Marbrume


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 Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen]

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Marwen l'EsbigneurContrebandier
Marwen l'Esbigneur



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MessageSujet: Re: Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen]   Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen] - Page 2 EmptyJeu 9 Mai 2019 - 16:55
Tout n’avait pas été selon ses plans. Pas tout à fait. Lorsqu’il s’était brutalement levé pour s’emparer d’une chaise, Elisabeth n’avait pas réagi autrement qu’en dardant sur le contrebandier un regard intéressé. A ce moment-là, il n’avait pas été autre qu’un cobaye à qui l’on avait administré quelque nouveau produit, et dont on étudiait l’évolution de son comportement. Ni plus ni moins qu’un foutu sujet de test. Pourtant, Marwen s’était dit que, eu égard au peu de mobilier restant dans la boutique, ça lui en coûterait, à la sorcière, de voir les derniers vestiges risquer de partir en petit bois sous l’impulsion d’un rustre comme lui. Mais non, elle l’avait pris dans l’autre sens ; un meuble de plus ou de moins ? Elle n’était plus à cela près.

Aussi avait-elle continué à l’observer de son air détaché, le morguant même pour le ridicule auquel il se livrait dans sa folie. Parce qu’il n’avait pas à toucher à ses produits. Parce que ça lui apprendrait, pour la prochaine fois. Mais elle ignorait une chose. C’était que ce putain de ridicule, c’était lui qui se l’infligeait à lui-même. Volontairement. Les couleurs qui l’attaquaient et contre lesquelles il se défendait à l’aide d’une chaise, la musique qu’il voyait, tout cela n’était que le produit de son imagination. De son imagination propre, intacte, et non pas modifiée par quelque substance que ce fût. Certes, la tête lui tournait, et il ressentait une faiblesse importante qui s’emparait de ses membres. Il avait la vision légèrement trouble, et une brusque chaleur s’était emparée de lui. Mais c’était là tout. Le reste, ce qu’il prétendait voir, ce n’était que pour faire réagir la sorcière, pour la sortir de ses gonds. Pour lui faire quitter son petit air suffisant, là, qui l’agaçait plus que tout. Mais rien à faire ; elle se complaisait dans son étude vaniteuse et ses petites leçons qu’elle se croyait en droit d’administrer. Aussi avait-il décidé d’aller plus loin encore.

Il s’était dès lors immobilisé, et avait commencé à tiquer de manière stupide, comme si le produit qu’il avait ingéré, ou qu’il avait touché, avait eu influence plus néfaste encore sur son corps. Puis, il avait simulé ces tremblements et ce roulement des yeux. Le sang qui coulait d’entre ses lèvres ? Il n’avait rien fait de plus que de mastiquer cette plaie à la langue qu’il s’était lui-même infligée un peu plus tôt, dans l’auberge. C’était juste cela qui lui avait donné cette idée. N’avait-il pas réussi à faire croire au vulgum pecus qu’il avait été sous l’emprise d’un sortilège ? Définitivement. Alors, il s’était juré, là, qu’il parviendrait à faire croire à la sorcière qu’il était mal en point. Pour qu’elle cesse cet air méprisant. Pour que, en dépit de tout ce qu’elle pouvait dire, elle s’inquiète pour lui, jusqu’à venir à son chevet. Il jouait bien la comédie, le Marwen. Il avait passé une bonne partie de sa vie à cela. Ses tremblements frénétiques, cette attitude de drogué, il le faisait à merveille. De même que cette chute, droite, raide, qui allait lui faire mal. Mais il préférait avoir mal physiquement plutôt que de voir souffrir son ego.

Il tomba comme une masse, quand bien même chercha-t-il un peu à subrepticement amortir sa chute en se cambrant vers l’arrière de manière à ce que son torse touchât le sol avant sa tête, qu’il tourna légèrement. Car, en dépit de toute cette scène, il ne tenait pas non plus à se péter le nez. Ce fut la zone de la tempe qui heurta le parquet, durement, et, même s’il avait clos les paupières, il vit malgré tout trente-six chandelles danser devant ses yeux. Il trouva, l’espace d’un instant, ce phénomène assez amusant, avant de reprendre son rôle. Trembler, encore trembler, voilà ce qu’il devait faire. Il convulsa, frétilla encore un moment, puis cessa définitivement, avant de tendre l’oreille.

Il ne voyait rien, mais, au travers de son mal de crâne qui lui vrillait les tempes –et il se demandait, là, s’il ne s’agissait pas surtout de sa chute plutôt que des produits-, mais s’était ouvert au monde, et son esprit s’était focalisé sur la sorcière. Il sentit la pression, dans la pièce, changer du tout au tout. Le silence s’était subitement fait ; la sorcière elle-même s’était arrêtée nette dans son étude. Il eût tout donné pour voir sa tête. Mais qu’allait-elle faire, là ? Il pria pour qu’elle ne l’ignorât pas de nouveau, et qu’il ne demeurât pas au sol, là, tout seul comme un con. Il réprima de justesse un petit sourire victorieux lorsqu’il la sentit se précipiter vers lui et s’agenouiller à ses côtés. Bha, il aurait dû s’en douter ; n’en pinçait-elle pas pour lui ?

La voix d’Elisabeth, tout près de lui, le berça comme un nouveau-né, tout imbu de lui-même qu’il était. Elle maugréait, ronchonnait à sa manière, et lui répétait sans cesse qu’il était vraiment trop crétin. Mais, au travers de ces réprimandes irritées, n’y pointait pas, également, une once d’inquiétude ? Marwen, les yeux toujours clos, feignant la mort, s’en gargarisait dans ce cynisme qu’il affectait tant. Il sentait les mains de la jeune femme le palper. Il en ronronna presque. Puis se sentit être basculé sur le côté afin d’être allongé sur le dos. Elle lui glissa un morceau de tissu entre les dents. Là, il en aurait presque pouffé de rire. Tiens, il allait remettre un petit coup de tressautement, là, histoire de voir jusqu’où l’apothicaire pouvait aller. Et Marwen frétilla une nouvelle fois comme un poisson hors de l’eau. Arharharh, rit-il intérieurement. Jusqu’à ce qu’un truc pointu le piquât subitement.

Là, il s’immobilisa instantanément, l’esprit paniqué. Que venait-elle de faire, la bougresse ? Ce n’était pas du tout ce qu’il avait prévu, ça. Elle venait de lui injecter un de ses maudits produits, pour de bon ? Comme lors de leur première rencontre ? Il ne se souvenait que trop bien cesse sensation diffuse de brûlure qui lui avait alors saisi le bras, et qui s’était étendu jusqu’à son épaule, immobilisant tout le côté gauche de son membre. Là, la sorcière lui avait planté son aiguille dans le dos. Il commença à avoir une sueur froide, et celle-ci n’était pas du tout le fait d’un caprice ou de son imagination. Imperméable à ce que pouvait bien lui dire la sorcière, il demeurait impassible, inerte. Il craignait de ressentir cet insidieux poison lui remonter le long de la colonne vertébrale et s’immiscer partout en lui.

Un gros seau d’eau lui fut versé sur le coin de la figure, et cela le ramena à la dure réalité. Il s’ébroua dans tous les sens, comme un gamin qui venait tout juste de perdre l’équilibre, et cela alors même qu’il était toujours au sol. Il secoua la tête, tout juste pour entendre la voix éperdue de la sorcière qui lui criait toute sa détresse. Les cheveux humides et le visage luisant, plein de flotte, il se tourna vers elle dans un grand sourire cauteleux, et l’œil torve, sortit ces quelques phrases.

« Tu te rappelles, notre première rencontre ? J’t’avais bien dit qu’il y aurait toujours une bonne femme pour s’occuper de moi. »

Il se releva, ne se départant pas de son petit sourire satisfait.

