[Terminé]L’amour veut vivre aux dépens de sa soeur, l’amitié vit aux dépens de son frère.

Le matin du 22 Janvier 1166 - Manoir des Rivefières

De retour d’une courte mission extérieure, Serena n’était pas moins fatiguée. Une nuit à peine s’était écoulée depuis le début de sa mission jusqu’à sa finalisation, mais les efforts et les tensions liées aux risques ne l’avaient pas épargné. Peut-être était-ce également dû aux différents événements qui l’avaient chamboulé la veille de son départ ? À peine avait-elle eu le temps de conclure un pacte de sang et de réaliser une ambiguïté particulière envers sa meilleure amie qu’elle avait appris que cette dernière était promise à son frère aîné. Un retournement de situation qui l’avait bouleversée plus que nécessaire.

De retour dans les remparts, elle n’était pas certaine de ce qu’elle allait pouvoir y retrouver. Roland lui avait certifié vouloir annoncer la nouvelle de sa propre voix. Mais comment cela s’était-il passé ? Quelle fut la réaction de la noiraude qu’elle chérissait tant ? Elle n’en avait pas la moindre idée et elle redoutait un peu de la retrouver. Peut-être était-ce également pour cela que Serena décida de rentrer directement chez elle au lieu de faire un détour en direction des quartiers de la bourgeoise.

Lessivée, elle ne croisa aucune âme au sein même de sa maison. La soirée avait débuté et sans surprise la majorité des membres de la famille était de sortie. Une bonne chose pour elle, car elle préférait pouvoir se reposer en paix que de croiser les foudres de sa mère ou de ses frères. Saluant Margareth d’un sourire sincère, elle accepta finalement de consommer un repas avant de rejoindre sa couche.

Plus fatiguée qu’elle ne l’aurait cru, la blonde se réveilla plus tard qu’à son habitude, savourant le début de sa journée de repos. Le soleil déjà haut dans le ciel et les oiseaux chantant, elle se prélassa longuement dans les draps confortables de son lit majestueux. Tout lui laissait imaginé une belle et excellente journée se dessiner à l’horizon. Quelques minutes plus tard, la vicomtesse, quitta finalement son lit afin d’enfiler une tenue décontractée, mais peu conventionnelle pour une dame de son rang : un pantalon brun et une chemise de lin blanche légèrement trop grande. Plus à l’aise malgré tout dans ces vêtements généralement réservés aux hommes, elle ne prit pas non plus la peine de se coiffer, voulant profiter d’un petit déjeuné relaxant.

Ainsi, Serena descendit rejoindre la salle à manger, non sans piquer une pomme aux cuisines sur son passage. Appréciant la luminosité des lieux en ce beau matin d’hiver, la milicienne décida de prendre place sur l’encadrement d’une fenêtre afin de savourer le paysage qui s’offrait à elle. Pensive et remplie d’appréhension qu’elle tentait de relativiser, elle sursauta légèrement en entendant les portes s’ouvrir et se fermer soudainement. Là, son visage découvrit celui de son frère.

« Roland ! »

Si par réflexe, elle se mit naturellement à lui sourire, l’atmosphère et le ton grave que ce dernier semblait afficher la paralysèrent sur place. Les yeux écarquillés, l’inquiétude semblait se lire sur son visage, mais elle ne savait pas vraiment de quoi il s’agissait. Était-ce sa rencontre avec Sydonnie ? Autre chose ?

« Tu as une mine affreuse… »

Oui, c’est tout ce qu’elle sut maladroitement prononcer sur le coup.

Suite à la fin de discussion des plus houleuses avec Sydonnie d’Algrange, Roland n’était pas tout de suite rentré chez lui. Il avait marché, beaucoup marché. Il était dans une colère noire, une rage folle. Jamais encore il n’avait été aussi énervé. Jamais personne n’avait osé le traiter de la sorte. Il pensait que Sydonnie était devenue folle. La Fange changeait les gens, c’était certain, elle l’avait changée lui aussi. Mais à un tel point, il n’en revenait pas. La milicienne l’avait attaqué verbalement et physiquement, avec une telle haine, une telle méchanceté. Non, il ne voulait pas d’une femme aussi haineuse pour épouse. Elle lui avait demandé de rester éloigné d’elle, mais c’était bien ce qu’il comptait faire. Il aimerait ne plus jamais avoir à la recroiser. Avoir une telle personne dans son entourage était mauvais. Elle était mauvaise. Non, il n’avait pas besoin de cela. Elle souhaitait en plus faire se dévoiler ses imperfections, le rendre faible et malsain. Pourquoi voulait-elle cela, était-elle devenue aussi vile qu’une sorcière. Il marcha vers l’esplanade, mais n’ayant toujours pas l’envie d’aller dormir, il continua, allant vers les remparts. Il regarda à l’horizon, cherchant des réponses qui ne venaient pas, un apaisement qui ne venait pas non plus. L’héritier resta là un moment, pensif, silencieux. Les premières lueurs du jour n’allaient pas tarder à faire leur apparition, la foule allait sortir, se pavaner, parler. Il ne voulait pas parler, il ne voulait pas les voir, voir personne. Il rentra donc, se faufilant rapidement vers sa chambre. Il ne réussit pas à dormir pour autant.

Le noble alla frapper à la porte de sa sœur, il fallait qu’il s’entretienne avec elle, il n’y avait personne, il entra tout de même et vit que le lit était défait, elle avait donc dormi là cette nuit et peut être était-elle encore dans le manoir. Il arriva dans la grande salle à manger, referma les portes, en surprenant Serena. Elle était donc là, et s’inquiéta de la mine de son frère. Si elle savait… Roland avait certes une mine affreuse, celle d’un homme ayant passé une nuit blanche à s’énerver, dramatiser, s’imaginer divers scénarios. L’attitude de Sydonnie, ce pacte grotesque, c’en était trop. Et sa sœur, qu’il croyait de son côté, lui avait caché tout cela…

- « J’ai en effet, petite sœur, passé une très mauvaise nuit. J’ai besoin que nous parlions. »

Il resta debout, éloigné d’elle. Il était contrarié, déçu, distant. Il ne voulait pas se rapprocher, pas qu’elle cherche à l’attendrir. Il était si vexé, se sentant comme trahi.

- «  J’ai donc rencontré Sydonnie hier soir. Je dis bien rencontré, parce qu’elle n’a plus rien à voir avec la jeune fille de mon enfance. Je pense qu’elle est néfaste et dangereuse et qu’elle a une très mauvaise influence sur toi. »

Il voulait ainsi juger la réaction de sa sœur quant à ses remarques, est ce qu’elle la défendrait envers et contre tout, il était prêt à parier que oui. Ce pacte de sang, ce n’était pas rien, leur lien devait être très fort, il voulait juste savoir à quel point exactement.

Besoin que nous parlions. Voilà des mots qui accompagnés de ce regard, cette distance, ne lui disait rien qui vaille. Instinctivement, les jambes de la noble combattante quittèrent l’encadrement de la fenêtre pour reprendre racine, tandis qu’elle se tournait en sa direction. Toujours appuyée et à demi-assis contre le rebord, Serena reporta toute son attention sur lui.

