Equitation après révélations... ♠ [Victor].

Roland avait donné plusieurs séances de monte au Comte de Rougelac. Leur entente progressait, tout comme l’apprentissage de l’équitation. Son élève réussissait à tenir mieux son équilibre, monter et descendre plus habilement, l’allure au pas était maîtrisée, le trot assis devenait un peu plus agréable et même le trot enlevé commençait à se frayer doucement un chemin. Du progrès, s’étant étendu au cours de plusieurs séances.

Le comte de Rivefière attendait d’ailleurs son élève ce jour.
Cependant, un nouvel élément venait entacher leur récente sympathie, si on pouvait l’appeler ainsi. Maintenant, aux yeux de l’aîné, tout cela était devenu bien plus compliqué. Après les révélations faites par Sydonnie, plus rien ne serait comme avant. Il savait que Victor pouvait s’avérer tordu et manipulateur. Mais un brin naïf, croyant encore à la bonté et au repenti des gens, Roland avait voulu y croire. Mais il s’était bel et bien trompé sur toute la ligne. Victor étai un être pourri jusqu’à la moelle et rien ne le ferait visiblement changer. Les horreurs qui l’avait dites à sa fiancée lui restaient en travers de la gorge. Il ne pouvait pas s’en prendre à lui ouvertement, pas tant qu’il aurait la mainmise sur sa famille. Il allait devoir se montrer patient, la jouer fine face au Comte. Cela allait s’avérer bien compliqué, mais c’était un bon moyen également de contrer ses projets. Il ne savait pas qu’il était au courant, ne connaissait pas les relations qu’il entretenait avec sa fiancée. Roland était au courant à présent de beaucoup de choses. Il ne lui en ferait guère part. Ce qui serait un avantage. Ne pas s’énerver, garder son calme, ne rien laisser transparaître. Même s’il avait une envie folle de lui tordre le cou.

Roland l’attendait déjà aux écuries, ayant donné la consigne à sa domestique d’y envoyer également son invité, dès son arrivée. Il avait préparé et harnaché le cheval, prêt à l’accueillir dans le rond pour cette nouvelle séance. Le cheval était prêt, vaillant et bien en forme ce jour. Ce qui tombait incroyablement bien au vu de ce qu’il avait préparé pour aujourd’hui.

Il aperçut le comte arrivé au loin, il le laissa tranquillement approcher. Guidant le cheval vers le milieu de l’endroit ensablé, pour qu’il puisse monter.

- « Bonjour Victor, comment allez-vous en ce jour ? Vos courbatures ne vous font pas trop souffrir ? Vous êtes un élève bien assidu, vos progrès sont nets, nous allons donc corser un peu plus les choses aujourd’hui si cela vous sied. »

Roland attendit que le comte lui réponde, puis se mette aisément à cheval, pour commencer la séance.

- « Je vous laisse vous détendre et faire quelques tours au pas et au trot, évoluez librement. Je vous observe et nous ferons le point avant de passer à l’étape suivante. »

C’était difficile de cacher sa rage, les paroles de Sydonnie revenaient bien souvent dans l’esprit du blond, faisant se crisper parfois sa mâchoire. Mais il n’en montrait rien, restait tout à fait aimable et courtois envers le comte. C’était son élève ce jour, il ne fallait pas l’oublier. Mais si jamais le cheval était dans une bien trop grande forme ce jour, sujet aux démonstrations de joie, ce n’était pas sa faute…

Il était vrai que le Comte de Rougelac était un élève assidu et ce malgré son âge avancé, seulement l'homme avançait dans sa vie par les innombrables défis que son existence lui offrait, volontairement ou involontairement d'ailleurs. Chaque jour ou presque, il venait donc se rendre en la demeure de Rivefière pour progresser dans l'art de la monte à cheval et Roland semblait être un précepteur de grande valeur sur ce sujet. Leur relation s'était même plus qu'amélioré, mais c'était hélas sans compter certains "non dit" de la part de la fiancée de Roland. C'était donc dans un cadre de faux semblant que suite à la réception donnée par la Comtesse Irène de Valdis, Rougelac se rendit à son cours équestre.

Se dirigeant naturellement vers les écuries après avoir signalé sa présence à la domesticité, il marchait d'un pas décidé et en tenu de cavalier vers son semblable qui semblait l'attendre au loin dans le rond ensablé prévu pour la séance du jour. S'inquiétant par pure principe et convenance à l'état physique de son poulain, Roland de Rivefière cachait bien sa colère et son amertume à l'endroit de son élève qui s'affichait alors devant lui tout sourire. Victor avait acquis les bases et son entraîneur cherchait à rapidement le faire progresser ce qui allait dans le sens des intentions du Comte toujours prêt à relever des défis.

