Marbrume


Le Deal du moment : -28%
Précommande : Smartphone Google Pixel 8a 5G ...
Voir le deal
389 €
Le deal à ne pas rater :
Display Star Wars Unlimited Ombres de la Galaxie : où l’acheter ?
Voir le deal

Partagez

 

 [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
Ascelin GrisregardDomestique
Ascelin Grisregard



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyDim 19 Mar 2017 - 16:08
Ce matin, le temps était clair, mais l’air frais. Une douce brise se faufilait à travers les arbres de la grande cité, détachant délicatement des branches les dernières feuilles rouge et or qui tombaient dans un doux bruissement. C’était les derniers jours de l’automne. Bientôt, le paysage entier se paraîtra d’un épais manteau de givre. Les fontaines des grandes places se changeront en statues de cristal, tandis que de nombreux citadins, au lieu de sortir, choisiront de rester bien au chaud dans leur foyer jusqu’au retour de températures plus clémentes. Mais d’autres en revanche, moins chanceux, ne passeront pas l’hiver. Comme chaque hiver depuis des décennies, nombreux seront les morts à déplorer.

- Papa, tu marches trop vite ! geignit Etienne, qui se mit à trottiner aux côtés de son père. Et tu serres ma main trop fort ! Tu me fais mal...

Ascelin ralentit le pas et effectua une douce pression sur la main de son cadet.

- Désolé fiston.
- Maman me laisse ramasser des fleurs et des cailloux d’habitude...
- On n'a pas le temps aujourd'hui Etienne.

Mais l'idée d'être aussi injustement comparé à Isabel le mina. Il soupira, puis céda aux supplications de son fils.

- Je ne suis qu'un gros grognard. Vas-y, Etienne. Trouve-toi de jolis cailloux. Mais laisse donc les fleurs, sinon, elles faneront avant que nous ne soyons rentrés à la maison. D’accord ?

Sans se faire prier, Etienne retira ses doigts chauds de la main de son père et se précipita sur le bord de la route. Ascelin l’observa en silence, un sourire suspendu au visage. Il était conscient que l’enfant le faisait tourner en bourrique, à défaut de pouvoir abuser de la gentillesse de sa mère. Chaque fois qu’il le regardait, chaque fois qu’il tenait sa petite main dans la sienne, voire qu’il pensait à lui, son coeur fondait d’un bonheur sans nul autre égal. La nuit de sa naissance lui revint, avec toute une série d’images éprouvantes, mêlant sang, corps en contorsion et hurlements de douleur. Ce soir-là, lorsqu'on avait déposé Etienne dans ses bras, c’était comme s’il lui avait dit : “Je suis à toi désormais, ne m’abandonne jamais.”

- Etienne ! Ça suffit maintenant. Papa doit aller travailler. Viens donc ici, ou je vais être en retard. Face au silence de son fils, Ascelin s'agaça et haussa le ton. Etienne, viens ici tout de suite ou je vais me fâcher !

Ignorant de plus belle les sommations de son père, Etienne se saisit de l'une de ses trouvailles pour la lancer en direction du marché. Par les dieux de la trinité ! Ce petit sacripant ne semblait pas du tout se préoccuper de la sérieuse correction qu’il allait recevoir s’il ne se dépêchait pas de lui obéir ! C’est seulement lorsqu’il vit son fils se saisir à nouveau de l'un de ses cailloux, avec la ferme intention de réitérer son geste, qu’Ascelin attrapa son poignet et lui asséna une gifle monumentale, découvrant dans ce même temps la cible qu’il s’était choisi : il s’agissait d’une enfant, à peine plus âgée qu’Etienne. Son petit visage rond et fin, ses longs cheveux de blé et ses lèvres pâles lui rappelaient Hermine, sa dernière fille. Et c’était là très certainement la raison pour laquelle son fils l’avait choisi pour cible : depuis qu’ils étaient capables d’utiliser leurs jambes, leurs mains et la parole, ces deux-là se faisaient la guerre à la moindre occasion.

- Va lui présenter tes excuses, Etienne.
- Non...marmonna Etienne, boudeur. Face au regard plein de colère de son père, l'enfant se mit à pleurer à chaudes larmes. Je croyais que c'était Hermine ! Je ne voulais pas lui faire de mal. Pardon papa !
- Ce n'est pas à moi que tu dois dire ça. Va lui faire tes excuses. De suite !

C'est en traînant les pieds que l'enfant rejoignit la petite fille aux cheveux d'or. Mais face à elle, il ne put prononcer aucun mot audible, pas plus que la regarder dans les yeux. Il n'avait pas l'habitude de se faire remarquer, et maintenant, il était le centre de l'attention.


Dernière édition par Ascelin Grisregard le Dim 24 Mar 2019 - 14:33, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyLun 20 Mar 2017 - 9:00
- "Dans tous les cas, Alix, nous garderons les tout-petits pendant l'hiver si tu ne trouves pas de solution. Tu sais que nous n'avons pas de place... Vous êtes déjà obligé de dormir dans l'allée. L'hiver approchant, toute la masse des réfugiés viendront chercher un abri contre le froid, et nous ne pouvons pas refuser les plus jeunes. Mais toi, tu es plus âgée. Tu dois trouver rapidement, et partir ensuite. Je suis désolée, mon enfant."

Tandis que la fillette descendait les marches monumentales du Temple, les paroles de la prêtresse résonnaient encore à ses oreilles. Si elle ne désirait pas devenir des leurs, il n'y aurait pas de place pour elle cet hiver. Et bien qu'elle soit rassurée sur le sort temporaire de Pyô et Leanne, Alix n'en demeurait pas moins préoccupée.
Par les temps qui couraient, trouver un travail relevait de l'impossible ; et, frileusement, la petite fille serra les pans de la mince cape de laine qu'on lui avait donné autour de ses frêles épaules.

A vrai dire, elle ne savait absolument pas où aller, quoi faire, comment faire même pour trouver un travail. La milice était bien une option, mais elle ne savait pas s'ils accepteraient des apprentis de son âge, surtout avant l'hiver. Peut-être alors les boutiques ? Ou des nobles ? Ils voudraient sans doute d'une fi²lle à tout faire - elle avait presque neuf ans, après tout. Elle était grande !

Nouveau frisson. Dans ses sabots trop petits, l'air frais de novembre picotait ses pieds nus, bien plus propres maintenant qu'elle habitait avec le clergé, et ce fut d'un pas un peu plus alerte qu'elle eut l'idée de se diriger vers le vieux marché. Là-bas, il devait sûrement y avoir besoin de bras ! Et à défaut de trouver, du moins, elle pourrait flâner en s'imaginant manger des tartes et des gâteaux, et aussi saliver devant la viande cuite à la broche pour les passants. Et imaginer se trouver du joli tissu pour une nouvelle robe !
Ignorant la foule, la fillette se lit à sourire en apercevant les étals, et toutes leurs belles promesses ; lorsqu'un brusque coup la fit vaciller. La vive douleur la fit crier, et elle eut tout juste le temps de comprendre qu'il s'agissait d'un caillou pointu en guise de projectile qu'elle s'en prit un autre sur la tête.
Il s'agissait d'un garçon de son âge environ, qui venait de se prendre une grosse gifle, et qui, désormais la larme à l’œil, tentait de se faire pardonner de son père. Ce dernier l'envoya près d'elle, et tandis qu'il s'exécutait, le pas trainant et en reniflant, Alix trouva ça si comique qu'elle eut envie de rire. Elle était assez propre pour qu'on autorisât désormais les autres enfants à l'approcher - mais elle n'était pas habitée à une telle scène pour si peu. D'un geste maladroit, la gamine essuya un filet d'humidité qui lui descendait sur le front, avant de se frotter le nez de manière inconsciente.

