Un verre de plus ou de moins, au fond, quelle différence ? ( Libre )

Rien n'est jamais acquis à l'homme, ni sa force
Ni sa faiblesse ni son cœur, et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix

La vie, c'est ça : c'est moche, ça pue, et ça finit toujours par te décevoir, à chaque fois. Je le sais et pourtant, j’essaie tout de même de voir le bon côté en toute chose. Je sais que je finirais par être déçue, par me faire avoir encore une fois, mais j'avance quand même, et la tête haute en plus. Parfois, je me dis que je dois être complètement maso, là, à jouer à l'optimiste avec tout le monde alors que je sais qu'il y a peu d'espoir pour l'homme. A m'écrier sans cesse que le monde va s'en remettre, qu'il faut garder l'espoir, la foi, que les choses finiront par rentrer dans l'ordre, comme dans toutes les histoires qui finissent bien. Bah non, cette histoire-là, elle commence mal, et je vois difficilement comment elle pourrait être pire. Je n'ai peut-être pas combattu auprès des miliciens contre ces monstres, mais j'ai connu moi aussi mon lot d'horreurs et de souffrances. J'ai vu de mes propres yeux ces monstruosités empilées et dévorées les gens. A chaque fois, c'est la même chose, quand je ferme les yeux, je les vois... Elles font partie de mes cauchemars de jours comme de nuits. Si seulement je pouvais m'en défaire ?

L'odeur nauséabonde de l'alcool et du tabac me fit sortir de mes pensées. Un homme miséreux au regard vitreux m'intime de lui resservir un verre. Il me dégoûte, mais je ne laisse rien transparaître. Au lieu de cela, je lui souris mécaniquement, et me dirige vers le comptoir pour aller chercher une cruche. Cela fait déjà quelques semaines que je suis arrivée en ville. Je n'ai pas eu beaucoup de mal à me dégoter un travail en tant que serveuse dans l'une des auberges des bas-quartiers. J'ai beau avoir essayé de trouver plus haut, je n'avais guère les moyens de me procurer un logement lus décent. Forte heureusement pour moi, la patronne des lieux m'offre un toit et la nourriture en échange de mes services. Depuis lors, je fais ma basse besogne en rêvant de pouvoir vivre quelque chose de meilleure. Je nettoie une table sans grande conviction, ne remarquant pas tout suite qu'une personne me demande...

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Suite de ce RP

De l'orage, un vent fort, une pluie abondante, cette journée donnait une scène apocalyptique. Tout aussi remarquable dans les images qu'elle révélaient que terrifiante. Tenant par la main Ethaïs, nous rasions les murs des rues. Nous quittâmes les rues mondaines, trop coûteuses, et surtout, je ne voulais pas me faire remarquer là-bas. Madame de Restellis avait ses informateurs, et je ne désirais pas qu'on lui rapporte le fait que je flirte, et prenne mon temps.
Pire encore, que pourrait-elle penser si elle venait à apprendre que je côtoyais une catin. Ce serait sans doute le renvoi. Et la fin de tout mon projet.
Il était pratiquement impossible de communiquer, nous fîmes des grands pas en protégeant nos visages en baissant simplement nos tête, je fis au mieux pour protéger la jeune en restant proche afin de servir de protection. Cela fonctionnait partiellement, et n'éviter point à Iris de voir sa silhouette se faire frapper par les gouttes de pluies.

Nous courûmes donc, luttant contre le vent, dans mon autre main, je tenais le sac des commissions, en serrant bien afin d'éviter que trop d'eau ne rentre à l'intérieur. Rapidement, nous trouvâmes refuge dans une auberge des bas-quartiers. Comme si nous passions du jour à la nuit, ce fut un véritable choc pour nos yeux.
L'odeur d'alcool était déjà fort présent malgré l'heure. Il y avait là quelques personnes, qui attendait l'heure de manger avec impatience en buvant.

Toutefois, nous ne pouvions guère nous plaindre, au moins ici, nous étions à l'abri. Je me retournai pour voir dans quel état se trouvait Iris. A ne pas douter cette course avait du l'épuiser, je l'étais d'ailleurs moi-même, et puis cette couverture d'eau sur les cheveux et mon uniforme pesait lourd, et était désagréable. J'ôtais d'ailleurs ma veste, même si ma chemise blanche était un peu trempé, je me sentais déjà mieux.
-" Malheureux hasard ! " Pestais-je en observant Iris en l'aidant à s'arranger légèrement.
-" Pas trop fatigué ?" Lui demandais-je à voix basse en passant ma main derrière son dos en frottant vivement comme pour lui donner un peu de réconfort.

Je balayais du regard la salle, des personnes ayants connues le même sort se réchauffait avec un verre. Une idée qui n'était pas pour me déplaire, mais je ne devais pas succomber avant de reprendre mon service.
Alors, toujours accompagné de ma charmante compagnie, j'avançai, et d'un geste de la main je cherchais à attirer l'attention d'une serveuse qui nettoyait une table avec un air rêveur.
-" Excusez-moi ! Pouvons nous asseoir ? Et surtout, auriez vous la gentillesse de nous apporter de quoi nous sécher ! Quand à notre consommation, je prendrai la même chose que Madame." Dis-je en me donnant un grand air étrange comme si je me laissai griser par le fait de vivre dans un manoir et de marcher dans des rues qui brillent.

Epuisée, Iris s’assit lourdement sur une chaise se trouvant près de l’âtre. Frigorifiée, la cape ainsi que les habits de la jeune femme dégoulinaient. Son chignon tombait affreusement sur ses épaules. Le peu de mascara appliqué semblait avoir tenu. A son grand avantage, sinon les clients amassés pour éviter la pluie aurait pu prendre peur en visualisant son minois.

Se frictionnant les épaules, Ethais tentait de se réchauffer mais en vain. Il fallait qu’elle se change, le corset et la chemise lui collaient à la peau. La sensation était désagréable. Le regard de la catin se posa sur la serveuse ou la gérante de l’auberge où ils avaient trouvé refuge.

« Je prendrais du lait chaud, ou une tisane. Si part la même occasion vous proposiez quelque chose à manger, je vous en serai reconnaissante. Cette course m’a assoiffé mais également affamé. » Dit-elle d’un ton à moitié poli, souhaitant qu’une chose, dormir.

Elle se retourna vers Alfonso. Son visage était éteint et ses paupières lourdes. Elle regrettait le manque de sommeil de la nuit. Les filles avaient été ingérables et une grande réception était donnée en leur honneur. En aucun cas, elle aurait pu y faire abstraction.

Elle soupira bruyamment, impatiente de boire une boisson chaude, histoire de réchauffer son corps. De temps à autre, elle lançait un coup d’œil à la salle. Nombreux clients étaient comme eux.

