Marbrume



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 [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]

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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptyJeu 20 Avr 2017 - 11:55


Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre "Qui se complète s'assemble ou qui s'oppose s'attire ?”
(Gabriel Destrelmar & Sydonnie d'Algrange )


~ 3 Juillet 1165 ~

La matinée avait bien avancé, trop même, si bien que je ne l’avais pas vu passer. Il faut dire qu’elle était étrange cette journée, du moins qu’elle avait débuté d’une manière peu commune. Premièrement Arahaël n’était pas là, il devait avoir beaucoup de choses à faire, comme souvent. Je refusais de me faire du souci, nos métiers respectifs étaient un risque, mais nous prenait aussi énormément de temps. Ceci devait forcément expliquer cela. Peu importe, j’avais en tête cette rencontre imprévue, ce duel que je n’étais pas parvenue ni à gagner ni à perdre. Heureusement que personne ne nous avait vus, je n’étais pas obligée d’en parler et d’admettre avoir peut-être trouvé quelqu’un de mon niveau. Soupirant doucement, j’avais fini par quitter l’extérieur de Marbrume pour l’intérieure, j’avais un rendez-vous, enfin un verre à me faire offrir –et à offrir, mais ça peut-être qu’il oublierait-. Consciente que je ne pouvais pas passer par chez moi, afin d’éviter la nouvelle inquiétude de mère, j’avais pris naturellement la route menant à la caserne afin de récupérer une tenue propre. Ce n’est pas que je n’aimais pas baigner dans mon jus, au contraire, la sensation après l’effort, après un combat intense était une sensation dès plus agréable à mon sens, mais pour se rendre dans l’établissement de la chope, autant dire que, non, ce n’était pas une bonne idée.

Délaissant, mon lieu de travail, un petit tas de vêtements entre les mains, j’avais ensuite pris la direction du temple avec l’idée de profiter des thermes un petit temps. Nous n’avions pas fixé d’heure, juste un lieu, ce qui me laissait largement la possibilité de me détendre dans de l’eau chaude. Passant les portes du lieu de culte, descendant les marches qui me menaient à ma destination avec un sourire sur les lèvres, j’avais hâte. Abandonnant mes vêtements humides de sueur pour le confort de la tenue des thermes, je m’étais ensuite glissée dans un bassin d’eau chaude, plutôt petit et isolé. Je n’avais absolument pas envie d’être dérangée. Depuis ma discussion avec Barral, depuis qu’il avait commencé à m’apprendre à aimer l’eau, j’arrivais à venir ici et à me détendre, sans avoir l’impression de mourir à chaque fois que mon menton se retrouve submergé.

Malheureusement pour moi, ou heureusement plutôt, je n’avais pas l’envie de traîner. Immergeant ma chevelure afin de l’humidifier et d’y retirer la poussière qui s’y était fixée durant mon échange de lame. Lentement, j’étais ensuite sortie de l’eau, afin de me sécher avec des grands tissus puis de me changer pour retrouver une tenue de cuir, presque identique à la précédente. Si une femme ne pouvait normalement pas porter le pantalon, de mon côté, avec ma fonction, j’en abusais largement et c’était très loin de me déplaire. Une chemise blanche sur les épaules, un pantalon en cuir et mes bottes, les cheveux encore humides, légèrement ondulée, j’étais prête. Réajustement ma lame et mes dagues à ma ceinture, j’abandonnais la chaleur des thermes pour le lieu de prière, adressant quelques pensées à Rikni, Anür et Serus. Ensuite, j’avais quitté le temple, pour traverser les grandes rues, arpenter celle du Bourg-Levant pour me rendre dans la Hanse, précisément à la chope sucrée. La taverne était toujours élégante, toujours animée, les gérants bienveillants, je pense que je pouvais prétendre être une habituée des lieux. Passant la porte, j’abandonnais mes armes sur le râtelier, dagues, épée, je ne conservais rien, parce qu’ici rien ne pouvait arriver. Le patron gérait l’établissement d’une main de maître et ne tolérait aucun écart.

Si les premiers jours ma tenue avait attiré les regards, les mauvaises langues, à présent elle était complètement acceptée. Mon regard bleuté s’était mis à aviser les lieux à la recherche de celui que j’attendais ou qui pouvait peut-être déjà m’attendre. Non. Il n’était pas là, encore sur le palier, c’est la voix de Madame Contignon qui m’avait fait sortir de mes pensées.


- « Eh bien, Madame D’Algrange, journée de repos aujourd’hui ? Vous cherchez quelqu’un peut-être ? »

Sursautant légèrement, mon regard s’était immédiatement déposé sur la silhouette très élégante et féminine. Cette femme avait un charme dévastateur sans en avoir conscience et pour ne rien louper, elle était très agréable aussi. Mes lèvres s’étaient ouvertes, puis refermées. Je ne savais pas vraiment ce que je devais lui répondre, oui, non… Haussant doucement les épaules, secouant ma longue chevelure ébène, j’avais fini par reprendre la parole :

- « Oui… C’est un homme… Plutôt grand en tout cas plus que moi, une musculature imposante, un visage plutôt carré, des yeux verts, des cheveux courts blonds… Il dégage quelque chose de dominant, de dirigeant… Et il a toujours un sourire presque arrogant sur les lèvres…Il.. »
- « On dirait que vous l’avez bien observé, ou alors est-ce votre métier qui vous impose autant de détail ? »
- « Je.. » j’avais instinctivement relevé les yeux vers la gérante qui s’était mise à rire. « Le métier évidemment. »
- « Évidemment. Eh bien, non il n’est pas encore là… Je suis navrée. Vous n’avez cas choisir une table, c’est calme aujourd’hui… Je vous apporte le sans alcool habituel ? »

J’avais simplement opiné, descendant les quelques marches qui me séparaient du lieu principal. Je n’avais pas d’habitude pour une table particulière, généralement je m’installais dans le lieu le plus calme et isolé possible. Là il fallait peut-être plutôt viser sur celle qui était le plus agréable, enfin je n’en savais trop rien. Il n’aurait pas pu arriver le premier, cela aurait grandement facilité les choses quand même. Un frisson de fraîcheur m’avait parcouru, les cheveux encore bien humides dans un établissement clos n’étaient peut-être pas ma meilleure idée, tant pis. J’avais finalement opté pour une table pas trop loin du comptoir, juste à côté de la fenêtre où quelques rayons lumineux parvenaient encore à passer. Létitïa, la serveuse aguicheuse, n’avait pas tardé à m’apporter ma boisson, m’annonçant fièrement :

- « La patronne a dit que c’était offert par la maison, il paraît que ça s’fête de te voir enfin accompagné. »
- « Je ne le suis pas » grognais-je
- « Tu as raison, il ne viendra sûrement pas. »

Elle avait ri, pas moi, j’avais même dû la foudroyer du regard. Létitïa était le genre de femme à la multitude de conquêtes, celle qui changeait chaque jour d’amant et qui en plus s’en vantait, celle qui ne comprenait pas les femmes comme moi, seules. Si elle savait, si elle savait la garce que je voyais quelqu’un, un banni. Ma mine avait dû se fermer immédiatement, consciente de mon inconscience, de ma folie. Si la milice savait, si… tout ceci n’allait pas pouvoir durer éternellement, j’en avais conscience. Peut-être qu’au fond, je n’avais cherché qu’à me rassurer, après tout, Chris et moi n’avions pas souvent l’occasion de nous voir. Me pinçant la lèvre, j’avais de nouveau sursauté devant la tête de la patronne juste devant moi.

- « Ne l’écoutez pas, vous la connaissez, elle a un peu de mal avec les femmes pleines de valeurs. »
- « Mh, mh » ronchonnais-je de nouveau
- « Bonne dégustation madame d’Algrange. »

Merci, c’est ce que j’aurai du répondre, mais je n’ai rien dit. J’ai plongé mes yeux bleutés dans le mélange, différentes herbes et fruits secs. Un délice. Respirant la vapeur s’échappant de la tasse, un sourire sur les lèvres, je m’autorisais à fermer les yeux un instant, juste un instant. Ma plénitude était à chaque perturbée par l’ouverture de la porte, espérant certainement y voir celui que j’attendais. C’était stupide, il ne viendrait pas de toute façon, l’idée était tout aussi idiote, qu’est-ce qui avait bien pu me prendre d’avoir cette envie de me sociabiliser.

Si besoin :


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Dernière édition par Sydonnie d'Algrange le Lun 1 Mai 2017 - 13:31, édité 1 fois
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Gabriel DestrelmarMercenaire
Gabriel Destrelmar



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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptyVen 21 Avr 2017 - 17:34
Entre défaite et boissonLa féroce milicienne au caractère bien trempé qui avait agréablement illuminé mon début de journée à l’extérieur des murailles protectrices avait de l’avance sur moi puisqu’elle était rentrée la première me laissant le loisir d’attendre ma troupe sous ce soleil écrasant. La chaleur suffocante dans laquelle nous baignions en ce jour ne me rappelait que trop bien celle des contrées au sud du royaume de Langre. Mais me laisser aller aux souvenirs tumultueux d’une époque désormais révolue ne m’orienterait que trop vers la mélancolie inhérente à ce genre de pensées. Alors, je ferme les yeux et me contente de prendre le soleil. Sa caresse brûlante me donne la désagréable impression de rôtir dans mon armure mais je parviens à en faire abstraction. Une très légère brise presque aussi discrète qu’un murmure au creux de l’oreille me soulage et fait voleter les mèches rebelles couleur de miel cendré de mes cheveux l’espace d’un instant. Je souris en repensant à mon passage dans le sud ensoleillé. La musique et la nourriture de ces royaumes resteraient gravées dans ma mémoire jusqu’à mon dernier souffle. Des bruits de marche de plus en plus prononcés me poussent à tendre l’oreille puis à tourner la tête vers la direction indiquée par mes sens. Au moment ou un nuage de poussière apparaît dans les airs à moins d’une centaine de mètres de ma position, signe évident de la progression d’une troupe de belle taille je me suis péniblement relevé de ce tertre confortable. Un sourire de satisfaction féroce étire lentement mes lèvres devant la discipline respectée par mes professionnels. Les lances sont ordonnées par rangs et par colonnes. Les hommes d’armes ouvrent la marche devant les archers eux-mêmes devant les apprentis des hommes d’armes faisant office d’écuyers qui seront bientôt eux-mêmes hommes d’armes car la fin de l’ancien monde signifiait que les batailles à grande échelle qui étaient la raison de vivre de pareilles compagnies n’existaient plus réellement. 

Ma centaine de professionnels composait certes une troupe dérisoire en comparaison de celle que j’avais eu sous mes ordres par le passé mais qui bien que largement moins importante compensait en qualité la faiblesse du nombre. Je savais que les vétérans aux mines sérieuses, patibulaires et fières appréciaient que la proportion de membres d’avant la fange soit supérieure à celle recrutée à Marbrume mais durant un instant je me gratte la barbe en me demandant si un nouveau recrutement ne s’imposait pas. Cependant les finances de la compagnie n’étaient pas si prospères pour pouvoir doubler le nombre de lances. Tout au plus doubler le nombre de recrues soit une vingtaine de plus. Cela me permettrait de ne sélectionner que la fine fleur des volontaires. Le trésor de guerre que nous étions parvenu à emmener avec nous dans la ville était entamé mais restait précieux. Loué soit les guerres incessantes de l’ancien monde. Devant les trois colonnes cheminent mes officiers supérieurs tous montés trois chevaliers dont mon primus pilus et ami intime messire Milus et le maître des archers l’étranger Demetrios. Les quatre sergents sont également à cheval derrière. Je laisse mon regard dériver sur mes hommes et les quelques femmes de ma compagnie. Leurs armures légères pour les archers, moyennes pour les hommes d’armes sont crasseuses signe d’un entrainement fort intense. Je n’avais pas été le seul à suer ce qui me fait opiner du chef de satisfaction. Le primus pilus lève le bras et ordonne la halte puis Jaime se dirige vers moi sur Sun.

Le jeune homme démonte gracieusement, me tend la bride et je remonte sur ma monture avec un plaisir non feint. Le poids de mon bassin soulagé par ma position. Je prends mon élève sur le cheval qui rechigne sous le poids de deux cavaliers et rejoins mes dragons au petit trot. Jaime descend et se range dans le rang. Je prends la tête de la compagnie avec la satisfaction d’un homme qui a inspecté minutieusement ses troupes sans trouver de défauts. Sur le trajet, je discute avec messires Milus, Foliack et Demetrios. Ces derniers me demandent comme j’avais occupé mon temps et je réponds avec un sourire amusé que je m’étais entraîné face à une adversaire émérite. Ces derniers ne s’offusquent pas à l’idée d’une femme milicienne car nous étions en avance sur cette question au sein des dragons d’airain. Lorsqu’ils m’interrogent sur l’issue du duel amical je me fends un haussement d’épaule nonchalant et me contente d’un à votre avis teinté d’une arrogance naturelle. Je ne prétends pas avoir vaincu mais reconnaître que je fus à un cheveu de perdre me coûterais bien trop. Le passage des portes prend une éternité car inspecter les avants bras d’une centaine de personnes équipées de pied en cap prend un certain temps. Je pourrais grommeler dans ma barbe et pester mais je suis bien trop satisfait de ce début de journée pour la gâcher de mon impatience. Une fois ma compagnie dans la vaste cour presque tassée sur elle-même en raison de l’endroit je place mon cheval immaculé face à mes hommes et les détaille un instant avant d’hurler à plein poumon :  Compagnie rompez les rangs ! Quartiers libres pour le reste de la journée sauf la section de Daniel qui partira effectuer son devoir et vieller sur la cargaison de monsieur Lantion. Repos !


Je démonte de ma monture et Jaime saisit les rênes ainsi que celles des neuf autres montures avant de les emmener dans leur écurie ou du moins dans un vieux bâtiment reconverti en écurie par nos soins. Je me rends ensuite dans mes quartiers dans lesquels je me désarme seul sans attendre le jeune homme. Je n’oublie pas le rendez-vous avec Sydonnie. Comment le pourrais-je ? Cette femme était plus qu’intéressante et rencontrer une dame pour autre chose que lui faire la cour était étonnement rafraîchissant. Néanmoins j’étais affamé au sens littéral du terme et épuisé. Un bon repas chaud et un bon bain ne seraient pas du luxe. Jaime apparaît finalement dans l’encadrement et se précipite pour m’aider. Je m’empêche de lui dire que je pouvais me débrouiller seul et lui laisse me retirer mon plastron de plates, ma dossière, mes grèves et tout ce qu’il s’ensuit. Le métal percute le sol dans un bruit sourd et je souris en constatant l’expression du garçon. Et bien vas-y pose la question qui te brûle les lèvres Jaime. Vous l’avez battu la milicienne n’est-ce pas capitaine ? Je lève les yeux au ciel mais esquisse pourtant un grand sourire. Le gamin avait tendance à m’idéaliser comme s’il me prenait réellement pour le dragon ornant nos bannières. Il craignait mes réactions et ce parfois à juste titre mais avec un verre de vin et mon instrument ainsi qu’un peu de calme et d’isolement cela passait toujours. 
Cependant, je ne ratais jamais un moyen de lui enseigner une leçon. Aussi je réponds : Nous nous sommes tous deux biens battu si bien qu’il n’y a pas eu de gagnant jeune Jaime. Mais n’oublie jamais qu’il existe toujours plus fort que soi quelque part. Car l’oublier serait se montrer stupide et pourrait être cause de mort brutale sur un champ de bataille. Tu comprends ? Peu importe le talent et l’entrainement mal jauger son adversaire de manière présomptive est la pire erreur possible. Le garçon fronce des sourcils avant d’hocher vigoureusement la tête. J’enfile une tunique assez simple d’un joli bleu foncé - ma couleur préférée - puis je me rends dans la salle commune la plus vaste de tous les bâtiments de la compagnie. Sur mon chemin, je vois des hommes se frotter le corps avec des draps mouillés, se nettoyer comme ils peuvent avec ce qu’ils ont et j’hoche la tête. L’hygiène que j’avais imposé dans le règlement de la compagnie était primordiale. La saleté conduit à la maladie. Un soldat propre et bien nourri est un soldat heureux. Sur le chemin du repas je croise messire Jelannes et nous discutons des manœuvres que j’avais manqué avant d’évoquer un petit tour aux thermes après le repas. 
La salle commune est peu remplie mais tous mes officiers sont déjà à notre table. Les civils de la compagnie soit un total d’une vingtaine de personnes pour la majorité des femmes finissent de déposer les plats sur les grandes tables et je salue courtoisement ces petites mains se chargeant de la nourriture, du lavage des vêtements, de la couture et de maintes autres choses essentielles à la vie d’une centaine de soldats. L’effluve de la viande rouge tout juste cuite et du pain chaud réveille mon estomac et je m’installe à la table de commandement et prends mes aises en compagnie de mes officiers. Les rires vont bon train et la discussion est chaleureuse nous rigolons aux blagues de Demetrios tout en savourant cette nourriture à sa juste valeur. Nous n’étions de loin pas les plus mal lotis de la ville basse et oublier que plus loin dans le même quartier des gens crevaient de faim la gueule ouverte était impossible. Peu à peu la salle se remplit au fur et à mesure que les soldats arrivent et bien vite le volume sonore devient assourdissant. Je regarde mes hommes manger avec appétit. La section du sergent Daniel se contente d’emporter son content de nourriture dans leurs mains. Elle est équipée de pied en cap et repart aussi vite qu’elle est arrivée. Quelques dizaines de minutes plus tard, je me trouve sur le parvis du temple en compagnie de messires Milus, Foliack, Jelannes, Demetrios et Jaime. Messire Foliack me tire un sourire amusé en lançant : Le capitaine a passé l’entrée du temple et n’a pas été frappé par la foudre.
L’eau est si douce si agréable sur ma peau que je me laisse aller à la promesse de soulagement qu’elle me susurre. Mes muscles se détendent naturellement et les douleurs dans mes membres encore vives après le combat acharné de la matinée se dissipent tandis que je me décrasse en compagnie de mes officiers supérieurs et de mon presque écuyer. Le silence est brisé par quelques piques amicales que s’échangent les vétérans et pour ma part je me contente de sourire en savourant ma baignade. Finalement, j’y mets fin à contre cœur et m’essuie promptement d’une serviette apportée par Jaime. Le jeune homme bondit en avant pour m’aider à me vêtir mais je l’arrête d’un geste de la main et lui dis de profiter de l’eau. On m’interroge sur cette rapidité inhabituelle à quitter cet élément apprécié et je ne cache pas que je dois rejoindre la milicienne dans une taverne. Les sourires goguenards des hommes présents ne m’indiquent que trop bien ce à quoi ils pensent mais je les détrompe. Il ne s’agit pas d’un rendez-vous galant messires mais amical. Profitez bien de votre après-midi. Nous nous reverrons certainement au souper. 
Les murmures sceptiques des chevaliers et de mon maître archer accompagnent mes pas vers la sortie et je prends un instant pour me regarder dans un miroir. Une tenue simple et pratique d’un vert sombre assortie à mes yeux, matelassés et amples pour que mes mouvements soient facilités. Je n’oublie pas que nous allions quitter une fois de plus la cité pour l’extérieur. Je me rends compte que j’avais laissé mes lames dans mes quartiers bien trop impatient à l’idée de savourer la caresse aquatique. Je marche rapidement à travers les rues bondées et vais chercher mes deux armes que j’accroche dans mon dos comme à l’accoutumée.
Je me dis que la milicienne aux cheveux d’ébène devait probablement se trouver sur le chemin de la choppe sucrée en cet instant et m’apprête à m’élancer vers la taverne au moment où je croise Ardath une combattante accomplie avec une cicatrice assez visible sur le menton. Un très bon élément de la compagnie au point que je m’apprêtais à la nommer sergent juste avant la fange. Une bâtarde comme je l’étais mais d’un père chevalier à ce que j’en savais. Son visage s’illumine à ma vue et je me rappelle soudainement que je lui apprenais à écrire et lire depuis quelques mois maintenant. J’avais dû lui dire qu’aujourd’hui serait le bon jour pour une leçon à moins que ce soit parce qu’elle avait quartier libre quoi qu’il en soit je me retrouvais dans une impasse. J’estime pouvoir lui apprendre quelques dizaines de minutes tout au plus aujourd’hui avant de foncer vers la choppe sucrée tel un cheval de guerre au galop. Bien, venez soldat. Je la conduis dans mes quartiers et lui dis de s’installer à mon bureau. Je m’assois près d’elle et continue de lui enseigner avec patience. Je lui prends la main et la guide tandis que sa bouche forme les lettres en même temps que ses doigts guidés par les miens.
Du raffut dans le couloir me fait lever la tête sur Demetrios : On peut entrer ou vous faites des saloperies ? Mon soupir fait office de réponse. Le maître des archers reprend : Z’étiez pas censé être à la taverne capitaine ? Je peste et jure dans ma barbe : Fichtre. Merdaille. Foutre couille. Diantre. Je n’ai pas vu le temps passer. J’y vais de ce pas. Demetrios prenez le relais. Je me lève brusquement et demande à Jaime d’aller me chercher Sun. J’enfourche le cheval blanc et dis au garçon de m’accompagner afin qu’il ramène ma monture. Je quitte les lieux en constatant que des parties de cartes fleurissaient ça et là. Je ne peux pas galoper car les rues sont trop bondées mais je pousse au trot. A côté de moi Jaime courre et joue les crieurs publics à coup de place, place, faites place. J’arrive finalement devant la choppe sucrée et attend que le jeune homme m’ait rejoint pour démonter et lui tendre les rênes. Je caresse l’encolure de Sun et remarque une chevelure d’ébène par une fenêtre. Le visage plongé sur sa coupe, je ne peux pas identifier la femme mais je suis persuadé qu’il s’agit de Sydonnie.  Jaime monte à son tour et repart vers notre secteur. Je plaque mes cheveux sur ma tête et rentre dans la taverne après avoir déposé mes deux lames sur le râtelier sous le regard inquisiteur du mercenaire à l’entrée. 
Je salue la tenancière madame Contignon et cherche son mari du regard mais ne le trouve pas alors je me dirige vers la femme de la fenêtre. Je souris à la serveuse aguicheuse qui me gratifie d’un clin d’œil et m’approche de la milicienne. Combien de femmes portaient des chausses d’hommes et une tenue pratique de notre temps ? Bien peu. Je la reconnais à quelques pas de sa table et m’installe face à elle. Je lui lance après m’ètre incliné : Toutes mes excuses pour le retard ma chère mais j’ai été occupé. Panser les blessures que vous aviez infligé à mon amour propre tant par la précision de votre lame que par l’habileté de votre verve m’a pris bien plus de temps que prévu. Sourire joueur. J’espère que vous ne m’attendez pas depuis trop longtemps. Quoi qu’il en soit je pense que cela mérite une choppe supplémentaire. Je fais un signe de la main au serveur blond comme l’été et en attendant son arrivée je ne peux m’empêcher de taquiner Sydonnie : Dois-je comprendre que tu étais impatiente de me revoir ? Tu ne bois pas d’alcool ? 
 
