[Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur

Février 1165

Trois jours ? Dreit ne les comptait plus. C'était simplement le délai que la jeune prêtresse lui avait intimé avant qu'elle ne daigne prendre une décision. Lui ne travestirait pas son quotidien affairé à endurcir ses mains, son corps, son esprit.

La nuit avait été courte. Il s'était réveillé par intermittences, entre deux cauchemars que Rikni lui communiquait. Au réveil véritable, il possédait encore des bribes d'images et de vision dans son esprit tandis qu'il avalait un déjeuner hasardeux pour prendre suffisamment de forces, prenant quelques vivres qui lui passaient sous la main tandis qu'il rafraîchit son gosier de longues gorgées d'eau presque glacée par l'hiver. Un frisson lui parcourait l'échine quand il se déshabillait pour revêtir une tenue de cuir dans laquelle il pourrait se mouvoir sans trop de difficulté.

La brise glaciale vint lui fouetter le visage alors qu'il sortait de ses appartements, se retrouvant au dehors dans le quartier de la Hanse encore plongé dans une douce obscurité. Il en avait presque le souffle coupé mais reprit une respiration forte et se mut d'une foulée élancée, échauffant son corps au possible pour ne pas se laisser mordre par la basse température matinale.

Il arriva quelques instants plus tard devant la caserne, où les miliciens de garde, devant la porte principale, se frottèrent les yeux et reconnurent leur collègue qu'ils toisaient d'un œil mauvais, à ce demander à quoi ce stupide blondinet pouvait jouer. Dreit ne leur accorda aucune attention, se dirigeant dans la réserve, empruntant trois épées de bois marquées par le temps et l'usage, dont plus personne ne se servait dorénavant. De surcroit, les miliciens préféraient le fer, l'acier tranchant. Le bois n'était pas propice aux situations réelles pensaient-ils. Et tant mieux, Dreit pouvait se les approprier le temps d'une matinée sans créer quelque sensation de manque ou de famine parmi les autres miliciens qui préféraient passer leur temps libre à se prélasser avant de reprendre la dure besogne ennuyeuse des quarts aux remparts et dans la cité.

Le loup solitaire sortit à nouveau de la caserne, les armes empoignées de part et d'autre de chacune de ses mains. Il gardait, bien évidemment, son ensis bien affûtée soigneusement gainée dans le fourreau qui pendait à sa ceinture. Mais s'il devait anticiper la venue de quelques intéressés - notamment la jeune prêtresse - il lui faudrait, pour un avant-goût, se prémunir d'autant de matériel que nécessaire. Ainsi il se dirigea en direction d'un terrain désert, avoisinant la caserne, posant les armes en bois dans un coin et exerçant son corps, l'étirant, l'échauffant, dans l'attente de passer à la pratique par les armes.

Drôle de chose que le temps. On pense en disposer à loisir jusqu'au moment où on en a cruellement besoin. Il lui arrive de s'étendre sans passer ou de filer à l'envie sans que nous puissions le rattraper. On le gaspille. On le perds et nous n'en avons déjà plus assez. Pourtant il suffit de le prendre pour chaque chose à faire et il fructifie.

Durant les deux jours suivant cette nuit à la Hanse et les quelques mots que j'avais échangés avec grand-père j'avais repris plus que jamais mes activités au temple, me plongeant dans ce qui faisait les fondements et le quotidien de mon sacerdoce. Offices, accompagnement, prières, chant, lecture. J'aidais Théobald avec ses recherches sur de vieux manuscrits, les lisant ou les recopiant au besoin. Je recevait fidèles en quête de réponse et curieux incertains. Je prenais le temps de parler aux initiés et d'aider ceux qui ne réclamaient pas. Il y avait toujours de quoi faire. Plus même que de raison. Alors prendre le temps de faire chaque tâche au lieu de courir était à la fois un luxe et une nécessité.

A chaque pose, je me retirais dans les thermes pour méditer. Le soir je passais de longues heures à genoux dans ma cellule plutôt qu'allonger dans mon lit, glissant vers des transes toujours plus profondes et apaisées sans chercher autre chose que ce que je cherchais chaque jour depuis des mois. La paix et la connaissance. De moi. Du monde. Et c'est bien ce que je trouvais... enfin plus ou moins... comme d'habitude.

Durant ces quelques jours, les températures ne s'étaient guère montrées plus clémentes. La vague de froid avait fini par pousser les plus démunis vers le temple déjà plein comme un œuf... Et les morts s'entassaient de plus en plus... Et de plus en plus vite. Déjà les soigneurs les plus émérites murmuraient que les morts se compteraient en milliers avant le printemps alors même qu'ils ignoraient combien avaient déjà péris.

Finalement, au matin du troisième jour, regarder vers l'est ne suffisait pas a faire disparaître les ombres de la nuit. Assise devant la fenêtre, le feu flambant dans l'âtre prêt de moi et le givre s'étant emparer du côté extérieur des vitres, le soleil était à peine levé lorsque je me décidais à passer aux thermes avant de sacrifier à un très rapide petit déjeuner puis de m'emmitoufler chaudement... Et j'arrivais malgré tout a sentir mes oreilles brûler et l'air froid venir rappé ma gorge jusque dans mes poumons. Des braies de monte, des souliers fourrés, une pelisse et mon épaisse cape venaient compléter ma tenue habituelle et pour une fois, mon pendentif n'avait trouvé sa place que dessus de tout le reste. Une fine buée rythmait mon souffle alors que je marchais, droite et impassible dans les rues zébrées par les ombres étirées que lançait le soleil ras.

Honnêtement, j'étais à la fois confiante et incapable de dire ce qu'il adviendrait une fois arrivée à destination... Mais puisque je n'avais plus que mon instinct sur lequel me reposer, et bien instinct ce serait.

J'arrivais devant la caserne sous les premiers mots des crieurs publiques. Rabattant ma tresse sur mon épaule, je m'approchais lentement des hommes en faction à l'entrée principale.

