Nom : Marais

Prénom : Marin

Age : Trente deux balais.

Sexe : Masculin, a priori.

Situation : Célibataire accompli, et tout à fait gai.

Rang : Chansonnier, poète, dramaturge, pamphlétaire à l'occasion, Marin est un artiste à plumes, originaire de Marbrume.

Lieu de vie : Quartier du port, partie sud, dans une petite masure donnant sur les quais.

Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs : (voir topic Système Rp & Xp - Carrières)

Carrière de l’ÉRUDIT : CHA +2 | INT +2

Compétences et objets choisis : (voir topic Système Rp & Xp - Compétences)

ART (Poésie) | HISTOIRE | LITTÉRATURE | ALPHABETISATION

Marin n’est pas très beau, pas très grand, pas très costaud. Au milieu de son visage rond et joufflu, qui lui donne des airs de bambin grassouillet, malgré sa trentaine bien consommée, et la maigreur du reste de son corps, brillent deux gros yeux tout aussi ronds, noirs comme ses cheveux, d’une lueur à la fois malicieuse et intelligente. Épaules étroites, fines jambes et petit cul de fillette, musculature inexistante, carrure de brin d’herbe fauché, et pas beaucoup plus haut non plus, en plus de sa bouille enfantine, le moins que l’on puisse en penser en l’apercevant pour la première fois, c’est qu’il ne fait pas du tout viril. Non, même ses manières ne le sont pas. Ses gestes sont délicats, précis, mesurés. Sa démarche est plutôt souple, et, si l’on peut dire, timorée. Pas une démarche de gaillard conquérant, en tout cas. Et sa voix aussi, est plutôt fluette, aiguë pour une voix d’homme, mais néanmoins assez jolie, lorsqu’il s’en sert pour chantonner ses textes.

Non, vraiment, Marin n’a rien en apparence de ces bonshommes graves et forts sur lesquels les filles roulent des yeux admiratifs et dégoulinants. Et cela ne lui fait rien, en fait. Il ne pourrait s’en ficher plus, de l’opinion des donzelles. Car, disons-le tout de suite, Marin n’est tout simplement pas un homme à femme.

Il suffit de parler à peine plus de cinq minutes en tête-à-tête avec Marin, dans un contexte un peu intime, pour se rendre aussi rapidement compte qu’il s’agit d’un homme somme toute raffiné, à la sensibilité débordante, de belle intelligence, plein d’empathie, et à la culture pléthorique, du moins en comparaison de la moyenne plébéienne. Car Marin est un artiste, mais aussi un intellectuel, depuis ses petits orteils poilus, jusqu’au bout de ses grands yeux d’enfant. Plus précisément, il est auteur de chansons, de poèmes, de pamphlets, de théâtre même. Il écrit depuis qu'il sait tenir et se servir d'une plume, et compte dans ses carnets des centaines de chansons, et quelques pièces dramatiques tristes ou amusantes. Non pas qu’elles soient tellement populaires, d'ailleurs, ses pièces comme ses chansons, même s’il aimerait bien. En tout cas, il pourrait s’épancher des heures à propos de rimes, de personnages, de paysages fantastiques, tout droits sortis de sa tête rêveuse, de son esprit toujours lointain, perdu dans des contrées étranges, qui n’existent qu’en lui.

Gentil, mais distrait, affreusement tête en l'air même, on ne peut pas compter sur lui pour prendre des initiatives au quotidien, pour retrousser ses manches et prendre les commandes, pousser une assemblée – ou lui-même - à l’action concrète, à se salir les mains. Non, il est aussi réservé, sans être timide. Il n’a simplement pas l’âme d’un meneur d’hommes. Alors il ne vit que pour lui, et ses petites affaires, son œuvre, qu’il chérit par-dessus tout, à laquelle il consacre le plus clair de son temps et de ses pensées, s’inquiétant peu, et souvent pas assez pour son propre bien, des choses triviales comme l'argent, la nourriture, les nécessités administratives, etc… Un rêveur, donc, un terrible rêveur, mais aussi un ouvrier acharné, à sa manière, travailleur inlassable de son rêve, très occupé en permanence à griffonner des textes ou des partitions, à s’incarner en esprit dans des personnages imaginaires, sujets de sa prochaine histoire, de sa prochaine chanson, ou de sa prochaine pièce.