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Dernière édition par Gabriel Destrelmar le Ven 21 Avr 2017 - 19:24, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptyVen 21 Avr 2017 - 18:52


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(Gabriel Destrelmar & Sydonnie d'Algrange )


~ 3 Juillet 1165 ~

J’étais devenue carrément bougonne, moi, la d’Algrange fière et solitaire, j’avais proposé un rendez-vous à un homme et… Il n’était même pas venu. Jouant avec le mélange dans mon verre, je me sentais complètement déconfite. Je m’en voulais d’avoir eu la naïveté de croire qu’il viendrait, qu’on irait jusqu’au bout de cette pseudo-rivalité. Je sentais les yeux de vipères de serveuse se déposer sur ma table, son venin devait se rependre comme un rien. Par les trois qu’est-ce que j’avais pu être sotte. Tant pis, au moins, j’avais gagné un duel, enfin presque, au moins les gens prendraient peut-être conscience que la milice pouvait avoir un certain niveau, peut-être qu’à force, elle se ferait un peu plus respecter. Qui sait. Le mélange tourne encore et encore, alors que mon regard se perd dans celui-ci, c’est une voix reconnaissable et une silhouette qui s’installe face à moi, qui me fais sortir de mes pensées dans un léger sursaut.

- « Je.. »

Prise aux dépourvues j’ai du mal à réaliser qu’il est venu, je ne l’ai absolument pas entendu ou vu parvenir jusqu’à moi, si bien que je me retrouve un peu sotte sur l’instant. Mes yeux clairs le détaillent un moment, avise ses lèvres se mouvoir, alors que mes oreilles captent ses paroles sans forcément trouver de réponse à sa question. Instinctivement, j’avais masqué ma déception précédente par un sourire, prenant la parole sans aucune hésitation, légèrement menteuse :

- « Oh non, absolument pas… Je viens d’arriver. Cependant, je pense que en effet, cela doit mériter au moins deux chopes supplémentaires, on ne fait jamais attendre la milice voyons. » J’ai fait une légère pause, le temps pour lui de faire signe au serveur et moi de répondre à sa question « Jamais en service. »

Sauf que je ne suis pas en service et que l’évidence vient de me frapper l’esprit. Lâchant un nouveau soupir, j’avais roulé des yeux, dépitée par mon propre manque de réflexion. En réalité je ne bois pas, jamais, rarement, bien trop rarement pour tenir la distance devant un mercenaire. Je préférais jouer la carte simple du sans alcool, quitte à passer pour une petite bourgeoise coincée. Le serveur s’apprêtait à venir, mais fut bousculé par Létitïa qui semblait soudainement très pressé de faire son travail. C’était d’une démarche pleine d’assurance et de sensualité qu’elle était venue vers la table, s’appuyant légèrement sur celle-ci, déclarant joyeusement :

- « Eh bien tu vois, je te l’avais dit qu’il allait venir, il a quoi ? Deux heures de retard, rhooo ça va tu es en repos, tu pouvais bien l’attendre même plus que ça. Puis regarde, tes cheveux ont même eu le temps de sécher. Un beau garçon comme ça, moi je l’attendrai toute une vie même, ou toute une nuit. »

Mes yeux bleus s’étaient écarquillés alors que ma mâchoire venait soudainement se crisper, d’un regard sombre et certainement plutôt coléreux, j’avais relevé les prunelles vers elle avisant ce clin d’œil qu’elle lui offrait dans un long et bruyant soupir. Elle avait osé, elle avait réellement osé me mettre dans cette situation, tout ça pour quoi ? Juste pour le plaisir de me voir terriblement mal à l’aise, elle ne perdait rien pour attendre. Jouant des doigts sur la table, je m’étais enfermée dans mon silence habituel, laissant quelques minutes s’écouler, le temps de terminer mon verre sans prendre le temps de le savourer. La jolie peste, elle, elle semblait s’amuser, elle avait un large sourire sur les lèvres, un regard pétillant, plein de malice et attendait sagement qu’on commande. Ravalant ma rancune, j’avais finalement pris la parole, d’une voix étrangement calme pour la situation.

- « Bon, au lieu d’utiliser ta salive pour dire des bêtises, si tu voulais bien nous apporter deux chopes bien pleines… » j’avise un instant mon interlocuteur hésitant sur le choix avant d’afficher un large sourire « Pour lui, un grena, pour moi la même chose que ce que je viens de boire »
- « Rho Sydo, lâche-toi un peu de temps en temps… Par contre, pour le grena tu es certaine ? Si vous en prenez, c’est la bouteille ou rien. »
- « Mh,mh, apporte la bouteille. Monsieur est un grand garçon, il va bien tenir le coup.»

En réalité le grena c’était un alcool particulièrement fort, une spécialité du patron, il faisait entrer des bestioles dans une bouteille, laissé macérer le truc pendant de très longues années, infectes. Horrible en goût, même en avalant cul sec, ça ne passait pas. C’était ma façon à moi de me venger pour le retard, il avait voulu jouer à ce jeu-là, il allait en payer le prix, ou plutôt j’allais en payer le prix, mais tant pis, voir sa tête quand il allait goûter ça, ça valait tout l’or du royaume. Et puis surtout, avec l’haleine que ça donnait, Létitïa ne viendrait plus nous embêter pendant un petit temps. La belle serveuse avait fait une moue, avant de disparaître. Je profitais de ce temps de calme, ou plutôt ce moment de répit pour remettre les choses dans l’ordre, ou plutôt pour essayer de sauver la face :

- « Létitïa est une… amie de longue date… Elle a toujours le mot pour rire… Alors capitaine, l’entraînement de ton groupe, il s’est bien passé ? Tu as pu annoncer que tu t’étais incliné devant une milicienne ? »

Le temps pour lui de répondre et la belle jeune femme était déjà de retour, déposant la bouteille sur la table, deux verres et ma chope avec le précieux mélange si agréable à l’œil et au goût. Elle ne s’était pas trop étalée, annonçant simplement le ‘bonne dégustation’ minimum. Vu le regard que la patronne lui lançait, elle avait dû se faire reprendre par madame Contignon. Détaillant la bouteille, j’avais eu soudainement envie de rire, elle avait choisi, je crois, la pire. La couleur était étrange, des reflets verts, peut-être bleu et rouge aussi… Une bestiole morte, gonflée par l’alcool se tenait fièrement à l’intérieur et j’avais dû plisser les yeux pour reconnaître un crapaud. Discrète, j’avais affiché une légère grimace, le pauvre, il allait lui falloir du courage pour tout boire. Attrapant rapidement la bouteille, je l’avais ouverte, évitant de grimacer une nouvelle fois devant l’odeur qui se dégageait autour de nous, approchant un verre de mon autre main, j’avais déversé le merveilleux liquide avant de lui tendre. Reposant le tout, j’attrapais ma chope, la surélevant légèrement :

- « Eh bien, à notre rencontre ? » un sourire plein de malice s’était fixé sur mes lèvres, fixant attentivement mon interlocuteur pour décrypter sa réaction. « La meilleure bouteille du patron, c’est parfait pour l’occasion, non ? »




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Gabriel DestrelmarMercenaire
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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptySam 22 Avr 2017 - 13:00

       
Tu ignores le vide devant toi, les vertiges et la peur tu connais pas... Seul au milieu des loups, tu t'enfonces au bord des précipices. Dans la cité perdue, au travers de la nuit, toi tu vas bien. En travers la douleur et la mélancolie, tout ira bien. Sydonnie  & Gabriel 
       

       
Entre défaite et boisson...

       
Le sursaut de la milicienne ne m’indique que trop bien à quel point celle-ci devait être d’une humeur morose et maussade de m’avoir attendu aussi longtemps. Je savais néanmoins parfaitement qu’elle feinterait le contraire par fierté, par bravade et affirmation de son amour propre. Je le savais parce la matinée commune qui nous avait vu nous affronter m’avait permise d’en apprendre bien plus sur elle que certaines semaines de relations avec d’autres personnes. En effet, derrière mes airs de capitaine mercenaire élégant dans ses manières mais exaspérant dans son arrogance et charmeur comme un éclat de soleil perçant les nuages d’une matinée pluvieuse j’étais un être très cérébral dont l’habitude la plus ancrée était d’analyser. Analyser les gens qu’il s’agisse d’adversaires ou d’alliés, de connaissances ou d’amis. Analyser les choses qu’il s’agisse d’un environnement ou d’une situation. Ces analyses étaient la base de ma personnalité, le socle de mon armure intérieure et la cause la plus évidente de mon arrogance consommée. Analyser c’est comprendre et comprendre c’est savoir et savoir c’est pouvoir. Vous voyez ou je veux en venir. Le cercle vertueux de la réflexion. Ma sorcière de mater avait su insuffler cet esprit de curiosité en moi, cet amour de la connaissance, ce souffle de l’intéressement. Mon enfance avait été parsemée de ces modestes étincelles que mon pater le défunt seigneur de Sanlastre avait su attisé et transformé en braises brûlantes d’un feu dévorant. Le châtelain aurait pu se contenter de me former aux armes et je serais devenu soldat mais il avait décelé mes prédispositions pour la stratégie et m’avait façonné à son image et j’étais devenu capitaine. Une image que je rejetais de par mes actions teintées de libertarisme comme pour rendre hommage à Ghause la sorcière des bois qui m’avait mise au monde et aimée jusqu’à ce que sa gorge soit fendue par un déserteur violeur de son état.

Pour en revenir à ma belle amie et à notre rencontre, il convenait de dire qu’elle m’avait offert une démonstration assez étendue de ses émotions. Ce qui m’avait d’ailleurs amené à penser que nous n’étions pas si différents l’un de l’autre. Aussi lorsqu’elle affiche une expression médusée éclatante d’un étonnement sincère et qu’elle reste bouché bée comme incrédule de ma présence en ces lieux que je connaissais bien je sais qu’elle m’attendait ainsi tristement seule et esseulée depuis au moins une bonne heure. Instantanément je m’en veux de l’avoir fait tant attendre mais sans parvenir à le regretter une seule seconde car la gestion de ma compagnie et ce jusque dans l’apprentissage rarissime au demeurant de mes soldates souhaitant s’instruire est ma première priorité de l’existence. De plus j’avais vraiment besoin d’un bon bain et d’un bon repas suite à notre duel mémorable. Sans compter que nous ne nous étions pas réellement fixer d’heure précise pour nous retrouver. Je me rappelle avoir dit à plus tard ce qui vous en conviendrez est relativement vaste comme perspective. Pour le meilleur et le pire je suis un homme occupé et mes professionnels qui avaient entendu tant de fois vous n’avez donc rien à faire sortir de ma bouche serrée en une mince ligne stricte ne seraient pas ceux qui vous diraient le contraire. Et pourtant à l’avoir vu si désespérée sur sa coupe sucrée je m’en voulais plus que de raison. Elle s’était attendu à retrouver son cousin de sang et frère de cœur ce matin et avait à la place eu droit à un capitaine insupportablement séducteur. Oui, elle était tout à fait en droit de me vriller les tympans je le confessais et l’acceptais d’avance mais je me disais que ce n’était pas son genre. Je me dis que je vais me faire pardonner en lui offrant quelques chopes ce qui ferait pencher la balance de mon côté de manière déficitaire. Se faire désirer était plutôt l’apanage de ces dames en règle générale.

Ses yeux me détaillent un instant s’attardent sur ma bouche joueuse la taquinant de ma verve revigorée par sa présence. Je guette sa réponse et le moment où elle va m’assurer qu’elle n’avait pas attendu très longtemps. A moins que je ne m’abuse et qu’elle n’allait ouvertement me reprocher mon manque de galanterie certain sur ce coup-là. J’ai tenté de me montrer aussi taquin et joueur que je l’avais été ce matin afin de la remettre dans le bain de notre rivalité empreinte de camaraderie naissante pour lui faire oublier le ressentiment assurément causé par mon retard excessif. Son expression change du tout au tout et la surprise explicite de ma culpabilité laisse instantanément place à un sourire enjoué. Malheureusement, tandis qu’elle m’avait détaillé j’avais fait de même aussi cette tentative de persuasion ne fonctionnerait pas. Cependant j’avais bon espoir que nous passerions outre le désagrément et retrouverions notre alchimie si intense de la matinée. Je joue néanmoins le jeu comme pour entériner tant ma culpabilité que sa déception. Tu me rassures en ce cas. Je m’en voudrais énormément de t’avoir laissé mariner seule et de t’avoir privé de mon illustre compagnie. Je pense que deux choppes supplémentaires m’apprendront à me montrer plus ponctuel tu as raison. J’adresse un signe de la main au serveur afin d’honorer de ce pas ma parole. Puis, je reporte mon attention sur la jeune femme face à moi et lui adresse un signe de tète compréhensif accompagné d’un sourire amusé. Elle soupire et roule des yeux. C’est un très bon réflexe ma chère que je ne partage malheureusement pas avec toi mais que je comprends. Cependant tu n’es pas en service il me semble. Je me permets d’insister tu vas devoir m’accompagner. Ce n’est finalement pas le serveur aux cheveux aussi blonds que les miens qui se présente à notre petite table mais la ravissante serveuse aux cheveux foncés.

Je lève les yeux au ciel lorsqu’elle prend appui sur la table et se penche légèrement comme pour me donner un aperçu plus concret de son abondant décolleté plongeant. Il n’y avait rien d’étonnant à ce que l’activité de l’établissement soit aussi animée et fructueuse de profit si une telle beauté étalait ses charmes de la sorte. Je parviens avec une dignité étonnante à ne pas laisser mon regard profiter de l’attitude sensuelle de la plantureuse serveuse et à le laisser résolument fixé sur Sydonnie. J’étais déjà arrivé en retard aussi je ne souhaitais pas passer pour plus rustre que je ne l’avais déjà été. Mes yeux dévient pourtant pour aller se planter sur le visage de la serveuse entreprenante et provocatrice au moment où celle-ci brise l’illusion de décontraction que nous avions tacitement mis en place quelques instants plus tôt. Je ne peux réprimer un sourire malgré tous mes efforts qui sont en cet instant vous pouvez le croire titanesques. Je suis bien conscient que je devrais me montrer sévère à l’encontre de la jolie sirène de taverne d’une beauté bien différente plus ostentatoire que celle de ma nouvelle connaissance amicale mais je n’y parviens pas. Elle flirte avec moi de manière si directe que je n’ai même pas à me fouler. Cela est agréable d’entendre des louanges à son encontre raison pour laquelle j’en distribuais à tour de bras à la plupart des belles femmes croisant mon chemin.

Cependant l’amusement et le contentement s’effacent peu à peu sous une vague de culpabilité. Deux heures. Cheveux mouillés. Sydonnie ne pouvait désormais plus faire semblant. L’indulgence extrême mêlée aux avances à peine voilées avaient beau être gratifiantes elles devaient être blessantes vis-à-vis de la milicienne alors je réprime le triomphe de mon amour propre et refrène mes ardeurs séductrices. Je porte une main sur mon cœur et penche la tête sur le côté. Vous êtes bien trop indulgente avec moi madame. Je ne le mérite probablement pas. Je sens la colère latente de mon interlocutrice alors je ne pousse pas le bouchon jusqu’à flirter avec la serveuse aguicheuse. Un coup d’œil vers Sydonnie m’indique que j’ai vu juste et la lueur meurtrière dans ses yeux écarquillés ainsi que la crispation de sa mâchoire étaient autant de signes que l’orage était sur le point d’éclater. J’avais presque mal pour la désirable tentatrice car j’avais déjà goûté au caractère bien trempé de la milicienne et cela n’était pas une douce caresse bien au contraire. La serveuse m’adresse tout de même un clin d’œil complice et son sourire radieux serait fort appréciable si ma partenaire de duel ne tirait pas une mine de six pieds de long chose que je pouvais tout à fait comprendre au demeurant.

       Je me recule légèrement en arrière sur ma chaise comme pour anticiper l’explosion de violence verbale à venir et m’en prémunir mais c’est d’une voix étrangement calme et glaciale que la milicienne aux yeux azurs remet la serveuse à sa place. Je lui laisse toute la latitude dans la commande qu’elle donne, estimant que c’est le minimum syndical après tout cela. Je ne me méfie pas sur le moment. Par la trinité trois fois maudite. Je ne me méfie pas moi qui me défie de tout et tout le monde derrière un enrobage de séduction et de vanité bien placée. Pauvre de moi. Pourtant je me fais immédiatement la réflexion que ce comportement calme et conciliant est aux antipodes de ce qu’elle m’avait montré d’elle ce matin même. A moins qu’elle ne se soit montré désagréable et sèche qu’avec moi en raison de la déception de découvrir mon angélique visage en lieu et place de celui de son frère. Diantre, je n’en crois rien. Si je m’étais montré plus attentif en ces instants j’aurais pu interpréter le sourire éclatant de la jeune femme comme une promesse de mauvaise augure pire que le chant du corbeau. Son sourire est bien trop joyeux pour une femme qui venait d’attendre seule deux heures et venait d’ètre humiliée par la serveuse de la taverne.

Définitivement trop joyeux. Pauvre de moi. Sur le moment bien trop ravi de son enthousiasme retrouvée je n’y prête aucune attention mais le ton légèrement inquiet de la jolie peste me douche. J’essaie de me souvenir des paroles de mes vétérans les plus coriaces au sujet de ce fameux grenat. Mais, je n’y parviens pas alors je me contente de suivre l’échange des deux femmes en silence. Les paroles de Tom la masse et Sam le borgne me frappent de plein fouet au moment où la milicienne affirme que je devrais tenir le coup. Le grena mon capitaine c’t un peu comme de la pisse de rat mort qui vous déchire les entrailles avec plus de vigueur qu’un coup de lance bien placé. Du vice comme on en fait plus. D’la mort en bouteille s’vous voulez notre avis. C’devrait être interdit par la loi c’te machin ça ouais. Je garde une expression parfaitement impassible et mon sourire aux lèvres naturel et assuré comme si j’étais venu au monde ainsi sans verser la moindre larme mais intérieurement je n’en mène pas large. Bien sûr que je vais tenir le coup. La vraie question c’est est ce que toi tu vas tenir le coup ? Je suis très fier de rester parfaitement maître de mes émotions sur ce coup-là car je craignais de me laisser aller à d’embarrassantes révélations sur ma personne avec un tel degré d’alcool et que je détestais me révéler plus que de raison. Mais, si je prenais ce risque elle le prenait aussi car je ne la laisserais pas échapper à l’infame mixture. Si je mourais d’intoxication, je l’emmènerais avec moi.

Qui plus est je comprends que c’est là son moyen de vengeance. Elle m’en veut pour le retard et ce à juste raison et elle m’en veut pour la sensuelle serveuse comme si c’était ma faute d’avoir un si joli minois. D'ailleurs, à moins que le grena ne donne en plus de maux d’estomacs sérieux une haleine putride reboutant n’importe qui à quelques mètres je ne voyais pas en quoi elle se vengeait de la serveuse. J’allais bientôt avoir ma réponse et prendre l’ampleur de la vengeance d’une femme telle que Sydonnie. Je lui réponds en riant :  Je n’en doute pas c’est une véritable comique. Je crains fort que mon honnêteté irréprochable ne m’ait contraint à évoquer notre égalité parfaite malgré ma certitude de t’avoir vaincu si nous eûmes prolonger le duel d’un tour supplémentaire. Quant aux manœuvres elles se sont déroulées à la perfection selon mes officiers.  

Nos commandes arrivent rapidement bien avant que je n’aie prononcé le dernier mot de ma réponse. Je ne parviens pas à adresser un remerciement solaire ou un signe de tète à la jolie dame assurant le service ni même remarquer le regard peu amène de madame Contignon sur sa serveuse pétillante. Car, mes yeux accrochent le dit grena en bouteille et ne parvienne pas à s’en détacher. Mes yeux font des aller retours entre la bouteille au contenu bleu, rouge, vert à la texture peu ragoutante au visage soudainement éclatant de satisfaction féroce de Sydonnie au dos de la serveuse aux quatre coins de la taverne. Seigneur ! Je ne donnerais même pas cela à boire à un agonisant sur le champ de bataille sauf pour lui épargner un long trépas. Rien qu’à l’observer je frissonne d’avance et pourtant je ne suis vraiment pas un petit joueur à ce niveau mais là. Éberlué comme sous le choc je ne peux réprimer un sourire d’amusement non feint tandis que la milicienne débouche la bouteille, en verse dans un verre et me le tend. Par l’enfer cette odeur est immonde ! Si rien que l’effluve était aussi ignoble alors qu’en serait-il du gout ? Mon visage se décompose de lui-même devant la perspective d’avaler ne serait-ce qu’une seule goutte de ce breuvage. Un crapaud ne me dites pas qu’il y a un crapaud pourri là-dedans. Voilà bien une leçon de courtoisie des plus cruelles. Par Rikkni la guerrière Sydonnie était une femme rancunière comme aucune autre.

