[Terminé] l’Enquête - Antonin - Partie I (PV Herald Dreit)

10 Aout 1165

Le sang vert et le sang bleu avait donc conclu à un partenariat "gagnant - gagnant", chacun d'eux ayant pour objectif de faire tomber un élément nuisible à leur intérêt respectif. Quelques jours plus tard après la signature écrit de l'accord, le milicien Dreit avait donc pour objectif de faire tomber le gérant du Bordel le plus réputé des Bas Fond, en la personne d'Antonin.

L'établissement voyait la présence d'une clientèle hétéroclite. L'immense bâtiment n'avait rien de comparable au luxe qu'on pouvait y trouver à l'Effeuill'Âge et son nom correspondait bien à l’Atmosphère des Lieux, le "Noir-Désir". A l'entrée, il n'y avait pas de service d'ordre aussi attentif que dans le quartier mondain mais la présence de gorilles montrait que le gérant était prêt à réagir à la moindre complication. Bien entendu, l'homme faisait en fonction de sa personnalité et les gaillards semblaient salement amoché par le temps, sans doute d'ancien mercenaire à la retraite.

C'était une soirée comme une autre, quelques putains cherchaient à appâter les clients dans les ruelles crasseuse. Il y avait également des rabatteur qui proposait des tarifs réduits sur les consommation mais également sur les prestations de certaines filles. A l'intérieur, l'établissement puait l'alcool, la décadence, l'outrance et les fumées épaisses de certains produits embaumait les lieux pour parfaire l’atmosphère obscure, voir glauque, affirmée par une légère lumière rougeâtre des plus tamisée. Dans l'espace commun, les affaires semblaient vite se conclurent et les filles de joie s'en donnaient à cœur joie. L'alcool coulait à flot tendit qu'Antonin faisait un rapide état des lieux, satisfait.

A l'arrière boutique, quelques habitués au nombre de quatre, profitaient d'une table de jeu, une partie d'osselet en cours, picolant comme des trous, fumant de l'opium, quatre catins sous la table, à genoux s'occupant goulumant et bruyamment de leur virilité.

Le contexte était donc dressé! L'endroit transpirait de sa réputation sombre et bon marché. Alerté par un ivrogne qui refusait de payer sa parti de jambe en l'air, Antonin ordonna à trois de ses sbires un passage à tabac avant de jeter le pauvre imbécile sur le trottoir sans aucune autre forme de procès.

Antonin...

La première fois que le grand blond pâle l'avait rencontré, c'était avec Le Pêcheur lors d'une escorte dédiée à Aalicia Caldéran. Celle-ci l'avait d'ailleurs presque battu à mort alors qu'il avait insulté ouvertement le Comte de Rougelac. Il n'était pas difficile de deviner qu'il existait entre les deux hommes une certaine animosité, une rivalité. Et c'était dessus que le grand blond pâle déciderait de jouer pour rendre service au Comte en échange d'une contrepartie qu'il convoitait : la capture du dénommé René de Cécendre. Le problème, c'est que l'établissement de Antonin, le Noir-Désir, était le plus réputé du bas-fond et que son action risquerait de faire le plus grand bruit. En plus de s'engager dans une entreprise périlleuse et risquée, bien sûr.

Heureusement, il était en compagnie de trois de ses acolytes dont il avait réussi à solliciter les services. Messier, qui était au courant de l'histoire, n'en était que plus investi. Et même s'il ne témoignait aucun respect apparent envers la personne de Victor de Rougelac, s'il était question de rendre la justice, il le ferait. Il y avait aussi Asselin, Rémi Asselin, dont le caractère chevaleresque et serviable étaient plus que profitables au grand blond pale. Alphonsine Stuart complétait l'équipe, bien qu'il eut été difficile de la convaincre, car même si elle était misandre au point de haïr encore plus les hommes qui rendent la condition de la femme horrible, l'idée de faire des "quarts supplémentaires au Noir-Désir" ne l'avait pas enchanté de prime abord. Mais au final, ils étaient tous les quatre réunis, et cela maximiserait leur chance de survie si ces idiots essaieraient d'en venir aux armes. Et ils essaieraient sûrement pour emporter les miliciens dans leur déchéance.

