Marbrume


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 L'alcool et la folie.

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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyMer 5 Juil 2017 - 21:13
Entrer dans Marbrume c’est pas tellement le plus compliqué. C’est y rester.
Il y a, comme dans toutes les villes, des rats qui sont bien humains. Des gens qui ont depuis longtemps été rejetés dans les bas-fonds, loin de la surface. Des pilleurs de tombe qui s’infiltrent dans les catacombes, d’immondes mutants consanguins qui passent leur misérable existence au fond des égouts et des souterrains. Ces gens-là ce sont constitués une vie sous la terre, au milieu de chauves-souris et d’animaux immondes et atroces. Cette populace, on peut la payer pour passer. C’est le chemin noir, humide et silencieux que nous avons empruntés avec Malachite. À la lueur d’une bougie dont la lumière se reflétait au loin jusque dans une longue et profonde bouche de ténèbres, et les tympans faisant résonner le son de gouttes d’eaux dont l’écho frappait succinctement tout le long du tunnel.

Il n’y a rien à décrire de notre trajet, car rien n’arriva. C’était un sentiment étrange de torpeur et de rêve. Nous nous sommes arrêtés près des murs de la ville, et j’ai donné une bourse à un vieux monsieur atroce et horrible, avec un goitre sous le menton et des dents en moins. La bourse contenait de l’or, mais pas sous forme de pièces ; Il s’agissait de dents arrachées à des gens morts des marais, qui n’avaient plus besoin de s’occuper de la beauté de leur râtelier. Alors nous avons suivi l’homme, nous l’avons suivi longuement, silencieusement, la tête baissée, inquiets mais silencieux, nous endormant à moitié alors qu’il nous guidait le long des tunnels, des endroits pavés et des moments où nos pieds étaient engourdis dans des immondices et des relents de merde, de détritus, de cadavres et de rats qui se mélangeaient dans une fange terrifiante.
Quand il nous a arrêté devant des morceaux de métal rouillés, des barres plantées dans le mur, il nous a expliqué qu’il s’agissait d’une échelle. Nous avons grimpé sans dire mot, moi d’abord, tendant mon bras pour soutenir Malachite, et nous avons fermé l’écoutille derrière pour laisser le mutagène dans l’obscurité où il a passé de sa vie.

En un instant, nous étions devenus Marbrumois.

L’avantage quand on est un débile mental, c’est qu’on se fonde parfaitement dans cette ville de merde. Le plus dur ça a été les mètres qui nous ont séparés de la bouche d’égout. Il a fallu marcher en baissant les yeux. Moi et Malachite nous nous étions recouverts de la tête aux pieds avec de grands manteaux à capuches rabattus sur nos crânes. On portait des gants et des manches longues, notamment pour cacher notre marque au bras droit qui nous aurait valu, si nous étions pris sur le fait, une mort douloureuse et particulièrement atroce. Pourtant, alors que nos bottes étaient pleines de merdes, et tandis que nous entamions une montée dans les rues sales et insalubres de Marbrume, les gens s’écartaient sur notre chemin.
Avec nos capes lugubres qui virevoltaient derrière nous, on avait un air solennel, méchant, mauvais. Probablement plus dangereux que nous l’étions vraiment. Comme si nous étions des sicaires au service d’un gros bourgeois ou d’un noble particulièrement influent. De mauvais bougres qui portaient sous leurs vêtements de quoi ouvrir des jugulaires et casser des dents pour vous laisser saigner sur le bas-côté ; C’était une chose vraie, mais pas pour les raisons auxquelles les gens croient.

Et voilà bien la question qui vous démange, cher lecteur qui suit les aventures de Malachite et Lucain ! Qu’est-ce que nous foutions là ?
Voilà deux semaines depuis l’affaire de Simon qu’on a retrouvé enterré sous un chêne. Depuis notre cote de popularité dans le village s’en est trouvée bien améliorée. On nous sert de la nourriture, Vauquier et ses miliciens ont cessé de nous chercher des poux et, s’ils ne nous voient pas d’un œil amical, ils font au moins montre d’une passivité respectueuse envers nous. On aurait pu rester y vivre dans ce village, un bon bout de temps, à servir de chasseurs et d’éclaireurs pour justifier notre livrée de pain et notre protection auprès d’eux. Et pourtant, du jour au lendemain, j’ai décidé de leur laisser mon cheval en gage, en leur disant que si je ne reviens jamais de mon voyage, ils pourraient le garder. Et à nous deux, nous avons fait le long chemin, à pied, équipés de nos baluchons et de nos quelques affaires monétaires que nous pouvions économiser, pour risquer notre vie, c’est-à-dire la seule chose qui nous reste, afin de venir dans la cité des maudits qui nous a maudits.

Vous saurez bien assez vite pourquoi. Ce n’est pas tous les jours que nous nous baladons dans ces rues, et nous n’avons pas envie d’y demeurer. Alors, on a beaucoup de comptes à régler, Mala et moi. On a des choses à faire, on doit profiter d’un peu de repos, avant de nous rejeter à nouveau dans les forêts où hantent les monstres.

Malachite me frappe le flanc avec son coude. Je lève mes yeux cernés et injectés de sang pour observer une tente lâchement posée sur une place. Des gens font la queue. Ils sont là pour une diseuse de bonne aventure. Y a pas beaucoup de clients à l’heure où nous nous arrêtons, quelle chance infinie, on dirait presque que les Dieux nous lancent un augure silencieux d’approbation.
Rabattant nos capuches sur le manteau, nous découvrions ainsi nos têtes de méchants garçons. Même sans savoir qu’on sortait des marais, nous n’avions pas vraiment des bouilles à présenter à la belle-famille. Les manteaux que nous portions étaient magnifiques et luxueux, sûrement qu’ils devaient être la propriété de gens aisés dans l’ancien temps, mais ces manteaux sont sales, boueux, couverts de sang séché, de crottin, de viscères qui ont laissé des traces, d’eau de pluie qui a ruisselé, de branches et d’épines qui s’y sont coincées ; Et l’odeur de tout ça qui s’y est mêlé. Nos faces sont des faces de jeunes garçons, car ni moi ni Mala atteignons la trentaine ; Et pourtant, ce sont des faces un peu couturées de cicatrices, marquées par la fatigue, par la haine, par la peur nuit après nuit, et une succession de coups reçus sur nos tronches ; Et encore, vous avez pas vu nos corps, nos corps anorexiques, où des crocs et des griffes nous ont grattés comme le croquis d’un peintre. Deux tableaux, c’est ça que nous sommes. Devant l’entrée de n’importe quel endroit propre, n’importe quel établissement respectable, nous serions jetés par les vigiles, parce qu’avec nous, c’est pas seulement l’odeur du sang, de l’acier ou de la merde : C’est l’odeur de la mort qui nous suit. Elle marche dans nos pas et elle ruine tout ce qu’on touche.

Pardonnez cette envolée lyrique. C’est l’alcool et la folie.

Malachite entre en premier. Depuis qu’il traîne avec moi, il semble plus sûr de lui. Il agit de plus en plus comme s’il était non pas un petit gamin dans mes pattes, mais comme s’il était mon écuyer. C’est normal ; Des semaines qu’on baroude ensemble, et je lui ai appris à porter le bouclier, à sangler un cheval, à manier une épée, à entretenir une brigandine. Le matériel qu’il vole aux morts, aux chasseurs ou aux miliciens qu’on retrouve dans la boue, il ne se contente pas de le vendre ; Il apprend à l’entretenir et à l’utiliser, chose d’autant plus pratique que notre acceptation dans le village nous permet d’être ami avec le tanneur, le forgeron, et l’encordeur d’arcs. Un tas d’artisans qui apprennent à nous être redevables par chaque sacrifice que nous nous obstinons à faire dans la violence et au milieu des démons, pour que eux n’aient pas à le faire.
Ce genre de discours, que je le crois vraiment ou pas, c’est pas important. Je le ressers tous les soirs à Malachite, pour qu’il se convainque, au fond de son âme, qu’il est véritablement un héros. Le courage c’est dans la tête. Je le vois dans son regard. Une petite étincelle qui au final se transformera en feu. Je vais l’embrigader, c’est ma grande espérance.

À l’intérieur de la tente, l’odeur de mort que nous apportons se frotte vite à une toute autre. L’odeur d’encens et de parfums. Malachite observe tout autour de lui, l’œil pétillant. C’est rempli de babioles et de choses étranges. Et assise sur une table, avec un tabouret, une jeune femme nous regarde en souriant. En deux pas je m’approche, et Malachite fait baisser la toile de tente pour que nous soyons tous trois tous seuls. Les deux bannis que nous sommes approchons. Comme je suis plus vieux et plus fort, je me permets de m’asseoir sur le tabouret, alors que Malachite reste derrière, les mains sur la ceinture.
Mes yeux plongent dans les siens, azur. Les yeux bleus c’est marrant, on sait jamais vraiment s’ils sont censés être amicaux ou glacés. J’essaye peut-être de lire quelque chose que je comprends pas dans son regard. Parce que c’est bien un truc que je suis venu chercher.

« Vous auriez un tabouret pour mon ami ? »

Je demande, d’un ton rauque, ni méchant ni autoritaire. Juste une voix un peu enrouée, par la fatigue et par ce son habituel qui sort de ma gueule, en même temps que des effluves de mon haleine moyennement fraîche, dont les dents sont blanches, parce que je sais mâcher des écorces d’arbre et me faire des bains de bouche à l’urine quotidiens.

