Le sens du détail [Christopher - Séraphin - Xandra]

Un type de l’intérieur s’était fait esquinter, un poivrot l’avait amoché durant une interpellation. C’était pas régulier mais c’était pas un fait isolé non plus. Les collègues en parlaient pas tant que ça, on était un peu triste pour lui, c’était un bon élément, m’enfin, il s’en remettrait, il en avait vu d’autres. C’était pour ses dents que c’était le plus triste finalement, parce qu’il avait déjà pas un sourire enjôleur, là il pouvait tirer un trait sur les femmes et manger de la soupe !

Parlant de femme, on avait décidé de le remplacer le temps de sa convalescence. En ce moment y avait pas vraiment plus de délinquance mais plus de rumeurs, des bannis, des magouilles, comme d’habitude, à peine plus, mais ça suffisait pour rendre les miliciens les moins libidineux plus méfiant. Alors là, devant les portes on attendait le remplaçant de Gilles…

- Putain, fallait qu’on nous colle une femelle...

- Tu penses ! Trop content de s’en débarasser pour que’ques jours ! Et toi Séraphin ? T’en penses quoi de ces pisseuses en futal ?

Le coutiller regardait sa dernière recrue en date, attendant avec certitude une réponse grasse qui ferait marrer les trois autres hommes avant de commencer la patrouille. C’était important de créer des liens, de la cohésion et quoi de mieux que de baver sur celles qui restaient pas à leurs place à venir les emmerder ?

D’ailleurs, le cliquetis du mécanisme de la porte les firent se retourner.

- C’pas trop tôt ! C’est quoi ton nom la donzelle ?

- Erkal, Xandra Erkal Monsieur.

Elle avait jeté un regard circulaire, sombre, s’arrêtant à quelques pas du supérieur. A chaque changement d’unité, à chaque intégration d’un nouveau membre c’était pas une partie de plaisir, autant pas se montrer avenante sinon c’était la porte à tout les vannes et à toutes les tentatives plus ou moins douteuses. Elle était pas là pour plaisanter ni pour se laisser trop faire, même si la fermer ça faisait ses preuves avec la plupart.

- J’ai entendue parler de toi tu sais ?

Pas en bien…

- Et pas en bien !

- Je ne ferais pas de vagues, vous pouvez compter sur moi.

Ils avaient rit grassement.

- Compter sur une femme ? L’amie de l’Ecu Rouge qui le laisse cracher sur notre bon Duc ! Tu suis et tu fermes ta gueules. Voila Philippe, lui c’est le Jackot, Franck, Là c’est le bleu, Séraphin et moi t’as juste à m’appeler Coutiller.

- Ouais, nous emmerde pas ! avait surenchérit le Jackot, puisqu’on l’appelait comme ça, même si son petit nom c’était Jack.

Xandra soupira, la journée allait être longue. En silence, la rouquine leurs emboita le pas, restant en retrait. Jetant un coup d’oeil curieux au petit nouveau. Il ne lui disait absolument rien. Ceci dit, sois elle était dehors, soit elle s'entraînait avec Zach, soit elle était loin d’ici. Alors qu’un visage lui soit inconnu n’avait rien d’étonnant. De peur qu’il sente son regard peser sur lui et que les vannes se mettent à fuser, la rouquine se perdit dans la contemplation de l’épée qui battait à la ceinture du coutiller.

Il s’agissait de patrouiller au Labourg et au Goulot, dans les coins les plus sensibles afin de rappeler à la vermine que la Milice, même si elle discrète par là, n’en était pas moins présente, prêtre à ramasser quelques voleurs ou poivrots pour l’exemple ou de se faire plaisir s’ils tombaient au bon moment. Ils cherchaient, attentif, piétinant sur le sols crasseux et non pavés des bas quartiers.

Franck et Jack avaient l’air et pas que, de se faire chier à cent sous de l’heure, sans vraiment regarder autour d’eux. Les autres semblaient déjà plus investi dans leurs missions. Il lui sembla voir Séraphin ralentir l’allure à un moment et se tourna vers lui pour demander à voix basse.

- T’as vu quelque chose ?

Le coutiller, ça a toujours été un parfait idiot, Séraphin ne faisait pas partie de la milice depuis des lustres, mais certaines choses sont impossibles à rater, c’était pas le genre de types qui s’engageait pour assouvir ses pulsions violentes, non, c’était le genre de connard totalement imbu de lui même, et dans le même temps bien conscient de n’être rien d’autre qu’un arriéré au physique ingrat, et d’une abyssale vacuité, le genre de type qui s’était fait martyriser toute sa vie, et qui s’engageait pour écraser et tyranniser ses subalternes.

La nouvelle recrue était plantée là, sous le regard critique et cruel du chef, bien content d’imposer une fois de plus sa domination sur plus faible que lui, car hors de question bien entendu de prendre des risques, pour ça il y avait ses miliciens, qui devaient subir et si besoin est mourir pour leur bien aimé coutiller.

“Tu penses ! Trop content de s’en débarasser pour que’ques jours ! Et toi Séraphin ? T’en penses quoi de ces pisseuses en futal ?”

Séraphin ne répondit pas, impassible comme à son habitude, inutile de surenchérir et d’encourager ce goret à se lancer dans une diatribe assassine, la pauvre allait suffisamment ramasser comme ça…

Philippe et le Jackot ne se génèrent pas, et une pluie de quolibets s'abattit sur la jeune rouquine, qui ne dit rien et affichait d’ailleurs une impressionnante composition, comme indifférente, ou plus vraisemblablement habituée à tout ce déferlement de sexisme et de haine. Eux c’était l’autre genre de miliciens, tantôt simplets tantôt fins, ceux qui ne vivaient que pour l’action, et chez qui la milice était un bon moyen de s’assurer des passe-droits, et une relative immunité concernant leurs exactions, de bons soldats, mais dangereux et imprévisibles.

Xandra Erkal, une jolie rousse, visiblement aguerrie, et pas franchement heureuse d’être là, en même temps qui aurait pu lui en vouloir… Son nom et la promesse qu’elle ne ferait pas de vagues furent les seuls mots à sortir de sa bouche, et maligne avec ça, inutile de titiller la bêtise humaine, elle se suffisait déjà amplement à elle-même.