C'était donc bel et bien une soirée comme une autre en apparence. Les miliciens s'étaient séparés en deux groupes de deux pour ne pas éveiller de soupçons sur un possible rassemblement illégal en dehors de la caserne. Ce n'est que lorsqu'ils arrivèrent à bon port qu'ils se rejoignirent, formant un groupe de quatre, comme deux binômes qui se croisaient là par hasard et qui avaient cru apercevoir du grabuge, notamment cette personne qui se faisait éjecter du Noir-Désir. Il s'était fait refaire le portrait, l'arcade brisée, la lèvre enflée et l'oeil gauche complètement recouvert d'un oedème noir. Elle ne comprenait absolument rien à ce qui lui arrivait, ayant visiblement trop de sang dans l'alcool pour pouvoir faire circuler correctement l'information à son cerveau peu irrigué. Dans un instinct primitive, il se relevait, chancelant, à la recherche de son chez lui, sans douté guidé par sa moelle épinière plus que par sa raison.

Le plan était simple : montrer patte blanche, les faire tomber dans les règles. Ainsi Dreit s'approcha de l'entrée, faisant face aux deux gorilles, se tenant à distance respectable. Pas de bonjour cette fois, protocole exige.

"Milice de Marbrume, inspection des lieux imminente, veuillez nous laisser le champ libre." dit-il d'un ton monotone et froid tout en toisant les deux brutasses qui se tenaient devant la porte.

Il n'était pas difficile de deviner que ceux-là étaient rompu au combat. Mais eux se doutaient-ils que Dreit et Messier, qui étaient de loin les plus imposants visuellement, étaient loin d'être les plus dangereux des quatre ?

Les deux gorilles se tenaient donc devant la porte de l'établissement des Plaisirs. Leur mines et leur nombreuses balafres semblaient bien indiquer qu'ils n'étaient pas là pour laisser entrer quiconque. Le regroupement de quatre individus ne leur avaient éveillé aucun soupçons, ce genre de scène pouvant arriver fréquemment. Le quadruo approcha alors du "Noir-Désir", mettant les deux videurs en alerte. Des clients potentiels? Croisant leur bras devant leur torse, affichant de sacré biceps, ils froncèrent finalement les sourcils lorsque le blond prit la parole pour leur annoncer qu'ils étaient de la Milice et qu'il venait pour une inspection.

Le plus grand des deux molosses, un bon mètre quatre vingt dix huit, le fixa, relevant légèrement le menton en décroisant ses bras, les poings fermés.

- Z'avez un mandat?

Répondit-il sèchement. Il n'y avait encore aucune hostilité apparente, mais les deux gorilles n'allaient clairement pas laisser passer ces représentants de la Loi sans justificatif écrit. Alors qu'il attendait une réponse, le second frappa discrètement par 4 coups la porte. Signal au videur se trouvant de l'autre coté de la porte afin qu'il verrouille l'accès par l'intérieur. Se faisant, son regard se reporta ensuite sur les trois autres individu accompagnant Herald Dreit.

C'est vrai, ça. Dreit avait-il un mandat ? La réponse, bien évidemment, était négative. Et plus il passait du temps ici en compagnie de ses trois alliés, plus il était exposé et éveillait les soupçons. Il lui fallait tenter un autre angle d'attaque avant de sonner la retraite pour ce soir ; trouver un moyen d'entrer coûte que coûte, ce qui permettrait au quatruo d'être tant à l'abri de la milice qui pouvait enquêter sur des regroupements suspicieux, tant en danger puisqu'ils seraient en territoire ennemi. Mais ça n'était pas le moment de se défiler.

"Vous n'aimeriez pas que je me souvienne de votre visage à tous les deux lorsque j'aurai fait tomber la tête de votre chef. Si c'est l'argent qui vous intéresse, je connais un employeur qui serait ravi de vous engager à la place du propriétaire du Noir-Désir. Vous êtes sûr de vouloir entraver un milicien dans son enquête ?"

