[Terminé] Soirée entre faux amis | Victor

Si Serena accepta de prendre quelques bouchées et une gorgée des mets petits services qu’elle lui avait apporté, c’était uniquement pour lui prouver qu’aucun poison n’y avait été dissimulé, à son grand regret. Au moins, cela l’aida à passer le temps, n’écoutant que d’une oreille les propos du Comte, sachant pertinemment qu’il n’était qu’un ramassis de faux semblants.

Ce ne fut d’ailleurs qu’au moment où il s’accorda le droit de parler plus franchement, retirant le masque qu’il avait l’habitude de porter, qu’elle redressa ses yeux sur lui. Un sourcil arqué, elle l’écouta et le regarda la prendre de haut, lui faire comprendre qu’il était hors de sa portée et qu’elle avait tout intérêt à se montrer plus coopérative.

Malheureusement, ce n’était pas faux et elle le savait. L’admettre en revanche était une tout autre histoire, même si ses menaces ne la laissaient pas indifférente.

« Je les apprends à vos côtés, mon Comte. »

Son regard s’était tourné dans la direction de la porte, elle aussi ayant remarqué la présence d’une oreille curieuse et patienta le temps qu’elle s’éloigne.

« Vous jouez avec le feu et risquez de vous y brûler Victor. »

Reprenant une attitude hostile, son regard devint un peu plus fermé et sa voix plus froide encore. Non, elle n’avait pas l’intention de lui accorder sa sympathie et encore moins commencer à lui cirer les pieds.


« Votre place à l’Esplanade n’est pas aussi stable que vous aimeriez le faire croire. Ne pensez pas que je ne suis pas au courant de la réputation que vous vous êtes forgée malgré vous… Vous avez bien plus à perdre que moi… »

Le visage relevé, Serena quitta définitivement sa posture de soumission pour au contraire défier à nouveau son invité. C’est qu’elle n’était pas du genre à se rendre facilement et encore moins sans prendre les armes. D’un geste lent et gracieux, elle quitta son siège pour s’avancer vers le sang bleu un peu trop prétentieux à son goût. Debout face à lui, elle le toisa un instant sans dire un mot avant de glisser l’une de ses mains sur sa joue, effleurant sa peau de ses doigts.

« Je ne suis pas si inoffensive… »

Longeant sa mâchoire, elle le passa ses doigts son montant afin de lui faire légèrement relevé la tête. Un sourire méprisant à ses lèvres, elle détailla sa jugulaire tout en lui murmurant :

« Poussée à bout, je me ferai un plaisir de vous trancher la tête. Et cela malgré les conséquences... »

Ses yeux remontèrent dans les siens afin de lui faire comprendre qu’elle pensa chaque mot prononcé. Ses doigts relâchèrent finalement son menton, sans pour autant qu’elle se décide à reculer.

« Alors avant d’en arriver là, peut-être pourrions-nous trouver un arrangement ? Quelles sont vos intentions ? »

L'attitude belliqueuse de Séréna n'avait pas de quoi étonner le Comte de Rougelac. Si le début du huit-clos entre les deux parties avaient été un parfait "Bal des Faux-cul", très rapidement les masques tombèrent de part et d'autre, la démarche volontairement initier par l'invité des lieux. Désireux de contempler la demoiselle sous son vrai jour, Victor ne fut pas déçu par les réactions de cette dernière. Après quelques déclarations d'usage qui le firent sourire, voilà que l'héritière de la maison de Rivefière se releva pour venir défier le sulfureux Comte, brisant alors tout convenance pour s'offrir un dangereux contact avec le visage de ce dernier.

Sans jamais repousser, éviter ce contact, Victor se laissa caresser la joue et n'émit aucun geste lorsqu'elle lui fit relever le menton. Il y avait quelque chose de paradoxalement excitant dans cette proximité alors qu'elle détaillait finalement sa jugulaire. Déglutissant avec difficulté, de Rougelac n'avait pourtant nullement peur de la jeune femme qui semblait si désireuse de lui trancher la tête. Un large sourire s'afficha à la commissure de ses lèvres avant que Victor ne passe sa langue sur ses propres lèvres, comme s'il se délectait du comportement de son interlocutrice.

- Hmmmm... j'aime votre férocité. Vous avez un certain "mordant" ma très chère Séréna.

Il reprit alors une mine inquisitrice tandis qu'il se redressait lui aussi pour venir de son visage, frôler celui de la jeune femme. Reniflant théâtralement le cou de l'insolente, il lui murmura alors tandis qu'il s'employa lui aussi à flirter du bout des doigts avec les traits fin du visage de Séréna.