La mission du jour c’était une patrouille dans les bas fonds, parmi la fange et les coupe jarrets. Le coutiller et les autres traînaient les pattes, indifférents, somnolents, ils s’en foutaient et n’attendaient que la fin du service pour se ruer à la taverne et se saouler jusqu’à l’oubli. Mais ici le danger rôdait en permanence, surtout pour des miliciens, fussent-ils armés, la canaille du coin l’était aussi, aussi Séraphin ouvrait l’œil, et comme il put le constater, Xandra aussi.

Un bruissement dans les ombres, un mouvement furtif à la périphérie du regard, et comme un doute qui persiste, un chat errant, peut-être un rat? Non, comme une intuition qui lui serrait les tripes Séraphin s'arrêta pour scruter les ténèbres d’une venelle adjacente.

Xandra avait saisi son malaise et s’approcha pour lui demander à voix basse.
“T’as vu quelque chose ?”

“Je sais pas, et c’est bien ce qui me perturbe, c’est comme si quelqu’un nous observait, laissons ces crétins continuer et suis moi, ils ne verront même pas qu’on les a lâchés.”

Et d’un pas hésitant, ils s’enfoncèrent dans les ombres, lames au clair, à l’affût...

Alors que les miliciens s’immisçaient dans les rues cafardeuses du Goulot, l'ambiance du quartier venait les prendre au cou. Il faisait bien jour, et pourtant, la lumière s'amoindrissait, les rues devenaient des ruelles, les bâtisses se rapprochaient de plus en plus à chaque pas en avant vers l'intérieur du district. Leurs pas s'enfonçaient dans la terre mélangée à ce qu'on espérait être de l'eau, l'odeur des taudis et des ordures jetées à même le sol venaient leur arracher une grimace. Et chacun de leurs mouvements étaient comme suivis par une masse silencieuse, invisible, comme marcher dans une galerie de portraits, ils pouvaient se sentir observer, et pourtant, à chaque regard lancé, ils ne pouvaient voir personne. Néanmoins, cette pression était bien présente, comme si cette partie de la ville leur murmurait au coin de l'oreille de partir. La plupart des rues elles, étaient bien vides, on pouvait entendre quelques voix ou cris s'élever plus loin dans le faubourg, mais tout le monde semblait les éviter, conscients de leur présence.

Malgré cela, les miliciens avaient vu juste, quelqu'un était bien là, à chaque directions qu'ils prenaient, plusieurs pas se faisaient entendre systématiquement. Une ombre pouvaient les suivre, ou alors la suivaient-ils ? Ou celle-ci les attiraient peut-être là où elle voulait. Les deux soldats pouvaient se poser tant de questions qui resteraient un certain temps sans réponse pour sûr.
Plusieurs ruelles traversées plus tard, pas l'ombre d'une personne, quelques yeux curieux dépassaient des volets en bois, ou de certains trous à travers les maisons, comme des rapaces, spectateurs. Les derniers pas qu'ils pouvaient entendre s'arrêtèrent dans une impasse, les menant derrière plusieurs maisons où se trouvaient une accumulation de caisses de bois pourries, des poutres cassées et tout un tas de ramas.

Le plus observateur des miliciens auraient pu remarquer des jambes qui se faufilaient derrière cet amoncellement, qui disparaissaient très rapidement, ne donnant plus aucun signe de vie. Laissant alors place alors au silence complet, seul le vent venait briser ce calme, formant un courant d'air particulièrement bruyant en ce même endroit. Derrière ces morceaux de bois se trouvait une des entrées des égouts, des escaliers en pierre peu stables qui descendaient. De l'extérieur, on pouvait y entendre le vent s'y engouffrer, ainsi que des murmures et des tapotements.

Ces tapotements étaient en fait des pas, des pas très rapides, précipités, en bas des escaliers se trouvait un jeune adolescent, mince et petit qui descendait à toute allure. Regardant sans cesse derrière son épaule, il s'agissait sans doute de cette ombre qui les épiait depuis leur arrivée dans le quartier. Une ombre maladroite qui les avait probablement menés jusqu'ici à vrai dire. Le garçon était brun, commun, il était habillé de guenilles, presque pieds nus et fuyait visiblement les deux gardes qui ne l'avaient pas encore vu.

Ces murmures eux, étaient des voix qui s'élançaient plus loin dans les galeries sous le goulot, là-bas se trouvaient plusieurs hommes et une femme. Installés comme chez eux dans les égouts, malgré la saleté, ils avaient aménagés une sorte de taverne, un comptoir, des rangements, des tables et tabourets, un foyer au milieu du lieu et surtout des tonneaux d'alcool. Comme à l'extérieur, une odeur horrible, de pourriture et d'excrément s'attaquait à l'odorat de ceux qui n'étaient pas habitués. La plupart des hommes étaient habillés communément, des vêtements de tissus, d'autres portaient des cuirasses voir des morceaux d'armure en fer et acier. Sans aucun doute, certains savaient se battre, tandis que d'autres n'étaient là que pour l'alcool et seraient bien trop ivre pour quoi que ce soit.

Chris se trouvait au milieu de ces hommes, habillé de fourrures et de cuir, il faisait partie des plus costauds d'entre eux, arme au fourreau et sac pesant dans son dos. Il semblait discuter avec celui qui tenait le comptoir, le banni tenait une bourse de cuir en mains qui sentait le trésor à plein nez, et attirait les regards. Face à lui, le tenancier était un homme chauve, portant une moustache et une cicatrice aux lèvres, lui, comme d'autres était habillé d'une légère armure de cuir.

Là-bas, l'humeur était à rire, tout comme dans chaque bousin de Marbrume tant qu'il y avait de la bière qui coulait à flot. La plupart étaient occupés à se saouler en remplissant leur chope encore et encore jusqu'à en tomber. Les autres, Chris, le chauve ainsi qu'un autre homme étaient bien plus sérieux, et finalement, pour se dénouer des rires et des hurlements de joies des saoulards, se détachaient de la brasserie souterraine pour discuter entre hommes, se dirigeant vers l'entrée où le garçon arrivait.

—«Nan, le contrat c'était pas ça, t'as bien dis que je devais juste m'occuper de remplir cette bourse avec quelques bibelots. Ça coûte bien moins cher que tout ça bordel tu te fous de ma gueule Arnaut ?!»

—«Ah... P't'être du Bois, tu veux sans doute aller à la surface pour t'les procurer toi-même ? Oh j'oubliais, tu as ce p'tit problème de B-A-N-N-I-S-S-E-M-E-N-T... !»