Mon visage se fend d’une moue désabusée, dubitative et dégoûtée à la fois tandis que je prends le verre qu’elle me tend. Mes yeux pourraient même sembler implorer grâce mais je n’en ferais rien. Bien trop fier pour reconnaître que la perspective de porter ce verre à mes lèvres me paraissait plus dangereux que de me jeter au-devant de mes soldats dans une mêlée sanglante. J’éclate de rire en observant le contenu de mon verre de plus près après avoir écouté la milicienne. Mais mon rire se transforme en rictus nerveux. Je réponds pourtant : Oh mais tu me fais bien trop d’honneur. Je n’en mérite pas tant je t’assure. Ton attention me touche vraiment. Oui à notre rencontre et à toutes les suivantes qui risquent fort d’ètre toutes aussi mémorables. Puis, je porte le verre à mes lèvres en fronçant le nez. Oh oui. Oh oui que le châtiment soit à la hauteur du crime. Ta cruauté n’a pas de limite ma chère. Je plains tous ceux assez fols pour s'exposer à ton courroux. Je porte le breuvage à mes lèvres et avale le contenu du verre lentement en grimaçant et en me retenant de recracher le tout au visage de la milicienne. Je réprime un haut le cœur et repousse une envie saine de vomir et bois la moitié de mon verre. Je grimace toujours en reposant le breuvage sur la table et m’exclame. Foutre. Monsieur Contignon serait-il sadique ? A ton tour tu n’y échapperas pas. Je lui tends mon verre avec un sourire narquois. Je ne peux pas m’enquiller ce poison seul à moins de vouloir tomber dans les vapes.  

       
(c) crackle bones

       


Dernière édition par Gabriel Destrelmar le Sam 22 Avr 2017 - 21:02, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptySam 22 Avr 2017 - 15:03


Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre "Qui se complète s'assemble ou qui s'oppose s'attire ?”
(Gabriel Destrelmar & Sydonnie d'Algrange )


~ 3 Juillet 1165 ~

Une multitude de questions venaient se bousculer dans mon esprit, commençant toute par le même mot, pourquoi. Pourquoi j’étais venue ici, pourquoi j’avais attendu si longtemps, pourquoi je ne partais pas dans une colère digne des plus grands cataclysmes que le royaume pouvait avoir connu et je ne sais pas. Non, je ne parviens pas à trouver des réponses, je reste calme, je conserve un sourire chaleureux sur mes lèvres et je m’amuse même de cette possible culpabilité que mon interlocuteur semble ressentir. Je ne relève qu’à peine son comportement vis-à-vis de la serveuse, Létitïa a toujours eu ce don pour s’attirer les faveurs masculines, cela ne m’a jamais dérangée. Je n’ai jamais jugé intéressant de se faire prendre par tous les côtés. À cette pensée, j’avais dû afficher un sourire plus provocateur, mon regard avait dû paraître plus malicieux, mais tant pis. J’assumais pleinement mon envie de conserver certaines traditions. Si on s’offrait à n’importe qui, quel intérêt pour quelqu’un de nous posséder, quel fierté peut-il avoir d’avoir quelque chose que même le mendiant du coin peut obtenir à simple coup de reins ? Alors, non, je ne colère pas, je ne me sens pas humiliée par la première allumeuse du quartier, bien au contraire, j’estime valoir mieux que ça, beaucoup plus que ça. Je m’amuse même de la situation, de cet homme qui me fait face, qui semble mettre tous les efforts que la terre puisse offrir pour ne pas regarder se décolleter plongeant. J’avais attendu la disparition de la jolie serveuse pour m’exprimer, m’amusant de cette réponse qui ne me semblait absolument pas réaliste, cette fois-ci je dévoilais ma capacité stratégique, calculatrice.

- « Voyons, voyons capitaine, le mensonge n’est pas un art à utiliser à la légère. Il était impossible pour toi de sortir vainqueur sur la durée, plus le combat s’éternisait, moins tu avais de chance de gagner. Ton armure était bien trop lourde, ta capacité à te mouvoir diminuait avec les minutes qui s’écoulaient. L’unique élément qui aurait pu faire pencher vers ma défaite, était ta force brute et que le combat se termine vite. Malheureusement pour toi, il me suffisait d’être plus rapide, de conserver une distance pour t’épuiser et j’avais moyen de reprendre le dessus. »

Si je n’avais rien dit, si j’avais laissé mes envies me dicter ma façon de combattre sans écouter la stratégie que je venais d’énoncer, c’était simplement parce que j’avais ressenti le besoin de me défouler. D’enchaîner des coups, d’en prendre aussi certainement, parce qu’il n’y avait que cette façon que je me sentais bien, que je me sentais à ma place. Cependant, je me devais de lui laisser le bénéfice du doute, je me devais de le laisser croire, qu’en effet il était largement supérieur à la pauvre milicienne que j’étais.

- « Dans un véritable combat, je n’ai évidemment aucune chance, ton expérience est bien trop importante. Ta troupe est-elle aussi imposante que ça pour avoir des officiers ? »

Cette fois-ci je suis surprise, réellement surprise, si je l’avais volontiers imaginé Capitaine d’un petit groupe d’homme, je n’avais pas du tout pensé qu’il pouvait s’agir d’une troupe d’une si grande importance. La bouteille arrive élargissant avec elle mon sourire sur mes lèvres. Bien qu’il fait preuve de beaucoup de courage, son regard le trahit sur sa surprise et son inquiétude. Je ne peux pas m’empêcher de rire, sincèrement amusée par son comportement. Je me demande combien de temps il va tenir avant d’abandonner ce combat, boire une telle chose serait suicidaire. L’étonnement dans ses yeux, la pointe d’inquiétude qu’il doit ressentir suffit largement à contenter mon envie de vengeance. Je ne peux pas m’empêcher de pousser le vice plus loin, de lui servir un verre, parce que j’ai besoin de savoir jusqu’où il est prêt à aller dans sa fierté pour ne pas admettre ne pas être en mesure d’avaler une telle substance. Le problème c’est qu’il ne semble pas avoir envie de se défiler, pire je le suspecte même d’être capable de le boire, fichtre, le fourbe. J’affiche un visage plutôt amusé, répondant simplement :

- « À toutes les suivantes ? Ne serais-tu pas en train de prendre tes fantasmes pour une réalité ? »

Mon timbre de voix n’a pas changé, mon sourire non plus, pourtant il doit être difficile de dire s’il s’agit d’un pique sincère ou d’une taquinerie. Mon regard se dépose sur le verre et je ne peux m’empêcher de grimacer quand il porte le tout à ses lèvres avalant une gorgée, il m’impressionne, c’est rare. La grimace qu’il fait, la force qu’il met à ne pas vomir me tire un éclat de rire. Spontanée, fort mélodieux, je ne peux m’empêcher de partir dans un véritable fou rire, par les trois comment est-ce qu’il est parvenu à avaler une telle chose ? Mon rire s’arrête immédiatement quand il me tend son verre, mes yeux s’écarquillent légèrement indiquant un refus à venir certain. Cependant, une petite voix me murmure que je ne peux pas me défiler. Je veux lui montrer que j’en suis capable moi aussi. Nous n’étions pas en rivalité ni en compétition, simplement deux personnes passant visiblement un bon moment, pourtant, j’avais cette envie inexplicable de lui prouver que j’étais tout aussi joueuse que lui. Ma main était donc venue attraper son verre, le relevant légèrement avant de le terminer cul sec, je ne cherche pas à trouver les saveurs ou encore à sentir l’odeur, non, plus vite c’est avalé, plus vite c’est fait. Fermant les yeux, déposant le verre, je tente d’éviter la grimace, même si celle-ci ne semble absolument pas évitable. Je tousse, tire la langue, plisse les yeux, secoue mes deux mains de chaque côté. C’est infect, immonde, horrible, beaucoup trop fort. Beurk beurk beurk. Je déglutis à plusieurs reprises, tache de retrouve plus ou moins mon calme, mais il faut l’admettre cette substance pourrait servir d’élément de torture.

- « Mais c’est immonde !! » rétorquais-je en ouvrant les yeux, l’avisant avec de grands yeux « C’est bien pour cette raison que je suis certaine que jamais tu n’oseras en prendre un deuxième verre »

Mon sourire est beaucoup plus large, joueur, taquin, je le teste ouvertement sur ses limites et ses capacités. De mon côté, je sens déjà les bouffés de chaleur et mes joues s’empourpraient de roses. Par les trois, pourquoi fallait-il toujours consommer de l’alcool dans une taverne ?! Bon, si nous voulions conserver cette humeur bonne enfant, il allait falloir trouver quelque chose à faire. Un jeu à boire me semble parfait, je me lance donc dans les explications.

- « Vu que la bouteille est là, voilà ce que je te propose. On dit chacun notre tour une phrase, quelque chose qu’on a déjà fait ou qu’on à jamais fait, si l’autre ne l’a pas fait, il boit, si il l’a déjà fait, il ne boit pas ou inversement. »

Je ne sais pas si mes explications étaient suffisamment explicites. C’est un jeu plutôt simple connu par beaucoup, mes collègues de ma coutilerie ne cessent d’y jouer et je suis surprise des informations que j’obtiens en les regardant participer. C’est une bonne façon de faire connaissance, tout en profitant de l’alcool.

- « Bon je commence, comme ça ! » je prends le temps de réfléchir, tout l’intérêt est de trouver ce que je n’ai jamais fait qu’il a certainement du faire, ou au contraire ce que j’ai pu faire que lui n’a jamais fait. « J’ai déjà fait ma cérémonie d’intégration de la milice. »

C’était fourbe très fourbe, parce qu’il était évident qu’il allait devoir boire, je le savais il n’était pas milicien, il n’avait donc jamais pu faire une cérémonie d’intégration. J’attrape la bouteille lui remplit son verre à ras-bord de nouveau un large sourire sur les lèvres.

- « Bonne dégustation mon cher… D’ailleurs, tu sais déjà le lieu que tu vas me faire découvrir ? Enfin si tu parviens encore à tenir debout après tout ça… »


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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptySam 22 Avr 2017 - 21:13

       
Tu ignores le vide devant toi, les vertiges et la peur tu connais pas... Seul au milieu des loups, tu t'enfonces au bord des précipices. Dans la cité perdue, au travers de la nuit, toi tu vas bien. En travers la douleur et la mélancolie, tout ira bien. Sydonnie  & Gabriel 
       

       
Entre défaite et boisson...

       
La milicienne souligne l’arrogance de ma certitude vis-à-vis de l’issue potentielle de notre combat et je ne peux m’empêcher de sourire d’un air narquois en l’entendant me prouver qu’elle était bien plus expérimentée et tacticienne qu’elle ne l’avait laissé paraître le matin même. En même temps, le combat de ce matin n’avait rien été de plus qu’une rencontre de lames amicale comme je n’en avais pas vraiment l’habitude si ce n’était face à mon écuyer pour l’entrainer et le former à devenir le meilleur possible eu égard à son potentiel ou face à mes officiers une fois de temps en temps histoire de maintenir une rivalité amicale datant des débuts de la compagnie puisque les quatre chevaliers restants que sont messires Milus, Foliack, Jelannes et d’Aaacon en faisaient partie depuis le commencement. J’avais fondé la compagnie avec Milus et Demetrios et les trois chevaliers errants évoqués n’avaient pas tardés à suivre. Quelque part ils étaient autant mes plus anciens amis dans ce monde qu’une part certaine de l’âme de ma compagnie. A dire vrai ma propre arrogance étalée telle une parure orientale est bien étrange car je m’étais montré plus que modeste et réaliste lorsque Jaime avait insisté pour m’entendre dire que j’avais triomphé. J’imagine que c’est elle qui me fait cet effet-là. Que sa présence, sa verve et sa répartie me poussaient naturellement à lui chercher des noises comme si cela me venait naturellement, instinctivement face à un tel brin de femme m’arrivant tout juste à l’épaule mais parvenant à me tenir tète sans coup férir. 

C’était probablement cela qui était rafraîchissant en soit et j’y prenais gout à ce jeu de grandes gueules, cette opposition permanente de caractères bien trempés. Rencontre de deux volontés de fer aux allures radicalement contradictoires et aux points communs mis en exergue dans l’opposition qui devrait les éloigner. Je maintiens mon sourire moqueur sur les lèvres alors même que je sais qu’elle a raison et qu’elle aurait largement pu m’avoir à l’usure en me condamnant à l’humiliation de frapper dans le vide. Seulement, elle oublie qu’elle était tout aussi épuisée que moi précisément en raison de son obligation de mobilité.  Tout cela se serait joué à l’endurance. Car si elle était venue à me manquer ce qui est fort possible au demeurant malgré ma volonté de fer elle n’aurait eu qu’à me cueillir mais si elle était venue à lui manquer je n’aurais eu qu’à à peine me fouler pour m’engouffrer dans une faille. A dire vrai la beauté de ce duel tenait bien plus de l’égalité parfaite sur lequel il s’était achevé malgré la fin plus que brouillonne car cette égalité avait le mérite de récompenser les deux combattants qui n’avaient pas ménagé leurs efforts. Seulement les deux caractères dominateurs que nous possédions ne pouvaient légitimement se satisfaire d’une telle logique imparable. De son côté elle était intimement persuadé qu’elle m’aurait vaincu comme un besoin irrépressible de prouver que malgré son statut de femme elle pouvait abattre des hommes caparaçonnés et de mon côté de par le fait que j’avais combattu sans discontinuer durant six années de ma vie j’estimais être meilleur face à une milicienne en tenue légère parce que je me battais pour tuer en règle générale en raison de ma profession et qu’à ce titre si j’avais voulu sa peau je l’aurais eu. Je réponds en m’inclinant légèrement devant elle. 

Je suis parfaitement d’accord avec toi. Tu aurais pu m’avoir sur la durée en jouant de tes points forts et j’aurais été condamné à être aussi lent qu’une tortue piégée par sa carapace mais tu sembles bien aisément oublier ou faire abstraction volontairement du fait que tu étais au moins aussi épuisée que moi en raison des variables de ce combat. Et que par conséquent à ce titre il aurait fallu d’un simple ralentissement de ta part pour que je frappe. Courir comme une gazelle doit être particulièrement éprouvant par une chaleur pareille si je ne m’abuse. Je lève une main en signe d’apaisement car quand bien même les rivalités me plaisaient au plus haut point je n’étais pas venu pour m’engouffrer dans un dialogue de sourds et c’était ce vers quoi tendait cet échange de piques. En cet instant je savais que je restais et resterais enfoncé dans mes certitudes comme elle le resterait de son propre coté. C’est ce qui arrive la plupart du temps lorsque deux fiertés écrasantes refusaient de céder à celle de l’autre. Je conclurais en disant que nous nous sommes bien battu tous les deux tout simplement. Et qu’un autre duel finira bien par nous départager. J’éclate d’un rire franc et amusé en l’entendant faire semblant de louer ma supériorité. L’ironie est perceptible par qui sait la manier, en use et abuse plus que de raison. Mais mon sourire ne tarde pas à se figer sur mes lèvres pour disparaître de mon visage et lui rendre une expression fermée qu’il n’avait pas arboré depuis le début de cette rencontre autour de l’alcool. Ma compagnie. Voilà bien un sujet paradoxal qui me fait autant de bien à évoquer que de mal. Je pourrais aisément en profiter pour me vanter comme d’habitude mais les dragons d’airain étaient et resteraient à jamais ma plus grande fierté, l’œuvre de ma vie de bâtard. 

Cette compagnie était ce que j’avais de plus précieux, mes amis, ma famille. Celle que l’on se découvre dans les moments les plus noirs, les plus dangereux, celle à laquelle on ne peut mentir comme on ne peut raisonnablement pas se mentir à soi-même. J’aimais mes hommes, j’aimais la fraternité qui nous unissait tous du capitaine au plus modeste archer en passant par les civiles et autres petites mains gravitant autour de mes soldats. Or, sa réflexion loin de me vexer ou de me blesser quant à l’insinuation qu’elle sous-tend ne me fait que trop plonger dans la mélancolie et la tristesse latente qui s’emparait de moi chaque fois que je pensais à ce qu’elle avait été et ce qu’elle était devenue en raison de la fange. Je me rappelle parfois des visages de mes vétérans tombés lors de l’exode, des écuyers happés par la masse de fangeux, des guerrières intrépides hurlant à l’aide alors qu’elles ne l’avaient pas fait une seule fois sur un champ de bataille. Je me rappelle des larmes dans les yeux de notre médecin en apprenant la fin de son fils et de son épouse emportée par le fléau inaltérable. Je me souviens de leurs visages dans la terreur et durant quelques instants j’ai perdu de ma jovialité moqueuse naturelle, de cette ardeur séductrice constituant ma plus efficace protection contre le monde extérieur. 

Un monde que je faisais bien souvent passer pour un vaste terrain de jeu mais qui était ce qu’il avait toujours été depuis qu’un gamin farouche avait perdu sa mater, sa lumière. Sombre, froid, cruel, sale et désagréable. Mes yeux semblent se perdre dans le vide tandis que je revois ma compagnie forte de près de neuf cents hommes sur un champ de bataille étranger au royaume de Langre. La cavalerie rutilante charger l’ennemi suivant la formation préférée de Milus un triangle pour enfoncer les lignes qui se déploierait une fois la formation ennemie pénétrée et piétinée. Les archers faire pleuvoir les traits mortels telle une pluie mortelle. Leurs cris presque obscènes tandis qu’il tirent sur leurs muscles pour bander les arcs longs. Les lignes solides des hommes d’armes épaulés par les écuyers tenant les lances et en cet instant je me sens de la mauvaise humeur faisant si peur à Jaime. La compagnie est comme l’une de mes lames, je prends tant de plaisir à m’en servir que je ne peux m’en empêcher et que j’y passerais tout mon temps si je le pouvais. Seulement elle est bien plus que cela raison pour laquelle les visages de mes hommes et de mes femmes tombés en raison de la fange continuaient de me hanter. Raison évidente de ma défiance envers les dieux des hommes. Quels genres de dieux bienveillants laisseraient une telle abomination se produire ? Les dieux n’en ont rien à foutre avais-je clamé de toutes mes forces le jour de la défaite face à une armée de fangeux ce qui nous avait poussé à fuir vers l’est. Je le pensais encore avec une colère noire et le penserais certainement jusqu’à mon dernier souffle.  