Malheureusement ses pires craintes se confirmèrent dès lors qu’il prononça le nom de sa meilleure amie. Il l’avait vu, rencontré et visiblement cela ne s’était bien passé. Le cœur déjà pincé à cette réalité, il sembla presque s’arrêter lorsque des paroles froides et presque cruelles sortirent des lèvres de son frère. Comment….osait-il ?

Les sourcils froncés, l’expression de la jeune femme changea de tout au tout. Abasourdie, perdue, mais aussi blessée qu’il puisse ainsi lui parler d’une personne qu’il savait cher à ses yeux. Ses lèvres s’entrouvrirent à plusieurs reprises, mais aucun mot ne parvint à sortir tant qu’elle se retrouvait envahie par des émotions contradictoires. La tête baissée, cherchant encore à faire le tri sur ses pensées, elle observa ses doigts jouer nerveusement avec sa pomme avant de finalement la poser à côté d’elle et se relever.

Finalement, debout, elle commença à marcher, puis faire debout tout. Prête à exploser, elle tentait néanmoins de se contenir et garder son calme.

« Tu te trompes. »

Parvient-elle finalement à prononcer avant de loger ses paumes sur une des chaises de la table, posant ses yeux sur son aîné encore situé à l’opposé de la pièce.

« Sans elle, je ne serai pas debout aujourd’hui. Et cela m’attriste profondément que tu penses le contraire. Pire encore, que tu oses l’insulter. »

Lui qui était d’ordinaire si prévenant, elle peinait vraiment à comprendre cette attitude envers elle. Cherchait-il à lui faire du mal ? A l’éloigner de la seule qui l’avait toujours encouragé sans jamais la juger ? Cette idée à elle seule, lui était insupportable.

« Je serai bien curieuse d’entendre sa mauvaise influence…. Surtout que tu te disais fière de moi. »

Non, elle ne le comprenait pas. Lui avait-il menti pour lui faire plaisir ? Était-ce cela ? Ne parvenait-il pas à comprendre ses motivations envers la milice ? Ou était-ce autre chose ? L’arrogance d’une femme ? Oh, elle savait bien que Sydonnie n’était pas facile, plutôt explosive même. Mais, ne l’avait-elle par prévenue ?

« Je suppose qu’elle n’a pas bien accueillie la nouvelle ? »

Roland observait sa sœur se mouvoir dans la pièce, sa réaction, sa démarche, ses paroles, tout la trahissait. Elle était en train de bouillir intérieurement, il le sentait, il le percevait. Elle n’appréciait pas du tout qu’il dise du mal de son amie, sainte Sydonnie d’Algrange pendant qu’elle y était. Elle était mauvaise, un point c’est tout. Il fallait qu’elle en prenne conscience. Mais l’héritier pensait qu’il était déjà bien trop tard, un pacte de sang les liait à présent. La brune avait déjà enfoncé ses ongles bien trop profondément dans l’âme de sa jeune sœur. A voir comment elle la défendait, c’était certain. Il s’avança à présent vers elle, ne craignant pas sa réaction, vu son état de fureur suite aux évènements de la veille, plus le fait qu’il n’avait pas du tout fermé l’œil de la nuit, il était remonté à bloc.
Il lui faisait maintenant face, lui parlant très sèchement, d’une voix qui lui était si peu familière, froide, dénuée de tout sentiment.

- « Je ne me trompe aucunement, ma chère Serena. Cette femme est terriblement mauvaise. Tu dis que j’ose l’insulter ? Sais-tu au moins ce qu’elle a osé me faire ? Elle ne m’a pas seulement insulté, elle m’a menacé physiquement et verbalement de toutes les manières qu’il soit. Je lui ai appris la nouvelle certes, mais je me suis montré fort agréable avec elle. Tu me connais quand même, je ne l’ai pas agressée. Elle s’est jetée sur moi, comme une folle à lier, me menaçant directement de mort. Alors qu’avant cela, tout se passait pour le mieux. Je ne vois qu’une seule explication à cela, elle doit être atteinte de grave troubles mentaux. »

Il n’y allait certes pas avec le dos de la cuillère, il ne se plaignait pas. Il lui exposait simplement la triste vérité. Son amie était tout simplement cinglée. Et dire qu’il pensait à la base qu’elle avait une bonne influence sur elle. Il s’était bien trompé. Il regrettait ce rendez-vous, il regrettait tout à présent. Et surtout, il s’inquiétait pour sa sœur.

- « Et visiblement elle n’est pas la seule à avoir des problèmes mentaux. Je sais tout pour toi et elle, ce que vous avez fait, elle me l’a dit. »

Il restait volontairement évasif, prêcher le faux pour savoir le vrai. Sans doute lui ferait-elle d’autres révélations, il n’était plus à cela prêt après tout, dans quelles autres combines avait-t-elle pu être entraînée.

Si la blonde avait appréhendé la rencontre entre les deux êtres qui lui étaient le plus chers, jamais elle n’avait imaginé un tel retour de la part de son frère. Surprise par une telle animosité, Serena eut bien un mouvement de recul lorsque ce dernier s’imposa face à elle pour lui cracher des paroles plus difficiles à entendre. Crispée et terriblement blessée par son comportement, elle le détailla avec une énorme incompréhension. Il n’était clairement pas le frère qu’elle chérissait tant… non… Elle ne parvenait pas à croire qu’il puisse lui parler ainsi.

Elle ne savait pas ce qui s’était passé entre eux deux et n’osait pas l’imaginer. Naturellement, elle connaissait et craignait parfois le tempérament de sa jumelle, mais… elle avait espéré que… incroyablement déçue tant par l’un que par l’autre, elle parvenait à peine à trier ses pensées lorsque son frère finit par lui balancer des mots plus forts encore.

« Pard… »

Pas le temps de finir qu’elle se paralysa net. Ce qu’elles avaient fait ? Elle lui avait tout dit ? Le rythme cardiaque d’ordinaire sous contrôle commença s’affoler dangereusement. De…de quoi parlait-il ? Perdue, comme une enfant prise au piège, Serena baissa la tête, semblant chercher avec épouvante ce dont pouvait bien parler l’héritier de la famille. Avait-elle ? Non… elle ne l’aurait pas fait. Jamais Sydonnie ne l’aurait trahie. La blonde en était persuadée, jamais la coutelière n’aurait parlé de son pacte ni même de leur rapprochement à son propre frère. C’était impossible.

Ses yeux légèrement assombris se reposèrent alors sur son frère. Était-il en train de bluffer pour la faire craquer ? La faire avouer des choses qu’elle se refusait de lui révéler… ?

Les sourcils froncés, vexés, la jeune femme recula de quelques pas, remettant une distance peu commune entre eux deux. Le regardant avec un lourd sentiment de trahison, elle n’avait plus l’impression de le reconnaître. Dégoûtée, répugnée par ses paroles et par la pression qu’il s’amusait à exercer sur elle, Serena ne trouva pas les mots. Pourtant, à travers la noblesse et sa place de milicienne elle s’était largement habituée à faire face aux attaques personnelles. Jamais, elle ne se serait sentie aussi touchée si une quelconque autre personne était venue ainsi l’insulter. Néanmoins, même si elle peinait encore à y croire, l’homme qui se trouvait à cet instant, face à elle, était celui qui comptait le plus à ses yeux. Et le pire était certainement qu’elle ne parvenait à comprendre toute cette haine dirigée contre elle.