Le chauve, Arnaut, lâchait un rire acerbe qui résonnait entre les murs, laissant alors le banni sans voix, seul un grognement venait s'échapper d'entre ses dents serrées. A côté, le troisième homme, avait sortit sa lame après avoir entendu la colère de Chris. Tandis qu'à l'entrée des galeries, le jeune adolescent viendrait sans doute les prévenir de ce qui leur pendait au nez.

“Je sais pas, et c’est bien ce qui me perturbe, c’est comme si quelqu’un nous observait, laissons ces crétins continuer et suis moi, ils ne verront même pas qu’on les a lâchés.”

Ça, des crétins qui les observaient y en avait un bon paquet, mais pour que son collègue tique là maintenant, ça valait probablement la peine qu’on s’y attarde. Du moins, le pensait-elle, après tout pour ce qu’elle savait de celui qu’on avait appelé “le bleu”...

L’idée de le suivre lui plaisait sans plus à Xandra, déjà parce qu’elle trouvait pas ça très malin de se retrouver volontairement en sous nombre dans un coin aussi hostile, ensuite parce qu’on manquerait, pour le coup, à raison, de lui en mettre dans les dents. On était pas censé lâcher sa patrouille pour aller se faire une petite virée à deux.

- Crétins ou pas, c’est ta coutillerie. Ecoute, je te suis mais t’as intérêt de trouver une bonne excuse quand le moment sera venue. Faire des vagues, c’pas trop le bon moment en ce qui me concerne…

Sur ces plus ou moins bonnes paroles, Xandra s’était mis en route, mains aux fourreaux, tous ses sens à présent tournés vers...Les Dieux savaient quoi. Après tout, elle n’avait rien remarqué. Mais il s’avéra que Séraphin avait vu juste, quelques petits picotements, ce besoin instinctif de se retourner comme épiée et bientôt une certitude. Des bruits de pas, des ombres fugaces.

Bon sang, ça se jouait d’eux. Xandra laissait son regard balayer les rues, grimper jusqu’aux façades, lorgner les faibles lueurs. Il était difficile de distinguer ce qui n’était que l'attitude normales des gens sur leurs passages, de celle plus animal qui les avaient conduits là. Si bien que les deux miliciens, finalement, tâtonnaient, mais à présent tout deux certains que cette désagréable sensation était bien réelle.

Cette fois encore, peut être plus aguerri, plus habitué à repérer l'anormal ou tout simplement plus observateur, ce fut Séraphin qui, guidé par son instinct, lui montra une ruelle du regard. Cette fois, la rouquine aussi avait bien vu quelqu’un.

- Hâtons- nous !

Bientôt ils purent mettre une silhouette sur une ombre, des détails sur cette silhouette et leur chasse sans proie, devint celle d’un jeune homme un peu efflanqué, inquiet, à la démarche peu sûre. Est ce qu’il n’était qu’un appât, est-ce qu’ils s’étaient trompés ? Ils n’avaient pas d’autres pistes, pas de signes, pas de relan instinctif qui les poussait à se tourner vers autres chose.

- Merde, on dirait bien qu’il nous conduit vers les égouts le gamin…

Xandra avait murmuré ça, pas vraiment inquiète mais elle faisait pas la fière non plus, ils étaient deux et il lui semblait bien entendre des voix, et même si elles lui parvenaient étouffées, lointaines, elles étaient nombreuses.

- Faut vraiment qu’on soit vigilant, j’aime pas ça.

Avait suivit le raclement du métal, un vague reflet, presque caché par l’absence de réelle lumière comme ses dagues quittaient leurs fourreaux, cette dernière contenue par des toits abîmés, biscornus, qui presque se touchaient. Un signe de tête positif au collègue. Pas besoin de mots, ses gestes avaient répondus à sa question muette.

Je te suis, même là dessous.

Le raclement d’une plaque de métal, des bruits de pas précipités, et une silhouette qui s’évanouit dans les ténèbres…


Derrière un amas de bois pourri et de caisses ayant connu de meilleurs jours, se trouvait un escalier en pierres usées, anciennement caché par une lourde plaque de fonte. C’était ça qui avait attiré son attention, plus qu’un pressentiment, c’était le bruit du métal et l’humidité soudaine qui avait jailli du sol.


Qui pourrait bien avoir assez peur de la milice pour aller se cacher jusque dans les égouts? Les bas quartiers sont déjà bien assez ignobles pour aller se vautrer dans leurs immondices, et pourtant. Les sens aux aguets et le coeur qui battait la chamade, ils s’enfoncèrent sous terre, l’odeur déjà piquante de la ruelle laissa place aux remugles atroces et suffocants des eaux usées de Marbrume.


Séraphin réprima un haut le coeur tandis que Xandra toussait derrière lui, ils se couvrirent tous deux le visage de leur manche et après quelques degrés supplémentaires ils débouchèrent sur un couloir immense, où un canal rempli de fange boueuse et rugissante déferlait dans un vacarme de chutes d’eau, un quai surplombait le chenal et une vingtaine de pas plus loin une lumière diffuse émanait d’un renfoncement, les ombres de ceux qui s’y trouvaient dansaient sur la voûte du sous-sol.


Il eut juste le temps d’apercevoir la silhouette qu’ils traquaient se ruer dans le renfoncement en hurlant.


“Tirez vous vla la milice!”


Une poignée d’hommes en haillons s’enfuirent à toutes jambes tandis que trois autres se dirigeaient vers eux, l’air mauvais et armés jusqu’aux dents. Raffermissant sa prise sur son arme, il jeta un coup d’oeil à sa partenaire qui brandissait elle aussi son épée.


“T’es prête?”

Le gamin continua sa course jusqu'à atteindre les trois hommes, se cachant derrière un mur à quelques mètres d'eux, il pointant ensuite du doigt le couloir d'où il venait. Après quelques secondes, les deux miliciens qu'il avait indiquer sortait de l'ombre, un homme et une femme. Les trois hommes coupèrent leur discussion afin de se concentrer sur les nouveaux venus, Christopher affichait une expression encore plus sévère, tandis qu'Arnaut en rigolait presque, emplit de folie.
Le dernier homme qui les accompagnait dégainait alors aussitôt son arme, une épée bâtarde et un bouclier en bois pendant que les deux autres semblaient plus tranquille.