- Roland mon bon ami ! Je rayonne biensure, rien qu'à l'idée que vous me fassiez encore souffrir! Plus sérieusement, je pense que mon corps semble s'adapter, mais je dois vous l'accorder, les premiers jours ont été des plus difficile.

Avec l'assurance qu'il n'aurait soupçonné au tout début de son apprentissage, Victor se mit alors en scelle, tenant les rennes tout en maîtrisant son équilibre sur le destrier qu'il commençait à avoir bien apprivoisé. Un regard vers l'héritier de la Maison Rivefière et le Comte s'exécuta à lancer sa monture au pas durant quelques minutes, puis à démarrer un trot sans faire le moindre impair. Traçant un cercle au départ, il s'osa à quelques changements de direction sans prendre le moindre risque, avisant par moment son entraîneur d'un regard avisé, écoutant judicieusement si nécessaire le moindre de ces conseils.

- Qui a-t-il à l'ordre du jour, mon ami ? Des obstacles ? Peut être prématuré ? A moins que vous me pensiez apte ? Au passage Roland, comment avez-vous trouvé la réception chez Dame Valdis ? La Comtesse sait assurément recevoir. Il faudra que je vous ancien à mon tour certains arts, comme je vous l'avez promis.

Non sans rester concentrer, Victor, flatta l'encolure de l'animal, on sentait qu'il avait trouver l'osmose avec sa monture, offrant toujours ce visage différent du personnage atypique qu'on lui connaissait pourtant. De quoi en dérouter plus d'un.

Victor était en tenue, il marchait vers son entraîneur avec entrain. Parfait, la séance allait pouvoir débuter sous les meilleurs auspices.

- « Oui vos muscles s’habituent, c’est bien normal, vous aurez de moins en moins mal. Après la souffrance passée, il ne vous restera que le plaisir de l’équitation. »

De belles paroles, de jolis faux-semblants, tels étaient les habitudes hélas de la noblesse. Roland n’appréciait pas cela, mais il n’avait pas le choix. Il s’était très mal comporté avec Sydonnie, des mots avaient claqué, dépassant sa pensée, se montrant grossier. Il lui avait promis de faire efforts, de lui faire confiance. Il devait à présent s’y tenir, ne pas flancher.

Roland laissa ensuite son élève se mettre en selle, avec il fallait le noter, bien plus d’aisance qu’auparavant. Leurs séances commençaient véritablement à faire leurs preuves. Il le laissa donc évoluer en autonomie, se contentant d’observer ses faits et gestes. Il lança l’animal au pas, puis au trot, s’autorisant quelques changements de main et de direction.

- « Parfait tout ça, je suis ravi de voir que mes précédents enseignements ont porté leur fruit. »

C’était sincère, il n’y avait pas de fautes notables à relever, il s’en sortait bien, avec un assez bon équilibre, pas de soucis.
Victor en vint à aborder la soirée chez madame de Valis, pourquoi s’aventurait-il sur ce sujet. Bien sûr, il ne pouvait pas savoir que Sydonnie s’était confié à lui, il ne savait pas non plus tout ce qui se tramait…

- « C’était une soirée en tout point parfaite. Nous n’avons pas tellement eu l’occasion de discuter. Mais vous l’avez fait avec ma fiancée, je suis ravi que vous vous entendiez bien. 
Avec plaisir, j’attends vos conseils sur les mondanités, je n’y suis que si peu habitué »

Oui, il en rajoutait juste un peu.
Victor s’en sortait bien avec le cheval, pour son niveau, c’était très bien. Cependant, Roland n’avait pas envie de s’arrêter en si bon chemin. Il en profita que le destrier soit dans une très grand forme, pour donner une leçon, dans tous les sens du terme, au comte de Rougelac.

- « Pour ce qui est à l’ordre du jour, je vous sens prêt Victor pour tenter un petit départ au galop. Dès que vous le sentez, reculez légèrement votre jambe externe à la piste en arrière, tout en agissant avec votre jambe interne par pression, au niveau de la sangle. »

Le comte prit son temps, le cheval ne sembla pas prendre l’allure, Roland encouragea son élève, en lui prodiguant des conseils, puis l’animal aussi, en faisant quelques appels de langue. Puis d’un coup, le cheval prit aussitôt le galop, dans un léger soubresaut d’impatience, ce qui eut le mérite de déstabiliser totalement le comte de Rougelac. Ce dernier ne retrouva pas son équilibre suite aux secousses provoquées par cette nouvelle allure. Il fit un joli vol plané, qui se termine au sol, le fessier semblait être retombé très fortement sur le sol, ce qui lui occasionnerait très certainement un bon gros bleu. De plus, par manque de chance, le sang-bleu se retrouva plongé dans un crottin tout frais.