       Maudits soient-ils. Je pouvais comprendre et accepter en tant que simple mortel que toutes les saloperies étaient nos saloperies et que les dieux n’avaient rien à voir là-dedans mais le fléau ressemblait bien trop à une punition injustement envoyée. Quels genres de dieux ne faisaient pas de différence entre l’enfant tétant le sein de sa mère et le vieillard sénile, l’homme de bien et le criminel, la jeune femme aussi douce qu’un agneau et le tueur le plus endurci ? Foutre. En plus de me rendre mélancolique à en mourir, de dévaster mes apparences soigneusement dressées tels des remparts d’insupportable elle avait réussi à réveiller ma haine à l’encontre du divin. Mes traits se durcissent d’eux-mêmes en adéquation à mes pensées tortueuses. Mais je finis par me reprendre le plus dignement et rapidement possible avant de soupirer et d’esquisser un sourire relativement triste. Votre maniement de l’ironie est aussi blessant qu’habile madame. Je mets un temps à me rendre compte de ma reprise accidentelle du vouvoiement. Je plaque une expression neutre sur mes traits avant de reprendre. Non à l’heure actuelle ma compagnie n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était dans un passé pas si lointain. Je dispose d’une centaine d’hommes tout au plus. Et de femmes. Prochainement cent vingt car je pense recruter pour doubler le nombre de recrues. Si les dragons d’airains ont des officiers et des sergents c’est parce que je n’ai pas eu le cœur à reconnaître que la compagnie qui avait été forte de près d’un millier d’hommes n’existait plus.
Je conclue d’un haussement d’épaule et détourne le regard au moment où la serveuse délicieuse revient avec nos commandes. La surprise sur les traits de la jeune femme suite à mon aveu est complète mais je ne parviens pas à me remettre dans l’ambiance chaleureuse et empreinte piques amicales. J’y parviens néanmoins en reportant mon attention sur la milicienne qui arbore un grand sourire éclatant de satisfaction. Je retrouve de ma superbe et de mon arrogance avant de suivre son regard sur la boisson dont m’avait parlé mes vétérans. Je suis presque intérieurement soulagé de faire de nouveau face à cette réalité concrète et aisée à vivre. Je saisis le verre de ma main droite et porte ma main gauche au niveau de mon cœur tout en esquissant un sourire goguenard. Voilà qui est déjà bien mieux.  Et moi qui croyais que tu m’appréciais. Tu viens de briser mon petit cœur ou du moins ce qu’il en reste. Bah, je vais profiter de cet ultime rendez-vous à sa juste valeur en ce cas. Par ailleurs ne partons pas sur le terrain des fantasmes veux-tu. Il est bien trop glissant. 
Provocation, taquineries, arrogance et séduction m’aident à reprendre pied et je ne perds pas de temps avant d’avaler le contenu malodorant qui me déchire les entrailles comme une blessure s’étant infectée. Lampée suicidaire qui a suivi quelques échanges bien senties de ma part, échanges me revigorant les uns après les autres car me permettant mine de rien d’oublier mes sombres pensées remontées bien trop brutalement à la surface quelques instants plus tôt. Alors tandis que je réprime une envie de vomir ou de recracher cette boisson ressemblant à de la pisse de chat mariné dans des égouts et brulant plus le gosier qu’un flambeau je me force à avaler encore un peu plus de l’ignoble breuvage comme si je souhaitais m’abandonner à l’ivresse dont les bras routiniers me semblaient tout d’un coup très accueillants voire désirables. Lorsque je lorgne vers la jeune femme je la vois rire de toutes ses forces, la vois se plier à s’en casser les cotes et je souris dans le verre. Oh mais le rire sera partagé très chère n’en doutez point un seul instant. 
J’avale une autre gorgée avant de poser le verre sur la table. Je m’exclame en hurlant que le propriétaire est un danger public et grimace malgré moi. Je dois me retenir de rejeter la mixture là sur la table. Mon corps brûle toujours sous l’effet de la boisson sans rivale dans le domaine du tort boyau dangereux pour la santé. Je savoure son rire spontané et mélodieux durant quelques instants avant de lui tendre le verre. A mon tour de partir dans un fou rire devant son expression interloquée. Ses sourcils se froncent comme s’ils étaient annonciateurs d’un refus cinglant et j’ouvre la bouche pour la traiter de mauviette de la milice au moment où elle s’empare du verre et se l’enfile à la même vitesse que moi. Je continue de rire comme un forcené à en avoir les larmes aux yeux lorsqu’elle repose le verre sur la table avec un peu trop d’emphase, ferme les yeux, tire la langue, tousse, déglutis et secoue ses mains. Lorsqu’elle s’exclame à son tour que c’est immonde et qu’elle me défie d’en prendre un autre verre mon sourire se fait féroce. Et voilà la plus grande faiblesse des égos surdimensionnés le refus de la défaite, le refus de passer pour plus faible que l’autre. Billevesées ma chère, j’allais justement m’en servir un autre. Les relents se font moins ignobles avec le temps et on s’habitue presque à ce petit gout de rat crevé. Son sourire s’élargit, se fait taquin. Je constate avec amusement que ses joues s’empourprent déjà. A ben c’est sûr que pour les non amateurs d’alcool le voyage était expéditif et le tarif sévère. Mais c’était sa faute puisqu’elle avait commandé cette horreur de la nature. Ce poison toxique pour le palais qui mettrait des semaines à ne plus souiller mon testeur de raffinement.
 Elle reprend sûre d’elle l’effrontée et me propose un jeu d’alcooliques que je connaissais bien. Je grommelle qu’elle ne tiendra jamais suffisamment longtemps pour que le jeu soit amusant avant de secouer la tête, dépité. C’était fourbe, très fourbe de partir sur ce terrain mais soit si elle le souhaitait réellement. Pas de problème j’avais de la réserve. Je saisis le verre et plonge mon regard vert dans le sien bleuté avant de boire le plus rapidement possible le breuvage. Je parviens à moins avoir envie de vomir que la première fois mais ne peux réprimer la même grimace. Diantre que c’est mauvais. Ça pue comme un cadavre et ça a le gout de la mort. Monsieur Contignon avait des passes temps bien étranges. Le verre claque sèchement sur la table et ma tête dodeline tandis que mes lèvres esquissent un large sourire victorieux et que mes yeux semblent dire alors fillette on s’incline, on recule devant le défi. Je me sens déjà brumeux alors que je pouvais avaler des dizaines de choppes de bières et quelques coupes de vin sans en ressentir les effets. Mais là ça dépasse de loin mes compétences. Mon sourire se fait béat alors qu’elle me lance une pique. Je réponds en riant après avoir remis du grena dans le verre. C’était délicieux. Et bien non. Ou oui. M’enfin tu n’es pas censé demander. C’est une surprise. De toute manière tu seras couché bientôt et je devrais galamment te ramener dans ta caserne comme le chevalier courtois que je suis. Hmm. Hmm. Laisse-moi réfléchir. Mes yeux s’illuminent d’un éclat triomphant plein de malice tandis que mon sourire se fait amusé. Je me suis déjà battu sous la bannière d’un roi étranger dans un autre royaume. Allez savoure le bien ma chère. C’est cadeau. Je pousse le verre vers elle et ne la quitte pas des yeux. 
     
(c) crackle bones

       


Dernière édition par Gabriel Destrelmar le Mer 26 Avr 2017 - 21:44, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptySam 22 Avr 2017 - 23:53


Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre "Qui se complète s'assemble ou qui s'oppose s'attire ?”
(Gabriel Destrelmar & Sydonnie d'Algrange )


~ 3 Juillet 1165 ~

Si je peux m’offrir une qualité sans hésiter, c’est ma maladresse, le véritable don que les trois m’ont offert pour mettre les pieds ou il ne faut pas. Je sens son comportement changé du tout au tout quand j’évoque sa troupe. Moi, qui avais pensé faire un compliment, j’avais tout faux. Il se ferme comme un coquillage, son sourire disparaît, sa mine s’assombrit et je n’ai soudainement qu’une envie celle de revoir le séducteur, le joueur même si je dois faire revenir l’autre allumeuse pour ça. Je tente de sourire de lui faire comprendre dans mon regard que je suis désolée, sincèrement. Je n’ai jamais su trouver des mots réconfortants, jamais, alors je fais ce que je sais faire le mieux, faire silence. Je compatis, je partage cette peine immense qu’il doit ressentir même s’il ne dit rien. Il me donne l’impression d’avoir déjà tellement vécu, d’avoir fait tellement de choses extraordinaires et moi ? Moi je suis simplement là devant lui à lui balancer pique sur pique à me gonfler aussi fort qu’une grenouille, si bien que je dois menacer d’éclater. Au fond, j’ai bien conscience de n’être pas grand-chose face à un homme de cette envergure. Alors je ne dis rien, je ne préfère pas risquer de m’enfoncer, d’aggraver la situation. Je me promets intérieurement de faire l’éloge de cette compagnie, peut-être que s’il croule sous le travail, j’aurai la chance de revoir un sourire sur les traits de son visage. Même si je m’étais promise de ne rien dire, j’avais quand même ajouté, juste avant l’arrivée de la serveuse :

- « La grandeur d’une troupe ne peut être gratifiée par un nombre, mais par la grandeur de l’âme qui la dirige. »

Oui, j’étais moi aussi capable de faire des compliments, j’étais aussi capable d’analyser les individus, sans pour autant être toujours mauvaise langue. Cependant, j’avais ressenti un soulagement devant le retour de Létitïa qui ne s’éternisa pas. Je l’avais laissé boire le verre, avant de boire moi-même une gorgée du nectar absolument infecte. Sa phrase sur les fantasmes m’avait sourire, si bien que certainement à cause de l’alcool, j’avais répondu :

- « Glissant ? Pas toujours, cela dépend d’où tu termines. Enfin, ce n’est pas à toi que je vais apprendre ça. Je suis en revanche terriblement désolée de briser ton cœur, ne t’inquiète pas Létitïa se fera un plaisir de le recoller. »

Pour le reste, j’étais restée beaucoup plus perplexe, prendre un autre verre sans ma perche, j’y croyais moyennement. D’ailleurs, je n’avais pas pu m’empêcher de faire de gros yeux ronds sur la surprise grommelant un « mou’ais » particulièrement suspect. Ce n’était pas à moi qu’on allait apprendre à faire des tours. Je l’avais regardé avaler son verre du perdant avec un grand sourire. De mon côté, j’avais déjà du mal à tenir la route, j’avais chaud horriblement chaud et je n’imaginais absolument pas être en mesure de boire plus d’un verre supplémentaire, pourtant il était hors de question que j’abandonne, même si cela voulait dire me faire violence pour tenir la cadence.

- « Tu plaisantes j’espère ? Dis plutôt que c’est moi qui vais devoir te ramener et expliquer à tes officiers que tu n’as pas supporté de boire une simple gorgée d’un alcool fort… Tu penses qu’il ferait quelle tête ? Mh… Par pitié, si vraiment, je ne tiens plus… laisse-moi dans une chambre dans une auberge, mais pas à la caserne. Mes collègues ne me lâcheraient plus jamais avec cette histoire… D’ailleurs, n’imagine pas pouvoir te défiler, si nous ne sommes plus en état, alors, il faudra reporter nos découvertes. »

J’imaginais déjà parfaitement la réaction de ma coutilerie, premièrement ivre, ramenée par un homme. Ooooh que non, ce n’était vraiment pas une bonne idée que de me ramener là-bas, tout sauf ça. Moi qui ne cesse d’embêter qui voulait bien m’entendre, je n’allais tout de même pas offrir le bâton pour me faire battre. De toute façon pour l’instant j’étais encore certaine de pouvoir relever ce nouveau défi que de ne pas rouler sous la table… Enfin ça c’était avant qu’il ne prononce sa phrase, j’ai froncé les sourcils, frustrée. J’avais bien conscience que je l’avais bien cherché, mais quand même, un autre royaume.

- « Un autre royaume, rien que ça bah voyons… Je vois que monsieur le capitaine ne plaisante pas, même dans les jeux. Tricheur. »

Je ne me défile pas pour autant, portant le verre qu’il vient de me servir à mes lèvres, un peu plus hésitantes que la fois précédente. Quand il faut y aller, il faut y aller et je me surprends à le boire d’un trait, sans trop réfléchir. Le goût est toujours aussi horrible je sens le mélange me brûler de l’intérieur partout où il passe, je grimace, tire de nouveau la langue, secouant doucement la tête, laissant vagabonder ma chevelure là où bon lui semble. Un point partout, tiens ça me rappelle quelque chose cette histoire de point… Et d’égalité. Cette fois-ci, c’est même plus des bouffés de chaleurs, c’est pire, bien trop pire, mes idées semblent s’embrouiller ou alors c’est juste ma vision. Je n’en sais trop rien.

- « Criqui-criticri-criquitique pas le patron, si tu savais comme il se donne du mal pour le faire son alcool » répondis-je avec la plus grande difficulté du monde à prononcer le premier mot que je n’avais de toute façon par réussi à dire correctement « Bon, c’est à moi, tu es prêt hein… » je réfléchis, j’dois trouver un truc à dire rapidement, sauf que voilà, je ne sais pas ce que j’ai fait qu’il n’a pas fait quoi que si… Et ça je suis certainement la seule entre nous deux « J’ai déjà refusé quatre demandes en mariage. Aaaaaaalors hein il dit quoi d’ça le capitaine ?! » J’affiche un large sourire de victoire, attrape la bouteille pour venir lui servir un verre, une nouvelle fois en le remplissant à son maximum « Ahahah à toi le liquide du crapaud tout mort. D’ailleurs tu penses qu’il était mort avant, ou après avoir été mise dans la bouteille, non parce que franchement ça peut tout changer cette histoire.»

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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptyLun 24 Avr 2017 - 22:54

       
Tu ignores le vide devant toi, les vertiges et la peur tu connais pas... Seul au milieu des loups, tu t'enfonces au bord des précipices. Dans la cité perdue, au travers de la nuit, toi tu vas bien. En travers la douleur et la mélancolie, tout ira bien. Sydonnie  & Gabriel 
       

       
Entre défaite et boisson...

       
Mon esprit est plongé au cœur des plus sombres tourments qu’un homme tel que moi était capable de ressentir. Si je donnais l’impression d’ètre un roc de certitude et de commandement naturel aux yeux de mes hommes et de mes femmes point de dénigrement ici, de ces mercenaires, ces professionnels du combat et de la guerre. Si je donnais l’impression d’ètre le plus charmeur des coureurs de jupons. Si je donnais l’impression d’ètre le plus joueur des êtres taquins. Si je donnais l’impression d’ètre le plus arrogant des manieurs d’épée c’était que j’étais un peu de tout cela mais également que j’étais un homme blessé qui était passé par toutes les émotions envisageables suite à l’apparition de la fange. Voir l’œuvre d’une vie s’effondrer devant ses yeux en quelques instants est déjà éprouvant moralement mais cela l’était d’autant plus lorsque la dite œuvre était composée d’hommes et de femmes, de frères, de sœurs, de compagnons d’armes, de personnes de tous les âges et tous les horizons de la jeune couturière d’ascendance paysanne au dernier fils cadet d’une sombre maison de chevalier. Cela l’était d’autant plus que les liens les plus forts qui puissent être après ceux du sang étaient à mon humble avis ceux forgés dans la douleur, la sueur, la souffrance et les affres de la guerre.

 Aussi lorsque les forces du seigneur qui nous avait engagé pour éliminer la fange de ses terres s’étaient faites annihiler en l’espace de quelques battements de cœur, submergés par le nombre et l’inconcevable mon cœur avait saigné pour la seconde fois de mon existence. La première étant liée aux larmes intarissables d’un gamin blotti contre le corps encore chaud de sa mère assassinée. J’avais pleuré comme je n’avais jamais pleuré, hurlé, maudis, blasphémé. J’étais passé par toutes les émotions imaginables en rapport avec la souffrance humaine comme si je mourrais avec les miens tombés sous le fléau. Puis, je m’étais ressaisi pour les survivants, pour l’espoir, pour cracher à la face des dieux que je ne mourrais pas et continuerais de les maudire pour tout cela et ce jusqu’à mon dernier souffle. J’avais été un homme blessé mais pas brisé. Jamais. Pourtant s’il y avait bien eu un moment ou ma carapace de capitaine arrogant, stratège, séducteur et de joueur taquin flirtant sans cesse avec les limites avait volée en éclat ce fut bien après l’avènement incontestable d’une ère nouvelle sous le sceau putride de la fange. Mais, j’avais bien trop de volonté pour me laisser aller. Aussi, je m’étais rapidement ressaisi et avais mené ce qu’il restait des fiers et féroces dragons d’airain jusqu’au havre inespérée qu’était Marbrume. Blessé dans mon âme j’étais et resterais sans doute jusqu’à la fin de mes jours mais cela seule une poignée le savait. Et cela devrait rester ainsi. 

Il ne saurait en être autrement. De la même manière que mon comportement insupportable et haut en couleur devait me permettre de mettre une armure entre le monde et ma personne, il devait également servir à cacher mes faiblesses aux yeux de ce même monde. Ma sensibilité et mes qualités insoupçonnables étaient réservés à mes plus proches, mes plus fidèles, mes plus chers amis. Les autres devaient me voir tantôt comme un capitaine compétent tantôt comme un roc de commandement tantôt comme un séducteur invétéré tantôt comme un homme d’une arrogance consommée mais personne si ce n’est le cercle évoqué ne pouvait connaitre Gabriel l’homme. Ce choix je me l’étais imposé il y a maintenant fort longtemps. Morose et mélancolique je pouvais rapidement devenir et ce au plus grand étonnement des gens qui me côtoyaient car l’on s’habituait si vite au mercenaire taquin et joueur que l’on pouvait fort bien me résumer à cette simple facette de ma personnalité. J’aimais par ailleurs cette facette de ma personnalité à sa juste valeur et la préférais profondément au mélancolique qui s’isolait avec sa harpe et sa coupe de vin dans les ténèbres. Cependant, je n’étais qu’un simple homme et les hommes avaient parfois bien du mal à vivre avec leurs sentiments. A se dépatouiller dans cet amas d’émotions les dépassant de leur complexité étonnante. La vie est complexe mais la guerre est simple raison pour laquelle tant d’hommes la préféraient à la paix m’avait un jour dit un sage. 

Lorsque Sydonnie me glisse juste avant l’arrivée de la serveuse aux formes plantureuses et à la sensualité débordante un compliment auquel je ne m’attendais assurément pas. Raison pour laquelle je plisse les yeux de méfiance après les avoir écarquillé de surprise. Notre relation naissante n’était pas vraiment celle de deux personnes se soutenant moralement ou du moins si mais dans une joie de vivre dévorante, une rivalité amicale prenante de chaque instant, un échange constant de piques et de taquineries et non pas un basculement dans le pathos et l’affection. Cela ne nous ressemblait pas réellement. Aussi, je ne peux que m’en vouloir d’avoir réagi ainsi et gâché l’ambiance avec mes émotions et mes sombres pensées. La fange nous avait tant pris à tous que je me trouvais égoïste d’évoquer mon propre malheur alors même qu’elle s’inquiétait le matin même pour son propre cousin potentiellement en danger. Je finis par adresser un sourire vrai, sincère, pur pour une fois dénué de toutes moquerie, lubricité, élan narquois ou d’amusement. Le sourire de quelqu’un qui vient de recevoir un magnifique cadeau en ayant conscience de la valeur inestimable d’un tel présent. Le sourire d’un homme faillible et terriblement humain et non pas d’une incarnation d’un idéal improbable, pas d’une armure de personnalité. Un sourire comme on en voyait bien peu orner mes lèvres. Je crois bien que c’est le plus beau compliment que l’on ne m’ait jamais fait Sydonnie. Mais je t’en prie parlons d’autre chose. 

La serveuse était revenue avec nos commandes et je ne lui avais qu’à peine prêter un regard. Signe que je n’allais vraisemblablement pas bien mais agacé par ma propre faiblesse de cœur je m’enfonce de nouveau presque avec un empressement forcé dans mon attitude de flirteur arrogant et agaçant. Quelques taquineries plus tard, j’avale le contenu écœurant du verre comme si on m’envoyait à la potence. C’est infect et mes deux vétérans ne m’avaient pas menti en affirmant que cela brûlait le gosier et déchirait les entrailles comme un coup de lance bien placée. J’ai envie de vomir mais en même temps j’ai envie d’avaler tout le contenue de l’immonde breuvage pour me saouler plus vite comme si seul l’alcool était capable de faire disparaître la douleur latente dans mon cœur, cela et un échange de taquineries avec la milicienne aux yeux azurs. Je reprends du poil de la bête assez rapidement tant en raison du degré de cette mixture ignoble qui faisait passer tous les tord boyaux que j’avais gouté par le passé pour de délicats bols de cidres que par la présence de la femme face à moi. Notre alchimie empreinte de rivalité, nos deux caractères bien trempés se percutant dans un éclat de verve, la facilité naturelle dans nos échanges. Tout cela faisait que la milicienne représentait un étonnant remède aux maux de l’âme du moins à ceux qui m’affligeaient. Ce qui avait d’abord sonné comme une vengeance cruelle à mes yeux pour un manque de courtoisie certain était devenu par la force des choses un motif de bonne humeur retrouvée. Une nécessité au maintien de l’harmonie discordante nous unissant assez étrangement. Ce qui avait quelque chose de particulièrement ironique lorsque l’on y pensait avec un peu plus d’attention. 