—«Tu n'as vu qu'eux deux, t'es sûr hein ?» dit le chauve à la marmaille.
—«Ou-oui 'sieur !»
—«Très bien, tires-toi maintenant, bon boulot gamin.»

Sans attendre plus longtemps, l'enfant courut aussi vite qu'il était venu, dans l'autre direction, prenant un couloir parmi d'autres, des moyens de s'enfuir ce n'est pas ce qui manquait. Arnaut sortit ensuite à son tour ses armes, plusieurs couteaux de lancers qui se trouvaient à sa ceinture, tandis qu'à sa taille se trouvait toujours son épée dans son fourreau. Une lame dans chaque main, il était en position, prêt à envoyer ses coutelas sur les gardes imprudents. Christopher, comme les autres, se préparaient, les deux groupes étaient à bonne distance, ce qui apportait un avantage aux hors-la-loi qui possédaient des armes à distance. Le plus âgé, Chris, retira son épais poncho de cuir et de fourrure, le déposant à côté sur un tabouret cassé, ce qui le rendait tout de suite plus mobile. Il était toujours équipé, sous ce poncho, d'une armure de cuir, comme les autres, et finalement, il prit son énorme hache, proportionnelle à sa carrure, en main.

Il tourna ensuite son regard vers le chauve, comme s'il attendait quelque chose, la réaction de l'un des deux groupes, l'attaque, ou la prise de parole. Chris était quelque peu en infériorité numérique ici, les miliciens veulent sa peau, et les deux hommes qui l'accompagnent ne sont pas plus amical. Autant qu'il détestait la milice, s'en sortir sans combattre aurait été la meilleure solution, surtout sans la livraison qu'il avait demandé à Arnaut. Il brisa alors la tension qui s'était installé, avant que quelqu'un ne prenne une mauvaise décision.

—«Vous êtes en mauvaise posture, miliciens, si tous ceux derrière nous ont fuit, vous pensez pas que ça va alerter d'autres qui vont venir ensuite ? Vous vous êtes enfoncés trop loin dans la tanière du loup pour tenter quoi que ce soit.»

Du bout de sa hache, il pointa ensuite toutes les allées à l'intérieur des égouts, des couloirs, des escaliers voire des échelles qui pourrait mener n'importe qui ici en un clin d’œil. Tout comme le fait qu'il pourrait s'agir d'un coup de bluff, mais pour le savoir, ils devraient rester et risquer leur peau pour cette simple raison.
Arnaut, à côté de lui, souriait un peu plus qu'avant, contrastant avec le sérieux de Chris. Le chauve, lui, était prêt à en découdre, et pendant que le plus vieux discutait, il en profitait évidemment pour reluquer la femme milicienne qui se tenait dans l'obscurité en face d'eux un peu plus loin.

“T’es prête ?”

Xandra n’avait rien répondu comme ils se retrouvaient là, tous, à se jauger. Bien sûr que non, elle n’était pas prête et lui non plus. Ils étaient tout sauf à leur avantage, le fait est qu’elle n’allait pas faire demi tour et le planter là, sans compter qu’ils avaient une chance, infime, mais une chance tout de même de peut être choper un bannis. Vu les derniers événements, c’était l’occasion de se faire bien voir. Parce qu’ils s’ils revenaient bredouille la queue entre les jambes après avoir largué les collègues, ça allait chier sévère.

—«Vous êtes en mauvaise posture, miliciens, si tous ceux derrière nous ont fuit, vous pensez pas que ça va alerter d'autres qui vont venir ensuite ? Vous vous êtes enfoncés trop loin dans la tanière du loup pour tenter quoi que ce soit.»

Elle jeta un coup d’oeil au coin à son collègue, comme elle s’en doutait il n’avait pas fait mine de vouloir se rentrer. Aussi, la rousse avait resserré la prise sur ses armes, essayant de ne pas se visualiser là dedans à patauger et pire encore, mais c’était, sans doute possible, ce qui les attendait.

Le regard du chauve était sans équivoque. Depuis l’épisode Angelo, ça la faisait réagir au quart de tour. C’était pas toujours bien pratique, ça la faisait aboyer à des moments ou il aurait mieux valu la boucler. Mais ça l’avait marqué, c’était un fait et Xandra n’y pouvait pas grand chose. Aussi, ce n’était pas à celui qui était visiblement le plus sage d’entre eux tous qu’elle avait répondu, mais à celui dont le crâne luisait dans la faible lumière. Lueurs dont il n’allait pas bénéficier bien longtemps…

-Continues à me regarder comme ça et je te jure que je te la coupe. Lentement.

On avait fait mieux comme répartit, mais la menace, si elle n’était pas tout à fait ça, Xandra se passerait bien de jeter un oeil à ses attributs à l'hygiène douteuse, n’en était pas moins réelle et le ton adopté n’en laissait aucun doute. Peut être qu’elle avait lancer les hostilités, surement, peut être que Séraphin, très certainement aussi, allait en rajouter une couche. Il avait la gueule et l’attitude de celui qui ne lâchait rien. Alors que les bêtises commencent, en espérant que le barbu là, il ait que de la gueule et qu'ils étaient pas pleins de rats là dedans à n'attendre que ça…

“Toi le crâne d’oeuf, baisse les yeux si tu veux pas que je te la fasse bouffer après qu’elle te l'ai coupée.”

    C’est sur ces mots que les négociations commencèrent, et évidemment, ça allait mal se passer. Les nombres étaient contre eux, mais deux miliciens entraînés face à trois loubards avinés, ça valait peut-être le coup de prendre des risques, et puis même s’il devait y rester, Séraphin s’en foutait, tant que sa camarade s’en sortait. Un gros coup de gueule les sortirait peut-être de ce guêpier, il s’adressa au barbu.

    “Tu vas souffrir l’ami, ça je te le jure, mais ton pote, il sera le premier à crever. A toi de voir, je me fous de crever tant qu’il reste au moins un de nous debout pour alpaguer la bande de rats crevés que vous faites. Et tu crois que les miliciens se baladent par paire dans vos quartiers de prolos? Réfléchis juste.”

    Afin d’appuyer son propos, et d’en rajouter une couche, il passa le fil de son épée sur son avant bras, et lécha la lame avant de planter son regard dans celui du banni. “C’est quand tu veux.”