« Pas trop mouillé d’ailleurs ? Il faut dire que la gouttière cassée n’a pas aidé. » Dit-elle, un léger sourire aux lèvres.

Elle se passa une main dans sa tignasse, abattue par le travail qui l’attendrait une fois celle-ci sèche.

« J’espère que cette averse ne tardera pas à se finir, je suis réellement épuisée par tous les événements, et un bon matelas ne serait pas refus. Puis pour ta part, ta patronne risque de s’inquiéter si elle ne te voit pas rentrer avec les provisions. » S’esclaffa-t-elle.

Rien n'est jamais acquis à l'homme, ni sa force
Ni sa faiblesse ni son cœur, et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix

Rêveuse, j'observe d'un œil distrait l'une des fenêtres de l'auberge. Visiblement, la pluie est si forte que tous les villageois du coin semblaient s'être donné rendez-vous ici. Certains sont complètement abattus par l'eau, donnant pour certains ivrognes aux longues tignasses, l'air de chien mouillé. Sans parler des vêtements qui, pour la plupart, faisaient office de seconde peau. Je soupire, toujours distraite de ces vues pour le moins inhabituelles. J'entends une voix m'appeler, et c'est l'une des autres serveuses qui me fait du coude pour me sortir enfin de mes pensées. Je me ressaisis, reprenant mon air professionnel et joyeux pour le regard des autres. Je me dirige avec nonchalance vers mes nouveaux clients. Le plus grand des deux est un homme aux traits fins et élégant, la seconde, est une jolie jeune femme d'une beauté rare. Il me semble l'avoir déjà aperçue dans les ruelles, son visage m'es familier. Je leur souris, de mon habituelle joie et optimisme. Le jeune homme me salue, me demandant s'ils pouvaient tout d'eux s'asseoir à une table. Je leur fait un clin d’œil, leurs montrant l'une des rares tables encore disponible. Tout en s’assaillant, je leur dégote en mois de temps qu'il ne le faut quelques serviettes pour se sécher. Ma première pensée pour eux est de me dire qu'ils font un beau couple. Ils semblent bien s'accorder.

Je reviens avec les commandes d'un pas assuré, toujours le même sourire aux lèvres. Il n'est pas factice comme la plupart des autres sourires qu'ont les autres serveuses. J'aime faire partager ma joie de vivre, c'est un peu ma façon de remonter le moral des troupes en ces temps difficiles. Le peuple à besoin de voir de l'espoir et la chaleur, qui d'autres que nous peuvent leurs montrer cela ? J'ai anticiper leurs choix en demandant à la patronne le plat du jour, ils devront bien faire avec. Une pinte à la main, je m'en vais resservir un saoulard trop bruyant, avant rejoindre le couple nouvellement venu. Je m'adosse légèrement sur le bord de la table, le regard rivé sur eux :

« Il serait bien malheureux de devoir retourner sous une pluie battante comme celle-ci... »

Et comme si j'avais deviner leur conversation, j'ajoute balayant la pièce rempli de client du regard :

« Il me semble qu'il reste encore une chambre à l'étage... Elle n'est pas d'une grande luxure, mais elle fera l'affaire je suppose... »

Je crois les bras, attendant une réponse du couple avant de pouvoir m'affairer chez les autres clients.

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La jeune serveuse attira notre attention en nous proposant l'une des rares tables encore libre. Sans un mot de plus, elle nous offrit des serviettes pour nous sécher. Nous prîmes place alors qu'Ethaïs annonçait sa commande, qui était la mienne. J'usai la serviette pour sécher mes cheveux. Je déposai le sac aux pieds de ma chaise, et j'y accrochai ma veste humide. Frottant mon visage avec la serviette, je ne sentais déjà mieux. En face de moi, la catin, la malheureuse avait sans doute plus à faire que moi pour se remettre d'appoint.

Néanmoins, dans cet état elle possédait un charme sauvage des plus attrayants, pensais-je en essuyant mes mains alors que la serveuse déposa les commandes.
-" Merci bien ! " Soufflais-je pour la remercier pour son attention. Elle avait un sourire, et une joie de vivre qui à première vue semblait entraîner l'auberge toute entière derrière sa bonne humeur.

Iris avec un sourire qui me faisait dire, que dans ce malheur, elle y trouvait un peu d'humour me demanda si j'allais bien en réponse à la même demande que je lui avais fait, en soulignant que la malchance nous avait accompagné dans notre course jusqu'ici lorsqu'une gouttière nous prit en traître en ne supportant plus le poids de l'eau.
Sur visage cependant, je pouvais remarquer qu'elle était plus ou moins chagriné par les dégâts sur sa tignasse.
-" Cela te va à ravir... On dirait que tu viens de te battre comme une sauvageonne... " Murmurais-je en me penchant vers elle en laissant mon genou flirter avec le tissu de sa robe jusqu'à toucher sa rotule puis ma cheville prit contact contre la sienne.
-"... C'est assez aguicheur et plaisant." Chantais-je d'un ton espiègle.
Je me redressai ensuite, ma main s'emparant de la boisson.
-" Je crois que cette sensation d'humidité tardera à quitter mes os. Dire que Rosalie m'a dit que je devais toujours être irréprochable sur ma tenue et ma figure, je croie que c'est fichu pour aujourd'hui." Crachais-je pour répondre.
-" Enfin, au fond, nous n'avons rien de cassé, c'est le principal, puis nous en sommes quitte pour une bonne rigolade."

Je bus une gorgée en l'écoutant me conter son épuisement, et me mettant également en garde sur une arrivée trop tardive au manoir de Restellis. Elle n'avait pas tord. Toutefois, rentrer dans ces conditions me semblait compliqué.
Ce fut à cet instant que la serveuse, avec son sourire jovial s'approcha de nous, et eut la même réflexion. Pour l'instant, impossible de sortir d'ici.
Puis, elle nous fit une proposition qui me déconcerta. Mes joues devinrent rouges, de cette teinte qui exprimait une certaine confusion. En effet, il était évident que nous étions proche, que nous nous cherchions, que nous nous flattions, et qu'un petit jeu de séduction s'était installé...
D'ailleurs je regardais Iris avec un regard complice, amusé, et à la fois gêné.
-" Malheureusement, le temps presse... Et tout comme vous, nous avons des horaires à respecter. Toutefois je vous remercie pour votre accueil, nous avons simplement le temps de déguster votre plat du jour. En espérant qu'ensuite la météo nous soit favorable. " Dis-je d'un ton tremblant.