       Et dire que j’avais utilisé le terme de châtiment dans un de mes excès de grandiloquence en découvrant de visu ce qui se cachait derrière l’appellation de grena. Ce châtiment avait un gout étonnement bon finalement car cet effluve de macération qui pourrait faire se retourner les estomacs les plus fragiles ne pouvait que me faire oublier le gout amer de la tristesse et du malheur. Ce châtiment comme je le qualifiais et ce à juste titre tout de même eu égard à son gout abominable tire des éclats de rire à la milicienne puis me permet de faire de même à m’en fêler les cotes. Je ris à en pleurer et le feu qui me brûle de l’intérieur vu le degré de la boisson y est certainement pour quelque chose. Les mimiques de la jeune femme sont absolument hilarantes et me rende pour le coup complètement hilare. Le sourire presque coquin tout du moins mutin qui s’affiche sur ses lèvres suite à mon propos sur les fantasmes augure quelque chose de particulièrement libertin à mes yeux amusés ce qui dans la bouche de Sydonnie avait indéniablement quelque chose d’incongrue. Oh, je ne doutais nullement qu’elle avait certainement quelqu’un dans sa vie. Elle était assurément bien trop jolie pour que cela ne soit pas le cas simplement cela se voyait au premier coup d’œil qu’elle n’avait rien à voir avec une femme comme la serveuse de la choppe sucrée. Aussi je m’inquiète avec amusement de l’effet que je peux avoir sur elle. Il ne faudrait pas que notre guerrière intrépide devienne dévergondée. Je ne me le pardonnerais assurément pas. 
Mais, je pense avoir bien moins de responsabilité que la puissance de l’alcool dans le cas présent. J’éclate de rire suite à ses paroles avant de répondre : Effectivement tu as raison cela dépend assurément. Mais en effet, je ne pense pas avoir besoin de leçon en la matière. Quoi que si tu es volontaire pour me donner des cours supplémentaires. Je ne dirais pas non. Sourire goguenard et regard lubrique. Provoquant et taquin comme une habitude, une manière d’ètre, un mode de vie. Je me fends d’un haussement d’épaule à la suite de sa remarque. Oui, Laeticia devrait pouvoir aisément le recoller je n’en doute pas. Et puis tu n’es pas la première à le briser. On s’y fait avec le temps. Sourire amusé sur mes lèvres. Petit coup d’œil vers la serveuse aguicheuse. Son regard méfiant lorsque j’affirme que j’allais me servir un autre verre de bon cœur est parfaitement justifié et me permet de garder mon sourire amusé vissé plus longtemps sur mes lèvres. D’un côté si les affres de ma mauvaise humeur suite à l’évocation de l’histoire de ma compagnie n’avaient pas été gommées et balayées par les lampées de ce tord boyau qui à n’en point douter avait déjà dû causer quelques cas de cécité. Or cela avait été le cas, le premier verre avait suffi pour me faire oublier ce passé douloureux et redevenir le luron déluré que j’étais au quotidien. Le mouais suspicieux m’avait tiré un éclat de rire. Et j’avais avalé le verre du perdant le sourire aux lèvres. Même si j’estimais que le gout n’irait pas en s’améliorant je préférais me laisser aller dans les bras de l’ivresse et de la joie béate qu’elle entrainait plutôt que de me refréner au risque de replonger dans ces souvenirs déplaisants. Et puis la milicienne n’ayant pas l’habitude de boire, elle finirait à mon humble avis complètement ivre bien avant moi. Et je ne manquerais un tel spectacle pour rien et je dis bien rien au monde. 
D’ailleurs, je serais bien l’un des rares privilégiés à le voir et cela cela n’avait pas de prix. Mais elle pouvait mettre fin à ce défi d’un simple mot en s’inclinant face au buveur que j’étais. Cela serait bien plus sage mais je savais qu’elle ne le ferait pas et pour cela je l’adorais. Je n’en menais pas forcément plus large qu’elle en soit mais j’avais encore de la réserve eu égard à ma profession d’épée à louer dans laquelle l’alcool était aussi ordinaire que les armes ensanglantées. Je pariais mentalement sur le verre après lequel elle finirait par abandonner ou à s’écrouler. Or le joli rouge sur ses joues et la lueur de ses yeux n’indiquaient que trop bien qu’elle était proche de ses limites. Cependant, elle était femme à les repousser. M’enfin, il ne faudrait pas non plus que l’on en décède de notre fierté féroce. Je l’observe d’un œil moqueur tout en souriant d’un air béat et en dodelinant légèrement de la tête tout en tentant de rester digne. Tentative me faisant ressembler à tous les poivrots du monde. Et bien je pense que tu n’arriverais pas à me porter ma chère mais si jamais tu y parvenais je pense qu’ils rigoleraient et se paieraient ma tronche jusqu’à la fin de mes jours. Ce qui pourfendrait mon amour propre. Mais, puisque cela n’arrivera pas je ne m’inquiète pas le moins du monde hein. Comme tu voudras je te laisserais à l’auberge la plus proche en ce cas. J’imagine que te ramener dans les quartiers de ma compagnie ferait bien trop jasé. Je crains fort qu’il ne faille les reporter à un autre jour. Tu risquerais de te blesser et je ne saurais me le pardonner. Sourire moqueur et taquin. 
Lorsque ses sourcils se froncent suite à mon aveu je ris dans ma barbe blonde. Le monde n’est pas aussi petit que tu ne l’imagines ma belle. Je me contente de sourire en l’observant avaler le verre d’une traite comme si elle souhaitait en finir le plus vite possible. Elle ne se défile pas malgré une certaine hésitation palpable. Je peux comprendre que le fait d’avoir voyagé à travers plusieurs royaumes peut être difficile à croire pour certains car la population vit et meurt au même endroit mais voilà bien la meilleure chose de la vie de mercenaire avoir vadrouillé aux quatre coins du monde. Elle grimace, tire la langue, secoue son abondante chevelure d’ébène et rougit plus que je ne l’aurais cru possible. Elle semble fiévreuse ou enfiévrée et son regard semble se perdre. Ses paroles suivantes ne confirment que trop qu’elle est définitivement ivre. Je ne critique pas monsieur Contignon mais seulement son alcool. Avoue que pour avoir l’idée de faire ce jus de crapaud faut y aller. Oui, je suis prêt vas-y. Elle bascule d’un côté et de l’autre et durant un instant je réprime l’envie de tendre le bras comme si je craignais qu’elle tombe de sa chaise. 
Son visage se crispe sous l’effet d’une concentration difficile et je me doute qu’elle cherche quelque chose qui me forcera à avaler un autre verre de crapaud mort. Je me surprends à espérer qu’elle n’ait plus les idées claires et qu’elle s’emmêle les pinceaux. Lorsqu’elle s’exclame et affiche un sourire triomphant j’écarquille les yeux avant de sourire d’un air amusé. Je réponds : Cela ne m’étonne pas tu sais tu es une perle. Bah non je ne peux pas boire un autre verre puisque je voulais justement te demander quelque chose. Sydonnie je sais que l’on se connait à peine mais veux tu m’épouser ? Son expression me tire un fou rire et je porte le verre à mes lèvres. Je pense qu’il est mort dedans vu la puanteur. Pauvre animal. Je n’aurais pas cru pouvoir compatir au sort d’un crapaud. Je vide le verre le plus vite possible et grimace atrocement devant le gout toujours aussi ignoble. Je sens que je ne pourrais pas m’en enfiler d’autres à ce rythme-là mais de là à le reconnaître. Jamais. Cela me picote les yeux et j’ai l’impression d’ètre brûlant. Je chancelle un instant avant de me remettre droit. Enfin à peu près droit. Je souris à Sydonnie avant de lui dire. Madame je crois. Je crois que vous êtes ivre. Vous devriez abandonner avant qu’il ne soit trop tard ! 
     
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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptyMar 25 Avr 2017 - 18:32


Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre "Qui se complète s'assemble ou qui s'oppose s'attire ?”
(Gabriel Destrelmar & Sydonnie d'Algrange )


~ 3 Juillet 1165 ~

« Désolé, je ne donne pas de cours particulier. » Avais-je rétorqué presque immédiatement. Au fond, je ne savais même pas moi-même pourquoi, j’avais fait ce sous-entendu stupide, l’alcool surement. « Je pense plutôt que tu as dû briser bon nombre de cœur. Pas l’inverse » ça j’en suis moins certaine, mais je préfère jouer cette carte-là, que lui donner l’illusion que je le crois sur parole. Je ne l’imagine pas du tout, lui le pauvre homme au cœur brisé, ou alors il a très vite été se consoler. J’avais laissé mes yeux vagabonder sur sa silhouette, je l’écoutais quand il s’exprimait, mieux j’essayer vraiment de lui faire oublier ma maladresse passé. Je me maudissais encore intérieurement d’aborder toujours les sujets qu’il valait mieux éviter. Comment aurais-je pu savoir que cela l’affecterait à ce point, l’homme plein d’assurance était peut-être beaucoup plus fragile que ce qu’il laissait transparaître. L’idée me parut agréable, il était certainement plus similaire à ma personne que ce que je n’aurais pu imaginer. Sa réponse concernant l’auberge et sa compagnie me fit sourire si bien que j’avais cru bon de répondre « Alors là, tu rêves ! Juste pour le plaisir de te faire charrier jusqu’à la fin de tes jours, je pourrais très bien faire tout ce qu’il faut pour te ramener là-bas, d’ailleurs c’est où exactement ? » Alors que la conversation s’enchaîne, que je me retrouve à boire encore un verre ignoble parce que monsieur est en train tricheur, je me retrouve encore à tirer la langue et à faire une grimace digne des plus grands concours.

J’avais réfléchi longtemps pour trouver ma phrase à moi, pour le faire boire, cependant je crois que c’était moi la plus surprise des deux. Mes yeux s’écarquillent se rétractent alors que je me demande si l’alcool ne me fait pas imaginer des paroles. Cependant, devant son sourire arrogant, je comprends, oui, je comprends qu’il a bien fait une demande sous couverture de l’humour. Mon visage a dû se fermer dans la seconde, mes lèvres avaient perdu leur sourire et mon regard de son intensité. Je ne plaisantais que rarement sur ce sujet, d’ailleurs au fond, je crois que cela ne m’amusait pas. Ma mère avait toujours voulu me voir épouser le plus offrant, l’homme avec le plus de prestance, mon coutilier lui était un homme bien, mais je n’étais pas tombée sous son charme… Et Gabriel… Je savais qu’il plaisantait, que m’emporter ne changerait rien à l’amusement qu’il pouvait éprouver à ce moment précis… Pourtant, je n’ai pas pu m’empêcher de grogner.

- « C’est une phrase bien trop importante pour être prononcé à la légère. » Rétorquais-je plus froidement que je ne l’aurais voulu. « Je devrais te dire oui, juste pour te mettre dans l’embarras, mais de toute façon, tu ne serais pas cap d’aller jusqu’au bout de ta proposition, à peine le oui prononcé que tu te défilerais. »

Cette fois, c’est bien un sourire en coin qui était venu contraster avec ma froideur. Je venais bien de le provoquer et je ne savais pas si c’était l’alcool, ou ma conscience qui refusait de s’admettre vaincu par un mercenaire. De toute façon, bien que sa fonction lui permette de réaliser bien des folies, ce défi était beaucoup trop audacieux pour lui, pour moi aussi. J’avais ensuite ris doucement devant sa tête, si moi j’étais déjà bien alcoolisée, lui il n’était pas mal non plus. Alors j’ai ris, j’ai ris devant cette tête pleine de surprise, devant cette affirmation sur mon état, devant ce moment qui me faisait presque oublier l’insociable que je pouvais être.

- « Pas du tout, d’abord c’est toi qui à oublier de redonner…. Une… Une phrase ! Alors tu vois, c’est toi qui es le plus… Comme tu as dit des deux. Voilà. » Affirmais-je en levant mon verre que je venais de remplir « J’vais te le… prouver ! » je lui ressers un verre aussi, pour le plaisir « A la tienne, à nous ! » j’étais venue entrechoquer les verres, renversant la moitié des deux récipients sur la table « Cul sec » et d’un geste je venais d’avaler le contenu du verre.

Sur l’instant l’idée m’avait parue absolument lumineuse, beaucoup moins quand j’ai ressenti cette horrible envie de vomir, quand la température de mon corps me donnait l’impression d’être à son extrême et que mes joues devaient être d’un rouge, intense. Pourtant assise, j’avais l’impression de ne rien risquer, absolument rien, hormis ma vision qui se floutait à chaque mouvement. Cependant, avec un taux d’alcool aussi important une idée lumineuse ne peut en cacher qu’une autre, et l’idée du siècle n’avait pas tardé à pointer le bout de son nez, un homme venait de s’installer, jouant de la musique et la proposition m’avait paru évidente. Danser. Je m’étais relevée ou plutôt j’avais cru que je m’étais relevée, alors qu’en fait j’étais encore assise… Ah. Bon, j’avais recommencé la manœuvre m’appuyant sur la table pour me redresser, une fois debout, toute la taverne me donnait le tournis, elle ne devrait pas avoir le droit de tourner comme ça, surtout une taverne. « Tchut, ça va » répondis-je avant même qu’il ne puisse dire quoi que ce soit « J’vais te montrer moi que j’suis pas ce que tu as dit là ! Ivre. » Debout, je me décale secouant la tête de droite à gauche au rythme de la mélodie que le vieillard jouait un peu plus loin, mon corps suivant les mouvements de ma tête, comme-ci c’était les petits élans à droite et à gauche qui le contrôlait. Par miracle, j’arrive à me positionner devant lui, tendant la main « Viiiiiiieeeeens ! ». Viens où ? La réponse à moi, elle me semble évidente, à lui peut être pas. Je lui attrape la main, du moins, je la loupe une première fois, il en a beaucoup trop pour moi, des mains. J’étais certaine qu’on ne pouvait pas en avoir que deux, visiblement pas… « Piouu tu es trop nombreux pour moi ! Et non je n’abandonne jamais ! »

En fait, j’viens de comprendre la phrase qu’il avait prononcée avant, avec l’histoire du crapaud. J’ai l’impression d’avoir un énorme temps de retard…. Tant pis, j’avais fini par arriver à attraper sa main, essayant tant bien que mal de le tirer vers moi pour qu’il se relève. Je n’abandonnais jamais, ça c’était évident. Je sentais bien que madame Contignon semblait amuser par la situation derrière moi, - en même temps elle n’avait jamais dû me voir dans un tel état-cependant elle me connaissait trop bien pour venir me faire des remontrances, ici c’était un peu ma seconde maison, j’avais des passes droits. « Alleezzzzzz » grognais-je avec un large sourire sur les lèvres « j’dis pas que tu es gros hein… Mais par les trois qu’est-ce que c’est dur de te lever » Je plisse les yeux, fait une petite moue d’inconfort. Il pourrait au moins me donner l’illusion d’y arriver !



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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptyMer 26 Avr 2017 - 21:56

       
Tu ignores le vide devant toi, les vertiges et la peur tu connais pas... Seul au milieu des loups, tu t'enfonces au bord des précipices. Dans la cité perdue, au travers de la nuit, toi tu vas bien. En travers la douleur et la mélancolie, tout ira bien. Sydonnie  & Gabriel 
       

       
Entre défaite et boisson...

       
La réponse de la milicienne quant à mes avances à peine voilées poussées par la présence de plus en plus élevée d’alcool fort dans mon sang est cinglante et aurait pu me fouetter le visage ou me brûler la joue à l’instar d’une claque bien envoyée et bien placée. Si j’avais vraiment voulu découvrir le corps sportif et entraîné de ma belle amie mais puisque ce n’est pas le cas car je ne le voyais pas comme une cible potentielle de mon désir de luxure perpétuelle comme un besoin éternellement inassouvi, un feu dévorant de vie qui me faisait sentir bien vivant là ou d’autres n’avaient pas eu cette chance, je ne prenais pas ce refus acerbe d’une mauvaise manière mais avec un amusement non feint. Amusement renforcé par l’expression de la féroce brune qui semble s’en vouloir d’avoir laissé sa langue la conduire sur des chemins si peu chastes. C’est un spectacle par bien trop hilarant pour se priver d’un léger rire flottant dans les airs telle une comptine moqueuse. Telle une chanson paillarde de mercenaire ne laissant aucune place à l’imagination devant un parterre de prêtresses de la trinité. A dire vrai j’étais persuadé que ledit physique valait bien plus que le coup d’œil mais malgré la beauté évidente et non ostentatoire de la jeune femme je ne parvenais pas à la voir ainsi, comme une vulgaire conquête potentielle de plus. Notre rencontre avait été pour le moins inhabituelle dans son déroulement et m’orientait par conséquent vers un lien bien plus profond et sincère sans mauvais jeux de mots. 


Mais, je me disais non sans un amusement certain que la jeune femme, cette force de la nature impétueuse et insoumise se lasserait ou finirait par s’exaspérer d’un joyeux luron flirtant avec la limite en permanence elle qui affichait un caractère bien plus conventionnel, respectueux d’une certaine moralité bienpensante héritage d’une éducation rigoureuse. Que notre incompatibilité à priori éclatante finirait par avoir nécessairement raison de notre rafraîchissante alchimie raison pour laquelle je savourais l’instant présent avec une ardeur brûlante. Ainsi si jamais la jeune femme ne souhaitait plus voir ma face trompeusement angélique ou ne pourrait décemment plus la supporter ce que je comprendrais parfaitement au demeurant.


Les personnes qui m’aimaient sincèrement avaient bien du courage. La majorité faisait partie de ma compagnie soit dit en passant. Ceci expliquant cela. Aussi je m’assurais de faire de cette seconde rencontre un souvenir mémorable afin qu’impérissable il me fasse sourire bien gravé dans ma mémoire si la relation venait à brusquement s’achever. Je réponds le sourire sur les lèvres. Je m’en doutais tu sais mais je me suis dit que cela valait le coup d’essayer sait-on jamais. Lorsqu’elle reprend en m’accusant et ce à juste titre d’ètre un bourreau des cœurs je ne peux m’empêcher de jouer la comédie et d’afficher une moue à la fois blessée et triste et porte une main sur mon cœur. Tu as décidément une bien piètre image de moi. Cela m’attriste vraiment. Tu es méchamment douée pour me faire mal au cœur. Heureusement que Laeticia est bien plus gentille avec moi. Sinon je verserais certainement quelques larmes. Ma moue blessée se transforme peu à peu en moue de chien battu avant que je n’éclate de rire devant son air sincèrement interrogateur. 


Effectivement j’avais brisé bien des cœurs mais si j’avais dû promettre le mariage à chacune de mes conquêtes j’aurais un nombre assommant d’épouses et ma vie ne serait qu’une fuite perpétuelle pour éviter de devoir payer une fortune à mes enfants potentiels. La fange avait réglé la question d’une manière particulièrement atroce et durant un instant je perds mon sourire insupportable et me demande réellement si un fils ou une fille aurait pu grandir quelque part sans jamais connaitre son père. Cela me touche bien plus que je ne saurais le laisser paraître car en tant qu’enfant illégitime j’avais été élevé par ma mater seule jusqu’à sa mort et mon arrivée chez l’homme qui se révélerait être mon pater. Je ne vaudrais donc absolument pas mieux que Philippe. Cela me procure un sentiment déplaisant et me donne un gout amer dans la bouche. Je ne m’étais jamais sérieusement penché sur la question mais en y repensant un tant soit peu sérieusement je me rends compte que j’étais certainement un beau salopard. L’hédonisme le plus intense avait bien des défauts. 


Aucun homme n’est parfait et certainement mais alors certainement pas moi. Etait-ce pour cette raison que je prenais parfois soin des enfants des rues du quartier occupé par ma compagnie au plus grand amusement de mes hommes ? Etait-ce un désir inconscient de me rattraper ou simplement un moyen de faire une bonne action tout en utilisant les compétences de ces gamins désœuvrés pour mes propres desseins ? Ce qui était tout d’un coup bien moins noble. Néanmoins seules comptaient les finalités des actions à mes yeux. Ces volées de gamins qui avaient la chance de survivre dans un secteur adjacent à celui appartenant aux dragons d’airain se montraient utiles et fidèles et recevaient en compensation mon attention et celles de mes civiles, un repas chaud une fois de temps en temps et la sympathie bienveillante de mes professionnels qui leur contaient parfois histoires et blagues. Quelque chose dans le regard de Sydonnie ne m’indique que trop bien qu’elle s’en veut encore de m’avoir fait replonger dans mes tourments les plus sombres et j’aimerais lui dire qu’elle ne devrait pas s’en vouloir car sa présence et le fait de pouvoir la taquiner était le meilleur des remèdes à ma mélancolie lancinante et aux maux de mon âme mais je me dis que mes propos pourraient fort logiquement être mal interprétés puisque nous étions sur le terrain glissant des avances graveleuses alors je m’abstiens mais puisque je le pense avec une sincérité évidente ce n’est pas si grave. 


Son sourire lorsqu’elle entend mes propos sur l’auberge, ma compagnie et la honte éternelle que me causerait un abus d’alcool aussi puissant est si radieux que son jumeau revient se planter sur mes lèvres. Ahahaha je me doutais bien que cela te donnerait plus de motivation et de cœur à l’ouvrage seulement ton corps risque d’atteindre ses limites plus tôt que tu ne le crois alors je ne m’inquiète pas. Les quartiers de ma compagnie se trouve au cœur du quartier du port. Plusieurs entrepôts et bâtiments accolés les uns aux autres. Tu ne pourras pas louper l’étendard si jamais ce triste dénouement pour moi venait à se concrétiser. Elle avale le contenu ignoble du verre en me fixant comme si j’étais un tricheur ce qui me tire un énième éclat de rire. Si elle voulait que je lui décrive les merveilles que mes yeux avaient eu la chance de voir elle ne me croirait probablement pas mais je ne pourrais m’empêcher de les décrire avec admiration et passion. 


Le monde était tellement plus vaste que le Morguestanc et je me disais souvent au cours des vadrouilles de ma compagnie qu’il n’attendait que des braves pour être visité entièrement. Tout ce que j’avais vu, vécu resterait à jamais gravé en moi jusqu’à mon dernier souffle. Je le considérais par bien des aspects comme mon bien le plus précieux. A chaque lampée de tord boyau ses réflexes et ses expressions restent les mêmes mais restent également invariablement hilarants quand bien même ils se répétaient avec le comique de geste. La conversation et la partie continuent avec entrain  mais je me rends compte de la gaffe impardonnable que je viens de commettre en la demandant en mariage pour la rigolade car à l’instar de mon propre visage plusieurs minutes plus tôt le sien se décompose littéralement sous l’effet du choc et de la stupeur. Son sourire fond comme neige au soleil, ses traits se tirent et son regard alors brillant se fait morose. Je me maudis intérieurement pour ma stupide taquinerie chaque fois trop intense. La vie n’était pas un jeu pour tout le monde. J’avais tendance à l’oublier. 

J’ai envie de me coller des claques et de me frapper la tête contre un mur. Je ne me doutais pas que le mariage serait un sujet si sensible pour la jeune femme mais j’avais fait négligemment abstraction du fait que les femmes n’épousaient pas le plus souvent l’homme de leur choix mais bien plutôt celui choisi par leurs familles. Mon amusement est balayé sous une vague déferlante de culpabilité. Cela me dépassait de s’offusquer sur un tel sujet précisément parce qu’il m’était complètement étranger néanmoins je m’en voulais sincèrement de lui avoir causé de la peine tout comme elle s’en était voulue de m’en avoir causé un peu plus tôt. 


       Elle grogne presque en me répondant que cela n’était pas un jeu insouciant que de prononcer de tels mots. Je lève les mains comme pour me préserver de sa fureur avant de répondre. Je m’excuse de t’avoir énervé par mes propos Sydonnie. Bien que nous n’ayons pas la même conception des choses. Je n’aurais pas dû. C’était stupide et je le sais. Lorsqu’elle reprend avec plus de douceur et un sourire en coin je ne peux réprimer une expression de surprise pure. Elle n’oserait pas accepter tout de même. Non pas que finir enchainé à vie à une femme comme elle me poserait un problème néanmoins j’aimais bien trop la liberté pour me nouer un collet autour du cou et le lui offrir. Durant un instant je panique intérieurement et me maudis une nouvelle fois pour ma désinvolture flamboyante. Mes officiers seraient pliés de rire à l’idée de me voir pris au piège à mon propre jeu mais moi cela ne me fait que moyennement rire. Un rire nerveux, un rire jaune en somme. Je réponds néanmoins pour mon amour propre. En es-tu certaine ? Qui te dit que je n’en ai pas assez d’une vie de passions brûlantes, de débauche et n’aspire pas à fonder un foyer hein ? Cela t’en boucherait un coin pas vrai ? Je suis sûr que je pourrais tenir le défi mais que tu m’assassinerais tant je t’exaspérerais. 