Je pose mes mains sur la table. Mains gantées, je vous ai dis pourquoi. Et de l’intérieur de mon manteau, je tire une bourse remplie de métaux précieux. Un mélange de pièces, certaines frappées du sceau du duc, d’autres du Roi ou d’une république ou monarchie étrangère, mais aussi des dents arrachées dans la bouche des gens, des bagues ramassées sur des cadavres, des bracelets et des colliers que j’ai tirés de femmes hurlantes alors que je braquais un convoi ; Une quincaillerie désordonnée et à la valeur variée, mes seules possessions métalliques qui me permettront de survivre durant ce moment sur la ville.

« Et si vous tiriez mes cartes, très jolie ? »
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyMer 5 Juil 2017 - 23:22
Astrid était très fière du nouvel aménagement de sa tente. Elle était toujours aussi petite, le tapis au sol représentait toujours les mêmes étoiles et les mêmes constellations, les parois étaient toujours du même bleu nuit. Mais il y avait bien plus d'objets maintenant, une table, des tabourets, le magnifique coussin qu'elle avait acheté à une si sombre occasion, plusieurs babioles un peu inutiles mais qui étaient plutôt raccord... Elle se souvenait très bien de ce type qui était venu lui parler d'un rêve au sujet de l'existence d'un bateau au large à Marbrume. Il lui avait conseillé en partant de faire des progrès en décoration, pour mettre les clients plus à l'aise. Elle l'avait écouté et elle attendait maintenant d'en voir les répercussions, qu'elle espérait positives. Astrid se demandait si elle avait eu raison lors de sa prédiction au sujet de cet homme. S'il allait effectivement sauver quelque chose de ce bateau, si c'était lui l'être élu qu'elle avait vu ou si c'était justement une mise en garde. Elle ne le saurait probablement jamais. Mais pour elle, les cartes mentaient rarement. Elle n'y croyait pas entièrement, mais en y repensant à tête froide tout ce qu'elles prédisaient arrivait... Au moins d'une manière qu'elle n'avait pas imaginée. Une interprétation détournée, un sens possible qu'elle n'avait pas retenu... C'était ça la vraie magie des prédictions.
Elle aurait préféré que la magie de ses cartes la rende riche, mais ce n'était visiblement pas dans leurs cordes. Les clients étaient rares, leurs questions ennuyeuses. Elles se ressemblaient toutes ! Un rêve ridicule à analyser, une question d'argent, un rêve encore plus ridicule à contredire, une question d'amour, un rêve tout à fait anodin à surinterpréter, et une question sur le proche ou lointain décès de son client...
Astrid soupira. Comme tous les matins elle était venue là dans l'espoir de ne pas avoir à travailler ailleurs le soir. Et comme de plus en plus de matins, elle savait que cet objectif ne serait pas atteint et qu'elle finirait dans le lit d'un homme qu'elle ne connaissait pas, ou à peine, tout ça pour des pièces et peut-être un verre ou un repas offert.
Elle sourit. Parce qu'elle savait qu'il y avait quelqu'un qui attendait pour entrer, et parce qu'elle savait aussi qu'elle se devait d'être polie et avenante. À quoi bon ? Si c'était un homme il passerait plus de temps à regarder son décolleté que ses lèvres de toute façon.
La journée commença doucement. Un client, deux, trois, une légère pause... Astrid ne savait pas vraiment qu'elle heure il était, elle ne voyait les rayons du soleil que lorsque quelqu'un poussait les pans de la tente. Tant qu'elle n'avait pas faim, il ne devait pas faire nuit. Elle avait depuis longtemps pris l'habitude d'un repas unique par jour, plutôt le soir quand elle arrivait à être tranquille, ou alors en fin d'après-midi. C'était surtout parce que c'était en fin de journée, ou de soirée, qu'elle avait de l'argent à dépenser.
Mais s'il y avait vraiment une chose qui ne changeait pas, une chose inébranlable, une seule chose gravée comme dans du marbre... C'était le sourire d'Astrid. Toujours doux, accompagné de son regard bienveillant qui était censé signifier qu'elle ne jugeait pas ce qu'on pourrait lui dire. En vérité elle s'en moquait bien, mais cette comédie lui était devenue si naturelle qu'elle s'en trouvait elle-même persuadée, rendant alors le mensonge imperceptible.
J'ai peut-être écris trop vite. Un évènement fut une véritable menace à ce monument qu'était le sourire de la cartomancienne. Deux... Personnes entrèrent dans la tente. Voilà déjà quelque chose de surprenant. La plupart des gens préféraient venir seuls quand il s'agissait d'aller étaler leurs problèmes devant une mystique inconnue aux prétendus pouvoirs oraculaires. Mais s'il n'y avait eu que ça, Astrid n'aurait pas vu son assurance vaciller.
L'encens ne parvenait pas tout à fait à masquer l'odeur absolument rebutante qui était arrivée avec ces deux... personnes. Mais il n'y avait pas que ça non plus, toujours pas. Ils avaient des têtes à faire peur, et à vrai dire ça fonctionnait tout à fait sur Astrid. Ils avaient l'air d'avoir voyagé jusqu'en Enfer, et d'en être revenus juste pour raconter l'expérience. L'un s'était assis sur le tabouret, et l'autre restait légèrement en retrait, le tout sans échanger une seule parole. C'était un accord bien étrange.
Mais malgré cette menace le sourire d'Astrid tint bon ! Moins éclatant, un peu plus gêné, mais il tint bon. Ils étaient peut-être absolument effrayants ils n'en restaient pas moins des clients... Celui qui s'était assis sur la tabouret plongea son regard dans celui de la cartomancienne, qui fut tellement occupée à contrôler sa soudaine envie de disparaître qu'elle n'en remarqua même pas la couleur. S'il n'avait pas parlé, elle aurait peut-être mis du temps avant d'ouvrir la bouche.

« Vous auriez un tabouret pour mon ami ? »
 

À entendre sa voix, il avait l'air moins méchant ou dangereux que ce que son visage fatigué laissait supposer. Astrid détourna les yeux pour observer un instant l'ami en question, mais son angoisse ne lui permit pas d'en retenir quoi que ce soit. Il fallait qu'elle se concentre. Mais elle avait déjà subi plusieurs agressions dans sa tente et l'étrange duo ne pouvait que lui rappeler les heures les plus sombres de la cartomancie.

- Euuh oui, évidemment,
balbutia-t-elle d'une voix timide qui lui ressemblait finalement assez peu, mais toujours douce comme le miel, douce comme son surnom.

Astrid n'avait en fait rien de prévu pour ce genre de situation. Elle improvisait. La demoiselle plaça son propre tabouret à côté de celui de l'homme déjà assis, gardant simplement pour elle le joli coussin sur lequel elle était de toute façon déjà assise. La table n'était pas si haute, ça ne poserait pas de problème.
Celui qui parlait depuis le début posa ses mains sur ladite table. Astrid eut l'impression que ce simple mouvement remuait tout l'air de la pièce et qu'elle allait étouffer dans l'odeur nauséabonde que ces deux types traînaient avec eux. Elle détestait tout ce qui pouvait sentir mauvais, elle prenait soin de parfumer sa chambre avec des fleurs et sa tente avec de l'encens... et voilà le résultat gâché en moins de cinq minutes. Mais elle souriait. Parce qu'elle avait tout de même un peu peur encore, et que sourire était le meilleur moyen de ne pas s'attirer d'ennuis.
L'homme ne se contenta pas de poser ses mains, il tira de son manteau une bourse qui fit un bruit étrange en tombant sur la table. Ce n'était pas des pièces. Astrid en entendait assez pour en être intimement convaincue. Elle n'osa même pas en regarder le contenu, de toute façon elle ferait n'importe quoi ou presque pour qu'ils s'en aillent.

« Et si vous tiriez mes cartes, très jolie ? »

Astrid détestait ça aussi. "Très jolie". C'était peut-être censé être un compliment, mais elle avait bien assez l'habitude de se faire traiter comme un bout de viande ailleurs pour ne pas avoir envie que ça s'insinue ici. Mais elle ne dit rien. Elle sourit. Parce que le client, même effrayant, même dégoûtant, même énervant, c'était le client.
Elle attrapa ses cartes, et commença à les mélanger avec application, comme la vieille Johanne le lui avait appris. Il était important avant chaque tirage de transmettre son fluide aux cartes, pour qu'elles se dévoilent correctement. Il ne manquait plus qu'une chose. La question . Elle remit des cheveux en place avant de reprendre son mélange, et reprit alors la parole dune5voix plus assurée mais toujours légère et... douce.

- Quelle est votre question monsieur ?

L'avenir était vaste, Astrid avait besoin d'au moins un thème, une question, un indice pour pouvoir interroger les cartes... Les gens arrivaient habituellement ici un peu confus, et la première chose qu'ils demandaient était souvent un dérivé de "comment ça va se passer ?". Pas cette fois. Astrid ne trouva donc pas utile de préciser ce qu'elle attendait comme question. Il avait l'air d'être plutôt au courant de l'affaire.
Dès qu'il dirait ce qu'il attendait d'elle, le tirage prendrait la même tournure que tous les autres. Astrid déposerait quatre cartes face cachée sur la table, elle les retournerait une à une et observait la combinaison en silence avant de donner le résultat . Alors, ces récalcitrants de l'hygiène finiraient par s'en aller, et elle passerait trois jours à chasser leur odeur. Mais elle ne dit rien. Elle sourit. Elle n'en attendait pas moins impatiemment leur départ. Devant le silence un peu long qui régnait, la cartomancienne se décida tout de même à meubler un peu la conversation, tandis que ses doigts mélangeaient toujours les cartes dans un geste aussi répétitif qu'hypnotique...

- Des inquiétudes au sujet de vos amours ? De votre argent? De votre mort...?