« Excusez-moi. Je cherche Hérald Dreit... »

Si je m'attendais à bien des réponses, le regard qu'échangèrent les deux miliciens n'en faisait certainement pas parti... Et j'avais l'impression diffuse qu'il s'en fallait de peu pour que toute aide me soit plus ou moins refusée...

« Il est passé y'a pas long...
- Si vous l'cherchez vous devriez r'garder alentour. Il marchait par là. » m'indiqua le second d'un signe du menton.
« Merci messieurs. »

Rien de plus rien de moins et je repartais à grands pas. Heureusement je n'eut pas à chercher bien longtemps pour trouver la silhouette que je cherchais. Seul au milieu d'un terrain désert, Hérald occupait l'espace sans aucune gêne.

« Bonjour. » lançais-je simplement en faisant un premier pas sur le terrain de terre battue durcie par le gel.

Dernière édition par Hérald Dreit le Jeu 2 Mar 2017 - 0:01, édité 1 fois

Relever la tête. Ancrer son pied dans le sol. Mouvoir la hanche. Le bassin. Poing fermé mut par un bras lui-même secoué par une épaule détendue, tandis qu'on entendait le cuir claquer alors que Dreit s'entraînait à une forme bizarre de frappe dans le vide. Sa silhouette était bizarrement des plus grâcieuse ; il changeait de cette montagne de féraille qu'il avait l'habitude d'exhiber lorsqu'il sanglait son armure. Ici, il était en tenue un peu plus légère, effectuant alors un mouvement de jambe de sorte à soulever la plante de son pied jusqu'à niveau de son épaule, fendant l'air, se penchant pour étendre une puissante jambe, expirant puissament à en presque crier. Il se figea quelques secondes, se redressant, interrompu par la jeune prêtresse qui, il semblait ravi de le constater, ne lui avait pas fait faux bon.

"Bonjour. Approche, observe. Lorsque je te demanderai de répéter, répète. Pour cette fois, puisque c'est ta première leçon, j'ai besoin de ta concentration plus que jamais. Viens à côté de moi."

Il parlait d'un ton grave et autoritaire, tandis qu'il fit face au Nord, le poing renfermé sur la paume du coeur, le menton relevé et les yeux fermés. Il laissa quelques secondes s'écouler avant de prononcer ces paroles, solennelles.

"AVE RIKNI !"

Il se confondit en une courbette grâcieuse et respectueuse, allant presque jusqu'à faire un angle droit avec son corps, inspirant et se redressant. Il se dirigea vers l'endroit où il avait déposé les armes de bois empruntées à la caserne, saisissant les deux répliques d'ensis aux couleurs d'acajou, comportant quelques petits impacts le long de la réplique de la lame de bois, preuve d'une certaine usure. Tendant une des deux armes à Margot, il poursuivit.

"Il est important de saluer Rikni en début et fin de séance. Nous l'appelons à bénir la leçon que je te donne et que tu reçois. Car après la leçon, ton esprit ressortira grandi et béni de la déesse de la Guerre."

Sur ces mots, Dreit se positionna légèrement devant Margot, se tenant sur ses côtés pour qu'elle puisse l'observer. Le milicien fléchit légèrement les jambes et tint ses pieds proches et parallèle, l'ensis dans sa main gauche, le poignet légèrement replié de sorte à ce que la lame soit inclinée en biais au niveau de ses genoux. Les deux poignets positionnés à hauteur des hanches et sa main droite, libre, demeurait ouverte et droite comme s'il imitait la forme d'une lame. Il releva le menton, les yeux mi-clos, et mis doucement un pas devant l'autre. Lentement. Puis un autre. Et un autre, tout en continuant les explications.

"L'Obscuri Caeli Schola, ou l'école du ciel sombre, et ma propre voie, ma propre interprétation de l'enseignement, du trésor que m'a transmis Ronan Murinus, feu chef du ban du Croc d'Ebène et pratiquant de la Grandis Vacui Schola. Il faisait partie de la quinzième génération d'initiés. Chaque génération débute par la nomination d'un Dominus ; un chef de maison destiné à perpétrer l'existence de l'école. Ainsi le dominus de la quatorzième génération nomine le dominus de la quinzième génération, et ainsi de suite. Ronan possédait le rang de Primus, indiquant qu'il maîtrisait toutes les arcanes de la Grandis Vacui Schola. J'entends : le curriculum - l'ensemble des techniques - enseignées par l'école, mais aussi une profonde compréhension de sa philosophie, de sa voie. L'on est autorisé à enseigner à partir du rang Tertius. Et il eut fallu que Ronan succombe avant de me décerner le grade Quintus. Ainsi je ne suis pas autorisé à t'enseigner selon l'appellation Grandis Vacui Schola. D'où ma décision créer ma propre école, en reconnaissant la grande influence de l'école du Grand Vide."

Il avait beaucoup parlé au point qu'il avait parcouru la largeur du terrain. Il observa Margot, faisant demi-tour et l'observant.

"Si tu veux apprendre l'art de l'escrime, tu dois être stable sur tes appuis et ton regard doit porter au loin. Tu dois adopter une attitude noble et fière qu'ont les chevaliers qui se battent pour leurs idéaux et leur suzerains. Marche comme si tu t'ancrais dans le sol. Relève les orteils au moment de mouvoir ton pied, plante-les quand tu termines ton pas. Comme si tu t'aventurais sur un terrain irrégulier. Tu n'aimerais pas trébucher sur un obstacle, n'est-ce pas ?"

Il sourit de satisfaction à sa question réthorique, tandis qu'il observait Margot avec le plus grand intérêt.

"Meus tes hanches, avance comme si un immense boulet de détenu était scellé à ton ventre. Comme si tu devais le trainer. C'est de ton ventre et de tes hanches que doivent provenir chacune de tes intentions. Si tu sièges ta conscience dans ta tête, dans tes yeux, ton adversaire, doué soit-il, pourra aisément les percer et les lire. Un combattant expérimenté fait le vide dans son esprit et le loge dans son centre de gravité. N'oublie pas de tenir la lame à hauteur des genoux, prends le centre de tes jambes avec la lame. Comme si tu t'apprétais à donner une entaille dans la veine de ton adversaire s'il s'approchait trop près. Les jambes ne sont pas totalement protégées, et il suffit d'une entaille dans le jeu de l'armure pour trancher la veine qui va bien et le faire vider de son sang. Rien n'a été conçu au hasard."