« J’adore ta voix, quand t’es comme ça, tu sais ? »

Mais, une fois debout, la tête lui tourna plus encore qu’auparavant. Ce qu’il avait ingéré, le choc, ou encore la piqûre, il n’en savait rien. Mais ça le perturbait bigrement, et il manqua à plus d’une reprise de perdre l’équilibre. Un semblant de nausée vint le gagner.

« Hollaaa…., lâcha-t-il tout en tanguant. Ouais, tu t’en rappelles, de notre première rencontre. Qu’est-ce que tu m’as encore fait… »

Marwen se frotta le bas du dos, la mine dubitative, et le regretta aussitôt. Il commença à sentir une vague étrange s’emparer de son corps, l’engourdissant dans une torpeur nonpareille. Il comprit ; elle avait réitéré ses maléfices.

« Ah, je vois, je vois. T’en as pas eu assez de ta première fois, alors tu recommences. Va me falloir plus qu’une chaise, là. Oh putain… »

Déambulant comme un ivrogne, alors que, pour une fois, il ne l’était définitivement pas, il tâcha de regagner le lit le plus proche.

« Tu veux profiter de moi, sorcière. Mais, en tant que contrebandier droit, bien, et respectable, ne voulant pas exploiter ta faiblesse, alors que je t’ai ramassée à la petite cuillère, j’ai dit non. Mais tu me veux, absolument, alors tu me drogues pour que je demeure sans défense et ne puisse plus m’esbigner comme j’ai toujours très bien su le faire ! »

Parvenu auprès du lit, il se retourna subitement, et, aussi incroyable que cela pût l’être, il réussit, dans son état, à adopter une allure princière. Le regard droit, le menton haut, les traits distingués et la mâchoire carrée, il leva l’index, acceptant son sort comme un seigneur. Il commençait à perdre toute la force qui le maintenait debout, en activité.

« Je vois que je n’ai plus aucun artifice pour riposter. Très bien, je me rends. Abuse-moi donc ! » lâcha-t-il alors en tombant à la renverse en travers du lit, droit comme un piquet.
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen]   Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen] - Page 2 EmptySam 25 Mai 2019 - 20:55
La main levée, prête à asséner une bonne baffe au supposé inconscient, Elisabeth fut bien prise au dépourvu lorsque le contrebandier ouvrit les yeux et lui lança une petite phrase sur le ton de "j'ai gagné !". Elle en fut si abasourdie qu'elle se figea un instant, les yeux ronds, avant de laisser lentement retomber sa main.

Est-ce qu'il venait de lui avouer que toute cette histoire n'était qu'une mise en scène ? Une farce ? Une bouffonnerie de plus ? Elle n'en revenait pas : il tenait tellement à l'enfoncer et à la ridiculiser qu'il avait poussé le jeu jusqu'à faire croire à un empoisonnement. Sans doute pour le plaisir malsain de la sentir s'inquiéter alors qu'elle lui en voulait déjà comme jamais auparavant. Ça la laissait littéralement sur le cul.
Sans réagir, toujours médusée par ce retournement de situation et par la profonde bêtise de son patient, elle le laissa se remettre sur pied et fanfaronner encore un peu plus. L'espace d'un instant, elle fut tentée de se saisir d'un couteau pour le lui planter dans le ventre à plusieurs reprises. Heureusement, sa vengeance était déjà accomplie : elle lui avait injecté assez de venin pour qu'il passe la plus atroce de toutes ses nuits.

Elle finit donc par se remettre debout, époussetant sa robe avec un soupir agacé avant de suivre l'énergumène jusqu'à la chambre où il avait décider d'échouer sa misérable carcasse. Bien sûr il fallut qu'il en rajoute une couche avec cette histoire ridicule d'abus, mais elle n'y prêta pas plus attention que cela. C'était un refrain si peu original à ses oreilles qu'elle n'y trouvait plus le charme qui la faisait tempêter habituellement. Moins de douze heures ensemble et il lui en avait fais plus baver que durant toutes leurs mésaventures passées. Elle n'était pas bien certaine de savoir pourquoi il s'acharnait autant.
Arrivée au pied du lit, elle lui retira ses bottes comme on retire les fers du pied d'un cheval et poussa aussi fort que possible sur ses petits bras pour le faire rouler sur le matelas et le coucher sur le côté.

Je me souviens de notre première rencontre. À l'époque tu avais encore conscience que je pouvais te faire du mal si on m'en donnait l'occasion. Faut croire que t'as un peu oublié depuis le temps. C'est marrant comme les hommes ont la mémoire courte parfois, souffla-t-elle dans un effort pour le repousser au milieu du lit, arc-boutée contre son dos.

Après quelques manipulations de supplémentaire où elle semblait plus manutentionner des sacs de farine qu'un homme, l'apothicaire lui tapota l'épaule comme on flatte la croupe d'un cheval : avec une bonne grosse tape.

Là, au moins tu ne devrais pas t'étouffer quand tu commenceras avoir du mal à inspirer, lui dit-elle avec un grand sourire.

Quel dommage qu'il n'ait pas été vraiment empoisonné, il aurait sans doute trouvé cette expérience moins pénible. Puisqu'elle lui avait donné de quoi arrêter des palpitations dangereuses et des tremblements incontrôlés, il allait désormais avoir quelques difficultés pour actionner ses muscles. Y comprit ceux qui lui permettaient de rester en vie.

Ne t'inquiète pas, tu devrais survivre à ça, fit-elle, toujours guillerette, en s'asseyant à côté de lui. Essaye quand même de ne pas t'endormir trop longtemps sinon ton cœur pourrait s'arrêter tout à fait et je n'ai rien sous la main pour contrer le poison.

Elisabeth ramena contre elle ses jambes, les entourant de ses bras et posa sa tête sur ses genoux en considérant Marwen. Elle avait laissé tomber son air trop heureux et trop factice, bien qu'elle soit tout de même très satisfaite du sort du contrebandier. Il lui avait joué un vilain tour et à présent il en payait le prix, c'était plutôt équitable. Peut-être qu'à l'avenir elle songerait plus souvent à lui faire prendre quelques poisons lorsqu'il se montrait trop insupportable.
À présent qu'il était cloué au lit, elle pouvait au moins espérer qu'il arrête de mettre le bazar dans ses affaires ou ne s'amuse à lui faire encore une farce pour qu'elle enrage. De toute façon, elle était définitivement trop fatiguée pour enrager encore contre lui pour ce soir. Mais puisqu'il pouvait toujours parler, elle comptait en profiter pour lui poser quelques questions.

Qu'est-ce que tu essayes de prouver en me faisant tourner en bourrique ? Il doit bien à avoir d'autres femmes à qui tu peux jouer des sales tours, tu ne crois pas que j'ai eu mon compte pour aujourd'hui ? fit-elle avec la lassitude d'une mère qui doit gérer des enfants turbulent. Si tu t'ennuis, s'il te plaît va jouer avec quelqu'un d'autres. J'étais sérieuse en parlant de retrouver le responsable de cette merde et je n'ai pas envie de combattre sur deux fronts à la fois, toi d'un côté et ces enfoirés de l'autre. Tu peux bien m'accorder ça au moins.

C'était plutôt cruel de profiter d'elle comme il le faisait : il restait sous prétexte de l'aider puis il lui faisait des remontrances à propos de ses sorties, fouillait dans ses affaires et mimait d'aller mal pour qu'elle s'occupe de lui et pouvoir la moquer ensuite... Et tout cela parce qu'elle avait eut la faiblesse de demander de l'aide alors qu'on avait forcé la porte de sa boutique. Ou peut-être aussi pour voir jusqu'où il pouvait tirer la corde à présent qu'elle avait avoué avoir un faible pour sa vilaine trogne ? C'était bien son genre, tiens !