C'était les sujets les plus courants, c'était du banal, mais Astrid avait renoncé à espérer du plus palpitant. Peut-être que ces deux... personnes auraient quelque chose de plus intéressant à lui demander ? Elle lança un regard au deuxième comparse, se demandant si la question le concernerait aussi.
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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyMer 5 Juil 2017 - 23:44
La question de la dame m’a fait sourire. Vraiment sourire. D’un sourire mauvais et carnassier, qui affichait mes dents si blanches. Fut un temps où ce sourire je l’utilisais pour faire craquer des jeunes filles un peu andouilles et aux cheveux fleuris, qui se mettaient soudainement à rougir et à glousser bêtement en me voyant faire. Aujourd’hui je pense que ça me donne un air de méchant garçon, et pas forcément dans le bon sens du terme.
Assise sur son coussin plutôt que sur son tabouret, la gitane semblait si petite, si frêle... Je me demande pourquoi elle avait décidé de se placer dans une telle position d’infériorité, car je me sentais d’autant plus grandi par-devant la table. L’ethos, l’image qu’on renvoie, est pas neutre. Et si j’étais un homme réellement pas gentil, j’aurais pu tout à fait profiter de son comportement pour m’en trouver d’autant plus menaçant.
Mais j’ai souri. J’ai souri avec tous mes crocs. Le ridicule de sa question si commerciale, probablement. Elle n’avait pourtant pas l’air sotte, Malgré sa tenue un peu trop échancrée, j’ai cru avoir noté dans ses yeux bleus une lueur d’intelligence assez rare et insoupçonnée, la même lueur que je ne trouve que dans de rares esprits, pas comme la flammèche de rage et de force de Malachite qui me fait croire qu’il pourrait un jour devenir un terrifiant guerrier ; Nan. Plutôt un truc un peu véreux, comme si j’étais face à un renard.

Le ton un peu nasillarde, je me mis à répondre.

« Je peux pas être amoureux. Je suis trop égoïste pour être amoureux, ça m’a déjà attiré des peines dans le passé.
Je peux pas avoir de l’argent. J’ai ni le talent ni les possibilités pour le faire fructifier, ça m’a déjà attiré des usuriers dans le passé.
Je peux pas craindre la mort, parce que je le suis déjà. »


Mes lèvres se pincent, même si je garde le même sourire en coin, qui plisse mon visage à la barbe sale et collante et qui fait pétiller mes yeux fatigués au blanc rougi par des vaisseaux de sang éclatés.
Ce que j’ai dis ça aurait pu être une fausse bravade sans intérêt. Mais c’est la vérité. Je suis déjà mort. Moi et Malachite, on appartient à cette race étrange.

« Et puis ce petit jeu, a-t-il encore un sens depuis que les fangeux sont là ? Est-ce que t’as vu la mort roder dans tes cartes ?
Nan, je peux pas vraiment te poser de questions de ce genre, parce que je suis pas véritablement humain. Je me demande si tu le sens pas au fond de toi d’ailleurs. Alors... Ma question elle est simple.
Qui est-ce que je suis ? »
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyJeu 6 Juil 2017 - 0:51
Le sourire qui trônait que le visage d'en face était si effrayant qu'Astrid s'étonnait presque de ne pas avoir déjà une dague sous le cou. Les dents avaient beau être particulièrement blanches, il n'y avait rien de bon dans ce sourire. L'homme avait un air quasiment malsain à déformer son visage ainsi, et si elle avait pu se permettre une telle remarque, la cartomancienne lui aurait sûrement demandé d'arrêter. Un visage pareil risquait de hanter ses cauchemars un long moment... Pourtant il n'y avait pas de doutes, c'était bien un sourire. Astrid se demanda s'il avait déjà servi à signifier la joie. Pour le moment elle avait du mal à comprendre qu'elle émotion il pouvait bien vouloir transmettre. Mais au moins son air menaçant n'était qu'un air jusque là. Il n'avait pas l'air décidé à lui sauter dessus pour lui voler tout ce qu'elle avait, du moins pas pour le moment.

« Je peux pas être amoureux. Je suis trop égoïste pour être amoureux, ça m’a déjà attiré des peines dans le passé.
Je peux pas avoir de l’argent. J’ai ni le talent ni les possibilités pour le faire fructifier, ça m’a déjà attiré des usuriers dans le passé.
Je peux pas craindre la mort, parce que je le suis déjà. »

Astrid lança un regard furtif vers l'entrée de sa tente. Elle aimerait être morte elle aussi, ou du moins elle se surprit à le souhaiter à cet instant, tout ça pour échapper à cette discussion qui lui évoquait bien plus un interrogatoire qu'une conversation. Elle ne savait pas ce qu'il voulait dire quand il disait qu'il était déjà mort, mais vu l'odeur ça semblait crédible. Cette pensée ferait sûrement rire Astrid plus tard, quand elle serait seule. Là, il lui semblait bien inutile de s'intéresser à cela. Oui, elle avait compris, il voulait autre chose. Eh bien qu'il parle. Ça lui ferait une chose de moins à deviner.
En attendant les yeux de la demoiselle descendirent jusqu'à la barbe de son interlocuteur, qui gagna instantanément le prix de la pilosité la plus... Exotique qu'elle ait pu voir. Elle se demandait combien de maladies il pourrait cacher là dessous ou là dedans, à quand remontait la dernière fois qu'il l'avait lavée... Ou qu'il s'était lavé... Cette odeur, par les Trois...

« Et puis ce petit jeu, a-t-il encore un sens depuis que les fangeux sont là ? Est-ce que t’as vu la mort roder dans tes cartes ?
Nan, je peux pas vraiment te poser de questions de ce genre, parce que je suis pas véritablement humain. Je me demande si tu le sens pas au fond de toi d’ailleurs. Alors... Ma question elle est simple.
Qui est-ce que je suis ? »

Ah. Maintenant il m'a tutoyait. La discussion ne prenait pas du tout la tournure faiblement espérée par Astrid. Mais elle ne dit rien. Elle sourit. Elle aurait aimé faire de l'esprit, lui dire que les cartes voyaient l'avenir et non le présent, mais ça lui semblait être la dernière des choses à faire. Il voulait qu'elle lui tire les cartes ? Elle me ferait, même pour une question ridicule. Ce type savait très bien qui il était, ou alors il était complément malade. C'était peut-être pour ça qu'il était venu accompagné, l'un des deux seulement savait peut-être qui il était, et dépourvu de conscience propre le deuxième le suivait jusqu'à découvrir à nouveau son identité la plus profonde. Astrid balaya cette pensée ridicule de son esprit.
Elle déposa comme prévu les quatre cartes, face cachée, sur la table. Les cartes ne pourraient pas l'aider. Il faudrait qu'elle trouve des indices ailleurs si elle voulait pouvoir trouver la réponse. Avait-elle seulement une chance ?
Elle retourna la première carte. Elle avait de la chance, le symbole était facile à comprendre et en plus tout à fait de circonstance. La carte de la mort, un fond noir rempli de diverses figures funèbres. Astrid détestait cette carte. Mais au moins son tirage restait crédible pour le moment. Elle ne dit rien, son sourire s'amenuisa jusqu'à disparaître lorsqu'elle retourna la deuxième carte. C'était la carte de la citadelle, qui pouvait aussi symboliser la protection. Génial, au bout de la deuxième carte ça n'avait déjà plus aucun sens. Elle continua pourtant. La troisième carte représentait un poignard. C'était la carte de la revanche ou de la trahison, mais l'avantage était qu'avec un dessin comme celui là elle pourrait toujours mentir, dire autre chose du moment que ça aurait l'air un peu violent ou offensif. Mais Astrid n'avançait pas dans sa recherche et il ne lui restait plus qu'un carte. Elle la retourna lentement, craignant ce qu'elle allait y trouver...
Sa carte préférée. Une carte absolument mignonne, sur laquelle était peint une canne et ses petits cannetons. La carte du groupe, ou au moins de l'absence de solitude. Astrid prit un air faussement inspiré, comme une prêtresse en communication avec le divin. Elle en profita surtout pour observer les deux lascars qui étaient venus traîner leur carcasse jusque là.
Ils étaient si sales que même Astrid, qui vivait dans un des plus mauvais quartiers de Marbrume, ne croisait jamais de gens de leur espèce. Leur odeur évoquait effectivement celui d'un cadavre en décomposition, pour ce qu'Astrid en savait puisque ce n'était pas là son domaine de prédilection. À part qu'ils étaient degoûtants, ça ne lui apprenait rien.
Les yeux de la cartomancienne revinrent à la table, elle se voyait déjà clouée sur sa pancarte à l'extérieur. Elle regarda les gants de l'homme. Ça lui rappelait la vieille Johanne. Elle était à cheval sur les bonnes manières mais disait parfois des bêtises si énormes qu'Astrid se demandait si elle n'inventait pas sa propre étiquette pour embêter le monde. Elle avait toujours détesté les clients qui portaient des gants, elle disait que c'étaient les pires parce que s'ils n'osaient pas montrer leurs mains, il devaient avoir des choses à cacher comme du sang dessus...
Des choses à cacher ... Comme les mains, les poignets peut-être. Astrid baissa les yeux sur ses cartes. La mort, la citadelle, la revanche, et le groupe. Et les gants et l'odeur. Oui, il avait quelque chose qui pourrait coller. Qui collerait avec les cartes autant qu'avec l'odeur. Mais c'était impossible. Les bannis ne pouvaient pas entrer à Marbrume, ils seraient tués rien qu'en passant les portes et en voyant des gants les gardes seraient suspicieux... Et elle se voyait mal sous-entendre devant deux clients qu'ils faisaient probablement partie d'une minorité recherchée et chargée de honte. Surtout pas uniquement sous prétexte qu'il puait et qu'il portait des gants. Il fallait pourtant bien qu'elle parle, parce que le temps commençait à être long. Elle prit une profonde inspiration, craignant de plus en plus de se faire épingler à une devanture dans la rue, bien en évidence et pas forcément à son avantage.