- Vous ne serez jamais une femme soumise, j'entends bien et je vous sais particulièrement dangereux et c'est pourquoi je me ferais un malin plaisir de vous "museler" quelqu'en soit les moyens employé. Je tiens votre famille dans le creux de ma main et à preuve du contraire, quelqu'en soit ma réputation, je mène le Bal...

Sa main glissa alors sur le cou de sa victime jusqu'à la naissance de sa poitrine sans s'y aventurer pour autant. Ses lèvres frôlèrent alors les sienne tandis qu'il plongea son plus arrogant regard azur sur elle.

- Je vais faire fie de vos menaces, elles sont la cause de vos peurs ni plus ni point... Si je le voulais, je vous demanderais la main et vous n'auriez d'autre choix que d'accepter ou renier votre famille. Seriez-vous prête à leur tourner le dos? Ma place sur l'Esplanade est bien suffisamment stable et votre Maison m'ai immensément redevable pour que les moindre de mes désirs me soient accordé.

Il retira sa main et avança d'un pas pour que son torse rencontre la poitrine de l'impudente.

- Vous souhaitez négocier ? Mais qui vous dis que mes intentions sont déjà réfléchi ? Je me donne du temps et je cherche un parti qui me sera profitable. Croyez bien que vous n'êtes point la seule candidate, mais vous y possédait une place dans les premiers rang de cette liste...

Continuant ses tourments à l'endroit de la demoiselle, il rajouta sur un ton faussement mielleux.

- Vous êtes après tout un très belle femme, avec... de généreux attributs... idéale pour porter ma descendance... Ô je ne suis sans doute pas du tout à votre goût, cela peu aisément se comprendre, mais il y a en ce bas monde si peu de mariage d'amour... l'intérêt prime, on vous l'a sans doute rappeler maintes et maintes fois.

Ses mains se posèrent alors sur les hanches de la jeune femme et il s'attendait clairement à essuyer une réaction hostile, mais qu'importe, elle n'irait sans doute pas jusqu'à le frapper sans quoi elle aurait les pires ennui avec son père qui lui avait déjà marqué le visage.

- Hmmm... alors quel arrangement pour que je ne demande votre main à vos parents ? Me trouver un meilleur parti que vous ? Sinon... quels autres avantages pourriez-vous m'offrir en échange de votre... "liberté" ?

Il lui adressa alors un clin d’œil acide, charmeur et provoquant à la fois pour clore son intervention.

Un premier frisson l’envahit au contact de ses doigts sur sa peau, un second au souffle dans son cou. Néanmoins, il n’était nullement question de désir. La répulsion qu’elle ressentait à l’égard de cet homme était telle qu’elle en ressentait du dégoût. Si elle tolérait son regard immoral et ses mains malintentionnées sur son corps, c’était bien dans l’intention de le défier. Jamais, elle ne comptait se soumettre à lui, ni même lui montrer ses craintes et ses faiblesses. Dès lors, il était donc hors de question de reculer. Toutefois, elle n’était pas près de lui accorder le moindre baiser et dévia son visage de sorte à rompre le rapprochement entre leurs lèvres, écoutant sans un mot ses avertissements.

Les paroles du sang bleu étaient un poison dont il connaissait les secrets et usait à son avantage avec dextérité. Évidemment, la Vicomtesse craignait devoir faire ce choix et cela expliquait d’ailleurs pourquoi elle n’avait jamais encore franchi le pas. Perdre son titre, mais surtout ses proches, sa famille et terminer renier par ces derniers ? Son cœur ne pouvait que se serrer à cette éventualité. Pour autant, elle ne se sentait pas capable d’accepter cet homme, loin de là.

« Votre intérêt sur ma personne est incroyablement mal placé… Et très certainement pas réciproque. »

Ses mains vinrent se glisser sur celles de son perfide partenaire, mêlant ses doigts aux siens pour les emprisonner et le priver du contact de ses hanches.

« Mes formes, aussi tentatrices soient-elles à vos yeux, ne seront jamais vôtres. »

Se refusant à reculer, elle poussa avec fermeté, mais sans brutalité, le Comte à s’écarter de son corps d’au moins un pas, prenant même le risque de le faire tomber sur son siège. Espérant être relativement claire à ce sujet, elle devait cependant avouer être troublée par les dernières paroles de son invité.