Je ne sais pas pourquoi ça t'insupporte tant que ça que j'ai de l'amour propre pour que tu t'échines à le réduire en miette systématiquement, mais je t'ai connu moins perfide. Et je te préférais comme ça, à vrai dire, fit-elle avec un haussement d'épaule qui cachait bien la pointe de déception que lui inspirait ce changement d'attitude.

Tendre, il ne l'avait jamais été. Mais ses mauvaises blagues et ses piques n'avaient jamais été si... Désagréables à vivre.

Puisqu'on a du temps, j'aimerais bien que tu me racontes un peu ce qui s'est passé avec les pirates. Dis-moi donc comment toi et ton cœur généreux vous vous êtes sacrifiés pour ma sécurité tout ce temps.
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Marwen l'EsbigneurContrebandier
Marwen l'Esbigneur



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MessageSujet: Re: Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen]   Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen] - Page 2 EmptyVen 21 Juin 2019 - 7:42
Il se sentait étrangement, l’Esbigneur. Une faiblesse molasse qui n’avait rien à voir avec l’excédent d’effort suite à sur montée brutale d’adrénaline comme il en avait déjà pourtant bien connue. Une impéritie de volonté qui l’empêchait de mobiliser ses muscles et d’activer ses tendons pour se mouvoir. Là, à moitié avachi contre le lit, il avait le dos reposant sur le matelas et les pieds qui touchaient encore et toujours le sol. Cette position des plus cambrées s’avérait relativement inconfortable, mais, en se laissant tomber sur la couche, il n’avait pu mieux faire. Fort heureusement, la sorcière était présente pour le remettre bien droit, dans le bon alignement du matelas, bien qu’il semblât qu’elle eut un peu de mal à pousser la carcasse du contrebandier. Il ne lui en voulait pas d’avoir tardé à le mettre au lit ; c’était toujours mieux que la baffe qu’elle avait voulu lui administrer tout à l’heure. Sacrée tête qu’elle avait tirée, par ailleurs, lorsqu’il lui avait avoué s’être joué d’elle.

Toutefois, en écoutant Elisabeth, il ne tarda pas à devenir de plus en plus nerveux. Il laissa de côté la partie où celle-ci lui remembrait qu’elle pouvait lui causer du tort ; il avait bien l’envie de répliquer qu’il lui en avait sûrement fait davantage, mais il doutait vraiment que, dans son état, cette argumentation fût des plus pertinentes. Non, le fait qu’il pût s’étouffer, par contre, l’inquiétait bien davantage. Et plus encore la partie sur le cœur.

« Hein ? Comment ça, je vais plus pouvoir respirer ? Comment c’est possible ? Je peux pas contrôler ma respiration comme jeu veux, moi, eh. Je cours, je respire davantage. Mais si je suis allongé, comment tu veux que je fasse ?! Je peux pas contrôler mon nez, juste « écarquiller » les narines. Tu vois, comme ça. »

Il tourna la tête en direction de la sorcière pour le lui montrer, avant de tout simplement se rendre compte qu’il ne pouvait plus non plus « écarquiller » des narines.

« MON NEZ ! Qu’as-tu fait, malheureuse ? », lança-t-il, apeuré comme jamais.

C’était qu’il commençait à avoir des sueurs froides qui lui couraient le long du dos. Il avait chaud, puis froid ; il ne savait pas véritablement ce qu’il ressentait, si ce n’était un début de panique qui menaçait de le submerger. Ne pas pouvoir contrôler son bras, comme lors de leur première rencontre, c’était handicapant, mais il avait réussi à surmonter cette épreuve en se débrouillant autrement. Mais là, rien du tout n’était encore capable de se mouvoir, ou si peu. De la sueur commença à suinter sur son front, sueur qu’il ne pouvait même pas se dégager des yeux. Paradoxalement, et ça, il ne le comprit pas, il se mit à trembloter çà et là.

« Fais quelque chose. Ne me laisse pas mourir comme ça. Tu sais ce qui arrive aux gens qui meurent ? Ils se chient dessus. J’veux pas chier sur le seul lit qu’il te reste encore en plus ou moins bon état. J’veux pas mourir non plus, d’ailleurs. J’ai rien fait qui puisse vraiment te causer ta perte mais me laisser intact. Si t’étais dans la merde, bha je m’y suis mis aussi. Je mérite pas de crever. Fais-moi quelque chose, avec ta magie. Tu veux quoi ? »

La sorcière voulait certainement quelque chose pour s’amuser à son tour en le regardant se dépatouiller sans rien qu’il ne pût vraiment faire. Elle avait son petit sourire mesquin, là, et sa nonchalance affectée qu’elle arborait lorsqu’elle venait de gagner une nouvelle joute. Ça ne manqua pas ; pourquoi elle, et pas une autre ? Marwen grogna.

« Qu’est-ce que j’en sais. Pourquoi j’aime bien le rouge et pas le marron, hein ? C’est comme ça, c’est toi, et pas une autre. » Il lui jeta un coup d’œil en travers. S’il voulait qu’elle l’aide, mieux valait trouver quelque chose de plus probant. Il ravala une fois de plus son amour propre.

« Pt’être bien que c’est parce que tu réagis et que tu sais te défendre un minimum, toi. D’habitudes, les autres grognasses se contentent de baisser les yeux et de la fermer. C’est même plus drôle. Alors que toi… T’es jamais aussi mignonne que quand tes sourcils sont froncés, que tes yeux me lancent des éclairs, et que tu serres tes petits poings. » Cette simple pensée le fit doucement sourire alors même qu’il se trouvait au plus mal. Mal qui ne tarda pas à revenir, et il recommença rapidement à tirer la tronche, et cela d’autant plus qu’elle vint lui faire la morale en lui assurant qu’elle dédirait ardemment retrouver ces enfoirés.

« Ouais, tellement que tu as préféré aller t’occuper d’une connasse qui va mettre à bas un pauv’ gars ou une pauvre fille dans un foutu monde perdu. T’sais, j’étais fin prêt à partir en garouage, moi, justement pour tenter de mettre la fin sur ces fils de pute. J’avais bien une ou deux idées à creuser. Ben maintenant, j’crois que c’est un peu trop tard. Surtout si je meurs. Si c’est comme ça, j’te jure que je te lâcherai encore moins dans la mort, et que t’auras plus une seconde de répit. »

Et le sujet des pirates revint sur le tapis, une fois de plus. S’il avait pu, il eût haussé des épaules.

« L’on en a déjà parlé, non ? Que ça allait bien au début, avec les raides que l’on pouvait faire sur les autres navires entre Marbrume et le Labret, puis qu’ils avaient compris que c’était, en fait, peut-être plus sûr par la voie terrestre. Et là, ça a été la merde. Enfin… Bha, te concernant, c’est juste que l’on a rapidement appris que notre tête était mise à prix, tout simplement. Pour certains, c’était juste la dénomination de « pirate », car la milice ne connaît pas leur nom. Mais, eh, c’est pas trop pour me vanter, mais je suis un peu connu, dans milieu, et ils ont rapidement fait l’association entre mon nom et ces bandits des mer. Et il y en a plus d’un qui sauraient me reconnaître. Comme pour quelques accointances de mes affidés, qui, après avoir été découverts en compagnie de nous autres vauriens, ont fini sur la potence. Je t’ai déjà dit que ton cou était trop joli pour être marié à chanvre ? Bha voilà. Donc, par sécurité, et pour ne pas faire la même connerie que mes comparses, j’ai décidé de couper les ponts avec toutes les personnes qui n’avaient rien à se reprocher mais que le simple fait de me connaître aurait pu plonger dans la tourmente. T’es bien curieuse, en tout cas. Tu veux nous rejoindre ? Y’a pas beaucoup de bonnes femmes, par chez nous. Et c’est pas trop un avantage si tu tiens à tes petites fesses. »
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen]   Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen] - Page 2 EmptyDim 7 Juil 2019 - 0:17
Ouais, tellement que tu as préféré aller t’occuper d’une connasse qui va mettre à bas un pauv’ gars ou une pauvre fille dans un foutu monde perdu.