« Que…Tu… »

Déstabilisée, Serena continuait à secouer la tête. Tout cela ne pouvait être qu’un mauvais rêve. Forcément… Serrant ses poings de toutes ses forces, la douleur confirma ses pires cauchemars. C’était la réalité. Vraiment. Face à cette triste constatation, Serena tenta de reprendre une bonne inspiration, retenant les larmes de rage qui humidifièrent ses yeux tandis que son regard refusait de se poser sur cet homme qui lui était alors inconnu.

« Je… Je ne sais pas ce que… » Elle déglutit. « Ce qu’elle t’a dit… ou fait… mais de quel droit… » Les sourcils froncés et l’expression presque douloureuse, elle finit par relever ses yeux sur lui. « Est-ce là ce que tu penses de moi… Mon frère ?! Une malade ?! Vraiment ?! »

Sa voix était montée d’un cran tant que la colère envahissait tout son être à ces paroles lourdes de sens. Accusatrice, révoltée et affligée, elle était visiblement sur le point d’exploser.

Roland voyait bien qu’il était complètement en train de déstabiliser sa sœur. Mais au lieu d’arrêter, au lieu de se calmer, de faire preuve d’humanité, d’être attendri par elle, au contraire, il avait envie de continuer. De crier, de vociférer, de hurler sa rage. Tout le monde désirait apparemment le voir changer, qu’il se manifeste, qu’il soit lui-même ? Il ne savait plus qui il était. Mais vous voulez voir réellement ce qui se cache lorsque le masque tombe ? Attendez un instant, vous n’allez pas être déçu. Il en avait plus que marre de paraître, de contenter tout le monde. Non, il n’allait pas bien. Oui, il souffrait énormément intérieurement. Fini de protéger, fini de tout encaisser. Il ne pouvait plus.

Plus Serena reculait et plus Roland avançait sur elle. La voix de Serena montait et lui allait le faire aussi, encore plus fort. Il avança jusqu’à ce qu’elle recule contre le mur. De cette façon, elle ne pouvait plus fuir, plus lutter. Elle était obligée de faire face à la triste réalité. Alors qu’elle lui demandait s’il la considérait comme folle, il hurla.

- « OUI ! TU ES UNE MALADE !!!!!!! UN PACTE DE SANG ??!!! »

Voyant qu’elle n’osait rien révéler, il l’avait dit. La voici maintenant totalement confrontée à la situation. Roland détacha son regard d’elle et partit à l’opposé de la pièce. Il aurait eu envie de la secouer… Il tenta, usant des dernières forces qui lui restaient, pour ne pas péter encore plus les plombs, ou tout casser dans cette fichue salle à manger. Il souffla, posa ses deux mains à plat contre le table. Il baissa également la tête, fixant la table.

- « Sais-tu au moins exactement ce que cela implique ? Pourquoi faire une chose pareille ? Tu penses que le monde n’est pas suffisamment dangereux, tu penses que notre famille n’a pas assez vécu de drame pour nous infliger cela ? J’ai finalement accepté ton rôle dans la milice, je pensais pouvoir te faire confiance et oui j’étais fier de toi. Mais cela… Non. Je ne peux pas le tolérer, tu es d’une inconscience Serena… »

Il essayait pourtant de peser ses mots, mais ce n’était vraiment pas facile de se contenir.

- « Pourquoi as-tu fait cela, explique moi. Elle t’a donc envoûtée ? »

Sydonnie d’Algrange, tout était de sa faute, il en était convaincu.

Acculée par son propre frère, elle ne s’était très certainement pas attendue à ce qui allait suivre. Non seulement sa voix et son visage s’étaient montrés plus violents encore, mais surtout, ce dernier venait de faire une choquante déclaration. Totalement paralysée et bouche bée par ce qu’il venait de lui révéler, Serena crut bien sentir son cœur cesser de battre. Il…savait. Le déni et sa stupidité lui donnèrent envie de demander comment… Mais cela était évident, non… oui… Elle ne savait plus. Elle ne comprenait plus.

Toujours collées contre le mur, ses jambes faiblissaient dangereusement alors plus qu’aucun son ne semblait vouloir, pouvoir sortir de sa gorge. Le ventre noué et le visage pâle, Serena était forcée de faire face à la réalité. Sydonnie avait révélé leur pacte à son frère et elle ne lui restait plus qu’à prier les Dieux pour qu’elle ne lui en ai pas dit plus.

Ses yeux observant d’abord le dos tourné de son aîné, elle finit par réussir à refermer ses lèvres lorsqu’elle croisa à nouveau son expression. Jamais, ô grand jamais elle ne l’avait vu aussi furieux. Et le pire était certainement qu’elle ne comprenait toujours pas pourquoi. Pourquoi devait-il être tant opposé à cette union ? Pourquoi ne parvenait-il pas à l’accepter… lui faire confiance ? Pourquoi ?

Vinrent ensuite des paroles plus douloureuses encore, celle qui faisait écho à toute la culpabilité qui la rongeait jour après jour. Assez de drame… Nous infliger… tel était ses mots. Si au début, Serena avait simplement eu l’envie de partir, toute quitter sans un regard en arrière, elle décida finalement de laisser la colère en elle remonter. Serrant ses poings, elle se redressa finalement pour faire face à son frère avec toute sa hargne.

« Roland, tu n’es qu’un hypocrite. Cesse donc de parler comme si tu avais réellement un jour cru en moi… de toute évidence cela n’a jamais été le cas. Je commence même à me demander si demain tu ne seras pas le premier à crier à la sorcière en me désignant ! »

Cracha-t-elle remplie de rancœur face à toute la colère et la haine dirigée contre elle. Déçue et trahie, sa voix n’égalait néanmoins pas le ton autoritaire et imposant de son aîné. Non, elle était froide, sèche et douloureuse.

« Contrairement à toi, Sydonnie a toujours été là pour moi ! Jamais elle ne m’a jugée, jamais elle ne m’a autant insultée ! Elle est la seule à m’avoir toujours comprise et soutenue… LA SEULE ! Tu m’entends ?! »

La fureur et le sentiment de révolte envahissant rapidement tout son être, l’un de ses poings vint frapper violemment la majestueuse table à manger avant qu’elle ne s’avancer d’un grand pas en direction de son frère.

« Qui penses-tu être pour me juger ?! Mon frère ?! Non ! »

Lança-t-elle avec une certaine haine en venant alors le pousser de toutes ses forces.

« Jamais mon frère m’traiterait ainsi ! JAMAIS ! Tu me penses folle ?! Tu n’as même pas idée de tout ce que j’ai fait Roland ! Ni même de tout ce que j’ai vécu ! Où étais-tu quand j’ai décidé de rejoindre la milice ?! Où étais-tu quand je me suis fait crachée dessus et humiliée ? Où étais-tu quand je me suis fait agresser dans la rue ?! Où étais-tu quand tous mes frères d’armes sont morts en me laissant seule dans la fange ?! Et où étais-tu toutes ces nuits où je rêvais pouvoir prendre la place d’Alys ?! »

À bout de souffle, ce ne fut que lorsque le prénom de sa sœur défunte que Serena s’arrêta et réalisa alors tout ce qu’elle venait d’énoncer. Une vague de souvenir aussi désagréable qu’insupportable vint alors la frapper de plein fouet. La peine se lut alors facilement sur son visage tandis qu’elle le baissant lentement en murmurant.

