[Terminé] Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue - [PV Alix l'Espiègle]

Alix sursauta en écoutant le ton autoritaire de l'adulte. Sans plus réfléchir, obéissant à un instinct qui lui dictait de lui obéir dans la seconde, elle se laissa faire alors qu'il la prenait dans ses bras pour la recoucher ; puis, plus paisiblement, elle se laissa border, en fermant les yeux.

C'était agréable qu'un adulte prenne soin d'elle, de pouvoir se laisser aller. De lâcher enfin le poids qui l'entrainait dans les rues, et de laisser d'autres personnes décider pour elle. Désormais, elle se sentait bien sous l'épaisse couverture qui la recouvrait, et elle se sentait doucement s'endormir lorsque le vieil homme reprit la parole.
Elle tourna son petit visage vers lui, en observant vaguement ses tempes grisonnantes et son regard rêveur, sans qu'aucune pensée cohérente ne traverse son esprit.

Et avec quelques secondes de retard, Alix comprit que son interlocuteur lui posait une question.

- "Oui... oui, il faut aller voir Xandra. Ou Rémi. Ils sauront quoi faire. Ils sont..."

Elle sentit ses yeux s'écarquiller - allez savoir pourquoi.

- "Ils sont dans la milice aussi ! Ils... Ils .. ils vont à l'extérieur, et moi, moi, j'ai accompagné Xandra une fois, et j'ai eu des sous... On a vu un fangeux, et le banni, son pied a éclaté, et y'avait plein de sang dans le piège, et-et.. et après c'est Gondoval qui lui a tiré une flèche dans la tête..."

Elle revoyait encore toute la scène, mais elle ne frissonnait plus de peur. Tout était accompli, et elle s'était presque senti comme une guerrière, ensuite. Sur le moment, elle n'avait pas fait la fière !

- "J'ai trouvé un couteau là-bas."

Maladroitement, elle commença à mettre sa main sous les couvertures, avant d'arrêter son geste. L'adulte racontait une histoire, et elle reposa sa tête contre l'oreiller, secouée de frissons mais passionnée par chaque mot qui se détachait de ses lèvres. Mais l'enfant ne réalisa qu'il ne s'agissait de son histoire qu'un peu tard ; et elle se redressa à demi sur la couche, le regard un peu fixe, mais aussi déterminé qu'il pouvait l'être.
Sa mère s'appelait Juliette, et elle était belle, aussi belle que le jour. Magnifique. Et son papa était un vicomte, un vrai noble, lui aussi. La gamine se frotta les yeux, serra ses lèvres lorsque le domestique lui expliqua que son grand-père avait ordonné que sa présence fut éloignée au loin. Pour qui il se prenait, celui-là ? Fallait pas séparer un bébé et une mère, c'était connu !

Sauf que cette femme, et puis son vicomte d'amant, ils n'avaient jamais été à sa recherche. Dans son esprit, l'histoire qu'elle s'était inventée était bien plus tragique ; mais aussi plus sentimentalement supportable.
Une question vint à son esprit embrumé.

- "Pourquoi ils se sont pas marié, si elle l'aimait ? Pourquoi elle est jamais venue me voir, chez maman-nourrice ? Pourquoi elle payait pas pour que maman-nourrice me garde, comme les autres enfants ?"

Et puis zut ! Elle en avait rien à fiche, elle, elle était une milicienne, et puis elle serait une héroïne, et puis elle savait écrire son prénom, et puis, et puis, voilà, elle avait pas besoin de ces deux personnes, elle s'en sortait toute seule !

- "T'façon, je m'en fiche.Moi aussi, j'l'aurais aimé. Et puis moi, j'suis une milicienne, et j'avais aller les voler. Les Romblay. Ça leur fera les pieds."

Pure rodomontade, purs propos puérils pour masquer l'horrible sentiment de rejet qu'elle retirait de cette histoire. L'envie folle qu'elle avait de voir sa maman, aussi ses beaux cheveux, sa belle robe de soie de noble, le doux serrement de ses bras, dans un bon lit de plume.

Avec détermination, la petite dégagea la lame un peu rouillée du ruban grisâtre qu'elle avait attaché à sa jambe et qui le maintenait vaguement en place, avant de l'exhiber avec une lueur de fierté dans les yeux.

- "Je pourrais leur montrer, c'est mon arme à moi, maintenant. Mon arme de guerrière. Elle... elle ressemble à quoi, ma maman ? Et mon papa ?"