Sur ces paroles, Dreit imprimait soigneusement le visage des deux gorilles sur sa rétine, relevant le menton à son tour. Asselin, Messier et Stuart, quant à eux, gardaient une main sur le pommeau de leur arme, tant pour faire montre de dissuasion que pour parer à une éventuelle agression de la part des deux loubards. Pour l'heure, Dreit, quant à lui, cherchait un moyen de les convaincre de se ranger à ses côtés. Un ennemi que tu vaincs reste un ennemi, mais un ennemi que tu convaincs peut devenir un ami. De quoi avaient besoin ces deux-là, qui plus est ? Pendant ce temps, Asselin et Stuart prirent l'initiative de s'éloigner, légèrement, comme s'il s'agissait un binôme complètement indépendant.

Si le milicien Dreit pensait amadouer les deux loubards par des promesses en sonnantes et trébuchantes c'était mal les connaître. Il venait d'adopter une tactique frontale, mais en face de lui ces deux hommes de carrure imposante avaient une certaine expérience de la vie. Les menaces, au vu de leurs balafres, ils en étaient immunisés, quand au soudoiement, Antonin n'était pas fou, il recrutait en fonction de certains critères tel que la loyauté. Dreit tombait donc sur un os. Le premier gorille, Hans, voyait bien comment le blond le mixait et cela lui fit esquisser un léger sourire en coin avant de lui répondre, employant le tutoiement.

- Tu peux retenir mon visage, si tu crois me faire peur.

Le second videur nota le retrait de deux des miliciens sans sourciller avant qu'Hans reprenne la parole.

- Bon, si t'as une preuve, tu montre, sinon tu dégage. Je me fiche bien de tes belles paroles.

L'homme ne pouvait pas être plus clair, Herald faisait face à des tête dur, sans doute d'ancien milicien ou mercenaire. Bref des vétérans qui n'étaient pas né de la dernière pluie et qui n'y allait pas par quatre chemins. Toute négociation semblait vouée à l'échec. Un passage en force? Il faudrait alors mettre à terre les gaillards et enfoncer la porte, enfin si elle n'était pas de bonne facture. Qu'allait donc faire Dreit et sa bande? Se replier, trouver une autre issue?Reporter leur intentions au risque qu'Antonin fasse disparaître toute preuves compromettante se sachant surveillé?

(désolé Herald, je le joue pas facile hein mais c'est ce que j'avais en tête vis a vis du caractère des deux gaillards :) )

Le grand blond pâle esquissa un sourire fin et satisfait tandit qu'il plissait le regard. Il ne s'était pas attendu à tomber sur des individus loyaux à Antonin, surtout dans une entreprise pareille. S'ils faisaient montre de loyauté, la probabilité qu'ils fussent miliciens dans une autre existence était plus grande que celle d'être mercenaire. Il avait donc affaire à des individus respectables. Restait à savoir ce qui les liait à Antonin et ce qui leur permettait d'avoir la conscience légère que de travailler pour un possible baron du crime organisé. Deux tentatives, deux échecs. C'était une délicieuse difficulté. Mais alors qu'il mijotait un troisième angle d'attaque, contre toute attente, une main solide se posa sur son épaule. C'était celle de Messier qui s'était mis au niveau de Dreit pour mieux observer les deux vigiles, notamment celui qui avait parlé. Il l'observa un peu plus en détail malgré l'obscurité ambiante.

"... Hans...? Je rêve pas, c'est bien toi ?"

Le vieux Messier fronçait les sourcils, visiblement persuadé de connaître le grand barraque occupé à quelques joutes verbales en compagnie de Dreit. Si ça n'était pas le grand blond pâle qui avait l'initiative de la troisième tentative, c'était le milicien trappu qui attendait une réponse de son interlocuteur. Il se permit de rajouter :

"Tu te souviens de moi ? C'est Messier. Basile Messier. On était dans la même lance il y a dix ans."