« .... toi aussi… tu l’aurais préféré… »

Oui, c’était évident désormais.

Serena était elle aussi folle de rage, sa colère semblait l’emporter. Mais pire encore, sa voix et son air étaient douloureux. Roland y allait très fort en reproches et accusations. Forcément, elle ne se laissait pas faire. Elle répondait, sèchement, froidement. Roland était toujours appuyé, mains sur la table, tête baissée. Lorsqu’elle frappa sur la table, celui-ci leva néanmoins la tête. Sa sœur vociférait toujours, se rapprochant à présent de lui. Et maintenant elle le poussait, le cœur vraisemblablement rempli de haine. Il recula d’un pas. Il n’acceptait pas qu’elle le traite ainsi. Sydonnie, maintenant Serena. Il en avait plus qu’assez de ces femmes incontrôlables. Il la laissait crier, le pousser, hurler.

Mais lorsque Serena parla enfin du triste sort de leur petite sœur Alys, il perdu le contrôle. Il frappa du poing de toutes ces forces dans une commode à côté de sa sœur. Le verre éclata, sa main était ensanglantée. Il n’admettait pas tout ce que sa sœur était en train de lui révéler. Elle l’accusait de ne pas avoir été présent. Son sentiment de culpabilité se renforça malgré tout. Il ne supportait pas la mort de sa felle, ni celle de sa jeune sœur. Serena lui avouait maintenant avoir pensé à en finir. Elle lui reprochait de ne pas avoir été là pour elle. Mais il avait déjà tant fait pourtant. Il s’était totalement oublié, pensant en premier lieu au bien être de sa famille, de tout le monde. Il gardait la tête haute, jamais un faux pas, rien de travers. Il n’en pouvait plus de tous ces faux-semblants. Sa vie entière était en train de le rattraper. Tout ne semblait n’être qu’une suite de lourds échecs. Sa vie entière reposait sur du néant. Il était fatigué de tout cela.

Le visage de Serena semblait davantage peiné à présent, plus que colérique. Celui de Roland aussi. Frapper de toutes ses forces dans ce meuble l’avait peut être soulagé un instant de sa haine. Mais la tristesse était là, l’amertume aussi. Il ne pourrait plus se cacher sous ce masque. Les sentiments qu’il ressentaient étaient trop violents, trop déchirants. Il aurait voulu partir à cet instant, loin, très loin de tout ce cirque. Il resta silencieux un moment, le regard tristement vide, l’air absent et tellement lointain. Il ne semblait plus réagir à rien. Il marcha lentement vers la fenêtre et s’assied là où précédemment sa sœur était. Il passa sa main sur son visage, puis dans ses cheveux, les ébouriffant quelque peu au passage.

- « Pourquoi on est-on arrivé là Serena, pourquoi tout va à vau-l'eau. Je … n’y arrive plus. Je n’ai plus la force de me battre... »

L’héritier semblait résigné. Cette vie commençait sacrément à lui peser, rien n’allait plus comme il le voulait. Tout n’était qu’une grande mascarade.
Roland tendit la main vers sa sœur, de manière à ce que celle-ci se rapproche et vienne s’asseoir à ses côtés. Son autre main saignait un peu, mais rien de grave. Il voulait la prendre dans ses bras, il s’en voulait de l’avoir tant attristée.

- « Je suis désolé Serena, au fond ce n’est pas contre toi que je suis en colère. Je m’en veux beaucoup aussi. Si j’ai réagit de la sorte, c’est aussi parce que je m’inquiète terriblement pour toi. Tu comptes plus que tout à mes yeux et te perdre serait la pire chose que j’aurais à affronter. Je ne le supporterais pas. 
Je suis là pour toi à présent. Je t’assure que malgré tout cela, tu peux compter sur moi. Parle moi de ce qui t’es arrivé, parle moi de tes craintes, de tes souffrances. Tu peux tout me dire et je peux tout encaisser. »

Le verre explosa dans un bruit assourdissant alors que quelque chose d’autre venait définitivement de se casser. Une colère et une tristesse déchirante venaient d’éclater aux grands jours entre les deux aînés Rivefières. Les deux secoués par leurs actes, paroles, mais aussi toute cette tragédie et cette culpabilité qui les rongeaient, commencèrent à faire silence. Encore debout et tête baissée, Serena n’avait pas osé affronter à nouveau le regard de son frère, le laissant ainsi s’éloigner à contrecœur.

Si elle avait redouté de nouvelles paroles blessantes, celles qui suivirent la déchirèrent plus encore. Se tournant enfin lentement pour le regarder d’un air peiné et inquiet, elle ne trouva pas la force de refuser sa main tendue. Au contraire, ce contacte si fragile était à cet instant extrêmement important. Main dans la sienne, elle se raccrocha à sa douceur habituelle et à sa chaleur pour essayer d’oublier ce qui venait de se passer.

Lentement, avec une terrible et triste hésitation, Serena vint s’enfouir dans ses bras, nicher sa tête contre lui et fermer les yeux sur cette effroyable journée. Imaginait-il seulement à quel point l’idée qu’elle le déçoive, qu’il vienne à la renier, la détester, l’effrayait ? Encore tremblante et secouée par la colère et l’incompréhension de son frère, elle se serra plus encore contre lui avant de murmurer.

« … Je t’aime Roland. » Sa voix était encore crispée, mais la tendresse fraternelle l’aidait à continuer et renifler ses larmes. « Ne me déteste pas… jamais… Je suis désolé. » Si désolé, pour tout, tout ce qu’elle avait fait, tout ce qu’elle faisait encore subir et ses caprices plus forts qu’elle. Tout serait plus simple si elle était différente ou plutôt normale, elle le savait, mais n’y parvenait pas.

« Je ne suis pas à la hauteur, je… j’étouffe ici. »

Et lorsqu’elle parlait d’ici, Serena n’évoquait pas uniquement la maison des Rivefières, mais un tout. Il y avait cette pression, cette société, ces remparts, ces créatures, la fange… elle se sentait tellement révolter et cela depuis tellement longtemps qu’elle se sentait toujours sur le point d’exploser.

« Je m’en veux tellement, Roland… »

Enfin, Serena se décida à s’asseoir à ses côtés, prenant appui contre lui, sa tête posée contre son épaule et ses yeux errant sur la pièce d’ordinaire si silencieuse. Aussi perdue que son frère, elle ne comprenait pas comment ils en étaient arrivés là, tout avait toujours été si simple enfant, si beau. Eux qui avaient été si complices avaient été séparés par le temps et la fange et cela elle ne se le pardonnait pas non plus. Lui prenant doucement la main blessée, elle posa un regard doux et inquiet dessus, caressant délicatement de son pouce sa peau saine.

