagé de l'entendre dire que les miliciens ne lui avaient fait aucun mal. Du moins physiquement. Moralement il savait trop bien ce dont ils étaient capable lorsque certains croisaient la route de pauvres âmes venues trouver refuge derrière les hauts remparts de la Cité.

- Je n'en sais rien.

Il la regarda sans détour, sans porter de jugement, il était incapable de voir la femme qu'elle était. Il ne voyait en elle qu'une amie, rien de plus, une amie en qui il avait confiance. Il n'avait pas conscience, ou bien ne voulait-il pas s'en rendre compte, qu'elle était cette moitié après laquelle il courait depuis bien trop longtemps. Non pour lui c'était tout simplement impensable de trouver son bonheur auprès d'une femme, pas après ce que cette allumeuse se soit joué de lui.

- C'est possible. On ne sait pas grand chose sur eux. Si ce n'est qu'ils sont apparus loin à l'Ouest avant d'être signaler un peu partout dans le Royaume. D'un autre côté, même si cela devait être le résultat d'une quelconque sorcellerie, on pourrait y voir aussi une punition divine pour avoir voulu justement jouer aux dieux. Enfin...bref...on ne va pas passer la nuit à parler de ça.

D'un air de dire qu'il aimerait bien rester avant d'aller vers un avenir plus qu'incertain et dangereux où ces visites en ce lieu risquaient bien d'être rare. Barral se leva et alla chercher dans le coffre au pied du lit leur jeu.

- Je crois que je ne pourrais supporter mourir avant d’être sortie de cette taverne !

Il était limite choquée de l'entendre dire ça. Elle devait être bien malheureuse pour tenir de tels propos. Et il ne connaissait qu'un seul remède.

- Oh ! Gisèle .... ne dis pas ça. Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. Tu ne finiras pas ta vie ici, ne te mets pas ça en tête. Qu'aimerais-tu faire si tu arrivais à quitter l'endroit ?

Faire des projets était un moyen de s'évader un peu. Il la savait coincé ici faute d'avoir suffisamment de connaissance pour exercer un autre métier mais elle devait bien avoir des rêves ou des envies.

Aller viens là, je le laisse choisir : des parties ou tu me racontes un des ces horribles contes de ta mère ?

Au fond, puisqu'il avait l'intention de rester jusqu'au lendemain, il savait qu'ils finiraient par faire les deux mais autant lui laisser le choix pour le moment.
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptySam 13 Mai 2017 - 18:32
« Qu'aimerais-tu faire si tu arrivais à quitter l'endroit ? »

L’espace d’un instant, une certaine tristesse vint assombrir les délicats traits de son visage. Il savait très bien quel était son désir le plus cher, ils se connaissaient depuis trop longtemps pour qu’il ne le sache pas. Elle n’osait cependant le dire à voix haute, par superstition peut-être, ou parce que, plus les années passaient, plus son rêve devenait ridicule. Une prostituée d’une trentaine d’années qui rêvait d’enfants, d’un mari… Qui dans ce bas monde accepterait de prendre une femme souillée comme épouse ?

Elle savait cependant que Barral n’avait pas essayé de réveiller sa douleur. Il cherchait simplement à dévier leur conversation vers un sujet moins triste que celui de la mort et de la Fange. Elle se força donc à chercher ce qu’elle pourrait bien faire de sa vie s’il lui arrivait un jour de sortir de sa situation.

« Je ne sais plus si je t’ai déjà parlé de la vieille Gerberte ? Tu sais l’herboriste au bout de la rue, chez qui je vais acheter mes herbes ? » Elle lui en avait très probablement parlé, même si elle n’avait peut-être pas mentionné son nom. Gisèle visitait très souvent la vieille Gerberte : elle vendait des herbes (et même quelques huiles) à toutes les filles du quartier et était particulièrement appréciée pour sa gentillesse et ses bons conseils. C’était d’ailleurs probablement grâce à ses produits que Gisèle gardait une peau aussi lisse. Malheureusement, la boutique de Gerberte n’avait pas été épargnée par la Fange, et ses stocks s’étaient considérablement amoindris depuis quelques mois. « Elle m’avait proposé de travailler avec elle, parce qu’elle trouvait qu’elle se faisait vieille et qu’elle avait besoin de quelqu’un pour gérer ses affaires. C’était une idée qui me tentait, mais la Fange est arrivée et tout est tombé à l’eau. Elle n’a plus assez d’argent pour employer quelqu’un, et moi je n’ai plus aucune économie, alors je ne peux pas risquer quitter cet endroit maintenant. »

Quiconque connaissait un tant soit peu Gisèle savait qu’elle craignait toujours de manquer d’argent, même en ces temps où sa valeur n’était plus aussi forte, si bien qu’il pouvait paraître surprenant de l’entendre dire qu’elle n’avait plus aucune économie. Son enfance avait été marquée par les problèmes financiers de ses parents, qui vivaient dans une extrême pauvreté. Son père n’avait jamais été capable de correctement gérer leur argent, et elle ignorait encore par quel miracle sa mère avait réussi à tenir la ferme. Si son géniteur n’avait pas été aussi irresponsable, peut-être n’aurait-elle pas besoin aujourd’hui de se prostituer. Cette amère pensée fut vite balayée lorsque Barral sortit le jeu de marelle. Elle s’approcha de lui, s’asseyant au bord du lit tandis qu’il prenait place en face d’elle et disposait les pièces dépareillées sur le plateau de jeu.