Le garçonnet s'excusa, en la regardant d'un drôle d'air. Elle avait un gros rat dessiné sur la figure, ou quoi ?
Elle répondit néanmoins d'un ton enjoué, la douleur à sa tête s'estompant de seconde en seconde.

- "C'est pas grave, t'inquiète pas. Par contre... Si tu voulais bien demander à ton père s'il aurait du travail pour moi... J'peux tout faire. Tout s'qui veut, si c'est payé."

Elle le regarda approuver, puis s'éloigner en direction de l'adulte pour se remettre à parler avec animation à travers ses larmes pas encore séchées.
Et tout à coup, alors qu'elle baissait les yeux sur ses mains, la fillette sursauta. Elles étaient toutes rouges de sang ! D'un geste précautionneux, elle se tâta son front, localisant le petit filet qui s'était un peu figé sur sa peau blanche.

Ben mince alors... c'est les sœurs qui seraient pas contentes !
Revenir en haut Aller en bas
Ascelin GrisregardDomestique
Ascelin Grisregard



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyJeu 23 Mar 2017 - 21:06
Etienne revint en courant vers son père et, à la recherche d’une étreinte, il tendit les mains vers lui. Ascelin le prit dans ses bras et le serra tendrement en murmurant des paroles de consolation. Il jouait au brave en ne montrant pas ses émotions, mais au fond de lui-même, il regrettait d’avoir giflé son fils et craignait que ce dernier ne lui en tienne rigueur. Mais très vite, l’enfant s’apaisa et informa son père du souhait formulé par la petite fille aux boucles d’or. Cela ne faisait aucun doute : il semblait déjà lui avoir pardonné. Son cœur se gonfla de soulagement.

- Elle m’a dit de te demander si tu avais du travail pour elle. Du moment que tu lui donnes quelques sous en échange, elle peut tout faire.
- Mon garçon, nous n’avons pas suffisamment d’argent pour nous permettre d’engager quelqu’un, même pour de menus travaux,
lui répondit Ascelin. Va donc lui apporter ceci. C'est là tout ce que nous pouvons lui offrir.

Le vieil homme sortit de sa sacoche une pomme rouge comme les braises. C’était une de ces pommes qu’on ne trouve que sur certains étalages des marchés de la cité ; une de ces pommes dont la chair parfumée et sucrée fond sous la dent dès la première bouchée ; une pomme qui fera sans doute le bonheur d’une petite fille chétive, probablement affamée, et qui la consolera dans son échec. Ascelin la confia à son fils, qui quitta sa protection bienveillante pour aller la remettre à la fillette.

- Mon papa m’a dit qu’on ne pouvait pas te donner du travail. Mais il veut que je te donne ça.

Etienne tendit le fruit à la petite fille, le feu aux joues. Elle était jolie et l’intimidait un peu, en tout cas bien plus que toutes les autres petites filles qu’il avait été amené à côtoyer jusqu’à ce jour. Elle ressemblait beaucoup à Hermine, sa grande soeur. Mais elle avait aussi quelque chose de spécial, ce petit truc qui la rendait plus fascinante, plus mystérieuse. Elle n’était pas une petite fille comme les autres et Etienne comptait s’en f ire une amie. A condition bien sûr qu’il parvienne à se faire pardonner son geste de tout à l’heure.

- Tu peux la prendre. C’est un cadeau.

Soudain, le petit garçon remarqua le filet sombre qui coulait le long de son front. Ses mains se crispèrent autour de la pomme tandis que les larmes lui montaient aux yeux.

- Papa ! Papa, la petite fille, elle saigne ! hurla l’enfant.

Alerté par les cris de son fils, Ascelin le rejoignit à grands pas. Avec le plus de douceur possible, il inspecta la plaie de plus près et tira distraitement un linge propre de sa sacoche. Il essuya délicatement le sang sur le visage de la petite fille, qui paraissait davantage épuisée qu’en proie à la souffrance. Mais où pouvaient bien être ses parents ? Il n’était pas commun qu’une enfant de son âge se promène seule au marché, surtout pour trouver du travail. Quel lourd secret pouvait-elle bien dissimuler derrière ses jolies boucles blondes ?

- Où sont tes parents mon enfant ?
Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptySam 25 Mar 2017 - 14:41
La main posée sur un petit muret, Alix regardait le père et le fils s'étreindre. C'était une scène de pardon, d'amour vrai et tendre, qui la touchait au plus profond de son cœur. Cela ne lui rappelait que trop les caresses furtives de maman-nourrice sur son front quand elle s'endormait le soir, bien au chaud à côté de la masse fatiguée des autres petits, son bisou chaleureux quand elle s'était levée et qu'elle avait disposé la table pour le petit déjeuner. Aujourd'hui, c'était elle qui les dispensait, principalement pour Pyô et Leanne, parfois aux autres quand ils lui témoignaient de l'amitié.
Sauf que c'était pas pareil, parce que... ben... c'était pas un adulte qui l'aimait. Qui s'occupaient d'eux. La prêtresse était bonne, et il fallait être reconnaissante pour la nourriture dans les bols en bois, seulement elle était sévère, et souvent froide aussi, et que cette tendre chaleur maternelle lui manquait beaucoup.

Pour autant, l'enfant n'éprouvait pas vraiment de jalousie. Elle se contentait d'emplir ses yeux de cette image, de ce bonheur familial auquel elle n'avait plus droit ; de tenter de graver ce beau souvenir dans sa petite âme encore pure.

Elle détourna les yeux alors que le gamin se détachait de son père, lui parlait de sa demande, et revenait déjà en courant. Gonflée d'espoir, la fillette joignit les mains alors qu'il se mettait à parler, et crispa les poings quand elle comprit que c'était négatif. C'était débile de se sentir aussi déçue, surtout qu'elle aurait dû deviner que c'était peine perdue de leur demander. Son jeune interlocuteur était maigre comme un clou, les habits du père et du fils plutôt vieux, modestes, en tout cas. Mais du moins étaient-ils généreux, ainsi que le démontrait la pomme qu'on lui tendait.
Sans hésiter, Alix exécuta une flexion rapide des genoux.

- "Wahou, merci, elle a l'air bonne !"

Elle allait s'en saisir lorsqu'elle vit son interlocuteur écarquiller les yeux, puis soudainement hurler vers son père. Désormais, la petite fille avait envie de prendre la poudre d'escampette - sauf qu'elle avait très envie de cette pomme, crénom ! Et puis qu'on ne la lui donnerait pas, si elle ne restait pas sur les lieux. Elle esquissa donc un sourire gêné à l'adulte, qui, très simplement, lui essuya le sang qu'elle avait sur le front.

- "Merci m'sire. Mais y'a pas d'quoi pleurer, hein, enfin... d'habitude, on me jette pas des cailloux, mais moi, chuis comme les miliciens, j'ai presque jamais mal."

Bon, d'accord, ça avait fait mal. Mais elle pas montrer qu'elle était une chochotte, d'abord ! Parce que c'était même pas vrai. Même si elle état une fille.
Par contre, la question de l'adulte lui fit plisser son front.

