Ceux qu'il faut instruire

Victoire ! Victoire !!! Alexandre avait réussi une petite bataille, il avait réussi à faire de la demoiselle la nouvelle perceptrice du jeune Joris qui avait arrêté en cours de route sa formation de noble héritier … il ne serait pas dispensé des mathématiques et des lettres … oh ça non ! Elle pouvait également lui faire quelques leçons sur la stratégie mais en soit, cela le Vicomte pouvait le faire lui même mais qu'importe !


Il avait un énorme sourire aux lèvres, il jubilait intérieurement … si on pouvait voir l'intérieur de son crâne on aurait vu des petits hommes chauves avec des chapeaux de fêtes s'amusant à tirer avec des sarbacanes et souffler dans des cornes de brumes tout en lançant des confettis … oui, bon il avait pas non plus trouvé un remède à la Fange mais au moins, il se disait que malgré la mort qui s'approchait il était toujours aussi tenace.


Quand elle se leva, elle lui tendit la main à son encontre … pensait-elle qu'il n'allait pas lui empoigner la pogne ? Pensait-elle que le noble était un nobliau qui détestait le contact humain ? Oh que non, elle se gourait, si elle pensait cela ! Oubliant avoir à faire à une femme se fragile, il lui prit la main de sa sienne et lui serra avec un peu trop de force … euh … d'accord. Il se calma tout en se rendant compte de la connerie qu'il avait fait et il mit sa prothèse sur son épaule tout en retirant sa main.


 « Veuillez m'excuser, Dame Ochaison … hm. »


Il remarqua que sa robe était toujours gorgée d'eau … il n'allait pas la faire partir ainsi. Il enleva alors sa main artificielle de son épaule et lui donnait encore un sourire.[


Color=#CC3300] « Je … non, vous n'allez pas repartir ainsi avant d'avoir changé de vêtement, vous risquez d'attraper la mort et je ne veux pas être responsable de cela … avez vous des enfants ? Si oui, je peux aussi vous faire préparer quelque chose aux cuisines, nous avons de larges réserves et qu'importe si le moindre trou dans le garde manger est à voir. »[/color]

Avec l’œil pétillant de triomphe, le seigneur lui serra distinctement la main. Pour sa part, l’érudite n’aurait pas crié si vite à la victoire : le grand adolescent de l’homme restait à éduquer ; et au vu de son aversion pour les choses intellectuelle, le pauvre bot de femme ne donnait pas cher se sa peau.

Il lui proposa une tenue, en remarquant enfin qu’elle était trempée jusqu’aux os. Un repas quand il vit son maigre gabarit se dessiner dans les vêtements qui la collaient.

Il lui demanda si elle avait des enfants. Elle fit non de la tête. A ce sujet, personne ne devait savoir parce qu’il y avait trop à cacher.

— Je ne veux pas vous importuner. J’ai déjà pris bien assez de votre temps.

A l’époque elle menait grand train, dans une tragédie qu’elle détestait répéter, elle se souvenait que son père puis son frère étaient des hommes de pouvoir toujours trop occupé pour lui accorder plus qu’une pointe d’attention calculée. Voilà quelques minutes qu’ils parlaient déjà et elle sentait que l’homme voulait sans l’avouer, s’en débarrasser. La chose lui allait parce qu’elle avait, en cette belle journée de pluie torrentielle, d’autres chats à fouetter plutôt qu’errer le museau dehors.

Quelques habits chaud et un repas, si cela ne lui coûtait guère, était une belle prise pour quelqu’un aux abois. Poliment, avec une expression mesurée et élégante, elle remercia le bon sire et s’esquiva avec la gente domestique qui se présentait.

Elle ignorait quand ils se reverraient mais cela ne saurait tarder : quand le rejeton nécessiterait ses enseignements, elle ne douta point qu’on la fasse quérir. Tout ce que qu’elle espérait, c’était que la manœuvre ne lui coûte pas, la fois d’après, une robe de vieux velours et la belle frayeur qu’elle s’était tout de même payée.