Il attendit que Margot achève son retour de terrain.

"Je parle beaucoup. As-tu des questions ?"

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Mer 1 Mar 2017 - 2:35

Je n'eus pas le temps de m'appesantir davantage. Je m'exécutais et venais me poster à son côté sans poser la moindre question. Tel qu'il m'était demander, j'écoutais, j'observais, je retenais et je répétais... Enfin j'observais et je retenais beaucoup... Mais pour le reste...

Le salut, encore, venait assez naturellement. La portée des gestes, des rituels et des symbole ne peut être étranger à une personne qui a prononcer les vœux des prêtres. Mais les explications de la naissance de ces techniques avaient totalement emporter ma concentration et ma mémoire pour que je puisse en graver chaque mot dans le marbre et ranger les tablettes dans la bonne section de mon esprit. Et les gestes qu'il faisait durant le même temps... hmmm... Ils étaient fluides ?

En réalité j'avais bien noté le début de la séquence, juste après avoir accepté l'arme... En la soupesant, sachant à peine par quel côté la tenir.

Mais alors quand était venu le moment de bouger... la lame baguenaudant de droite et de gauche, le maintient aussi raide qu'un manche à balais, le pas ample mais tanguant, le dos tendu à m'en faire mal.. j'avais parfaitement conscience que chacun de mes geste était déplorable... et même totalement honteux. De plus, le poids de ma cape, la coupe roide de ma robe et les surcouches de fourrures n'aidaient vraiment pas.

C'était... ni plus ni moins qu'un supplice.

Je parcourais maladroitement le terrain jusqu'au bout, le rouge aux joues, me retenant de tout mon possible pour ne pas soupirer. J'étais une véritable calamité et le pire c'est que je m'en rendais compte... mais que je n'arrivais pas à faire des mouvements moins raide. C'est comme si l'intégralité de mon corps était noué, tendu et raide du sommet de mon crâne à la pointe de mes pieds...

Arrivant au bout du terrain, je n'avais réussi qu'à garder l'épée dans l'axe, ça au moins j'y arrivais... à peu près. Je passais une main sur ma nuque, aussi douloureuse et raide qu'après deux bonnes heures de lecture. Je dégrafais ma cape et allait rapidement la poser près des affaires déjà entassée dans un coin d'un pas vif. Je défit également ma ceinture d'un coup sec et précis, mon aumônière et ma bourse me donnant l'impression de peser un âne mort. En revenant, j'étais si gênée que je du m'y reprendre à deux fois pour regarder mon mentor du moment... Qui n'allait sûrement pas le rester longtemps vu la piètre performance dont je venais de faire la démonstration...

« Oui. » répondis-je après m'être rapidement éclairci la gorge. « Est-ce que tu connais un tailleur qui accepterai de me couper une chemise ? Cela ne fait habituellement partie de ma garde-robe et j'ai l'impression d'être engoncée à chaque pas. » ajoutais-je sur le ton de la conversation comme si je savais tout a fait ce que je faisais.

… Je faisais mon possible pour que mon visage reste impassible... Mais dieux que je me sentais stupide. J'aurais simplement dû demander si je devais partir de suite ou s'il préférait encore profiter un peu de ce spectacle affligeant...

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Mer 1 Mar 2017 - 12:27

Dreit se tenait droit. Sa voix était portante, il s'exprimait d'un ton mi-sérieux, mi-théâtral. Il hachait ses mots pour que la jeune fille boive chacune de ses paroles. En résumé, ce matin-là, il était quelqu'un d'un tantinet différent, qui adoptait la place du maître là où Margot adoptait celle de l'élève ; tout comme au temple où Margot adoptait la place de la prêtresse là où Hérald était un dévôt qui suivait la jeune prêtresse qui demeurait pour elle un guide spirituel. Il fallait faire preuve d'une certaine souplesse d'esprit pour accepter ces rapports inversés selon les tendances. Ainsi il esquissa un léger sourire à l'idée que Margot accepte implicitement l'idée de n'être qu'un enfant en bas âge qui apprend à marcher. Son humilité était telle qu'elle n'avait pas fini de surprendre le grand blond pâle.

"Quelque chose que je n'ai pas précisé puisque c'est systématique chez tous les êtres humains. Evidemment tu dois respirer, ne pas être en apnée lorsque tu marches. L'apnée survient parfois le temps du duel, mais doit rester moindre. Tu peux vivre des semaines sans manger, des jours sans boire, mais sans air... C'est difficile, n'est-ce pas ?"

Il se dirigea vers Margot et l'aida à se positionner, la faisant légèrement fléchir sur les jambes, lui redressant légèrement le dos, le menton, l'aidant à se tenir droite.

"Sois souple et respire. Tu verras que ça n'est pas tant une question d'accoutrement. Je m'arrangerai pour t'en fournir un qui te permette d'étudier dans les meilleures conditions, cela dit. La milice doit tenir un registre de fournisseurs. Les premières expériences sont toujours difficiles et tu as là un très bel exemple de ce qu'il se passe. N'abandonne pas."

Il se remit légèrement devant l'élève, à sa droite, pour qu'elle puisse l'observer, toujours.

"Deuxième exercice," dit-il en positionnant son ensis de bois sur sa tête, droite, tenant en équilibre à l'horizontale, "difficile en soi, mais qui t'aidera, si tu te concentres, à inévitablement garder la tête relevée et le corps droit. Ton esprit doit être également clair et ne doit pas vaciller. J'adore cet exercice de concentration."