Roland se retint naturellement de rigoler, bien que la tentation était très grande. Il jouissait simplement intérieurement, il trouva sa vengeance bien réussie. Il alla rattraper l’animal, qui n’avait pas bronché, étant habitué à bien pire comme troubles. Après avoir survécu à la Fange, ce n’était pas une malheureuse chute qui allait l’effrayer. Il se dirigea vers le comte.

- « Vous allez bien, rien de cassé ? Ça, c’est le métier qui rentre mon cher ! Un bon cavalier ne tarde pas à se remettre en selle. Dites-moi si vous vous sentez apte à continuer. »

Oh que non! Sa chute, Victor ne l'avait pas vu venir. Que dis-je, la roublardise de son entraîneur plutôt ! Roland l'avait mit en confiance tout autant dans le cadres de ses exercices qu'au sujet de cette fameuse soirée mondain. Rien, rien n'eveilla le moindre soupçon chez le Comte de Rougelac jusqu'a ce que Roland de Rivefiere n'entreprenne de mettre son vil plan à exécution. Se targant de déclarer son élève prêt à passer au niveau supérieur de son entrainement, l'héritier de la Maison sous influence du sang bleu qui s'était osé à de basses piques à l'endroit de sa promise, décida qu'il était temps de passer à l'apprentissage du galop.

Et alors qu'il indiquait à Victor la position de son corps, de ses pieds et de ses jambes pour lancer sereinement l'équité dans ce nouvel exercice, voilà qu'en une fraction de seconde, il se senti basculer, partir dans l'inconnue, plus aucun appui pour amortir, freiner les lois de la gravité terrestre. Il ne réalisa alors qu'au moment de sentir son fessier frapper le sol, qu'il venait de chuter de cheval ! Et... dans quelle circonstances ! A même un beau gros tas de crotin de cheval. Mais avant de grimacer du naseau après que l'odeur désagréable des déjections ne chatouille son odorat, ce fut la douleur à l'arrière train qui le lança et le fit grimacer de douleur. Si Séréna ou même Sydonnie épiait la scène nul doute qu'elles auraient étouffées de rire face à la déconvenue de l'arrogant mondain.

Évidement pour se redresser, ses paumes s'appuyèrent ou plutôt... s'enfoncèrent dans la merde du cheval, nul doute qu'il lui faudrait plusieurs bain pour faire partir l'odeur de sa peau ! Reprenant ses esprits, il vascilla légèrement en se relevant, fixant ses paumes brunies et visqueuses, lui donnant dans l'instant un haut le coeur avant de finalement relever le menton vers Roland venant faussement s'enquérir de sa santé. L'homme se faisait d'ailleurs provoquant et de Rougelac serra les poing plein de merde, non pas pour se mettre en colère mais bien pour relever ce défi. Non, il n'était pas une fiote, une petite poule mouillée. Essuyant alors ses mains sur son pantalon, il acquiesça aux mots de son fiélon d'entraîneur, convaincu que la faute ne revenait pas à son précepteur mais bien à lui.

- J'ai du commettre un impaire... je... je ne vais pas baissé les bras pour autant. Reprenons, mais... je crains devoir vous demander ensuite d'utiliser de votre eau dans un large baquet.

Sur ses mots, les jambes encore un peu engourdi, il s'en alla à pas approximatifs chercher à récupérer l'étalon, retrouvant seconde après seconde les sensations de ses jambes alors qu'il se tenait clairement les fesses. La suite de l'entraînement n'allait pas être une partie de plaisir pour le Comte, surtout lorsque sa croupe retrouverait le cuir de la scelle.

Roland qui avait donc assisté à la chute du comte, s’en réjouissant intérieurement, il ne pu cependant rester sans ne rien faire, face à la situation. Victor semblait d’ailleurs assez bien accusé le coup, ce qui surprit l’aîné Rivefière. L’élève ne remit pas l’animal en question, ne reporta encore moins la faute sur son précepteur. Bien au contraire, il reconnut même d’avoir commis une erreur. Un bon point pour son élève, Roland resta à ses côtés, l’aida même à se remettre à cheval.