« Tu as raison, ne parlons pas de ça, jouons plutôt ! Et je peux très bien faire les deux en même temps, il faut juste que je m’en souvienne, ça remonte à si longtemps. Ma mère était très douée pour raconter les histoires, j’ai bien peur de ne pas être à la hauteur, mais je vais essayer ! »

Tandis qu’elle plaçait son premier pion, essayant de se remémorer les vieilles histoires de son enfance, elle releva la tête :

« Oh, mais je ne t’ai pas demandé : tu parlais de projets plus tôt, quel est le tien ? Que comptes-tu faire une fois que tout ça sera fini ? »
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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyLun 29 Mai 2017 - 15:26
Barral s'était assis à nouveau sur le lit, en tailleur il était suffisamment souple pour se le permettre encore, prêt à écouter Gisèle. Il s'en voulut après coup d'avoir posé cette question stupide. Il avait toujours su ce qu'elle désirait le plus au monde mais il n'était pas hélas celui qui réaliserait son rêve. Le relation était certes particulière et s'il existait une profonde amitié entre eux, cela n'allait pas plus loin pour lui. Au delà de ces apparences bien définies, il y avait eu cette soirée de février. Le souvenir se trouvait enfoui quelque part en lui. Jamais il n'admettrait les événements de cette nuit là. Il en éprouvait même une honte extrême d'avoir couché avec une femme. C'était ce qu'il se bornait à se persuader. Et donc pour lui cette nuit n'avait tout simplement jamais existé.

- C'est à elle que nous devons les herbes pour ces tisanes n'est-ce pas ?

Barral sourit. Gisèle avait déjà du lui parler de cette vieille femme mais il n'avait jamais pensé qu'elle était autant intéressée par son activité. En y réfléchissant bien c'était une façon de renouer avec la Nature, elle qui avait grandi dans une famille de fermier. Le brun écouta avec une oreille attentive son récit.

- La Fange nous aura contrarier autant l'un que l'autre, et surement plus d'un habitant de la cité pensa-t-il, avant d'ajouter sans arrière-pensée ce n'est pas tout à fait exact, on arrive encore à se voir.

Au fond de lui, s'il y avait bien une chose qu'il ne voulait pas perdre, c'était bien ça. Malgré la voie qu'il s'apprêtait à emprunter avec tous les dangers qu'elle comportait, il ne pouvait pas mettre une croix sur leur amitié sous prétexte qu'en étant dans la milice il n'aurait plus le temps. Moins de temps peut-être, mais pas au point de ne plus lui rendre visite.

Avec prudence il plaça à son tour un pion sur le vieux tapis car bien souvent il perdait, parfois volontairement, parfois il était bien obligé d'admettre qu'elle jouait finement. Barral comprenait sa situation. Il savait qu'elle n'avait pas choisi son métier mais qu'elle y était venu par nécessité un sacrifice nécessaire pour sa famille, et aujourd'hui elle se retrouvait prisonnière de sa condition. Et même avec de l'argent que pouvait-on encore en faire vu que les denrées se faisaient rare dans la cité. Il ne s'attendait pas vraiment à ce qu'elle lui retourne la question. C'est vrai que depuis leur première rencontre il s'était toujours présenté comme marin. Mais était-ce son souhait ?


- Voyons...que peut donc faire un fils de marin si ce n'est prendre la mer ?

Quand le père Trell était entré dans sa vie, le gamin qu'il était alors avait tout fait pour lui plaire. Plein d'admiration pour cet homme. Au début du moins, puis ses frères étaient nés, et le marin ne s'était plus jamais intéressé à ce fils différent, et surtout pas de sa semence. Et il était évidemment hors de question que cet enfant maudit mette un pied sur son navire.

- Je ne sais pas. J'aurais fait n'importe quoi pour que ma mère puisse arrêter et quitter ce métier. J'ai toujours eu envie d'avoir une maison rien qu'à moi. Pas forcément un palace, mais un endroit qui m'appartiendrait vraiment. J'ai fait la connaissance d'un sculpteur d'argile quand j'étais plus jeune...

Comprendrait-elle que cet homme avait beaucoup compté pour lui ? Après tout ce temps c'était la première fois qu'il lui en parlait. Il avait vraiment envisagé pendant un long moment apprendre vraiment ce métier mais c'était avant le départ de son amie.

- Si tu l'avais vu, comme je l'ai vu moi, donner vie à des mottes de terres en un rien de temps. C'était fascinant. De ses mains il arrivait à sortir des sculptures impressionnantes : des personnages, des animaux...on aurait dit à tout instant qu'elles se mettraient à parler.