Sur ces mots, il s'assura que la lame tienne en équilibre sur sa tête, quoiqu'un peu chancelante, et se mit à se mouvoir avec une lenteur infinie, ébruitant légèrement sa respiration afin de rappeler à la prêtresse d'en faire de même. Dreit était plus lent qu'à l'exercice précédent. Parfois la lame chancelait au point qu'elle menaçait de tomber, alors il s'arrêtait pour la remettre en place. Deux miliciens, qui passaient par là, les regardèrent avec appréhension tout en étouffant des cris moqueurs. Qu'est-ce que deux idiots faisaient là avec des épées en bois sur le crâne, après tout ? On aurait presque envie de leur faire l'aumône pour cette belle prestation qui leur paraissait vide de sens mais qui interdisait à Dreit d'avoir l'esprit ailleurs, sans quoi l'ensis tomberait inévitablement. Après une longueur de terrain, il récupéra son arme, avisant Margot.

"Comment te sens-tu ? Cela dissuade d'apprendre l'escrime, je suppose ? Je te rassure de suite, ça n'était qu'un début pour filtrer la plupart de ceux qui pensent avoir affaire à des exercices amusants. L'escrime n'a rien d'amusant en soit. C'est un art fait pour trancher, pour ôter la vie."

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Mer 1 Mar 2017 - 21:39

Respirer... Il en avait de bonne tien... Je retint un « Mais je respire ! » des plus impatients et tentais de continuer à reproduire les geste que cet homme effectuait avec tant de facilité... Cela n'avait rien à voir avec tous les enseignements que j'avais suivit jusqu'ici. Comprendre et savoir n'étaient pas suffisant. J'avais beau me repasser en boucle le film... Rien à faire. Même le chant ne m'avait pas poser de telles difficultés... A bien y réfléchir c'était même sûrement la première fois qu'un apprentissage se profilait comme étant difficile... A croire que je découvrais pour la première fois que j'étais dotée d'un corps et que je pouvais m'en servir...

Et le plus étonnant c'était que c'était bel et bien ce que je découvrais...

Un corps... Quelle drôle d'idée...

Moi qui me privais depuis des mois, qui ne l'utilisais strictement que pour passer d'un point à un autre et qui m'étais déjà fait la réflexion plus d'une fois que cette stupide enveloppe était bien la création la plus approximative des Dieux... même si je ne me serais jamais permis de les juger réellement... J'étais soudain confrontée à une échelle infime à toute la souffrance que je m'infligeais sans même en avoir conscience. Ascèse, manque de sommeil, manque de nourriture, manque d'exercice équilibrés, stress, tension musculaire et posturales... Il ne manquait plus que les douloureuses ecchymoses des deux dernières nuits pour parfaire le calvaire de deux ou trois pas qui m'étaient demander.

Voyant à quel point je m'évertuais dans la mauvaise direction, Hérald vint me redresser le menton et changer légèrement ma posture. Un contact étrange s'il en était... et gênant tant j'avais perdu l'habitude de n'importe quel type de proximité. Heureusement, la concentration m'aidait à faire à peu près fit de ce détail... à peu près.

Abandonner ?!

« Je n'en ai pas l'intention. » Si lui n'en avait pas l'intention non plus...

Malgré mon air studieux et concerné, les encouragements n'étaient pas de trop... vraiment pas de trop. Un peu rassérénée, je soufflais profondément, tentant de me recentrer tout en l'observant aborder l'exercice suivant. Ah ! Voilà quelque chose à ma portée ! Tête haute. Dos droit. L'arme factice tenait sans trop de problème sur le sommet de mon crâne tout comme le livre qu'utilisait ma mère pour m'apprendre à garder un maintient impeccable en toute circonstance. Le maintien et la concentration, ça je maitrisais... Par contre l'endurance musculaire que demandait les gestes lents et amples qu'exécutaient le milicien...

Je tenais tant que possible. Après quelques instants d'apnée à observé des mouvements répétés, le rythme de la respiration d'Hérald m'obligeait presque à reprendre de l'air. Inspirer. Bouger lentement, fluidement. L'air froid sur mon visage. Le geste en entraînait un autre. Naturellement... Mais cela ne dura qu'un bref instant. Si court que je me demandais si je l'avais vraiment senti.

Aux deux tiers, un pouffement étouffé me tira par l'oreille. Du coin de l'oeil, je voyais deux spectateurs. Mes épaules dévièrent imperceptiblement. Ma nuque et mon dos se tendirent de nouveau. L'épée en bois tomba sur le sol, impitoyable.

Je déglutis...

Mais après avoir foudroyée les deux énergumènes d'un regard glacial, je reprenais la progression jusqu'au bout du terrain, quelques peu renfrognée et en devant rééquilibrer l'arme plus d'une fois.

« Cela ne me dissuade en rien... enfin... si tu estimes que j'ai une chance d'y parvenir... »

Sentir des exercices me résister n'était pas vraiment une habitude... et je n'en étais que plus frustrée à chaque instant qui passait... Et malgré moi, cela ne pouvait que commencer à se voir.

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Jeu 2 Mar 2017 - 0:12

"Je n'ai jamais dit que ce serait simple." rétorqua sèchement Dreit, le regard dur à l'attention de Margot.

Il la fixait d'un air autoritaire, solennel, relevant le menton, s'étant figé, s'étant interrompu dans la suite de ses démonstrations. Il poursuivit ses proposes, tournant autour de Margot tel un loup tournait autour d'une brebis. Il n'y avait rien de mieux que de tester psychologiquement une personne pour se faire une idée sur sa niaque. Et la Trinité savait qu'il était au combien plus tendre que la milice.

"Une chance d'y parvenir, Margot ? Que les choses soient claires. Tu vas en baver. De plus en plus. Comme lorsque tu escalades une montagne et que la température baisse en altitude. Ce sera ta seule certitude de progresser. Parfois tu auras l'impression de stagner. Il ne faudra pas lâcher tes efforts, parce que tu seras tentée de le faire. Est-ce que j'estime que tu as une chance d'y parvenir ? Parvenir à quoi ? Atteindre le sommet de la montagne ? Cela ne suffit pas. Même lorsque tu auras atteint le sommet, tu devras continuer de grimper !"