Ses parents s'étaient débarrassés d'elle, sa maman d'adoption était morte. Elle n'avait plus personne au monde. Mais quelque part au fond d'elle-même, Alix refusait de l'admettre. Parce qu'elle avait honte d'être inférieure à ce gosse. C'était forcément sa faute : après tout, on n'abandonnait que les bébés dont on ne voulait pas. Probablement trop braillarde, elle avait peut-être fait peur à Serus même - ou alors ils n'avaient simplement pas voulu d'une fille.

- "Euh.. bah.. Ils .. chassent. Ils chassent dans la forêt."

La petite était devenue pourpre sous son mensonge. Elle évitait soigneusement de la regarder, les mains crispées sur sa cape de laine grise, et elle déglutit maladroitement.

- "Est-ce que je peux avoir la pomme, m'sire ? faut quand même que j'trouve du travail, parce que les jours passent... Vous êtes sûr, peut-être à vot'travail ils ont de la place ? Je vous promet que je suis endurante. J'ai pas peur du travail. Peut importe où sont mes parents, ils seront pas là pour m'aider."

Elle s'arrêta de parler. Brusquement, elle se sentait si découragée... A Marbrume, il n'y avait pas de solutions. Elle ne pourrait plus jamais avoir les petits près d'elle - pas avant des années.

- "Si vous m'aidez à trouver du travail, j'ai un trésor. Une grande, grande surprise pour vos fille ou vot'femme, m'sire. Un beau ruban teint. Vous en dites quoi ? C'est quoi, vos noms ?"
Revenir en haut Aller en bas
Ascelin GrisregardDomestique
Ascelin Grisregard



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptySam 25 Mar 2017 - 19:50
Ascelin se mit à rire d’un air moqueur.

- Par les dieux de la trinité, ce qu’il ne faut pas entendre ! Tu ressembles à tout point de vue à la plus jeune de mes filles ! Et Hermine ne sait pas mentir. Même pas du tout. Ne cherche pas à me jeter de la poudre aux yeux, enfant. Tes joues sont rouges comme du sang frais !

Puis il soupira.

- De plus, comment une petite fille de ta condition pourrait-elle posséder un tel ruban ? En le dérobant à sa propriétaire ? En ce cas je n’en veux pas. Tu ne ferais que nous attirer des ennuis, à moi et ma famille.

Sa raison lui répétait par mille et une voix différentes que sa décision de ne pas la croire sur parole était la seule censée, mais sa conscience ne se contentait pas de si peu. Sans compter que la question n’était pas réglée pour autant. Lui offrir un emploi ? Faire de cette petite fille une domestique ? Très bien, et après ? Rien ne lui assurait qu’au bout de quelques heures de travail, elle ne commence pas à se plaindre, à louvoyer, peut-être même à rechigner à la tâche, comme d’autres l’avaient fait avant elle. Rien ne lui assurait non plus qu’elle ne tente pas de voler le maître des lieux, avant de s’enfuir dans la nature et demeurer introuvable. S’il la faisait venir au domaine, Ascelin ne pourra pas la garder à l’oeil. Il n’en avait ni la force, ni la volonté. Il fallait donc à tout prix que l’enfant change d’avis avant que son grand cœur ne le conduise à amener chez le seigneur d’Auvray des complications sans fin.

- Je ne peux rien t'offrir de plus que cette pomme. Va-t-en maintenant, trancha-t-il avec une froideur toute calculée.

Le coeur lourd, il déposa la pomme dans la main de l’enfant et la força à se retourner.
Cette petite fille était seule, abandonnée à son sort dans les rues de Marbrume. Elle était vêtue d’une simple robe usée et d’un chemisier sale. Sous ses cils longs et épais, ses yeux étaient d’un noir saisissant, à mi-chemin entre un ciel d’orage et la couleur du charbon. La déception, le chagrin, se lisaient dans son regard. Ascelin y décelait également une formidable volonté de vivre. Il bougonna, puis attrapa le bras de la petite fille avant qu'elle n'ait eu le temps de s'éloigner davantage de lui.

- Montre-moi ce ruban. Allons dépêche-toi !
Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyDim 26 Mar 2017 - 20:11
Le rire moqueur de l'adulte la fit rougir. Il était vrai qu'elle n'avait jamais su mentir, et que ses émotions se lisaient toutes entières sur son visage enfantin.

Alix esquissa un sourire à la mention de sa fille - Hermine, quelle magnifique prénom ! Tellement plus joli que le sien - avant de plisser le front, subitement effrayée des accusations de l'homme. Son cœur se serra, elle s'apprêta à se défendre, mais au lieu de cela, elle se contenta de serrer les lèvres.
Il ne semblait pas vouloir appeler la garde, et l'enfant avait comme le sentiment qu'il ne la croirait pas, de toute manière. C'était visiblement le genre d'homme à penser qu'il détenait la vérité, à fortiori sur les enfants ; et tandis qu'il lui fourrait la jolie pomme dans les mains avant de l'obliger à se retourner, des larmes se formèrent dans ses yeux. Elle commençait à avoir peur de l'hiver qui approchait, peur de cette échéance qui la pousserait hors du Temple. Peut-être Xandra voudrait-elle la loger une nuit ou deux, en échange de ses bras ? Et elle se sentait si déçue, si impuissante, qu'elle allait se mettre à courir loin de cette famille, quand on la retint avec rudesse par le bras.

Surprise, la fillette fixa l'adulte avec perplexité. Un instant, elle ne comprit pas sa demande, et puis, prise par l'impulsion de l'ordre, commença à s'exécuter sans poser de question. Sans doute voulait-il tout de même voir ce ruban pour sa fille Hermine, et lui donnerait-il quelque chose en échange.
Pas un travail, Alix en était à peu près sûre.

Les doigts un peu gourds, maladroits, elle retroussa sa manche de coton gris, pour dévoiler un bras rougie par une myriade de petits boutons. Le beau ruban écarlate en soie y était toujours attaché, serré contre sa peau sèche. Elle le fit glisser avec impatience le long de son bras, détacha le petit nœud ; et eut comme un moment d'hésitation, avant de le tendre à l'adulte.

- "Tu le veux contre quoi ? Ça vaut beaucoup, y'a même un genre de dessin dessus. J'veux pas qu'on m'le vole, c'est à moi. Juste à moi."

Nerveusement, la petite fille serra le bout de tissu contre son cœur. Elle retenait sa respiration, les yeux écarquillés, dans l'attente de la réponse du père. Et pour appâter ce dernier, elle montra le minuscule blason brodé à une extrémité, très fière. C'était ce qu'elle possédait de plus précieux, de plus cher ; mais elle était prête à l'échanger contre de la sécurité pour l'hiver. C'était la seule solution.
Revenir en haut Aller en bas
Ascelin GrisregardDomestique
Ascelin Grisregard



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyDim 9 Avr 2017 - 12:29
Ascelin s’approcha de l’enfant, un mauvais pressentiment le prenant à la gorge.

Son coeur s’arrêta lorsqu’il aperçut dans le creux de ses mains le petit blason brodé sur le ruban de soie. Un blason d’azur au pal d’argent, accosté de deux serpents d’or…Le blason de la famille de Rombley.