Elisabeth leva les yeux au ciel avec un pli de lèvre agacé qui en disait long sur les efforts qu'elle faisait pour ne pas faire de remarque supplémentaire. Sans doute aurait-il été plus efficace de partir tout de suite à la poursuite des intrus, oui. Mais elle avait eu besoin de s'éloigner de Marwen et de lui brandir un doigt d'honneur sous le nez en faisant ce qui lui chantait alors qu'il organisait déjà la suite de sa journée. Lui ne s'était pas embêté à la prévenir qu'il allait cacher son si précieux trésor, alors pourquoi aurait-elle dû le suivre dès son retour ? Comme quoi même les hommes les plus originaux n'étaient en fin de compte que des hommes : prompt à donner des ordres et habitués à être obéit. Puisqu'il se plaignait qu'elle ne soit qu'une pauvre femme et pas beaucoup plus, elle avait bien le droit de se plaindre qu'il ne soit qu'un pauvre homme et pas beaucoup plus. Les Trois avaient vraiment veillé à faire leurs enfants plein de défauts.

T’es bien curieuse, en tout cas. Tu veux nous rejoindre ? Y’a pas beaucoup de bonnes femmes, par chez nous. Et c’est pas trop un avantage si tu tiens à tes petites fesses.

Elle pouffa de rire, sans doute sous l'effet de la fatigue.

Si tu as bonne mémoire, tu te souviendras de cette petite virée nocturne en bateau et de mes grandes connaissances maritimes. Non, moi je suis une sorcière terrestre, j'ai besoin de plantes, de racines et d'herbes pour travailler. Toi en revanche, tu t'es sans doute bien amusé à passer tes journées sur un bateau, pas vrai ? Ça et le fait de t'en mettre plein les poches, j'imagine que c'était un peu le paradis avant qu'on ne te mette toute la milice aux trousses.

La jeune femme contracta ses épaules et étira ses bras en avant pour chasser l'engourdissement, mais elle fut rattrapée par un bâillement. Si elle n'avait fait aucune remarque sur la justification de contrebandier à propos de ses perpétuelles railleries et mauvaises blagues à son encontre, ce n'était pas pour autant qu'elle avait été sourde à ses paroles.

Je te laisse mon lit pour cette nuit. Si dans trois ou quatre heures tu es toujours en vie, alors tu seras tiré d'affaire pour de bon. Tâche de lutter contre le poison de ton mieux, d'accord ? Je vais profiter de ces heures de tranquillité pour dormir car j'imagine que dès que tu en seras capable, tu te remettras à tout fouiller ou à faire du bruit juste pour le plaisir et alors je pourrais dire adieu à mon précieux sommeil. En attendant tu seras mon garde du corps, dit-elle avec un sourire en coin avant de s'expliquer. S'ils reviennent pour m'égorger pendant la nuit, ça ne sera pas moi qui serais dans la chambre à coucher et dans le noir on fait si vite des erreurs... Fais de beaux rêves.

De nouveau elle lui tapota la tête comme on flatte un chien docile puis elle quitta le lit. Bien sûr toutes les portes et les fenêtres avaient été fermées et il était très peu probable que les coupables reviennent, mais si l'idée pouvait macérer un moment dans la petite tête de Marwen pendant qu'il se débattait avec ses muscles tétanisés, elle n'avait rien contre.
En bonne âme charitable, l'apothicaire prit tout le même la peine de couvrir son hôte avec le drap pour le prémunir du froid avant de quitter les lieux pour se rendre dans la pièce d'à côté. Le petit lit qui s'y trouvait n'était pas aussi confortable que l'autre, cependant il rendait de fiers services et elle s'y lova immédiatement avec une couverture épaisse et miraculeusement épargnée pour s'endormir presque aussitôt.

¤¤¤

Il faisait encore nuit noire lorsqu'Elisabeth ouvrit les yeux. La première sensation qui lui vint fut le froid et elle regretta de ne pas avoir pris plus de draps, même déchirés. Aucun bruit suspect ne venait de l'autre côté de la porte, tout était aussi calme que d'habitude. Combien de temps avait-elle dormi ? Elle s'était attendue à être réveillée par des bruits de casseroles qu'on fait tomber ou par les pas lourds d'un homme qui fait tout son possible pour être bruyant, signe que son très cher contrebandier était sain et sauf, prêt à prendre son énième revanche sur elle. Peut-être était-il encore trop tôt pour cela ?

Certaine de ne pas parvenir à trouver le sommeil sans avoir la réponse à sa question ni un verre d'eau fraîche, elle quitta le lit en grognant comme un ours mécontent et se traina jusqu'à la cuisine. Après quelques gorgées d'eau si froide qu'elle en eut des frissons de la tête aux pieds, elle décida de s'enquérir de l'état de l'esbigneur. Sans faire de bruits, elle se glissa dans sa propre chambre et s'approcha du lit.

Marwen ? Est-ce que tu es mort ? chuchota-t-elle en cherchant des yeux, dans le noir, la forme allongée de son invité.

Cette pièce, elle la connaissait comme le fond de sa poche, cependant elle avait plus l'habitude de l'arpenter sans se soucier de la présence de quelqu'un d'autre. Lorsque ses jambes heurtèrent le bord du lit en douceur, elle se pencha un peu en avant en tendant l'oreille. Ni paroles ni ronflements pour lui répondre. Cependant elle avait retenu la leçon : il s'était écoulé quelques heures à présent et il était possible qu'on lui refasse le coup du mort. D'une main légère, elle trouva sans trop de mal le cou du dormeur et n'eut qu'à y poser deux doigts pour sentir une pulsation. Ce n'était donc pas un cadavre qui était allongé là.
Sans insister plus, décidée à retourner dans les bras de Rikni, elle retira lentement sa main en espérant ne pas avoir troublé le monstre et bénéficier de quelques heures de calme supplémentaires. Tout était si paisible qu'elle poussa un hurlement bref et strident lorsque d'un geste brusque, la personne allongée lui saisit le poignet soudainement.
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Marwen l'EsbigneurContrebandier
Marwen l'Esbigneur



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MessageSujet: Re: Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen]   Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen] - Page 2 EmptyMar 16 Juil 2019 - 17:19
Non, la sorcière n’était pas des plus enclines à rejoindre l’équipage de pirates que Marwen et sa clique pouvaient incarner. Elle n’avait pas le pied marin, disait-elle. Il n’y avait pas plus vrai. Effectivement, il ne se remembrait que trop bien leur dernière épopée lorsqu’ils avaient tous deux pris le large. Oubliant tous ses malheurs, sa faiblesse, et son incapacité à se mouvoir, Marwen sourit autant que le purent ses lèvres rigides, le regard perdu au plafond. Le contrebandier se remémora à quel point il avait apprécié cette petite escapade nocturne en compagnie de la jeune femme. C’était un autre temps, alors, une autre époque. Ces deux-là s’étaient déjà bien écharpés, alors, mais ils étaient parvenus à atteindre un semblant de paix entre eux deux, une douce accalmie qui n’avait fait que s’améliorer le temps de ce canotage. Marwen avait tenté de lui enseigner les bases de la navigation maritime en lui indiquant les différentes caractéristiques d’une gabare et en tâchant de lui apprendre la manière de tenir la barre, sans se départir, toujours, de ses éternelles plaisanteries graveleuses. Et à Elisabeth de l’avoir fixé avec un regard bovin qu’elle n’avait pas l’habitude d’afficher. Une expression qui resterait à jamais gravée dans sa mémoire, celle-là. Aussi, elle avait tâché de s’emparer du gouvernail avec conviction, mais sans aucune maîtrise, et s’était totalement reposée sur les ordres et les directives du contrebandier. Sacrée époque que celle-là.

