Invité chez Rivefière ♠ [Victor].

Après l'effort le réconfort disait-on. Ainsi, le cidre se révéla plus que jamais des plus savoureux au palais pourtant exigeant du Comte de Rougelac. Entretenant alors quelque sage propos, Victor reçu en retour quelques précieux encouragements et il en fallait bien après une telle épreuve et tout portait à croire que les deux hommes auraient de longues séances d'entrainement à partager les mois qui suivrons. Ce faisait, le sulfureux mondain se prêta volontiers à mieux connaître l'héritier de la Maison dont il était le créancier. Roland était une personnage engagé qui ne se suffisait pas à se pavaner dans le luxe, non il montrait le visage d'un homme en devenir et qui d'ailleurs s'osait à recevoir l'apprentissage de son aîné en matière d'affaire non sans habilement lui aussi flatter son semblable.

Laissa alors naître l'esquisse d'un sourire entendu, le quadragénaire amenait donc l'héritier de Rivefière à l'endroit même qu'il désirait, mais biensure, de Rougelac ne laissa la moindre émotion satisfaite trahir ses émotions. A vrai dire, Victor avait tout à gagner à compter parmi ses alliés le jeune homme qui mènerait la famille d'ici quelques années. En soit, il pouvait même le considérer et surtout l'utiliser comme un rempart contre la rebelle sœur cadette de ce dernier.

- Il va de soit que j'accepte d'être votre précepteur en ces domaines. Ne voudrais-je voir un tel potentiel telle que vous ne pas resplendir et ne pas démontrer tous ses talents de noble. Je vous formerais donc à ces arts.

Evidemment, cette proposition n'allait pas sans que Roland ne se montre un tant soit peu curieux en retour quand à la vie que menait le sang-bleu qui lui faisait face. Il ne voyait d'ailleurs aucune offense lorsqu'il évoqua le cadre mondain dans lequel baignait Victor et d'ailleurs de son point de vue, l'un n'allait pas sans l'autre.

- Des occupations ? Dirais-je plutôt des projets. En faite, voyez-vous mon cher ami, la vie n'est faite que de projets, certains se soldant sur des succès tandis que d'autres sur des remises en questions. Mon quotidien est donc nourrit d'ambitions et de désillusions, c'est ce qui nous fait avancer et nous maintien là où nous sommes. En tout cas, là est la philosophie, mais j'en convient, un noble guerrier pourrait vous offrir une autre manière de penser. Pour moi, il ne faut point mettre les mondanité de cotés, si je puis me permettre de vous reprendre, je la considère comme l'alliage d'un tout voyez-vous.

Il acheva sa coupe de cidre avant de délicatement reposer le récipient sur la console.

- Dans les affaires, l'étiquette y trouve une place prépondérante. Ce n'est certes point une arme matériel mais elle se trouve tout aussi efficace que le froid et l’aiguisé d'une épée. Et il faut savoir en jouer, c'est là la base même de toute négociation que vous espérez réussir.

Se montrant de bon conseils, il restait toutefois évasif mais dresser le contour du tableau qu'il exposait à son interlocuteur de dix ans son cadet. Roland allait-il adhérer à son état d'esprit, base d'un apprentissage qu'il semblait désiré ou alors trouverait-il plus aviser de trouver un précepteur de nature moins mondaine ? Le choix lui était donné mais Victor semblait chercher à le convaincre de se rallier à sa pensée.

Victor acceptait d’être le précepteur de Roland dans les domaines choisis, c’était un très bon point. Le Comte de Rivefière pourrait un tant soit peu profiter de ses compétences et ainsi continuer d’entretenir leur cordialité. Et c’était important, vu l’affaire qui les liait. Roland était ravi qu’il accepte, mais c’était tout à fait normal au vu des séances de monte offertes gracieusement. Victor pouvait lui aussi faire un pas vers lui. Conscient que tout s’achetait avec le Comte de Rougelac, là il s’agirait d’un échange de bons procédés, gratifiant et profitable à chacun.

- « Parfait. »

Roland écoutait le Comte, il est vrai que lui n’aimait pas tellement les mondanités. Enfin, à petite dose, il en fallait, bien évidemment. Mais ses parents jusqu’à maintenant s’en chargeait beaucoup mieux que lui. Mais c’était indéniable, tôt ou tard, c’est lui qui reprendrait le flambeau, il fallait bien s’y préparer. Et qui de mieux pour le former, que Victor de Rougelac, en maître mondain et maître de la manipulation.

- « Vous avez certainement raison, m’ayant davantage attardé sur le côté plus ‘chevaleresque’ de a chose, en reprenant vos mots précédents. J’ai mis les mondanités de côté, mais je suis certain qu’avec vous comme précepteur, mes lacunes en ce domaine seront bien vite comblées. Je m’en remets à vos bons conseils. »

Victor comparait ensuite ses valeurs à celles d’une épée. L’héritier n’était pas vraiment convaincu par cette théorie, ayant plus une formation guerrière. Mais il comprenait dans le fond, l’idée générale et là où le mondain voulait l’entraîner. Il ne lui fit pas point part de ses doutes, au contraire. Il entra dans son jeu. Il finit également son verre, recroisa les mains, avant d’ajouter.

- « Je comprends, cela fait partie d’un tout. Je suis bien curieux d’en connaître davantage, vous êtes la personne la mieux placée dans mon entourage, pour m’instruire dans ces domaines. C’est ce qui a certainement contribué à votre ascension, la maîtrise des négociations. Et qui sait, si je suis bon élève, je parviendrai peut être à négocier l’affaire qui nous lie vous et ma famille. »

Il osa en parler, sur un ton léger. L’affaire était pourtant tout sauf légère, la dette était pesante, de plus en plus. Mais il fallait parfois oser de dire les choses avec franchise. Il ne lui demandait pas la clémence, la générosité. Il savait que tout cela serait vain. Mais il lançait simplement une perche, faisant comprendre au Comte que s’il existait un quelconque moyen, réaliste en tout point, de se mettre d’accord et d’atténuer leur peine, il était disposé à entendre d’éventuelles propositions, dans la limite du raisonnable.