(Sois pas désolé, c'est le jeu et je creuse ! Razz

)

Il s'agissait bien d'un ancien membre de la Milice. Jusque là, Hans n'avait pas vraiment prêter attention à l'homme robuste resté en retrait des pourparlés. L'attention du molosse se porta sur l'individu qui dans sa silhouette lui ressemblait par quelques traits. C'est alors que Messier le reconnu ! Un ancien compagnon de caserne. Tout comme lui, il fronça légèrement les sourcils pour mieux l'observer non sans garder sans posture.

- ... Basile!?

Un sourire franc s'afficha sur son visage.

- Vieux briscard ! Ça fait une paire! Ahah! J'vous qu't'as pas raccroché l'uniforme? Bon sang, après toutes ses années de services! Faudrait te mettre au vert!

Il posa les mains sur ses hanches, les poings venant donc de se déserrer. Même s'il connaissait Messier, rien ne disait qu'il allait faire un traitement de faveur, surtout que Dreit avait annoncé la couleur sur ses intentions quand à fouiller le bordel de son patron.

L'air éternellement sombre de Messier semblait s'illuminer alors qu'il reconnaissait un vieux camarade avec qui il avait vécu des choses indescriptibles et uniques, bonnes comme mauvaises. Il s'approchait pour lui accorder une accolade ponctuée de quelques grosses tapes dans le dos, d'un air bien fraternel.

"Ah que veux-tu, vieille branche, cet uniforme me colle à la peau. J'ai déjà pensé à me mettre au vert mais j'saurais pas quoi foutre de ma vie misérable. Et puis tu sais, avec la Fange, faut bien qu'y ait des séniors dans les rangs pour montrer l'bon exemple aux plus jeunes."

A ce propos, il tourna un regard vers Hérald.

"Dreit, j'te présente Hans. C'est un ancien milicien. Ca explique en partie pourquoi tu n'as pas vraiment pu l'amadouer avec tes méthodes basiques qui auraient marché sur n'importe qui courant après l'argent et le profit. Mais Hans n'est pas comme ça, c'est un dur à cuir qui a quitté la milice pour obligations familiales."

Il se tourna vers Hans.

"Hans, j'te présente le milicien Hérald Dreit. Je sais que vos premiers contacts sont tendus, mais crois-moi, ce milicien est un type droit dans ses bottes qui n'a pas peur de faire des écarts et qui ne fait pas cas de sa propre survie. Vous avez bien plus en commun que vous ne le pensez tous les deux."

Sur ces paroles, Dreit toisait Hans avec un simple hochement de tête en guise de considération du milicien retraité. C'en était que plus intéressant que de devoir badiner avec quelqu'un de cet acabit.

"On s'y est mal pris vieux. Tu sais quoi, pour me faire pardonner, j'te paie un buck à la fin de ton service. Ca serait cool qu'on discute Dreit, toi et moi. Histoire que je t'explique un petit peu ce qu'y se passe. Tu finis bientôt ton service ? Tu saurais me rejoindre à l'Albatros ?"

Sur ces mots, Dreit fit signe de loin à Asselin et Stuart, qui disparurent au premier coin de rue à faire des quarts sans solde. Il n'y aurait pas d'attaque frontale ce soir.

Malgré l'échec par deux fois du fougueux blondinet, une dernière carte allait être joué, par l'intermédiaire de Messier. Finalement sous ses airs rustre, l'homme n'était pas dénué d'un sens certain de réflexion. Hans semblait approuver les dire de son ancien compagnon de caserne, il fallait bien montrer à la jeunesse les bases et les quelques ficelles du métier et le molosse ne manqua pas de lâcher une pique taquine à l'attention d'Herald.

- Ton ami à bien besoin de tes conseils en effet.

Histoire de tester le sang froid du milicien Dreit. Sur ces mots, les présentations furent faites par Basile, Hans fier que son ancien ami le régal de quelque compliments. Les deux hommes se toisèrent un instant du regard, chacun prenant en considération son vis à vis avec respect. C'est alors que Messier, qui avait réussit à légèrement détendre l'atmosphère, céda à quelques excuses sur le déroulé de leur visite impromptu, proposant alors à son vieil acolyte de lui payé un coup après son servir. Sa tentative avait fait mouche. Prendre Hans par les sentiments et l'alcool était exactement la meilleur méthode à adopter et Dreit allait en prendre de la graine.