- « Je vous pensais prêt, j’aurais certainement du vous préparer davantage avant de vous lancer dans cette nouvelle allure. Je m’en excuse alors, vous n’y êtes pour rien Victor. Reprenons plus doucement, si vous le voulez bien. »

Le sang bleu avait préféré s’excuser, l’attitude du comte de Rougelac avait joué en sa faveur sur ce coup, il ne cherchera plus à le tourmenter volontairement au cours de cette séance. Il n’oubliait certainement pas les révélations de Sydonnie, mais pour le moment, il avait eu sa petite vengeance personnelle, ils pouvaient à présent avancer.

- « Restez au pas pour le moment, la douleur ne va pas se ressentir aussitôt, mais ménagez-vous tout de même. Les chutes à cheval, ce sont comme les courbatures, quelques jours après qu’elles se réveillent franchement. »

Il observa Victor faire quelques tours sagement au pas, tranquillement.
Puis il alla installés quelques objets au milieu de la piste, de manière à créer des obstacles, non pas à franchir, mais à contourner, en créant de jolies courbes.

- « Toujours au pas, vous allez venir contourner ces obstacles au sol. Le but ici est de trouver votre équilibre, tenter de bien apprivoiser la bouche du cheval à travers les rênes et par extension le mors. Appliquez vous, passez plusieurs fois, à main gauche, à main droite. Je veux voir vos progrès au niveau du tracé. »

Il allait observer son élève, lui prodiguant toujours remarques et conseils, l’accompagnant en douceur, cette fois.
Il le laissa évoluer à son rythme, il n’allait pas trop forcer la monte ce jour, une chute laissait des séquelles, c’était évident.

Avec un art certain pour la duperie, Roland semblait remettre la faute sur ses propres épaules, soudainement conscient du manque de préparation de son éleve. C'est que finalement l'héritier de la maison Rivefière commençait sans le savoir à apprendre des faux semblants dans la Haute Société et ce, malgré que son précepteur en la matière n'ait encore exercé et prodigué ses conseils en la matière. Toujours est-il que le beau blonde, châtin clair ou que sais-je exactement, se formula en excuses auprès du cavalier malheureux avant de le convier à reprendre la scelle pour des exercices moins dangereux mais tout aussi technique. Se faisait et laissant le temps au pauvre Comte de se remettre de sa chute, Roland alla donc placer des obstacles que son élève devait alors contourner avec sa monture.

Entre deux grimaces, puant la merde à plein nez, Victor se re-concentra, une qualité encourageante sans doute pour son vil entraîneur qui n'osa allait plus s'aventurer alors sur le chemin de la vengeance. Non, Roland avait eut la présence d'esprit de ne point commettre l'impair de se trahir, ainsi montrait-il qualité de sa sagesse. Voilà donc le duo de retour dans la strate de l'apprentissage à l'art équestre. A présent, Victor devait donc jouer du maniement des rennes et de ses conséquences sur le mors, une pièce d' harnachement, le plus souvent métallique, insérée dans la bouche d'un équidé qui permettait ainsi au cheval de suivre les directive de son cavalier. L'exercice impliquait également d'être consciencieux quand à l'équilibre du Comte sur sa monture. Un travail de longue haleine qui, hésitant au départ portait finalement ses fruits après quelques minutes d'entrainement.

En effet, si les obstacles avaient pu être au départ bousculés, renversés et mal abordés, Victor de Rougelac se reprit à plusieurs essai pour finalement diriger sa monture là où il le souhaitait. Les grimaces de frustrations et de douleurs laissèrent alors rapidement place à des sourires satisfaits, non sans aviser Roland par intermittence pour quelques réglages dans ses gestes, c'était après tout bien naturel. C'est ainsi que ses progrès en tracé furent accompli et démontré aux yeux du précepteur. Main gauche, puis main droit pour zigzaguer entre les obstacles, inclinant son buste pour maîtriser l'équilibre, Rougelac commençait bien à voir ses heures de cours porter leur fruit. Il arrêta finalement sa monture, à présent sa sueur se mêlant au crottin qui le parfumait si bien.

- Je crois avoir été assez éprouvé pour aujourd'hui, mon ami.

La séance touchait donc à sa fin, Victor laissant Roland finir si besoin l'entrainement par quelques conseils avant qu'il ne s'emploi à quitter la scelle, une douleur au fessier le lançant lorsqu'il se réceptionna sur la terre battu. Redonnant les rennes au propriétaire de l'équidé, il rajouta.

- Si je puis donc sollicité vos bains, mon ami. J'ai heureusement prit une tenue de rechange en venant. Et je crois que ce choix fut fort judicieux.

Lança-t-il avant de se laisser guider par l'héritier de la Maison Rivefière.