    En espérant que le type cogite un minimum, et qu’on évite un bain de sang, ou pas, l’idée d’un massacre n’étais pas si déplaisante que ça.

    Ils étaient tous prêts, le premier qui remuerait un sourcil déclencherait les hostilités. Mais Séraphin avait noté la réaction de Xandra, quoi qu’il arrive, le chauve allait crever, et salement.

Ce n'était pas une nouvelle pour Chris, ni pour personne, la milice avait l'habitude de beaucoup aboyer, et là, ici, c'est exactement ce qui se passait, l'attitude d'Arnaut n'aidait pas non plus à vrai dire. Du coin de l’œil, il pouvait apercevoir le moustachu porter un sourire malsain aux lèvres, alors qu'autour de lui se trouvait deux hommes, bien plus sérieux. Les aboiements des gardes ne tardaient pas, en réponse à son comportement, des insultes, des menaces, beaucoup de mots et du temps perdu. Enfin, c'était du temps gagné pour eux, chaque seconde passée ici, laissait le temps à d'autres de venir accroître leur nombre.

—«Continues à me regarder comme ça et je te jure que je te la coupe. Lentement.

—«Toi le crâne d’oeuf, baisse les yeux si tu veux pas que je te la fasse bouffer après qu’elle te l'ai coupée.

Chaque insulte proférée semblait remplir de joie le chauve, qui ne répondait pas, si ce n'est par des regards insistants sur la silhouette de la femme. Chris connaissait en quelque sorte le caractère de l'homme, aussi pourri qu'il était, c'était un malin, et s'il pouvait gagner du temps, il le ferait, surtout avec l'avantage qu'il avait. A trois contre deux, tout pouvait se passer, mais il suffisait d'un ou deux hommes de plus pour les écraser sous le nombre, et des hommes qui venaient au bar clandestin, c'est pas ce qui manquait.

Pour l'instant, le barbu attendait, il n'avait rien à faire, si quelqu'un devait se bouger, c'était aux miliciens, le temps était de leur côté, ainsi que la distance qu'ils savaient exploiter. Chris, sa hache en main, rythmait la confrontation en tapotant sur le bois de son arme de l'index, il était prêt à jeter son arme et dégainer son épée. Et si l'un des deux gardes était hors combat avant même d'arriver à leur corps à corps, le combat était terminé. La solution la plus sage pour eux était de fuir, ce que le vieil homme redoutait, il aurait préféré tabasser les deux et les humilier plutôt qu'ils fuient ou qu'ils meurent en combattant.
Mais sa haine envers leur sous-espèce ne devait pas l'aveugler pour autant, il ne pouvait pas risquer sa vie sur sa compétence à lancer une hache ou à combattre. Le mieux était d'attendre d'autres personnes, et espérait franchement que les deux hommes avec lui ferait de même. En attendant, son attention devait se porter sur eux, et que sur eux, un pas de travers et sa hache fendait l'air.

—«Tu vas souffrir l’ami, ça je te le jure, mais ton pote, il sera le premier à crever. A toi de voir, je me fous de crever tant qu’il reste au moins un de nous debout pour alpaguer la bande de rats crevés que vous faites. Et tu crois que les miliciens se baladent par paire dans vos quartiers de prolos? Réfléchis juste.

Le rapide monologue du milicien laissa éclater la démence d'Arnaut qui explosa presque de rire, avant de reprendre son "sérieux" naturel et se calmer rapidement. Il essuya ses yeux avec le dos de ses mains, pour mimer des larmes de rire. Rien de ce que n'avaient dit les miliciens avait effrayer l'homme, au contraire. Son attitude déconcerta Chris, qui ne comprenait vraiment rien à ce type. Quelques derniers rires résonnaient entre les parois des égouts malodorants avant qu'il ne prenne la parole après ce tonnerre d'insulte.

—«Hehe.. ahh ! Sacrés miliciens, tous les mêmes. Même au bord du gouffre ils sont prêts à y sauter. Alors qu'est ce qu'ils y connaissent du gouffre au final ? Rien, haha, rien ! »
Le chauve agitait les mains et ses couteaux alors qu'il leur répondait, portant un ton mauvais et dément au fond de sa voix. Ses yeux se détachaient légèrement de ses orbites, teintés d'un rouge pendant que son sourire passait d'une oreille à l'autre.
«Alors que ce gouffre, c'est moi qui l'ai creusé, j'en connais tous ces PUTAINS de recoins, je m'y suis installé alors QUE t'étais encore dans les couilles de ton DEMEURÉ de père ! ET TU CROIS être chez toi ici ?! Cet endroit va te trahir PARCE QU'IL M'APPARTIENT ! HAHA, et tu CROIS que tes PETITS camarades vont te sauver ? HAHA ILS SONT DÉJÀ CREVÉS PUTAIN !!»

Le barbu avait déjà l'habitude, étrangement, de ce genre de crise, colérique, quoi que, contrôlées. Mais elle restait très dérangeante, et angoissante même pour un vieux barbu comme Chris. Sa voix hurlée, qui montait parfois dans des aigus sinistre, frappait chacun des murs et s’immisçaient dans les couloirs, prêt à alarmer tout un tas de personnes, et de choses.

Spoiler:

Pour le moment, Séraphin et crâne d’oeuf jouaient à se montrer les crocs, savoir qui avait la plus grosse, tenter d’insuffler de la crainte chez l’autre, gagner du temps, peut être. Peu importe en réalité, parce que la situation allait s’enliser. Le seul avantage qu’ils avaient et qui était certain, c’est qu’il pouvait fuir plus aisément que le tas de merde qui leur faisait face. Il n’y en avait bien un espoir aussi, mais tellement infime que Xandra trouvait plus que risqué de compter dessus. Le reste de la coutillerie finirait par se rendre compte de leur absence et peut être, des témoins pourraient les mener jusqu’ici. Mais vu les petites rues empruntées, vu ou il se trouvait à présent, là ou si peu, si ce n’est la vermine, ne mettait les pieds, c’était improbable.

