Marbrume


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 Lutan Vabre [Terminé]

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Lutan Vabre [Terminé] Empty
MessageSujet: Lutan Vabre [Terminé]   Lutan Vabre [Terminé] EmptySam 19 Aoû 2017 - 2:33




Lutan Vabre




Identité



Nom : Vabre
Prénom : Lutan
Âge : 17 ans
Sexe : Masculin
Rang : Faisant partie du peuple. Pêcheur, videur de poisson, miséreux.
Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs : Carrière du Marin ou du Pirate.
+3 HAB, +1 INI
Compétences et objets choisis :
Compétences : CANOTAGE, NATATION, PÊCHE, FUITE.
Objets : Tenue en lin. Il possède également un couteau pour vider le poisson, je ne sais pas s'il faut le considérer comme une arme.


Physique



Lutan est un jeune homme imberbe, brun aux yeux bleus. Son corps est maigre, ses muscles sont presque inexistants, il ne fait peur à personne. Il a la peau pâle et a rarement l'air d'être en forme.
Ses vêtements, toujours les mêmes, sont terriblement sales et en lambeaux. Ceci ajouté à des cernes qui soulignent souvent ses yeux, à son teint, ainsi qu'à son air affamé, font en sorte que l'on voit immédiatement en lui quelqu'un de pauvre.
On pourrait facilement le confondre avec un mendiant, en le croisant pour la première fois.

Le seul détail qui rend, parfois, son physique un peu plus avenant, c'est lorsqu'il sourit. Son sourire innocent, qui révèle toute la candeur de son esprit encore enfantin, illumine son visage jusqu'à nous en faire oublier ses défauts. Certains pourront le trouver énervant, car malheureusement le jeune homme ne peut pas se cacher d'avoir une affreuse tête à claques.

Bien des gens ont envie de le frapper rien qu'en le voyant. On le considère facilement comme un pantin désarticulé, acceptant et appréciant les coups qu'il reçoit, sans broncher. Sa capacité à avoir l'air d'un bon défouloir est telle qu'elle le met régulièrement en danger de mort depuis qu'il est arrivé au port de Marbrume.

Le charisme qu'il dégage est proche du néant, au point qu'on pourrait ne pas avoir le moindre souvenir de lui même si on le fréquentait tous les jours pendant un an. Il n'a jamais séduit une femme, et n'a jamais espéré penser en être plus ou moins capable un jour. Son estime ridicule de lui-même se ressent dans ses gestes et dans son attitude. Il se fait tout petit peu importe la situation, et semblera toujours tout faire pour se faire oublier.


Personnalité


Lutan est un froussard. Un peureux. Un lâche.
Dès qu'il est en situation de danger, ou même simplement dans une ambiance qu'il trouve pesante, il se réfugie dans ses songes en occultant le monde extérieur. Il cherche immédiatement à oublier, il n'arrive pas à affronter les choses. Son réflexe le plus courant est de pleurer.
Sa peur est telle qu'elle l'a poussé, durant sa vie, à fuir dans des situations où il n'aurait pas dû, selon lui. Et ainsi, sa frousse viscérale le mène - petit à petit - à une honte profonde, voire à de la haine contre lui-même. Il est peureux, mais ne voudrait pas l'être. Il aimerait être comme son père ou son grand frère, qui étaient des hommes vaillants, et qu'il admire au point d'en faire ses modèles. Il voudrait véritablement être fort, et à chaque fois qu'il voit son corps trembler alors qu'il devrait se battre, son estime de lui baisse vertigineusement.