« … Je ne sais pas ce qu’il s’est passé Roland, mais... » Elle déglutit. « Syd’ a toujours été proche de moi, toujours été là pour me soutenir sans jugement… et… la retrouver… » Elle s’arrête et lui jette un regard désolé. « Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais… elle n’est pas celle que tu décris, pas pour moi. » Baisse à nouveau ses yeux sur ses mains. « Ce pacte officialise quelque chose qui était évident pour nous deux. C’est… Quelque chose de fort, de puissants… et je suis certaine que ce sont les Trois qui nous ont liés bien avant ce pacte, Roland. Alors… ne m’en veut pas…. S’il te plaît. »

Peut-être devrait-on parler d’une amitié, mais à vrai dire après ce qui s’était passé entre elles, elle n’en était plus très sûre. En revanche, elle se sentait bien dans l’incapacité de lui parler de ce point. Comment pouvait-elle espérer qu’il réagisse de manière compréhensive après… enfin… Elle secoua la tête pour chasser ces idées noires avant de reposer son regard sur lui.

« Je ne veux pas te perdre… je … j’ai peur …. Peur de te décevoir, peur de te voir me tourner le dos… me haïr… Même si je le mérite. »

Serena vint le rejoindre, non sans une hésitation passagère. Leurs mots avaient dépassé leur pensée, leurs actes aussi. La violence gratuite comme cela, auparavant il ne la tolérait pas. Le comte ne comprenait pas ses sauts d’humeur, son attitude qui évoluait vers le mal… Mais tous ces évènements, ces révélations, c’en était trop. Même pour l’homme qu’il était. Il n’arrivait plus à aussi bien encaisser les chocs. Ses émotions le rattrapaient peu à peu, sans qu’il ne puisse rien y faire.

Lorsque sa sœur enfouit son visage dans son torse, il l’enlaça. Elle le serra plus fort et il en fit de même. Leur colère avait été déchirante, Roland s’était emporté contre elle, comme jamais il ne l’avait fait auparavant. Elle ne le reconnaissait sûrement plus, lui-même ne se reconnaissait pas. Il s’en voulait d’avoir déchargé sa haine contre elle. Mais sa peur s’était transformée en rage. Une rage intérieure enfouie depuis si longtemps. Elle lui dit qu’elle l’aimait, les mots étaient cependant dures à entendre. Lui qui venait de se montrer violent, méritait-il à présent ce traitement ? Il lu répondit, d’une voix basse et assez émue de la situation. Il releva la tête de sa sœur, la confrontant directement à son regard océan.

- « Je t’aime aussi Serena, plus que tout. »

Mais ce pacte, il n’arrivait pas à l’expliquer… Elles étaient amies, pourquoi avoir voulu aller si loin. Mais elle se confondait en excuses, il ne pouvait pas la blâmer davantage. C’était au dessus de ses forces, inutile de chercher à remuer en vain le couteau dans la plaie.

- « Ne te dénigre pas ainsi Serena. Mais fais moi une promesse à présent s’il te plaît, ne me laisse plus jamais en dehors de ta vie. Je veux être présent pour toi. Tu peux compter sur moi, je t’assure. Préviens moi de tes choix, de tes doutes. Je peux t’aider, je peux t’aiguiller ou tout simplement t’écouter. Ne nous comportons plus comme des étrangers, nous étions si proches autrefois. Laisse nous redevenir ces enfants plein de tendresse et de complicité je te prie. »

Certes, la vie était bien différente à Marbrume. Mais, ils restaient frère et sœur, à la vie à la mort. Rien ne pouvait les séparer. Leur amour éternel était fort et sincère. Ils pouvaient faire face à l’adversité et affronter les évènements à venir, ensemble.

- « Je comprends votre lien, sans le comprendre totalement finalement. Mais je ne le jugerai pas. J’essaierai simplement de m’y faire, qu’à présent vous êtes des femmes d’armes sous ce pacte. 
Je ne te hais point. Et je ne te haïrai jamais. Tu es mon sang et cela compte énormément à mes yeux. »

Il voulait bien donner à Sydonnie d’Algrange le bénéfice du doute, même si pour le moment, il n’était pas prêt à la revoir de si tôt. Les choses évolueraient peut être entre eux. Ainsi, il voulut rassurer sa sœur.

- « Je ferais des efforts, si Sydonnie et moi devons être amenés à nous recroiser, je te le promets. »

Puis il lui prit la main.

- « Et toi alors, ta vie sentimentale ? Tu peux aussi m’en parler tu sais. Je suis bien curieux de le savoir. C’est bien triste tout de même, j’ai l’impression de n’être plus au courant de rien te concernant. Si tu me dis les choses, cela m’éviterait la prochaine fois de tomber ainsi des nues ! »

Il se voulait un peu plus léger, mais la mélancolie qu’il ressentait était encore plus ou moins présente.

Peut-être étaient maladroits, autant dans leur acte que dans leur parole. Mais sachant qu’ils ne s’étaient jamais ainsi emportés l’un envers l’autre, cela était plutôt normal. Chacun devait trouver un moyen de se faire pardonner, de s’expliquer et surtout de rassurer, se confier. Si dans la théorie tout cela était plutôt aisé, en réalité c’était extrêmement difficile. Rien ni personne ne pourra jamais retirer le lien qui les unit, pourtant, l’appréhension quant à la réaction de l’une ou de l’autre était d’autant plus importante. Jamais, Serena ne voulait causer de souffrance à son frère, à ses frères. Mais elle se savait particulièrement douée pour se retrouver dans des situations défavorables. Enfin, au fond, elle avait conscience que jamais Roland ne pourrait réellement la haïr, qu’il fasse toujours de son mieux pour elle… le problème était les divergences d’opinions. Et plus que jamais, la seconde Rivefière n’était pas convaincue qu’il puisse un jour complètement la comprendre et la soutenir. Mais peut-être que cela n’était pas un tort ?

Un peu émue par les paroles tendres de son frère et son désir de renouer les liens, Serena retourna cacher son visage contre lui afin de l’enlacer. Évidemment, ses gestes parlaient d’eux-mêmes et suffisaient largement comme réponse, mais rien n’était réellement si simple.

« Seulement si tu en fais de même…»

Car on ne pouvait pas dire qu’il dut genre à se confier à elle, non plus. Elle-même ne savait pas trop ce qui se passait dans sa vie ni ce qu’il projetait à l’avenir. Et s’il espérait pouvoir être là pour elle, elle le souhaitait tout autant. Retrouver leur relation d’enfance, pouvoir partager et se soutenir mutuellement, évidemment, elle ne rêvait que de cela.

« J’espère qu’un jour tu sauras le comprendre… En attendant, garde simplement à l’esprit que c’est une femme, une amie très importante à mes yeux, comme elle l’a toujours été. »

La suite la toucha un peu plus, même si elle savait bien que son aîné devait se forcer à prononcer ces mots. L’observant un moment, elle lui caressa la joue pour le rassurer à son tour.

« Même si je le préférerai, je ne te demanderai pas de l’apprécier… Simplement, ne la juge pas trop vite, d’accord ? Fais-moi confiance. »

Ce qui suivit ensuite la paralysa quelques instants. C’est qu’elle ne s’était pas du tout attendue à ce qu’il lui pose une question si intime aussi… Subitement et après leur échange… Clignant des yeux, elle sentit subitement ses joues prendre la couleur sous l’embarras de sa situation. Fuyant un instant son regard, la milicienne se retrouva légèrement hésitante avant de se redresser.