Il n’y avait pas trente six solutions, pas trentes six émotions possibles. Xandra ressentait une peur, précise, qui lui aurait été inconnu sans Angelo, elle avait beau se répéter qu’il était mort, qu’il n’aurait plus aucun impact sur elle, la rousse savait que le monde était pleins d’Angelo, la preuve sous ses yeux. La colère aussi prenait de plus en plus le pas sur la tension qu’elle ressentait dans ses muscles. L’adrénaline faisait son office. Ses doigts serraient les pommeaux, se repositionnaient inlassablement, gestes aussi inutiles que preuves manifeste de son envie d’en découdre. Elle aimait ça, en réalité, jouer à la bagarre mais elle n’était pas assez sotte pour y prendre plaisir quand sa vie était en jeu, raison, pour laquelle, peut être, elle l’était toujours.

Visiblement Séraphin avait pensé à la même chose qu’elle, à la différence peut être, qu’il accordait plus de crédit à l’hypothèse de l’arrivée soudaine de la cavalerie. Si tel était le cas, il allait attendre, passif et patient, mais leur ennemi détenait, sans doute aucun, les clés pour faire céder les derniers verrous qui retenaient le milicien. Il y avait en effet quelque chose de sauvage, de fier chez cet homme qui n’avait pas échappé à leurs ennemis. Elle connaissait bien les hommes comme le chauve, le type de connards que la vie avait rendu fou. Fier, manipulateur, dangereux pour lui comme pour les autres, qui aimait appuyer là ou ça faisait mal. Xandra était resté silencieuse, surveillant pour sa part davantage ceux qui restaient calme. Ce n’était pas forcément les chiens les plus bruyants qui mordaient le plus fort. Un certain borgne n’avait fait que renforcer cette certitude.

C’était des informations intéressantes que donnait le chauve, mine de rien, beuglant pour rameuter le reste de la meute ou pour les impressionner, les deux peut être. Xandra s’en méfiait, mais ces derniers mots l’avaient en parties rassurés.

«HAHA ILS SONT DÉJÀ CREVÉS PUTAIN !!»

Pas aussi malin qu’il en avait l’air, pas aussi stable, trop présomptueux avec les risque que ça comportaient. Non, la réelle menace, décidément, ce n’était pas lui, c’était les autres. Mais il fallait reconnaître que son regard de chien fou, son sourire dément et sa voix si changeante, ne pouvait laisser indifférent, il savait y faire. Restait à voir dans quelle mesure son collègue avait été troublé par ses propos. Xandra posa son regard sur ses mains, moiteur, crispation ? Ses paupières clignaient-elle plus qu’elle ne le devrait ? Autant de signe que la rouquine cherchait à déceler.

Ce serait une catastrophe s’il prenait une décision sans lui avoir donné le moindre signal, le moindre mot. Elle avait commi une erreur en le suivant ici. Elle ne la regrettait pas parce qu’elle ne laissait pas un des siens seul, la milice c’était la famille. Une famille de putes qu’on avait pas envie de voir autour d’une table pour un repas, mais qu’on suivrait au fond du gouffre. Là, d’ailleurs, elle aurait put sentir les premiers cailloux dégringoler sous ses pieds, parce qu’ils étaient penchés, à regarder le vide, quelqu’un prêt à les y précipiter avec envie.

Pas trente six solutions, seulement trois selon elle, dont une qu’il semblait plus sage d’exclure. S’ils en arrivaient là...C’était la chute. Le plus sage aurait été de rebrousser chemin, tout de suite. Vu ce que venait de dire crâne d’oeuf, il n’était pas prêt d’abandonner son trou. Ils pourraient revenir avec une, voir deux coutilleries s’ils faisaient un rapport un peu...exagéré. Bon, s’ils mentaient complètement sur ce qui s’était passé. Là ce serait ni plus ni moins que chasser un gibier au final acculé. Assez jouissif. Mais s’il ne la suivait pas, leurs ennemis prendraient plaisir à le tailler en pièce. L’autre solution, c’était de foncer dans le tas, là, immédiatement, sans le moindre signe annonciateur. Xandra n’était pas prétentieuse mais consciente de ses capacités dans ce domaine. Elle avait passé sa vie à se battre, armée, désarmée, contre des gosses, des hommes et maintenant des fangeux. Les tuer était envisageable, surtout avec l'initiative, seul petit bémol, là encore, elle ne savait rien de son partenaire, qu’est ce qu’il valait au combat ? Enfin, la fameuse mauvais idée consistait à leurs donner l’occasion de se foutre de leurs gueules un peu plus, mais aussi l’opportunité de les surprendre suffisamment pour qu’ils restent plantés là comme des cons, leurs permettant de cavaler dans la tanière du loup. Moins prévisible, leurs évitant peut être de se faire planter dans le dos. Mais ça restait, la pire idée qu’elle est eu de sa vie. Dangereuse, tentante.

Si seulement les deux soldats avait eu l’occasion de travailler ensemble par le passé. Restait à trouver quelque chose à murmurer pour lui seul qui ne soit pas aussi évident que : on fuit ! Par là ! A l’assaut !

- Fierté ou raison ?

Il n’avait qu’un mot à dire, un sourire, un geste, la rouquine s’adapterait. Elle espérait de tout cœur qu’il ferait le choix, celui de la lâcheté, de la sagesse peut être.

Le sang lui était monté à la tête, rouge vif, les pupilles dilatées par l’adrénaline qui parcourait déjà son sang, Séraphin ne disait plus rien. Aucune possibilité de dialoguer avec ces gens là, clairement le chauve était fou mais semblait déterminé à en découdre, tout comme la barbu, même s’il avait semblé au départ vouloir éviter une effusion de sang il avait désormais compris que la seule issue possible était le combat, ou la mort.

    Il n’entendait presque plus le rugissement du flot d’immondice qui courait à quelques pas d’eux, ni les provocations et les hurlements du chauve. Non il n’entendait que son propre sang qui bourdonnait dans ses oreilles, son coeur qui battait à lui rompre les côtes et faisait palpiter sa main crispée sur la garde de son épée. Mais ce n’était pas la peur qui l’assaillait, c’était une fureur une rage pure et inextinguible, une colère sourde et silencieuse que seul le sang de ces bandits saurait apaiser.

    De son côté Xandra commençait à s’inquiéter, non finalement tout ça n’était pas de l'esbroufe et les choses n’allaient pas tarder à dégénérer. Elle semblait chercher une solution à ce dilemme, tout en gardant au creux de ses yeux une haine viscérale pour le gros chauve, comme si elle avait des comptes à régler avec sa vie et que c’était bouboule qui allait manger la facture. La milicienne murmura assez bas pour que lui seul n’entende et que les trois lascars ne se rendent compte de rien.