Victor faisait son possible, malgré la chute, pour s’appliquer et faire face au nouvel exercice qui se profilait. Roland installa les obstacles à éviter, dicta ses consignes et laissa évoluer son élève librement, tout en réajustant au besoin. Il avait fait de nets progrès, c’était encourageant. Malgré le petit pique du comte de Rivefière, il s’appliquait et mettait du cœur à l’ouvrage, désireux de progresser dans le domaine. Il s’arrête ensuite de lui-même, énonçant qu’il avait assez donné pour aujourd’hui. Le blond ne pouvait pas le blâmer, c’était réel, il avait chuté, s’était remis en selle, avait fourni beaucoup d’efforts pour présenter un juste tracé entre les différents obstacles, rien ne servait de s’acharner inutilement. La douleur liée à la chute devait tout de même déjà se ressentir quelque peu, même si le pire allait se réveiller le lendemain. Puis, il voyait bien que la senteur du crottin recouvrant sa tenue l’incommodait.
Roland ne se montrait alors pas plus taquin et céda à mettre fin à la séance.

- « Beau travail, vous m’épatez Victor, vous pouvez mettre pied à terre. »

Roland récupéra les rênes, tapota généreusement l’encolure du cheval, avant de faire appel au domestique réservé pour l’entretien de l’extérieur et des écuries. L’homme alla s’occuper de desseller l’animal et de lui prodiguer les soins nécessaires de pansage.

Victor lui demanda ensuite s’il pouvait utiliser ses bains, naturellement il était recouvert de crottin, ce qui n’était pas si agréable que cela, il fallait bien le reconnaître.

- « Bien évidemment, rentrons. Ma domestique, Margareth va vous guider à l’étage et vous donner le nécessaire de toilette. »

Les deux hommes prirent donc le petit chemin pour rejoindre l’entrée principale.

- « Attendez-moi un instant, je vais la chercher. »

Après un sourire, il s’éclipsa dans les cuisines, afin de quérir cette chère Margareth. La domestique était une femme d’une quarantaine d’années, petite de taille, blonde aux yeux verts, pétillants et malicieux. Les cheveux souvent attachés dans un élégant chignon, comme c’était le cas ce jour. Une brave femme, gentille et dévouée, comme on n’en faisait plus.
Elle alla donc guider le comte à l’étage, dans une des chambres équipées de bains, il pourrait se laver tranquillement et se changer. Roland en profita pour changer de tenue également, se laver les mains et le visage, il avait largement le temps. Il enfila un pantalon plus ample et une chemise en lin taupe. C’était plaisant de s’habiller de façon plus détendue. Il regagna ensuite le salon, attendant son invité, qui connaissait déjà l’endroit. Des boissons et petits gâteaux les attendaient d’ores et déjà, comme à l’accoutumée, préparés avec soin par la petite Margareth.
L’héritier attendit son invité avant de se servir, il n’allait certainement plus tarder à le rejoindre.

Victor n'était jamais trop avar compliments et même si Roland poussait la flatterie un peu trop loin, ce ne faisait rien. Satisfait, il mit donc pied à terre et flatta l'encolure de sa fiélone monture, qui en fait ne l'avait jamais été. Puis le duo de sang bleu regagna demeure où logiquement de Rougelac fut prier d'attendre qu'une domestique, en l'occurrence Margareth, vienne le prendre en charge. C'était une femme d'âge mûr, comme lui et très professionnel. Rien ne manqua à la toilette du Seigneur Comte de Rougelac.

Soulagé par l'eau chaude qui lui permettait d'oublier les aléas de cette rude séance d'entraînement, de Rougelac resta un instant dans le baquet d'eau à somnoler avant de se reprendre et s'exécuter à se retirer toute cette merde dont l'odeur sur sa peau semblait tenace. Il frotta, frotta et frotta encore le pain de savon à s'épucheler presque la peau mais finalement il en arriva à la conclusion que son odeur était redevenue normale. Il confia naturellement sa tenue de cavalier à la servante de la Maison Rivefiere et passa un toilette de tissu légère et évasée non sans enfiler un pourpoint rouge bordeau qui venait ceintrer sa taille.

Ce ne fut qu'au bout d'une quinzaine de minute qu'il regagna le salon où l'attendait son sembable. Tout avait encore été prevu pour qu'hôte et invité puisse se restaurer. Un sourire naquit sur son visage avant qu'il n'avise l'héritier de la Maison dont il était encore le créancier, tout deux semblant avoir choisit des étoffes légères, loin des tenues d'apparats trop conventionnelles.