« Très bien, mais avant… allons donc rassurer Margareth et soigner ta main, veux-tu ? »

Gardant sa main dans la sienne, la sœur entraîna lentement son frère hors de cette scène de colère pour mieux aller rassurer leur domestique puis l’entraîner dans sa chambre afin de traiter ses plaies tout en poursuivant leur échange en toute intimité.

« Installe-toi. »

Fit-elle sous un faux air autoritaire tout en parlant à la recherche de son kit de soin. Évidemment, après ses nombreuses missions et entraînements, sa pharmacie contenait presque tout le nécessaire. Le rejoignant sur le lit, elle posa la boîte de côté avant d’attraper sa main et délicatement retirer les bouts de verre restant.

« J’ai l’impression que nous avons beaucoup de chose à rattraper… »

Et ce constat l’attristait énormément. Ses yeux concentrés sur sa main, elle soupira légèrement avant de reprendre.

« Parfois je me demande si je suis vraiment destinée à en avoir une… une vie sentimentale, j’entends. » Confia t elle dans une tristesse à peine dissimulée qu’elle masqua rapidement d’un sourire et boutade. « Aucun homme ne semble pouvoir rivaliser avec mon frère aîné ! » Un rire s’échappe de ses lèvres, sincère cette fois-ci. « Rassure-toi, tu n’as absolument rien loupé à ce niveau-là. Je n’ai personne et je n’en ai jamais eu. » Et cela malgré son âge qui commence à dangereusement s’avancer. Évidemment, lorsque Serena y repensait, elle se sentait extrêmement honteuse à ce propos. Une femme normale devait déjà être mariée et avoir plusieurs enfants, mais encore aujourd’hui, cette vie lui paraissait être…. Irréaliste. Désinfectant les plaies à l’aide d’un coton inhibé d’alcool, elle secoua la tête pour chasser ces mauvaises pensées. « Oh, il y avait bien ce forgeron… mais, j’y ai renoncé. » Elle déglutit envahie par des émotions encore plus sombres avant de prendre une grande inspiration.

« Je n’ai vraiment pas eu la tête à cela ces derniers temps ! »

Conclut-elle en se redressant vers lui, l’observant dans un maigre sourire désolé. Mais devait-elle l’être ? Pas vraiment sûre. Oh, un incident lui revint néanmoins. « Cela ne m’a pas empêché de dormir dans les bras d’un autre, en revanche. » Le sourire malicieux aux lèvres, Serena se délecta de la réaction de son frère avant de le bousculer de l’épaule. « De la survie, uniquement ! »

Enfin, elle reprit le temps de le détailler et de le contempler. Cela lui faisait du bien de lui parler ainsi, même si cela n’était toujours pas évident. Évidemment, elle était prête à répondre à ses autres interrogations, mais elle en avait également de son côté.

« Et toi alors ? Est-ce la perte d’Astrid qui t’empêche d’avancer ? Tu ne me feras jamais croire ne pas avoir eu de nombreuses prétendantes depuis. »

Elle saurait se montrer confiante envers lui et le mettrait dans la confidence à la seule condition que lui la fasse en retour. Roland sourit bien entendu à la remarque de sa sœur, dans la mesure du possible, il tacherait évidemment d’en faire de même.

- « Je te confiance, je verrais bien la prochaine fois que nous nous recroisons. »

Revenant sur Sydonnie, il espérait évidemment que les choses s’arrangent. A cet instant, un mariage était bien plus que compromis. Cependant, peut être ils arriveront à ne plus se haïr et communiquer, avec le temps. Seul l’avenir le dira.

Les dernières paroles de l’aîné avait dû déstabiliser quelque peu Serena, vu que cette dernière détourna presque aussitôt le regard. Il vit même ses joues se teinter légèrement, ce qui lui arracha malgré lui, un sourire. Mais la milicienne ne détourna pas seulement le regard, mais aussi la question, prétextant devoir soigner la main de son frère.

- « Oh non Serena, c’est inutile, c’est très superficiel... »

Mais il comprit bien vite que cela s’avérait aussi inutile de continuer, alors que la demoiselle l’avait déjà entraîné en dehors de la pièce. Il se laissa au final, bien volontiers guidé. Il lui devait bien cela, pour s’être énervé de la sorte sur elle.
Ils croisèrent ensuite la petite domestique, qui devait bien être affolée par les cris et le bruit de verre qui casse.

- « Excusez-moi, ne touchez pas aux morceaux de verre, je nettoierai Margareth. »

Il avait préféré la rassurer et lui demander de ne pas ramasser ces bêtises, par crainte qu’elle se blesse à son tour. Mais connaissant la domestique, il était fort à parier qu’elle allait le faire aussi tôt. Elle était si dévouée envers eux, comme une deuxième mère.
Arrivés à l’étage, Serena lui demanda autoritairement de s’installer, ce qu’il fit sans broncher.

- « Bien madame. »

Il gardait cependant le sourire aux lèvres. Ce petit jeu l’amusait en réalité. C’est fou comment avec elle, il pouvait passer d’une émotion vive à son extrême. Il était si énervé, à fleur de peau. Mais par sa gentillesse et sa bonne volonté, ses morts rassurants, elle avait réussi à l’apaiser. Il n’y avait bien que sa sœur pour parvenir à un tel exploit.

- « Oui plein de choses à rattraper, mais à présent que nous nous faisons la promesse d’être beaucoup plus présents l’un envers l’autre, cela n’arrivera plus.
A présent, je t’écoute. »

N’oubliant pas sa demande, il invita la blonde à poursuivre gentiment.
Elle semblait plutôt peinée, Roland la regardait avec attention, néanmoins sa boutade l’avait une nouvelle fois amusé.

- « Je comprends bien. Mais il serait mal vu, je pense, par la société si nous nous adonnons à quelques comportements incestueux. »

Il avait sûrement réussi à la piquer, mais reprit bien vite son sérieux, afin d’écouter la suite des paroles de sa cadette.
Elle lui parla d’un forgeron. Oui, Roland s’en rappelait bien, elle l’avait aimé en secret pendant quelques années, mais leur relation n’avait cependant pas abouti. Il était peiné pour elle lorsqu’elle lui apprit qu’aucune relation n’existait, tandis qu’elle continuait à soigner sa main.
Cependant, il ne s’était pas attendu à la suite. Pas de relations sentimentales sérieuses, mais elle lui avouait avoir partagé la couche d’un autre homme. Ses yeux s’écarquillèrent à cet aveu, se préparant à réagir lorsqu’elle lui affirma aussitôt que ce n’était que pour une question de survie. Cela le rassurait dans un sens. Il n’avait pas envie que sa sœur se donne comme cela, à n’importe quel homme, déjà pas avant le mariage, et encore moins sans sentiments.

- « Tu m’as fait peur ! Enfin, je n’ai pas à te juger au final, ta vie est sûrement bien plus compliquée que la mienne. Tu veux m’en dire plus sur cette nuit de survie ? »

Il ne la forçait pas, évidement. Mais sans doute ce sujet l’avait marquée, alors si elle voulait lui en parler, se confier, elle le pouvait. Sinon, il ne s’en offusquera pas.
Elle lui posa des questions à son tour, un échange de confidence, comme ils l’avaient convenu.