Au delà de ça, Lutan est profondément gentil, réservé, timide et calme. C'est un jeune homme plein de bonne volonté, rêveur, et travailleur. Il cherchera toujours à aider quelqu'un en difficulté, à condition que la peur ne lui fasse pas perdre ses moyens, et aura toujours une pensée triste et concernée pour ceux qui souffrent autour de lui.
Un sourire ridicule et enfantin monte souvent à ses lèvres, lorsqu'il arrive à se souvenir de son amour pour l'océan. En effet, ce dernier est la seule chose qu'il garde dans son cœur comme symbole de la beauté du monde. Lorsque Lutan regarde les vagues, l'écume, et l'étendue bleue, en respirant l'air du large, ses problèmes s'envolent. Un appel de liberté revient dans sa tête, et il rêve à nouveau.

Il se laisse très facilement dominer dans son rapport aux autres. Puisqu'il se considère, lui-même, comme un moins-que-rien, il n'a pas de mal à accepter qu'on se serve de lui. Il ne dit rien lorsqu'on le frappe, il ne se révolte pas si on le vole, et ne cherche pas à lutter lorsqu'on l'humilie. C'est pour cette raison qu'il est en ce moment même un quasi-esclave à la botte d'un marchand louche qui se fait nommer "Bouc noir".

Enfin, Lutan est un très fervent croyant. Il croit de tout son cœur en la trinité, et prie le plus souvent Anür qu'il aime d'un amour fou. Il considère que la seule joie qu'il obtient, dans ce monde, est due à Anür, qui lui permet de voguer sur l'eau en lui offrant la grandeur et la beauté infinie de l'océan. Il lui en est éternellement reconnaissant.

Histoire



Une petite maison du littoral, face à la mer, au sud est de Marbrume, adossée contre un maigre champ de blé. Mais il serait faux de dire que je voyais le paysage de cette manière, à cette époque. Pour moi tout était immense.

- Où il est papa ? dis-je.
Silence. Je repris :
- Relin il a dit que c'était pas normal que j'ai pas de papa. Que j'en ai forcément un.
Silence. Une brise soufflait sur la lande froide, apportant l'air de l'océan. Je frémis.
- Maman ? Pourquoi tu me réponds pas ?
Elle restait muette, attelée à creuser la terre avec une pelle. J'attendais derrière elle. Je l'entendis soupirer. Dans mon dos, mon frère ainé intervint :
- Il est mort, papa, Lutan. Il est mort quand tu étais dans le ventre de maman.
- Pourquoi ? demandai-je.
Je m'étais tourné vers lui en posant la question. Il avait onze ans et demi, et il était très grand à côté de moi. Ouvrant la bouche, il s'apprêtait à me répondre, mais ce fut ma mère la plus rapide :
- Anür a décidé de le reprendre avec elle. C'est un choix qu'il faut accepter.

Mon père était pêcheur. D'après ce que Terrence - mon frère ainé - m'avait raconté, il avait un grand bateau d'au moins trois pas de large, avec un mât et même une quille. Il pêchait du poisson tous les jours, et aidait aussi à s'occuper du champ. Il savait tout faire. C'était lui qui avait décoré le mur de la maison avec ces nœuds incroyables, fait dans des cordages d'une dimension colossale.
Maman m'a dit qu'il aimait Anür plus qu'il ne l'aimait elle-même. Et que cela la rendait jalouse parfois. Il adorait voguer sur les flots en fendant les vagues, il avait le sourire aux lèvres en respirant l'air marin, et sa pupille était toujours fichée sur l'horizon bleu, même lorsqu'il était à la maison.
Mais un jour, il est allé navigué alors que le vent était fort. Une tempête a brisé son bateau contre les rochers. Il est tombé à l'eau et n'en est plus ressorti.
Sa petite barque, avec les rames et le petit filet, restait éternellement amarrée près de la maison. J'avais envie d'y monter, pendant toute mon enfance, mais maman disait que c'était dangereux, et qu'il fallait s'occuper du champ.

***

- Lutan c'est un peureux ! se moquait Lidine, ma sœur.
Et Terrence rigolait. Je pleurais, en grognant :
- Vous êtes méchants.
Ils m'avaient fait très peur avec une vilaine farce. Terrence avait dit qu'un monstre était caché dans la grange, et finalement le monstre était Lidine.
- Quel froussard ! Arrête de pleurer ! ordonnait mon frère.
Et je faisais la moue.