« Oh pitié, pas avec moi... Ma place dans la société est au moins aussi contestée que votre innocence et ma famille est obligée de s’accrocher à vous pour persister… De meilleurs partis, il en existe à foison. »

Cela lui paraissait être une évidence… Mais soudain un sourire malicieux et un regard remplit de provocation anima le visage de Serena tandis qu’elle émit une supposition, ou devrait-on dire une attaque ?

« Ou peut-être qu’aucune n’est encline à accepter votre main ? Ceci ne serait guère surprenant après tout… et vous n’avez certainement pas le pouvoir de forcer toutes les maisons à se joindre à vous. » Elle continua sur un ton plus moqueur encore. « Mon pauvre, forcé à user de votre pouvoir pour se trouver une femme… voilà une triste réalité, surtout lorsqu'on connaît votre âge. »

Séréna refusait, rejetait en bloc a la fois les perspectives et desseins du sulfureux Comte tout comme ce qu'elle croyait être des avances physique. Ainsi repoussé à la fois dans les gestes que dans la verbe, Victor venait ainsi récolter quelques enseignements précieux à l'endroit de l'héritière de la Maison de Rivefière. Souriant de toutes ses dents face à l'attitude et aux mots exprimant tout rejet de sa personne, ce dernier s'effaça alors soudainement lorsque la jeune femme, sourire malicieux aux lèvres, venait lancer un estoc au parfum certain d'une vérité peut être cruelle. Cherchant ainsi à blesser et rabaisser le sulfureux et généreux donateur, la Vicomtesse n'eut pourtant pas la joie d'apprécier sa victoire à sa juste valeur.

- Farouche, farouche... cherchez-vous à me faire plier l'échine ?

Aveux de faiblesse ou prudence ? Victor prit alors de la distance, contournant le fauteuil avant de poser à plat ses main sur le dossier et la toiser d'un regard bien plus inquisiteur. Un long silence s'en suivit puis l'homme se mit à rire à plein poumon avant d'écarter les bras comme s'il allait exprimer avec décontraction une saisissante évidence.

- Peut être bien que vous avez raison Séréna ! Mon innocence, mon impuissance à trouver jusque là chaussure à mon pied, les limites de mon influence, tout cela est une réalité, mais êtes vous certaine qu'elle soit si triste que cela ?

Il tourna alors le dos à la jeune femme pour prendre position devant une fenêtre et observer la nuit noir qui envahissait l'extérieur de la bâtisse et reprit d'un voix sereine.

- Je n'ai point la prétention de rallier toutes les Maisons à une quelconque cause, ce serait d'ailleurs... "suicidaire". Mais je vais vous dire, comme vous l'avez sous entendu, mon âge commence à me faire défaut et... contrairement à votre perception des choses, je n'ai rien à perdre à employer mon pouvoir pour me trouver une femme. La raison est simple, sans héritier, mes richesses reviendrons au Duc en bonne parti.

Il haussa des épaules avant de se retourner et croiser à nouveau le regard de Séréna.

- Moquez-vous, mais rappelez-vous qui tient les ficèles de ce jeu, hm? Si j'ai les moyens de pression pour vous prendre pour femme, croyez bien que j'aurais tout autant les moyens de vous faire écarter les cuisses pour vous fertiliser.

Employant des termes pas tout à fait vulgaire pas tout à fait de convenance, il mettait certaines formes pour faire comprendre à la jeune femme qu'elle n'était qu'un pion des ses possibles projets.

- Prenez garde à ce que je ne mette pas à exécution le pire de vos cauchemar très chère. Un mot à votre père me suffirait et vous le savez. Alors si vous désirez un arrangement, je vous conseil de prendre votre temps et réfléchir, bien réfléchir. Votre temps est compté... tic... tac... tic... tac.

Souriant de toute ses dents, Victor venait de contre attaquer, poussé par l'arrogance de la jeune femme à déclencher un cruel compte à rebours. Allait elle disposer, tirer sa révérence ou continuer à le défier?

L’interruption des répliques cinglantes du célèbre Comte de Rougelac était pour elle une délicieuse victoire. Même si elle ne doutait pas un seul instant que de nouveaux poisons sortiraient de sa bouche perfide, son silence, sa pause et son recule dans ses propos prouvaient bien qu’elle avait su ébranler son cher invité en mettant les doigts là où il fallait.

Néanmoins, sa satisfaction fut de courte durée, le retour de flamme étant assez salé. Les propos au combien déplacés de la part du noble invité ravivèrent une haine sans fond chez la jeune femme. Comment osait-il ? Le sourire perdu et le visage assombri, la jeune femme bouillonnait intérieurement alors qu’elle écouta les nouvelles menaces de l’aristocrate.