Après les accolades et mises au point, le gaillard céda donc non sans jeter un regard à son complice quelques mètres derrière lui qui n'avait heureusement pas clairement comprit la teneur des propos. Venant donc serrer la main de son vieil ami, une petite friction de torse à torse, il lui glissa à l'oreille dans un murmure.

- Dans une heure. Marché conclu fripouille... mais... dit au petit blond de se détendre des braies... trop tendu ton bonhomme... j'voudrais pas lui arranger le portrait si tu tiens à lui.

Un clin d’œil discret, une dernière accolade et les miliciens quittèrent les lieux. Hans prit alors à part son équipier d'entrée, lui racontant alors une histoire qui tenait debout afin que ce dernier n'aille pas prévenir le patron quand à ce méfier de lui à l'avenir. Pour le reste, hélas, Antonin allait sans doute être au courant que la milice en avait contre lui.

Une heure plus tard, finissant son service, il se rendit comme prévu à l'Albatros, ravi de pouvoir tailler une bavette avec Basile et d'en savoir un peu plus sur cet étrange intérêt de venir fouiller le "Noir-Désir".

Après l'accord convenu entre les deux vieux de la vieille, Hérald tira sa référence et tourna les talons en compagnie de Messier, le temps d'effectuer encore quelques quarts paisibles en attendant l'entrevue avec Hans à l'Albatros.

"Une chance que je sois ton partenaire, Messier. Cet individu est un adversaire redoutable, et si nous pouvons enfaire un allier, c'est d'autant meilleur."
"Ce que j'apprécie chez toi, c'est que tu te laisses pas emporter ni ne sort de tes gonds quand quelqu'un comme Hans pense te faire perdre la face. Et puis tu as deviné que c'était un type bien, reste à savoir ce qui l'a amené à bosser pour Antonin. J'pense qu'avec la crise il était sur la paille et a dû trouver de quoi subvenir aux besoins de sa famille."
"Pourquoi ne pas avoir regagné la milice ? Un homme de sa carrure comme lui qui m'a l'air respectable... Cela doit cacher quelque chose. Nous devinerons ce qu'il en est."
"De toute façon, s'il postulait en cette période, ça risquerait peut-être de coincer vu le niveau de grattage sur la vie passée des miliciens en ce moment. On est tous passé au crible. Faut que tu fasses gaffe Dreit. T'as sûrement la pègre à l'arrière train, en plus de n'inspirer que du mépris de la part de tes pairs et de la hiérarchie. Si tu te mets le Comte de Rougelac ou Antonin à dos en plus... T'as vraiment rien à perdre, décidément.
"Voilà longtemps que j'aurais dû mourir, de toute façon."

[...]

Le reste des quarts s'était déroulé dans un silence relatif. Les miliciens avaient fini par rejoindre l'Albatros.
"Commande deux bucks s'il te plaît." manda Messier à Dreit, le gratifiant d'une table sur l'épaule tandis qu'il allait rejoindre Hans déjà attablé. "Te revoilà, vieille branche. J'suis content que tu sois venu... J'y crois pas, ça fait dix ans. T'as sans doute pris la bonne décision à l'époque. A notre âge la vie est un peu dégueulasse. Nos sens pourissent, on se fait de plus en plus traiter comme de la merde, on n'arrive pas à suivre les jeunes pousses fougueuses qu'on de l'énergie à revendre... M'enfin ça c'est pour le commun des mortels. Toi et moi on a toujours été solide. Qu'est-ce qu'y s'est passé pour que t'en sois à travailler pour un bordel ? T'as des problèmes de sous ?"

Dreit arriva à la table, tenant deux chopes d'une poigne de fer, un verre d'eau dans l'autre main, tandis qu'il déposait les consommations sur la table, adressant un bref signe de tête à Hans, ni trop soumis, ni trop respectueux. Juste cordial.