Sa voix résonnait et idéalement raisonnait ; il perdait peu à peu son ton glacial, faisant montre d'un sérieux rare. Cette lueur, cette étincelle était perceptible dans ses yeux. C'était après tout son école, le fruit d'années de travail qu'il transmettait.

"Je redécouvre au quotidien mes propres enseignements. Je les détruis. Je les reconstruis. Créer, c'est résister. Un sculpteur crée en résistant contre la pierre. Ainsi pour sculpter ton esprit, il doit résister contre la facilité, la lâcheté, la violence, l'hypocrisie. Il doit goûter à se discipliner au travers d'une étude par le CORPS ! Va vers la difficulté !"

Il se figeait un instant, devant Margot, toujours le menton relevé, prenant des airs d'apparence hautaine, certes, mais dont la figure de mentor dissuadait à présent les miliciens, de plus en plus présents, qui allaient et venaient. Ils ne riaient plus.

"Je ne t'abandonnerai pas. Mais toi seule peut décider de progresser ou non. Si tu veux recevoir la leçon, sois un verre vide ; vide d'ego, de connaissance. Pars enfant. Pars nouveau né. Reçois une éducation. Expérimente. Trompe-toi. Apprends. Répète. C'est comme cette marche que je t'ai faite faire, où tu dois, en un sens, désapprendre certaines choses que tu as apprises. C'est DUR ! De toi à moi, je suis le premier convaincu, parce que j'ai plus d'expérience de toi et je sais donc mieux que toi ô combien l'étendue de ce monde donne le vertige !"

Il agrémenta sa dernière phrase de grands gestes de bras pour souligner ses propos ; celui du vaste monde auquel s'ouvrait Margot. En avait-elle seulement conscience. Il refaisait tomber les bras, l'air las, se taisant un instant.

"Je parle beaucoup. Un vrai moulin à paroles. C'est parce qu'il y a trop de vent, ce matin. Je vais finir par devenir une véritable statue de glace. Brrr. Tu m'imagines en statue ? Non ? J'ai pas assez de prestance, c'est ça ?"

Il plissa le regard et rit sans retenue, tout en dardant un regard amusé à l'attention de Margot.

"Eh oui, la leçon est difficile, c'est pourquoi il est nécessaire de faire des pointes d'humour pour mieux apprécier l'étude, détendre l'atmosphère. Sinon tu pourrais te braquer et ne plus revenir. Et je ne pourrai plus te martyriser. Cela ne serait plus drôle."

Il rit à nouveau. Un rire amusé, qui n'avait rien de méchant. Tandis qu'il reprit son sérieux, gardant un sourire satisfait de ses boutades, n'eussent-elles pas l'effet escompté.

"Est-ce que tu as des questions, des remarques, des objections avant que nous continuions ? Je fais perdurer le suspens avant la partie intéressante que tu attends. Je suis sûr tu tu trépignes d'impatience à l'idée de voir ce que je te réserve."

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Jeu 2 Mar 2017 - 12:05

« Moi non plus. » répondis-je froidement du tac au tac, retrouvant mon visage de marbre et mon maintien aussi raide qu'altier.

Le but n'étais en rien de me plaindre et sa réflexion m'avait une fois de plus rappeler que l'hygiène de la distance était salutaire. La sensiblerie ne devait plus être un de mes défauts, heureusement, ce genre de petites piques me le rappelaient avant qu'un véritable coup ne soit porté... Et puis cela m'aurait éviter de prêter la moindre attention aux deux imbéciles qui étaient passé par là.

J'écoutais. J'acquiesçais... Et je n'arrivais pas a savoir si j'étais amusée, affligée ou surprise de ses boutades. Non mais vraiment... Voir ce bloque de granite faire de l'humour de façon si enfantine avait quelque chose d'assez... édifiant. Et en fin de compte je ne pus retenir un demi sourire amusé à la vue de son sourire sincèrement satisfait.

« Ni question. Ni remarque. Ni objection... Mais s'il n'y avait rien d'intéressant dans ces premières bases, je veux bien manger ma cape... » ajoutais-je, peu sûre de mon propre trait d'humour. « Oublie ça... Je suis toute ouïe. »

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Jeu 2 Mar 2017 - 19:22

Il sourit à nouveau, tandis qu'il se plaçait aux côtés de Margot, légèrement devant l'élève pour qu'elle puisse, une fois de plus, observer. Placé légèrement de profil, le pied gauche devant, Dreit tenait son ensis de bois de sorte à ce que son coude se tienne collé au corps, au niveau de ses pectoraux, le poignet légèrement tordu pour que sa lame soit en biais devant lui, pointant en direction de la gorge d'un ennemi factice, imaginaire. Il fermait à nouveau son visage, celui-ci devenait froid.

"SERPENTIS MORSUS !"

L'énonciation de la technique. Entrée dans le conflit. Dreit avait presque hurlé, comme s'il avait parlé avec ses entrailles, avec le fond de son être. Ainsi, le grand blond ramena sa hanche en retrait pour se remettre face à l'adversaire imaginaire, dont il se faisait une image mentale.

Il fléchissait sur ses appuis pour s'assouplir, ramenant la lame au niveau des genoux, le regard perçant et porté au loin. Il reprenait la posture qu'il avait montrée à Margot, simplement. Ses pieds alignés et parallèles commencèrent à se mouvoir, comme agrippant le sol fussent-ils protégés par des souliers de cuir. Un pas. Deux pas.

Entrée dans le conflit. Exécutant un troisième pas plus prononcé, sur le côté, le milicien s'écartait de la ligne de coupe dans une lenteur telle que Margot puisse l'observer plus simplement. sa hanche provoqua un élan qui lui permis, en un souffle bruyant, d'étendre le bras porteur de l'arme droit devant, tandis qu'il se tenait parfaitement de profil. C'était la même technique qu'il avait exécutée pour vaincre, sans sommation, l'agresseur de la jeune prêtresse lors de leur première rencontre mouvementée.