L’humeur de la jeune femme était au plus bas. La fatigue grimpait d’un niveau tandis que ces paupières se fermèrent. La chaleur de l’âtre emplissait son être, délassant ses muscles endolories et frigorifiés. Un lit, elle n’avait qu’une hâte, c’était de retrouver le sien. Néanmoins, malgré l’étage au-dessus de leur tête, le martellement des gouttes de pluies sur les tuiles s’entendaient. Lourdes et grinçantes, la tempête ne semblait pas vouloir se calmer davantage.

« Je me passerai bien du côté sauvageon tout comme tes tentatives de séduction Alfonso. Je ne suis pas réellement d’humeur à tout ceci. Je n’ai qu’une hâte quitter cet endroit et me réchauffer dans mon lit. » Dit-elle d’un ton las.

Le ton haussa d’un cran dans la taverne. Quelques personnes, déjà éméchées, s’amusaient à se provoquer. Heureusement pour Iris, la serveuse revint avec les boissons, et un maigre repas. Ne fut-elle pas surprise d’entendre sa proposition. Elle n’eut le temps de lui donner une réponse personnelle que son partenaire répondit.

« Pareil que Monsieur, je ne peux rester, j’ai d’autres obligations et ma demeure n’est qu’à quelques minutes, une dizaine tout au plus, d’ici. Dès que le vent se sera calmé, et la pluie arrêta de mordre la peau, je partirai. » Dit-elle avec un faible sourire.

Elle s’empara de sa tasse et but quelques gorgées. Le miel ajouté dans la tisane eut un énorme bénéfice pour sa gorge irritée. La chaleur du liquide réchauffa ses boyaux. L’odeur du cochon grillé l’enivra. La fatigue se dissipait un peu. Elle rassembla ses forces pour attaquer le plat. Très bon au passage, elle en était même surprise. Par habitude, les auberges avaient de la nourriture exécrables, à la limites du mangeables.

« Je ne sais pas qui s’affaire en cuisine ici, ou si bien même il y a quelqu’un en cuisine. Mais le plat est bon. » Dit-elle à l’attention de la serveuse.

Elle reprit une bouchée.

« Ca fait longtemps que vous travaillez ici ? » Demanda-t-elle.

Sous la flotte

A croire que le temps suivait l'humeur des gens, qu'il s'adaptait en fonction de l'ambiance générale. Quand ça va, ça va. Quand en revanche ça vient parler de catastrophes, de monstres qui s'en prennent à la population, ça commence à déprimer et hop. De la pluie. En quantité. Tellement qu'on voyais plus à quinze mètres. Le vent n'arrangeait pas les choses. D'ailleurs quand on se croise durant nos rondes dans ces conditions, on s'adresse un regard compatissant sans s'arrêter. On en est plus ou moins fier de nôtre rôle et de ce qu'on fait, même si c'est fatiguant. Certains ingrats diront que c'est le boulot qui veux ça, qu'on avait qu'à choisir aut'chose. Seulement, tout le monde n'a pas le choix. Ca s'oublie souvent. Pourtant on continue de les protéger ces ingrats. On ne cherche pas forcément de reconnaissance. On fait ce qu'on a à faire.

Bon, pour le coup je devais admettre que j'avais hâte de finir le tour. J'avais froid. Faim aussi. Et soif. Du coup, après avoir terminé mon service j'étais parti pour rentrer, mais... bien trop loin. Et j'en avais assez plein les pompes. Ca faisais sploush sploush quand je marchais. Et avancer avec des trucs imbibés d'eau c'est un coup à attraper la mort. Je décide donc de m'arrêter dans ce qui semble être une auberge. Eh bien! On ne pourra pas dire que ça ne sent pas la bonne humeur! On sentais l'alcool à plein nez, les gens devaient être ravis d'être à l'abri. A raison. Quand on vois comment ça se passe dehors...

Je tente d'interpeller une des serveuses: en vain. Elle m'étais presque passée sous le nez. Trop occupée avec tout ce monde? Il ne devait plus y avoir beaucoup de tables de libres. Comme je ne voudrais pas trop déranger les pauvres employés débordés, je m'approche d'une place libre. Deux tourtereaux sûrement. Tant pis. J'ai envie de me poser, je suis resté debout toute la sainte journée.

- Excusez moi, puis je? dis je en tirant la chaise. Je ne vois pas d'autres places et j'aimerais sincèrement profiter d'un petit repas.

Sur ces belles paroles, et sans attendre de réponse, je prend place entre le monsieur aux allures de riche pompeux et la demoiselle aux cheveux un peu en bataille. Une serveuse se trouvait à proximité par chance! Je lui adresse un sourire:

- Je veux bien la même chose que les deux!

Ah, enfin posé. C'est pour ce genre de chose que j'aime les fins de journées. C'est reposant. Non pas pour les quelques ânes qui hurlent derrière et sont sur le point de s'en coller deux, ni pour le pitre qui amuse la galerie dans le but de charmer une dame. C'est que ça reste convivial. Bon. Actuellement c'était pas l'idéal, je sentais déjà que j'allais devoir tenir la chandelle. Qu'importe. La jeune femme semblait même ennuyé par son compagnon, encore lui même trempé. Nous aurions au moins ça en commun.

- Arrivé il y a peu, hein? lui lançais semi-amusé.

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Tout en attendant leurs réponses, je garde un œil sur deux ivrognes qui se disputent une miche de pain un peu plus loin. Je soupire, décidément, depuis l'incendie de l'autre auberge, les clients affluaient à un rythme alarmant ces derniers jours. Le travail devenait de plus en plus difficile à accomplir. Même si nous étions un bon nombre de filles à travailler ici, je sentais que les mains commençaient à manquer. Je grimace à la seule pensée de tout ce travail sous le bras, et ce dos qui me faisait souffrir depuis un moment. Je masse instinctivement le bas de mon dos, comme si ce simple geste allait faire disparaître la douleur qui me tiraille. Le jeune homme rougit légèrement à ma proposition, jetant un regard gêné à la dérober vers son invité. Elle aussi semble quelque peu déconcerté. Je suppose donc qu'ils ne sont pas encore ensemble. Je souris de plus bel, cela ne devrait sans doute plus tardé. Ils semblent éprouver des sentiments l'un envers l'autre, c'est aussi évident que le nez au milieu du pif. Il m'est arrivé de croiser de jeunes couples, ceux qui se cherchent, flirtent ensemble sans avoir encore franchi le pas. Et ces deux-là, ils sont comme eux. Je l'écoute me décliner la chambre proposée, tout en se tournant vers la jeune femme à ses côtés. La dame en dit autant. Ils comptent manger le plat du jour et s'éclipser, comme la plupart des autres clients de passages. Je hausse les épaules, par habitude je présume, tout en gardant mon éternel sourire. J'espère leur avoir transmis un peu de joie malgré ce temps pourri et les clients qui se tassent de plus en plus...