"Ecoute mon pote, je sais que Dreit et toi ça s'est pas super bien passé tout à l'heure, mais fais-moi confiance, le blond est plutôt correct sous ses airs froids et menaçants. Tu peux tout me dire, à moins que tu veuilles vraiment qu'il n'écoute pas."

A son entrée dans la taverne, Hans balaya rapidement la salle principale du regard. Son ancien ami n'était pas encore là. Haussant les épaules, il se dirigea vers une table libre en coin de salle. Ainsi, il pourrait bavarder avec Basile et Herald sans que les oreilles indiscrètes ne le contraigne à rester sur sa retenue. A peine venait-il de poser ses fesses sur la chaise que Basile fit son apparition, s'installant face à lui, ravit de retrouver son ancien compagnon d'arme, non sans rapidement chercher à savoir ce qui l'avait amené à louer ses services à cet homme d'affaire véreux.

- Ouai ouai ça fait bien dix piges! T'as pas changé! Toujours la même tronche, Ahah! Et ouai, les jeunots ont la dent longue, la milice c'est pu comme c'était...

Dreit arriva à ce moment précis, interrompant le molosse qui travaillait au "Noir-Désir", apportant une choppe à chaque chacun. Il reporta son regard sur le blond, un peu méfiant jusqu'à ce que Basile cherche à apaiser ses craintes. Un léger silence s'installa, Hans caressant nerveusement son buck avant de sembler se détendre.

- Nan c'est bon l'ami... il peut rester. Mais pas d'entourloupe hein.

Il porta la choppe à ses lèvres, prenant une bonne rasade à pleine gorge avant d'émettre un bruit de bouche significatif. La bière était bonne et fraiche! Son visage se fit alors plus sérieux avant qu'enfin il ne se mette à répondre à Messier.

- Des problèmes de sous? Bahhhh tu sais... avec le solde versé à l'époque, j'ai flambé aux jeux au "Noir-Désir" et de fils en aiguille, tu mise ce que t'as pu pis du coup... j'ai une grosse ardoise mon pote! Alors... bah... on a conclu à un accord. Tu sais, Antonin, il a son réseau. Alors j'ai pas envie d'creuser la tomb' d'ma fille et d'ma femme. Tu comprends... j'pouvais pas vous laisser rentrer. Mais bon... là faut dire qu'il est forcement au courant maintenant que la milice lui cherche des noises.

Le vieux Hans se confiait volontiers à son vieux camarade Messieur tandis que les deux trinquaient à leurs retrouvailles, le milicien trapu vidant sa chope de moitié, visiblement fier de retrouver quelqu'un avec qui il avait partagé des moments et des émotions que seuls les deux compères pouvaient s'expliquer. Dreit, quant à lui, restait respectueusement en retrait, observant les deux pépères, portant son verre d'eau à ses lèvres, ne buvant qu'une modeste gorgée.

"T'as merdé, vieux pote... M'enfin je suis pas là pour te sermonner. Dreit, tu lui résumes la misère ?"

Le blond planta un regard froid dans celui de Hans.

"Nous cherchons à démanteler une possible cellule de la secte des pacifistes. Pour cela nous avons besoin d'épier et possiblement arrêter un dénommé René de Cécendre ; je pense qu'il s'agit d'une fausse identité sous laquelle se cache un éminent de la secte bien au chaud sur l'esplanade. J'ai dû passer un accord avec l'ennemi. Vous n'êtes pas sans connaître l'Effeuil'Âge. J'ai offert au Comte de Rougelac de faire tomber un de ses adversaires - votre employeur Antonin - en échange de René de Cecendre. Pour cela j'ai besoin de trouver un motif pour le faire plonger légalement. Je sais qu'Antonin transgresse les lois tout comme je sais que le Comte de Rougelac le fait également. J'ai besoin de trouver les bons éléments compromettants pour agir dans les règles. Si vous nous aidez, Hans, nous pouvons effacer votre ardoise et vous aider à déménager à Labret. Vous serez hors de portée de ceux qui vous font chanter, et je suis sûr que votre femme et votre fille resteront en sécurité avec un homme de votre trempe même si l'on y est davantage exposé à la Fange et aux Bannis. Vous pourrez sûrement retrouver la voie de la milice voire servir en tant que mercenaire pour protéger les villages si récemment reconquis. Je ne vous connais pas, mais mon sens de l'honneur et de la droiture me feront jusqu'à aller vous aider grâcieusement si vous nous aidez à tomber Antonin au nom de Marbrume."