En tant que créature contemplative par excellence, il observe le monde et les gens qui le peuplent avec un certain recul, et, le pense-t-il, avec une bonne dose lucidité. Il se suppose assez bon juge de la nature humaine, autant que des choses politiques et religieuses. Il dispose d'une opinion sur à peu près tout donc, bien qu'il ne soit pas assez vantard pour les dispenser à tout bout de champ. Mais placez-le en bonne compagnie, en compagnie plaisante et raffinée comme lui, et vous ne l'empêcherez plus de discourir sur la face du monde, sur la nature des Dieux, de la Fange aussi, tant au fond de lui, il aime s'écouter parler et savoure avec délectation les fruits de sa pensée, qu'il veut pénétrante. Ainsi, il lui arrive souvent de passer pour hautain et prétentieux, surtout auprès des âmes les plus rustres, qui ne voient pas d'un très bon œil cet être malingre et pétillant, avec des idées qui lui débordent des trous de nez. Il a pratiquement l'habitude d'irriter son entourage, bien que ce ne soit jamais volontaire, et de se faire aussi fréquemment casser la gueule.

Il faut dire que ses manières relativement efféminées, en plus de son esprit pointu, soulignées par ses paroles un peu trop développées, et son corps de gazelle ridicule, attirent l’œil, et surtout des regards farouches, des commentaires acides, voir des flopées de coups de bâtons... De cela aussi, il s'en tire avec philosophie - et des bleus partout - sans réelle amertume, bien conscient que la différence entraîne la peur et le rejet, de façon naturelle. Il ne s'en offusque pas, peut-être pas assez d'ailleurs. Puisqu'un jour ou l'autre, il pourrait bien y laisser sa peau...

Regardez les petits soldats

Regardez les petits soldats de chair
Qui s’en vont tout tremblants dans la nuit
En gémissant timides quelques prières
Mais le ventre plein d’une énorme envie

Regardez les petits soldats sans armes
Quand ils défilent impeccables sous la pluie
Ils vont un à un succomber sous les charmes
De ces filles qu’on achète après minuit

Regardez les petits soldats transis
Que l’on voit grimper à l’assaut du plaisir
Comme ils montent à l’assaut de l’ennemi
Pour une guerre impossible à finir

Regardez les petits soldats qui crèvent
Agonisant la gueule dans les labours
On dirait qu’ils meurent aux bras d’un rêve
Une vie rompue par le vin et l’amour

Regardez-les bien et ne dites jamais de vous
Qu’il n’y en a point de plus malheureux
Pensez à ces hommes tombés dans la boue
Et dont jamais personne ne fut amoureux

- Marin Marais

Marin est né sous une bonne étoile.

Fils unique d'un des plus riches armateurs et négociants de Marbrume, il était naturellement destiné à reprendre l'affaire familiale, une fois son père retiré. Seulement la vie - et la Fange - en ont décidé tout autrement. Néanmoins, il a grandi au milieu des récits et des chants de marins, racontés et chantés par les nombreux employés de son père, dont il préférait largement la compagnie, plutôt que d'aller se retrancher avec celui-là dans l’austérité mesquine de son interminable comptabilité. Jamais doué pour, ni même intéressé par les chiffres, les calculs, et toutes les voies de l'or et du commerce, Marin rêvait au contraire, depuis son plus jeune âge, de rejoindre le bord d'un de ces grands navires, et de partir voguer vers le large, vers des rivages lointains, à la rencontre de l'aventure et de pays inconnus, de peuples étrangers, de paysages fantastiques, de créatures incroyables...

Mais c'était impossible, bien sûr. Jamais quiconque ne l'aurait laissé faire, il était bien trop petit - et important, aux yeux de son père - pour qu'on le laisse appareiller avec l'équipage, et voyager à sa convenance, selon ses rêves. A la place, bloqué sur la terre ferme, il dut se contenter de paroles, de mots prononcés ou écrits, et comme son éducation était celle d'un jeune homme d'excellente famille, de la plus haute bourgeoisie qui fut, il apprit à lire et à écrire très tôt. Et très tôt, il manifesta donc un intérêt hors normes pour la lecture. Pensant le détourner de ses aspirations d'ailleurs, et parfaire en même temps son éducation, approfondir aussi son rapport avec la religion, on l'amena aussi souvent que possible au temple, à chacune de ses demandes, au contact de la grande bibliothèque.