Le baron de Rombley fut un noble brillant, un guerrier remarquable, mais aussi un homme particulièrement strict, prompt à juger à condamner. Jamais il n’eut le don de son frère Hugues pour se faire aisément amis et alliés, et après qu’il l’eût tué - par accident, certes -, son impitoyable sévérité s’accrut encore. Il désirait tant oublier le navrant parcours de sa famille au cours des siècles qu’il fit fabriquer en 1140 un tout nouveau blason et instaura parmi ses vassaux une paix relative, se séparant des mauvaises têtes. Les troubles qui émaillèrent son règne furent en vérité largement dûs à ses propres fils et filles.
La principale affaire fut la question de la succession. Le baron avait de nombreux enfants des deux sexes, mais d’aucuns ne doutaient de leur capacité à régner sur la baronnerie. Il y avait tout d’abord Hugues, surnommé l’ivrogne. Venait ensuite Oswald, un excellent combattant, mais cruel et capricieux. Le troisième fils du baron, Merlin, était un féru de lecture, amené à accomplir de grandes choses. Mais il était certainement trop timoré pour un jour lui succéder. Sont nées par la suite Odile, Juliette et Shae.
Une seconde affaire, en 1157, ébranla la réputation des de Rombley. Juliette donna naissance naissance à une petite fille. Une bâtarde, issue d’une amourette éphémère avec un homme de la haute noblesse. L’enfant ne connut ni les bras de sa mère, ni les baisers de son père. Et à peine eût-elle poussée son premier cri qu’elle fut confiée aux bras d’un soldat et abandonnée au plus loin de la demeure. Nul ne sut ce qu’il advint de l’enfant.

- Où...as-tu eu ceci ? parvint à articuler le vieil homme.

Il attrapa fermement l'enfant par le bras, pas assez pour lui faire mal.

- Tu as volé ce ruban n'est-ce pas ? Alors que l'enfant ouvrit la bouche, Ascelin l'interrompit d'une voix forte, autoritaire. Le blason que tu vois sur ce ruban, ce sont les armoiries d'une noble famille de Marbrume ! Cela suffit maintenant...Donne-moi ce ruban, il ne t’appartient pas. Tu n'as pas le droit de le posséder. Tu n'as pas le droit de porter leurs couleurs.
- Papa, qu’est-ce qu’il se passe ? intervint Etienne, peu habitué à voir son père en colère.

Ascelin lui arracha le ruban des mains et le tint hors de sa portée.

Juliette était une femme d’une très grande beauté. Elle ressemblait vraiment à une créature céleste, avec ses joues roses et ses délicieuses boucles blondes. Elle était chaque jour élégamment vêtue, distinguée, et pourtant simple, douce, aimante et pleine d’affection, même envers lui, le simple domestique de monsieur le baron. A chacune de ses visites, lorsqu’il lui apportait le thé, ses grands yeux noirs pétillaient toujours de malice, même les jours les plus sombres. Il n’était pas étonnant que cet homme soit tombé sous son charme. Encore moins qu’il l’ait mené à son lit, conduisant par caprice, par désir, Juliette à sa perte. Elle lui ressemblait tant.

- Crois-moi, ça vaut mieux comme ça, enfant.
Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyJeu 13 Avr 2017 - 10:19
La fillette ouvrit la bouche pour répondre à la question presque balbutiante que son interlocuteur venait de lui poser. Il avait l'air étonnamment stupéfait en détaillant le ruban, et une boule commença à se former dans sa gorge, alors qu'il reprit la parole, d'une voix qui ne trompait pas, où résonnait une colère naissante.

Ça y était, il l'accusait de le voler ! Alors la fillette, qui se mit à trembler, voulut répondre, se défendre ; mais l'individu ne lui en laissa pas le temps. Il l'agrippa par le bras, et se mit à lui hurler dessus. Des larmes vinrent aux yeux de la fillette, qui avait du mal à comprendre de ce dont il parlait ; mais elle était sûre d'une chose, si le ruban venait d'une famille noble, alors elle était mal. En très mauvaise posture !

Et soudain, il lui arracha le ruban des mains. Cette fois c'en était trop, ce n'était pas "mieux comme ça" ! Ce ruban était à ELLE, et par-dessus le marché, elle en avait besoin, plus que besoin : c'était même vital ! C'était lui, lui, le sale voleur !

Toute raison sembla quitter la petite fille, qui ne voyait plus clair à cause des larmes qui lui troublaient la vue. Elle se mit à hurler, à se débattre, à chercher à récupérer son bien. D'une voix qui montait dans les aiguës, elle lui cria :

- "C'est pas vrai, c'est pas vrai !"

Sa voix se brisait, une quinte de toux lui déchira la gorge, mais peu importait. Alix continuait sur sa lancée, trop horrifiée, trop apeurée par l'avenir, trop indignée qu'on lui dérobe son seul bien.

- "c'est A MOI, à MOI, MOi ! C'est le garde, le garde qui m'l'a donné, pour ma fête, Gustave y m'l'a donné, et pis, et pis, j'en ai besoin, rends-le-moi, s'toi, s'toi le sale voleur ! Sale VOLEUR ! Rends-moi tout d'suite, tout d'suite, RENDS-MOI !"

Les sanglots la secouaient toute entière, et d'un geste sûr, déterminé, elle se mit à bourrer l'adulte de coups de pieds frénétiques dans les jambes.

- "T'as pas l'droit, j'ai pas volé, j'ai b'soin d'un travail, rends-moi, rends-moi, ou j'te jure, moi, moi, j'te tue !"

Elle sentit des mains par derrière tenter de la tirer hors de sa prise, de la forcer à reculer. Un coup s'abattit sur sa tête, et elle commença à se débattre contre le jeune garçon qui s'était porté au secours de son père. Sans plus hésiter, la fillette commença à essayer de se battre au hasard, tout en continuant de pleurer, prise dans une vraie crise, où la multitude de ses sentiments s'embrouillait dans une confusion totale.

- "Rends-moi, rends-moi, j'ai pas-pas pris, on m'a donné, j'le promets qu'on m'a donné..."

Désormais, Alix ne pouvait plus articuler que cette phrase, entrecoupée de sanglots et de quintes de toux. Pourquoi est-ce qu'on lui faisait ça ? Pourquoi elle pouvait pas avoir un travail et avoir un toit, comme les adultes ? Pourquoi est-ce qu'elle était condamnée à passer l'hiver dehors ? Qu'est-ce qu'elle avait de si mal aux yeux des Dieux, hein ? Mais elle s'en fichait, elle se battrait, elle irait cambrioler sa sale maison, à ce type, s'il le fallait ! Elle récupérerait son ruban ! A ELLE !




Revenir en haut Aller en bas
Ascelin GrisregardDomestique
Ascelin Grisregard



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyLun 17 Avr 2017 - 18:06
Très vite, Ascelin paya le prix de sa trop grande sévérité.

A peine eût-il dérobé le ruban à l’enfant, que celle-ci se mit à protester en pleurant, et ses gémissements se transformèrent vite en cris, puis en hurlements déchirants. Le vieil homme prit la petite fille dans ses bras et tenta de la calmer en lui caressant doucement le dos. En vain, car elle continuait à s’agiter contre lui tout en sanglotant. De toute évidence, Ascelin avait l’habitude des crises de colère des enfants, mais c’était bien la première fois que l’un d’eux se déchaînait à ce point. Sa tendresse, ses paroles réconfortantes, la douce intonation de sa voix, rien n’y fit. Tandis qu’il gagnait précipitamment une ruelle plus tranquille, à l’abri des badauds, la petite fille grimpa encore dans les tons, et ses pleurs prirent une note désespérée.