- Margareth est décidément une domestique des plus soucieuse de voir nos estomac bien rempli. Mûri-t-elle le projet de nous gaver comme une oie ou quelques volaille avant de nous faire lentement rôtir au feu de bois ? Nous serions assurément fort goûteux mon ami.

Il lui adressa un clin s'oeil complice avant de laisser Roland le servir en rafraîchissement et douceur. La réplique n'avait pour but que de garder une atmosphère détendue entre les deux hommes, rien de plus rien de moins. Victor s'installa alors là où on lui proposa de poser son douloureux séant et d'ailleurs, même si ces muscles n'étaient pas encore "à froid" la douleur le lança et il eut toutes les peines du monde à s'asseoir avec un minimum de grâce dûe à son rang.

- Par les Trois ! Que c'est dur ! Fort heureusement je n'ai point prévu ces jours prochains à trousser quelques jupons, aurais-je bien été embrassé.

Plaisanta-t-il avant d'enfin trouver une position convenable sur l'assise.

- Oh et j'y pense mon ami, je puis espérer votre présence ainsi que celle de votre promise durant mon mariage ? Je crois d'ailleurs sage de reporter nos prochaines séances au mois prochain. Vous savez, cet événement est une chose que j'attend depuis bien des années maintenant, mais le sort semble s'être toujours acharné sur moi pour me priver d'un tel bonheur.

Sans que Roland le sache, Victor était déjà en train de s'essayer à l'art mondain, offrant infos et intox. Comment séparer le vrai du faux ? A ce jour, il n'y avait bien que la Prêtresse Kristina de la Broye pour se targuer de savoir dans le discours du Comte la part de vérité et de mensonge.

- Comment se porte vos parents et votre soeur d'ailleurs ? Je puis imaginer que mademoiselle d'Algrange est quand à elle sur un petit nuage?

Victor était resté un certain moment à l’étage, certainement soucieux de se débarrasser pleinement de l’odeur du crottin de cheval. Aussi, il était connu que l’eau d’un bain avait des vertus apaisantes sur les douleurs. Ce fut alors propre comme un sous neuf, que le comte de Rougelac le rejoignit au salon. Il lui afficha un sourire, ventant au passage les mérites de leur petite domestique.

- « Je me le demande aussi, elle est toujours fort généreuse en quantité, elle agit ici comme une deuxième mère, nous maternant même davantage ! C’est une perle. »

Dit-il, s’efforçant de lui rendre sou sourire, le plus sincèrement possible.
Mais cela ne le dérangeait pas que Victor soit là, à discuter avec lui. Au contraire, se rapprocher de ses ennemis était tout aussi important. Enfin, il ne parlait tout à fait d’ennemis en parlant de Victor, mais la situation était bien particulière. Roland s’attendait aussi à recevoir quelques conseils concernant les intrigues et les manigances. Ce n’était point du tout son domaine de prédilection. Et quant à lui, Rougelac excellait en la matière, encore bien plus qu’il ne le pensait d’ailleurs. L’aîné Rivefière se demandait même d’où pouvait lui venir cet attrait pour la manipulation. Mais il se rappela les paroles du comte lors de leur toute première séance de monte. Il n’avait pas eu une éducation chevaleresque, comme tout bon héritier qui se respectait. Ses parents devaient être davantage axés sur les mondanités, plutôt que sur une bonne éducation, voilà ce que cela donnait…

- « Que désirez-vous ? »

Dit-il en montrant les différents boissons servies sur la table, comme toujours Margareth était en effet bien prévoyante, il y avait de tout, jus, vins, cidres… Le blond attendit la réponse et servit un verre.

- « Servez-vous je vous en prie, n’allez pas froisser cette chère Margareth. »

La petite domestique avait mit du cœur à l’ouvrage pour ces douceurs, des petits sablés à l’amande, des galettes à la poire, un pur délice. Roland s’empara d’un gâteau, croquant un morceau, puis bu une gorgée de poiré. Tout était exquis.
Roland se montrait ensuite dubitatif face à la réplique du quadragénaire, certes il connaissait sa réputation sulfureuse, mais de là à en parler avec lui, c’était une autre paire de manches. Mais vu que cela était dit sur le coup de la plaisanterie, rien n’indiquait clairement qu’il était sérieux.

- « Cela ne serait pas très sage, effectivement. »

Dans tous les sens du terme, c’était certain. Le blond n’était pas à l’aise avec ce sujet, il porta une nouvelle fois, pressement, le verre à ses lèvres.
Victor sembla ensuite trouver une position acceptable pour son fessier douloureux, puis ils continuèrent leur discussion.