Un sourire en coin vient à son tour étirer mes lèvres mais je m’empresse d’ajouter dans un haussement d’épaule nerveux. Enfin je ne suis pas ton genre alors cela n’arrivera pas. Ne jamais perdre la face telle pourrait être ma devise en cet instant. Le défi était bien trop grand pour nous deux alors je ne m’inquiétais pas outre mesure. Comme pour changer rapidement de sujet et m’éloigner de cette perspective impossible mais étrangement inquiétante pour le coureur de jupon que j’étais je lui lance son ivresse à la figure et elle éclate d’un rire étonnement mélodieux pour une femme alcoolisée. Alors j’éclate de rire à mon tour tant son état devait être à des lieux de ce qu’elle avait l’habitude d’ètre. En ressentant le fol espoir qu’elle apprendrait à se lâcher de temps en temps au lieu de s’astreindre à une discipline mortifère de chaque instant. Elle remplit son verre puis affirme en s’exclamant qu’elle n’était pas le moins du monde complètement ivre alors même que sa tête dodelinait de gauche à droite, d’avant en arrière, que ses joues semblaient ne pas pouvoir prendre une teinte plus rouge et que ses gestes devenaient brusques. 
Mon propre état n’est guère plus reluisant au demeurant mais je tenais bien mieux la boisson pour en boire régulièrement depuis maintenant six années. Profession oblige vous comprenez. Rien à voir avec de l’alcoolisme. Je la contemple d’un air amusé et l’observe tenter de remplir mon verre. Je souris en voyant une partie couler sur la table. Je saisis mon propre verre de tord boyau et souris de plus belle lorsqu’elle vient écraser le sien sur le mien ce qui projette une gerbe de l’infame boisson hors de leur récipient. Je n’ai pas oublié de redonner une phrase mais je pense que tu ne saurais avaler encore beaucoup de ce breuvage divin. A toi, à nous ! Nous nous enfilons nos verres cul sec et je souris en la voyant si délurée et joyeuse. Je pense qu’il devra s’agir du dernier verre sinon les dégâts risquaient forts d’ètre bien pires. Je lâche un rot des plus disgracieux avant de regarder à droite et à gauche de la manière qu’avaient les poivrots lorsqu’ils tentaient de rester digne. 
Le sourire amusé de Laeticia m’amuse et je désigne d’un coup de menton un homme accoudé au comptoir un peu plus loin comme pour me dédouaner de ce manque d’élégance certain. Les yeux de la milicienne semble se flouter car elle fronce les sourcils de cette manière que le font les gens essayant d’apercevoir quelque chose de lointain. Elle ne semble plus tenir sur ses appuis malgré la chaise et se met à tanguer dangereusement. Pour ma part, un sourire béat digne d’un sain me voit grommeler quelques mots incompréhensibles au sujet du vice de la boisson. Je brûle de l’intérieur comme si on m’immolait, mes pensées s’embrouillent légèrement et mes yeux brillent d’une lueur incertaine. Suivant un instant le regard de Sydonnie, je remarque à mon tour le musicien qui venait tout juste de rentrer et qui jouait déjà une mélodie. Je m’inquiète en la voyant tenter de se redresser bien difficilement et m’apprête à lui porter assistance en bondissant de ma chaise au moment où elle m’affirme avec aplomb qu’elle allait très bien et pouvait se débrouiller seule. Bien. Qu’elle ne vienne pas pleurer lorsqu’elle aura le séant sur le sol froid et que je rirais à gorge déployée. Comme tu voudras ma chère. Comme tu voudras. Non tu n’es pas ivre juste fortement alcoolisée nuance. 


Elle parvient sans trop savoir comment à se placer devant moi sans se ramasser disgracieusement et se met à danser en rythme avec la musique. Elle semble se laisser bercer par la mélodie lancinante de l’instrument. Je confesse qu’il s’agit d’un spectacle fort plaisant en tout bien tout honneur vous me connaissez. Sa main quitte le long de son corps et vient vers mon visage. Je la fixe d’un air mi amusé mi méfiant. Elle tente d’attraper la mienne mais se manque lamentablement et je n’en suis pas fier mais j’éclate de rire surtout que ses paroles soulignent son état évident. Venir ou ? fais je avec un sourcil levé. Oh ca non. Si j’aimais assurément danser et la musique je m’y prenais bien mieux lorsque je n’étais pas saoul. Alors, je préférais ne pas m’y risquer au risque de me ridiculiser devant toute une taverne. Je sais que tu n’abandonnes jamais. Sydonnie, je ne le sais que trop bien. J’suis plus nombreux que tu ne l’imaginais hein. Elle parvient par miracle à saisir ma main et ne la lâche pas. Elle tire et tire encore en tentant de me faire me lever mais elle n’y arriverait pas déjà sobre alors ivre. Je ris devant ses efforts désespérés. Si je ris facilement en règle générale sous l’emprise de la boisson c’était pire. Bien pire.
Un large sourire étire ses lèvres tandis qu’elle me harangue. Je finis par me lever quelques instants plus tard après avoir soupiré devant sa détermination sans faille. J’avais étouffé le sous-entendu graveleux que j’avais eu sur le bout de la langue, tire une petite pièce de ma bourse et la lance au vieillard qui l’attrape en plein vol avec une vivacité étonnante. Quelque chose de lancinant et reposant mon brave. Je ne suis pas sûr que madame tiendrait une ballade festive. L’homme m’adresse un grand sourire et un clin d’œil avant de s’exécuter prestement et jouer de son instrument avec virtuosité. Mais Sydonnie me fusille du regard ce qui m’arrache un grand sourire. Sans attendre son avis, je place mes mains autour de sa taille et l’emmène dans des pas de ma connaissance. Je penche la tête vers elle tout en haussant les épaules de manière nonchalante. Tu voulais que je danse il me semble alors ne joue pas les rabats joies. Au moins comme cela je peux t’empêcher de tomber. 
     
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Dernière édition par Gabriel Destrelmar le Sam 29 Avr 2017 - 0:46, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptyJeu 27 Avr 2017 - 0:13


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~ 3 Juillet 1165 ~

- « Je vais réfléchir à ta proposition » répondis-je dans un large sourire.

Cette fois j’étais certaine d’avoir le point, de remporter la manche, mais j’étais très loin, vraiment très loin d’imaginer ce que pouvaient avoir comme conséquences mes simples paroles. Sur le moment je me suis demandais si je pouvais être sérieuse, si j’étais en mesure d’imaginer passer ma vie avec une personne comme lui, un coureur, puis je me suis mise à rire bêtement balayant l’idée d’un battement en cil. Cherchant à me convaincre qu’il n’était pas ce qu’il voulait montrer, j’étais certaine qu’il n’était qu’un pantin, une illusion de lui-même, certainement la meilleure à ses yeux, la moins pire, la plus agréable pour les autres. Quoi qu’il en soit l’idée me fait sourire, j’imagine déjà la tête de mère si je devais lui annoncer que j’allais me marier par fierté, je la tuerais… Je me retiens de rire devant son sourire et son argumentation qui n’avait que pour seul objectif de se rassurer, de la même manière que j’avais répondu précédemment, je ne peux m’empêcher de le provoquer une nouvelle fois, l’alcool aidant largement pour ça.

- « Qui sait. Peut-être que c’est moi qui ne pourrais rentrer dans tes critères de sélections. »

Cette fois, c’est évident, je suis ivre, l’alcool à dû remplacer mon sang. Jamais, oh oui, jamais je ne prononcerai de telles phrases dans mon état normal, quoi qu’il en soit, il est absolument hors de questions que j’abandonne, que je ne puisse sortir victorieuse de ce petit jeu que j’ai moi-même instauré. Mon adversaire est peut-être de taille, mais pas autant que moi. Les événements s’étaient ensuite succédé sans que je ne puisse réellement avoir un certain contrôle ou m’en souvenir avec exactitude. Non, l’unique chose que je pouvais constater, c’est que j’étais face à lui, me dandinant de droite à gauche au rythme d’une musique que je ne connaissais pas vraiment, tirant sur sa main pour espérer le voir se relever miraculeuse. Si dans mon état normal, je n’avais déjà absolument aucune chance de le faire se lever sans son accord, avec de l’alcool, c’était encore plus perdu d’avance. Pourtant, je tirais, je tirais toujours plus fort, j’essayais encore et encore, faisant tout mon possible pour atteindre cet objectif improbable. J’ai fait une pause dans mon mouvement, l’avisant lui de mes deux grands yeux bleutés, je le regarde rire et je me surprends à sourire, puis à rire à mon tour. Il était contagieux, lui et sa mascarade de bonne humeur, ou alors c’était l’alcool au crapaud qui me donnait l’impression d’être atteinte par sa maladie du rire. J’hausse doucement les épaules, comme-ci j’essayais de me répondre physique à mes pensées, comme-ci je discutais avec quelqu’un alors qu’au fond, je n’étais qu’en face de lui à retenter de tirer comme une véritable acharné. Sans vraiment comprendre comment, il finit par se retrouver debout face à moi, et devant la force que j’avais mis jusqu’à présent, je me retrouve projetée légèrement en arrière, retrouvant mon équilibre de justesse. Je cligne des yeux un instant, l’avisant, fronçant les sourcils devant ce soupir que je n’identifie que trop bien.

- « Bah dis-le si ça t’embête hein, t’gêne pas. »

Je gonfle les joues comme un enfant contrarié avec cette envie de croiser les bras sous ma poitrine et de partir dans un coin bouder. Si j’étais une personne rancunière, je ne l’étais jamais vraiment très longtemps, du moins, pas suffisamment à mon goût. Je m’attends à me prendre un refus en pleine face, pire à me faire embarquer tel un sac d’aliments pour me balancer de force dans une chambre d’auberge. L’idée qu’il n’apprécie sincèrement pas l’idée me traverse l’esprit et l’éclat de mon sourire doit perdre de son intensité sur le moment. Je relâche immédiatement sa main, me reculant d’un pas, manquant de nouveau de trouver la chute. Ma pensée me laisse un goût amer, comme-ci je venais de me prendre une porte en pleine face, alors qu’il n’avait encore rien dit. Secouant doucement ma chevelure, j’essaie vraiment de garder le cap, de ne pas changer de ligne de conduite. De toute manière, il y a très peu de chance que je me souvienne de quoi que ce soit demain. Je reviens sur le moment présent à cause de sa phrase et cette fois-ci je dépose les mains sur mes hanches, boudeuses :

- « Madame tiendrait P.A.R.F.A.I.T.E.M.E.N.T une ballade festive »

Enfin, madame tiendrait oui, si madame savait danser. Sauf que moi j’avais préféré fuir les cours de bienséance de mère et donc des cours de danse pour me battre dans la boue, alors forcément… Les combats de boues, je n’étais pas certaine qu’il pourrait m’aider là maintenant tout de suite. Il était venu naturellement se positionner proche de moi, déposant ses mains sur mes hanches, naturellement j’avais eu un mouvement de recul, qui avait évidemment manqué de provoquer notre chute à tous les deux. Prenant une mine coupable, j’avais finalement affiché un sourire en coin, me résignant à accepter ce contact bien trop proche pour la bienséance. Oublions les règles de bonnes conduites pour un soir, il n’y aurait qu’en témoin que la serveuse, le serveur, la patronne et la multitude de clients qui nous regardaient avec un large et grand sourire, certainement amusé par cette situation. Si je suis une mauvaise danseuse, je suis en revanche une parfaite imitatrice et je m’applique à suivre ses mouvements, à me fixer à son rythme, sans jamais venir me coller ou m’approcher de façon trop intime de lui. Gabriel était un homme particulier, bien trop pour que je ne puisse comprendre ses pensées, surtout avec ce goût horrible en bouche, ma vision floue et ma capacité de réflexion bien amoindrie. La musique était agréable, la sensation tout autant. Je m’étais autorisée à fermer les yeux, quelques secondes profitant de ce moment, de cette pause si étrange et réconfortante à la fois. Ouvrant de nouvelle mes prunelles bleutées, je pris enfin le temps de lui répondre, tout en me laissant entraîner par ses mouvements :

- « Tu es très mauvais pour trouver des excuses. » Piquais-je doucement « Je ne sais pas danser » admis-je pleine d’honnêteté dans un moment de lucidité. « Je crois que tu as raison, je suis ivre. » Complétais-je doucement en m’appliquant sur l’articulation.

Le moment se voulait proche, bien trop proche pour ne pas faire sonner une multitude d’alarmes dans mon esprit. La danse était une manière de séduire, il n’était pas dans les mœurs de pouvoir respirer l’odeur de l’autre, de pouvoir s’imprégner des traits de son visage, jusqu’à pouvoir les mémoriser ou décrire cette minuscule petite ride issue du froncement régulier des sourcils… Non il n’était vraiment pas autorisé de pouvoir contempler de façon si proche, ses grands yeux tout aussi clairs que les miens. J’ai dû me perdre un long moment dans son regard, sans prendre conscience qu’il pouvait être mal venu d’agir ainsi, ou que je pouvais même simplement le gêner. Détournant rapidement le regard, je me suis mise à fixer un point imaginaire plus loin, tout en conservant mes bras au niveau de ses épaules, évitant de glisser mes mains trop loin pour ne pas provoquer plus de proximité. Je remercie les trois d’avoir bu autant de verre, cela évitait à mes joues de s’empourprer davantage de roses, provoquées par la gêne. Je n’étais pas le genre de personne à accepter une autre personne dans ma sphère intime, d’ailleurs hormis Chris, personne n’avait réellement réussi à m’apprivoiser. Alors, j’étais surprise tant par cette facilité que j’avais de me sentir bien en sa compagnie, que le fait que j’accepte de conserver cette proximité qui pourtant me gêner à un point inimaginable. Naïvement, je m’étais absolument tout sur le compte de l’alcool, me promettant de ne plus jamais boire autant… Par les trois, demain je n’allais pas parvenir à me remettre de cette journée. Ce rapprochement m’oblige à prendre sur moi, à me concentrer, à sortir de ce semblant de semi-conscience.

- « Je voulais t’emmener dans un lieu agréable, enfin, moi je le trouve agréable… En shassan –chassant- je suis tombée sur une famille de cerf… Depuis, je vais de temps en temps les observer… Cela m’apaise. »

Si on ne cesse de me dire que l’alcool délit les langues, je ne peux le nier ou le contredire, je suis étrangement honnêtement, étrangement sincère et sérieuse, bien loin de l’image de cette femme au caractère si froid, dur et sous l’alcool amusante. J’affiche un semblant de sourire avant de me re-concentrer sur mon interlocuteur. Si je parviens à conserver un semblant de lucidité, mes gestes eux, peuvent parfaitement témoigner de mon taux d’alcoolémie élevée. Une question s’échappe soudainement de mes lèvres, sans que je ne puisse forcement la contrôler :

- « Bon, si tu me parlais de toi, je ne parle pas de ton masque et de celui que tu montres, je parle de toi, celui au fond là… Juste là. Celui que tu ne montres pas. »

Comme pour appuyer mes dires, je cesse notre danse l’espace de quelques secondes pour déposer un doigt sur son torse tapotant légèrement, une fois que je suis certaine qu’il a bien saisi la question, ou ma phrase, peu importe. Je me remets dans notre position initiale, l’entraînement dans un rythme beaucoup moins régulier, beaucoup moins contrôlé que celui qu’il pouvait imposer. Autour nous d’autres couples semblent avoir pris exemple sur nous, pour le plus grand plaisir de Dame Contignon qui devait bien regretter l’absence de son cher et tendre. J’avais conservé un sourire discret, des yeux pétillants certainement dus à l’alcool. J’étais malgré les circonstances étrangement à l’écoute de Gabriel, cherchant peut-être à dépasser le paraître pour me pencher sur le véritable.



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Gabriel DestrelmarMercenaire
Gabriel Destrelmar



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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptySam 29 Avr 2017 - 0:58

       
Tu ignores le vide devant toi, les vertiges et la peur tu connais pas... Seul au milieu des loups, tu t'enfonces au bord des précipices. Dans la cité perdue, au travers de la nuit, toi tu vas bien. En travers la douleur et la mélancolie, tout ira bien. Sydonnie  & Gabriel 
       

       
Entre défaite et boisson...

       
C’est avec un large sourire que la milicienne aux cheveux de jais répond à ma taquinerie pleine de morgue n’ayant en réalité que pour seules fins de ne pas me faire passer pour quelqu’un d’incapable de relever un défi quel qu’il puisse être quand bien même celui-ci me dépassait largement de toute sa stature menaçante d’une part et retrouver la fierté insolente qui me caractérisait en toutes circonstances. Oui, ne pas perdre la face en somme alors même que je l’avais évidemment déjà perdu en laissant transparaitre ma nervosité dans mes gestes et ma réaction. J’étais un séducteur dans l’âme, un vulgaire coquin, un vil joueur, un hédoniste confirmé et un adepte des plaisirs savoureusement brûlants de la chair. Ma conception des relations amoureuses était indéniablement teintée d’un gout pour le sulfureux et le dévergondage là où la chape de la moralité rigoureuse de l’éducation écrasait les mœurs de sa pudibonderie bienpensante. Mais, pourquoi donc se limiter à aimer une unique femme lorsque l’on pouvait les aimer toutes. Fichtre. Je suis persuadé d’ètre quelqu’un d’extrêmement généreux puisque je donne de ma personne à toutes celles qui le veulent bien. 


Je suis néanmoins conscient que ce point de vue bien particulier faisant de moi le coureur et bourreau des cœurs que je suis était loin d’ètre le dogme en la matière pour exemple le plus flagrant la réaction de la jolie brune assise en face de moi. Voilà pourquoi la perspective de me retrouver marier bien avant le deuil et ce quand bien même je me répète sans arrières pensées aucune que le corps de guerrière de Sydonnie devait valoir bien plus que le coup d’œil est si effrayante à mes yeux. Comme un hongre à la robe de feu qui renâclerait à se présenter à la lice car la volonté qui tente de le subordonner lui déplaît au plus haut point et que la sienne propre est la seule qui compte à ses yeux. Ce n’est pas que la mariée en question me poserait le moindre problème si ce n’est son gout bien trop prononcé pour la bienséance et la rigueur morale dans un domaine qui à mes yeux se devait d’ètre le royaume du laisser-aller libérateur. Nos deux caractères d’acier feraient assurément des étincelles telles deux lames s’entrechoquant dans le duel. Seulement, je ne suis réellement pas serein en cet instant comme si je craignais qu’elle accepte dans un excès d’audace ou une soudaine folie passagère provoquée qui sait par un abus de cet immonde tord boyau.


 La satisfaction dans son sourire ne m’indique que trop bien qu’elle est parfaitement consciente d’avoir gagné cette manche car ce sujet vraisemblablement sensible à ses yeux était à priori mon talon d’Achille. Durant quelques secondes, je me demande à quoi elle pense derrière ses grands yeux d’un bleu si clair qu’il paraissait de glace. Elle ne pouvait décemment pas y songer sérieusement. J’étais le feu ardent et elle était la glace la plus immaculée. Deux éléments contraires pouvaient ils s’accorder ? Mon expérience en la matière me poussait à penser que oui seulement mon expérience en la matière s’était façonnée à des dizaines de lieux, que dis-je à des centaines de lieux de cette étrange idée inconfortable nommée mariage. Je me maudis donc intérieurement une bonne dizaine de fois tandis que je tente de paraître nonchalant et arrogant au travers d’une argumentation de dernière minute dont je ne suis pas peu fier soit dit en passant mais qui sonnait malgré tout comme légèrement fumeuse il fallait tout de même bien se l’avouer. Son rire me soulage bien plus qu’elle ne peut l’imaginer et la tension accumulée dans mes muscles alcoolisés s’évacue comme neige fondant au soleil. Elle ne faisait que me taquiner bien évidemment. Ce rire semble faire écho à celui que j’imaginais résonner dans les bouches de mes officiers lorsqu’ils apprendraient ma mésaventure. 


Oh, ils ne l’apprendraient peut être pas de mon aveu car mon sens de l’auto dérision avait néanmoins quelques limites mais en discutant avec madame Contignon leur de leur prochain passage dans la taverne bien appréciée dans nos rangs. Aussi, je me doutais que je devais m’attendre à quelques petits commentaires amusés dans un futur relativement proche. Mon sourire assuré reste vissé sur mes lèvres car malgré le défaut évident de réalisme dans ma contre-attaque sa réaction semble nous éloigner du gouffre que j’avais moi-même ouvert de ma verve parfois trop insouciante.  En l’observant je comprends qu’elle s’apprête à lancer une ultime pique, provocation taquine certainement bien aidée en cela par l’alcool dans son sang et me contente d’attendre tel un soldat en première ligne le bouclier levé bien haut et la lance calée dans l’encoche sans me départir de mon sourire assuré quand bien même elle était et à juste titre sure de son triomphe dans cette manche. 


Ses paroles me causent une surprise bien réelle et un amusement certain pourtant mon masque facial ne change en rien et reste invariablement nonchalant et arrogant comme si la perspective évitée d’un mariage causé par un défi dans une taverne me permettait de ne plus rien craindre et que ce sourire ne quitterait plus mes lèvres jusqu’à ce soir. Qui sait en effet ? avais- je repris en plein vol en agrémentant le tout d’un haussement d’épaule. L’alcool aidant grandement la conversation et les évènements qui en découlent s’enchainent de manière telle que ce piège dans lequel je m’étais fourré seul et assez stupidement passe bien vite à la postérité. Je ne dirais plus le moindre mal du tord boyau du patron. Voilà qu’un musicien passe le pas de la grande porte de la taverne et s’installe près du comptoir. Je souris d’un air joyeux, d’une joie simple, sincère et parfaitement innocente. J’avais toujours aimé la musique quelle qu’elle soit, le chant, la danse car tout cela était synonyme de fête et par extension d’ambiance, de bonne humeur et de vie. Etant moi-même musicien, je savoure la mélodie jouée par le vieillard de son instrument avec un certain connaissement de la chose et une satisfaction admirative. Je me considère cependant bien trop alcoolisé pour me lever et me mettre à danser sous le regard d’une petite foule et de madame Contignon. 