- Par les Trois, je t’en prie, calme-toi…

Pris de remords, Ascelin attrapa fermement la main de la fillette et lui rendit son bien le plus précieux. Et soudain, bien malgré lui, la colère le gagna. Ses yeux pâles scrutèrent l’enfant, tandis que ses ongles noircis s’enfonçaient dans la paume de ses mains, le blessant jusqu’au sang. Dans son chagrin, elle avait prononcé le nom du soldat qui l’avait retiré à sa mère, il y a maintenant un peu plus de huit ans. Gustave. Un brave soldat, d’une fidélité infaillible, qui dans sa folie, ou son trop grand attachement, avait remis à la fillette un cadeau empoisonné. Le domestique respira profondément, tentant en vain de retrouver son calme. Pourquoi n’avait-il tout simplement pas fait ce qu’on lui avait demandé ?

- Ecoute...Gustave n’aurait jamais dû te donner ce ruban.

Quel était donc le lien qui unissait Gustave à cette fillette ? Etait-il comme un père pour elle ? Un protecteur, défiant les ordres dans un excès de mansuétude ? Bien entendu, il ne devait pas encore lui avoir parlé de son passé. La fillette ne connaissait sans doute rien de sa condition de “bâtarde”, issue de l’union scandaleuse de Juliette et du Vicomte de Terresang, duquel elle était éperdument tombée amoureuse. Sa gorge se noua lorsqu’il croisa le regard de l’enfant. Pour Juliette, cette enfant était tout sauf une “bâtarde”.

- Tu vois le blason brodé à son extrémité ? Il s’agit des armoiries de la famille du Baron Ulric de Rombley. Un blason d’azur au pal d’argent, accosté de deux serpents d’or...Une riche famille, puissante, de belle réputation. Je les ai servi en qualité de domestique pendant presque vingt années.

Doucement, le vieil homme caressa le joue de l’enfant, pour adoucir les révélations à venir.

- Puis l’une des plus jeunes filles du Baron, Juliette, a eu une enfant. Elle n’était pas désirée. Une bâtarde, issue d’un amour interdit. Pour préserver le nom de sa famille, Ulric a donc ordonné que l’on éloigne le plus possible l’enfant de sa mère. Il a confié cette mission à Gustave.

Dans un souffle, il ajouta :

- Tu lui ressembles énormément.
Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyMar 18 Avr 2017 - 9:15
On lui glissa le ruban dans les mains, dans un geste rempli de bonté.

Aussitôt, frénétiquement, l'enfant le ramena contre elle, en le serrant dans ses deux menottes, tandis que ses larmes commençaient à ralentir sur ses joues maigres. Elle n'avait pas compris pourquoi l'adulte était revenu sur sa décision, mais au final, la fillette s'en fichait bien : il lui avait rendu SON bien à elle, et avec ce dernier, l'espoir de pouvoir troquer quelque chose contre l'assurance de survivre durant l'hiver. Peut-être qu'en donnant le morceau de soie teint à Xandra, cette dernière pourrait accepter de la laisser dormir chez elle pendant quelques jours, peut-être quelques semaines ? Si elle ne la prenait pas pour une voleuse, elle aussi, bien sûr. Rien n'était jamais sûr avec les adultes.

La voix redevenue bienveillante de son interlocuteur la tira de ses réflexions préoccupées, et Alix, étonnée, se figea un peu. Une nouvelle quinte de toux déchira sa gorge, et, rapidement, l'enfant cracha par terre, en peu en retrait des deux garçons.

Ainsi donc, son interlocuteur pensait que Gustave était garde dans une belle et noble famille, et qu'ils se connaissaient tous les deux. Quel incroyable hasard ! C'en était quasiment magique, tellement inespérée que la fillette se mit à trembler de tout son corps, tandis qu'il continuait de parler. Mais elle avait du mal à établir la connexion entre tous ses propos ; sauf à la fin.
Gustave avait conduit le bébé non désiré, la bâtarde, loin de la maison familiale. Gustave venait souvent à la maisonnée, où il se montrait toujours très gentil avec elle - ce même Gustave qui lui avait offert le merveilleux ruban.

Et la vérité, lumineuse, sembla presque écraser la petite d'un chagrin qu'elle était bien incapable de s'expliquer. On lui caressait gentiment sa joue brûlante, agréable fraicheur vaguement calmante, réconfortante, aussi la petite ferma les yeux, silencieuse quelques instants. Elle était incapable de réfléchir aux conséquences de tout ça, seulement prise d'une grande fatigue. Et si tout ça c'était pas vrai, si c'était pas le même Gustave ? Si elle n'avait rien à voir avec ce bébé dont personne ne voulait, dont personne n'avait voulu à la naissance ? Si maman-nourrice était là... si elle avait pu être là, à la maison, Alix se serait jeté dans ses bras pour tout oublier ; mais ce n'était pas possible. La seule personne qui tenait à elle était dans les bras des Dieux, et elle n'aurait plus jamais personne qui voudrait prendre soin d'elle.

- "Est-ce que vous croyez qu'ils me donneront du travail, si je retrouve Gustave ?"

Une lueur d'espoir sembla apparaitre sur la physionomie de l'enfant rongée de fièvre, poursuivie par son idée fixe. Si elle pouvait avoir un toit et un peu d'argent pour manger pendant l'hiver, c'était tout ce qui comptait. Il serait temps de réfléchir à sa "maman" plus tard.

- "Je-je ne l'ai pas vu depuis longtemps. De nombreuses lunes. Mais il était toujours gentil, il apportait un peu de nourriture et du tissu, des fois, chez maman-nourrice. Peut-être qu'il pourra me donner du travail. Si je redonne le ruban. Ou la famille de Roublay. Euh... n'importe qui. Faut que j'aille voir, ou... je pensais à la milice, mais j'sais pas si y besoin d'une fille à tout faire... Où qu'elle est, cette famille ? Comment on les trouve ?"

Désormais, Alix, les yeux plongés dans ceux du domestique, se sentait remplie d'espérances. Il fallait bien se raccrocher à quelque chose !
Son cœur battait follement dans sa poitrine plate, et la bile montait à ses lèvres. La tête lui tournait. Que lui arrivait-il ?

A nouveau, elle serra le ruban contre son torse. Il représentait tellement de choses - à commencer qu'elle avait été précieuse à quelqu'un, un jour. C'était à ça qu'il fallait se raccrocher.

- "Merci, m'sire. Je vous promets que je suis pas une voleuse. Pas trop. Mais maintenant, y'a plus Pyô et Leanne, le Temple va les garder quelques années. Moi, je suis trop grande, mais y'a plus que moi à m'occuper, alors je vais plus faire. Je suis honnête, moi."

A nouveau, la toux déchira sa gorge, et l'étourdissement se fit plus fort.