"J'te précise que j'suis pas du tout d'accord avec l'idée d'avoir pactisé avec le Comte de Rougelac. C'est vraiment quelqu'un d'horrible mais c'est la seule solution qu'on a si on veut possiblement approcher un plus gros poissons. Et tu connais la secte dont on parle, ils sont connus pour saboter Marbrume pour laisser passer la Fange. Rappelle-toi Janvier."

Sur ces paroles, les miliciens reprirent une gorgée, l'air de rien, toujours scrutant le vieux Hans qui leur faisait face.

Hans n'avait pas besoin de donneur de leçons, d'ailleurs son vieux compagnon d'arme ne le brima pas outré mesure, laissant alors la main à son acolyte, le blondinet Herald Dreit. Pour les miliciens, l'aveux du gaillard était suffisant pour qu'ils lui accordent leur confiance. C'est donc en sirottant sa mousse que son attention se porta sur un Herald totalement transparant, qu'importe ce regard froid, le videur ne s'en inquiétant outre mesure, conscient que cette attitude faisait parti du personnage en règle général.

Que de révélations! A peine croyable ! Une secte, un accord avec un prestigieux concurrent d'Antonin. Une tête devait donc tomber pour le bien de tous, qu'importe si cela devait élever un homme pas forcément blanc comme neige à un statut encore plus difficile à atteindre, étendre l'influence d'un Comte pour une cause commune. Hans acquiescait par moment, réprenant sa mousse sans jamais quitter son interlocuteur des yeux.

Evidemment on lui offrait une porte de sortie, une retraite en or? Non, mais de quoi lui redonner une certaine fierté. L'homme trapu posa son buck... pensif... Se frottant les arcades... songeur. Il prit connaissance des remarques de son ami Basile et reconnaissait bien la le caractère de cette fripouille qui avait un sens de l'honneur profond.

- Ouai mon pote, j'comprend... Le Comte de Rougelac... c'est pas un enfant d'coeur... c'est ptète même pire qu'Antonin... mais ça joue pas dans la même cours.

Il observa les miliciens tour à tour, reprenant.

- Ouai Janvier, putain d'Janvier d'mes couilles! Saloperies! Si la menace existe... faut pas laisser la vermine s'étendre. Bordel de secte...

Il serra les dents, conscient qu'il allait devoir s'engager à ses risques et périls.

- Vous avez conscience qu'votre Comte va prendre en pouvoir si Antonin chute? ... bon... j'crois que j'ai pas l'choix. J'suis des vôtres. Mais si doit m'arriver quelque chose, jveux qu'les miens manquent de rien hein.

Il posa récupéra la poignée de sa chope, tendant sa bière en guise d'accord.

- Y vous faut quoi ou faire quoi? Faudra la jouer fine et pas en force. J'suis tout ouï.

Le grand blond pâle opina gravement du chef aux dires de Hans, buvant une nouvelle gorgée d'eau.

"C'est une éventualité que j'ai effectivement calculée. Mais il est parfois bon d'être proche de ses ennemis pour mieux les étudier. Aussi j'évoquais la possibilité de récupérer des éléments compromettant sur le Comte de Rougelac par l'intermédiaire de cette mission. Deux rivaux doivent forcément avoir entrepris de s'être espionnés les uns les autres dans cette lutte de pouvoir. Lorsqu'il est question d'avoir deux adversaires plus forts que soit, le mieux est de les tourner les uns contre les autres."

Le grand blond pâle leva son plafond au regard comme pour fouiller sa mémoire, à la recherche de détails qu'il aurait pu omettre, ou simplement d'une stratégie à adopter. Il porta à nouveau son attention sur Hans.