- « C’est cocasse l’idée de passer, sur cette conversation, de troussage de jupons au mariage ! » Taquina-t-il, sans retenue. Il plaisantait, n’est-il pas ? « Mais bien entendu, ma fiancée et moi-même seront présents à votre mariage. D’ailleurs, comment se déroule vos préparatifs, madame la future mariée n’est pas trop anxieuse ? » Comment pouvait-elle ne pas l’être, en épousant un tel être abject.
« Mais je comprends parfaitement votre hâte, je la ressens aussi. Cependant, je ne connais pas votre passif en ce domaine. »

Voilà que le Rougelac embrayait à présent sur la famille Rivefière et Sydonnie, comment osait-il même prononcer son nom devant lui, après les sinistres promesses qu’il lui avait faites, n’avait-il réellement aucune once de scrupules. C’était déroutant.

- « Mes parents se portent à merveille, je vous remercie de vous en inquiéter. Serena aussi, malgré que je ne la vois peu, je lui offre toutefois tout mon soutien. » Il précisait cela, dans le but de faire comprendre à Victor qu’il n’arriverait pas à faire pression sur lui, quant au destin de sa sœur. Ils parlaient à présent d’une même voix Serena et lui. « Quant à mademoiselle d’Algrange, elle garde, je vous rassure, tout de même les pieds sur terre, toujours extrêmement lucide dans son métier. » Et toc, les petites entourloupes tout cela, Sydonnie veillait au grain, il était sage de lui rappeler.

Maternel, l'adjectif était tout trouvé pour qualifié cette domestique au petit soin. Il était de plus en plus rare de s'attacher les services d'un personnel qualifié et il était donc plaisant de se sentir à son aise dans ce salon. Roland se montrait alors serviable à l'endroit du Comte de Rougelac qui porta son dévolu sur une coupe de vin. Ce n'était certes pas une boisson à recommander après l'effort mais Victor en avait bien besoin pour se remettre d'aplomb. Se faisait, Victor s'osa à goutter l'une de ses douceur non sans exprimer sa satisfaction à la première bouchée.

- Hmmm!! Divin ! Vous la complimenterez de ma part mon ami.

Piquant alors avec légèreté l'héritier de la maison Rivefière, ce qui n'était sans rappeler l'ancienne réputation du sang bleu autrefois adepte des maisons closes, Victor mettait à l'épreuve de façon fluette et non moins intentionnel son cadet qui semblait alors réagir avec discernement. Voilà une bonne base pour l'exercice qu'il allait initier avec son jeune élève. Esquissant un léger sourire en retour à l’évocation de la sagesse du Comte de Rougelac quand aux affaires de chair, Victor salua ensuite la clairvoyance de son semblable quand à la manière de passer d'un sujet à un autre non sans trouver un lien transitoire. De nature à s'adapter à son interlocuteur, Rougelac s’essayait à tester les capacités de discernement du jeune homme à la crinière dorée, passant du coq à l'âne (non non loin de moi l'idée de comparer Sydonnie à un âne ! Voyons! Tout de même !) dans la même réplique.

- Cocasse ? Je vais vous dire, voilà la base de l'art que je désir vous inculquer. Voyez-vous... il faut savoir surprendre, décontenancer, avoir cette aptitude à choquer tout en restant dans les règles de convenances.

Victor fixa sa coupe, s’exerçant à quelques mouvements de poignées circulaire pour admirer la qualité de la robe carmin. Lentement, il releva son regard pour l'appuyer sur celui de son homologue. Les leçons commençaient belles et bien séance tenante.

- Voyez moi ami. Je viens de me montrer prévenant, soucieux à l'endroit de vos proches. Quel en est l'objectif ? Simple soucis de me montrer aimable ? Pas que. Ce stratagème me permet évidemment de garder une liaison amicale dans nos échanges, mais aussi et surtout de vous sonder, par vos réactions, vos mots, lire entre les lignes et interpréter le moindre geste, ma moindre variation dans l’intonation de votre voix.

Il prit une courte pause, ne daignant même pas répondre au sujet de son propre mariage et Roland ne pourrait s'en offusquer puisque justement, la forme du discours du Comte n'avait pour objectif que de décortiquer le fond des réponses de son semblable.

- Je vais donc procéder à la synthèse de ce que votre retour contient réellement. Tout d'abord, il va s'en dire que vous vous montrez extrêmement protecteur à l'endroit de votre soeur et cela n'est pas étonnant en soit, vous me paraissez ne point vouloir qu'une quelconque pression ne s'abatte sur elle. Quand à l'endroit de votre promise, tout porte à croire que sa sagesse prime sur toute émotion découlant des réjouissances à venir. "Rassurer", voilà un mot aux consonances bien instructives qui tend à me faire comprendre que vous aviez l'impression que ma personne aient quelques doutes à son égare.