- "Si vous m'dites où aller pour trouver Gustave, j'vous ennuierait plus, j'vous jure. J'vous jure."
Revenir en haut Aller en bas
Ascelin GrisregardDomestique
Ascelin Grisregard



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptySam 29 Avr 2017 - 19:15
Gustave. Ascelin n’avait pas vu ce brave homme depuis des mois, depuis le décès malheureux du baron Ulrich de Romblay, au début de l’année mille cent soixante-quatre. Sans doute avait-il de nouvelles rides autour de la bouche et des yeux, et ses cheveux noirs s’étaient-ils clairsemés, lui qui riait souvent de la vieillesse et du temps qui passe avec l’insolence et l’entrain d’un jeune loup. La dernière fois qu’il l’avait aperçu, c’était aux côtés de l’héritier et de sa nouvelle épouse. Il mesurait bien une ou deux têtes de plus que lui. Les muscles de ses épaules roulaient puissamment tandis qu’il se déplaçait dans les interminables couloirs de la demeure, attirant sur lui les regards admiratifs des cuisinières et la jalousie altérée de leurs époux. Il irradiait toujours de lui une aura de confiance, à l’image de son imposante carrure et de sa grande bienveillance. Ascelin n’avait pas eu l’opportunité, ni la chance, de revoir Gustave depuis. Pas plus qu’il n’avait revu les jeunes domestiques sous ses ordres. Tous lui manquaient. A la mort du baron, la vie à la demeure s’était brisée en milliers de petits morceaux. Le petit personnel avait été congédié, et la noble famille avait quitté la vaste demeure pour une plus petite...quelque part, au duché.

- Je ne sais pas où trouver Gustave, mon enfant. Cela fait trop longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Sans doute ne me reconnaîtrait-il pas s’il me croisait. Je n’étais qu’un domestique, et lui un...homme d’armes.

Il porta de nouveau sa main à la joue de la fillette, puis lui sourit tendrement.

- Tu as plus de chance de le trouver que moi. Il ne semble jamais s’être trop longtemps éloigné de toi. Cherche auprès de lui un peu d’aide, mais n’espère pas en trouver auprès des de Romblay. Tu pourrais bien t’attirer des ennuis. Tu me promets, si tu viens à les retrouver, que tu ne les approcheras pas, n’est-ce pas ?

L’enfant fut prise d’une nouvelle quinte de toux, ce qui finit par inquiéter le vieil homme. Délicatement, sans laisser le temps à l’enfant de protecter, Ascelin porta sa main à son front, puis soupira longuement. Elle grelottait de la tête aux pieds. Sa peau était brûlante, trempée de sueur. Sans doute avait-elle attrapé froid. A moins qu’il ne s’agisse d’un mal plus redoutable encore. Quoi qu’il en soit, elle était malade et il ne pouvait se permettre de la laisser repartir seule dans son état. Elle serait terrassée par la fièvre avant même d’avoir trouvé un toit.

- Où est-ce que tu as trouvé refuge ? chuchota-t-il à l’intention de la petite fille.

Ascelin prit l’enfant dans ses bras, enveloppant sa frêle nuque de la main. Après un moment d’hésitation, il se décida à l’emmener avec lui. En vérité, il connaissait déjà la réponse qu’elle allait lui donner. Car tout comme des centaines d’enfants à Marbrume, elle était une survivante. Une gamine obligée de quémander ou voler pour se nourrir, sans quoi elle ne survivrait pas trois jours à la faim.

- Tu sais, je crois vraiment qu'il serait plus sage que tu ne cherches pas à retrouver ta mère.
Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyDim 30 Avr 2017 - 8:34
La fillette frissonna de nouveau du haut de sa toute petite taille, les bras serrés contre son torse maigre et plat.

L'inconnu ne savait pas comment trouver Gustave, et même s'il se montrait très gentil envers elle désormais, Alix sentait une bouffée de désespoir l'envahir. Même le geste tendre ne parvenait à guérir la plaie vive qui s'agrandissait de seconde en seconde dans son cœur, brûlant sa gorge comme si une substance acide la lui rongeait lentement.
Si elle ne pouvait pas s'adresser aux Rombley comme dernier recours, si elle devait compter sur Gustave pour la retrouver - mais comment ferait-il ? Il ne trouverait plus qu'une maisonnette fermée sur ordre de la garde - alors l'hiver risquait d'être difficile. Très difficile.
A nouveau, une quinte de toux profonde la secoua toute entière, laissant l'enfant épuisée, vidée de ses forces.

Qu'avait-elle fait de mal pour qu'on l'abandonne ? Qu'avait-elle pu faire pour qu'on la rejette, si sa maman était noble ? Les mamans nobles ne couvaient-elles pas leurs enfants, en les couvrant de soie, de fourrure et de dentelle, et de bijoux pour qu'ils soient beaux, pour qu'ils n'aient pas froid ? Bien sûr, elle ne regrettait aucunement d'avoir connu maman-nourrice, mais cette dernière lui avait toujours expliqué qu'elle était là par charité. Pourquoi n'était-elle pas digne d'être aimée, comme la plupart des autres enfants ?

La tête lui tournait. Ses idées étaient moins claires, obscurcies pour une chaleur moite qui la faisait abondamment transpirer, et une main fraiche vint tâter son front, sans qu'elle songe seulement à empêcher le vieil homme. Que venait-il de demander ? Ah, oui. Il voulait savoir comment elle se débrouillait.

Puis, sans qu'Alix ait eu le temps de répondre, il la prit dans ses bras, l'entoura de ses bras chaud. Sans résistance mais très surprise, elle le fixa dans les yeux sans dire un mot, pendant un instant. Puis quelque chose se débloqua en elle alors qu'Ascelin recommandait qu'elle ne cherche pas à retrouver sa génitrice.
Elle se crispa très fort, pour contenir les larmes qui lui montaient aux yeux, avant de se serrer contre son interlocuteur dans l'espoir vain de soulager les émotions intenses qui l'habitaient.

- "Pourquoi est-ce qu'elle ne m'aime pas ? Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Je.. je peux réparer, moi. Je-je peux réparer, avant j'étais un bébé, je voulais pas.. la mordre ou tout ça. Je peux venir la soigner peut-être. J'ai pas retrouvé maman-nourrice, avant on habitait chez elle. Mais elle a disparu quand les fangeux sont venus. J'ai essayé d'être quelqu'un de bien. J'étais obéissante. Je-je travaillais à la maison ! Et... et... quand la garde a pris la maison, maintenant je travaille au Temple pour mériter mon lit, mais y z'ont que y'aura des enfants plus jeunes que moi cet hiver, alors, je dois trouver un endroit."

Elle se remit à grelotter fiévreusement, claquant ses petites dents les unes contre les autres dans une petite musique entêtante et répétitive.

- "J'dois y aller, m'sire. Faut qu'je d'mande un travail à la garde. Ou.. ou, je sais pas. Y'a 'core des maisons nobles, mais les gardes m'laissent pas passer à l'Esplanade. Pasque je travaille des fois pour un noble. Quand je lui répète ce que font les autres, il donne à manger. Je... je sais plus où est la caserne... je veux maman-nourrice... Je sais même pas.. qui tu es... comment était ma vraie maman ? Je lui ressemble...?"

Ses propos se faisaient décousus. Elle s'en fichait, de cette dame, d'abord, si elle était fâchée, elle se souvenait même pas lui avoir fait du mal ! C'était vraiment pas juste !

- "M'en fiche.. moi... moi... ben, je sais où on peut trouver un travail. Au bordel, ils acceptent les filles. Au début, on apprend, et ensuite on gagne plein d'argent. On est en sécurité. Tu peux m'emmener là-bas ?"

Sa tête lui tournait encore plus. Alix se sentait toute perdue, incapable de fixer ses pensées. Incapable d'y mettre de l'ordre, et de rejeter de son esprit ce qui ne lui plaisait pas. Elle avait désespérément besoin d'aide, la fillette en était consciente - mais elle savait par expérience que les adultes avaient bien assez de leurs préoccupations.