Ainsi passait le temps des jeunes jours, où notre innocence gourmande s'approprie l'imaginaire pour en approvisionner le monde neuf. Prenant au sérieux les farces, les contes et les légendes, parce que tout devait être sérieux à nos yeux avides. Nous préférions qu'une histoire fantasque, bien que terrifiante, fusse vraie, plutôt que de se résoudre à accepter qu'elle soit invraisemblable. Le mot "raisonnable" ne signifiait rien à nos oreilles. Et nous en étions heureux.

Nous étions quatre. Maman, Terrence, Lidine et moi.
J'étais le cadet. Lidine avait quatre ans de plus que moi, et Terrence six. Maman s'occupait de nous trois, en nous demandant de l'aider au champ. J'étais le plus réticent et le moins efficace, et me faisais disputer pour cela.
Le champ n'était pas notre seul source de revenu, sans quoi nous n'aurions pas survécu, je l'ai compris plus tard.

- Tonton Delgan ! criait Lidine en courant vers lui.
Je sortis de la maison pour l'apercevoir. C'était un grand homme fort et fier, comme papa, comme ce que je voulais être. Il prit l'adolescente sous les bras et la porta comme si elle était enfant. Je souris et m'approchai d'eux deux. Après les salutations, celui que nous appelions tonton Delgan nous demanda de sa voix grave :
- Où est votre mère, les enfants ? J'ai besoin de lui parler.
Je lui répondis sans hésitation, qu'elle était derrière la maison, près du potager, et qu'elle arrosait. Il me remercia, sans avoir l'air heureux. Son visage était sévère, et il me fit un peu peur.
Peu après cela, je les entendis crier, tous les deux. Mais je n'avais pas le courage d'aller voir ce qu'il se passait, alors je me réfugiais dans la maison, et j'attendais que ça soit fini. Ils hurlaient si fort que les murs ne servaient à rien, alors je me bouchais les oreilles.
- N'importe quelle femme supplierait d'avoir un homme aussi dévoué que moi ! captèrent mes oreilles.
Et puis les cris stoppèrent. Je me débouchai les oreilles, regardai timidement par l'embrasure de la porte, et vis ma mère arriver rapidement avec la main sur les lèvres. Elle entra vivement, en claquant la porte, sans lâcher sa bouche de ses doigts, puis elle saisit une serviette en lin.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? dis-je.
- Tais-toi. répondit-elle sèchement.
Du sang s'étendait sur la serviette alors qu'elle la déposait sur ses lèvres. J'essayai de m'approcher, pour tenter de la réconforter, mais elle me tourna le dos en trempant le tissu dans un seau d'eau. Elle resta ainsi, encore et toujours dos à moi. Je sortis discrètement de la pièce, pour aller regarder l'océan, et alors que mes pas s'écartaient d'elle, j'entendis pour la première fois ma mère pleurer.

Delgan n'était pas notre oncle. C'était un ami de ma mère, de longue date. Son fils, Relin, avait mon âge, et c'était mon seul ami lorsque j'étais enfant. A partir de ce jour-là, Relin cessa de venir me voir, je n'eus plus jamais de nouvelles de lui. Delgan, en revanche, continuait ses visites régulières. Il donnait de l'argent à la famille. Le changement majeur qui opérait, depuis la dispute, c'était le visage de ma mère et celui de Delgan, qui ne semblaient heureux ni l'un ni l'autre.
Delgan continuait d'employer la force avec elle. Et elle ne pouvait pas se défendre, parce qu'il lui rendait service avec son argent. Moi je n'osais rien dire, rien faire, mais Terrence, lui, bouillonnait de rage.

***

Lors de cet été là je naviguai pour la première fois.