Ainsi donc, pour palier à son enfermement relatif, Marin se prit d'amour pour la littérature. Il dévora tellement de tomes, passant tellement de temps seul dans la pénombre, sous l’œil dansant des chandelles, à plisser les yeux pour déchiffrer parfois quelques copies maladroites, qu'à l'âge de quinze ans, il avait déjà fait deux fois le tour de tous les livres les plus intéressants pour lui - à savoir toute la collection romanesque et poétique, qui n'était bien sûr la part la plus importante du lieu, loin s'en faut. Alors, pour éviter de tourner en rond, il se prit aussi ensuite de passion pour l'Histoire réelle, apprit tout ce qu'il y avait à savoir sur les hauts faits des plus brillantes familles du royaume, et toutes ces choses-là. Il lisait plus qu'il ne parlait, en réalité, à cette époque. En même temps, son caractère s'affirmait, mais à vitesse ralentie, de par son manque d'exposition au vrai monde, et à ses vicissitudes. Il vivait alors dans une jolie bulle de songeries, de voyages imaginaires, de monstres et de héros...

Tout de même, il se rendait bien compte qu'il n'était pas normal, que jamais les filles, par exemple, ne l'avaient beaucoup émoustillé. A l'âge où la plupart des jeunes garçons s'en vont pourchasser leurs premiers jupons, quitte à faire leurs premières armes du côté des prostituées, lui se désintéressait franchement de ces choses-là, de ces jeux gaillards, et se surprenait à regarder plutôt chez les marins en sueurs, débarquant leurs lourdes charges, leurs torses et leurs faces, toute leur chair rendue rude et bronzée par le sel et le soleil, avec des yeux qui n'étaient pas seulement ceux de la fascination poétique. Cela lui provoquait aussi quelques remous dans le pantalon, constatait-il, et quelques pensées discordantes avec l'usage naturel des corps, ainsi que ses bouquins le décrivait. Il dissimulait bien sûr toutes ses pensées et ses émois très inconvenants, et sans doute répréhensibles, tout au fond de lui.

Cela ne suffit pas pourtant à écarter les premiers soupçons de son père. D'autant qu'à seize ans déjà, il ne manifestait toujours aucune ambition mercantile, aucun enthousiasme à l'égard des affaires de la famille, ni aucune volonté sérieuse lors de ses leçons particulières. Leur relation commença dès lors à se dégrader, et puis de plus en plus. Les disputes se rapprochaient progressivement, à travers le temps, et leur intensité augmentait en même temps que les griefs s'accumulaient, et que la personnalité et les désirs de Marin prenaient corps, peu à peu. Bientôt devait survenir la rupture effective et définitive.

Celle-ci se produisit donc l'année de ses dix huit ans, lorsqu'on tenta de le marier sans le consulter à une jeune bourgeoise comme lui, une amie en plus, qu'il fréquentait d'ailleurs depuis l'enfance. Comme si on eu tenté soudain de le forcer à coucher avec sa petite sœur. Aussi, pour mettre un terme abrupt à cette absurdité, Marin choisit d'affronter son père en tête-à-tête pour le conforter une bonne fois pour toute dans ses odieux soupçons, revendiquant face à lui une homosexualité dont il n'était même pas certain, surtout pour provoquer l'électrochoc qu'il attendait, et la fin de tous ses espoirs de collaboration. Si Marin s'attendait à des cris, des reproches, des invectives et des injures, il n'y eut rien de tout ça. Mais le mutisme glacé dans lequel s'enferma aussitôt son paternel lui sembla bien pire que tous les vacarmes qu'il avait pu imaginer. D'une minute à l'autre, c'était comme si il avait disparu de la surface de la terre, Marin, et le regard de son père le traversait déjà sans plus le voir, comme un fantôme indifférent. Le lendemain, il trouva ses affaires préparées par les serviteurs, quelques bagages à lui, et il comprit qu'il devait s'en aller, pour ne plus jamais revenir.