« Les seules cuisses que vous parvenez à écarter sont ni plus ni moins celles que vous payez pour ce faire ! Je vous conseillerai par ailleurs de prier les Trois pour qu’une de vos putains vous conçoive un fils illégitime, car je crains que ce soit tout ce que vous pouvez encore espérer ! »

Cracha-t-elle finalement dans un ton terriblement glaçant et rancunier. Tendues et ses poings serrés, elle devait user de toutes ses forces pour ne pas venir amocher son si précieux et fragile visage tant que ses paroles la mettaient hors elle.

« Je n’ai jamais porté un quelconque intérêt à vos affaires ou encore celles de la noblesse, Victor. Mais ne me faites donc pas changer d’avis en faisant de moi votre ennemi ou je risquerai de vous rappeler pourquoi vous semblez tant ressentir le besoin de me museler. Suis-je assez claire ? »

Qu’il continue ainsi et la femme se jura de lui rendre la monnaie de sa pièce. Prête à exploser, elle finit cependant par reprendre sa décence en expirant un long soupir. Elle baissa un instant la tête, fermant les yeux pour retrouver son calme. Enfin, elle redressa son visage, offrant le plus de ses faux sourires à l’homme face à elle.

« Oubliez-moi Victor et cessez donc de me pourrir la vie… ainsi je ne commencerai pas à pourrir la vôtre. »

Répéta-t-elle de plus explicitement, prête à en découdre s’il s’avançait encore à l’inclure dans ses projets ou la menacer s’il ne coopérait pas.

« Les seules cuisses que vous parvenez à écarter sont ni plus ni moins celles que vous payez pour ce faire !»

A cette déclaration, le Comte de Rougelac offrit à son interlocutrice un sourire carnassier. Elle ne pouvait pas mieux légitimer ses propres dires car finalement et après tout, ne payait-il déjà pas suffisamment la Maison de Rivefière pour s'octroyer le droit de cuissage sur Séréna? Assurément et Victor le lui faisait comprendre par ce diabolique sourire sans plus oser raviver cette tenace flamme de la haine. Jurant ensuite de lui rendre la monnaie de sa pièce s'il persistait à la menacer de la sorte en planifiant une telle alliance. Prête à en découdre, la Vicomtesse ne mâchait pas ses mots, mais son attitude allait-elle conduire le Comte de Rougelac à une quelconque coopération ? Cela était moins sûre.

Déambulant alors dans sa chambre, rôdant autour de sa proie, il garda une fois de plus le silence un long moment avant de lever un bras, indiquant ainsi la sortie à l’héritière des Rivefière.

- Mademoiselle, nous nous sommes tout dit pour l'heure. Vous avez eut l'audace de me proposer un arrangement ? Assumez maintenant le poids de vos paroles. Je n'ai rien de plus à ajouter. En vous souhaitant une agréable et paisible nuitée.

Victor ouvrit alors la porte, remerciant d'une inclinaison de la tête la jeune femme pour ce bref mais non moins ardant et mouvementé entretien.

Ce sourire carnassier, elle l’avait en horreur. Un frisson d’effroi l’envahit lorsqu’elle comprit le sens de ce dernier. Était-elle semblable à une putain à ses yeux ? Possible et l’idée la rendait plus furieuse encore. Lui qui se cachait derrière des remparts et un titre aux valeurs douteuses osait se pavaner et la prendre de haut, pire la menacer elle et sa famille. Le pire étant que même si elle parvenait à le faire reculer, ses parents continueraient à lui faire pression afin d’encourager cette ignoble union.

Lorsqu’il l’invita à prendre congé, elle n’insista point et se dirigea lentement vers la porte, passant aux côtés de ce vieil ennemi. Lorsqu’elle fut face à lui, prête à franchir la sortie, elle se stoppa, tournant son visage dans sa direction.

« J’espère ne pas vous revoir de ci-tôt… »

Si elle avait envisagé un arrangement, elle commençait sérieusement à douter de sa viabilité et préférait d’abord attendre les prochains mouvements du Comte. Nul doute que s’il persistait dans cette voie, elle irait fouiné dans ses affaires à la quête de la moindre faille et faiblesse qu’elle ne pourrait retourner contre lui. Le risque cependant était que tout ceci ne serve que de divertissements supplémentaires à ce dernier.

Sans plus lui accorder le moindre regard, Serena avança dans le long couloir d’un pas assuré, rejoignant ses quartiers encore plus troublées et inquiètes qu’elle ne l’aurait cru. Seul l’avenir lui dira si les conséquences de cette entrevue seront désastreuses ou non.