C'étaient les fêtes en l'honneur d'Anür, en Juin. Partout autour de Marbrume, dont la muraille était visible depuis le jardin de la maison, on organisait des jeux, des compétitions. Notre famille n'était pas épargnée. On venait nous demander de venir participer, on nous incitait à jouer avec les autres.

Mais moi je n'aimais pas la foule, ni le bruit. Je préférais jouer dans la mer avec mon frère et ma sœur, lorsqu'ils acceptaient de venir avec moi, ou bien tout seul lorsque ces derniers étaient occupés dans des épreuves en l'honneur de la déesse. Je la priais à ma manière, en apprenant à nager, par moi-même - en essayant d'appliquer ce que mon frère m'avait suggéré.

Je passais tellement de temps dans l'eau, depuis que j'étais tout petit, que Lidine m'avait surnommé "Le petit poisson", suivit ensuite par les autres qui reprirent ce surnom.

Cet été là, j'avais franchi toutes les limites. Je passais littéralement toute ma journée dans la mer qui faisait face à la maison. Ma mère me vit faire et constata que j'avais fini par réellement apprendre à nager. Ma nage était légèrement chaotique, un peu ridicule, mais elle fonctionnait.

Elle m'autorisa alors à prendre le radeau.

- C'est parce que c'est la fête d'Anür. disait-elle. Prie la, lorsque tu seras à bord du bateau, et tu pourras ensuite t'éloigner un peu du rivage. Mais ne dépasse pas les derniers rochers.

Je m'exécutai sans attendre. Non sans difficulté, parce que je n'avais compris le principe que théoriquement, je parvins à manœuvrer la barque. Il n'y avait pas de vent, ni de vague, ce jour-là. Et c'est lorsque je fus en train de naviguer qu'il me vint l'idée qu'en définitive, bien que ma mère m'ait souvent mis en garde contre ce bateau, je ne risquais rien du tout. La mer était mon amie, et non mon ennemie. Certes elle n'était pas douce, certes elle ne souriait pas tous les jours, mais c'était mon amie. C'était même bien plus que cela, c'était ma déesse, c'était Anür.

Et, dans mon souvenir, il me semble que c'est précisément à ce moment-là. Au moment où j'étais sur le bateau, et que je voyais l'océan dans toute son immensité, bercé d'un silence calme et reposant, que je compris la force et la grandeur d'Anür, et que je vis de mes yeux ce que mon père ressentait. Chacun reçoit sa foi à sa manière, chacun la comprend avec ses sens.
Moi, si j'aime Anür d'un amour inconditionnel, c'est pour la joie qu'elle m'a donné, en me montrant la beauté du monde.

Seul, balloté par les remous de la barque, je souriais à pleines dents. Le soleil brillait sur l'eau en me chauffant la peau, et l'air portait un goût de liberté.

Lidine et Terrence furent jaloux, un temps, que je sois le premier à avoir eu le droit de monter sur la barque. Mais lorsqu'ils me virent en parler avec tant d'entrain, lorsqu'ils s'amusèrent à me voir jubiler face à l'océan, ils comprirent que j'étais probablement celui qui en profitait le plus. C'était mon truc, à moi, le bateau. Comme papa, je voulais être pêcheur. Ca n'était pas leur cas.

***

A mes douze ans, alors que les autres travaillaient au champ, moi, j'essayai d'attraper des poissons. Je n'avais comme matériel que le vieux filet que papa avait laissé dans la barque. Je ne savais pas comment m'en servir, et par conséquent je revenais bredouille tous les jours. Maman soupirait, Lidine me criait dessus.

Je trouvais Maman de plus en plus triste. Je ne savais pas comment l'aider, et c'était pour ça que je tentais tant bien que mal de faire ce pour quoi je croyais être fait. Parfois, le soir, je ne revenais qu'une fois la nuit tombée, et ils avaient diné sans m'attendre.
Mais à la mi journée, j'étais toujours à l'heure pour le déjeuner.