Le Comte de Rivefère semblait tout disposé à recevoir les conseils de son expérimenté homologue, scellant ainsi ce que l'on pourrait appeler un "échange de bon procéder". Victor avait une vision des affaires de la noblesse différente du commun des mâles de cette classe sociale. Il allait s'en dire qu'il s’exerçait dans un art plutôt réservé aux femmes. Cela faisait-il de lui un personnage efféminé, pas le moins du monde et d'ailleurs si l'on pouvait certainement lui reconnaître ces faiblesses d'homme d'arme, il en était pourtant craint par ses semblables, usant d'autres armes tout aussi dangereuse, comme il aimait à le faire remarquer à Roland.

Conscient de ses lacunes en matière d'étiquette, l'héritier des Rivefière se montrait réceptif et curieux, s'osant même à déjà à la pratique face à son précepteur nouvellement nommé qui reçu la réplique en forme de perche tendu à son endroit avec un certain amusement non moins dissimulé. Seul l'esquisse d'un sourire trahissait ces émotions alors qu'il inclinait la tête sur le coté et dévisageait son homologue avec un air énigmatique.

- L'audace, voilà l'expression d'une qualité des plus importante. Mais il faut savoir l'utiliser au bon moment mon cher ami. Viendra peut-être le temps où nous pourrons évoquer ce sujet qui j'en ai pleinement conscience, vous tient à cœur. Loin de moi le sombre dessein d’enchaîner votre Maison à ma seul volonté.

Était-il sincère ? Rien n'était moins sûre. Mais il ne pouvait que saluer l'entreprise de l'héritier, malgré que ce dernier n'ai pas encore suffisamment de carte en main pour chambouler l'ordre des choses.

- Vous pourriez et le temps nous le dira. Je ne m'avancerais évidement pas à quelques propositions, ce serait bien prématuré de ma part. Et je dirais même que pour vous offrir ce luxe, il vous faudra gagner la confiance et le crédit de vos parents qui je le sais, porte de grandes ambitions à votre endroit. Je puis juste vous certifier mon attachement pour votre famille et que nous trouverons naturellement un terrain d'entente lorsque les Rivefière seront capable de voler de leur propres ailes. Je suis le garant de votre réussite et je crois en votre réussite, mais je ne voudrais pas vous exposer trop rapidement aux dangers de la Haute sans que vous n'y soyez totalement préparer.

Victor affirmait par ses dires sa nécessité actuellement de garder son influence sur la Maison Rivefière, tel un protecteur sensible et averti. Evidemment dans les faits, plus il tiendrait Roland et ses proches sous sa coupe plus il voyait en quelque sorte la "cote" de cette dernière prendre en valeur sonnante et trébuchante, il n'y avait que ce cas compliqué d'une Séréna rebelle qui assombrissait légèrement un tableau prometteur. En maître des intrigues, il laissait pourtant entrevoir à son homologue la possibilité qu'il puisse toutefois jouer un rôle dans cette affaire.

Le Comte de Rougelac usait et abusait de belles paroles. Roland voudrait bien le croire, mais sa réputation pouvait entacher quelque peu ses belles paroles. Il doutait de sa sincérité, mais ne lui en fit pas part, naturellement. Il préférait entretenir cette entente cordiale entre les deux, qui sait, peut être allait-il réellement encourager la réussite de l’héritier. Pour le moment, rien était acquis et Roland devrait encore faire preuve de talent, de maîtrise de soi, de prouver ses valeurs. Victor salua néanmoins l’audace du noble guerrier. Il avait encore ce mérite. L’audace était importante, dans une certaine mesure, évidemment.

- « Je tacherai donc de m’atteler à cette préparation et de faire preuve de patience. »

Il sourit au Comte, bien que ce sourire ne soit pas réellement sincère. Son visage savait masquer les émotions, et là c’était bien judicieux. L’heure était bien avancée et Roland ne tenait pas à retenir le Comte plus longtemps. Il le remercia pour ses conseils, lui en prodiguant quelques uns aussi.

- « Je vous remercie Victor pour vos précieux conseils, je m’en remettrai très bientôt à vous. N’hésitez pas de me faire prochainement part de vos disponibilités, afin de poursuivre votre entraînement à la monte. Je ne pourrais que vous conseiller de prendre un bon bain chaud, pour détendre vos muscles après cet effort. »

Il était bien vrai que la chaleur et l’eau aidait les muscles tendus, se soulageant après avoir été mis à rude épreuve. C’était agréable. Victor en profiterait certainement. Leur journée s’achevait bientôt, mais pas leurs futurs projets. Au contraire, dans l’esprit de Roland, c’était les prémices de sûrement bien des surprises. Victor, représentait la noblesse que l’héritier n’appréciait pas, la manipulation, les mondanités etc. Mais, il avait bien raison sur un point, cela restait important pour gravir les échelons et se rapprocher de la haute société. C’était la fin de tout, les nobles se complaisaient dans le peu de richesses qu’ils leur restaient. Mais il y avait certainement autre chose à faire, d’autres cartes à jouer, Roland en était persuadé. Il ne serait pas qu’un pion dans tout cela, il voulait faire partie de quelque chose de plus grand. Il fallait juste saisir les opportunités, s’en donner les moyens.