Dès lors, il vécut livré à lui-même, durant des années, vagabondant un peu dans la campagne, acceptant n'importe quel boulot pour subvenir à ses besoins. Il aurait voulu plus que tout s'engager sur un bateau au long cours, et partir voyager, comme il l'avait toujours rêvé, mais l'influence étendue de son père l'en empêcha. Tous les capitaines de navires fréquentant Marbrume, de près ou de loin, même rarement, connaissaient son visage et avait été prévenus de ne pas l'accepter à bord, sous peine de représailles financières. De toutes les manières, il n'avait ni l'argent pour se constituer passager, ni le physique nécessaire au travail en mer, pas une constitution de bon marin, le Marin. Ce qui ne l'empêcha pas de maudire tout de même son paternel, apparemment incapable de digérer l'affront subi, et la perte de son seul fils.

Enfin, vers sa vingt troisième année, après presque cinq ans de galère ininterrompue, Marin renoua en secret avec sa mère, qui se mit à lui faire parvenir un peu d'argent, le plus discrètement possible. Cette petite rente inattendue lui permit tout de même de se fixer durablement, pour se consacrer à l'écriture, et donc de s'installer à l'endroit qu'il occupe encore bientôt dix ans plus tard, dans une minuscule bicoque à moitié délabrée, située dans la partie sud du port, à deux pas du Goulot. Le seul avantage qu'il y trouve - en plus évidemment d'un toit plutôt étanche pour s'abriter la nuit - c'est la vue. Il lui suffit de passer le nez par la fenêtre pour contempler les quais luisants d'humidité, et regarder les bateaux aller et venir, depuis les quatre coins du monde, et les marins hilares ou concentrés, occupés à charger et décharger les navires...

Enfin c'était avant la Fange, bien sûr.

En frappant, celle-ci a tout emporté : les bonshommes à la peau dorée, les grands bateaux ivres de voyages, les jolis rêves et les chants du large... Pour ne laisser à leur place que la faim, la promiscuité, et l'angoisse. Le désastre économique qui suivit l'arrêt du commerce extérieur toucha si durement le moral et la bourse du père Marais, qu'il en développa une maladie nerveuse qui eut raison de lui en quelques semaines. Marin n'en fut pas heureux. Il ne détestait pas son père, en dépit de leur divorce ancien et des rancunes associées. De toute façon, aucun décès, fut-il celui de son pire détracteur, ne pouvait le mettre en joie. Il n'était pas homme à rire ou jouir du malheur ou de la mort. il fut d'ailleurs très affecté par le déferlement de misère qui déboula sur Marbrume, et se mit à héberger dès l'arrivée des premiers réfugiés, assez souvent, quelques âmes en peine pour quelques temps, sans demander de réparation ou de loyer.

Assez pauvre lui-même, sans héritage, avec le seul soutien de sa vieille mère, il se sentait et se sent encore proche du plus bas peuple, dont il partage activement le quotidien et les difficultés. Une part très importante de son oeuvre - poésie ou théâtre - se consacre ainsi à décrire la vie compliquée et souffrante des pauvres gens, au moins autant que la sienne. A ce sujet, malgré son acharnement notable, on ne peut pas dire que ses productions aient rencontré un succès retentissant à travers la ville. Quelques-unes de ses chansons, au mieux, sont vaguement reprises de temps en temps au cours de quelques beuveries, mais aucun directeur de troupe, par exemple, n'a encore voulu représenter aucune de ses pièces. Et si bien sûr, parfois, lorsque s'en vient le soir, ou que de lourds nuages noirs apparaissent dans le ciel pour obstruer l'azur et son esprit, alors il ressent l'appel grinçant du désespoir, il fait tout son possible pour ne pas y céder. Il tente coûte que coûte, contre vents et marées, de garder son cap. De travailler sans arrêt, sur ses vers, ses réflexions... Il se doit de rester alerte et productif, malgré le peu d'intérêt qu'il lui semble provoquer.

Enfin tout de même, il sait qu'un jour viendra, peut-être, si la fin du monde ne frappe avant, peut-être un jour, son nom sera célèbre, et son oeuvre reconnue, admirée de tous. Il veut y croire. Et foncièrement, il ne demande rien d'autre.

Bien que ce soit déjà énorme...