Ce fut un midi, alors que j'allais bientôt avoir treize ans, qui me restera à jamais en mémoire.
J'amarrais mon radeau, en l'attachant à un arbre qui bordait la côte, quand tout à coup j'entendis un cri. Cela venait de la maison. Prenant peur, je marchai à pas de loup tout en m'approchant. Terrence s'époumonait. Je ne savais pas ce qu'il disait, mais je l'entendais hurler à l'intérieur de la maison. La voix de Delgan lui répondait avec tout autant d'entrain.
- Je ne me sers pas de ta mère, petit, elle est d'accord pour que je fasse ça ! Tu devrais me remercier de vous donner mon or, alors qu'elle ne montre même pas de bonne volonté pour faire son devoir !
Je m'approchai un peu plus près, restant baissé, caché. Je collai mon dos contre le mur de la bâtisse. Terrence hurlait :
- Tu te fous de moi ? Tu voudrais qu'elle se fasse violer avec le sourire ? Pauvre merde !
L'oppression gagnait ma trachée. Je comprenais que cela ne pouvait plus finir bien. Aussi mon esprit s'écarta de la situation, il se coupa de la réalité, et je me mis à fixer l'herbe devant moi sans chercher à les écouter, les mains plaquées sur les oreilles.
Bruits de vaisselle brisée. Coup.
- Tu ne me parles pas sur ce ton, petit con !
Autre coup, hurlement. Rage. Atmosphère lourde. Ma mâchoire était tellement serrée que mes molaires me faisaient mal. Je gémissais en pleurant.
- J'aime ta mère, petit, tu m'entends ? Je l'aime !
- Et tu crois que c'est réciproque ? Pauvre minable ! Ma mère aime mon père ! Garde ton argent et fous le camp d'ici, définitivement.
- Je t'ai dit de ne pas me parler sur ce ton !
Coup brutal. Trop brutal.
Silence. Puis hurlement, de ma mère cette fois, et ça n'est pas quelque chose d'articulé. Simplement un cri de désespoir.
- Merde. jura Delgan. Il est mort.
- Espèce d'enculé ! hurla Lidine de toutes ses forces, alors que je l'entendais se ruer sur l'homme.
Mon visage tremblait. Mes yeux étaient tétanisés, ils gardaient la même position. Grands ouverts, dans le vide, sans pouvoir s'en détacher. Je n'acceptai pas d'entendre. Je n'acceptai pas d'entendre.
Peu de temps après, je vis le grand homme sortir de la maison, avec un visage indifférent. Il se racla la gorge, passa la langue sur ses incisives, et se mit à marcher.
Je voulais le poursuivre, je voulais me venger, je voulais, vraiment, faire preuve de courage. Il venait de tuer mon frère, je le savais. Il venait d'anéantir ma vie, sans raison autre que pour avoir un respect ridicule qu'il ne méritait pas. Mon frère avait raison, sur toute la ligne. Delgan n'avait pas le droit de se servir de maman, on se fichait bien de son argent. Même pauvres nous serions bien plus heureux.

Je voulais être comme mon père, je voulais être comme mon frère. Mais mes jambes ne bougeaient pas. J'avais envie de me battre, de montrer mon avis, de hurler, de frapper. Mais je tremblais et je pleurais.

J'étais un lâche.

Bientôt je verrai le cadavre défiguré en morceaux de Terrence gisant dans son sang sur le parquet noir de mort. Ma mère étendue à ses côtés en larmes de son impuissance mordante face à la force d'un homme dément. Et Lidine qui tenait son bras blessé en tremblant sans s'arrêter.

Moi je n'étais pas intervenu.

On rendit le corps de mon frère à Anür quelques jours plus tard. Après qu'il fut immergé dans l'eau, et que le cercueil fut refermé, je choisis d'y déposer un nœud que j'avais fabriqué moi-même. Je n'avais rien de mieux à offrir.
Et il fut enterré.