« Ouais, non, je confirme, t’as pas trop le pied marin, pour sûr. Mais, eh, je pourrai continuer de t’apprendre. »

Mais la fatigue eut raison de la mégère, qui tenta en vain de retenir un long bâillement à peine dissimulé par une main portée devant sa bouche. Elle se leva, lui indiquant qu’elle lui laissait son lit. Marwen se questionna bien sur le motif de cette soudaine générosité, mais supputa qu’elle n’avait simplement pas assez de force pour le conduire dans un autre lit. La vérité était plus vile encore ; si jamais les cambrioleurs décidaient de réitérer leur assaut contre la boutique, Marwen, ainsi dans le lit de la propriétaire, serait en première ligne pour se faire assassiner.

« … Sale grognasse. T’es fière de toi, hein ? » lâcha-t-il d’un air mauvais, sans toutefois pouvoir bouger ou même se défendre plus que cela.

Ah, ce qu’elle paraissait satisfaite d’elle-même. Petit sourire en coin victorieux, nonchalance affectée, regard plein de morgue et une légèreté certaine dans sa voix lorsqu’elle parlait du trépas prochain de son hôte. Elle poussa même le vice à lui mettre une mesquine tape sur la tête, comme si Marwen n’avait jamais été autre chose qu’un bambin assez remuant, et le borda bien sagement avant de quitter la pièce, le plongeant dans le noir.

Qu’avait-elle dit, déjà ? Qu’il devait continuer de respirer le plus longtemps possible. Ne pas se laisser submerger par le poison. Plus facile à dire qu’à faire ; il n’avait pas la moindre idée de la manière dont il pouvait gérer son cœur. A part, peut-être, tenter de se calmer, de relâcher tout doucement sa respiration, et d’en prendre une nouvelle avec la même patience. Ça le grattait étrangement aussi dans le cou. Cette foutue sorcière, il en aurait mis sa main au feu, avait fait en sorte de lui remonter le coin du drap juste sous le menton, et le bord du tissu, plus rugueux, lui asticotait la peau. Il ne pouvait rien y faire ; il remua des jambes, des épaules, de la tête, s’essaya même à mordre dans ce fichu drap, mais son esprit se révéla inefficace devant l’anémie qui rongeait son corps. Toutefois, alors que le temps passait et que Marwen ne pouvait que se résoudre à l’attente, sans rien faire d’autre, le sommeil le surprit, et il sombra dans le néant.



***


Il cligna des paupières, mais ne vit rien. Le noir l’entourait ; le jour n’était pas encore levé. Depuis combien de temps dormait-il ? Des minutes, une heure, plusieurs ? Il n’en savait rien, et ne pouvoir se situer dans le temps l’embêtait quelque peu. Le contrebandier tenta une fois de plus de se mouvoir ; en vain. Il soupira, avant de cligner une nouvelle fois. Une étrange torpeur s’était emparée de son être. Il avait bizarrement… chaud. Il se sentait curieusement bien, quand même se trouvait-il à la merci du premier venu. Son cœur s’était mis à battre un peu plus vite ; était-ce le signe avant-coureur de la fin de sa pathologie ? Son corps avait-il commencé à dissiper la magie qui l’avait envahi ? Voilà qui le contenta que plus encore. En revanche…

Il grinça des dents. Si les muscles de ses membres refusaient de s’agiter, car la drogue visait effectivement les muscles, une certaine partie de son corps, qui en était justement dépourvue, elle, n’en faisait qu’à sa tête. C’était délicat. Très délicat. Comme si toute l’énergie qu’il n’avait pu mobiliser dans ses bras, ses jambes, ses pieds, son dos, ou ses mains, s’était redirigée là où elle ne risquait pas d’être anéantie par le poison. Dans son bas ventre, très précisément. Etait-ce pour cela qu’il ressentait les effets de cette agréable fièvre ? Pourquoi diable fallait-il que cela se passât de cette manière ?

La réponse lui vint assez facilement. Voilà bien longtemps qu’il n’avait pas dormi dans un lit douillet, avec une couverture entière pour le protéger du froid. Voilà bien longtemps qu’il n’avait pas non plus mangé convenablement à sa faim. Voilà bien longtemps, aussi, qu’il ne s’était pas correctement lavé. Et voilà bien longtemps, toujours, que Marwen ne s’était pas dépensé sur une prostituée. Concernant ce dernier point, le contrebandier aurait très bien pu se délivrer de cette sensation en culbutant la sorcière. N’avait-elle pas manqué de se livrer à lui, la veille ? Quand elle s’était positionnée au-dessus de lui, appuyant une main sur son ventre, s’avançant que plus encore alors que son corsage béait au mépris de toute convenance ? Il avait alors glissé ses doigts dans sa chevelure, écartant ses mèches éparses pour glisser son regard sur ses épaules dénudées et sur sa poitrine qui l’était tout autant, ou si peu. L’Esbigneur se mit presque à gémir et à se lamenter malgré lui ; pourquoi fallait-il qu’il pensât à cela à ce moment même ? L’afflux de ces songes érotiques vint créer un autre déferlement sanguin, tout droit dans un endroit précis de son corps, et sa virilité ne se fit que plus vaillante encore. Oh, comme il regrettait de ne pas avoir profité de cet instant, de la faire rouler sur le lit et de la prendre sans concession aucune. Marwen ne s’était retenu que pour la torturer un peu plus, comme s’il avait, dans le même temps, voulu lui prouver que les femmes n’étaient pas un problème. Qu’en refusant de s’unir à elle, il lui démontrait qu’il n’en avait cure, car il se savait en mesure de le faire plus tard, sans aucun souci. Il n’avait jamais eu aussi tort, et son esprit, là, ne s’était jamais autant focalisé que maintenant sur des représentations osées de la sorcière.

Sa main se mit à s’agiter, et il écarquilla les yeux. Se pouvait-il qu’il fût parvenu à reprendre un tant soit peu le contrôle sur son corps ? Etaient-ce ses pensées impures qui le guérissaient de ses derniers maux ? Il se mit à haleter, trop content d’apercevoir les contours d’une sortie dans ce qu’il avait pensé être une impasse. Cela n’était pas trop étonnant, après tout. La chaleur qui s’était emparée de son corps, son cœur qui battait la chamade, et ses poussées obscènes qui le galvanisaient… Marwen s’était déjà trouvé dans pareille situation, lorsque, en période d’hiver, son nez se bouchait subitement. Il lui suffisait alors de s’activer, que ce fût en courant sur place ou en se livrant à d’intimes occupations, et son mal-être disparaissait tout aussi rapidement qu’il était survenu. Pour un certain temps, du moins. Se pouvait-il que les sortilèges de la sorcière fussent bâtis sur le même modèle ? Là, certes, il ne pouvait assurément pas courir sur place, mais, avec un peu de volonté, il était bien à même de se livrer à d’autres jeux…

Non sans mal, il parvint à bouger sa main. Son cœur continuait de pulser à toute allure, et son érection ne désemplissait pas. Il manqua d’éclater dans un sanglot de joie lorsque son bras, enfin, put à son tour être déplacé. C’était ça, à n’en pas douter. Voilà quelle était la solution ! Avec une lenteur bien plus forcée que contrôlée, il parvint à abaisser ses chausses sous sa taille, et à délivrer dans un soupir de satisfaction ses attributs masculins. La caresse du drap sur ces derniers vint le harceler que plus encore, et, bientôt, sa main s’activa dans un lent mouvement de va-et-vient. Bien des émotions le submergèrent alors, mais, plus encore que l’excitation qui s’en allait toujours croissante, ce fut le sentiment de liberté qui vint le cueillir. Tandis que que son sang pulsait encore et toujours dans ses veines, comme s’il circulait plus rapidement que jamais et purgeait le poison qui l’asservissait, Marwen ressentit bientôt l’existence de ses bras et de ses jambes. Continuant ses actions nocturnes et inavouables, il fut en mesure de se tourner dans un sens, et dans l’autre, de remuer, et de…
..
.