Je coince le plateau entre mon bras et mes hanches, pour facilité mes déplacements et m'en vais chercher quelques verres avant de revenir vers leur table quelques instants plus tard. La jeune femme me complimente pour la cuisine. Je souris franchement avant d'ajouter d'une voix mielleuse :

« J'en ferais part à la cuisinière, je lui ai toujours dit qu'elle était la meilleure... Mais elle n'écoute personne, cela lui fera grand plaisir d'entendre vos commentaires ma dame. »

Je m'apprête à vaguer à d'autres occupations quand la jeune dame me demande depuis combien de temps je travaille ici. Je lui réponds d'un air pensif :

« Et bien, cela doit faire quelques semaines maintenant... »

Je pose une main sur mon menton, pensive, avant de me ressaisir et de leur adresser un regard emplis de compassion :

« J'espère que vous posez la question parce que mon service vous convient, et non le contraire ma dame. »

Je lui souris, taquine, avant d'accourir vers une table voisine sous les cris perçants de la matrone. Je l'entends me demander de servir une table de miliciens trois tables plus loin. Elda a toujours mis un poing d'honneur à ce qu'on serve prioritairement les soldats, parce qu'ils nous protègent et nous défendent à tout instant. Je suis plutôt de son avis sur ce coup-là. Ils avaient besoin qu'on s'occupe bien d'eux après tout. Ce fut une fois que chaque homme eut autant d'alcool et de nourriture qu'ils voulaient que je revins voir les deux tourtereaux. C'est alors que je m'aperçois qu'un homme s'est immiscé entre les deux jeunes gens. Il était aussi trempé que les autres. Cela voulait sans doute dire que la pluie n'avait pas encore cessé, et donc, il y aurait encore plus de clients d'ici peu. Je soupire, grimaçant de plus bel en m'apercevant que mes mains étaient aussi rouges que la couleur du vin. Cela était sans doute dû aux efforts que je faisais depuis ce matin. Avant de rejoindre la table la matrone vient me murmurer à l’oreille qu'elle aurait besoin de moi toute la nuit, encore... Je soupire de plus bel, acquiesçant sans broncher. Encore une nuit blanche, zut. J'arrive à hauteur de l'homme à la table du couple. Ses cheveux mouillés lui collent au visage, on peine à voir ses yeux. Il me lance un sourire avant de me demander la même chose que les deux. J’acquiesce sans un mot, juste mon petit sourire peint sur le visage en guise de réponse. Je revins après quelques commandes passées, quelques claques données aux ivrognes de tout à l'heure. Une assiette bien garnie dans la main, j'arrive à la hauteur du milicien avant de la déposer devant lui. Elda avait encore insisté, après avoir remarqué ses vêtements de milicien, de remettre encore un peu plus de nourriture dans son assiette. J'ajoute une bonne dose d'alcool dans son verre avant d'ajouter d'une voix emplie de sous-entendus :

« Et bien, on dirait que le temps ne vous a pas épargné n’ont plus monsieur... Prenez ceci, vous en aurez bien besoin. »

Je lui dépose un essuie de petite taille, faute de mieux, avant de reprendre en regardant le jeune couple aussi :

« Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à m'appeler. »

Sur ce, je m'affaire aux autres tables, n'hésitant pas à remettre un homme plus loin à sa place, alors qu'il me mettait ouvertement les mains aux fesses. Il y a que dans des soirées pareilles, ou il y a bien trop de monde et trop de choses à faire pour qu'en plus, je dois éviter les attaques directes des mecs trop entreprenant...

Le son des discussions se mêlaient à la pluie et aux gouttes qui frappaient avec violences le toit. Cela donnait une ambiance étrange, un mélange d'inquiétude, de bruit assourdissant qui frappait l'humeur des gens. Evidemment, pour d'autres cela ne changeait rien, et les têtes grises se comptaient déjà sur les doigts de deux mains.
Je pouvais déjà noté cette journée dans l'une des pires qui puissent être. Entre ce temps sombre, et le caractère maussade en ce jour d'Iris, je me disais que je n'étais pas encore au bout de mes surprises.
La réaction de la prostituée assomma rapidement mon entreprise, je reculais mes mains, mes pieds vinrent se placer sous ma chaises en se croisant, et ma chaise dans un grincement à peine audible s'éloigna un peu.

Plus un mot ! J'étais entre la compréhension, et cette affreuse idée de revivre la même désillusion qu'avec Gisèle, et la pensée d'être capable de faire renaître mon coeur vacillait de plus en plus. Encore une fois, je me sentais totalement perdu. Elle expliqua à son tour qu'elle n'avait point le temps pour faire un tour dans une chambre à cause de son travail, et que tout comme moi, elle s'y rendrait lorsque le temps l'autoriserait.
Je restais silencieux, la mine mélancolique. La serveuse nous avait apporté la commande. Je dégustai, lentement, avec des gestes lents.
De temps en temps je m'arrêtais mon regard se baladant dans la salle. Je me disais que cet orage allait faire la richesse de cet auberge.

Ethaïs dégusta le repas qui semblait lui redonner des couleurs, elle en profita pour discuter avec la jeune serveuse. Voilà qui m'agaçait un peu plus encore, toutefois, je n'étais pas pour la labeur de rajouter des étincelles. Je n'avais nul envie d'accroître mes doutes, et d'agrandir sa blessure. Le verre à la main, la serveuse répondit, je l'écoutais distraitement, pensif...
-" Vous vous souciez du client ! Vous êtes habile, et rapide ! Votre sourire est contagieux, et vous ne craignez pas la salle pleine... Votre service est digne d'être complimenté !" Dis-je sans vraiment la regarder en répondant sans savoir pourquoi lorsqu'elle venait simplement de demander à ma partenaire si ses questions étaient le fruit d'un bon travail. Je disais cela d'un ton rapide, sincère mais qui ne masquait pas que je me sentais blessé, sans vraiment l'être. Sans doute mon orgueil.

La serveuse poursuivit son service, je soupirai en buvant. Puis je daignai reporter mon attention sur Iris.
-" Je te présente mes excuses, tu es venue alors que ton état n'était pas le plus adéquat, et pour le temps horrible." Dis-je simplement, mon regard se fit alors plus perçant et s'accrochait à celui de mon interlocutrice.
-" J'ose simplement croire que la scène d'il y a deux jours disait la vérité." Poursuivis-je dans une tentative détournée d'exprimer ce que je ressentais en restant sur mes gardes, mais peut-être aussi pour donner un bon coup de poing à la foudre qui s'était selon moi abattue sur nos deux coeurs.
C'était aussi dans le dessein de lui dire, sans vraiment le lui dire que je comprenais sa réaction.