Delgan, de son côté, ne fut pas puni. On estima qu'il avait défendu son honneur. C'était un homme respecté, personne ne douta de cela.

***

Après ce jour, la vie fut plus dure, plus triste.
Delgan revenait toujours nous voir, régulièrement. Et Lidine ne le supportait pas. Elle criait à ma mère de refuser son argent, elle la suppliait d'arrêter cette routine, au moins pour laver l'honneur de Terrence. Maman ne répondait rien du tout.

Et puis alors, Lidine partit. Elle se maria avec un brave homme, plus âgé qu'elle, qui était cordonnier. Il s'appelait Arphan Dune, et habitait Menerbes, pas très loin de la maison. Ce fut lui qui paya le ruban. Je n'eus l'occasion de voir Arphan que deux ou trois fois.
En fait, Lidine avait fini par détester sa propre famille. Elle nous évitait. Elle nous oubliait.

Alors, à la maison, il n'y avait plus que maman et moi. Nous vivions presque uniquement de l'argent de Delgan. De temps en temps, je ramenais du poisson, ma mère avait alors un sourire triste, et me félicitait sans avoir l'air d'y croire.

Je lui demandai souvent de venir, avec moi, vivre à Marbrume. Je lui disais que dans le port je pourrais réussir à faire partie d'un équipage, et que nous serions moins miséreux là-bas. Je lui disais que cette maison portait le poids de la mort de papa et de Terrence, et qu'il fallait s'en aller pour s'en délivrer.

Elle me répondait que Rikni nous avait mis à l'épreuve. Qu'il fallait se battre face à la douleur et au deuil, et non pas fuir.

***

C'est à l'âge de quinze ans que je vis pour la première fois des hommes exilés, terrorisés par le Fléau. Certains nous demandaient l'asile, mais nous n'avions pas de nourriture à leur offrir. Ma mère acceptait de leur donner le lit de Terrence, ou celui de Lidine, pour quelques jours, mais ils ne devaient pas rester trop longtemps, sans quoi Delgan levait le ton en leur demandant de s'en aller.
Cette période ne dura pas. Car, sans se faire attendre, les Fangeux sont venus jusqu'à nous.

C'était une soirée particulièrement agitée. La porte était grande ouverte. Delgan, qui d'habitude ne restait pas longtemps chez nous, avait décidé de prolonger son séjour cette fois pour écumer de rage. En colère, il ne cessait d'aller et venir. Il partait dehors quelques instants, pour respirer avec force l'air du large, puis il revenait en frappant ma mère derrière la tête. On sentait qu'il se contenait, dans son geste, mais qu'il souhaitait y mettre toutes ses forces.
A chaque coup, le visage de ma mère partait vers l'avant, et ses cheveux volaient. Moi, je restais muet, sans intervenir, comme à mon habitude.
Delgan criait, ma mère ne répondait pas. J'avais les yeux fixés sur mon assiette vide.
Au bout d'un moment, je choisis de m'extirper de là. Je sortis par la porte ouverte, et me dirigeai vers la plage. Une fois là-bas, j'observai le large, en essayant d'ignorer les hurlements qui perduraient dans mon dos.

J'étais assis, les mains sur les jambes, face à la mer. Une lune masquée par quelques nuages se reflétait, trouble, sur les vagues. Je me laissai bercer par le son de l'onde qui devient écume.

Mais soudain, un hurlement plus étrange que les autres. Ca n'était pas de la colère, c'était de la peur. Je tournai la tête vers la maison, je vis des silhouettes déjantées, immondes, se jeter sur Delgan, qui était dehors. Elles le griffaient et le mordaient avec un acharnement meurtrier. Ma mère hurlait. Je paniquais.
Sans réfléchir, je me précipitais vers la corde de mon bateau. Les doigts tremblants, je tentais de défaire le nœud pour le libérer. Je n'y arrivais pas. Je paniquais, je n'y arrivais pas. D'autres cris, encore plus forts.