Venait-on justement de remuer dans l’escalier qui menait à cette chambre dans laquelle il était couché ?! Aussitôt, le contrebandier cessa toute activité, et s’immobilisa comme une statue de marbre. Les voleurs, là, ces fils de pute, étaient-ils en train de revenir pour parachever leur œuvre ? Et cette putain de sorcière qui l’avait prédit, se servant de lui comme appât, comme cible sur laquelle ils déverseraient leur hargne, tandis que, elle, se planquerait dans une pièce annexe de sa boutique. Alors, il mourrait les chausses en dessous des fesses, et la queue à l’air, la main peut-être encore enroulée autour de cette dernière. Une sueur glacée vint frapper l’Esbigneur à cette simple vision. Plus encore la perspective prochaine du trépas, c’était bien d’imaginer la sorcière le découvrant sans vie dans cette posture qui le rendait totalement malade. Jamais n’avait-il débandé aussi vite, par ailleurs, alors qu’il conservait la même immobilité de peur d’être entendu au moindre froissement.

Un chuchotement se fit non loin de lui, mais trop bas pour qu’il pût véritablement le percevoir. Les bandits, c’était définitivement eux ; l’un d’entre eux parlait justement à ses comparses, très probablement pour la marche à suivre. Appréhension, excitation, peur, aussi ; Marwen était bien décidé à vendre chèrement sa peau, dût-il mourir comme une merde. Il espérait au moins pouvoir se rhabiller un tant soit peu dans l’affrontement, pour éviter, après constatation de sa mort, les remarques faciles de cette putain de sorcière qui l’avait trahi.

Ça craqua tout à côté de lui, et un petit heur dans le lit lui indiqua l’intime proximité de son assaillant. Le contrebandier était tendu comme jamais, prêt à jaillir. Il adressa une inutile prière aux Trois, lui qui ne faisait jamais cela ; il fallait que, après tant d’heures passées sans bouger, son corps fût encore aux aguets, prêt à se déployer sans souci. Un contact sur son cou, sans doute pour lui trancher la gorge, le fit sursauter ; ni une ni deux, Marwen harpa le poignet de son assaillant, et le tira de toutes ses forces vers lui avant de le faire rouler sur le lit.

Il grogna, et sentit ses muscles protester violemment, eux qui n’avaient pas vraiment été mobilisés depuis la veille. Son corps et ses os craquèrent de manière impressionnante, mais, après le premier grondement de douleur, c’en fut un autre, de contentement, de victoire, qui s’échappa de sa gorge. Il avait retrouvé en partie ses fonctions motrices, et était bien décidé à faire payer son assassin. Appuyant de toute sa masse sur le corps de ce dernier, il lui écrasa la bouche d’une main, l’empêchant d’alerter, du moins l’espérait-il, ses petits copains. Ça se mit à remuer, et rugir, à ruer dans tous les sens, à lui mordre les doigts, à lui tambouriner la poitrine, et à le griffer dans tous les sens. Ah, forcément, ce connard faisait dès lors moins le malin, dans pareille position. Un rictus satisfait défigura les traits du contrebandier, qui s’apprêta à lui broyer la trachée de son autre main. Mais, alors que sa senestre s’emparait du cou de son adversaire, un étrange sentiment l'accapara. Les ongles étaient bien longs, les coups bien faibles, les gémissements apeurés bien aigus, et ces cheveux, qui s’avéraient par ailleurs bien longs, eux aussi, n’étaient-ils pas d’une extrême finesse ? Sans compter ce corps et cette nuque, bien trop frêles pour appartenir à un assaillant digne de ce nom. N’était-ce pas… ? Un rapide examen, au travers des vêtements, consolida ce premier ressenti ; ça n’avait pas de couilles, mais ça avait bien un semblant de seins. Ce premier gredin était en réalité une coureuse de rempart. Ah, les cons ; voilà pourquoi il avait pu en faire qu’une bouchée, tout juste remis de sa dernière faiblesse. Tant pis pour elle. Mais…

« Non, ne me dites pas que… »

Avec une indicible horreur, tandis qu’il lui écrasait toujours la bouche, Marwen entrevit une autre possibilité ; celle que sa victime, sous lui, fût la sorcière elle-même. Se dépatouillant comme il le put, l’Esbigneur remit maladroitement, d’une main, ses chausses au niveau de ses hanches, et, toujours en bâillonnant sa proie, tâcha de se sortir du lit, lui et son otage. Il ne voulait pas jouer avec le feu, et ne désirait prendre aucun risque. Son assaillant pouvait aussi bien être la sorcière que, effectivement, une voleuse ayant déjà dévasté précédemment la boutique. La soulevant brutalement tout en l’agrippant violemment par la nuque, il la promena un peu au hasard dans la pièce. Il voulait la voir de ses propres yeux avant de la libérer, ne pouvant lui permettre de laisser échapper le moindre son. S’il s’agissait d’une maraudeuse, le moindre cri de sa part signerait sa perte. Il se heurta à plus d’une étagère, à plus d’un meuble, et sa captive avec lui ; il savait que, là-bas, il y avait une foutue fenêtre, mais ne parvenait pas véritablement à se repérer dans le noir ambiant. Enfin, il parvint jusqu’au mur tant convoité, et, tout en maintenant fermement la bonne femme contre ce dernier, tâtonna, puis ouvrit la fenêtre et l’un des volets.

La clarté de la lune, conjuguée à la lumière dansante de quelques torchères, pénétra dans la pièce, illuminant faiblement son intérieur. Le lit était désormais de travers, les draps avaient été retournés suite à leurs derniers ébats. Marwen s’étonna de voir qu’un coffre gisait à présent sur l’un de ses côtés, n’ayant pas remarqué, avec l’adrénaline qui lui avait couru dans les veines, la débâcle qui avait eu lieu céans même. Mais surtout, il manqua de hoqueter de stupeur en découvrant que la bonne femme, dont le visage était emprisonné la main de l’Esbigneur sur ses lèvres et le mur contre son crâne, n’était pas autre que la sorcière elle-même.

Il cligna des yeux, tiqua, comme il le faisait si bien dans de pareilles circonstances, mais n’osa pas encore la libérer, ce qui lui permettrait assurément de l’incendier si elle venait à recouvrer la parole. Un peu étranglée, peut-être, et très ballottée, elle avait le regard furieux, quoique peut-être apeuré, mais se trouvait surtout déchevelée. Vêtue d’une chemise assez épaisse qui lui tombait jusqu’aux chevilles, elle semblait prête à déverser toute sa colère, ou toute sa rancune, ou tout son chagrin, sur l’Esbigneur. Mais ce dernier aussi en avait gros.