Il fit un quatrième pas devant, ramenant son coude au corps, la lame légèrement redressée comme pour démontrer un contrôle à la gorge, tandis qu'il se redressait, ramenant sa hanche, sa lame reprenant la position de départ, c'est-à-dire légèrement de biais et pointée en direction du cou de l'adversaire. Dreit avança de quelques pas comme pour tenir en respect l'ennemi, légèrement de profil, les pas toujours petit, les pieds toujours parallèles.

Sortie du conflit. Dreit fit quatre pas en arrière, souple, avant de refaire face à l'ennemi mental, ses mains revenant aux hanches, sa lame reprenant le centre au niveau de ses genoux. Pour enfin revenir à sa posture initiale de profil. Il jeta un oeil à Margot.

"Je t'ai montré tout le cérémonial pour que tu comprennes mieux l'importance de l'exercice que je t'ai fait faire au début. Se tenir droit, attendre le moment opportun pour sortir de la ligne de coupe, l'esprit clair, contre-attaquer sans se préoccuper de sa conservation. Celui qui se préoccupe de sa survie ne se préoccupe pas du conflit, des enjeux et conséquences qu'il peut avoir. Il doit avoir l'esprit concentré sur la mort ; fût-ce la sienne ou celle de l'ennemi. Si le guerrier doit trancher, il doit sérieusement mesurer son acte. Maintenant, nous allons répéter simplement la partie des trois pas suivis de l'estoque. Avec moi !"

Le blond se remit en position, cette fois les mains aux hanches, sa lame tenant le centre, servant de modèle pour l'élève qui l'imiterait.

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Sam 4 Mar 2017 - 3:54

Pas après pas. Geste après geste. Aussi tendue que droite. Aussi instable qu'imprécise. Aussi maladroite que rapide. Je tentais de suivre chacune des exigences du maître d'arme sans la moindre plainte ni la moindre remarque. Je me concentrais sur lui, quoi de plus facile ? Peut-être trop facile… Chacun de ses gestes. Chacun de ses pas. Chacun de ses mouvements se gravait sans difficulté dans ma mémoire avec une netteté que mon corps n'arrivait pas à retranscrire malgré toute ma volonté.

Lorsqu'il avait lancé son attaque la première fois et pour chaque fois qui suivit, je revoyais son élan ce soir là, à quelques jours, quelques heures à peine de là. Je revoyais l'intensité de son regard perçant l'ennemi avant que la lame n'atteigne son but cette nuit dans la Hanse. Ce regard qui m'avait faite frissonner plus que de raison. Et pourtant je restait coite. Concentrée sur le présent pour ne rien perdre de ce que je pouvais apprendre. Pour ne rien perdre de ce que lui avait à m'apprendre.

Les répétitions furent longues et douloureuses, mais je m'appliquais autant que je pouvais. D'autant plus sévère envers moi-même que ce genres de choses étaient entièrement nouvelles pour moi, avide de ce contrôle qu'il semblait avoir sur tout ce qui l'entourait.

Bien des choses auraient sans doute put arrivée si j'avais été une élève dissipée, mais passer l'appréhension du ridicule, il ne restait que cette satisfaction diffuse d'être à en ce lieu, en cet heure, avec cet homme et la concentration que je dédiais à son enseignement.

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Sam 4 Mar 2017 - 11:27

Dreit répétait la même séquence, le serpentis morsus pour servir de modèle à Margot. Il s'arrêta en mi-chemin pour mieux contempler son élève, en qui il revoyait inévitablement une personne familière ; la personne qu'il avait cotoyée le plus au monde ces dernières années. Oui. Dreit se revoyait lui-même, mu par la volonté d'apprendre, de s'acaparer la leçon de feu Ronan quand il apprenait l'escrime à ses côtés, alors qu'il n'était encore que Decimus de la Grandis Vacui Schola. Il attendit que Margot accomplisse sa longueur de terrain. Quand bien même faisait-elle des erreurs, des erreurs naturelles que tout débutant faisaient, lui n'en rajouta pa plus afin de ne pas noyer la jeune prêtresse d'informations difficile à emmagaziner. Ainsi, il se contenta juste d'un :

"C'est très bien. Maintenant, remets-toi en posture initiale, avec la lame au niveau du cou de l'adversaire."

Il se dirigea vers elle pour l'aider à se replacer, usant encore de contacts physiques s'il le fallait pour l'aider à se remettre droite, relever le menton, lui intimer par le regard de garder des yeux mi-clos comme pour scruter l'horizon. Il l'aida à positionner sa lame correctement, montrant son propre poignet qu'il redressait comme pour casser.

"Ton poignet s'assouplira avec le temps avec cette posture. Au début, c'est difficile et j'en conviens. Maintenant, ne bouge pas."

Sur ces paroles, le grand blond pâle vint poser l'ensis de bois pour prendre une épée plus longue qui était faite pour être manipulée à deux mains. Il se positionna devant Margot, tendit la lame vers l'horizontale.

"Tu ne bouges pas. D'un cil." insista-t-il, avançant, sa lame coulissant lentement contre celle de Margot alors qu'il visait la gorge de la jeune fille. Au final, celle-ci vint se perdre à côté du cou de Margot, chassant une de ses mêches au passage.

"Tu comprends mieux l'intérêt de la posture ? On ne dirait pas comme ça, mais elle te garde en vie contre une estoque à la gorge. La lame est déviée même s'il est difficile de s'en apercevoir."

Il sourit, satisfait, puis se recula pour se placer à distance raisonnable de Margot. Une distance où les deux ne pourraient se porter de coup sans se déplacer.

"SERPENTIS MORSUS !"

Annonçant la technique, il faisait comprendre à Margot que lui et elle entraient dans le conflit. Le grand blond pâle brandit sa lame à la verticale, la tenant à hauteur de son visage, tandis qu'il attendit que son élève répète le nom de la technique et "prenne le centre" au niveau de ses genoux.