Je pris mon couteau, qui était dans ma poche, et je coupai la corde. Puis je courus à toute vitesse vers mon bateau, je le poussai du plus vite que je pouvais, je montai dessus et je ramai frénétiquement. Une fois au large, je regardai la lumière de ma maison avec les larmes aux yeux. Je ramenai mes bras contre moi, joignis les mains, et priai :
- Anür, Anür je t'en prie. Sauve nous.

Le vent soufflait, les vagues me berçaient. Je continuais, en pleurs :
- Anür, veille sur maman. Anür.

Et je compris que j'avais encore fui. Les sanglots me prirent à la gorge. J'étais minable. Jamais je n'avais songé à protéger ma mère. J'ai abandonné ma mère, tout comme je l'ai fait avec Terrence.
J'étais un moins que rien. Jamais je n'aurais pu prétendre à l'amour des Dieux.
Je savais que ma mère n'avait pas pu s'en sortir. Je le comprenais lourdement, au fond de mon cœur. Ma mère était morte, sans l'ombre d'un doute, et je n'avais même pas cherché à aller la sauver.

Je n'avais pensé qu'à moi. Je n'avais peur que pour moi. Je masquais la réalité, je me pensais en sécurité lorsque j'occultais le monde, mais c'étaient mes proches qui en mourraient.

Lorsque j'ignorais ce qui m'entourait, en me cachant les yeux, je laissais l'horreur se dérouler sans rien y changer.

***

J'avais rejoint le port de Marbrume, avec ma petite embarcation. Ce soir là j'avais amarré mon bateau au premier ponton que je voyais, et je m'étais couché sous un toit sans mur, comportant du foin et des caisses. J'étais loin de me douter que le propriétaire des caisses, du foin, ainsi que - d'après lui - de la place sur le ponton, viendrait me demander des comptes.

C'était un grand et gros homme d'une quarantaine d'année, peu commode, qui se faisait appeler "Bouc noir". Je ne connaissais pas son vrai nom. Il n'avait que peu de cheveux, il était brun, les yeux noirs, des rides fourmillaient sur son visage en lui donnant un air peu avenant. Il était toujours vouté, et avait un bouc en guise de barbe. Son langage habituel, c'était le grognement.

- Hep, gamin. Qu'est-ce que tu fous là ? Tu veux pas plutôt dormir dans les égouts comme toutes les merdes de ton genre ? grognait-il.
- Je... Je ne savais pas que c'était à vous. Je suis désolé. bafouillai-je.
- Ferme la. Et le radeau pourri, là, c'est à toi ?
- Oui. C'est le radeau de...
- Ferme la. Bon. T'as rien à foutre gamin ? Vide moi ces poissons.

Et il posait devant lui un lourd sac rempli de macros, dorades et autres bars. L'odeur laissait à désirer, et laissait à penser qu'ils n'avaient pas été pêché pendant la nuit.

Après cela, je n'ai cessé de travailler pour lui. Il acceptait de m'accorder un lit au chaud, au rez-de-chaussée d'une cabane délabrée, qui lui servait d'entrepôt, ainsi que de m'offrir un peu d'or pour manger, et de pouvoir garder mon bateau amarré là. C'était le maigre paiement pour mon travail épuisant. Ce dernier consistait à vider des poissons tous les jours, et à aller en pêcher d'autres lorsque je n'en avais plus à vider.

J'avais eu seize ans, entre temps, et je découvris la dure vie de celui qui cherchait à survivre à Marbrume. Les rares fois où j'avais suffisamment d'argent pour me payer un repas copieux, des voyous venaient me le soutirer en me menaçant avec des armes. Je maigrissais à vue d'œil, alors que je n'étais déjà pas épais. Mon ventre souffrait terriblement.
Chaque soir, je pleurais. Je priais Serus de m'apporter la prospérité, je priais Rikni de me donner la force de surmonter cette épreuve, je priais Anür de me montrer la beauté, à nouveau.