Quand la fange sera éliminée, si je suis toujours en vie, je pense que je reprendrais la mer pour faire de long voyage. Et qui sait, peut-être découvrir des survivants lointains. Ramener des poissons plus exotiques en ville.

Ce qui me fait penser que je ne t'ai jamais proposer de faire un tour sur l'eau. Tu aimerais ?


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MessageSujet: Re: L'amour est sans patience, disent-ils [Barral]   L'amour est sans patience, disent-ils [Barral] EmptyJeu 22 Juin 2017 - 0:21
La Fange avait en effet eu un impact considérable sur leurs vies, comme sur celles du reste du duché. Gisèle avait beau n’avoir jamais vu de fangeux, leur présence se ressentait jusqu’ici. Mort, peur, désespoir étaient les quelques mots qui venaient à l’esprit pour décrire l’ambiance morbide qui régnait dans Marbrume. Le rude hiver, qui avait apporté avec lui son lot de décès, la famine, qui durait depuis maintenant trop longtemps, et l’intrusion de fangeux dans la Hanse il y a de ça deux mois n’offraient pas l’occasion de se réjouir de quoique ce soit.

« On arrive encore à se voir. »

Gisèle afficha un timide sourire. Oui, il y avait au moins ça. En dix ans il avait toujours trouvé le temps de venir la voir, de façon plus ou moins régulière. Parfois, il s’absentait plusieurs mois, mais il finissait toujours par revenir. Une réelle amitié s’était développée entre le marin et la prostituée et ils avaient confiance l’un en l’autre. Et elle l’aimait. C’était un secret difficile à garder, lui à qui elle disait pourtant tout, mais certains racontaient que toutes les vérités n’étaient pas bonnes à dire. C’était l’une de ces vérités. Elle aurait voulu le lui avouer en cet instant, soulager son esprit et son cœur torturé, mais elle n’en avait pas le courage. Elle se contenta de reporter son attention sur le jeu, faisant mine de se concentrer sur son prochain coup pour justifier son silence.

Après avoir posé un pion à son tour, Barral lui parla de sa mère, elle aussi autrefois prostituée. Gisèle se demanda alors si elle-même était capable de faire n’importe quoi pour se sortir de cette taverne. Probablement pas, autrement elle ne serait plus là depuis bien longtemps. Elle n’avait pas suffisamment de volonté pour s’en sortir, la passivité était son plus grand défaut. Elle se contentait d’attendre ; attendre que les choses s’arrangent d’elles-mêmes, attendre que les dieux la récompensent de sa patience. Ce genre d’attitude fataliste donnait rarement un résultat positif, elle en était bien consciente, mais elle se satisfaisait de sa vision du monde, malheureusement. Il était plus facile de penser que le destin jouait contre nous plutôt que de faire l’effort de prendre sa vie en main.

Gisèle écoutait Barral attentivement. Une maison à elle, la brune en avait aussi rêvé à une époque. Fut un temps où elle trouvait le bruit constant du bordel insupportable. Maintenant, elle en était venue à apprécier tout ce qui donnait vie à l’endroit, elle avait même oublié le son du silence.

Le visage de Barral changea d’expression lorsqu’il mentionna un certain sculpteur d’argile. C’était la première fois qu’elle entendait cette histoire. Elle trouvait attendrissant la façon dont il en parlait, comme subjugué par cet art et peut-être aussi par la personne. Gisèle en vint à se demander qui avait pu être cet homme pour Barral ; comment pouvait-il, à lui seul, provoquer tant de fascination ? Elle garda cependant ses interrogations pour elle, laissant à son ami le secret de ses pensées.

« Ce qui me fait penser que je ne t'ai jamais proposer de faire un tour sur l'eau. Tu aimerais ? »

L’expression de la brune s’éclaira, un sourire sincère se formant sur ses lèvres. C’était une proposition qui la touchait énormément. Barral avait toujours eu ce don de pouvoir la rendre heureuse en quelques mots.

« J’adorerai ! » Instinctivement, elle se leva pour se rapprocher de la fenêtre. Son regard se posa sur la mer calme, que l’on pouvait observer depuis sa chambre. « J’ai passé la moitié de ma vie ici, à contempler la mer sans jamais la côtoyer… J’aimerais savoir ce que ça fait. Après tout, toi tu connais mon monde, ajouta-t-elle en faisant référence à la taverne, mais moi, j’ignore tout du tien. C’est une situation à laquelle il faut remédier, n’est-ce pas ? »

Elle s’éloigna difficilement de la fenêtre, reprenant sa place face à Barral tandis qu’elle saisit une pièce entre ses deux doigts, la plaçant sur le plateau sans vraiment réfléchir.

« Dommage qu’il fasse déjà si noir, tu m’as donné envie d’y aller ! Ma chambre doit te paraître bien morne, toi qui est habitué à être bercé par les vagues… »
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