"Commencer par nous dire tout ce que vous savez sur Antonin qui justifierait sa mise au cachot et sa radiation du milieu du proxénetisme est un très bon début. S'il s'avère que cet individu est blanc comme neige, je n'aurai d'aurte choix que de revenir sur mon accord avec le Comte de Rougelac."

Dreit avait déjà été réprimandé pour avoir assassiné un collègue, en plus d'en avoir attenté à la vie d'un sergent. Mais il y avait toujours eu des raisons véritables à cela. Un individu comme La Bouliche ne méritait absolument pas de souiller les rangs de la milice et il aurait sans doute mieux fait de se cacher sous les jupes d'un individu comme Antonin.

"Vous pourriez aussi nous parler du réseau qu'Antonin utilise pour faire pression sur votre famille. Si nous ne pouvons pas faire tomber votre employeur, nous pouvons sans doute faire tomber l'un des individus avec qui badine illicitement. Cela l'affaiblira et vous permettrait peut-être d'avoir un poignard en moins sous la forge ; tandis que, de mon côté, je pourrais renégocier les termes de notre accord avec le Comte de Rougelac. Je n'ai signé nulle trace écrite qui stipule que je mettrai sous verrous votre employeur. Simplement, je n'ai qu'une parole, et si je dois l'amender, j'irai me présenter respectueusement devant le Comte et discuter d'un autre angle d'attaque. Mais pour cela, je dois savoir que vous êtes prêts à nous aider, Hans."

Messier d'ajouter :

"J'm'occuperai de ta femme et de ta fille si jamais y t'arrive quelque chose Hans. Regarde-moi, j'suis un vieux connard oblitéré par le temps et la Fange. Y a plus rien qu'on puisse faire pour ma gueule, alors le mieux que je puisse faire c'est m'occuper des autres et trouver le salut dans une mission qui pue la mort avec Dreit. Au terme de vingt-cinq ans de métier, mon pote."

Au oreilles d'Hans, argumentation du milicien Dreit était sommes tout cohérent. Tout cela avait du sens. Pour atteindre un objectif il fallait souvent pactiser avec le diable non sans s'assurer de ne pas lui laisser suffisemment de lattitude pour devenir incontrôlable. Le solide gaillard le savait, Antonin et Rougelac se livraient une lutte de tous les instants et ce dernier avait prit un léger ascendant en débauchant certaines importantes catins du Noir-Désir.

Aux demandes d'Herald, Hans acheva son buck, posant son regard sur Basile dont il avait le plus confiance.

- Antonin ? Il est pourri jusqu'à la moelle! Tous les 6 et 13 du mois, il organise des tournois illégaux de coq au sous sol par exemple... quand aux consommations, pas certains qu'il declare tous ses tonneaux... je ne vais pas vous parler des substances aphrodisiaque et autre... opium... enfin dans le milieu c'est courant. On dit que Rougelac aussi s'en procure volontier, peut être de meilleurs qualités.

Le réseau d'Antonin qui le mettait quelque peu en position précaire, oh oui qu'il fallait s'en méfier.

- Des bandits et des pirates d'la pire espèces. Y aurait d'ailleurs aussi dans ses informateurs un type qui serait d'la Milice... j'en sais pas plus. Bref, il a la main longue, peut être pas autant qu'le propriétaire de l'Effeuill'Âge, enfin... des propriétaires...

Sous entendu, Aalicia qui trempait elle aussi dans les affaires peu recommandable. Reportant alors son attention sur le blondinet Dreit.

- Pis Antonin, lui manque les relations haut placés. C'est ça qui le fait rager. Mais jvais vous dire... tant mieux... pasque son coeur il est noir! Si vous vous frottez à lui, vous plantez pas. L'erreure sera fatale. Déjà qu'là, vous avez un peu merdé, il sera sur ses gardes... Mais bon, si j'suis là c'est qu'suis prêt à vous aider.

Il posa son regard sincère vers Basile conscient de la véracité de ses derniers mots.