- « La perte d’Astrid a été très douloureuse oui. J’ai mis du temps à m’en remettre, mais je pense maintenant que cela va mieux. Les prières au temple et l’aide des prêtres m’ont beaucoup aidé. J’ai finalement accepté que la volonté des Trois était peut être de trouver une autre femme, qui pourrait elle m’apporter la descendance dont je rêve. »

C’était encore douloureux d’en parler. Serena savait que trop bien que les enfants étaient la corde sensible du sang-bleu. Il désirait en avoir, c’était peut être son vœu le plus cher. Et c’était aussi une manière de contrer la Fange, de contrer la mort, que de donner la vie.

- « Après oui, des prétendantes j’en ai eu je ne vais pas te le cacher. Mais aucune qui ne m’a fait basculer pour le moment. Non pas qu’elles n’étaient pas assez bien pour moi, ce n’est pas du tout ce que je veux dire, tu le sais bien. Mais… J’ai besoin de ressentir les choses à présent, vraiment. Il n’y a que cela qui fait me sentir vivant. Je suis certain que tu le comprends. »

La main à présent soignée, il la contempla, affichant une mine satisfaite.

- « Bon travail, merci. »

Riant aux propos de son frère concernant leur amour incestueux, elle continua ses explications avec un cœur et un esprit plus léger. Parler lui faisait du bien et surtout retrouver son frère après tant d’événements tragiques et surtout leur violente altercation. Elle-même était impressionnée de voir qu’ils arrivaient à rire ensemble quelques minutes après avoir mis le chaos dans la maison. Mais cela ne pouvait que la rassurer sur leur relation visiblement pas aussi fragile qu’elle redoutait.

Ceci étant, la réaction de son frère concernant sa révélation ne la surprit guère. C’était d’ailleurs bien pour cela qu’elle s’était rapidement mise à le rassurer d’un air moqueur, sans pour autant lui délivrer de détail supplémentaire. Des détails que son frère ne lui tarda néanmoins pas à lui demander. Mais avant qu’elle n’accepte de lui répondre, la seconde s’était aussi mise à lui poser des questions, notamment sur la perte d’Astrid, sa défunte épouse.

Son cœur ce sera inévitablement lorsqu’elle lut toute la peine de son frère concernant son vœu le plus pur et le plus cher encore irréalisé. Un vœu qu’elle ne partageait point et allait même jusqu’à l’horrifier la concernant. Finissant de lui prodiguer les soins nécessaires sur sa main, elle lui adressa un sourire rassurant et rempli de tendresse.

« Je suis certaine qu’il se réalisera, d’une manière ou d’une autre. Tu seras un père formidable. »

Après peut-être allait-il devoir encore se montrer un peu plus patient. Surtout si leurs parents insistaient pour qu’il épouse Sydonnie contre son gré. Encore bien anxieuse à cette idée, la blonde secoua la tête pour chasser ces mauvaises pensées et revenir sur le moment présent.

« N’aie crainte, mon frère. Malgré les apparences et les rumeurs, je n’ai pas l’intention de me délivrer au premier venu. »

Pas le moins du monde d’ailleurs. Au contraire, c’était une étape de sa vie si importante que cela ne faisait que l’effrayer. Cependant, c’était bien cette peur de l’inconnu qui la retenait et certainement pas son vœu de chasteté. Si elle ressentit le besoin de rassurer son aîné sur ce point, c’est parce qu’elle se rendit compte avoir débordé en lui évoquant deux faits inquiétants. La première était celle de son agression et la seconde de sa nuit à l’extérieur dans les bras d’un homme. Enfin, elle n’était pas trop sûre de comment aborder ses points ni même si elle voulait réellement en parler. Mais au final, elle n’avait pas envie de lui cacher et encore moins le faire s’imaginer des choses.

« Ironiquement, une milicienne n’est pas plus à l’abri d’un agression qu’une autre. Beaucoup ne supporte pas de me voir meilleur qu’eux ou ne considère pas que je suis à ma place. »

Rangeant alors le matériel de soin, elle déglutit en repensant à cette soirée-là. C’était sans doute un de ses pires souvenirs, raison pour laquelle, elle restait toujours vague sur le sujet.

« Des lâches ont voulu s’en prendre à moi, mais j’ai la chance d’être entouré par quelques hommes plus braves. L’un d’eux est venu m’aider à temps. Ils ont eu la punition qu’ils méritaient également. »

Reprenant une bonne inspiration, elle se décida enfin à reposer ses yeux sur son frère. Évidemment, elle imaginait toute la colère et la peine qu’il ressentait. Mais elle n’avait pas envie de revenir là-dessus, les faits commençaient à dater sérieusement. Son index vint donc se poser sur son front tendu avant qu’elle ne s’exprime avec un sourire.

« Ne fais pas cette tête, ça va déformer ta perfection. Je vais bien.»

Redressée, Serena décida de venir marcher sur son lit, pour mieux s’asseoir aux mieux jambes croisées. De là, elle tapota le matelas face à elle afin de l’inviter à faire de même et continuer à échanger de la même manière que lorsqu’ils étaient enfants. C’est qu’elle avait encore bien des choses à lui dire et à lui demander, mais chaque chose en son temps.

Roland écoutait avec délice le rire de sa sœur, à la suite de son humour, pour certains certainement discutable. Mais qu’importait, ils riaient, là était bien le principal.
Les mots de Serena le touchèrent ensuite, il ferait probablement un père formidable oui, mais il n’avait pas encore eu cette change. Il avait encore le temps, certes, trente-quatre pour un homme, c’était encore bien plus que convenable, surtout qu’il avait été marié il y a peu. Il lui offrit en réponse un doux sourire. Il saurait très naturellement se montrer patient. Une femme lui avait été promise, pas une poule pondeuse. De toutes les manières, à cet instant, il n’avait plus rien du tout.

Serena lui confirma pour continuer, qu’elle n’offrirait pas son corps au premier homme qui se présenterait, ce qui rassura bien évidemment le frère protecteur qu’il était.

- « Je l’espère bien, mademoiselle de Rivefière ! »

Ils revinrent tous deux, cependant, bien plus sérieux, Serena allait évoquer ce lourd passif, cet incident qui se produisit à l’extérieur. Roland ne savait pas grand-chose finalement de ses aventures dans la milice. Et c’était de sa faute, il le savait que trop bien. Il avait rejeté son choix, ne l’avait ps respecté. Et donc, de ce fait, s’était détourné d’elle. Mais les choses allaient bel et bien changer, cela avait même déjà commencé. Il allait se montrer beaucoup plus présent à ses côtés, la rassurer dans ses choix et même la guider dans son avenir. Parce qu’au fond, même s’il respectait à présent qu’elle soit milicienne, il aimerait aussi la voir marier, heureuse, avec un homme qui la mériterait amplement. Il sentait qu’elle en avait besoin, même si elle ne se l’avouerait peut être pas, et donc était encore moins prête à l’avouer à son frère.