« Bordel de… Mais c’est pas possible » , ragea-t-il tout en continuant de lui sceller les lèvres. Il avait le regard encore un peu fou, la poigne pugnace, et les muscles encore tout contractés d’avoir si bien combattu.

« J’ai passé la moitié de la nuit paralysé sans rien pouvoir faire, avec la queue qui me démange et une menace de mort à peine voilée qui planait au-dessus de ma tête ! Tu me montes la tête en bourrique en me disant que ces malfrats qui t’en veulent vont s’infiltrer de nouveau dans ta maison, et que c’est justement la raison pour laquelle tu me laisses en première ligne, pile-poile dans ton lit. Et comme pour concrétiser toutes mes craintes, alors que, de par ta magie, me voilà aussi vulnérable qu’un nouveau-né, tu t’amuses à monter discrètement dans ma chambre pour simuler de m’égorger ! »

Le simple fait de ressasser ce passé tout juste révolu faisait renaître une rage certaine dans le cœur de l’Esbigneur. Il savait qu’Elisabeth avait elle aussi beaucoup à lui reprocher, il savait, la connaissant trop bien, qu’elle aurait son mot à dire et qu’elle lui déverserait toute sa colère, et c’était précisément cela qui l’énervait. Aussi, il voulait lui déclarer ses quatre vérités avant qu’elle ne le fît elle-même.

« Alors je me suis débattu, convaincu que j’étais de la présence d’assassin chez toi. Et surtout persuadé que j’allais payer à ta place, dans la mesure où j’étais là, sans défense, dans ce lit, et que, dans le noir, ils ne pourraient faire la différence entre toi et moi. Putain, j’ai failli te buter à cause de tes conneries, là ! »

Il relâcha sa prise sur la bouche de la jeune femme, et sa main glissa jusque sur sa gorge, qu’il serra légèrement.

« Ne dis rien. NE DIS RIEN ! », aboya-t-il, le doigt en l’air, sachant pertinemment que, la parole ainsi libérée, elle allait l’assaillir d’invectives.

Pourtant, Marwen n’avait plus grand-chose à dire, là. Il voyait rouge, et ne raisonnait plus très convenablement. Seules quelques sensations, seuls quelques souvenirs de sa nuit passée lui revenaient en mémoire et alimentaient le restant de ses pensées. Et c’étaient ces mêmes fragments d’esprit qui lui dictaient à présent sa conduite, conduite pour le moins désordonnée. Le désir, l’excitation de ses récents fantasmes. La faiblesse de sa paralysie, et la peur de l’ennemi. La rage et l’excitation, mais du combat, désormais. Et puis la surprise, puis la peur, de nouveau, mais la peur de tout ce qui aurait pu se passer dans une réalité à peine différente de celle qu’il était en train de vivre.

« J’ai manqué de te perdre, déjà, à plus d’une reprise, murmura-t-il soudainement d’une voix grave en la fixant méchamment. Et j’ai tout juste manqué de te tuer, là. Alors, je gage que je ne suis plus à cela près. Je ne vais plus refaire ma même erreur. Je compte bien prendre possession de ce que tu m'as jadis offert mais que j'ai connement refusé. »

La main de Marwen, qui agrippait encore et toujours la gorge blanche de l’apothicaire, descendit jusqu’au haut de sa chemise sur laquelle un regard mauvais se posa. Puis après un rictus du même acabit, l’autre main vint à son tour l’empoigner pour la déchirer de haut en bas, jusqu’à la taille, dans un brusque mouvement de rage. D’une manière comme d’une autre, le contrebandier usa de sa puissante carrure pour l’empêcher de réagir outre mesure, et contempla sa poitrine exposée. Il apprécia les reliefs de ses seins exposés au clair de lune, son ventre qui l'était tout autant, vulnérable, et la cambrure de son dos qui, posé contre le mur, rapprochait son bassin du sien. Puis sa dextre se glissa sous le menton de la sorcière le relevant quelque peu, obligeant Elisabeth à le fixer sans sourciller. Et il se précipita sur elle, ses lèvres dévorant les siennes avec une fougue nonpareille.
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen]   Homme sans ennemis, homme sans valeur [Marwen] - Page 2 EmptyMer 17 Juil 2019 - 0:09
Elle aurait sans doute pu crier encore longtemps si le poids soudain de son assaillant ne lui était pas tombé dessus pour l'écraser dans le matelas, lui coupant la respiration. On veilla aussi à la bâillonner d'une poigne rude qui acheva de l'étouffer et de faire souffler un vent de panique sur son esprit. C'était un assassin, elle en était sûre ! Le cadavre de Marwen devait être en train de se vider de son sang dans un coin de la pièce et le meurtrier avait pris sa place en l'entendant pour mieux la piéger et lui tordre le cou ! Pourtant toutes les portes et toutes les fenêtres étaient fermées, comment avait-il pu entrer ?
La jeune femme se débattit comme une furie, prête à lui laisser quelques bleus avant de perdre la vie dans cette stupide affaire où elle ne comprenait rien de ce qu'on pouvait lui reprocher. On ne la retrouverait pas avant plusieurs jours, peut-être même plusieurs semaines. Elle imaginait déjà l'état de son corps froid, la vermine grouillant dans la pièce, attirée par l'odeur de la mort.

Le ladre avait l'air bien sûr de lui à pouvoir la maitriser d'une seule main aussi redoubla-t-elle de hargne pour le mordre, le griffer, n'importe quoi qui puisse le faire reculer. Mais au lieu de cela, il lui enserra la gorge, prêt à lui écraser la trachée pour la faire taire définitivement. Voilà, c'était donc la fin ? Elle avait beau s'époumoner en sourdine et le frapper de son mieux, elle allait quand même finir le cou brisé comme un lapin de garenne. La brute eut une hésitation, semblant se raviser... Pour mieux libérer l'une de ses pognes et la balader avec rudesse sur elle, lui empoignant un sein avant de palper sans ménagement entre ses jambes. Le hoquet de dégoût qu'elle eut s'acheva étranglé sous la pression de la paume autour de son cou.
C'était donc ça. Il n'allait pas simplement l'achever et repartir comme il était venu, il allait s'appliquer avant à la souiller comme un animal en rut. Des viols, il y en avait tous les jours dans cette ville au bord du gouffre, mais jamais Elisabeth ne s'était imaginé une seule seconde qu'elle en serait victime dans sa propre maison. Elle préférait encore qu'il la mette à mort immédiatement. Dans une tentative désespérée de l'arrêter, elle couina en repoussant son bras, serrant les jambes autant que possible. Qu'il s'en aille ! Qu'il s'arrête ! Par Serus, elle ne voulait pas finir comme ça !

Comme sensible à sa panique et aux larmes qui commençaient à poindre aux coins de ses yeux, le bienveillant Père des hommes suspendit l'empressement de l'assassin qui reconsidérait peut-être la question de violer une prétendue sorcière. Le cœur battant à tout rompre, Élisabeth n'osa pas faire un seul geste. Mais elle se pétrifia tout à fait lorsqu'elle reconnus, dans ce grognement perplexe, la voix de Marwen. Qu'est-ce que... C'était lui son assaillant ? Lui qui essayait de l'étrangler ? Lui qui la fouillait au corps comme si de rien était ?
La peur et le dégoût firent place à une colère noire, d'autant plus soudaine qu'elle s'alimentait dans la honte de s'être trompée de la sorte. À quoi était en train de jouer cet abrutit ? Savait-il seulement à quel point elle venait d'avoir peur ? C'était sans doute sa petite vengeance mesquine sur la piqure de venin qui, très vraisemblablement, ne faisait plus beaucoup d'effet. L'apothicaire s'attendait à l'entendre s'esclaffer d'un instant à l'autre avant de la narguer pour lui montrer à quel point elle était bête et naïve. Sans doute se fendrait-il d'une petite phrase humiliante du genre "voilà qui t'apprendra à te faufiler dans la chambre d'un homme en pleine nuit" à laquelle elle ne pourrait répondre que par une gifle. Encore une fois elle était ridiculisée alors qu'elle s'était inquiétée pour ce mufle.