    “Fierté ou raison?”

    Le ton de sa voix était clair, elle suivrait quoi qu’il arrive, même si l’issue semblait improbable. Séraphin n’esquissa pas un geste qui pourrait trahir leur échange et répondit simplement. “La fierté ou la mort.”

    Et il fonça.

La tension qui s'était installée depuis l'arrivée des miliciens était toujours là, après déjà un bon moment à se regarder et s'insulter, rien n'avait changé. Rien n'avait changé à part l'humeur d'Arnaut et des deux soldats qu'il avait réussit à bien énerver comme il faut. Le dégénéré à ses côtés continuait de gesticuler, ses lames jonglaient entre ses doigts pendant que son regard sautait d'un milicien à l'autre. Chris se contentait lui de fixer l'homme, en face à plusieurs toises de distances de lui, son énorme hache à la main, tandis que son autre main était prête à dégainer son épée.

Dans la tête de Chris couraient des dizaines d'idées, de solutions et des scénarios qui finiraient mal, ou bien. Toute sa vie se jouerait donc ici, dans une taverne merdique à l'intérieur des égouts pourris d'une cité qui l'était tout autant à ses yeux. Pour lui comme pour les deux autres hommes qui l'accompagnait, la fierté des miliciens était lisible sur leur front. Leur regard, leurs gestes, leurs lèvres et menton retroussés, ils allaient pas laisser partir un con comme Arnaut. Mais de là à risquer leur vie ? Pour Chris, il fallait vraiment avoir une case en moins, surtout dans de telles circonstances, en terrain inconnue et en sous effectif ou alors ne rien avoir à foutre de crever.

S'il s'en sortait vivant, plus jamais il viendrait ici, c'est sûr, surtout pour traiter avec des rats comme Arnaut, des crevures de la pire espè-. Chris fut coupé dans sa pensée, un regard et un pas de trop s'étaient lancés chez ses adversaires, l'homme, en face, prit appui et commença à les assaillir. Le vieux barbu tourna à peine la tête que le chauve avait déjà lancé l'un de ses couteaux, des lames épaisses comme des couteaux de bouchers. Retournant la tête vers les miliciens, Chris leva sa hache dans les airs, contractant ses muscles, il s'appuya en arrière avant de se mettre en action.

—« Bande d'abrutis de.. !»

Le sang gicla aussitôt recouvrant le visage ridé du banni de rouge, la hache s'était planté profondément, ne lui laissant aucune chance. Arnaut se retourna alors lentement vers lui, les yeux écarquillés alors que la hache de Chris était planté ardemment dans sa gorge. La bouche du chauve s'ouvrit, ne laissant place qu'à des gargouillis de sang, avant de s'effondrer au sol éclaboussant les deux hommes encore debout autour de lui. Dans la chute du bandit, le vieux retira sa hacha, arrachant le reste de la gorge de l'homme, le laissant à moitié décapité, les membres du cadavre convulsaient à ses pieds.
L'homme qui accompagnait le moustachu avait son épée dégainée, complètement perturbé par ce qu'il venait de se passer. Il hésitait visiblement entre attaquer les miliciens, le banni, ou prendre la fuite. Finalement, après quelques instants de raisonnement, la dernière option prit le dessus, son épée de faible qualité tomba au sol dans un fracas, rejoignant le cadavre. Et seuls laissaient places ses pas qui partaient en retraite et les derniers borborygmes sanglants provenant d'Arnaut dans un silence macabre.

Après ce renversement de situation, Chris se retourna vers les deux miliciens, tandis que l'homme s'était arrêté dans sa course, la femme avait eut à peine le temps de faire un pas que le chauve était finit. D'un geste sec, ne leur laissant pas le temps de comprendre ce qui s'était passé, il frappa de nouveau le cadavre au niveau du cou, écrasant les vertèbres cervicales de l'homme pour s'assurer de sa mort définitive. Les regardant alors pendant son action, il finit par jeter sa hache rougi aux pieds du milicien, tout comme son épée, toujours dans son fourreau. Et alors qu'il se tenait là, le visage écarlate, s'essuyant d'un coup de manche au niveau des yeux, il s'adressa de nouveau à eux.

Spoiler:

Spoiler:

“La fierté ou la mort.”

Séraphin venait de lâcher la laisse. Un jolie sourire, un sourire joueur comme s’il venait d’annoncer à une enfant qu’il cédait à un caprice. Il n’en fallait pas plus pour que l'adrénaline joue son office, que l’envie dépasse la peur et que la rousse dans un geste rapide et précis ne plonge sur la cible qu’elle s’était choisi.

—« Bande d'abrutis de.. !»

Cible qui lui fut refusée. Un léger grognement de frustration roula dans sa gorge comme le chauve tombait au sol. Elle le regarda convulser, elle aurait put l’achever mais n’en voyait plus vraiment l'intérêt et même si c’était un peu sadique, Xandra se disait qu’il avait ce qu’il méritait. Elle ne voyait en lui qu’un autre Angélo, un autre monstre. Ses yeux quittèrent le corps de l’homme au sol pour observer le barbu. une expression étonnée, une pointe de respect. Elle avait trouvé son attaque bien menée et il fallait une certaine dose de courage, ou de lâcheté, finalement, pour trahir ses compagnons. Toutefois, ce concept lui était inacceptable. Un traître, un bannis, un être capable de tuer de sang froid sans s’en émouvoir, il ne fallait pas qu’elle perde ça de vue.

Quelques secondes, quelques réflexions alors qu’elle se plaçait déjà ace au type qui portait une épée. Tout dans sa gestuelle offensive, alors qu’elle ne passait pas à l’attaque, indiquait que quelque chose la freinait. Sans tourner la tête vers Séraphin la voix un peu inquiète elle s’enquit de son état :

- Tu es blessée ?

Ses yeux bleus ne quittaient plus son adversaire et elle devina, à défaut de le voir, que le meurtrier venait de reprendre son arme. S’il ne se décomposait pas, l’homme qui lui faisait face avait un peu palit.Xandra ne l’enviait pas. Il n’avait pas beaucoup d’option devant lui et aucune n’était bonne si ce n’est celle qu’il choisit. Elle aurait pu le tuer mais elle le regarda fuir, passivement.