"Un."

Il fit un pas, se synchronisant avec l'élève.

"Deux."

Deux pas.

"Trois !"

Sur ces mots, Dreit expira bruyamment, le visage fermé, tandis qu'il entama une frappe d'une lenteur exagérée, comme s'il montrait à Margot qu'il allait la fendre par la verticale, lui laissant les réflexes nécessaires pour qu'elle puisse reproduire la technique. S'écarter de la ligne de coupe était le plus important. Le corps du serpent devait être suffisamment souple pour se désaxer sans trop partir sur le côté. Laisser la lame passer au ras du flanc. Et porter l'ensis en direction de la gorge, bien sûr.

Qu'elle se fût exécutée à la perfection ou non, il n'était pas question de s'interrompre. Le maître et l'élève étaient dans un conflit. En situation réelle, garder son esprit dans le combat était primordial. Aussi, si Margot avait Dreit en joue, ce dernier recula d'un pas pour qu'elle puisse le tenir en joue à la gorge, alors qu'il recula finalement de quelques petits pas, gardant les pieds parallèles, replaçant sa lame à l'horizontale qui s'était perdue à hauteur du sol. Puis c'est lui qui avançait, pointant sa lame vers le cou de Margot, sachant pertinamment que s'il tentait une estoque, il n'atteindrait pas la jeune femme. Mais c'était là toute la magie de la technique. Faire croire à l'adversaire vaincu - Dreit, en l'occurrence - qu'il avait l'avantage. Dreit s'arrêta et ramena sa lame à la verticale, la tenant à hauteur de son ventre, tandis qu'il reculait, laissant Margot reculer alors qu'elle devait reprendre le centre, sortir du conflit comme elle y était entrée.

"C'est un début très prometteur. Nous allons inverser les rôles, si tu le veux bien." dit-il en allant échanger son arme avec celle de Margot. "As-tu des questions ?"

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Dim 5 Mar 2017 - 2:48

Après un moment d'enchaînements à répéter ou de postures à comprendre et à tenir, je me plaçais une fois de plus dans la position initiale… que le maître d'arme corrigea une fois de plus. Je retint une grimasse, serrant les dent alors qui m'arquait le poignet d'une façon totalement improbable tout en prenant soin de bouger le moins possible. Suivant ses instructions orales tout comme celles de ses mains ou de ses yeux, je soufflais doucement en portant mon attention sur l'espace qui m'entourait sans fixer le moindre point, concentrée à la fois sur l'extérieur et l'intérieur de mon corps.

Je retins mon souffle lorsque la lame du milicien coulissa lentement le long de la mienne pour se perdre à quelques pouces de ma carotide, reportant mon attention sur lui plutôt que de rester pointée sur l'horizon. Je déglutis sans bouger jusqu'à ce que la lame reparte. Aussitôt mon poignet se relâcha.

« Serpentis Morsus ! » annonçais-je a mon tour en tentant de reprendre la posture qu'il avait déjà plusieurs fois corrigée depuis le début de notre entraînement, ces deux mots faisant vibrer toute ma colonne d'air avec la même intensité que les vocalises puissantes de certains airs sacrés.

Pas à pas, j'avançais à l'indication, encore mal encrée dans le sol. Mais lorsqu'il porta son attaque, je répétais une fois de plus le mouvement que je venais de longuement répéter. Plaçant un pas sur le côté, mes hanches pivotèrent lançant mon bras a vive allure dans l'axe nécessaire… Trop vive allure visiblement pour la stabilité médiocre que m'avait donné un pas trop court. A cause de la distance mal évaluée et de ce fameux pas de placement trop court, la pointe de l'arme de bois s'était immobilisée à une bonne main de la gorge de l'ennemi… et la vitesse m'avait légèrement déséquilibrée en avant. La lame du milice vint très simplement me cueillir à l'épaule malgré toute la lenteur qu'il avait imprimé à son coup… Et cela suffit pour me faucher.

Mon genou cogna douloureusement le sol. Je grimaçais mais pas un gémissement ne s'échappa de mes lèvres. Sur une injonction de sa part, je me relevais et me remettait en garde pour reprendre l'affrontement, suivant les directives de l'adversaire jusqu'à ce qu'il s'immobilise et que je reprenne la position initiale, essoufflée.

Changeant la lame de main, j'agitais frénétiquement la main gauche pour me défaire de la sensation se tiraillement qui me brûlait le poignet.

Très prometteur… Je levais un sourcil circonspect mais le contre dire n'aurait servit qu'à l'obliger à m'adresser des compliments que je ne méritais pas.

« Oui. Y-a-t-il un moyen de parer le serpentis morsus ? Autre que de bouger assez rapidement pour bondir hors de la portée de l'attaque je veux dire. »

Ce n'était pas qu'elle sentait assez bien les coups qui allaient lui pleuvoir d'ici peu sur l'épaule et le côté du cou mais… Un peu quand même.

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Dim 5 Mar 2017 - 13:32

Dreit hocha répétitivement la tête, silencieux, devant la question de Margot qu'il avait l'air de considérer intéressante.

"Bien sûr. Toute attaque qui n'est pas correctement exécutée est parable. Le serpentis morsus doit être droit, direct, tranchant, sincère. S'il ne possède pas ces qualités, il sera facilement parable. J'entends par là que si tu ne te tiens pas droit, si tu ne vas pas directement à l'objectif, que tu ne possèdes pas la volonté de trancher et que tu n'es pas sincère dans tes intentions, alors tu pourrais courir à la défaite. En escrime, il faut savoir trancher, estoquer sans se soucier d'autre chose que de trancher et d'estoquer. Si ton attention est tournée sur ta conservation, sur ton avenir, alors ton attaque ne sera pas sincère et tu seras vaincue. Tu dois penser à l'instant présent, à la victoire. Je ne t'enseignerai aucune botte secrète, aucune technique cachée pour la simple et bonne raison qu'il n'y en a pas. Quel intérêt lorsque tout réside dans la droiture du coeur de l'escrimeur ?"