Rien.
Rien ne vint. Ni boutade, ni rire, le contrebandier demeura d'un sérieux inquiétant avant de s'activer à se remettre debout, la tirant à sa suite sans douceur ni ménagement. Réduite au silence et tenue par le cou dans un étau diablement solide, Elisabeth ne pu que suivre, toujours hors d'elle mais également méfiante face à cet étrange comportement. Alors quoi, il allait la gronder maintenant ? La mettre dehors comme une malpropre en prétextant quelques désagréments qu'elle lui causait à venir s'enquérir de son état la nuit ? Ou allait-il encore se mettre à frapper ?... Elle ne se souvenait que trop bien de ce jour où la patience du ladre était arrivé à bout à force de piques et de provocations. Il l'aurait sans doute battu comme plâtre s'il n'avait pas décidé de se déchaîner contre la porte à la place.
Le choc du mur heurtant son dos lui fit souffler le peu d'air qu'elle arrivait encore à inspirer à travers cette main qui se pressait contre sa bouche sans faiblir. Par réflexe, elle s'était accrochée à son bras, les ongles plantés dans sa peau, tentative bien vaine de l'éloigner d'elle. Il lui faisait mal. Et elle avait de le lui rendre.

Lorsque la lumière tomba sur eux, essoufflés et échevelés, Elisabeth fixait son invité avec fureur, les cils encore humides de larmes. Ses longs cheveux sombres toujours bien tenus étaient désormais en bataille, lui retombant sur les épaules et la moitié du visage comme un bouquet sauvage. Ses mains à elle tremblaient un peu malgré tout, l'adrénaline pulsant encore dans chaque petite fibre de son corps.
Elle le vit bien battre des cils comme s'il émergeait d'un rêve, réaliser que c'était elle qu'il tenait à bout de bras et qu'il avait bien failli étouffer. Elle le vit se décomposer avant de se regonfler d'une colère qui semblait toujours prête à refaire surface. Un peu comme la sienne. Ils avaient l'air de deux bêtes furieuses, à se toiser de la sorte.
Puis il se mit à éructer que c'était elle la perfide créature qui essayait de lui jouer un vilain tour. Elle fut trop occupée à s'offusquer intérieurement de cette fausse accusation pour relever qu'ils s'étaient tout le deux bien trompé et bien fait peur. Comment ça, c'était encore de sa faute ? Alors à présent, même lorsqu'elle venait s'assurer qu'il aille bien, elle était coupable de sournoiserie ? C'était pourtant lui l'imbécile qui pensait que l'on viendrait vraiment lui couper la gorge au milieu de la nuit ! Ce qu'il fallait être bête pour songer que cela se produirait vraiment !

« Putain, j’ai failli te buter à cause de tes conneries, là ! »

La jeune femme fronça un peu plus les sourcils : si c'était ça la conclusion qu'il tirait de cette mésaventure, elle avait un goût étrange. Quelque chose qui ressemblait presque à de l'inquiétude. Se mettait-il en colère parce qu'il croyait avoir été dupé ou parce qu'il avait bien failli la tuer ? Elle faillie lui demander lorsqu'il lui laissa enfin prendre la première goulée d'air, mais la pression sur sa gorge l'incita plutôt à suivre la directive qu'il lui imposa et à se taire.

Ils demeurèrent ainsi un instant qui sembla n'en plus finir. Chacun toisait l'autre avec ressentiment et tentait de remettre de l'ordre dans ses idées. La sorcière aurait aimé le haïr en cet instant, ç'aurait été plus simple. Le trouver détestable et laid, appeler la garde et le faire jeter dans un cachot loin d'elle. Elle aurait mille fois préféré cela plutôt que de simplement demeurer immobile, la palpitation de chaque battement de son cœur se heurtant douloureusement à la poigne qui se pressait contre sa gorge et les mains toujours désespérément accrochées au bras de son bourreau bien qu'incapable de lui causer beaucoup de mal.
Marwen n'était ni tendre ni aimable avec elle, mais elle n'était ni l'un ni l'autre non plus. Leur passe-temps favori était de se mordre à tour de rôle, toujours un peu plus fort pour voir qui cèderait en premier. Une façon un peu barbare de s'attacher à quelqu'un, pas vrai ? En temps normal elle se serait sans doute révoltée contre la simple d'idée d'être associée à de telles pratiques, mais en cet instant elle se sentait plus louve que biche et la barbarie lui convenait parfaitement. Qu'il donne le premier coup de croc, elle avait de quoi lui rendre la pareille.

Cette fois, lorsqu'il la considéra avec cette violence dans le regard, elle n'eut pas même l'ombre d'un frémissement. Le vert de ses yeux lui criait juste "approche, cette fois je suis loin d'en avoir terminé avec toi". Elle n'était pas de taille contre sa force, mais elle était assez têtue pour s'y essayer quand même. Si têtue que la donzelle ne piailla même pas lorsqu'il lui déchira brutalement son vêtement à l'en faire sursauter. Si têtue qu'elle le laissa se rincer l'œil sans faire mine de se dissimuler, détournant simplement la tête pour ne pas avoir à deviner son propre reflet dans les yeux qui la détaillait. Si c'était le terrain sur lequel il voulait l'emmener pour la rompre, elle relevait le défi.
Elle n'avait nul part où aller : d'une main appuyée au mur il lui coupait toute voie de fuite et il était si proche qu'elle n'avait pas d'autre choix que de demeurer collée à la paroi froide. Elisabeth oubliait facilement que le contrebandier était bien plus grand et bien plus charpenté qu'elle. À faire toujours l'imbécile, il arrivait comme par magie à dissimuler la largeur de ses épaules. Tout ce qu'elle pouvait faire pour l'instant, c'était de regarder quelque part derrière lui. Du moins jusqu'à ce qu'il décide qu'elle doive l'affronter du regard une nouvelle fois.

Bien sûr qu'elle le vit venir. Peut-être même sa main se referma-t-elle sur le col débraillé de la chemise de l'Esbigneur avant même qu'il n'atteigne ses lèvres. Elle le vit venir et s'abattre sur elle sans douceur, mais elle ne recula pas sous l'assaut. Elle poussa à son tour, pour le faire reculer lui.
Puis elle mordit.
Un coup de dent sec dans la lèvre, là où la chair est assez pulpeuse pour éclater facilement. La furie put sentir la peau céder en un instant et celui d'après, elle était de nouveau libre. La main toujours fermement accrochée à cette foutue chemise et sur laquelle elle tirait pour couper toute retraite à son assaillant.

Si tu me frappe, je te promets une mort lente et pénible, l'avertit-elle dans un murmure venimeux.

Et d'un geste sec, elle l'attira pour un second baiser, aussi furieux que le premier mais certainement moins mordant. De la colère ou de la frustration, elle ne savait pas laquelle écouter, cependant puisque toute raison l'avait visiblement abandonnée, elle pouvait bien laisser n'importe quelle émotion prendre les commandes à présent. À deux mains elle lui saisit le visage, rabattit ses cheveux en arrière et griffa sans ménagement son crane jusqu'à sa nuque dans une caresse pleine de rancoeur et d'impatience. Il voulait tout prendre sans ménagements ? Mais qui lui avait dis que ce ne serait pas elle qui prendrait ce qu'elle souhaitait ? Ils pouvaient être deux à jouer aux brutes.


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