Soudain, un homme s'approcha de notre table. Qui était-ce ? A en croire sa tenue, nul doute qu'il s'agissait là d'un soldat. Il tira une chaise, et demanda s'il pouvait poursuivre son geste. L'instant était mal choisi, même si intérieurement je bouillonnais, je fis un geste de la main.
-" Faites donc, si Madame n'y voit point d'inconvénients, je n'en aurais point également." Répondis-je en regardant Iris en laissant le message que l'accepter serait me faire du mal.

Il prit place de toute manière entre elle et moi, et passa sa commande à la même serveuse que nous.
-" Vous verrez, son service est remarquable." Lui dis-je simplement.
Ce dernier nous demanda si nous étions là depuis peu.
-" Effectivement, nous attendons la clémence du ciel pour reprendre notre travail. " Lâchais-je sans avoir le désir de faire la conversation. C'était trop lui demander actuellement.

Iris portait entièrement son intention sur la serveuse. Elle ne se préoccupait ni d’Alfonso, ni même des ivrognes se trouvant dans la salle, non loin de leur table. Bien que le brouhaha incessant lui cassait les oreilles, elle arrivait à capter les diverses réponses de la jeune blonde.

« Toute cuisinière n’entend jamais les compliments, qu’ils soient agréables ou non. C’est toujours ainsi avec les métiers de l’art. Toujours trop modestes sont les personnes les pratiquant. » Répondit-elle avec un léger sourire.

Elle repartit alors, à son grand regret. Depuis les avances de son partenaire, Ethaïs était très mal à l’aise, elle ne savait que faire. Certes, cet homme l’intéressait, il était passionné, attentif, gentil de ce qu’elle avait pu en apercevoir. Néanmoins, son travail n’était pas compatible avec une vie maritale et elle aspirait à bien mieux que cela. En effet, avec sa mère comme « modèle », elle savait que son tour viendrait de rencontrer un de la Haute qui pourrait ainsi lui ouvrir des portes bien plus accueillante. Plongée dans ses songes, Ethaïs manqua de sursauter lorsque la serveuse revint pour continuer la discussion.

« Ma question était par pur curiosité. Ne vous bilez point, le service est parfait dans les circonstances. Cela ne doit pas être simple de jongler ainsi entre les clients. Surtout quand certains ont un taux d’alcool relativement forts. » Dit-elle en montrant de la tête le petit groupe de miliciens ou d’artisans.

« Elle est sympathique. » Pensa-t-elle avant de tourner la tête vers Alfonso qui semblait se décomposer sous ses yeux. Elle avait peut-être été trop directe dans ses propos. Nerveuse, elle se mordilla les lèvres, tout en jetant de temps à autre un petit regard sur sa personne. Qu’elle ne fut pas surprise lorsqu’un son sortit de son être. Elle posa ses prunelles sur lui, soucieuse d’écouter ses paroles.

« Tes excuses sont toutes acceptées. Mais sache…. » Commença-t-elle.

Elle but quelques gorgées de la tisane et observa la salle. Elle avait peur de le blesser et chercher les mots adéquats à la situation. Néanmoins, elle n’était pas très habile pour cela et préféra continuer sur sa lancée.

« Je ne peux pas Alfonso. Pas dans la situation actuelle. As-tu oublié mon métier. » Continua-t-elle en se penchant vers avant de reprendre dans un murmure. « En tant que catin, j’ai des obligations, je vois d’autres hommes, j’évolue dans un autre univers. Et cela serait cruel de t’infliger tout ceci. A quoi penseras-tu le soir quand je travaillerai ? Que diras-tu à tes proches lorsqu’ils te questionneront sur ta partenaire ? »

Sa bouche était sèche et pâteuse. Ethais termina sa tasse et la posa non loin de son assiette vide pour que Rose puisse ainsi débarrasser la table sans trop de gêne puisqu’ils étaient coincés entre la grille de l’âtre et un coin de mur.

« Non je le permettrai pas. » Dit-elle

Iris se redressa dans sa chaise, droite comme un i. Elle scruta la salle. Personne ne semblait vouloir quitter les lieux, cependant, les gens continuaient d’affluer. « Bientôt, nous nous marcherons tous sur les pieds. » Songea-t-elle en se focalisant sur la porte d’entrée. Au fond d’elle, Iris espérait qu’une personne vint les interrompre ou que Rose se libère pour discuter davantage de son métier. Elle fut soulagée lorsqu’un inconnu vint les accoster. D’un air et regard impoli, la catin le dévisagea de la tête au pied. « Un milicien. » Tiqua-t-elle en haussant un sourcil. Sa tête ne lui était pas inconnue. Cependant, ce dernier n’avait surement pas prêté attention à sa personne lorsqu’ils s’étaient un jour croisés sur les remparts de la ville. Elle avait l’habitude d’y faire de longues balades pour observer l’horizon, mais également rencontrer certains miliciens et échanger sur les banalités qui touchaient Marbrume.

Lorsque la voix d’Alfonso se fit entendre. Elle réalisa, perdue dans ses songes, qu’elle n’avait pas entendu la question de l’inconnu. Ainsi, se contenta-t-elle de lui adresser un hochement de la tête pour lui donner son approbation, sans réellement savoir ce qu’il en découlait. Rose revint alors pour lui apporter un essuie et prendre sa commande. Iris lui adressa un pâle sourire tout en les écoutant échanger des commodités. Elle avait certainement blessé Alfonso et la culpabilité la rongeait. Cependant, elle ne pouvait revenir sur sa décision. Du moins, pas pour l’instant. Avec le temps peut-être…

Elle sortit de sa torpeur lorsque la discussion se transforma en une simple question à son égard. Elle posa ses prunelles dans celles du milicien, un franc sourire sur les lèvres.

« Oui, je suis ici depuis. » Commença-t-elle tout en réfléchissant. « Une heure peut-être, un peu moins surement. Difficile à dire en réalité. » Termina-t-elle.

Elle interpela Rose qui repassait non loin de leur table.

« Pourrai-je ravoir une tisane avec un peu de miel ? Je suis encore frigorifiée. » Demanda-t-elle.

Iris s’appuya contre le dossier de sa chaise et se passa une main dans ses cheveux encore dégoulinant. Elle en défit le ruban qui les tenait encore et le posa sur la table. C’était un bête morceau de cuir, une lanière tout simplement.

« Le temps nous a surpris sur l’Esplanade. Et les auberges du coin n’étaient pas vraiment dans nos moyens. » Reprit-elle à l’attention du milicien. « Mais j’espère que ce temps cessera rapidement ou qu’une accalmie est attendue. La maison m’attend, j’ai une lourde soirée de prévue, et des filles à éduquer sur leurs bonnes manières. Cela ne sera pas chose aisée vu certaines. »

Elle n’avait pas lâché du regard le milicien, cherchant ainsi à faire comprendre à Alfonso que toutes ses avances étaient inutiles pour l’instant.

« Sinon, pour en revenir aux civilités, je me nomme Iris, Monsieur. Et je dois vous avouer que votre visage en m’est pas inconnu, travaillez-vous dans la milice ? »

Au sec, entre deux

Nous n'étions pas en fin de journée et pourtant ça en avait l'air. Nous aurions pu être en plein après midi que ça n'aurait rien changé. Les nuages sombres couvraient le ciel, le torrent qu'est cette pluie mélangée au vent, donnait l'impression d'être en soirée. Où plutôt, on aurait pu croire être dans la nuit à une heure avancée. Les gens fatigués de leur journée finissaient leur repas et pensait déjà à dormir. D'autres encore avaient hâte d'être à demain dans l'espoir qu'il soit un meilleur jour. Les rues étaient désertées et quelques civils se plaignaient qu'il y ait trop de monde. Et moi au milieu de tout ça, j'étais là. Assis entre deux richards. Et la seule préoccupation que je pouvais avoir, c'est tenir la chandelle. C'est que je n'étais pas forcément quelqu'un de malin mais les regards ne trompent pas.

J'haussais un sourcil à la réponse du jeune homme. Dans sa voix j'avais senti une pointe d'agacement. Je le dérangeais et je suis certain que s'il avait pu, il se serait levé pour changer de table. Seulement voilà. Nous allions tous gentiment rester assis parce qu'il n'y avait pas d'autres places de libres. Fort heureusement la jeune serveuse revenait avec un plat bien garni! Et elle ne manquait pas d'humour tient!

- Je vous remercie, vous êtes bien aimable, dis je en lui adressant un nouveau sourire. J'en aurais bien besoin, je ne voudrais pas inonder les lieux, ajoutais je tandis que j'utilisais la petite serviette pour m'essuyer le visage.

L'assiette qu'elle venait de déposer sous mes yeux semblait d'ailleurs plus remplie que les autres. Je me sentais un peu gâté mais n'allait pas faire de remarque à ce propos. Je n'allais pas rechigner, au contraire. En revanche concernant l'alcool c'en était une autre. Je n'avais pas pour habitude d'en boire même en ayant fini mon service. Cependant, pourquoi ne pas faire une exception? Puis je ne voudrais pas décevoir, la demoiselle se donnait déjà suffisamment de mal. Elle et ses collègues débordées... je n'allais pas faire la fine bouche et leur rajouter du boulot. J'attrape donc mon verre en lançant un regard au tourtereaux:

- Stephan, enchanté!

Je buvais une gorgée et cru m'étouffer avec. Au même moment derrière moi, j'entendis un verre se briser. Un grognement s'ensuivit avec une gifle qui les remis à leur place. Les ivrognes sans doute. Echoeuré à l'idée de finir dans cet état je reposais mon verre.

- Herm. Je n'ai pas mauvaise mémoire mais je ne retient pas toutes les têtes que je vois, navré ma dame. En revanche il se peut que vous m'ayez aperçu durant une de mes rondes puisque effectivement, je suis de la milice. Je marquais une courte pause pour entamer mon repas. Je patrouille un peu en ville et je prend rarement le même chemin.

Pour certains c'est une façon de tromper l'ennui. On nous donne des instructions mais rien ne nous interdis de faire un petit détour au besoin. Ca me fait penser que certains endroits malfamés nous contraignent à faire des duos. Pour beaucoup c'est un plus, ça permet de papoter, mais... de mon point de vue ça déconcentre et fait baisser le niveau d'attention. Hors, de l'attention il en faut. Une broutille est vite arrivée. Autant que cette fichue averse. Je me sortais un peu de mes pensés en notant le soudain calme à cette table. Il est vrai que je faisais un peu tâche.

- Si vous pouviez éclairer ma mémoire, je me rappellerais peut être? Avions nous déjà parlé?

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Je frotte énergiquement la table, essayant d'effacer une tache qui semble pourtant invisible. La jeune demoiselle de la table à côté m'avait complimenté mes services, ce qui m'avait réchauffé le coeur quelques instants. Je vois les clients affluer et je commence à sentir me sentir nerveuse. Certains hommes ont l'air vraiment louche, voir même carrément effrayants pour quelques-uns. Même si cela ne se voit pas, je ressens toujours une certaine angoisse quand je me retrouve en présence de plusieurs hommes dans la même pièce. Ce qui est le cas tous les jours, mais d'habitude, je gère mieux, je le sens. Ça doit être les gestes pervers que l'autre gars m'a faits quelques minutes auparavant qui me donne une telle sensation. En temps normal, la présence des autres visiteurs et du loubard au fond de la pièce me donne un sentiment de sécurité, mais étrangement, pas ce soir-là. J'ai un mauvais pressentiment et je n'aime pas ça du tout.

J'entends le milicien de la table du couple me remercier pour mes services, m'adressant un sourire compatissant. Je ne lui réponds pas, lui adressant un sourire peu confiant avant de m'affairer davantage sur ma table. Je continue de la frotter encore plus énergiquement. Encore un peu et elle serait capable de s’effondrer sous l'effort. La dame installée me regarde d'un air furieux, avant de me congédier d'un geste de la main haineux. Je prends un plateau et vint rechercher les commandes vides de la table des trois jeunes personnes. Je n'avais pas entendu leur conversation, mais un certain malaise s'était installé depuis ma dernière visite. Je hausse les sourcils, avant de prendre la commande de la jeune femme, elle souhaitait la même chose qu'avant. Je lui adresse un sourire chaleureux, je sens sa détresse, et même si j'ignore la raison, je ne peux qu'éprouver de la compassion pour elle. Je lui fais signe de la tête tout en répondant d'une voix mielleuse :

« Une tisane et du miel, je vous apporte ça ma dame. ».

Je me tourne vers les deux jeunes hommes installés, l'un épiant l'autre d'un air ennuyé, le deuxième mangeant comme s'il ne remarquait en rien l'ambiance pesante qui s'installait. J'avais remarqué que le milicien ne semblait pas particulièrement fan de l'alcool que je lui avais servi par défaut, J'avais donc pris une boisson quelconque qui se vendait bien, du cidre, que je posais à côté de son verre avant de lui lancer d'une voix calme :

« Tenez, il est rare qu'un homme répugne à ce point l'alcool, je pense que cela vous conviendra mieux monsieur. »

Je lui souris avant de tourner les talons et d'aller vers une table que j'essayais d'éviter depuis tout à l'heure... Celle des ivrognes aux mains baladeuses...

Le verre à la main, la mine entre la bouderie et une certaine colère, le tout s'amplifiait à cause de l'ambiance de la salle, et de la fatigue nerveuse offerte par mon premier jour de travail et cette rencontre avec l'intendant.
Iris répondit, elle accepta les excuses que je venais de lui offrir, puis passa à la partie sérieuse. Moi qui prévoyait dans cette rencontre de quoi trouver un peu de réconfort après mes débuts chez la vicomtesse de Restellis.
Et tout tournait tristement... Mais pouvais-je lui en vouloir ? En vérité non, pourtant guidé par mon orgueil, j'étais incapable de guérir les coups de griffes illusoires que venait de recevoir mon coeur.

Elle m'expliqua alors ses réticences qui l'empêchait de succomber à la volonté de son coeur, elle me raconta que son métier de prostituée me ferait souffrir, pour ma réputation au sein de mes connaissances, et également et tout simplement sur la vie globale, en me demandant ce que je penserais en la pensant le soir en compagnie d'autres hommes.
Je souriais, le verre à la main que je terminais.

Et elle concluait tout cela en clamant qu'elle interdirait cela.
Mon âme fut parcouru par une sensation étrange, à la fois heureux de savoir qu'elle n'était pas indifférente, et que la foudre tout comme sur moi avait frappé. Mais cela ne soignait pas la blessure et ma colère intérieur.
Alors je ne cessais de la regarder avec tendresse, comme s'il s'agissait d'un ange qui me mettait en garde contre le mal.
Ethaïs s'était levée, observant la foule, je voyais bien dans son regard qu'elle était gênée, qu'elle cherchait de l'aide pour interrompre ce dialogue. Qu'elle était touchante !

Depuis cet instant, ce n'était que vaguement que je suivais la vie autour de nous. Le milicien s'était installé malgré l'avertissement sous couvert que j'avais lancé à Iris avec mes yeux.
Le soldat s'installa alors, je lui avais répondu que distraitement, sans vraiment donner d'importance à sa présence.
Même les allers-retours de la serveuse ne frappait plus mon esprit. Iris répondit avec plus de précision sur notre présence ici. Un échange débutait entre elle et lui qui m'agaçait, ils firent les présentations, et s'évadaient dans une discussion pour savoir s'ils ne s'étaient pas déjà croisés auparavant.
La prostituée se moquait de ma présence.

Je ne voulais pas l'admettre, mais une goutte de poison vint se glisser dans ma poitrine, je fouillais discrètement dans l'une des poches de ma veste où je conservais quelques pièces.
D'un geste las, je balançai les pièces sur la table avec dédain en regardant le milicien puis Iris que je venais d'interrompre.
-" C'est pour moi ! Je vais hélas, devoir braver le danger pour être à l'heure." Dis-je en faisant sonner cela comme une excuse ridicule.
J'enfilai ma veste, referma maladroitement les boutons, puis j'attrapai le sac avec les provisions commandées par ma Maîtresse.

Avec difficulté je contournai la table, en bousculant volontairement, ou involontairement du monde pour me glisser juste à côté d'Iris, je me baissai légèrement pour que mon visage vienne se glisser à côté du sien en frôlant son épaule.

De ma main libre j'ôtais ses mèches rousses que je glissais avec tendresse derrière son oreille. J'y rapprochai mes lèvres.
-" Je ne peux pas croire que tu puisses renier le trésor que tu viens de découvrir." Susurrais-je en insinuant clairement que je savais que ce que je ressentais, elle le ressentait aussi.
-" Je n'ai que peu d'amis pour me soucier de cela, que dirais-je aux gens ? Je clamerai avec orgueil; Messieurs, un baiser de cette catin ne vaudra jamais celui de la véritable Iris. Et le soir quand tu travailleras, je contemplerai dans ma cervelle la flamme de nos sentiments respectifs, sans trembler je penserai simplement à toi, à la passion qui nous unie et que tu ressens... Et qui n'existe pas pour les autres."
Ma voix avait un quelque chose de fascinant, d'une sincérité profonde. Ma main libre flatta la tignasse d'Iris, mes lèvres s'approchaient un peu plus du lobe de son oreille.
-" Je préfère me taire, mais la cruauté c'est de te voir nier l'évidence, la souffrance que pourrait m'inspirer ton métier ne fera jamais de l'ombre à la grandeur de ce que j'éprouve, j'accepte ce que tu es... Tu sais tout, je suis heureux avec toi. Tu sais tout je t'ai donné tout ce qu'il y a dans mon coeur. Voilà !" Terminais-je toujours dans un murmure enivrant.

Avec tendresse je déposai un baiser discret et affectueux juste à côté de l'oreille de la catin en me redressant; laissant l'ivresse de son parfum s'emparer de ma tête.
-" Tu sais où me trouver. Je te souhaite bon courage avec les filles... Nul doute que tu possèdes le génie suffisant pour réussir. A bientôt Madame !" Lâchais-je d'un ton jovial pour masquer une déception qui au fond n'était que l'aube d'une histoire, il en était, hélas, convaincu. J'inclinai ma tête devant elle avant de me dirigeait au milicien.

-" Enchanté Stephan, je me nomme Alfonso, au plaisir de vous revoir ! " Dis-je banalement en rehaussant le col de ma veste avant de me frayer un chemin vers la sortie. Au passage je croisai Rose.
-" Soyez certaine que je reviendrai très vite ! Hélas des impératifs m'obligent à rentrer malgré le temps."

Rose, une serveuse bien appréciable, repartit pour chercher la commande ainsi qu’un deuxième verre pour Stephan. Iris avait d’ailleurs souri lorsqu’elle lui proposa le cidre. Elle n’avait pas pour habitude de voir un homme peu apprécié les alcools plus forts. Cependant, cela ne la choquait pas pour autant. Elle lui adressa d’ailleurs un petit sourire.

« Ainsi les alcools forts ne sont pas de votre goût ? » Demanda-t-elle.

Ethaïs n’était pas étonnée que Stephan ne se rappelle ni de son nom, ni de sa tête. Après tout, l’avait-elle croisé lorsqu’il effectuait une ronde et elle une promenade. Tout à fait banale. Cependant, elle n’eut le temps de lui donner réponse qu’Alfonso se leva presque d’un coup, comme si une mouche venait de le piquer. Le martèlement de la pluie sur les tuiles du toit était encore audible. Iris comprit alors que ses paroles l’avaient quelque peu blessé. Elle s’en voulait, mais savait au fond d’elle que tout ceci était mieux ainsi. Qui plus est, s’enticher d’un domestique nuirait à son objectif final : se marier avec un homme de la Haute pour aspirer à un meilleur métier et condition de vie.

Jeta-t-il les pièces sur la table qu’il se pencha au creux de son oreille. Instinctivement Iris se rapprocha pour ne pas laisser fuiter les informations et sa déclaration. « Ainsi ne comprendra-t-il jamais ? Je ne peux pas, cela est impossible, bien que mon cœur le souhaite. Cependant, si je l’avais écouté auparavant, je serai engrossée et mariée depuis quelques années déjà. » Pensa-t-elle. Par ailleurs, elle aurait aimé avoir une réelle discussion à ce sujet. Mais ce n’était ni l’endroit idéal, ni même le moment. Il fila ainsi en se présentant brièvement au milicien. D’un œil discret, elle l’observa partir. Quand la porte s’ouvrit, un courant d’air s’engouffra dans l’auberge ainsi qu’une bonne quantité d’eau.

L’attention de la catin se reporta alors sur son seul interlocuteur présent. Elle esquissa un léger sourire, quelque peu gênée par la scène qui venait de se produire.

« Où en étions-nous ? » Demanda-t-elle presque pour sa propre mémoire.

Ses doigts agrippèrent son menton, songeuse, elle baissa les yeux sur sa tasse et les pièces qui trônaient sur la table.

« Ah oui, à votre question sur une peut-être rencontre sans souvenir de votre part. » Reprit-elle tandis que Rose servait la table d’à côté, un tableau bien garni. « Nous nous sommes croisés, à une ou deux reprises, non loin des remparts. Cela remonte à quelques mois et je dois avouer ne pas vous avoir adressé la parole. Néanmoins, ayant une mémoire des visages, c’est ainsi que je vous ai reconnu. »

Elle lui adressa un sourire timide, encore sous la gêne du départ d’Alfonso. Elle rassembla les pièces pour les donner à Rose lors de son retour qui fut bien rapide.

« Voici de quoi payer nos dettes, le compte doit être bon, au pire, garder le surplus. Un petit pourboire bien mérité au vu de la longue journée qui vous attend. »

Elle accueillit avec joie sa tasse de tisane. Chaude, même brulante, elle y colla ses mains et soupira de plaisir. La bourrasque de vent qui les avait atteints, l’avait davantage frigorifié.

« Merci pour le service rapide. Cela ne doit pas être évident, surtout avec la table juste à notre côté. Ces messieurs ont l’air, légèrement entreprenant, puis-je dire. » Lui adressa-t-elle, compatissante.

Un coup dans le pif, ou.. dans le crâne

Pas que je n'aimais pas l'alcool mais je ne portais pas la boisson dans mon coeur. Du moins, pas autant qu'on pourrait l'imaginer. De temps en temps ça réchauffe, c'est pas mauvais. Surtout avec les collègues. Mais je restais plus civilisé que ça. M'engloutir trois bouteilles pour en rendre le contenu ici et là tout en déblatérant nombre de conneries... non. Ce n'était clairement pas une passion. Surtout quand on sait que ça affaibli les sens, ça créer souvent des problèmes du côté des plus violents, et les retombés sont pas fameuses. J'eut donc un doute quand la jeune serveuse déposa une bouteille de cidre près de mon verre encore plein. J'avais but à peine deux gorgées dans celui ci, elle avait dû le remarquer. A mon grand damn. Si je n'en buvais pas une goutte ça allait vraiment devenir vexant et embêter cette pauvre employée qui se donnait déjà beaucoup de mal... ben, ça me bottait pas plus que ça. J'attrapais donc fermement le second verre qu'on avait déposé pour ma délicate personne, et le remplissait pratiquement à ras bord. Afin d'éviter les conclusions hâtive j'en profitais pour répondre à la jeune femme, le temps que la serveuse se soit absenté:

- Si, mais faudrait pas faire la fine bouche, elle est déjà bien gentille de s'ennuyer avec moi... Si jamais ça vous intéresse servez vous, je paierais moi même et ce serait me rendre service, dis je en riant légèrement, dérisoire.

D'ailleurs le jeune pompeux n'avait décidément pas supporté ma présence. Il s'était trouvé une belle excuse avant de filer comme un voleur. Quoique, aussi après avoir lâché de discrets mots à sa dulcinée. Je n'avais strictement rien entendu et n'avais pas cherché à écouter mais à en juger à leurs têtes avant de se séparer, ça avait l'air important. J'avais haussé les épaules à la présentation du monsieur et l'avait vaguement salué. Ma concentration de nouveau portée sur mon repas, je prêtais tout de même attention à ce qui m'entourait.

- En effet, c'est probable. Bien que je ne soit que rarement passé près du mur puisque je veille surtout à l'intérieur de la ville. De quel côté passez vous à l'accoutumé?

Les ivrognes derrière nous n'allaient pas longtemps faire les malins si ils continuaient leur tintamarre. Mon service était certes, fini, mais j'étais encore de la milice. Le grade importait peu, moi en revanche, j'apportais l'ordre. Et l'ordre, c'est le nom de mes deux poings. Ainsi donc, quand la blondine revenu vers nous, je me permis de lui glisser une proposition:

- Si jamais ceux là sont un souci n'hésitez pas, je me ferais un plaisir de vous les jeter dehors.

Aussi curieux soit ce fait, je n'avais encore jamais vraiment eut l'occasion de mettre fin à du grabuge dans une taverne ou autres lieux de même type. Du moins, des altercations avec des types complètement imbibé j'en avais eut, mais cette situation là était autre. Je me montrais donc un peu plus méfiant et restais sur mes gardes. Enfin.. je dis ça. Mon repas importait plus, j'avais sincèrement faim. On aurait dit un gosse qui découvrait un truc nouveau et absolument génial. Une de mes autres sales habitudes. Surtout après avoir sauté un repas précédemment dans la journée. Ajoutant à cela ma journée harassante. Je savourais ce genre de soirée. Bien que je pressentais qu'elle serait gâché d'une manière ou une autre, par le groupe de poivrots derrière nous. Ma première pensée fut pour la pauvre femme qui devait se contenter de ma présence plutôt que celle de son probable amant, parti aussi vite que je suis arrivé.

- Je tient à m'excuser auprès de vous, Iris. Si une table se libère et que vous le souhaitez, j'irais m'y installer. Et.. bon. Vôtre ami, si je ne fais pas erreur, est déjà parti mais.. si vous préférez être plus tranquille je comprendrais. Je n'aurais pas dû m'imposer de cette façon, c'était impoli de ma part.

J'allais ajouter autre chose quand je reçu un objet volant non identifié derrière le crâne. Je me figeais instantanément.

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