- "Je sais pas quoi faire... aide-moi, maman..."

Sa voix était devenue faible, comme un murmure qui s'envolait dans la brise fraiche. Elle ne savait plus vraiment à qui elle s'adressait - au fond, la personne la plus probable pour lui faire des câlins était maman-nourrice ; et pas un vieil inconnu auquel elle s'accrochait de toutes ses dernières forces, pour ne pas se noyer dans la masse imposante de la Cité de Marbrume.
Revenir en haut Aller en bas
Ascelin GrisregardDomestique
Ascelin Grisregard



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyLun 8 Mai 2017 - 15:19
- Cesse donc de raconter n’importe quoi. Ta mère sera inconsolable si elle apprend que tu travailles dans une maison de plaisir. Ta place n’est pas dans l’un de ces établissements. Maintenant, tais-toi et repose toi. Je t’emmène chez moi.

La fillette dans les bras, son petit garçon à sa suite, Ascelin quitta la route principale et prit une autre voie, plus tranquille, qui l’emmena sur un petit chemin. Après une longue marche éprouvante, il arriva dans le quartier qui les avait vu naître, ses enfants et lui : le Goulot. A sa vue, une petite femme, fatiguée, couverte d’un épais châle noir, la quarantaine, sortit de la maison et se dirigea à grands pas vers lui. Sans un mot, et malgré les protestations de son époux, Isabel arracha l’enfant de ses bras et reprit le chemin de la maison. Ascelin soupira, exaspéré par son imprudence. Il n’était guère recommandé pour elle d’approcher d’aussi près un enfant malade. Et pourtant, elle ne semblait n’y accorder aucune importance.

Isabel avait déposé délicatement la petite fille dans le lit d’Hermine.

- Isabel, je t’en prie, prends garde. Tu es à peine rétablie. Laisse-moi m’occuper d’elle, plutôt.
- Toi ?
le taquina la vieille femme, amusée.

Elle sourit tendrement à son époux et vint près du lit dans lequel elle avait déposé l’enfant. La fillette était désormais couchée sur le dos, endormie, la tête penchée sur une épaule, un bras replié, l’autre arrondi devant sa poitrine. Ses longs cheveux blonds ondulaient élégamment autour de son visage las, étalés sur le vieil oreiller de paille.

L’émotion d’Isabel était intense. Elle aurait voulu pouvoir prendre de nouveau la petite fille dans ses bras, la serrer contre elle, la bercer, comme une mère le ferait pour son propre enfant, dans pareille situation. Mais dans son état, elle ne pouvait se permettre une telle proximité. Elle se remettait tout juste d’une terrible maladie qui avait bien failli la tuer. Alors, silencieusement, elle approcha une chaise et s’y assis, laissant le soin à son époux d’apporter à la fillette tout le réconfort dont elle avait besoin. Sa peau était brûlante de fièvre. Par moment, elle semblait délirer dans son sommeil, s’agitant nerveusement sous les draps de lin. La vieille femme se laissa mollement aller contre le dossier et eut un profond soupir. Ils ne pouvaient rien faire de plus qu’attendre, attendre que la fièvre passe d’elle-même, car ils n’avaient ni les moyens d’obtenir l’aide d’un médecin de la cité, ni ceux de payer les plantes qui pourraient apaiser un tant soit peu son mal.

- Par les Trois, où as-tu récupéré cette enfant ?
- Tu ne me croiras peut-être pas, mais je pense qu’il s’agit de la fille bâtarde de Juliette.


Sous le choc, Isabel demeura immobile, bouche-bée.

- Ne raconte pas de sottises. Elle est sans doute déjà morte cette petite !
- Je suis certain que c’est elle, Isabel.


La vieille femme observa l’enfant avec curiosité. Ainsi, c’était donc elle, la petite bâtarde qui avait bien failli mettre à mal la solide réputation de la famille du baron Ulrich de Romblay ? Il est vrai que malgré la crasse, malgré l’odeur, elle ressemblait en tous points à sa mère. Ses beaux cheveux blonds comme les blés, ses grands yeux marrons, son petit nez rond...nul doute, elle était bien une de Romblay. Sans doute avait-elle aussi un peu de son opportuniste père. Serrant les poings, Isabel chuchota :

- Lorsqu’elle sera guérie, il faudra qu’elle parte.
- Je sais, mais pas maintenant.


Lorsque l’enfant ouvrit les yeux, Ascelin fit signe à son épouse de ne plus ajouter un mot. La petite fille le fixait de ses yeux rougis par la fièvre et semblait le supplier, à la fois de chagrin et de terreur. Elle était si menue, si fragile, si perdue que le vieil homme en fut ému. Il était évident que cette enfant avait besoin d’aide, il voyait bien qu’elle était en détresse, mais il ne pouvait rien faire de plus pour elle.

- Quand tu seras guérie, et avant que je ne retourne auprès de mon maître, je t’aiderai à trouver un petit travail en ville. Je t’interdis de te rendre dans une maison de plaisir. Je t’interdis de vendre ton corps à ces hommes. Tu me promets que tu ne le feras pas, n’est-ce pas ?

Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyDim 14 Mai 2017 - 9:37
Maman-nourrice serait-elle triste, si d'aventure elle trouvait à s'employer au bordel ? Pourtant la vieille femme n'avait jamais rien eu contre ces créatures outrageusement maquillées et fort légèrement vêtues ; et puis au final, qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire, puisqu'elle était avec les Dieux, hein ?
Ce fut sur ces pensées que la fillette, bien au chaud dans les bras de l'inconnu, s'endormit, vaincue par la fièvre qui la faisait grelotter dans ses vêtements grisâtres.

Xandra se cachait derrière un buisson, dans le village abandonné. Elle tuait d'un flèche le banni qui tentait de les sauver en désamorçant les pièges ; et Alix le regardait hurler, encore, et encore, le visage figé dans une expression horrifiée. Il se contorsionnait, suppliait, mais des bras inconnus la retenait, marmonnait des insultes. La forçait à écrire son nom en lettre de sang, pour la piquer au bras. La piquer encore, tandis qu'elle se mettait à pleurer, à supplier qu'elle avait mal, et le rire abominable qui s'échappait des lèvres du tireur la faisait pleurer encore plus. Elle se sentait si faible, si impuissante - elle avait envie de rentrer au Temple, de les implorer de la garder au chaud pour l'hiver.
Mais ils refusaient avec un sourire carnassier, et brusquement .... elle ouvrit les yeux.

Le souffle précipité, les yeux rougis où brillaient les larmes dûes à son cauchemar, la fillette fixa le décor autour d'elle. Il s'agissait d'une pièce toute proprette, comme avait pu l'être sa maison au moment où maman-nourrice la tenait encore ; et les draps qui recouvraient ses jambes moites sentaient bon la paille fraiche.
Elle ne savait pas où elle était, l'enfant ne reconnaissait rien, et, épouvantée, elle faillit se redresser pour s'enfuir lorsque son regard croisa celui de l'homme qui l'avait pris dans ses bras.
Alors elle resta allongée sagement, comprenant d'instinct qu'il ne lui ferait aucun mal. Allait-il lui donner de l'aide, allait-il l'aider à trouver des solutions ? Elle le supplia du regard, alors que son ventre plat commençait à gargouiller, eut égard aux odeurs délectables que l'on pouvait déceler à l'intérieur de la maisonnette. Elle n'avait fait qu'un cauchemar ; et malgré un mal de tête épouvantable et sa gorge qui semblait menacer d'exploser, elle se sentait si bien dans la couche confortable, que son corps semblait refuser de vouloir bouger.