Il se tut un instant et se mit à son tour à la position de l'élève, celui qui exécuterait Serpentis Morsus.

"Si tu veux parer le Serpentis Morsus, ne cherche pas à parer. Cherche à trancher. Pars avec l'intention de me fendre le crâne en deux. Je suis sérieux."

Il attendit que Margot annonce la technique ; c'était à son tour de brandir la longue épée pour trancher Dreit à la verticale.

"SERPENTIS MORSUS !" clâma Dreit à l'attention de Margot, faisant ressortir de ses entrailles son esprit guerrier, comme s'il était vraisemblablement prêt à tuer Margot. Si l'atmosphère d'étude atténuait la peur, parfois un simple cri de guerre suffisait à faire douter l'adversaire et le vaincre.

Dreit positionna sa lame au centre, fermant à nouveau son visage, perçant sa jeune élève d'un regard mi-clos, le menton relevé, la bouche mi-ouverte pour ne rien laisser trahir sur son rythme respiratoire.

Un pas. Deux pas. La tension était à son comble. Margot allait-elle réussir à attaquer Dreit sans dévier sa trajectoire, comme si elle voulait vraiment le tuer, ou imaginait-elle qu'elle n'avait le droit de blesser son professeur ? Cela faisait toute la différence entre un véritable escrimeur et un être humain armé qui ressemblait à un escrimeur. Dreit attendait, impassible, visage fermé, ne laissant trahir aucune intention, quand bien même Margot savait qu'il finirait en Serpentis Morsus.

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Lun 6 Mar 2017 - 1:01

« Te fendre le crâne... Tu es sérieux ? »

Mais visiblement... Il l'était.

Cet fois l'exercice était légèrement différent. Je n'avais pas à me concentrer sur la technique, sur ma position exacte. Seulement sur le coup. Le timing. Et le coup.

Je me mettais en position, calme. J'énonçais le nom de la technique. J'inspirais profondément, consciente qu'il n'hésiterait pas à frapper. J'expirais, légèrement plus basse sur mes appuis, mes doigts prenant bonne prise sur le pommeau de la longue arme. Le bois était légèrement granuleux. J'inspirais, les yeux mi-clos, le menton haut, le dos droit. Mes épaules, soudainement et étrangement détendues s'abaissèrent de quelques centimètres, une impression à la fois plus souple et plus fière se dégageant de toute ma posture. J'expirais, jaugeant mon adversaire tout en ayant conscience de tout ce qui m'entourait. J'inspirais.

« SERPENTIS MORSUS ! »

L’écho du cri de guerre ne me fit pas même frémir. Dans un état de conscience proche de celui des transes dans lesquelles je passais tant de temps, j’abattais mon arme a une vitesse fulgurante. Consciente des mouvements de mon adversaire, j'arrivais a voir avec exactitude le point d’impact. Sereine. Soufflant dans un sifflement quasi reptilien. Le coup tomba avec rapidité, puissance et précision. Imperceptiblement, l'axe avait suivit le pas de côté nécessaire au serpentis, comme happé par sa cible.

Un coup. Une cible. Les risques que j'encourais n'existaient plus.

Le choc se répercuta le long de mon bras.

HRP:

Sujet: Re: [Terminé] L'Ecole du Ciel Obscur Lun 6 Mar 2017 - 19:23

Tout allait vite et lentement à la fois. Vite parce que l'élève comprenait que si elle voulait parvenir à ses fins, alors elle ne devrait pas faire semblant d'attaquer. Et lentement parce qu'elle ne se douterait pas que Dreit anticiperait son comportement. Il était naturel, pour un élève, soit de mal intérprêter les directives, soit de mordre comme un chiot enragé au mollet du maître, de remettre en questionnement la leçon, l'étude. Dans les deux cas, il s'agissait d'une erreur naturelle au processus d'apprentissage. Ainsi, si Margot n'avait pas fendu avec sincérité devant elle, croyant qu'elle réussirait à atteindre Dreit qui prévoyait d'effectuer un Serpentis Morsus sur le côté, le grand blond pâle expira silencieusement, calme, ne déviant nullement de la ligne de coupe et se contentant finalement d'envoyer son pied en direction du nombril de la jeune prêtresse, lui administrant un coup ni trop fort, ni trop faible. De quoi la secouer et perturber son équilibre, tandis qu'il reçut un coup amoindri sur l'avant bras. Un léger picottement se fit ressentir. Il fronça les sourcils une fraction de seconde, mais reprit de sa contenance, ne laissant rien paraître de la légère douleur qui s'était installée quelques secondes durant.

"Je t'ai parlé de me fendre le crâne. Pas l'avant bras. Dans cette situation, le serpentis morsus n'est pas approprié. J'aurais pu être plus sournois et te porter un coup à la gorge, droit, sans fioriture. Tu n'as pas été sincère dans ta démarche. Un escrimeur doit être sincère et aller droit au conflit pour trancher. Si son coeur n'est pas droit, alors il ne peut trancher. Ainsi celui qui se refuse à étudier le coeur, se refuse à étudier l'escrime. Maintenant, chère élève, je veux que tu recommences et que tu viennes me trancher droit, comme si tu avais la ferme intention de trancher. De me tuer. Comment puis-je te montrer l'efficacité du Serpentis Morsus si tu ne coopères pas, si tu ne portes pas en toi cet esprit d'étude ?"

Sur ces paroles, il s'éloigna de nouveau, se remettant en garde haute, de profil, comme pour intimer à l'élève de recommencer.

"SERPENTIS MORSUS !" clâma-t-il à nouveau, un peu plus convaincant à chaque démonstration. Il se mit en garde basse, les pieds parallèle, toujours aussi imperméable à toute émotion, l'esprit engagé dans le duel tandis qu'il perçait d'un regard glacial la silhouette de l'élève.

Un pas.

Deux pas.

Il attendit, sur le qui-vive, que Margot daigne enfin lui montrer qu'elle était capable de lui porter un coup fatal de là où il se trouvait.