Se tournant alors vers Séraphin et le vieux, Xandra laissait son regard aller de l’un à l’autre, elle se disait que le grincheux n’en avait surement pas fini. Elle observa l’homme, celui qui lui était véritablement inconnu, qu’elle ne pouvait juger que parce qu’il avait fait à cet instant, par son statut probable de bannis. Peut être avait-il sauver la vie de son collègue, la sienne. Elle se perdit dans la contemplation d’une goutte de sang qui dévalait sa joue avant qu’il ne la fasse disparaître.

—« Je me rends.»

Il était sincère, à n’en point douter, sa lame gisant au sol non loin de l’épée. Le sang continuait de se répandre doucement à ses pieds. La rousse tendit l’oreille mais n'entendait toujours rien, personne n’allait surgir des ombres pour le tirer de ce merdier, du moins pour le moment. Traîner trop longtemps ici restait une erreur qui pouvait leurs coûter cher et qu’elle n’avait pas envie de commettre. Ils avaient jouer avec le feu, ne s’était pas brûlé mais la flamme restait allumée, tout proche.

- On devrait l’embarquer histoire de faire connaissance et si notre ami se montre loquace, on pourrait peut être fermer les yeux et même se montrer gentil après ce qu'il vient de faire. T’en dis quoi ?

Il avait foncé comme dans un rêve, occultant totalement le monde qui l’entourait, sa volonté et son esprit entièrement fixés sur Arnaut, rien d’autre ne comptait. Meurtre, mort, sang. Le visage du chauve était devenu son seul univers, son seul but.

    Un des couteaux d’Arnaut avait fait mouche et entaillé son bras gauche mais la douleur ne l’avait pas tant choqué que le regard du chauve quand une hache avait traversé sa gorge. Il s’était arrêté net, interloqué et avait regardé l’homme s’effondrer dans un gargouillis humide. On lui avait volé sa proie. Et pour en rajouter à l’outrage le barbu asséna un second coup de hache au cadavre qui gisait au sol, séparant ainsi sa tête de son corps, avant de jeter sa hache aux pieds de Séraphin.

    Le regard lourd et le visage couvert de sang le banni se rendit et se tint debout en attendant qu’on décide de son sort.

    Séraphin entendait à peine sa partenaire qui s’enquérait de son état, le sang qui maculait son bras ne lui était d’aucune importance, seul comptait pour lui l’outrage, l’injure qui lui avait été faite. C’était sa cible, il avait un instant concentré toute sa force et sa volonté dans l’anéantissement de cet être vil et malfaisant, pour voir l’homme mourir à ses pieds de la main de son allié. Injustice, frustration, ne jamais s’interposer entre un loup et sa proie. Il explosa et laissant son épée de côté il arma son bras valide et se laissa aller à sa fureur et sa rage en décochant au barbu le plus formidable coup de poing dont il était capable. L’homme chancela, il acceptait son sort et une rossée était la moins pire des choses qui pouvait lui arriver.

    “On devrait l’embarquer histoire de faire connaissance et si notre ami se montre loquace, on pourrait peut être fermer les yeux et même se montrer gentil après ce qu'il vient de faire. T’en dis quoi ?”

    Il y avait urgence, ceux qui ne viendraient pas pour eux viendraient pour lui. Il fallait faire vite et il n’entendait laisser aucune trace de son passage. Séraphin traîna tant bien que mal le corps d’Arnaut jusqu’au bord du cloaque de merde rugissante qui courait sous leurs pieds et poussa ce qu’il en restait dans l’eau, sans oublier sa tête. “C’est bien là tout ce que tu mérites.” Et il cracha dans l’eau à l'endroit où le corps avait sombré.

    “Tu as raison, filons d’ici et voyons si notre larron est d’humeur à parler, dans le cas contraire j’ai de très bons arguments à lui opposer. Aide moi à le ligoter, je vais avoir besoin d’un guérisseur, le salaud m’a pas loupé. Tout va bien tu n’as rien?”

    Et ils filèrent sans demander leur reste en compagnie de leur prisonnier qui lui suivait calmement car il savait qu’il serait moins en danger en leur compagnie qu’aux mains de ceux qu’il venait de trahir.

Spoiler:

Après avoir déposé les armes, le poing du milicien vint s'écraser sur le visage de l'homme qui était encore debout face à eux. Le vieil homme encaissa le coup dans un gémissement de douleur, perdant l'équilibre pendant une seconde avant de se redresser.

—«Ugh !»

Essuyant son visage du revers de la main de nouveau, comme s'il venait se dépoussiérer de la douleur qui avait saisit son visage après son coup. Son visage légèrement ridé reprenait son expression neutre, légèrement menaçante, ne laissant alors là qu'une marque rouge et bleu là où il avait été frappé.
Après s'être prit cette puissante nasarde, les tensions semblaient s'être calmées, l'homme avait l'air d'avoir finit ce qui avait l'air d'un caprice d'enfant. Le regard de Chris venait alors se poser sur la femme, qui semblait bien plus inquiète sur ce qui pouvait se passer dans ces égouts. Au contraire de l'homme qui pensait avoir visiblement dresser le vieil homme d'un coup de poing et prit la situation en main.
Ce dernier prit même le temps de cacher le cadavre du bandit sans tête dans l'épaisseur de bousier verdâtre alors que la femme était prête à le trancher s'il tentait quelque chose. Action plutôt inutile à son goût, car les traces de sang au sol resterait là pour un bon moment.

Planté là, le vieil homme en profita pour récupérer ses épaisseurs de fourrure qu'il avait jeté au sol avant que le combat ne commence et ne se finisse aussi vite. Alors qu'ils débattaient sur la façon de traiter de sa présence, il remit ses vêtements sur son dos, une bonne épaisseur de fourrure maintenant rougie. Et alors qu'ils le ligotaient enfin, ils repartirent sur les pas des miliciens, reprenant les mêmes couloirs qui les avaient menés ici pour enfin attendre le goulot. Étrangement, après une visite aux égouts, l'odeur du quartier était bien plus supportable voir même agréable à certains endroits.

Sur le chemin, peu importe là où ils l'emportaient, il resta serein, le visage droit, n'ayant visiblement pas peur des quelques regards qui passaient entre les volets en bois. Il ne dit rien, il n'avait jamais été attrapé à l'intérieur des remparts et ne savait pas ce qui l'attendait. Mais ne rien dire, jusqu'à preuve du contraire, ne serait qu'un bon point pour se sortir de cette merde où il s'était plongé.