- Vous n'êtes pas le bienvenu dans la citadelle.


Elle aurait bien précisé qu'elle ne parlait pas de l'odeur mais ça risquait d'être encore plus insultant que ce qu'elle avait prévu.

- Vous appartenez à un groupe avide de vengeance.


Astrid espérait qu'elle avait raison de les croire bannis, parce que sinon son imposture serait bien vite manifeste. S'ils n'étaient que des clochards dont l'existence lui avait échappé jusque là... Elle préférait ne pas y penser. Elle préférait croire que deux bannis s'étaient introduits sous sa tente plutôt que de devoir avouer que les cartes pouvaient se tromper. Au pire elle accuserait l'homme pour sa mauvaise question... Non. Il y avait mieux. Se dédouaner, accuser les cartes et jouer sur l'avenir incertain. Il avait bien dit qu'il était déjà mort non ? "Pas véritablement humain". Elle pria, étrangement, pour avoir raison et d retrouver face à un banni. Elle n'avait pas beaucoup d'indices.

- Les cartes disent que vous êtes un banni, ou au moins quelque chose qui y ressemble. Si vous ne l'êtes pas, je suis au regret de vous annoncer que allez le devenir...
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MalachiteMiséreux
Malachite



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyJeu 6 Juil 2017 - 10:44
Moi je suis plus doué pour rester assis en silence. C'est le chevalier qui fait tout le spectacle. Il a ses périodes. La plupart du temps il est gentil. Là il me fait un peu peur. C'est peut être la sorcière qui le rend comme ça. Je comprends pas comment les marbrumois peuvent tolérer des choses pareilles, chez moi on l'aurait sacrifié. La seule bonne divination c'est celle dans les entrailles, et faite par un prêtre le jour de je sais plus quelle fête. Les trucs avec les cartes, les osselets, les fonds de tasse, j'adhère pas du tout. Y a beaucoup de superstition de mon bled que j'ai oublié, mais celle là m'est un peu restée. Surtout qu'on m'a dit que les sorcière se mettaient des serpents dans le frifri, et ça m'a beaucoup perturbé. En plus elle va se mêler de nos affaires ! Elle va voir avec sa corruption intérieure qu'on est des bannis, et elle va nous maudire avec son sang ou je sais pas quoi. Et peut être se mettre des choses qui n'ont rien à faire dans une femme. D'une seconde à l'autre.

Je fixe les bibelots pour ne pas être témoin de cette scène dérangeante. En plus la sorcière est jolie. Ca fait encore plus maléfique, comme pour nous manipuler le cerveau. On voit pas souvent de gonzesses dans les marais. Mon seul contact humain c'est Lucain qui me tombe dessus en dormant. Et qui pue. Si Astrid avait eu l'amabilité d'avoir quelques dents en moins et l'air attardé, ça aurait été plus facile. Au moins la décoration de la tente est jolie. J'aime bien les petits morceaux de quartz, les étoiles et les machins. Les dessins sur les cartes sont jolis aussi, mais c'est dommage qu'ils foutent les foies. Sauf le truc avec les canards. Je vois pas bien de là où je suis mais j'ose pas me pencher en avant si jamais ça faisait trop peur de près.

A la fin du monologues psychédéliques de Lucain, la sorcière nous sort ben... l'exacte vérité. Ce qui prouve que c'est une vraie sorcière. Elle lit dans nos crânes. Peut être qu'elle a pu voir tout ce que j'ai fais. Mon teint gris devient plus pâle. Je laisse échapper malgré moi :

Elle va nous maudire maintenant ! On aurait dû aller aux putes en premier !

Je tire sur le bras du chevalier en priant pour qu'il revienne parmi les vivants et qu'il gère la situation comme il faut. Bon OK même si c'est pas une méchant sorcière et qu'elle se met pas une bougie quelque part, elle va peut être appeler la milice non ? Hein ? Ca faisait moins peur quand Lucain m'expliquait toute l'affaire dehors.
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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyJeu 6 Juil 2017 - 14:40
Malachite s’excite. J’aime pas ça. Il est en train de ruiner tout mon spectacle !

Comme vous le savez, mon grand talent, c’est celui d’être capable de jouer la comédie. Sans ça je n’aurais jamais réussi à perdre ma virginité ou je ne serais jamais parvenu à convaincre des seigneurs à ne pas me faire pendre après avoir foutu le zouk sur leurs fiefs. Mais pour jouer la comédie, il faut respecter la scène et les acteurs, et là, en l’occurrence, ce que je voulais, c’est qu’on fasse peur. Maintenant que Malachite se décompose et montre ce qui se cache vraiment derrière les acteurs que nous sommes, c’est-à-dire deux gamins apeurés et en pleine dépression nerveuses qui rêvent de passer une nuit à serrer une fille dans les bras, ça va ruiner tout l’effet théâtral que je voulais mettre en place ! C’est pire que si je m’étais mis à bégayer ou à pleurer sans raison.

Il faut vite que je me reprenne. Il faut que je supprime tous ces tics nerveux qui apparaissent sur ma face quand je suis en panique, comme ma langue qui bouge de côté ou mes nasaux qui se gonflent et se rabaissent rapidement. Je prends une grande inspiration avant de regarder Malachite droit dans les yeux, et de parler de plus belle avec ma voix rauque de matamore.

« Oui... On dirait ses cartes sont plutôt bien tirées... Mais je ne suis pas sûr que la demoiselle en tire les bonnes conclusions... »

Je lève ma main droite et, avec les doigts de la gauche, je tire le gant. Je dévoile une patte blanche dont le bout des doigts tremble, car je ne sais pas pourquoi, il m’arrive très souvent que mes doigts tremblent sans aucune raison. Ma paluche n’a pas tellement l’air bien virile, on dirait plutôt que j’ai des doigts de fille et un poignet tout fin ; Mais sur l’avant-bras, on voit très clairement la marque au fer rouge qui me jette l’ostracisation parmi les derniers vivants de la Marbrume Terrestre. Je lui montre bien, et je tente, aussi fort que possible, de faire réapparaître mon sourire narquois en coin, mais j’y arrive pas.
Tant pis. Faut que je continue à jouer le rôle, même quand on gaffe il faut pas mettre fin au spectacle.

« Tu vois... Avec cette chose dans ma peau... On m’a condamné à mort. Une mort lâche, hypocrite et inavouée, car on a pas osé me donner une vraie mort de noble, au combat ou à la décapitation. On a fait croire qu’on me rendait service, mais en réalité, on m’a jeté dans les gueules de l’enfer.
Mais la mort ça ressemble beaucoup à la vie. La vie on y accède lors d’un calvaire. On doit frapper, se débattre, on nous exhorte à prendre notre première bouffée d’air qui nous pulvérise les poumons et qui nous jette dans l’effroyable existence humaine à laquelle on nous appelle. Eh bien la mort j’irai que de la même façon dont je suis né ; Je n’y entrerai que lorsque mes poumons seront déchirés et que des milliers de mains m’attireront sous la fange pour m’enjoindre à monter dans le Havre Céleste.
Jusqu’ici ça te semble plutôt juste hein ? »


Je tourne mon regard vers Malachite, pivotant la tête à quelques centimètres vers le gamin.

« Passe-moi les cartes, tu veux ? »

Mala m’obéit. Il chaparde le paquet de carte sous les yeux de la bohémienne, et il me les tend. Je ramasse les quatre qu’elle a placé devant elle, et voilà que je l’imite à les mélanger.
Je n’ai pas tout l’art de bien les manier pour donner un air mystique à cet exercice. Moi, mélanger les cartes, je le fais uniquement pour les jeux d’argents. J’aurais bien aimé tricher, mais en vérité, j’ai aucune idée de quoi le paquet est composé. C’est juste une manœuvre d’acteur, encore une fois. Un moyen de me donner de la contenance, de jouer avec l’environnement, pour faire oublier la trouille que moi et Malachite ressentons face à la divinatrice.
Je me demande quand le clergé va débarquer pour la brûler, ce serait peut-être rendre un service civique aux mauvaises gens de Marbrume.

« Je vais tirer les tiennes de carte. Ça te dérange pas ? »

Je n’attend pas réellement de réponse de sa part. Et elle ne me semble pas particulièrement assez à l’aise pour formuler des phrases. Je pose donc le paquet devant moi, et joint mes mains, l’une gantée, l’autre patte nue, pour piailler un discours que j’ai déjà préparé et revu dans ma tête, chose facile quand comme moi on passe des journées à parler tout seul ou à son cheval.

« Marbrume Terrestre... T’as compris mon jeu de mot ? On pourrait croire que cette ville est une ville sacrée, qui résiste face aux démons. Mais c’est l’inverse. Ici c’est pas la Marbrume Céleste, et les gens qui s’y cachent ne sont pas les élus. Les fangeux sont la venue des Dieux, ils sont venus pour tout prendre et tout arracher, punir les pécheurs et les mauvais. Marbrume qui résiste, c’est comme le criminel qui échappe aux baillis et aux chasseurs de prime. Mais vous êtes tous acculés, la curée arrive pour vous saigner.
Allons, ça ne te semble pas logique ? Combien de criminels as-tu vu dans cette putain de cité ? Elle est même dirigée par l’un d’entre eux, par son altesse Sigfroi qui laisse ses égaux mourir devant les portes de sa cité plutôt que de les ouvrir.
Moi et Malachite, je sens que tu as très peur de nous. Il est vrai que nous inspirons la crainte, c’est notre don...
Je me mettais à psalmodier à voix très basse et très enrouée, pour me convaincre moi-même que c’est vrai et que non, ni moi ni lui ne sommes véritablement des garçonnets barbouillés de saleté qui jouons à un jeu. Mais tu es une fille très intelligente, je peux lire ton âme au bord de tes yeux, je sens que tu es plus maline que le reste. Et si tu es vraiment intelligente, tu devrais le savoir ; Si la fange est une punition des Dieux, c’est qu’elle ne prend que ceux qui le méritent. Et moi et Malachite, nous survivons face à la fange. Donc on est pas si mauvais que ça, hein ?
Au fond la mort est pas mauvaise. Ni bonne non plus. Elle obéit juste à sa logique froide et nécessaire. 
C'est pour ça que c'est marrant, ton idée de vengeance... Est-ce que c'est vraiment utile de se venger, si les Dieux vont déjà s'occuper de faire payer leurs crimes à tout le monde ? Ou alors peut-être qu'on est les instruments des Dieux, va savoir. Je fais souvent des cauchemars immondes qui m'empêchent de dormir la nuit, tu crois que c'est Rikni qui me parle ? »

Je sors la première carte tout à ma gauche. J’ai aucune idée de comment on fait, mais elle a tiré quatre, alors je ferai pareil.
Là en l’occurrence, celle qui ressort, c’est un paysan qui laboure un champ ensoleillé, probablement pour représenter le travail, ou peut-être l’espérance, je ne savais pas interpréter tout ça.