Le 21 décembre 1164, pour la fête des morts, j'avais économisé longtemps pour pouvoir m'acheter ma chandelle. Alors que certains pleuraient, pour une fois, je ne le faisais pas. Mes yeux étaient grands ouverts, et restaient fichés sur la minuscule embarcation qui tenait la flamme.


Ce mois-ci, en Septembre 1165, je fêtais mes dix-sept ans. Tout seul.
Je pensais être en train de payer le prix de ma lâcheté, de ma fuite, de ma peur, en vivant si pauvrement. Je ne savais ce qu'était devenue Lidine, jamais je n'avais cherché à le savoir.
Bouc noir me faisait travailler, je m'exécutais, et la routine devenait peu à peu un tombeau, dans lequel je m'endormais tristement.

Soi réel




Certifiez-vous avoir au moins 18 ans ? En effet, j'en ai 24 !
Comment avez-vous trouvé le forum ? (Topsites, bouche à oreille...) Sur ce top site : http://www.root-top.com/topsite/melu/
Vos premières impressions ? Univers génial, idée géniale, design génial, interface géniale, communauté géniale.
Des questions ou des suggestions ? Pas pour l'instant !



Marbrume soutient la création; cette fiche a été codée par Orange de CSSActif




Dernière édition par Lutan Vabre le Sam 19 Aoû 2017 - 12:08, édité 3 fois
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InvitéInvité
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MessageSujet: Re: Lutan Vabre [Terminé]   Lutan Vabre [Terminé] EmptySam 19 Aoû 2017 - 7:29
Bienvenue ici !

J'aime beaucoup ton personnage :)
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: Lutan Vabre [Terminé]   Lutan Vabre [Terminé] EmptySam 19 Aoû 2017 - 8:25
Bienvenue pour de vrai : D
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Victor de RougelacGouverneur de Sombrebois
Victor de Rougelac



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MessageSujet: Re: Lutan Vabre [Terminé]   Lutan Vabre [Terminé] EmptySam 19 Aoû 2017 - 8:43
Bienvenue !
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Lutan Vabre [Terminé]   Lutan Vabre [Terminé] EmptySam 19 Aoû 2017 - 14:03
Encore bienvenue parmi nous Lutan !

Je n'ai rien à redire à ta fiche, elle est très bien, même si elle fait un peu mal au coeur avec le côté poltron de Lutan xD
En revanche, ton avatar n'est pas tout à fait à la bonne taille, il te faut du 200x400. Mais je te valide quand même, tu prendras le temps de le faire dès que tu pourras.

Bon jeu parmi nous !
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InvitéInvité
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MessageSujet: Re: Lutan Vabre [Terminé]   Lutan Vabre [Terminé] EmptySam 19 Aoû 2017 - 14:06
Merci beaucouuup ! Merci pour votre accueil à tous ! :D

Je vais m'empresser de corriger mon avatar !
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Séraphin ChantebrumeAdministrateur
Séraphin Chantebrume



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MessageSujet: Re: Lutan Vabre [Terminé]   Lutan Vabre [Terminé] EmptySam 19 Aoû 2017 - 15:02
Bienvenue à toi! Et super fiche! Je vais peut-être avoir des scrupules à te victimiser (peut-être) :D
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MessageSujet: Re: Lutan Vabre [Terminé]   Lutan Vabre [Terminé] EmptyDim 20 Aoû 2017 - 19:06
Bienvenue parmi nous, en retard ♥
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MessageSujet: Re: Lutan Vabre [Terminé]   Lutan Vabre [Terminé] Empty
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Lutan Vabre [Terminé]
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