Pour le coup, je préférais danser en étant en pleine possession de mes moyens car cela se révélait indéniablement plus gracieux et moins susceptible de me poursuivre pour un certain temps. D’ailleurs, je décuvais déjà l’ignoble breuvage en grommelant des propos dans ma barbe. Seulement, la première cuite de Sydonnie semble lui avoir fait poussé des ailes, l’avoir débarrassée de son côté guindé et pète sec puisqu’elle se lève tant bien que mal et ce en repoussant ma galante assistance ce qui me tire un sourire moqueur. Si madame peut se débrouiller toute seule sans se casser quelque chose. Grand bien lui en fasse. La jeune femme parvient à se placer face à moi au terme d’un mouvement étrangement miraculeux et se met à danser ou du moins à se déhancher sur le rythme de la musique juste devant mes yeux. Laissant un instant mes yeux s’attarder là où ils ne devraient pas par simple habitude et réflexe je m’amuse en riant de son incapacité à se saisir de ma main. Elle parvient pourtant finalement à l’attraper et mon rire repart de plus belle comme une cascade en l’observant se démener de toutes ses forces réduites par la boisson pour tenter de me faire me lever. Mon séant est très bien là où il est et le sien aussi d’ailleurs. Décuver en profitant d’une vue si délectable est un plaisir que partagent certainement tous les clients de taverne de ce monde. Inutile de me pointer du doigt pour une fois. La milicienne se fige comme pour se reposer après un tel effort vain et éclate d’un rire venant se mêler au mien après m’avoir avisé de ses grands yeux bleutés. 


Son haussement d’épaule m’amuse de plus belle et je déverse ma bonne humeur et mon amusement aux oreilles des habitués. Elle retente ensuite sa chance et parvient à me soulever parce que je me lève de mon siège dans le même temps ce qui a pour effet de me relever brusquement et de la projeter légèrement en arrière. Je m’inquiète d’une chute potentielle sans en avoir l’air avant de soupirer devant cet étalage de détermination sans faille. Ne pouvais-je pas décuver la boisson comme tous les poivrots ? Non, la jeune femme n’a jamais été aussi énergique que maintenant qu’elle est saoule. Sa réaction ne se fait pas attendre puisque ses sourcils se froncent et qu’elle me lance au visage sa réplique. Je m’abstiens de répondre et ne parviens pas à réprimer le sourire d’hilarité qui étire de force mes lèvres lorsque je la vois gonfler des joues comme une enfant boudeuse. Cette moue de contrariété qui se peint sur son visage a quelque chose de craquant sans que je ne parvienne à me l’expliquer mais je chasse bien vite ce constat de mon esprit embrumé par les vapeurs de l’alcool. D’ailleurs je profite de mon état d’ébriété avancé pour mettre cette réflexion sur le compte de mon état déplorable en cet instant. Sa main chaude quitte brusquement la mienne tandis que son visage perd de son éclat et que son expression se fait morose. Elle recule d’un pas et je tends les bras comme pour l’empêcher de tomber ce qui n’arrive pas de justesse. Je comprends qu’elle a dû prendre mon attitude extrêmement mal ce qui a logiquement refroidi ses élans de saltimbanque tout juste découverts. Je m’en veux un instant pour ma brusquerie cela n’était pas dans ses habitudes de se lâcher et de savourer le moment présent à sa juste valeur et je n’avais rien trouvé de mieux que de lui donner l’impression qu’elle m’ennuyait. 


J’espère que je n’ai pas chassé sa volonté de s’abandonner à la mélodie et esquisse un léger sourire avant de lancer une pièce au musicien et de lui demander de jouer quelque chose de plus doux, lancinant et tranquille pour la sécurité de Sydonnie qui vivait sa première cuite. Mon sourire se fait plus large lorsqu’elle pose les mains sur les hanches et clame qu’elle pouvait très bien tenir une danse festive. Le clin d’œil du vieil homme à mon attention se veut complice et je souris. Pas de mélodie trop entrainante par les trois. C’est une question de sécurité publique. La mine boudeuse de la jeune femme me parait une fois de plus bien trop adorable, bien plus qu’elle ne le devrait et j’éclate de rire comme pour me débarrasser de cette idée persistante. Je plonge mes yeux dans les siens comme pour la mettre au défi de me contredire. Non, je persiste et signe. Madame ne tiendrait pas une ballade festive. Allez-y mon brave une mélodie lancinante. 


Le vieil homme s’exécute et la musique résonne agréablement dans mes oreilles. Le vieillard joue fichtrement bien. Je m’avance de quelques pas pour m’approcher de la milicienne et je positionne mes mains sur ses hanches comme je l’avais fait tant de fois depuis la première cour que j’avais fait il y a très longtemps. J’aimais danser, seul, à deux ou en groupe. La danse était aussi agréable à mes yeux que le fait de jouer de ma lyre. La danse était aussi délectable qu’un combat. D’ailleurs les bons danseurs faisaient de bien meilleurs combattants et d’excellents amants si l’on en croyait les rumeurs. Elles étaient fondées. La danse était un plaisir physique dont je ne saurais jamais o grand jamais me lasser. Je m’étais essayé à bien des danses au cours des voyages de la compagnie. 



       EComme si apprendre une danse locale était une nécessité absolue pour moi. Peu importe les cultures, les régions ou les frontières une chose ne changeait pas la sensation agréable procurée par ces mouvements gracieux. Sauf que je me trompais en pensant que la jeune femme avait balayée ses réserves puisqu’elle recule brusquement comme pour échapper à l’emprise de mes mains sur son bassin. Je manque de tomber en avant sur elle. Cette fois mon soupir est plus appuyé et je lève les yeux au ciel mais mon exaspération s’efface sous mon sourire. Plongeant mes yeux dans les siens, je la nargue du regard et de quelques paroles. Alors, on ne sait pas ce qu’on veut ? La danse chaste cela n’existe pas. Enfin, si bien évidemment mais pas avec moi j’en ai bien peur. Sa mine coupable ne tarde pas à s’effacer sous un sourire en coin. Je sens le regard d’une bonne partie de la taverne sur mon dos mais je n’en ai cure. Cela ne sera pas la première fois que je dansais ici contrairement à Sydonnie à moins que je ne fasse fausse route. Les murmures amusés élargissent mon sourire. Je lui laisse le temps de se positionner comme le souhaite ce qui est relativement limité pour une danse en couple et ris doucement en la voyant ne pas se coller complètement à moi. Libérée d’un jour mais pas complètement à priori. Je suis rassuré mon dévergondage ne laissera pas de traces indélébiles chez ma belle amie. Mon âme est sauve ou pas.

Mes mouvements sont fluides et maîtrisés malgré une légère brusquerie due à la boisson, mes pas sont assurés et je sais que je ne m’emmêlerais pas les pinceaux. Le point positif à être un danseur confirmé c’est que lorsque l’on danse on n’a pas besoin de se concentrer sur ses pas, ses jambes mais juste à se laisser aller et le corps et la mémoire se chargeaient de tout. Je savoure la danse et la musique à sa juste valeur en observant tantôt la taverne tantôt le visage aux joues pourpres de la jeune femme. Ses yeux fermés et la paix sur les traits de son visage m’indiquent que nous partageons un avis comparable sur ce moment hors du temps. J’observe son visage paisible et me fais la réflexion qu’elle serait bien plus confortablement installée la tête contre mon torse mais c’était son choix que de laisser une distance minime certes mais une distance tout de même entre nous deux. Ses yeux s’ouvrent de nouveau et elle me répond finalement. Je souris et ris doucement comme si je ne voulais pas gâcher l’atmosphère doucereuse par d’un éclat trop sonore. Tu trouves. Moi, je pense que je m’en sors très bien dans ce domaine. Courte pause. Ah bon, je ne m’en serais jamais douté. Reprends-je d’un ton taquin. Je tire doucement la milicienne vers moi dans un pas de deux et enchaîne. Oui, tu es indéniablement et logiquement ivre et cela te va très bien je t’assure. Les joues de Sydonnie gardent cette jolie rougeur de timidité et je souris de plus belle en l’entrainant dans la danse d’un mouvement langoureux. Ses yeux bleus-clairs se posent sur mon visage et ne le quittent plus durant de longs instants. Je ne cesse pas de sourire et la contemple moi-même avec une avidité qui m’étonne grandement. Quand bien même j’étais toujours à la limite et aux portes du flirt en compagnie féminine je savais enfin je pensais avoir décidé de ne pas tenter d’emprunter cette voie avec elle. Préférant la longévité d’une amitié solide à l’éphémère d’une relation d’un soir. 

Mais ses grands yeux bleus qui me fixent ainsi avec une attention et une concentration évidente me troublent indéniablement. Quant à ma propre contemplation, elle me fait m’appesantir sur ses lèvres à la fois fines et légèrement pulpeuses. Sa peau diaphane dont la douceur potentielle m’intrigue, ses cheveux d’ébène tombant en cascade sur ses épaules. Son petit nez et ses grands yeux d’un bleu presque transparent. La milicienne finit par détourner brusquement le regard et je réprime une taquinerie à base de tu as apprécié la vue qui ne la gênerait que davantage. Son regard se fixe sur un mur de la taverne et ses mains restent fermement ancrées au niveau de mes épaules tandis que les miennes sont sur le creux de ses reins. Deux mondes d’écart pense-je en souriant. Sa voix s’élève doucement dans les airs et est étonnement lucide et sérieuse. Je l’écoute avec attention avant de lui répondre. 

Je réponds : Cela ne m’étonne pas. La nature est tellement belle, paisible, parfaite et reposante. Elle l’a toujours été et le restera certainement encore très longtemps malgré la fange. Cela aurait été un très bon moment je n’en doute pas. L’espace d’un instant, infime instant je me revois enfant arpenter les sentiers des bois, grimper aux arbres, écouter les chants des oiseaux, m’allonger sur la mousse, observer les étoiles, jouer au chevalier avec une branche d’arbre brisée. Je me surprends à sourire non pas d’amusement mais d’amertume. Je ne reverrais jamais les bois de ma naissance, les arbres centenaires ou les plantes que cueillaient mater. La question suivante de Sydonnie me plonge dans un désarroi certain. La magie du moment semble être balayée sous une brise glacée en ce qui me concerne. Je panique intérieurement tandis qu’elle tapote mon torse d’un doigt. Ce côté flamboyant, séducteur, taquin, joueur, arrogant, moqueur, confiant et bon vivant est une part de ce que je suis et non pas simplement un reflet déformé de mon moi profond mais cet aspect de ma personnalité avait été érigé en armure par mes soins il y a bien longtemps et cela me convenait parfaitement. 

J’étais toutes ces choses, je l’étais jusqu’au bout des ongles mais je n’étais certainement pas que cela. Seulement, je détestais enlever l’armure et redevenir l’homme en dessous précisément parce que l’homme en dessous n’était qu’un homme comme un autre, probablement ni pire ni meilleur qu’un autre. Le capitaine lui était la représentation du dragon ornant la bannière azur de la compagnie aux yeux de ses hommes. L’homme en dessous était faillible, mélancolique, prompt à la colère comme à la tristesse et surtout et cela me déplaisait au plus haut point vulnérable comme tout un chacun. J’étais par bien des aspects un soleil comme si j’avais embrassé le blason des Sanlastre pour le faire mien au sens littéral du terme mais l’orage n’était jamais loin. Contrairement aux apparences que j’entretenais mon ciel n’était pas un bleu aussi paisible que ses yeux mais sombre et tumultueux. Mon expression ne peut que trahir mon état et je peste intérieurement et me maudis persuadé d’avoir arborer l’expression d’un animal traqué.

Mes traits sont tirés et crispés, mon sourire figé et mes yeux tristes. Je tente de reprendre contenance le plus rapidement possible alors qu’elle m’entraine à son tour dans un rythme moins régulier et plaque une expression d’amusement malheureusement un brin grimaçante sur mes traits. J’ai l’impression d’ètre passé du statut de prédateur maître des évènements à celui de proie acculée et je déteste cela. Comme je déteste lorsque l’un de mes plans échoue ou que je sois contraint de le partager avec quelqu’un d’autre fusse-il un ami ou allié. Je rapproche Sydonnie de moi et me rapproche en même temps comme si je souhaitais la rebuter par ce contact qu’elle ne pouvait que considérer comme bien trop proche. Mes yeux se perdent dans le vide tandis que nous continuons malgré tout de danser. Diantre. Pourquoi ne pouvait-elle pas se contenter du masque ? Comment avait-elle remarqué que je n’étais pas que ce masque ? Cette femme était bien trop dangereuse de par son aisance à lire en moi. Mes officiers connaissaient l’homme sous l’armure mais seulement en partie. Or, si mêmes mes plus fidèles amis ne me connaissait pas entièrement pourquoi le devrait-elle ? 

Je viens juste de la rencontrer malgré notre alchimie évidente. Comme je le lui avais avoué ce matin, je ne faisais confiance à quasiment personne.Tandis que les pas s’enchainent avec bien moins de grâce. Je me perds dans des souvenirs. Un gamin se fait malmener par d’autres enfants. Il se laisse faire jusqu’au moment où sa mère est traitée de catin. Ses petits poings s’écrasent sur la tête de l’enfant le plus proche et il ne tarde pas à finir par se débattre comme un animal sous une avalanche de coups qui le clouent au sol. Il mord, griffe, hurle, tape et remue dans tous les sens comme un possédé. Sa mère le soigne avec amour et dévouement une heure plus tard. Il ne pleure pas malgré la douleur et serre sa mère contre lui. Il n’a qu’elle au monde et un sourire étire ses petites lèvres ensanglantées. Le gamin blond joue dans les bois tandis que sa mère cueille des plantes pour faire des potions. Sa mère veut lui faire dire une prière mais il crache par terre et s’enfuit en courant au loin avant de trébucher. 

Le garçon n’aime pas la prière. Les dieux ne font rien pour sa mère et lui et laissent les autres enfants la traiter de catin et le battre. Un homme pénètre dans la modeste cabane et enlève sa capuche avant de contempler le garçon d’un œil brillant. Il lui offre une figurine en bois à l’effigie d’un chevalier. Le garçon admire la lune et les étoiles installé sur une branche. Un cri retentit dans la quiétude de la nuit et il file vers la cabane. Il tombe à genoux devant sa mère dont le cadavre est encore chaud. Il se blottit contre elle sans faire attention au sang qui coule sur son visage, ses bras…Les larmes se mêlent au pourpre. Le gamin a grandi. Il s’entraine à l’épée et au bouclier. Son maître d’arme ne lui fait pas de cadeaux. Mais, il est bon. Les deux fils aînés du châtelain le méprise mais pas le cadet qui se montre neutre et réservé. Quant à la petite dernière elle s’accroche à sa jambe et lui demande de jouer avec elle. Il la surnomme affectueusement petite étoile. Chaque jour le regard glacial de la châtelaine le toise durement, aveu implicite du crime. Un jour, il se rend au village et se bat contre les autres adolescents. 

Ses tourmenteurs d’autrefois finissent dans un sale état mais il ne s’arrête pas jusqu’à ce qu’on l’éloigne de force. La sanction tombe il est envoyé chez un seigneur voisin. Il grandit. Refuse l’adoubement. Entre dans une colère noire en apprenant sa filiation et quitte le domaine par une nuit froide pour ne jamais y revenir. Mon regard se reporte sur la milicienne qui m’observe d’un œil étrange. J’approche ma bouche de son oreille et murmure. Je ne suis qu’un bâtard déviant. Puis, je m’éloigne légèrement et la fais tourner sur elle même. Mon expression est plus apaisée et un sourire éclaire légèrement mon visage mais mon regard reste voilé. Je la fais tourner sur elle-même avant de reprendre. Pour ma part, je confesse que je ne savais pas vraiment ou t’emmener. Je comptais y aller à l’improvisation. Je pense que j’aurais pu t’emmener n’importe où tant que j’avais ma lyre et une coupe de vin avec moi. Le lieu m’importe peu. C’est ma musique qui m’apaise. Le son mélodieux des cordes. La douceur du son. La mélopée me berce. 
Tenter de détourner l'attention en parlant d'autre chose. Ou noyer le poisson dans l'eau. Je suis doué à ce petit jeu d'autant plus qu'elle n'était plus vraiment en état de réfléchir clairement. 


     
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Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptySam 29 Avr 2017 - 11:06


Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre "Qui se complète s'assemble ou qui s'oppose s'attire ?”
(Gabriel Destrelmar & Sydonnie d'Algrange )


~ 3 Juillet 1165 ~

La différence dans notre danse doit être parfaitement visible de l’extérieur, lui semble parfaitement à l’aise, n’a pas besoin de compter ou de vérifier la position de ses pieds, alors que moi, je m’applique à ne rien lui écraser. Je me sens étrangement bien, l’alcool aidant certainement pour ça, nos corps proches conserve cependant cette distance que j’ai instaurée, ses mains sur ses hanches ne me dérangeant désormais plus ou presque. À lui de ne pas trop en profiter, j’avais une droite remarquable, paraît-il. J’affiche un sourire amusée à ma propre pensée, m’appliquant toujours à ses cuivres le moindre de ses mouvements. Si je m’autorisais à me perdre dans son regard, dans ce visage, ce n’était que pour mieux cerner l’individu, Gabriel avait ce petit quelque chose, ce petit détail qui indique qu’il possède un masque, qu’il se protège en permanence des autres. Inutile de me demander comment je parviens à percevoir ça, je ne l’utilise que trop bien moi-même. Il confirme mon état, en profite pour me ramener à lui et cette fois, malgré un léger froncement de sourcils, je ne dis rien, j’allais bien avoir le temps de réinstaurer cette petite distance. Dans un pas rudement mené par mon partenaire, je croise le regard de Madame Contignon, elle m’offre un sourire ravageur, visiblement attendri par le fait que je m’autorise un moment de calme et de liberté. C’est qu’elle me connaît bien la bonne femme, elle m’a vue venir ici de nombreuses fois, elle m’a vue devenir milicienne, revenir avec le visage enflé par les coups de mes partenaires. Même si elle n’a jamais rien dit, même si elle n’a jamais jugé bon de le dire, je crois qu’elle m’avait toujours perçue un peu comme la fille qu’elle n’avait jamais pu avoir, pour la plus grande colère de ma mère qui ne cessait de se disputer avec cette femme au cœur et à l’espoir digne des plus grands.

Je lui dévoile mon endroit secret, celui où je me réfugie, celui ou j’avais l’intention de l’amener parce que j’avais simplement perdu un pari, si je sens la nostalgie l’envahir, moi c’est une réalité que je me prends en plein visage. Et si je n’avais plus jamais l’occasion de revoir cette famille de cerf, et si… Je prends une grande respiration, refusant de penser à cette mission à cette reprise du labret à ma mort certainement. Je ne l’avais encore annoncé à personne, ni à mère, ni à Arahaël, ni à Chris… Qui risquait de ne l’apprendre qu’à mon retour, dans l’optique d’un retour. Je m’étais pincé la lèvre, alors les effets de l’alcool semblaient déjà étrangement se disperser où bien était-ce cette fameuse capacité de l’esprit à passer outre quand quelque chose n’allait pas ? Je le sens se crisper sous mes doigts, je sens dans son regard cette perte d’altitude et je culpabilise d’avoir posé cette question sur son lui véritable. Je venais d’être terriblement intrusive, terriblement maladroite. J’avais affiché un léger sourire en coin, j’allais même lui dire de laisser tomber, persuadée que le temps me permettrait d’obtenir cette réponse par moi-même. Notre danse se poursuit plus maladroitement, plus difficilement, elle se fait beaucoup moins de fluidité. Il vient me murmurer des mots à l’oreille et là où j’aurai sans hésitation repris la parole pour le questionner, je n’avais rien ajouté. Mes yeux ne s’étaient pas écarquillés. Je me promettais intérieurement de le découvrir. À mon tour, sans casser cette danse, en me rapprochant beaucoup plus de raison et en me hissant autant que possible pour me grandir, j’étais venue lui murmurer dans un sourire étrangement sincère cette drôle de phrase :

- « Je te découvrirai, tu verras, je n’ai jamais aimé les masques. Moi je vois en toi beaucoup plus qu’un bâtard déviant. »

Si ma phrase pouvait en déstabiliser plus d’un an, à mes yeux il n’en était rien. Je ne le provoquais pas, je ne le draguais pas, j’avais simplement cette impression étrange que si les trois l’avaient mis sur mon chemin, si nous avions cette entente évidente, ce n’était pas pour rien. Je l’avais laissé détourner avec simplicité la conversation, j’avais évidemment tourné sur moi-même quand il le fallait, si bien que même une fois le geste fait, j’avais encore l’impression de tourner. Beaucoup trop même. D’un geste de la main, je lui avais indiqué notre table, le suppliant du regard de ne pas m’imposer un nouveau mouvement. La journée avait déjà du avancer à un rythme fou, je n’osais même pas regarder la progression du soleil derrière la fenêtre de notre table. Une fois sur la chaise –véritable miracle-, j’avais passé une main sur mes tempes, qu’est-ce que ça pouvait me lancer, par les trois que le martèlement de mon crâne cesse. Je tentais de faire bonne figure, même si mon visage devait bien trahir la rudesse de cet après boisson.

- « Tu chantes, enfin tu joues alors ? J’veux dire d’un instrument ? »

Mes pensées s’embrouillent, s’entrechoquent avec une violence digne des plus grands combats que le royaume puisse connaître. Je me sens mal, mon cerveau semble vouloir me dire qu’il ne va pas tarder à exploser. Je me perds un peu devant cette bouteille, devant cette bestiole et je ne peux pas m’empêcher de me demander comment il a fait pour la faire rentrer dans la bouteille. Je lâche un long soupir, avant de me redresser brusquement, surprise par la présence de Madame Contignon juste à côté de notre tableau, elle me lance son regard bienveillant, rempli de tendresse, avant de se tourner vers mon compagnon de fortune. Déposant deux bouteilles d’eau sur la table, dans un bruit qui me donne juste envie de supplier au silence.

- « C’est pour mes deux merveilleux petits danseurs. » Elle plisse légèrement le regard, comme une maman ordonnant, s’adressant uniquement à Gabriel « Il faut la faire boire, la bouteille entière, je compte sur vous. L’autre c’est pour vous, pas de négociation, il faut la boire aussi. »

Elle lui fait un charmant clin d’œil, visiblement ravie de la situation. Je retiens un léger grognement, hors de question que j’avale quoi que ce soit. Elle prend ensuite son air grave, celui des mauvais jours, celui qui veut tout dire. Il est rare de voir les traits de son visage s’étirer dans cette tristesse, cette rage intérieure, elle dépose une main sur mon épaule, le regard vibrant.

- « Je suis au courant pour la mission. Tu en fais partie n’est-ce pas ? »

La fourbe, elle a attendu que je sois ivre, pas dans un état de la mener en bateau pour venir me poser cette question. Je fronce les sourcils, m’apprêtant à négocier, à mentir, parce que oui, je refuse de l’inquiéter elle aussi. Mais elle reprend d’une voix sévère :

- « Sydonnie D’Algrange, inutile de tenter quoi que ce soit, je suis au courant. Ta mère sait au moins ? » devant mon regard qui s’écarquille elle a déjà la réponse à sa question « Tu devrais lui en parler… Sydo… C’est la mort cette mission… Pourquoi… » je la coupe d’un geste de la main.
« J’ai déjà dit oui, je pars demain soir. Je suis affiliée au convoyage. Je vais faire le lien entre le labret et Marbrume. » avouais-je enfin.

La grande dame laisse afficher une mine réellement triste, pour elle ça doit ressembler au pire. C’est le pire d’ailleurs. Le labret est envahi par la fange, les attaques de bannis et des malfrats font rage. Le convoyage, ça veut dire risquer sa vie sur la route, risque sa vie là-bas, risquer sa vie sur le retour, c’est un épuisement permanent. Elle dépose une main sur mon épaule la tapote légèrement avant de vouloir fuir ce moment, je lui rattrape le poignet la retenant un instant ajoutant :

- « Je vais revenir, ce n’est pas un adieu. Je vais revenir. Comment pourrais-je me passer à présent de cet alcool absolument… intense… »

Elle affiche un sourire forcé, opine simplement, avant de disparaître. Ma tête me lance encore plus, j’ai l’impression de lui avoir brisé le cœur, comme je vais briser celui de ma mère. Les miliciens n’ont pas une durée de vie très longue et même si je me voulais rassurante, je savais que les chances d’un retour étaient faibles. Elle était la vie que j’avais choisie, je l’assumais entièrement. Reportant mon attention sur Gabriel, je me sens mal à l’aise qu’il assiste à cette scène qui en dévoile beaucoup plus sur moi que ce que je ne voudrais. Je prends une grande inspiration changeant habilement de sujet.

- « Rassure moi, cette impression d’avoir la tête qui va exploser, ça va passer ? Pas vrai ? »

Pour une fois pas besoin de me forcer la main, je nous serre à tous les deux un verre d’eau. Mon regard a perdu toute son intensité, même si je ne dis rien, ne montre rien, la conversation avec la gérante m’a réellement affectée. L’idée de ne pas revenir me paraît probable, envisageable, douloureusement envisageable. Je lâche un nouveau soupir, m’appliquant à conserver un sourire ravageur, j’enfile mon masque de neutralité, de femme forte, comme je fais toujours.


- « Tu me raccompagnes à la milice ? Taratata j’te vois venir, ce n’est pas un dernier verre que je t’offre, simplement une marche à l’air libre… »



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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptyLun 1 Mai 2017 - 0:27
La milicienne me sent me crisper sous ses doigts et son regard se teinte de culpabilité malgré son sourire en coin. Il était ironique de se rendre compte que notre seconde rencontre en ce rendez-vous estival nous avait vu éprouver de la culpabilité l’un envers l’autre à tour de rôle. Présenter sous cet angle le rendez-vous paraissait bien moins attrayant pourtant il l’avait été sous bien des aspects. Et cette culpabilité n’était que le reflet de nos deux caractères féroces qui nous poussaient à nous taquiner le plus naturellement du monde. Seulement la taquinerie pouvait se révéler sensible. Il était bien difficile de savoir ou s’aventurer et ou s’arrêter pour ne pas indisposer ou blesser l’autre alors que nous nous connaissions à peine. Si je n’avais pas été plongé dans le désarroi et l’inquiétude suite à la question de la jeune femme j’aurais pu remarquer qu’elle n’en menait pas plus large que moi et avait- elle aussi ses propres sujets d’inquiétude à l’esprit notamment celui extrêmement concret qu’elle avait confessé le matin même sous l’arbre à l’extérieur. La non présence de son frère à son rendez-vous matinal notamment et j’aurais également pu lire dans son regard une inquiétude plus vive et insidieuse que je pouvais reconnaître pour l’avoir déjà vu dans le regard de bien des soldats qu’ils soient mercenaires ou non. Seulement hélas la souffrance est égoïste et profondément individualiste car elle vous met face à vous-même et la douleur a la fâcheuse tendance naturelle à vous faire oublier le reste du monde. Tandis que je panique comme un animal blessé et me noie dans mes souvenirs malheureux la milicienne aux yeux bleu-clairs est en prise avec ses propres tourments mais en ces instants de communion physique permise par l’union entre deux corps dans la danse virevoltante bien que douce nous ne saurions être plus éloignés l’un de l’autre et ce de manière particulièrement paradoxale. 

Mais en ces instants cruels et solitaires de terreur silencieuse causée par son approche frontale, directe et intrusive de ma personne durant lesquels je crains de m’ouvrir tout simplement. Je crains sa question, sa capacité à lire en moi avec une aisance déconcertante parce que sous l’image que je me plaisais à renvoyer de moi-même se trouve un homme qui avait déjà énormément souffert depuis son plus jeune âge et qui s’était juré de ne plus jamais subir de nouveau les affres de la vulnérabilité. Le monde était un ennemi potentiel pour cet homme ci et seule une infime poignée de personnes pouvaient prétendre le connaitre. Alors que pour Gabriel, le séducteur taquin, coureur joueur, hédoniste flamboyant le monde n’était pas une menace mais un simple terrain de jeu sur lequel il exerçait son emprise de bien des manières et qui lui procurait un plaisir enivrant. Le contraste entre les deux était prononcé. Pourtant les deux composaient la seule et même personne. Je m’étais finalement repris avant de réimprimer le masque souriant et provocateur sur mon visage, avais ajouté à cela la proximité physique excessive pour faire bonne mesure comme pour prouver que je n’avais pas été intérieurement terrifié quelques instants plus tôt avant de lui murmurer des mots à l’oreille comme un amant. Sauf que ces mots ci étaient particulièrement sincères, teintés d’ironie et d’amertume comme si l’auto portrait que j’avais de moi-même se résumait réellement à cela. Un bâtard aux mœurs déshonorantes eu égard à la moralité sociale et à la foi inexistante.  Elle n’avait pas sourcillé, ni froncé les sourcils, ne m’avait pas dévisagé d’un air choqué ou interrogateur. Elle s’était contenté de continuer de danser en silence jusqu’au moment où ce fut elle qui se rapprocha de moi en brisant la distance tacite qu’elle avait imposée. 

Elle s’était hissée sur la pointe des pieds pour atteindre mon oreille et y murmurer à son tour une réponse tout aussi énigmatique que mon allégation précédente. La tristesse dans mon regard était encore prégnante mais mon sourire lui était désabusé. Je ne suis qu’un bâtard déviant Sydonnie. Rien de plus. Ne vas pas chercher plus loin je t’en prie aurais-je pu dire mais je ne le fais pas.  Sa promesse porte étrangement une note réconfortante à mes oreilles alors qu’elle ne le devrait pas. Bon courage ma chère. Bon courage. Je n’ai même pas la force ni l’envie de lui jeter un sous-entendu graveleux à la figure. Ce petit échange m’avait ébranlé bien plus qu’il ne l’aurait dû et je n’ai qu’une envie effacer ce moment. Alors, je détourne la conversation avec le consentement implicite de ma partenaire de danse vers ce que j’aurais pu prévoir pour le gage. Non pas un lieu mais une facette de ma personne. A dire vrai, si ce qui venait de se produire ne l’avait pas été j’aurais probablement donné le nom d’un lieu qui me plaisait vaguement dans la ville mais je devais me trouver dans un état de sincérité lancinante très élevée pour lui avouer que la musique était le remède à la plupart des maux de mon âme. Ou alors ce n’était que justice puisqu’elle s’était ouverte à moi un peu plus tôt. Je ne saurais réellement le dire avec tout cet alcool dans le sang.

La jeune femme tourne sur elle-même avant de me désigner la table d’un geste et je me contente d’un hochement de tête avant de m’y diriger en oubliant de lui lâcher la main au passage ce que je fais dès que nous atteignons la table. Son regard implorant de retrouver l’immobilité des sièges m’avait néanmoins tiré un léger sourire d’amusement. L’orage intérieur s’éloignait peu à peu. Tandis que nous nous installons de nouveau à nos places respectives je constate que le visage de Sydonnie est marqué par les affres de la gueule de bois et que ses gestes sont bien moins assurés. Je note de la raccompagner chez elle qu’elle le veuille ou non. Quand bien même mon état n’était guère plus reluisant. Oui, je joue de la lyre et non je ne chante pas ou plutôt rarement. C’est surtout la musique de l’instrument qui me plait. Je crois que tu aimerais bien. Je me fends d’un haussement d’épaule nonchalant témoignage de mon incertitude quant à cette dernière assertion. Mes lèvres s’étirent lentement en un fin sourire alors que j’observe la milicienne contempler le grena d’un œil dubitatif et perplexe ou plutôt le crapaud mort à l’intérieur. La migraine fait résonner mon crane et j’inspire une grande goulée d’air vicié par les vapeurs de la boisson tout en contemplant la salle d’un œil moins brillant qu’un peu plus tôt. La brune féroce mais en cet instant complètement assommée par la boisson soupire avant de se redresser brusquement lorsqu’elle constate la présence de madame Contignon. Je ne peux m’empêcher de me redresser à mon tour par réflexe et de tenter de me tenir bien droit en vain. Le regard qu’elle porte sur Sydonnie est tendre et bienveillant, celui qu’ont les mères sur leurs enfants et durant un instant mes pensées s’embrouillent. Elle est la fille de monsieur et madame Contignon mais c’est sa première cuite. L’hilarité aurait pu me gagner si je n’étais pas en train d’essayer de me tenir dignement et correctement devant la ravissante épouse du propriétaire des lieux.

La jolie dame dépose deux bouteilles d’eau sur la table ce qui résonne comme un claquement sans pareil dans mes oreilles ce qui semble être également le cas de la milicienne vu son expression. Elle se tourne vers moi et je souris lorsqu’elle nous qualifie de merveilleux danseurs. C’est vrai que l’on a bien dansé du moins de mon point de vue d’ivrogne en train de décuver. Ses yeux se plissent tandis qu’elle me donne des instructions relatives à l’eau fraîche. J’ai l’impression d’ètre un petit garçon se faisant expliquer les choses par sa mère et souris avant de répondre. Bien sûr m’dame Contignon vous pouvez compter sur moi. Elle va vider sa bouteille. Mes sourcils se froncent lorsqu’elle me dit que je devrais également en vider une. Je réprime un soupir avant de reprendre. Nous viderons nos deux bouteilles vous avez ma parole. Je regarde l’eau d’un œil inquiet sans trop savoir pourquoi. Avant de sourire de mon plus éclatant sourire suite à son clin d’œil. L’expression de la milicienne indique que cela s’avèrera plus compliqué que prévu mais je m’attelle déjà à la tâche et saisis une des deux bouteilles pour en verser le contenu dans les verres au moment où l’expression de la propriétaire passe de l’amusement à la tristesse. Interpellé je manque de laisser tomber la bouteille mais parviens à ne pas le faire de justesse. Je regarde la discussion en me faisant oublier. La main sur l’épaule de Sydonnie, le regard vibrant d’émotions, l’expression des deux femmes, la tentative de détournement de sujet et de manipulation mis à mal par l’alcool. Gagné par la tristesse de madame Contignon je plante mes yeux sur la jeune femme. Mission, convoyage, mère, avertir, mort, Labret, partir, soir. 

Et elle qui m’avait fait la morale ce matin, qui avait qualifié les miliciens extérieurs de suicidaires avait omis de dire qu’elle en faisait partie. Le regard que je porte sur elle est empreint de respect et d’admiration. Ce petit bout de femme était une coriace, une dure à cuir et une sacrée femme. Seulement si je ne suis pas assez proche de la jeune femme pour ètre aussi inquiet que la propriétaire je n’en demeure pas moins stupéfait. Demain soir. Si elle y restait je ne la reverrais plus jamais. Adieu la famille de cerfs en dehors de la ville. Adieu le chant de la lyre. Adieu tout simplement. Je ne sais pas vraiment quoi dire car je suis à la fois abasourdi et gêné par ce que je viens d’apprendre. Les risques à l’extérieur sont tous potentiellement mortels. Elle s’est portée volontaire et c’est donc son choix, son courage et son héroïsme. Je ne saurais me permettre de tenter de la dissuader car étant moi-même un soldat je comprenais son raisonnement et ses motivations. Et puis elle ne m’écouterait pas, elle m’enverrait bouler, elle fuirait. Pourtant je ne pouvais pas rester sans rien dire. Elle tente bien de rassurer madame Contignon mais celle-ci n’est pas dupe et va cacher son chagrin. Il s’agit potentiellement de ma relation la plus courte si l’on en croit les sombres inquiétudes de la propriétaire des lieux. Rencontrée le matin même et risquant la mort le lendemain soir. Alors que je m’apprête à ouvrir la bouche ne serait-ce que pour lui dire d’en parler effectivement à sa mère celle-ci me prend de vitesse et change radicalement de sujet. Je n’ai plus le cœur à plaisanter car je commençais déjà à m’attacher à cette forte tête mais je peux bien lui accorder l’intimité de ses choix comme elle m’avait laissé ne pas me dévoiler un peu plus tôt. 

Je tente de sourire mais n’y parviens pas alors je cesse d’essayer et me contente d’un haussement d’épaule. Cela va passer oui ne t’en fais pas. Demain matin, tu auras encore mal à la tête mais si tu bois cette bouteille ça devrait déjà aller mieux.  Tandis qu’elle nous sert deux verres d’eau je sens bien qu’elle n’a plus le cœur à jouer les joyeuses mais elle enfile pourtant un masque de jovialité et un sourire éclatant. Pour ma part mon expression ne change pas. Je ne parviens pas à faire semblant. J’ai bien conscience que cela ne me regarde pas en soi mais je ne peux réprimer l’envie de dire quelque chose. Mais, je me contente d’avaler mon verre d’eau cul sec puis de m’en servir un autre avant de faire de même dans le verre de Sydonnie. J’avale la deuxième rasade d’eau qui commence à me remettre la cervelle en place. Comment refuser une telle proposition venant d’une si jolie femme ? Je me suis forcé à ètre nonchalant et taquin car elle n’a pas besoin qu’on lui rappelle qu’elle pourra y rester là dehors mais mon sourire me parait faux. Tu ne pourrais pas tenir un dernier verre. L’air libre nous fera le plus grand bien en effet. Je me relève doucement avant de boire encore un peu d’eau et de tendre le bras à la milicienne. Simple galanterie ne t’en fais pas. Je ne voudrais pas que tu… Je ne finis pas ma phrase car tout me ramène à ce que je viens d’apprendre malgré moi. Nous quittons la taverne après que j’ai réglé la note et récupérons nos armes à l’entrée. Puis, prenons la direction de la caserne en silence. Je ne marche pas droit et elle non plus. Je crois. Je crois que tu devrais en parler à ta mère. Je sais que ce ne sont pas mes affaires mais tu as la chance d’avoir une mère en vie alors dis iui.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel]   [Terminé] Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre [Gabriel] EmptyLun 1 Mai 2017 - 13:30


Entre défaite et boisson, il ne peut y avoir qu'un verre "Qui se complète s'assemble ou qui s'oppose s'attire ?”
(Gabriel Destrelmar & Sydonnie d'Algrange )


~ 3 Juillet 1165 ~

J’avais regardé la gérante s’éloigner de nous avec une sensation d’amertume dans l’arrière de gorge. Par chance, elle ne savait pas tout et je ne pouvais que me satisfaire de cette situation, j’avais beau dire que la décision de mon choix, il n’en était rien. Le duc avait imposé sa volonté et nous pauvre petit homme de main n’avions malheureusement pas notre mot à dire sur le sujet. J’ai lâché un long et intense soupir, me demandant si j’avais bien fait de mentir, si j’avais bien fait de protéger la réputation d’un duc qui ne voulait au fond qu’améliorer la condition de vie des habitants. Enfin, avec un peu de jugeote il n’était pas complexe de comprendre qu’une milicienne affiliée à l’intérieur se retrouvant par miracle sur une mission à l’extérieur, c’était louche. J’avais conservé cette façade, cette arme parfaitement au point, un sourire sur les lèvres, un regard néanmoins beaucoup plus éteint. Cette journée s’était déroulée d’une manière des plus étranges, de la tristesse de l’amusement et puis cette rencontre avec cet homme qui me regarde sans réellement savoir quoi dire. J’avais porté le verre d’eau à mes lèvres, évitant minutieusement le sujet de conversation précédent, portant le tout sur l’alcool, la migraine et toutes les merveilleuses conséquences d’un trop-plein de boisson. Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai accepté tout ça, proposer cette entraîné, ce verre et je ne peux m’empêcher de me dire que peut être j’avais inconsciemment eu besoin de vivre une dernière fois avant de peut-être disparaître. Terminant le verre en reservant un deuxième, j’avais fini par sortir de mes songes pour me concentrer sur la voix de l’homme qui me faisait encore et toujours face. C’était un sacré celui-là, malgré son comportement parfois un peu désinvolte, j’étais certaine qu’il était un type bien et je me trompais rarement sur les gens.

- « Tu devrais, je suis peut-être une milicienne véreuse prête à te ligoter dès qu’on se retrouvera un peu isolé. Tu imagines un peu ce que pourrait annoncer les crieurs de demain ‘ Le capitaine des dragons à disparus, sa trompe le recherche activement’ »

J’essaie de redonner un peu de légèreté à tout ça, même si le cœur n’y est plus forcément. Le pauvre homme n’est pas responsable de tout ça et au lieu de partager un bon moment on termine sur une note plus ou moins triste et cela ne me plaît pas. Sa réponse au sujet du dernier verre m’arrache un sourire amusé, il ne perd jamais le nord, vraiment. J’avais dû rouler des yeux en guise d’unique réponse, faisant signe à la patronne de mettre le tout sur ma note, comme d’habitude. Je vais récupérer mes armes que je range par réflexe, dis au revoir à tout le monde puis disparais avec mon interlocuteur derrière les grandes portes de l’établissement. On avance plus ou moins en silence, je crois que je ne marche pas vraiment droit, je suis même certaine qu’on n’avance pas droit en fait. J’essaie de suivre une ligne imaginaire, mais je crois que ma stratégique n’est pas très efficace. Quand il reprend sa parole, sa phrase vient me mettre une bonne claque et je m’arrête presque immédiatement lui lançant un regard plus noir que noir.

- « En effet ce n’est pas … » je me rends compte de nouveau qu’il n’est pas responsable de tout ça et bien malgré moi, je capitule « Je n’ai pas le courage. J’pense que l’ignorance est parfois la solution la plus noble… Qu’est-ce que tu crois qu’elle va penser du duc si j’lui dis ? » j’hausse lourdement les épaules alors que j’reprends lentement la marche « Tu imagines un peu, une milicienne de l’intérieur qui va à l’extérieur, soit la milicienne en question est suicidaire, soit que la situation est grave… »

Je ne donne pas la réponse à la question à peine sous-entendue, c’est un homme d’armes et je pense qu’il va comprendre de lui-même que malgré les apparences, quelque chose de grave se trame à l’extérieur. Elle est loin l’image d’héroïsme, de femme forte, bien loin celle prête à tout pour le peuple quoi que… Pour tenir des propos aussi fort, la fidélité envers le peuple et le duc doit être suffisamment intense et sans faille pour accepter tout ça sans grogner. La caserne se dresse déjà devant nous et c’est un Florestan qui vient nous accueillir, visiblement il m’attendait. Son regard passe de l’un à l’autre avec de gros yeux, il fronce les sourcils, avise longuement le mercenaire, avant de porter son attention sur moi et d’éclater de rire :

- « Non de non, ne me dis pas que… Sydo tu es ivre ?! » il regarde Gabriel un large sourire « Alors là mon gars, bravo, j’sais pas comment tu t’appelles, j’sais pas c’que tu fais et comment tu as fait, mais alors…. »
- « La ferme Florestan »
- « Rêve ! Si tu penses que ça va pas faire le tour du groupe. C’est Bartho qui va pas le croire, non mais tu n’es pas chier quand même à nous faire la morale et toi la vieille d’une grosse mission tu te mets bien ! Coquine va ! »

Ni une ni deux, je lâche un nouveau soupir en roulant des yeux, Florestan semble très amusé par la situation si bien qu’il se prend même pour le grand frère qu’il n’est absolument pas. S’approche de moi me fait basculer sur son épaule comme un gros sac de pommes de terre et m’embarque, alors que déjà je m’enrage en lui donnant des coups dans le haut du dos, grognant des « lâches-moi espèce d’idiot » à tout va.

- « T’inquiètes m’sieur, désolé de briser ton coup, il va falloir attendre notre retour pour t’la faire. Ce soir elle va roupiller, j’vais la surveiller. Oui madame, j’te vois mal monter toutes les marches dans ton état… Si tu me vomis dessus j’te préviens je m’essuie sans aucune gêne sur toi. »

À force de gesticuler dans tous les sens, sans jamais n’obtenir aucun résultat je finis par abandonner, cessant de me débattre et de gesticuler. Mon collègue fait un p’tit geste de la main vers le mercenaire et j’me sens dans l’obligation de faire de même, les joues rouges de gênes. J’pense qu’on risque de se souvenir tous les deux de cette journée… Ou pas en fait.


La petite note de la fin :


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