Et puis l'homme prit la parole. La déception, la terreur resserra son emprise sur le cœur de l'enfant, qui, cependant, ne se remit pas à pleurer. Stoïque, elle l'écoutait lui interdire de se rendre dans les maison de plaisir, où pourtant les filles étaient parfumées, habillées joliment, bien nourries et bien logées, ce qu'elle leur enviait férocement. Mais surtout, il lui proposait de l'aider à trouver un travail, et elle serra ses petits poings blancs convulsivement.

- "Je sais que je suis trop vieille pour qu'on me garde quelque part. J'vous suis..."

A nouveau, la toux lui déchira les lèvres. La gorge en feu, elle avait envie de cracher ; mais elle s'en abstint. Le couple risquait de ne pas être content, si elle n'était pas capable de nettoyer.

- "R'connaissante. Je pense que maman-nourrice, ça la gênerait pas, que je devienne pute, parce qu'on habitait près du bordel. Leanne ramenait toujours un ou deux biscuits quand elle sortait jouer dehors. Leanne, c'est ma fille, je suis sa petite maman. Elle est... elle est au Temple, ils veulent bien la garder au moins cette année."

Elle se tut quelques secondes. Les pensées confuses, l'enfant n'arrivait pas à rester cohérente, à garder le fil. Il fallait se concentrer... Mais elle avait si chaud !
La transpiration luisait sur sa peau pâle, mais elle fit un violent effort pour se redresser sur le lit. Il fallait partir, de toute manière.

- "Je-je sais même pas vous êtes qui... moi, moi, c'est Alix. Je peux faire plein de trucs, parce qu'au Temple, ils montrent comment on écrit les mots. Je sais écrire mon nom, et y'a quatre lettres !"

Elle était très fière de "savoir écrire". Bien sûr, elle n'avait pas vraiment eu le temps de faire beaucoup plus, mais elle connaissait par cœur son alphabet, comme une vraie petite prêtresse.

- "Tu vas m'emmener à la garde ? Moi, j'ai des amis là-bas, Xandra, et puis Rémi, et puis aussi Hérald. Alors j'me disais, peut-être ils vont m'employer. Parce que je peux travailler très dur, j'ai pas peur, moi. J'veux juste habiter au chaud. Je ferai tout s'que les gens veulent, promis !"

Elle commençait à nouveau à s'agiter, la sensation de chaleur insupportable laissant place à des bouffées de froid glacial.

- "Où on est...?"

L'enfant referma les yeux, les mains sur se genoux, les épaules courbées. En position assise, elle se pelotonna dans les couvertures, toute habillée, avant de ressentir comme une décharge électrique. Ses pieds, ses pieds étaient nus ! Où étaient ses sabots, ses sabots ? Elle en avait besoin !

- "Mes sabots, mes sabots ! Où qu'y sont, j'ai pas perdu mes sabots, hein !"

Elle ouvrait des yeux écarquillés, apeurés. Si elle pouvait même pas les vendre... si elle devait partir... Toute légère, elle n'eut presque aucun effort à faire pour quitter le nid douillet du lit, se levant en frissonnant et en tremblotant. Ses yeux fixaient son entourage avec une immobilité troublante, et elle se sentait un peu comme un petit oisillon tombé du nid, tant elle tenait mal sur ses pattes grêles.

- "Je-je sais qu'il faut que je parte. Faut partir de partout. Parce que je suis vieille."

Pour quelle autre raison la refoulerait-on ainsi ?
Revenir en haut Aller en bas
Ascelin GrisregardDomestique
Ascelin Grisregard



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] EmptyDim 11 Juin 2017 - 12:20
- Alix ! tonna le vieil homme. Tu n’es pas en état de te lever ! Retourne donc dans ton lit !

Lorsque la voix d’Ascelin prenait cette intonation, il était inutile de chercher à lui désobéir. Il punissait toujours avec la plus grande sévérité, et quelques fois avec colère, de sorte qu’il s’en est plus d’une fois excusé. C’était cependant aussi par principe qu’il sanctionnait ; car bien malgré lui, il regardait les enfants indisciplinés comme n’étant que des bons à rien. C’est donc avec la plus grande fermeté qu’il prit la petite fille dans ses bras et la recoucha dans son lit de paille, couvrant son corps fiévreux d’une épaisse couverture en lin. Malgré l’heure tardive, il resta à ses côtés pour la rassurer, caressant sa douce chevelure dorée dans un geste consolateur.

- Lorsque la fièvre sera partie, je t’aiderai à trouver Xandra, Rémi ou Hérald. Je suis certain qu’ils pourront t’aider. Mais en attendant, tu dois te reposer.

A n’en pas douter, et ce en dépit de ses nobles origines, Alix était semblable en tous points aux autres enfants du quartier du Goulot. Elle était maligne, coriace, sensible et quelque peu ombrageuse, à l’exacte image de la terrible existence qu’elle menait depuis le premier jour de sa naissance. Ascelin souhaitait désormais la préserver de toute souffrance, la garder en bonne santé, à l’abri du besoin. Malheureusement, la faible rétribution qu’il percevait au service de Zéphyr d’Auvray ne lui permettra pas de nourrir plus de quelques semaines une bouche supplémentaire. Il lui fallait donc agir vite.

- Lorsque tu seras de nouveau sur pieds, seras-tu en mesure de me guider jusqu’à ces personnes ? l’interrogea le vieil homme. Auquel cas je demanderai de l’aide à mon fils. Il s’est engagé auprès de la milice intérieure. Nul doute qu’il saura les retrouver.

Silencieuse, Isabel vint poser sur la table de chevet un plateau avec un bol de soupe et quelques denrées. Ascelin saisit le bout de pain et le déchira en petits morceaux qu’il laissa tomber dans le liquide fumant. Puis il prit le bol, trempa une cuillère dans la soupe, souffla dessus pour en refroidir le contenu et la tendit à Alix.

- Tu t’appelles Alix, c’est ça ? C’est un joli prénom. Ta mère l’aurait beaucoup aimé.

Il lui tendit une nouvelle cuillère de soupe, le regard vide.

- Juliette était une femme magnifique, qui n’avait rien à envier à personne. Mais elle était aussi trop jeune, trop naïve. Un jour, elle est tombée éperdument amoureuse d’un Vicomte et de leur union est née une petite fille : toi. Le problème, c’est qu’au sein de la noblesse, un enfant issu d’une relation hors mariage n’est pas bien vu. C’est pourquoi ton grand-père, Ulrich de Romblay, t’a confié à un soldat juste après ta naissance et lui a demandé de t’éloigner le plus possible du domaine.

Ascelin sourit tendrement à l’enfant.

- Tu étais désirée, Alix. Ta mère t’a aimé avant même tu ne viennes au monde. Mais elle ne pouvait rien faire contre les décisions de son propre père. Selon lui, un enfant bâtard aurait...causé un grand tort à la réputation de la famille. Sache juste que tu étais aimée. D’accord ?
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]   [Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle] Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - Quartiers populaires ⚜ :: Bourg-Levant :: Grande Rue des Hytres :: Vieux Marché-
Sauter vers: