Y a comme une odeur de poisson...[Les casses couilles - Dain ]

On ne pouvait pas dire que Xandra avait effectué beaucoup de missions en tant que coutilière. Pas assez pour être rodée, assez pour perdre un homme. Déjà…
Elle savait pertinemment que ce serait le premier d’une longue liste, la fange n’avait pas éradiqué l’humanité par hasard. Chaque nouveau “suivez moi” revenait à les faire marcher sur un vieux piège rouillé en espérant que le mécanisme ne s'actionne pas.

C’est avec une certaine appréhension qu’elle avait rejoint la caserne ce matin là, frissonnant au vent froid qui lui chatouillait la nuque. C’était une nouvelle habitude qu’elle avait prise de se natter les cheveux, depuis qu’un fangeux avait failli lui ouvrir la gorge en s’accrochant à sa tignasse rousse. Xandra avait l’impression d’être devenu trouillarde. En réalité il lui avait fallu du temps pour accepter la fange, pour accepter la mort qui la suivait hors de Marbrume et elle n’arrivait simplement pas à faire de même pour eux. Ca viendrait, forcément.

Le milicien à l'accueil ouvrit un oeil en l’entendant entrer, le refermant aussitôt, blasé. Il n’attendait plus que la relève, en retard, il méritait bien de commencer sa nuit. Comme il y a trois jours, comme la semaine passé, la rouquine toqua à la porte du bureau du Sergent Keran.

- Entrez.

Il ne souriait pas Keran, ses yeux le faisaient pour lui. Elle avait l’air d’aller mieux. Il la connaissait bien, elle avait été dans sa coutilerie sous ses ordres après tout. Il faisait partie de ces vrais chefs, ceux qui pensent que connaître ses hommes et leurs humeurs reste le meilleur moyen de désamorcer une crise, d’éviter le pire.

- Coutilière Erkal, ravis de te voir à l’heure. Votre mission du jour va vous changer un peu, vous et vos hommes. Vous allez filer un coup de main par voie de mer. Comme tu le sais, les pirates du Séraphin se sentent pousser des ailes. Toutes les brigades sont déjà sur des missions et un important navire de pêche doit quitter Mabrume pour livrer sa marchandise au Labret. Elle ne le fera pas sans escorte. J’espère que tu n’as pas le mal de mer Erkal ?

- Je l’ignore, Sergent, mais on va vite le savoir….

- Le Capitaine Gaslo est amarré au dernier quai, tout au fond du Port, il vous attend. Il vous dira ce que vous devez savoir et vous apprendra le nom quelque peu...singulier, du bateau. Ca devrait en faire sourire plus d’un. Si tout se passe bien vous serez rentrez pour souper. Des questions coutilière ?

- Le Port, Le Capitaine Gaslo, c’est pour tout de suite.

- Parfait.
Donne lui ça, au passage. Oh, j’oubliais. Tu as deux hommes de plus aujourd’hui. Ils sont prévenus et attendent eux aussi dans la cour. Alexandre Leramey et nouvelle recrue, un certain Dain Emulsin. Je voudrais voir comme il se débrouille, je ne suis pas certain que son affectation actuelle soit la plus adapté. Je veux que tu me fasses un rapport détaillée de la mission, comme toujours, mais que tu ne sois pas avare d’informations sur lui, tout ce qui te semblera, ou non, pertinent, rends moi en compte.

Xandra se saisit de la feuille roulée que lui tendait Keran et la fit disparaître dans une des pochettes de cuir qui ornaient sa ceinture.

- Très bien Sergent, j’ouvrirais l’oeil.

- Tu peux y aller, Erkal, nous en avons finis.

Xandra s’inclina légèrement avant de faire demi tour et de prendre la direction de la cour. Elle chercha des yeux Louibert, comme toujours. Il était toujours le premier arrivé et le dernier pâtit. Il subissait en silence les bavardages incessants de Ghislain qui semblait s’être déjà rincé le gosier et pas avec du petit lait…

- Qu’est ce qu’on a bien pu faire aux Dieux pour mériter ça…

- Chef ! Je vous salue !

lança la voix de Thibaut dans son dos alors qu’il arrivait à son tour. Il la dépassa pour serrer la main de ses deux colègues.

- T’as des petits yeux Ghislain et une haleine à faire peur, tu sais ça ?

- Garde donc la bouche fermée, Guis’. Ca nous reposera. Bonjour au passage. On a deux gars de plus avec nous aujourd’hui. Alexandre Leramey et un certain Dain Emulsin.

- Dommage que deux ça suffise pas pour compenser une gonzesse…

- Espérons qu’ils soient sobres, pour compenser tes réflèxes amoindris.

- Je vais t’en foutre des…

- Je crois que les autres arrivent, les coupa Xandra. Ils aimaient bien se chamailler, c’était le rituel d’avant mission, peut être que ça les attendait ou qu’ils étaient juste pénible. Allez savoir…
Elle savait que les pièces rapportés ne peinerait pas à reconnaître la coutilerie. Suffisait de dire poil de carotte, dagues, tout le monde ou presque ici savait qu’on parlait d’Erkal. Alors elle décida d’attendre qu’ils la rejoignent.

Le soleil commençait à réchauffer la cour et la caserne à prendre vraiment vie. Ca riait, ça parlait, ça beuglait. C’était une journée ordinaire, peut être un bon jour pour prendre la mer.

Spoiler:

Il est toujours bon dans la vie de tenter de nouvelles expériences. C'est comme cela que l'on grandit et acquiert de nouvelles choses. Mon transfert entre l'intérieur et l'extérieur était le moment pour moi de changer mon quotidien fait de patrouilles et de tournées à la taverne.

De plus, quelques jours plus tard j'eu un ordre de mission avec un groupe d'autres miliciens. J'étais plutôt heureux, je pouvais démontrer mon talent aux yeux de mes supérieurs qui semblaient quelques peu suspicieux sur ma demande pensant qu'il s'agissait purement d'un caprice.

Le sergent m'avait dit de rejoindre mon groupe dans la cour de la caserne. Pour seule autre indications il m'avait dit que la courtilière était rousse avec des dagues. Ça devait être facilement trouvable dans ce monde.

Daïn parti tôt pour arriver un peu en avance et faire bonne impression. Une fois arrivé sur les lieux, il cherche des yeux la personne que le sergent avait pût décrire. Il ne cherche et se dirigea vers eux. Il était comme d'habitude vêtu d'une chemise de maille dont il avait enlevé la rouille récemment, de gants qui n'étaient plus tout jeunes et de jambières presque neuves. Il portait une épée bâtard dans son dos.

Il n'était pas exactement le type de combattant rapide et le fait de peut-être combattre sur un bateau ne lui plaisait pas trop. Il n'avait pas le mal de mer mais étant lourd avec son équipement, il avait besoin d'être ancré sur ses appuis. Le tangage du bateau rendait cela très difficile et pouvait le désavantager. Il portait également une hache de lancer à la ceinture.

Une fois arrivé au niveau du groupe, il se mit au garde et dit "Milicien Emulsin au rapport! Etes vous la courtilière Erkal?". Puis, il lança un regard chaleureux/charmeur à son interlocutrice.

Il était trop tard … J’en étais sûre qu’il était trop tard. Faisait chier.
La rue était déjà bruyante j’étais sûre qu’il était tard trop tard. La rue était toujours bruyante dans ce coin du labour en même temps. Tout comme il y avait toujours un bordel dans cette foutue chambre. Pourquoi on était pas foutues de pas tout foutre partout ?!

« Pourquoi j’t’ai laissé m'coiffer bordel, j'suis à la bourre. J’aurais pu les attacher sur la route. »

Que j’avais râlé en soulevant une couverture pour tomber sur la protection pour mon avant-bras, celle qui évitait que la corde de l’arc m’épluche à chaque fois que le titrait. À l'origine la chose avait dû être au-dessus de la couverture avec tout le reste de mon fourbi, mais entretemps Margaux avait du passer par là cherchant ses babioles qui lui servaient de bijoux, renversant tout.

« ‘Fin là tu présentes bien pour ta première vraie mission de milicienne. »

Sa phrase m’avait fait m’arrêter net. Un instant, je m’étais demandé si elle était sérieuse ou non. Puis je m’étais rappelé qu’elle avait failli m’enfermer tant qu’elle avait pas obtenu gain de cause. Elle m’avait consciencieusement fait m’asseoir pour tresser et ranger en chignon bien serrer ma tignasse. Comme si ça avait une certaine importance, tant que ça pouvait pas s’attraper c'était le principal, rien m’aurait empêché de les tresser moi-même en chemin. Je crois jusqu'à que c'était sa manière de faire un truc pour moi, avec ses petits moyens.

« Arrivé à l’heure aussi ça présente bien. »

N’empêche que maintenant, j’étais certaine d’être en retard. Nom de Dieux, de putains de bordel de merde !

« Tu vois toujours tout de travers de toute façon. »

J’avais pas le temps pour la susceptibilité. Vérifiant que j’avais bien ma dague, et tout le reste de mon fatras, je m’étais engouffré dehors. Fallait que je me grouille !




Une petite course de bon matin ça décrassait, puis au moins comme ça, on pouvait dire que j’avais fait un peu d’échauffement. Fallait être un peu positif dans la vie … de temps en temps. Ralentie aux abords de l’entrée de la caserne j’en avais passé les portes en soufflant encore fort, reprenant mon souffle. Le soleil tapait sur les pavés et la terre battue, se réfléchissant de temps à autre sur le métal des armures et armes dans un éclat rapide, légèrement aveuglant.

Je savais très bien qui j’allais voir, s’était par la première fois. Ça faisait quelques semaines déjà, quelques semaines et quelques entraînements. On pouvait pas dire que je les connaissais mais au moins ils étaient pas inconnus.
La silhouette familière de Xandra se dessina entre les petits groupes. Mon pas était toujours rapide, empressé. Fallait que j’arrive.

« Han putain, j'suis pas la dernière… J’aurais pas parié là-d'ssus. »

Que j’avais lancé comme bonjour, toujours un peu soufflante.
Parce que visiblement y avais pas encore foulé. Juste un gars que j’avais jamais vu, qui causait avec la chef, la courtilière. Ça faisait un peu bizarre quand même, pas qu’elle méritait pas, disons que je savais pas vraiment, mais qu’elle avait tout l’air d’être dans son rôle. Juste que, voilà.

« Une femme et une brindille y'aurais au moins fallu dix mecs là … »

Ni salut, ni merde, Ghislain.

« Grommelle plus fort j’ai pas bien entendu. »

M’approchant, j’avais vite regretté mon geste.

« Quoi qu’non pitié boucle là. »

Finalement je m’étais dirigée vers Thibaut, vérifiant encore une fois qu’il me manquait rien. J’en étais certaine, juste que j’avais besoin de ça pour être tranquille.

Nouvelle affectation, nouvelle mission, de quoi changer un peu de l’air puant et des vices de la cité et de rencontrer des nouvelles têtes, enfin presque. Il connaissait déjà le noyau de la coutillerie, difficile d’oublier ce qu’ils avaient vécu ces derniers mois, quant aux autres ça ne saurait tarder. Intérieurement Séraphin se félicitait de la récente promotion de Xandra, lui qui n’aspirait pas à grimper dans la hiérarchie était content de voir que le duché promouvait des soldats dignes et compétents.

    La journée s’annonçait plutôt belle et le brouhaha de la caserne était couvert par les jacasseries de Ghislain qui semblait décidé à ne pas en rater une, pour changer. Séraphin s’arrêta à hauteur du petit groupe et salua poliment.

    “Bonjour Chef!” Et jetant une oeillade amusée aux trois lurons qui s’échangeaient des vannes aussi facilement que des poissonniers s’insultent. “Mes demoiselles.”

    Il alla serrer la main au nouveau, qu’il ne connaissait pas, du moins pas encore. Qu’importe, il serait testé bien assez vite. Et eut un franc sourire à l’intention d’Ilhanne. “Salut! Tu sais que je pense à toi à chaque fois que je me gratte le dos? Content de voir que tu vas bien.”

    Une odeur putréfiante vint lui chatouiller les narines, de véritables remugles d’outre tombe.

    “Ghislain? C’est ton haleine habituelle ou t’as mordu dans un rat crevé pour faire bonne impression?”
   
    “Ta gueule Sér…”

    “Non en fait, garde le cercueil qui te sert de bouche fermé, c’est mieux.”

    De joyeuses railleries qui mettaient généralement de bonne humeur, et un bon moyen de se détendre avant de s’attaquer à. À quoi d’ailleurs? On lui avait juste demandé de se présenter, sans plus, pour le reste à part que ça se passerait certainement à l’extérieur il ne savait rien.

    “Alors chef? qu’est-ce qu’on a au programme? Me dis pas qu’on va devoir laver les dents de Ghislain?”

J’avais repris il y a peu le service et tout allait pour le mieux dans ma vie. J’étais rentré vivant de ma dernière mission, et en un seul morceau qui plus est, chose d’autant plus agréable vu ce qui s’était passé et j’avais décidé de fêter ça. D’autant que j’avais déjà ma convocation pour ma prochaine mission qui aurait lieu le lendemain matin. Qui sais ce qui pourrait s’y passer. La vie était trop courte et surtout beaucoup trop brutale pour ne pas être vécu pleinement. Enfin, ça c’était pour nous, les miliciens.

J’avais donc décidé de prendre un peu de bon temps dans le quartier rouge de la ville, pour passer la nuit dans les bras d’une de mes prostituées favorites. Après tout, je l’avais bien mérité et si je ne profitais pas de ma solde, personne ne le ferais à ma place.

Lorsque les premiers rayons du soleil touchèrent enfin mon visage, j’ouvris les yeux brutalement.

Merde, ma convocation. J’allais être en retards. Je soulevais le bras de Charlotte qui reposait nonchalamment sur mon torse musclé et couvert de cicatrices et me levais sans trop faire de bruit. J’enfilais rapidement mes affaires et lorsque je me retournais, je vis qu’elle était réveillée.

« Tu vas quand même pas me faire le coup de partir sans payer Alexandre ? On en est plus là toi et moi. »

Je lui souris tendrement. Il y avait quelque chose de fort entre nous. Ce n’était pas vraiment de l’amour, mais plus une complicité. Une confiance. Je savais que je pouvais me retourner vers elle si j’en avais besoin et qu’elle pouvait faire appel à moi en cas de soucis.

« Allons, je pensais t’avoir plus que suffisamment rétribué cette nuit. Enfin, je suppose que c’est pas avec ça que tu vas pouvoir te payer à manger ce midi… Tien, voilà pour toi. »

Je déposais quelques pièces sur la table de chevet. Toujours un peu plus que le prix qu’elle me demandait car j’estimais qu’elle faisait un travail pire que le miens. Parfois les clients un peu éméchés se comportaient plus mal que la fange. Et elle, elle ne portait pas d’armure…

Je sortais enfin du bordel, tout en finissant de lasser mon pantalon et ma chemise. Après tout, ce n’était pas comme si on sortait de ce gens de bâtiment en ayant pris juste le thé.

Dehors, le soleil n’était pas si haut mais je devais encore m’équiper avant de me présenter devant mon nouveau coutilier. C’est pas comme si on allait voir les prostituées comme on allait voir la fange. Je ne trainais donc pas en chemin, ne voulant pas arriver en retard.

Au final, j’arrivais bon dernier devant Xandra, ma nouvelle supérieure. J’avais déjà eu affaire avec elle et le courant été plutôt bien passé. C’était un petit bout de femme, courageuse et ambitieuse.

« Veuillez m’excuser pour mon retard chef, j’ai loupé quelque chose ? »

Le plus rapide à traverser la cour fut le petit nouveau. Arriver en retard dans une coutilerie déjà formé c’était pas le meilleur moyen de se faire des copains. Il semblait l’avoir comprit. Même si le terme petit qui faisait un peu enfant était mal pensé. L’homme n’était pas plus jeune qu’elle, c’était une certitude.

"Milicien Emulsin au rapport! Etes vous la courtilière Erkal?"

Xandra n’avait pas bougé, juste tourné ses yeux pâles encore un peu ensommeillé sur lui, l’écoutant poliment. Avant d’hausser un sourcil. Qu’est ce qu’il avait à la regarder avec des yeux de merlan frit ? Au moins ce Dain ne se montrait pas hostile, quand on était une femme dans la milice c’était un plus non négligeable.
Devoir remettre à sa place des hommes pendant huit, dix, parfois douze heures parce qu’ils auraient préférés vous voir au bordel ou à la maison plutôt que dans une caserne, c’était une activité qu’elle souhaitait à personne.

- C’est bien moi.

La jeune femme laissa une belle grosse poignée de seconde à l’homme pour saluer ses hommes, mais ils ne semblaient pas digne d’attention. Là, il perdait des points.

- Voici une partie de tes collègues pour la mission. Thibaut, Louibert et celui qui poque là, c’est Ghislain. Les autres ne vont plus tarder.

Thibaut eut un petit sourire en coin, s’amusant déjà de ce qu’il allait dire, tandis qu’il fixait Dain. Il se pencha vers lui, d’un air conspirateur.

- Te fais pas d’illusion, son petit cul appartient déjà à quelqu’un, selon les rumeurs.

- J’ai pas besoin de toi pour protéger mes arrières Thibaut, je te l’ai déjà dis. Malgré son air sérieux, Xandra ne l’était pas vraiment. Je suis assez grande pour le faire conclu la rousse en tapotant son postérieur.

- C’pas ce qu’aurait dit Angelo, tu…

- N’ajoute rien de plus.

Louibert n’était pas muet, bien loin de là, mais il ne parlait jamais pour ne rien dire. Dans le fond Ghislain n’était pas mauvais, juste les choses n’étaient pas sensées se passer comme ça dans son monde et il était maladroit, mal à l’aise avec le changements que la Fange avaient apportées. Tous le savait, Xandra la première. Alors, le Ghislain, il n’ajouta rien et la rousse, elle, lança ce regard étrange qu’elle réservait toujours à Louibert.

Le sourire amusé du grand blond continuait de flotter sur son visage, il était toujours là quand il salua Ilhanne. Xandra, elle, pressa un instant son épaule avec chaleur alors que son amie reprenait son souffle.

« Han putain, j'suis pas la dernière… J’aurais pas parié là-d'ssus. »

- Pour la peine c’pas toi qu’on donnera à manger aux bannis aujourd’hui. Dain, voici Ilhanne.

- Bien le bonjour collègue, tu es ravissante ce matin, rouge, mais ravissante.

Après un petit clin d’oeil il reporta son attention sur le vieux milicien.

- On dirait que l’odeur du clape merde qui te sert de bouche va occuper nos conversations pour toute la mission, soit certain que nous t’en sommes reconnaissant Ghis !

- Tu te crois drôle peut être ?

- Du tout, grace à toi, Dain n’aura pas à chercher de sujets de conversations pour s’intégrer. C’est pas merveilleux ?

Occupé à suivre la “discussion” de ses ouailles avec un regard presque tendre, Xandra sursauta en entendant la voix de Séraphin dans son dos.

- Séra !

- Salut ma jolie ironisa Ghis’ qui semblait, malgré ses airs bougons plutôt joyeux. Il buvait, toujours, depuis des années pour rendre la vie plus facile et à priori, l’alcool n’influençait pas vraiment son comportement ni ses humeurs.

“Alors chef? qu’est-ce qu’on a au programme? Me dis pas qu’on va devoir laver les dents de Ghislain?”

- Faudrait que le Duc devienne plus généreux avec moi pour que j’accepte une mission pareille !

- Plutôt fuir Marbrume que subir ça.

- Arrêtez vos conneries, je pue peut être de la gueule mais moi au moins je suis propre. C’est pas le cas de tout le monde.

C’est vrai que les miliciens qui sentaient bon la fleur, y en avait pas des masses. D’ailleurs Xandra aurait donné cher pour pouvoir prendre de vrais bains plus souvent.

« Veuillez m’excuser pour mon retard chef, j’ai loupé quelque chose ? »

- Rien de plus que des bavardages de bonnes femmes, hein Thib’ ? Ne t’en fais pas, on ne t’a pas attendu longtemps. Je suis contente de te revoir.

La rousse était sincère, elle gardait un bon souvenir du milicien et son sourire en témoignait. Elle enchaina aussitôt, ne lui laissant pas le temps d'ajouter quoique ce soit, balayant l'assistance des yeux.

- Par contre, maintenant qu’on est tous réunis, ne perdons pas de temps, vous comprendrez pourquoi dans quelques secondes. Leramay tout le monde, tout le monde Leramay. Vous aurez l’occasion de faire connaissance en route et sur le navire. Et oui, aujourd’hui on prend la mer !

C’est quoi ces conneries ?

- On file un coup de main à nos collègues qui s’occupent de la surveillance maritime. Comme vous le savez tous, les pirates s’en donnent à coeur joie en ce moment et ils sont débordés. Un navire marchand nous attend, nous allons monter à bord et nous assurer qu’il arrive à bon port, en l'occurrence au Labret. Pas de fangeux en perspective donc ! Vérifiez une dernière fois votre équipement et nous partons.

C’était comme ça, Xandra le demandait toujours avant chaque début de mission même s’ils venaient de prendre leurs armes juste avant. On était jamais assez paranoïaque quand il s’agissait de quitter Marbrume.

Spoiler:

Un sourire et un bonjour sincère, c’était finalement tout ce qu’il demandait. Et puis il aimait bien ce surnom qui datait de son arrivée à Marbrume, auparavant on l’appelait par son prénom, ou on ne l’appelait pas. Et de ce point de vue là sa mine perpétuellement renfrognée n’avait pas changé la donne, alors il était doublement ravi de l’accueil auquel il répondit avec un franc sourire.

    Les pirates du Séraphin… Tu parles d’une usurpation! Raison de plus pour aller traquer ces fumiers sur terre ou sur mer et advienne que pourra. Depuis sa virée en mer avec Raphaël le milicien se sentait le pied marin, il était même plutôt content de prendre un peu le large. Par contre à voir la tête de Ghislain celui-ci trouvait la plaisanterie beaucoup moins à son goût.

    “Tu te rends compte ghis? De l’eau putain, de la vraie eau sans alcool dedans! Sûr que t’as pas du en voir souvent!”

    Derrière son ton badin Séraphin bouillait d’envie d’en découdre et de bousiller sauvagement son homonyme, son alter ego maléfique, le corniaud qui depuis des semaines lui valait chaque jour une brouette de vannes plus vaseuses les unes que les autres.

    “Ça tombe bien, j’avais quelques comptes à régler avec le chef de cette bande de pucelles. On y va?”

    Le nouveau qui s’ébaubissait et battait des paupières devant Xandra ça lui plaisait pas trop, ils étaient là pour bosser, à moins qu’il cherche à se faire bien voir? Pas sûr qu’il s’y prenne vraiment de la bonne manière. Mais après tout ils auraient l’occasion de voir de quel bois il était fait. Et c’était peut-être le plus important finalement.

    Pour ce qui est du reste l’ambiance au sein du groupe était bonne et il se félicitait d’avoir à faire à des gens solides et compétents, étant donné l’ampleur de la tâche qui les attendait. Si on lui avait dit un jour qu’il irait combattre des pirates sur leur propre terrain il n’y aurait probablement pas cru, maintenant il remerciait intérieurement Raphaël pour les quelques notions de navigation qu’il lui avait inculqué. Au moins il savait ne pas craindre le mal de mer, c’était un soulagement en soi et la promesse d’une bonne marade pour le premier qui viendrait à rendre son repas.

    “Je propose qu’on prenne les paris, je pense que nous autre commun des mortels nous en sortirons très bien, mais que Dain et Ghislain vomiront tripes et boyaux avant même qu’on ait quitté le port. Alors vous en êtes? Je mise une tournée à notre retour en ville, comme ça personne sera vraiment perdant.”

    Son équipement, certes rudimentaire, était prêt, puisqu’il ne le quittait jamais que pour dormir. Le reste de ce dont ils auraient besoin se trouverait probablement à bord du navire qui les attendait. Il était prêt, à en découdre et à profiter d’une sortie en mer, chose qui n’était pas offerte chaque jour à tout le monde, même si l’ampleur de cette affaire de piraterie risquait des les emmener en mer plus souvent qu’ils ne l’auraient pensé.

Bien, au moins, j'étais au bon endroit, ça aurait été stupide de me tromper de groupe de mission pour mon premier jour.

- Voici une partie de tes collègues pour la mission. Thibaut, Louibert et celui qui poque là, c’est Ghislain. Les autres ne vont plus tarder.



Je vis dans les yeux de ma supérieure que j'avais fait une connerie, son regard allant de moi à mes futur collègue puis revenant à moi et ainsi de suite. Je mis un temps pour comprendre puis ça me frappa. J'avais oublié de les saluer. "Oh, pardon! Je suis tellement impatient de partir que j'en oublie mes politesse. Mes excuses madame!" dit-il avant de se présenter aux autres personnes présentes.

-Te fais pas d’illusion, son petit cul appartient déjà à quelqu’un, selon les rumeurs.

Il se disait qu'il y avait une bien bonne humeur ici et il appréciait ça.

"Oh... Ne vous inquiétez pas très cher confrère. Cela n'était point mon attention mais toujours eu un fiable pour les guerrières!" dit-il, le registre de langue était fait pour être drôle mais la fond était  à mi-chemin entre la blague et le réalité.

C'est avec joie qu'il vit arrivé la seconde femme du groupe en la personne de Ilhanne. Il refit le même regard qu'il avait fait à Xandra "Bien le bonjour Ilhanne, Daïn Emulsin, pour vous servir." Dit-il en faisant une révérence exagérée. "Plus sérieusement, je suis ravi de faire votre connaissance" dit-il en lui tendant la main.

Le troisième arrive peu après, une fois qu'il eu salué le groupe, Daïn s'approcha à son tour "Daïn Emulsin! Ravi de vous ou te rencontrer" dit-il en tendant la main. Il avait perdu dans son regard le côté charmeur qu'il avait deux seconde plus tôt.D'ailleurs, dès qu'il n'y avait aucune femme dans son champ de vision, ce côté disparaissait pour réapparaître immédiatement dès qu'une entrait dedans.

-Arrêtez vos conneries, je pue peut être de la gueule mais moi au moins je suis propre. C’est pas le cas de tout le monde.

A ces mots, Daïn eu un léger ricanement, il avait chez lui une baignoire qu'il utilisait rarement mais qui avait servit ce matin pour qu'il fasse bonne impression.

Quand le dernier du groupe arrive, allait se diriger vers lui mais la courtilière le coupa dan son élan, il se contenta donc d'un signe de la main.

“Je propose qu’on prenne les paris, je pense que nous autre commun des mortels nous en sortirons très bien, mais que Dain et Ghislain vomiront tripes et boyaux avant même qu’on ait quitté le port. Alors vous en êtes? Je mise une tournée à notre retour en ville, comme ça personne sera vraiment perdant.”

"Ne me sous-estime pas! J'ai fait un peu de bateau quand j'étais petit, même si je ne dis pas que je suis marin, je devrais ne pas trop vomir. Ce qui m’inquiète plus, c'est pour combattre. Je suis relativement lourd et lent. Sur un bateau qui tangue, ça va être compliqué." Il avait prit un air plus sérieux, il avait laissé tomber son sourire heureux et son numéro de charme pour se concentrer sur son travail.

Ravissante mon cul, il voulait juste faire l’intéressant Thibaut, comme d’habitude. Un jour il allait se faire botter le cul, sûrement pas par moi, enfin rien disait que ça pourrait être pas moi, mais je pense qu’un moment il allait manger mes dents pour avoir fait la plaisanterie de trop. Je savais de quoi je parlais, ça me pendait de temps en temps au nez cette histoire.

« T’es charmant ce matin, un peu couillon, mais charmant. »

Il devait commencer à comprendre que plus il me chatouillait, plus je le chatouillais… ‘Fin pas au sens physique du terme hein, en sens verbale. Si un jour ça devenait plus je crois que finalement qu’il comprendrait vite que j’avais aucune intention de le laisser faire. Du moins ça c’était la théorie, je voulais pas penser à la pratique, la pratique, elle était pas du tout pareil, j’avais pu faire un bout d’expérience… Ça m’avait suffi.
Tant que ça resterait comme ça, moi ça m’allait, c’était même marrant.

« C’est bizarre, moi aussi quand ça tire dans mon dos je pense à toi … »

Que j’avais répondu à Séraphin quand il était passé.
Finalement y'avait même pas fallu demander pour savoir qui c’était l’inconnu qui parlait à Xandra. Un type qui serait avec nous aujourd’hui. Un des nôtres par intermittence. C’était un peu la première fois que ça m’arrivait, d’habitude c’était plutôt moi l’intermittente depuis un mois.

On allait vraiment aller en mer ?

Et l’autre qui faisait le malin à prendre les paris. La question s’était de savoir si moi non plus j’allais pas vider le contenu de mon ventre par-dessus bord. Je me souvenais pas avoir un jour pris le bateau. Visiblement on pouvait vivre toute sa vie dans une ville au bord de la mer sans jamais foutre un pied dans une coquille de noix. M’étais d’avis que la coquille dans laquelle on allait faire le trajet était un peu plus grande que cette de la noix, mais ça restait un truc qui flottait.
Toujours sur la terre ferme, j’appréhendais un peu le roulis et les remous. J’étais plus à l’aise dans les marais, complètement paradoxalement. Surtout que quand on s’enfonçait jusqu’aux genoux ou à la taille dans l’eau croupie s’était compliqué de parler encore de terre ferme. ‘Fin voilà c'était un environnement qui me semblait plus familier que les étenduess d'eau avec un peu de terre en vue, un rivage semblant proche et loin en même temps.

« Je prends le pari sur Ghis … »

Fallait bien participer un peu. Puis bon, l’idée de le voir en chier, ça me faisait un peu plaisir vu toutes les vacheries qu’il était capable de sortir à l’instant. À en croire Xandra il n'était pas méchant, juste vieux … et con.

« Faut parfois savoir prendre la voix de la facilité quand elle se présente... »

Un sourir en coin, un peu de légèreté avant de risquer notre peau.

« Et toi Leramey, tu paries sur qui ? »

La grande montagne de muscles et de barbe était de la partie aussi. Croisé une fois, il avait pas vraiment laissé un souvenir des plus impérissables, gentils, sérieux. Impression qui se confirmait maintenant qu’on était sous la même bannière.

« Si tu veux mon avis, le Daïn il finira par passé par-dessus bord. »

Bien sûr, je plaisantais. Je lui souhaitais pas ça à l’autre, mais il avait l’air bien grave et bien sérieux à annoncer de but en blanc que ça allait être compliqué si on devait se castagner. Je sais pas si c’était un bon, ou un mauvais point pour lui cette franchise, en tout cas, c’était un point.

Lorsque Xandra annonça la mission, je reçus comme un coup de trique derrière la nuque. Les pirates…

Ils m’avaient laissé un souvenir marquant, bien qu’incomplet. Notre rencontre avec le pirate Seraphin avait laissé des marques. Physique, comme morale.

Je tâtais le haut de mon crâne pour y trouver la cicatrise cachée dans mes cheveux. Elle était une preuve irréfutable et un rappel constant de mon échec lors de cette mission.

Je n’en avais que quelques souvenirs : Une île, un monastère. Un ennemi beaucoup trop nombreux pour nous, trop préparé, qui connaissait le terrain et des chiens… Ça avait été une mission suicide, mais on en avait rechapé vivant. Comment ? Je ne m’en souvenais pas. C’était peut-être dû à ma blessure. Ou peut-être que mon esprit avait trop honte de cet échec et refusait de s’en rappeler.

J’étais perdu dans mes pensées, l’air grave, le regard perdu dans le vide pendant un instant. J’entendais presque au loin les autres rires, se moquer gentiment les uns des autres. De la franche camaraderie en somme, ciment essentiel à notre travail, à notre devoir.

Ce fut la petite Ilhanne qui me sortit de ma rêverie. Surement avait-elle remarqué mon regard perdu, ou tout simplement s’inquiétait-elle de mon silence ?

« Et toi Leramey, tu paries sur qui ? »

Je la remerciais intérieurement. Non seulement elle m’arrachait à des pensées pas franchement agréables, mais en plus elle me permettait de participer à cet échange pour le moins amusant.

« Et bien moi, je parie sur Ghislain. Je suis sûr que ça va être la première fois qu’il s’approche d’un bateau de sa vie, alors monter à bord … C’est surement trop d’un coup pour lui. Quand à Dain, engoncé comme il s’est dans sa chemise de rouille, je suis sûr qu’il ne s’approchera du bord du navire pour rien au monde. Par contre, il lui faudra une grue pour monter sur le pont Xandra. J’espère que les marins ont prévu le coup. Remarquez, si on perd notre ancre, on en a une de secours avec lui !»

J’éclatais de rire tour en tapant dans le dos de Dain comme pour me faire pardonner de ma boutade.

« On vous suit coutilière Xandra. »

Je n’avais aucune idée si coutilier s’utilisait au féminin, car c’était la première fois que j’étais sous les ordres d’une femme. Dans tous les cas, ça lui allait plutôt bien.

« On vous suit coutilière Xandra. »

Ca faisait bizarre de donner des ordres à Leramey et de l’entendre donner du coutilière, même si Xandra y tenait. Le respect des grades au final, c’était important, elle s’était aperçu que dans certaines situations extrême ça permettait un déclic, celui de suivre cette voix là plutôt qu’une autre, de tenir bon. Mais elle voulait pas qu’il croit qu’elle avait pris la grosse tête ou qu’elle avait trop changé. Pourtant ils se connaissaient pas tant que ça, mais ça avait de l’importance à ses yeux. Parce qu’il l’avait aidé à se sentir bien dans la milice, un peu mieux en tout cas, même si elle ne lui dirait surement jamais. Pas sûr que le bon moment se présente.

Elle avait ralentit l’allure, pour observer un peu en retrait tout ses hommes et Ilhanne, alors qu’ils quittaient la caserne et se mélangeaient déjà à la foule matinale des rues. Ils se chamaillaient gentiment, prenaient les paris et le nouveau qu’on lui avait mit dans les pattes semblait trouver un peu sa place dans cette camaraderie. C’était pas évident, parce que l’équipe, en réalité, et malgré les apparences avait sur s’organiser, se souder et s’ils étaient bien evidemment des membres distinct, ils étaient surtout un tout, un noyau. Xandra mettait un point d’honneur à mettre en avant les qualités de chacun et à trouver des parades pour tempérer ou mettre de côtés les défauts qui pouvaient nuir à leurs missions.

La coutilière avait sauté sur le dos du barbu dès qu’on avait été assez loin du quartier de la milice, assez loin de la place des pendus, s’accrochant à lui comme s’il s’était agit de sa monture, ou comme une moule à un rocher, mais la moule, bien qu’à thème, n’était pas l’image la plus flatteuse. Levant un poing victorieux au dessus de sa tête alors qu’elle nouait ses jambes au bassin du pauvre homme, Xandra lança joyeusement :

- Plus vite soldat, hue milicien !

…

- Quoi ?! Ca fait partie de l'entraînement.

- Non mais…C’est ça notre chef ? Sérieusement, une gonzesse qui se comporte comme une enfant, pire, qui pourrait être la mienne de môme, ridicule.

- Pour faire des enfants il faut trouver une femme, oublie l'idée !

Il avait pas tord, Xandra se demandait bien ce qu’elle faisait juché sur Leramey ? Entre ça et son envie de saucisse grillé, c’était à se demander si la rousse n’avait pas perdu la tête.

- Vous devriez descendre, chef, tout le monde nous regarde.

- Non ! Y en a qui apprécient la vue, pas vrai ?

Thibaut lança un clin d’oeil à Dain accompagné d'un coup de coude avant de reporter, faussement, ou pas, son attention sur les fesses de sa supérieure.

- C’est un test de résistance musculaire, vous pouvez pas comprendre.

Décidément, Xandra en ce moment avait besoin de légèreté, de s’amuser un peu. Plus, finalement, il lui semblait qu’elle perdait de sa...lumière, qu’elle changeait pour devenir doucement quelqu’un de plus dur, plus nuancé, plus elle avait ses petits moments de folie comme un chat qu’on retenait captif et qui évacuait le trop plein, plus elle faisait n’importe quoi. C’était un peu le chaos dans son esprit ses derniers temps et elle s’était calé un peu mieux contre le dos du milicien, comme s’il s’était mué à présent en doudou.

La rouquine ne semblait pas décidé à descendre, du moins pas tant que le dit mulet ne l’aurait pas délogé de là. Elle répondit enfin, en retard, participa à l’échange avec un décalage, ça lui arrivait assez souvent en vérité.

- Séra, au fait, moi je pari que c’est Ghis’ qui va vider sa connerie par dessus bord !

- Ouais ouais, riras bien qui vomira le dernier !

- Je rêve ou tu fais de l’esprit ? Tu m'impressionnes.

Ils arrivèrent bientôt en vue du port, traversèrent non sans mal les quais, évitant caisses et hommes pressés, c’était l’heure des départs et l’agitation était frappante quand on y était pas habitué. Ca sentait la marée, le poisson, la sueur masculine et ça parlait gras, ce langage fleuri si agréable…

- Ah ! La milice ! Vous devez être la coutilière Erkal ? Z’êtes pas très impressionnante. J’du mal à croire que des hommes vous obéissent, enfin, c’pas à moi de dire au Duc comment que ça doit se passer hein ?

- Méfiez vous des apparences, Capitaine Gaslo, elles sont souvent trompeuses.

Personne pas même Guilsain ne jugea utile de la ramener. A des niveaux différents, tous parmi les "anciens" la respectait pour ce qu'elle était. Que ce soit l’air ou la posture de la jeune femme, le marin baissa les yeux et changea de sujet.

- On a prit un peu de retard, pensez que vous pourriez nous aider à charger les dernières caisses de légumes et les scellées là bas ?

Il s’était clairement adressé aux hommes de la coutilerie en disait ça.

- Sinon vous pouvez déjà monter à bord le temps qu’on termine. Z'êtes déjà tous pris la mer, hum ?

Xandra avait accepté, tout comme Louibert. Thibaud préférait surveiller les agissements du vieux milicien, s’assurer qu’il ne raconte pas n’importe quoi aux membres d’équipages. Lui par contre, hors de question de se rajouter des tâches supplémentaires. Si la rouquine s’occupa d’aider pour les caisses les moins lourdes, Séra et deux autres marins étaient en train de soulever une caisse qui, vu leurs visages, pesait son poids. Le soleil ne tapait guère encore et pourtant, il sembla au milicien que quelque chose l’observait à travers les planches mal clouté, deux yeux verts. Sans doute avait-il rêvé ? Quoiqu’il en soit, ce qu’il avait vu ou cru voir, avait disparu dans l’obscurité de sa boite.

Prout:

     “Séra, au fait, moi je pari que c’est Ghis’ qui va vider sa connerie par dessus bord !”

   L’idée était grandiose, majestueuse, le genre de perche qu’on vous tend et qui ouvre la voie aux vannes les plus belles, les plus grasses. Et quand il s’agissait de Ghislain elles étaient plus grasses que belles, Séraphin répondit du tac au tac, avant d’asséner dans le dos du milicien une claque à lui décoller les dents du fond. Le tout avec, chose rare, un grand sourire amusé.

    “Vider sa connerie? Tu crois qu’il y aura assez de place dans l’eau pour ça?”

    Tous ces badinages avaient mis la coutilerie de bonne humeur, à tel point que Xandra sautillait et papillonnait gaiement dans les rues. Qu’en penserait-on? On s’en fout, c’est vos culs qu’on protège les gueux! La tête que Leramey fit quand sa chef lui sauta sur le dos se rapprochait de celle d’un chat qui découvre les joies des suppositoires, autant dire interloqué!

    Après un bon fou rire le groupe approcha des quais où les attendait un Capitaine qui brillait autant par son intelligence que par la blancheur de ses dents, donc très peu. En plus d’être une enflure condescendante l’homme se permettait de jouer les feignasses et d’employer des bras plus robustes que les siens. Soit. La caisse qu’il voulait charger avait l’air de peser une tonne et en pesait le double une fois en main, les deux matelots aux côtés de Séraphin suaient et produisaient des bruits de plus en plus ignobles à mesure qu’ils forcaient sur leurs petits bras chétifs.

    Plus habitué aux tâches manuelles et bien décidé à laisser les matelots en chier un brin le milicien observait les alentours quand un reflet vert entre deux planches de la caisse attira son attention. Des yeux? Qui aurait l’idée de se planquer là-dedans? Non ça devait être le soleil, ou la bière acide d’hier soir. Ouais c’est ça, la bière, saloperie de taverne!

    Mais cette soudaine sensation d’être observé ne le quittait plus. Et lorsqu’il vit clairement la silhouette d’un visage dissimulé dans la caisse il se dit que son esprit ne lui jouait finalement pas de tours, et qu’il pourrait continuer à picoler.

    Il stoppa le convoi net et au ton qu’il employait personne ne doutait de son sérieux, ni de la pointe d’appréhension qui teintait son regard. Les surprises étaient mal vues à cette époque là, surtout quand lesdites surprises avaient la sale habitude d’essayer de vous bouffer.

    “STOP! Vous deux posez la caisse doucement et reculez. Ghislain va chercher le Capitaine, vite.”

    Il avait tiré son épée au clair, même si ce qui se trouvait dans la caisse ne pouvait pas être un fangeux, il aurait déjà massacré la moitié des leurs, on ne pouvait pas se permettre de prendre des risques. Il regarda un des deux marins qui avait l’air de vouloir se trouver ailleurs.

    “Toi. Ouvre cette caisse et tiens toi prêt.”

    Fini les blagues et les sourires, en un éclair le soldat était repassé aux commandes, avec ses démons et son air revêche. Celui avec lequel on ne plaisantait en général pas, ou pas longtemps.

Nous descendions joyeusement vers le port entre blague vaseuse et humour décalé, quand soudain, on me sauta dessus. Une attaque sournoise ? Un gamin des rues trop collant ? Rien de tout cela. Non, c’était simplement ma courtilière qui avait décidé de jouer au cheval avec moi. Le contact de sa poitrine sur mon dos me donna l’idée de jouer à d’autres jeux où il était aussi question de chevaucher l’autre et pendant un instant, j’imaginais les douces courbes de son corps nu sous ses vêtements, et mes grandes mains qui parcouraient sa peau.

Je sortais de ma rêverie non sans un petit sourire satisfait. Si c’était ça notre entrainement, j’étais chaud pour une petite séance spéciale approfondie.

Je transportais ainsi Xandra sur quelques centaines de mètres avant de la reposer délicatement au sol tel la petite sourie qu’elle était pour moi. Elle ne semblait pas d’accord mais avec son poids plume et la taille de ses bras, elle ne pouvait pas faire grand-chose contre moi.

« Allez chef, vous aller me faire rougir et les autres vont imaginer des trucs qui ne se sont pas passée. Et je ne suis pas homme à me venter d’une bataille que je n’ai pas mené ! »

Une fois arrivée au port, je me portais parmi les volontaires pour charger les caisses. J’avais des muscles, autant qu’ils servent. J’aidais donc Seraphin avec sa boite pour laquelle il semblait avoir du mal.

« Trop lourde pour toi, mon p’tit sera ? Attends, Tonton Leramay est là. » Lui envoyais-je avec un sourire satisfait et moqueur. »

Soudain, il s’arrêta net. Il semblait avoir vu quelque chose. Si j’étais plus fort que lui, Seraphin avait clairement une meilleure vision que moi, sans parler de son attention. Aussi, je me fiais entièrement à lui.

Lorsqu’il tira son épée, je suis que la chose était grave. Aussi, je sortis moi aussi mes armes, prêt à intervenir au moindre ordre.

« Mais bon dieux Sera, qu’est-ce qu’il se passe ? »

Seragolas:

Première fois que Daïn voyait une courtilière chevauchait un des ces subordonnés en pleine rue et avec ses vêtements mais cela le fit beaucoup rigoler. Il était content de ne pas être à la place du barbu car avec ses équipement lourd, il aurait eu un peu plus de mal que lui.

"Non ! Y en a qui apprécient la vue, pas vrai ?"

"Je pourrais être de mauvaise fois et dire que c'est faux mais ce serait mentir. Une chose que je n'aime pas faire." dit-il avec un sourire moqueur.

Il ne s'avait où il avait débarqué mais il aimait bien l'ambiance qu'il se dégageait de ce groupe. Une vraie camaraderie qu'il n'avait pas vu depuis longtemps.

Puis, ils arrivèrent près du lieu de rendez-vous avec les marins et on peut dire qu'ils commencaient de très mauvaise manière.

"Ah ! La milice ! Vous devez être la coutilière Erkal ? Z’êtes pas très impressionnante. J’du mal à croire que des hommes vous obéissent, enfin, c’pas à moi de dire au Duc comment que ça doit se passer hein ?"

Tout le trajet j’avais été à quelques pas derrière, sale habitude prise pendant les quelques semaines à faire le bon vouloir de tout le monde, parce que soi-disant j’étais pas prête pour autre chose que les sales besognes. La plupart des gars trouvaient ça visiblement risible à’avoir une fille à leurs côtés, alors bon à quelques pas derrière on entendait moins de connerie, puis si on se faisait assez oublier, ils en faisaient moins aussi.
Loin des yeux, loin du cœur comme on disait.

Être là, ça avait quelques autres avantages pas si mauvais, comme avoir une vue d’ensemble de tout, de tout le monde, regarde le groupe des interactions. Ghis qui en prenait pleine la dent, ça commençait à devenir habituel routinier. Ce qui l’était moins c’était se voit Séraphin sourire, il était pas désagréable, pas méchant, enfin il l’avait pas été avec moi, loin là. Il était juste borné et à la notion de communication assez … percutante ?
C’était pas faux que c'était un peu le Temple qui se foutait de la charité, parce que fallait pas se leurrer niveau expression j’étais pas douée non plus, mais … voilà.

Puis d’un coup Xandra sauta sur le dos de Leramey, j’en avais failli m’étouffer à me retenir de rire, au milieu de la foule. Qu’est-ce qu’elle foutait ?
Au moins la curiosité avait eu le mérite de me faire remonter, arriver à hauteur de Thibaut et Dain alors qu’ils causaient de manière fort charmante du postérieur de leur supérieur. Une petite taloche derrière la tête de chacun, pas de quoi leur faire mal, si j’avais pu en être vraiment capable, juste de quoi marquer le coup.

« Vous pourriez r’garder ailleurs quand même. »

Raillerie de solidarité féminine, du moins ça en avait l’air. Je m’étais retourné alors que je les dépassais, ils pouvaient sûrement voir ce petit sourire de coin. Puis j’avais poursuivi jetant un coup d’œil à Xandra quand je la dépassais pour arriver sur le devant de la marche.

Connard…

C’était à peu près tout ce qu’il m’avait inspiré la capitaine du navire. Autant dire que j’allais pas mettre de la bonne fois à lui obéir. D’ailleurs ce qui tombait bien, c’était que j’étais dans l’incapacité d’accomplir ce qu’il demandait, moi faible femme, sans muscles. De loin je regardais la situation se dérouler, attendant de voir si j’allais me prendre une remarque ou autre chose. Mais personne n’avait eu le temps de s’intéresser à ce que pût bien bidouiller, tant mieux. Les hommes semblaient s’intéresse à une caisse, allant même jusqu’à tirer l’épée.
Ça sentait pas bon cette histoire ? Un fangeux ? Non, non, sûrement pas, il aurait été plus incontrôlable dans sa petite prison en bois, à grogner hurler essayer de sortir …

Un coup d’épaule pour rameuter Thibaut y avait bien assez de gens autour de cette boîte, puis surtout y avait Séraphin, quoi que ce soit il se ferait un plaisir de lui péter le nez ou le bras, ou tout autre partit cassable d’une personne. Par contre la grande gueule semblait pas vraiment avoir pigé ce que je voulais, il était resté là planter comme un couillon à regarder de loin ce qui se passait.

« Mais qu’est-c'tu veux Barrowmer ? »

Qu’il avait un peu ronchonné, quand je l’avais poussé pour qu’il s’intéresse plus à ce que je lui proposais qu’aux autres là bah qui se massaient autour de la caisse comme des chats de gouttière autour d’une souris blessée.

« Viens on va inspecter l’reste du bateau.

Aller dans les recoins sombres d’une calle avec toi, quand tu veux ! »

Il était con, c’était con, mais ça m’avait fait sourire. C’était qu’il causait beaucoup mais faisait que causer du moins pour le moment, j’avais pas hâte ou envie que ça change loin de là. Son phrasé pas délicat suffisait largement.

« Fait gaffe, j’pourrais t’y enfermer … »

Tout aussi sérieuse qu’il avait pu l’être je m’étais pas attardée, me glissant sur le bateau. Ça grouillait d’activité, d’activité masculine surtout. Pas une femme à l’horizon, du moins pas visible au premier coup d’œil. En même temps vu la bonne fois du capitaine, ça semblait à moitié étonnant. Je me sentais un peu observée, et la tension du départ, que quelque chose se passe mal était palpable.

Même à quais y avait un peu roulis, rien de bien méchant, rien qui filait des haut-le-coeur, heureusement, sinon j’étais mal, mais je continuais à appréhender la mer, loin des amarres qui stabilisaient la coquille de noix.

On allait faire le tour du pont, regardant un peu partout, tout ce qui pourrait accrocher l’œil et si on avait le temps, que personne ait bouffer à quai, on pourrait peut-être faire la calle.