« Jolie gitane... Si tu es ici c’est que toi aussi tu pèches, toi aussi tu commets des fautes. Je me demande c’est quoi, tes secrets ? »

Je tire la seconde carte. On y voyait un grand seigneur, assis sur son trône, l’air impassible et dur, qui portait à sa droite un écu, et à sa gauche un grand sceptre.

« Faut faire attention aux secrets, ça nous rattrape toujours. Tu dois le savoir, toi, vu le nombre de choses que les gens te confient.
Notamment des gens sur l’Esplanade... »


Je tire la troisième carte. On y voit un beau garçon aux longs cheveux blonds, qui a l’air de crier du haut de son chariot tracté par deux grands étalons, au milieu d’un hippodrome.

« Il y a une très jolie jeune fille aux cheveux de jais qui te demande souvent conseil. Elle n’arrête pas de t’appeler pour que tu viennes à son manoir, et elle te confie plein de secrets. Elle s’appelle Émeline d’Agrance, n’est-ce pas ? »


Je tire la quatrième et dernière carte. Et là, on y voit un chevalier errant, tête basse sur son cheval, qui porte le bouclier sur son dos, les rênes de sa bête dans la main gauche, et aux doigts de la droite, il n’a ni gants ni armure ; Il porte une rose entrelacée dans ses phalanges.

« Est-ce que tu me crois, si je te dis que je suis son frère, et que je veux aller la voir ? »
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Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyJeu 6 Juil 2017 - 15:59
Elle l'avait presque oublié, l'autre. Celui était assis sur son tabouret, et qui n'avait pas dit un seul mot depuis son entrée ici. Il ne menait pas la discussion, il n'y prenait même pas part, mais il était là. La seule chose qui rappelait vaguement à Astrid son existence c'était son odeur. Avec celle de son interlocuteur, elle avait l'impression d'un parfum plus diffus, moins concentré parce qu'il venait de plusieurs endroits, mais toujours aussi repoussant. S'il n'avait pas fini par être effrayé, elle ne se serait probablement même pas rappelée de lui.

-Elle va nous maudire maintenant ! On aurait dû aller aux putes en premier !

Oh ça elle aimerait bien. Les maudire pour les voir disparaître de sa tente, les maudire pour leur faire peur. Elle tourna ses yeux bleus clairs sur le type qui venait de parler, tandis qu'il tirait sur le bras de son camarade. Astrid avait maintenant l'intime conviction d'avoir vu juste. Elle eut également une pensée émue pour les demoiselles que cet homme parfaitement dégoûtant voulait payer. Elle espérait qu'il aurait pensé à la case "baignade" avant.
Mais le bavard ne sembla pas apprécier cette interruption. Il faisait une tête bizarre, il prit une grande inspiration avant de se retourner vers son acolyte. C'était un peu comme si les mots étaient adressés à Astrid, mais que l'homme profitait de son regard pour ordonner au plus peureux de se taire.

« Oui... On dirait ses cartes sont plutôt bien tirées... Mais je ne suis pas sûr que la demoiselle en tire les bonnes conclusions... »

Ils commençaient à l'agacer sérieusement ces deux là! Elle avait répondu à leur question, elle était idiote soit, mais ils n'avaient qu'à partir maintenant ! Pourtant, le bavard reprenait de plus belle, avec de la mise en scène cette fois. En deux temps trois mouvements il avait retiré un de ses gants et il agitait au dessus de la table une main aussi blanche que tremblante. Pour la couleur ça semblait logique, les gants ce n'était pas terrible pour bronzer, pour le tremblement... C'était bizarre, Astrid n'avait pas vraiment la sensation de lui faire peur, alors à moins qu'il ait ingurgité un mélange bizarre d'apothicaire ressemblant à une potion de vigueur ratée elle ne savait pas trop d'où ça pouvait venir. Mais ce n'était pas ça qu'il voulait qu'elle voit, c'était plutôt la marque. Elle l'avait devinée, mais voir tout à coup la trace du fer était différent. Astrid ne regarda même pas son visage, trop fascinée et choquée à la fois par ce qu'elle avait sous les yeux.
Il lui parla de la mort, de la naissance, de la souffrance, et du Havre Céleste mais Astrid n'était pas très attentive. Ça ressemblait trop à du blabla sans intérêt, elle préférerait nettement qu'il lui dise clairement ce qu'il voulait. Elle essayait bien de deviner mais rien ne lui venait. Elle avait deux bannis sous sa tente, par les Trois ! Pourquoi elle ? Pourquoi ici ? Et pourquoi perdaient-ils leur temps ainsi... Elle pourrait crier, appeler la milice, mais ce serait ridicule. Personne ne viendrait. Et elle n'aimait pas la milice. Elle risquerait bien trop d'ennuis à faire des vagues...

« Passe-moi les cartes, tu veux ? »

Astrid releva brusquement les yeux mais le mal était fait. Celui qui la faisait penser à un homme de main avait déjà attrapé le paquet. Ça la surprenait. Elle aurait pensé qu'il aurait eu trop peur pour ça mais de toute façon c'était trop tard maintenant, le mal était fait. Elle les détestait.
Elle tenait à ses cartes comme à la prunelle de ses yeux et estimait ne rien posséder de plus important. Elle avait hérité de ce paquet à la mort de son maître, la vieille Johanne, seule façon de briser le lien entre un cartomancien et ses cartes. Et lui, ce type horrible et douteux, osait les prendre, les toucher, les mélanger. Non seulement il faisait ça n'importe comment, mais en plus elle ne voulait même pas imaginer où avait traîné son gant et pire, sa main. Une des mains d'Astrid glissa jusqu'à sa dague. Si Viktor avait été là il n'aurait certainement pas laissé le tirage prendre cette tournure, mais elle, elle ne pouvait rien faire. Ils étaient deux, elle était seule et manquait d'expérience. Sa main glissa sur sa robe, oubliant la dague. Elle n'aurait aucune chance.

« Je vais tirer les tiennes de carte. Ça te dérange pas ? »

Astrid espérait que ces deux conspirateurs pourraient lire dans son regard à quel point ils venaient de s'attirer sa haine en plus de son dégoût. Mais elle ne dit rien. Elle n'avait pour le moment aucune manière crédible de mettre fin à cette mascarade. Elle avait juste compris une chose, et ce depuis longtemps. Ils n'étaient pas venus pour qu'elle leur lise l'avenir. Et chaque seconde passée à lui cacher leur véritable but était plus insupportable que la précédente. Surtout maintenant qu'ils avaient pris des cartes.
Elle avait beau se dire que tout le discours qu'il lui adressait n'avait pour but que de l'intimider, ça n'empêchait pas la technique d'être efficace. La haine de son regard se mit à vaciller. Plus particulièrement quand la voix de l'homme se fit plus basse, mais toujours aussi... Malade ?

-Moi et Malachite, je sens que tu as très peur de nous. Il est vrai que nous inspirons la crainte, c’est notre don...

Une partie un peu insolente de son esprit lui souffla que c'était surtout l'odeur qui faisait peur, et que ça n'avait rien d'un don, mais elle n'en était elle-même plus convaincue. Ses yeux glissèrent encore une fois vers la sortie de la tente. Qu'est ce qu'elle ne donnerait pas pour que quelqu'un entre... Mais ça n'arriverait pas, ça n'arrivait jamais.
Elle eut du mal à suivre le raisonnement qui était censé lui montrer à quel point elle devait être plus mauvaise que les deux bannis puisqu'ils survivaient à la Fange, mais ce n'était pas un défaut d'intelligence. C'était la peur. Celle qui grandissait doucement mais sûrement, bien à l'abri à l'intérieur. Ils étaient en train de gagner, et même si elle détestait se sentir si faible elle n'arrivait pas à ne pas les craindre. Cette fois-ci ce fut sa main qui se mit à trembler, mais sous la table. Elle n'avait aucune envie que cette espèce de prophète de malheur lui raconte des cauchemars. Elle voulait qu'ils déguerpissent, lui et son faire-valoir. Ce n'était visiblement pas leurs plans, et le receleur de ses cartes en tira une. Il faisait ça vraiment n'importe comment, il aurait dû la maintenir cachée jusqu'a avoir tiré les quatre cartes... Mais comment pouvait-elle encore se soucier de ça?

« Jolie gitane... Si tu es ici c’est que toi aussi tu pèches, toi aussi tu commets des fautes. Je me demande c’est quoi, tes secrets ? »

Non. Elle n'avait rien fait depuis le jour où elle avait volé ce type qui ne l'avait pas payée. Et elle avait payé son larcin bien assez cher. Elle ne voyait pas quel secret elle pourrait avoir, de toute façon les secrets d'une pauvre fille comme elle n'intéressaient personne. Il tira une seconde carte qu'elle ne regarda même pas. Il allait lui filer de l'urticaire à force de faire ça n'importe comment. Ou alors des puces.

« Faut faire attention aux secrets, ça nous rattrape toujours. Tu dois le savoir, toi, vu le nombre de choses que les gens te confient.
Notamment des gens sur l’Esplanade... »

Il fallait avouer que sa pensée se précisait. Mais ça n'était pas pour ravir la cartomancienne, qui sentait venir les problèmes à plein nez. La troisième carte qu'il tira lui sembla être une provocation de plus.

« Il y a une très jolie jeune fille aux cheveux de jais qui te demande souvent conseil. Elle n’arrête pas de t’appeler pour que tu viennes à son manoir, et elle te confie plein de secrets. Elle s’appelle Émeline d’Agrance, n’est-ce pas ? »

Astrid la connaissait, évidemment. Mais elle n'en montra rien. Elle savait mentir. Et elle tenait à la réputation de son petit commerce, du moins autant qu'elle le pouvait, et celle-ci reposait avant tout sur le secret professionnel. Elle n'irait rien dire de ses connaissances à des bannis menaçants. Sauf peut-être s'ils la menaçaient encore plus. Astrid n'était pas bien courageuse. Sauf cette fois où elle avait frappé un homme avec une houe pour défendre le baron de Sombrebois, mais c'était une autre histoire...

« Est-ce que tu me crois, si je te dis que je suis son frère, et que je veux aller la voir ? »

Astrid regardait le pseudo tirage qui s'étalait sur la table. Ces cartes n'avaient aucun sens ainsi, et elle les connaissait pourtant très bien. La campagne, ou le travail, le pouvoir ou parfois la justice, le risque, et l'homme amoureux qui délaissait le combat pour la rose, chevalier plus galant que protecteur...

- Je ne la connais pas.

La voix d'Astrid était tremblante, mais parce qu'elle avait peur, pas parce qu'elle mentait. C'était évidemment crédible, qui ne serait pas terrorisé dans cette configuration ?

- De toute façon c'est pas mes affaires. Si vous voulez la voir vous avez qu'à y aller. Vous êtes bien arrivés jusqu'ici.


La torture avait assez durée. Aussi rapidement que soudainement, Astrid arracha de la main gauche son paquet de cartes aux mains du sale type qui avait voulu s'en servir à sa place. Elle sortit alors, de sa main droite, sa dague, et la pointa en tremblant tour à tour sur chacun de ses "clients". Évidemment elle était terrorisée. Évidemment elle ne savait pas vraiment s'en servir. Mais Viktor lui avait dit que le plus important à savoir c'était de frapper avec la lame et de tenir la poignée. Il lui avait fait jurer qu'elle ne laisserait plus personne la menacer. Elle tentait. Le baratin magique marcherait sûrement sur le moins bavard, mais pour l'autre...
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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyJeu 6 Juil 2017 - 16:27
Mes sourcils s’arquent sur mon front alors qu’elle se lève et sort sa dague. Elle est en train de commettre une très, très, très grosse erreur. Une très grosse erreur que je peux pas contrôler à cause du jeune lion qui est assis à ma droite. Malachite, je le sens, est homme à bondir et à devenir violent dès qu’il se sent menacé. D’autant plus quand il porte une jaque sous son manteau et qu’il ne manque pas d’une lame à venir lui planter dans les recoins nus de la jeune femme.
J’aime pas ça du tout. En réalité je ne regarde même pas Mala, pas d’un seul coup d’œil. J’essaye vite de rattraper la connerie de la gitane, toujours assis sur le tabouret, les deux mains sur la table, mes yeux noyés dans les siens.

« Range ce couteau de cuisine et remets-toi assise tranquillement. Tu ne sais donc pas que c’est dangereux que d’appeler à la violence ? D’autant plus sur des gens qui ne te veulent rien de mal ? »


Je parle tout calmement, doucement, mais ma voix sort comme à son habitude rauque et enrouée. Le dos prostré au-dessus de la table, je suis immobile comme un roc. Ma patte blanche et posée tranquillement sur la table, et elle s’est arrêtée de trembler. C’est pas un bon signe ; Elle s’arrête de trembler quand l’adrénaline arrive et que je me prépare à combattre. Probablement pour ça que ma main gauche, gantée, s’est elle parfaitement serrée jusqu’à faire crépiter le cuir qui la protège dans un son que je trouve merveilleusement agréable.

« Je sais que tu connais Émeline d’Agrance. Ce n’est pas parce que je suis banni que ma famille ne me parle plus. Tu ne sais pas ce que c’est, la famille ? C’est pourtant sacré, le sang dans nos veines est plus épais que l’eau que l’on boit.
Moi et mon ami on peut t’en parler. On est venus ici parce qu’on a besoin de ton aide, et comme le prouve la bourse sur la table, nous sommes prêts à le faire dans un climat de confiance mutuelle et de sérénité entre nos trois âmes. Mais va falloir t’asseoir. Ranger ta dague. Et te calmer. Donc, réfléchis très très vite à la prochaine action que tu vas faire. »
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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyJeu 6 Juil 2017 - 17:04

« Range ce couteau de cuisine et remets-toi assise tranquillement. Tu ne sais donc pas que c’est dangereux que d’appeler à la violence ? D’autant plus sur des gens qui ne te veulent rien de mal ? »


"Rien de mal "? Il aurait peut-être dû y penser avant d'essayer de la terroriser avec ces histoires, ou de l'intimider en lui demandant quels étaient ses secrets ! Astrid paniquait facilement. S'il avait été un peu plus courtois, il serait déjà très certainement bien plus avancé, quoi qu'il cherche à obtenir. Mais au lieu de ça il avait voulu faire le malin, et il avait fait la pire chose qu'on pouvait faire à une cartomancienne ou presque: tripoter ses cartes sans autorisation. Il avait ensuite voulu lui poser des questions auxquelles elle ne pouvait ou ne devait pas répondre. Ça donnait pas du tout l'impression qu'il ne lui voulait "rien de mal". Astrid avait déjà été agressée plusieurs fois ces temps-ci, sa méfiance avait monté d'un cran, et elle ne comptait pas de laisser faire encore. Mais l'homme ne bougeait pas, ou peut-être à peine sa main gantée qui était refermée maintenant.

« Je sais que tu connais Émeline d’Agrance. Ce n’est pas parce que je suis banni que ma famille ne me parle plus. Tu ne sais pas ce que c’est, la famille ? C’est pourtant sacré, le sang dans nos veines est plus épais que l’eau que l’on boit.

Quelle bonne idée! Qu'il continue, qu'il l'insulte en plus ! Astrid prenait très mal ce qu'il était en train de lui dire parce qu'intentionnellement ou non il avait raison. Elle ne savait pas ce que c'était la famille, et elle peinait à considérer comme sacrée une union qui n'avait pas empêché ses parents de l'abandonner à la sortie d'un village. Il lui disait pourtant ça comme si c'était une évidence, comme si forcément elle allait reconnaître quelque chose dans ce qu'il lui racontait, ou comme si en deux secondes elle pourrait toucher du doigt la compréhension d'un phénomène qui lui était purement inconnu. Perdu.

Moi et mon ami on peut t’en parler. On est venus ici parce qu’on a besoin de ton aide, et comme le prouve la bourse sur la table, nous sommes prêts à le faire dans un climat de confiance mutuelle et de sérénité entre nos trois âmes. Mais va falloir t’asseoir. Ranger ta dague. Et te calmer. Donc, réfléchis très très vite à la prochaine action que tu vas faire. »

C'était déjà tout décidé, tout réfléchi.

- Alors pour le bien de ce magnifique climat de confiance mutuelle, je vais vous dire une chose. Ne touchez plus JAMAIS à mes cartes sans ma permission.


La voix d'Astrid lui avait valu un surnom: celui de "la Douce". Ça ne l'empêcha pas de parler avec une assurance qu'elle même n'aurait pas soupçonnée.

- C'est pourtant pas si dur, de pas agresser les gens ! Vous entrez, vous dîtes gentiment ce que vous avez à dire sans essayer de me faire peur, et on peut faire affaire entre gens civilisés! Peut-être même que ça me passerait l'envie de vous maudire. Je vous assure que vu d'ici, vous avez pas vraiment l'air de venir en paix.


Elle ne maudissait jamais personne, elle n'était pas de ce genre là et ne croyait pas à ces sornettes. Mais si ça pouvait semer le trouble dans l'esprit d'au moins un de deux, elle aurait peut-être droit à un peu plus de considération. Doucement, elle abaissa la lame de sa main tremblante, la rapprochant ainsi de son fourreau. Elle ne lâchait pas des yeux les deux hommes. Elle ne rangea pas vraiment l'arme, mais elle se rassit sur son coussin. Elle avait toujours peu, mais elle était disposée à faire preuve d'un peu de bonne volonté pour éviter les ennuis. Il se doutait bien qu'elle ne pouvait pas parler de ses clients à n'importe qui qui prétendait être un frère ou un lointain cousin, non ? Elle espérait au moins que la panique qui l'avait étreinte avait été l'occasion de mettre les choses au clair.
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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyVen 7 Juil 2017 - 2:23
Elle se rassoit. Je reste fixe. Malachite aussi. En apparence, au-dessus de la table, nous sommes tous trois devenus accortes et pacifiés comme des anneaux. Mais en dessous, à l’abri derrière nos mantels, nous sommes à couteaux tirés.
Enfin, Malachite l’est probablement. Moi, j’ai mes deux mains sur la table. Et je me mets à tapoter dessus.

« Le problème, c’est qu’on est pas des messieurs civilisés. On est des sauvages. Mais être sauvage ça veut pas dire être mauvais, c’est là la petite distinction.
Faut que tu te mettes à notre place. On a été balancés dans la gueule de l’enfer. On est face à des monstres qui tentent de nous bouffer la nuit. Comprenez bien que le monde d’où vous êtes, d’ordre, il fonctionne plus tellement...
Oh oui. Vous avez déjà vu un fangeux ? Un vrai de vrai ? Face à lui ? Je vous jure, si vous en aviez vu un... Vous comprendriez tout. Dans leurs yeux vitreux et injectés de sang, vous verriez toute la folie de ce monde. »

Je souriais de plus belle. Un sourire étrangement triste, probablement car mes sourcils arqueraient au-dessus de mes globes oculaires, eux aussi, bien caves et ensanglantés.

« Ma petite sœur. Comment elle est ? Est-ce qu’elle a la chance de l’être encore, innocente ? C’est une crème, je me souviens d’elle, une perle au milieu du fumier de l’aristocratie. C’est peut-être parce que je suis son grand frère que je dis ça, mais je pense sincèrement qu’il n’y a que du bien en elle. J’ai très peur que cette ville et la situation qui en découle ne viennent entacher son âme et son être.
Alors, s’il te plaît, dis-moi tout, et la vraie vérité, pas les bêtises que tu sors pour rassurer les gens. Comment va Émeline ? Est-elle... Encore une bonne jeune fille ? Celle qui rigolais quand elle montait sur mon cheval ? »
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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyVen 7 Juil 2017 - 13:27
L'homme se mit à taper sur la table avec ses doigts. Astrid trouvait ça assez insupportable mais elle ne dit rien: elle avait déjà assez fait de bêtises pour le moment. Tant qu'il se contentait de discuter et de ne pas tripoter ses affaires, elle arriverait sûrement de son côté à se montrer un peu plus coopérative.

« Le problème, c’est qu’on est pas des messieurs civilisés. On est des sauvages. Mais être sauvage ça veut pas dire être mauvais, c’est là la petite distinction.
Faut que tu te mettes à notre place. On a été balancés dans la gueule de l’enfer. On est face à des monstres qui tentent de nous bouffer la nuit. Comprenez bien que le monde d’où vous êtes, d’ordre, il fonctionne plus tellement...
Oh oui. Vous avez déjà vu un fangeux ? Un vrai de vrai ? Face à lui ? Je vous jure, si vous en aviez vu un... Vous comprendriez tout. Dans leurs yeux vitreux et injectés de sang, vous verriez toute la folie de ce monde. »

Astrid commença très sérieusement à se poser des questions sur la santé mentale de son interlocuteur. Jusque là elle avait cru qu'il jouait un rôle pour l'effrayer mais à présent elle en était beaucoup moins certaine. Le bannissement pouvait-il à ce point changer les gens ? Depuis combien de temps était-il condamné à rester en dehors des murs de la cité ? Le type avait le visage transpercé par un sourire triste. Il faisait un peu moins peur comme ça mais ça ne le rendait toujours pas sympathique. Il ne pourrait sans doute plus jamais l'être. Et Astrid avait l'étrange sensation qu'à la place de ceux d'un Fangeux, c'était ses propres yeux qu'il venait de décrire...
La cartomancienne resserra ses doigts sur le manche de sa lame encore une fois, mais pour la remettre dans son fourreau. Le geste s'accompagna d'un petit bruit, mais la demoiselle plaça bien vite ses propres mains vides, pâles, fines, sur la table en gage de son calme retrouvé. Elle, elle ne voulait pas faire sa sauvage. Elle s'était laissée un peu trop intimider mais elle se promettait de ne pas se laisser avoir une seconde fois.

« Ma petite sœur. Comment elle est ? Est-ce qu’elle a la chance de l’être encore, innocente ? C’est une crème, je me souviens d’elle, une perle au milieu du fumier de l’aristocratie. C’est peut-être parce que je suis son grand frère que je dis ça, mais je pense sincèrement qu’il n’y a que du bien en elle. J’ai très peur que cette ville et la situation qui en découle ne viennent entacher son âme et son être.
Alors, s’il te plaît, dis-moi tout, et la vraie vérité, pas les bêtises que tu sors pour rassurer les gens. Comment va Émeline ? Est-elle... Encore une bonne jeune fille ? Celle qui rigolais quand elle montait sur mon cheval ? »

Astrid avait toujours du mal à y croire. Émeline ne semblait pas avoir quoi que ce soit en commun avec ce banni. C'était une très belle demoiselle et même si Astrid ne l'appréciait pas vraiment elle devait reconnaître qu'elle avait une certaine élégance.

- Elle n'a jamais parlé de vous.

Ce n'était pas très étonnant, si Astrid avait eu un frère banni elle ne l'aurait certainement pas crié sur tous les toits. Elle se demandait à quel point l'affaire était connue sur l'Esplanade, parce qu'ailleurs personne ne semblait s'en soucier.
Elle se demandait à quel point l'homme serait touché par cette omission. S'attendait-il à ce qu'Astrid connaisse assez sa soeur pour tout savoir jusque là? Il était vrai que la cartomancie poussait à la confidence mais ça avait tout de même des limites. Émeline et Astrid se voyaient souvent, et pourtant...
Elle se demanda à quel point elle pouvait être franche avec le banni, à quel point il pourrait supporter l'avis qu'elle se faisait de sa soeur. Tant pis, il voulait la "vraie vérité".

- Personnellement, je trouve que c'est une garce superficielle et superstitieuse.


Voir une cartomancienne traiter quelqu'un de superstitieux devait avoir un petit côté comique, mais Astrid n'avait pas l'air de s'en amuser. Entendre sa voix si douce être si franche n'était pas non plus très habituel. Astrid passait la plupart de son temps à raconter plus ou moins des salades, et le reste à se taire.

- Mais je vous rassure, elle a l'air de très bien le vivre.
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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyVen 7 Juil 2017 - 14:00
La réponse de la bohémienne a le mérite d’être très laconique. Froide et laconique. D’un coup, il semble que je défaillis. Mes sourcils obliquent au-dessus de mon front, mes yeux se mouillent un peu, et je prends une inspiration un peu tremblante qui me fait légèrement pencher les épaules en arrière.
Je ne sais pas véritablement ce que j’attendais comme réponse quand j’ai dis ça. C’est assez hypocrite, mais je me suis vanté de vouloir la vérité, quand en réalité, je voulais qu’on me serve les mêmes balivernes débiles que l’on sert aux autres. Je m’en rends compte dans la seconde qui suit les trois phrases qu’elle a succinctement lancées. C’est pas sa remarque en soi qui me fait de la peine, même s’il est vrai que j’apprécie très peu qu’on taxe ma sœur chérie de garce -en tant normal, peut-être qu’une paire de claques serait partie sans que je ne puisse m’en empêcher- c’est juste la nostalgie et le manque qui assaille mon cœur. Ma petite sœur je l’ai au final pas connue aussi longtemps que je l’aurais voulue, passant ma vie sur les routes de joute en joute, puis de conroi en conroi pour suivre les bannières et les oriflammes de guerre. Les moments avec elles étaient toujours magnifiques, mais je ne l’ai pas vue grandir, et je ne l’aie jamais vue avec une autre paire d’yeux que celles du grand frère qui la gâtait quand il avait la chance de venir errer dans la maison comme le fils prodigue, malgré tous les scandales qu’il provoquait aux quatre coins des Langres.

Ouais, je me sens profondément triste. Un peu trop longtemps d’ailleurs. Je bats des cils, pour vite me débarrasser des larmes qui me montent, et je me remets à parler, avec une voix qui a prit une octave de moins tant ma gorge est compressée par une peine soudaine que j’essaye d’éloigner, comme je l’éloigne quotidiennement, jour après jour, lorsque je suis tiré de mon sommeil par des cauchemars récurrents qui me plongent dans la peine et les regrets.

« Hé bien... Je souhaite revoir ma famille. Moi et mon ami là. Nous souhaitons traverser l’Esplanade... Le fait que tu sois invité au manoir de la famille d’Agrance est très utile pour cela. Je sais que ta profession n’est pas celle de passeur, mais je suis prêt à te payer.
En réalité je dois te l’avouer que je n’ai pas tellement d’idée pour la... Technicité de comment l’on peut traverser la garde de la porte des anges, je ne sais pas comment les choses ont changé à Marbrume depuis mon départ. Mais toi tu dois le savoir, puisqu’il t’arrive de t’y rendre, là-haut, chez les nobles. Je te le demande ; Comment est-ce que tu peux nous aider ? »
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Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyVen 7 Juil 2017 - 16:14
Ce type était peut-être un sauvage, peut-être un banni, son odeur était peut-être absolument repoussante, mais contrairement à ce qu'il avait prétendu il était humain. Sa tristesse n'échappa pas à Astrid, qui regretta instantanément ses paroles. Elle se montrait généralement plus sympathique, ou en tout cas plus douce lorsqu'elle devait annoncer de mauvaises nouvelles. Elle aurait dû faire un effort, comprendre que le sujet était peut-être un peu plus sensible que ce qu'il avait prétendu. Même si elle aurait pu se réjouir en se disant que c'était sa vengeance sur la peur qu'il lui avait causée, Astrid n'était pas foncièrement méchante, et se montrait sensible à la tristesse qu'elle venait de causer. Dans d'autres circonstances elle se serait peut-être excusée. Mais ce n'était pas le moment. Le silence était long, elle voyait bien les yeux brillants de ce monsieur d'Agrange. Même sa voix avait changée.
Le visage d'Astrid exprimait en tout cas, sans se cacher, la gêne qu'elle ressentait d'avoir été si directe.

« Hé bien... Je souhaite revoir ma famille. Moi et mon ami là. Nous souhaitons traverser l’Esplanade... Le fait que tu sois invité au manoir de la famille d’Agrance est très utile pour cela. Je sais que ta profession n’est pas celle de passeur, mais je suis prêt à te payer.
En réalité je dois te l’avouer que je n’ai pas tellement d’idée pour la... Technicité de comment l’on peut traverser la garde de la porte des anges, je ne sais pas comment les choses ont changé à Marbrume depuis mon départ. Mais toi tu dois le savoir, puisqu’il t’arrive de t’y rendre, là-haut, chez les nobles. Je te le demande ; Comment est-ce que tu peux nous aider ? »

Astrid non plus n'avait aucune idée utile pour le moment. Faire passer la porte des Anges à deux bannis ! Si elle acceptait elle allait risquer la peine de mort. D'un autre côté, elle savait qu'elle ne pouvait pas se passer de tout l'argent qu'elle parviendrait à amasser... Elle enroula une mèche de cheveux autour de son index droit, songeuse.

- Si j'acceptais... Je devrais vous emmener sur l'Esplanade ? Ou dans le Manoir ?

Avant de s'engager à quoi que ce soit, elle préférait être bien sûre de ce qui lui était demandé. Histoire de savoir quel était le risque exact, et si le paiement en vaudrait la chandelle...

- Votre soeur, elle sait que vous cherchez à la voir ? Elle est d'accord?

S'ils pouvaient avoir ce genre de complice, les choses pourraient devenir bien plus faciles... Viktor par exemple lui avait laissé un fourreau avec son écusson, et elle pouvait facilement passer quand elle souhaitait aller le voir. Elle ne voulait cependant pas le mêler à cette histoire ou lui attirer des ennuis, elle trouverait autre chose. De toute façon, même avec un écusson ou un laisser-passer spécial de la part d'Émeline, les deux bannis, vu leur état, se verraient refoulés à la porte.

- En tout cas, si vous voulez une chance de passer par la porte, et moi je ne connais pas d'autres entrées, il va au moins falloir vous laver et laver vos vêtements. Ou les changer, je sais pas.


Il y avait toujours des gardes, et avec leur style... Ils n'auraient aucune chance.
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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyDim 9 Juil 2017 - 13:20
Toute cette histoire est de plus en plus flippante. L'Esplanade. Bordel. J'y suis déjà allé quand je venais juste d'arriver à Marbrume, avec un physique encore assez enfantin pour que ma métèquerie soit inoffensive. C'était plein de fontaines et de gens habillés très colorés. C'était les magasins les plus impressionnants. Les domaines des nobles me font plutôt peur. Même les fenêtres ont l'air de vous regarder méchamment, avec les frontons qui ressemblent à des gros sourcils. Trop grand. Trop de pierres. Puis quand j'ai vu des parades de loin, les nobles ont l'air de bouger selon une chorégraphie très compliqué. J'ai peur de me retrouver là dedans sans connaitre aucun pas.

Bon je vais encore faire le domestique, ou l'esclave, ou l'âne de bât, ou autre rôle très reluisant mais j'ai l'habitude. Tant qu'on me demande pas de manger à table. Ca avait l'air de la partie la plus pénible et ritualisée de l'affaire. Tout plutôt que de manger à table.

Et voilà que maintenant il faut qu'on se lave !

Il va falloir trouver de l'eau et un endroit un peu discret pour se mettre tout nus. Et des vêtements ? Bordel, autant nous demander la lune. J'arrive à peine à marcher dans la rue cent mètres sans faire une crise d'angoisse. Je me sens extrêmement acculé. Ce qui n'est jamais bon quand on parle de gens violents et désespérés. Je fixe Astrid avec du meurtre dans les yeux. Elle va pas s'en tirer comme ça, on va pas partir à la mort chercher une baignoire pendant qu'elle garde les dents et qu'elle part se cacher. C'est pas parce que j'assume ma crasse que j'en ai pas honte. Le manteau que je porte est à peu près récent, mais en dessous y a plusieurs un bloc de haillons en aggloméré de crasse. J'enlève jamais vraiment mes vieilles fringues, je rajoute plutôt des couches des couches neuves par dessus. C'est tellement sale que la sueur et le sang se sont englués dans mes poils de ventre et que je fais un peu corps avec mon habillement. C'est ça qui pue abominablement. Ca et mes cheveux. J'aime mettre du cuir en lambeaux et de la laine moisie entre le monde et mon petit corps fétide. Et maintenant faut que je me lave. Bordel. C'est trop dur.

- Oué, et bah, j'pense que ça fait parti de ton boulot de passeur de nous aider alors !

Je suis tellement colère et stressé que je parle avant Lucain sans difficulté, ce qui n'arrive pas souvent.

- On va pas bêtement partir tout l'après-midi pour courir après une baignoire. Tu vas voler notre argent et partir ! Faut que tu nous aides à nous laver.

J'aimerais la menacer, mais pas trop frontalement pour pas qu'elle me maudisse. Mais que quand même, malédisance ou pas, elle sache que la beigne allait partir sur sa petite frimousse si j'avais des raisons de paniquer.

- Sinon j'crois qu'on va être dans une impasse et qu'on va rester là à puer et à t'faire chier.

Je sais pas pourquoi la menace "puer chez toi" m'est venue mais elle est bien.
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: L'alcool et la folie.   L'alcool et la folie. EmptyDim 9 Juil 2017 - 22:01
Astrid avait l'impression d'avoir touché un point sensible en parlant de lavage. Celui qui ne disait rien depuis le début ou presque la regardait tellement méchamment que la demoiselle se demandait si elle n'avait pas insulté sa mère par inadvertance. Elle avait à peine terminé sa phrase que ce type commençait à parler, et ce n'était pas sur un ton très avenant.

- Oué, et bah, j'pense que ça fait parti de ton boulot de passeur de nous aider alors ! 

Oui, ça faisait donc parti d'un boulot qu'elle n'avait absolument pas accepté pour le moment. Toute la colère qui semblait transparaître dans cette simple phrase ne la motivait pas du tout à se montrer serviable. Prendre autant de risques pour deux inconnus n'était déjà pas évident, mais si en plus ils se montraient si antipathiques... Astrid pourrait reconsidérer la possibilité de se nourrir exclusivement d'eau et leur envoyer leur bourse pleine de "monnaie" non identifiée au visage. Qu'ils s'estiment heureux qu'elle n'appelle pas la milice déjà!

- On va pas bêtement partir tout l'après-midi pour courir après une baignoire. Tu vas voler notre argent et partir ! Faut que tu nous aides à nous laver.

Astrid leva les yeux au ciel. Ils n'avaient encore rien convenu ! Il n'était même pas encore question des informations qu'elle jugeait essentielles, puisqu'au lieu de lui répondre sur les points les plus importants on relevait la dangerosité de la baignoire. Elle avait juste voulu souligner ce qu'elle considérait comme une nécessité évidente mais qui avait visiblement échappé aux bannis. Sinon, ils sentiraient bien meilleur. Mais bon, elle voulait bien essayer de voir ça simplement comme une marque de méfiance, ils ne la connaissaient pas et elle avait le pouvoir de les dénoncer, elle pouvait comprendre...

- Sinon j'crois qu'on va être dans une impasse et qu'on va rester là à puer et à t'faire chier.

Menace. Astrid lança un regard mêlant interrogation et colère à celui qui semblait être le cerveau des opérations. Il était beau le climat de confiance mutuel et de sérénité! À peine avait-elle rangé sa dague qu'on la menaçait.

- Ah ? Moi je ne compte pas rester ici, mais si vous avez peur de vous ennuyer tout seul, je pourrai toujours vous envoyer la milice? Ou autre chose.

Évidemment elle n'appellerait personne. Ou en tout cas pas la milice, parce qu'elle ne les aimait pas beaucoup eux non plus. Mais dénoncer des bannis pourrait lui permettre de s'attirer leurs faveurs, ça n'était pas négligeable... Sinon, il y avait toujours la malédiction qui pouvait marcher sur celui là...

- Je n'ai pas dit que j'acceptais de vous aider à passer, et je n'ai pas dit que vous devriez vous débrouiller tous seuls pour vous laver non plus. Seulement je vous faisais remarquer que c'est une étape nécessaire, indispensable, obligatoire, appelez ça comme vous voulez. Vous vous considérez peut-être comme des sauvages, mais pour la porte des Anges il faudra être civilisé. Mais ça c'est pas mes affaires, à la limite. Si vous voulez vous faire arrêter rien qu'à l'odeur, allez-y je vous regarde. Seulement pour ça vous n'avez pas besoin de mon aide.

Astrid avait une voix trop douce pour qu'on la croit en colère. De toute façon elle ne l'était pas vraiment. Elle avait un peu peur de ces types, elle était énervée par la manière dont ils lui parlaient, elle avait mal au crâne à cause du croisement de l'odeur d'encens et de celle des bannis, elle n'était plus tout à fait elle-même. Mais elle avait une voix parfaitement douce. Ça lui avait valu un surnom après tout.

- Donc, vous comptez répondre à mes questions pour que je vois ce que je peux faire pour vous, ou vous préférez continuer à me menacer ? De toute façon ma tente empeste déjà maintenant.

En vérité, la voix d'Astrid était finalement lasse. Le problème s'étirait elle n'en voyait pas le bout, elle avait l'impression que c'était peine perdue, et que ces deux hommes seraient bien incapables de se montrer juste... Polis, deux minutes. Qu'ils la menacent encore. Qu'est ce que ça pouvait lui faire ? Ils n'allaient tout de même pas prendre le risque de l'étriper dans sa tente alors qu'il y avait peut-être des clients potentiels juste à côté?
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