- « Je suis navré de l’apprendre, Serena. Je m’en veux tellement de ne pas avoir été là pour toi, dans tous ces moments difficiles. J’espère que tu arriveras à me le pardonner un jour. Il s’agissait de miliciens ? »

Il se doutait bien que les femmes étaient le plus souvent vues d’un mauvais œil au sein de la milice, mais Roland ne savait réellement ce qui se passait entre leurs murs ou à l’extérieur. Et d’apprendre, subitement, que sa sœur s’est fait ainsi maltraitée le mettait hors de lui. Il n’avait rien fait. Il ne valait pas mieux que ces lâches, dont elle parlait. La mine désolée, il leva les yeux, pour affronter le regard de sa sœur. Elle le rassura, le piqua un peu aussi sur sa soit-disant perfection. Il recula la tête, faisant mine d’être embêté par son geste. Puis elle l’invita, à venir croiser les jambes en tailleur devant elle, comme lorsqu’ils étaient enfants. Sauf que l’homme qu’il était maintenant, avait terriblement bien grandi. Et du haut de ses un mètre quatre-vingt, il n’était plus aussi aisé de se mettre dans cette position enfantine. Mais il le fit de même, arrachant certainement un sourire à sa cadette.

Content de retrouver leur complicité d’antan, il décidé de continuer sur les questions plus ou moins intimes.

- « Même si tu n’as pas encore trouvé l’homme idéal, dans le fond, penses-tu au mariage ? Enfin, tu n’es pas totalement fermée sur la question ? Si jamais je te trouve un merveilleux époux, tu le refuserais ? »

Il pensait connaître d’avance la réponse, mais qui sait, elle pouvait encore le surprendre. Pour détendre au besoin l’atmosphère, ou simplement par amusement, il prit un des oreillers trainant sur le lit et l’envoya directement au visage de sa sœur. L’air amusé, il déclara.

- « Ne me regarde pas comme ça, c’est toi qui a commencé ! »

Un vrai gamin !

« Je ne t’en veux pas, Roland… » Fit-elle immédiatement dans un murmure sincère. Secouant la tête, elle expliqua. « Je… n’avais pas envie de t’inquiéter alors je ne suis pas venue, pire, j’ai tout fait pour te le cacher. » Car ce qu’elle n’avait précisé, c’est qu’elle n’était pas revenue complètement indemne. La violence de l’agression lui avait laissé des marques pendant plusieurs jours, semaines. Toute une période où elle l’avait soigneusement évité tout en camouflant ses marques à son cou. Soupirant et secoua la tête afin de chasser ses souvenirs, elle avait rapidement préféré changer de sujet.

S’amusant à le voir prendre maladroitement une position plus aussi confortable qu’à l’époque pour un homme de son âge, Serena ne pouvait s’empêcher de ricaner. Le voir dans cette posture lui rappelait de nombreux souvenirs ainsi que leur complicité passée et avenir. Bien déterminée à renouer avec lui, Serena se confiait aussi sincèrement que possible à lui. Et apparemment, celui-ci en profitait pour lui poser des questions au sujet épineux.

Un peu prise au dépourvu, la milicienne détailla longuement son aîné avant de baisser son regard. Le mariage, voilà bien un sujet sensible qu’elle évitait autant que possible. Pas étonnant que son frère soit curieux de savoir sa position. En vérité, elle y pensait pratiquement tous les jours, mais pas de la bonne manière. C’était un cauchemar, un poids, une épée de Damoclès au-dessus de sa tête qui la hantait jour après jour. Pour elle, cet acte était aussi humiliant que dégradant. Elle avait l’impression de finir enchaînée et servir de bête de foire. Mais ce qui l’horrifiait plus encore était toutes les conséquences que cela engendrait. Si son frère rêvait de fonder une famille, c’était tout le contraire pour Serena qui n’avait jamais été à l’aise en compagnie d’enfants. Elle n’avait pas l’impression d’avoir l’étoffe d’une mère et n’en avait jamais eu l’envie.

La mine morose qui parlait pour elle-même, la blonde fut soudainement tirées de ses réflexions lorsqu’un coussin vint percuter son crâne. Manquant presque de tomber tellement le bond fut énorme, elle écarquilla les yeux en direction de son frère avant d’éclater de rire. Décidément, il ne cessait de la surprendre !

« Tu vas le regretter ! »

Déclara-t-elle sur un ton qui ne valait rien de bon pour lui. Le sourire malicieux aux lèvres, Serena se saisit de l’arme utilisée contre elle avant de venir contre-attaquer. Ne se contentant point de le lui jeter à la figure, elle utilisa le coussin pour l’assainir de coup léger au niveau de la tête et du torse. Ce fut après une bataille aussi acharnée qu’enfantine, que Serena se laissa tomber sur son matelas, légèrement essoufflé, alors qu’un fou rire l’envahit en voyant la tête décoiffée de son frère aîné.

Peut-être était-ce de cela qu’ils avaient besoin ? Retomber en enfance de temps à autre et oublier les soucis des grands. Reprenant peu à peu son calme et son sérieux, Serena continua de contempler son aîné avec tendresse quand elle lui répondit.

« J’essayerai de faire un effort… pour toi, pour nous. »

Car elle le savait, l’amour n’avait pas nécessairement sa place dans l’union de deux êtres, au contraire et elle avait des obligations envers lui et ses proches. Ainsi, même si l’idée continuait de lui donner la nausée, elle essayait de se convaincre que cela serait pour le mieux… et que c’était le seul moyen qu’elle avait à se rendre utile et lui alléger l’esprit.

Le tirant contre elle, Serena profita de leur proximité nouvelle pour se camoufler contre lui et l’enlacer avec douceur. Plus rassurée et calme en sa présence, elle se laissa un moment bercé par sa respiration jusqu’à clore ses paupières. La milicienne savoura plus que jamais ce moment d’affection entre eux deux, retrouvant ainsi l’un de ses piliers.

« L’homme qui a passé la nuit à me prendre dans ses bras…. C’était un banni.»

Lâcha-t-elle alors dans un murmure sans crier gare. Se retenant de rire, elle rouvrit les yeux pour voir la tête de son frère. Choqué ? Inquiet ? En colère, elle ne pouvait guère lui en vouloir. Mais de là, elle se mit à lui raconter alors sa fameuse nuit à l’extérieure. Un secret qu’elle n’avait jusqu’ici que partagé avec sa pactée pour des raisons évidentes. Menacée, puis épargnée et enfin sauvée par un homme interdit et un ennemi public, elle n’était pas particulièrement fière de ses actions et encore moins de ses sentiments. Partagée par l’envie de le revoir et le fuir à tout prix, elle s’était révélée plus perdue encore qu’autrefois. Sans parler de cet homme, elle n’avait plus l’impression de se reconnaître et avait de plus en plus le sentiment d’être anormale. Pourquoi se sentait-elle mieux dehors ? Pourquoi le sang ne l’effrayait plus ? Qu’était-elle en train de devenir ? Des inquiétudes qu’elle tenta d’exprimer à son aîné à travers d’anecdotes diverses.

Serena avait pour une fois, beaucoup parlé, peut-être un peu trop. Mais au moins, désormais, son frère savait presque tout la concernant actuellement. Presque.