Il esquissa un sourire à la commissure de ses lèvres, finissant sa douceur qu'il fit glisser dans sa gorge à l'aide d'une fine rasade de vin pour ensuite reprendre le cours de ses propos.

- "Prêcher le faux pour savoir le vrai", voilà une première technique efficace de manipulation. J'évoque ma hâte à m'unir à la Baronne de Nera, mais cela n'est point tout à fait vrai. Certes, ai-je essuyé en ce domaine, deux échecs, deux déceptions, mais il est nécessaire de prendre son temps. Cela à éveillé en vous compassion et intérêt pour la marié, parlant d'anxiété et non pas de joie. Cela n'a rien d'anodin. pensez-vous qu'elle redoute cette union, certainement, sinon d'autres mots plus "positifs" auraient glissé d'entre vos lèvres.

Il reposa alors sa coupe, croisant les mains avec sérénité sur ses cuisses, avisant Roland de la tête au pied avant de reprendre.

- Attardons-nous à présent sur votre attitude "général". Durant notre échange vous avez exprimé le malaise d'une situation peut-être incommodante et vous avez pressement conduit le verre à vos lèvres. Il y a également le choix chronologique de vos réponses. Je vous ai volontairement amener sur plusieurs sujet et l’enchaînement de vos réponses donne une certaine indication sur votre place durant notre conversation. Ne le prenez nullement mal, mais vous subissez au lieu de prendre à votre compte les différents sujets évoqués. Votre tentative de me cerné était louable, seulement vous ne l'avez placé au bon moment.

Il pouvait certainement se convaincre que Roland ne comprenait peut être peu ou pas ses propres propos. Il est vrai que les explications étaient déroutante et même, pouvait on aisément qualifié cela d'abstrait, seulement pour Victor, tout avait un sens et c'est ce qu'il cherchait à faire comprendre à Roland de Rivefière à travers un discours des plus calculateur où des équations du corps et de l'esprit s'entremêlaient.

Roland servit la boisson désirée par le comte, en l’occurrence, un verre de vin. Lui avait jeté son dévolu sur quelque chose de plus doux, de plus sucré, le poiré. Ces récentes incartades avec l’alcool ne l’avaient pas forcément encouragé sur cette voie, il valait mieux de pas s’habituer à cet apport constant d’alcool, qui rendait pitoyable le plus honnête des hommes.
Victor se servit une petite douceur, vantant le mérite de sa brave petite domestique.

- « Je n’y manquerai pas. »

Margareth était habituée aux compliments de la part de la famille, mais que leurs invités encouragent cette idée, lui ferait très certainement plaisir.

Les paroles du comte décontenancèrent le blond, commençait-il alors à se hisser à la place de maître à son tour ? Il était convenu, d’un commun accord, que Victor guiderait l’aîné Rivefière sur la voie de quelques connaissances en matière de mondanités. Simplement, il n’avait pas précisé quand tout ceci devait avoir lieu. Leur séance avait pourtant déjà commencé, et ce avant même qu’il en soit informé. Le stratagème était efficace, Roland ne s’y était point attendu. Il manquait cruellement de pratique dans le domaine. Bien qu’à force de côtoyer les nobles de l’esplanade, au cœur d’intrigues plus ou moins poussées, il commençait à apprendre les rudiments du métier.
Roland observait donc son nouvel instructeur.

- « Les rôles ont changé Victor ? Très bien, je suis des plus attentifs dans ce cas. »

Et c’était bien vrai. Pour vaincre ses adversaires, il fallait parfois connaître leurs armes et les adopter. Roland était bien ravi qu’ils partent sur ce sujet, le moment était plus qu’opportun.
Ce qui lui disait ensuite, il comprenait bien sûr les mots, mais il était tellement peu habitué à ce genre de calcul. Tout contrôlé, ses moindres faits et gestes, ses moindres mots, pour guider l’autre là où l’on voulait aller.

- « Il s’agit bien là d’un art, l’art du contrôle. Cela doit être bien éprouvant, de tout analyser, décortiquer. Mais je comprends. Dans les faits, chacune de nos paroles, chacun de nos gestes trahissent une pensée, une volonté précise. J’admire cette faculté, sincèrement. »

Brosser dans le sens du poil, cela oui, il savait le faire et l’avait déjà démontré. Il ne lui cirait pas les chaussures, il allait simplement dans son sens, de manière à le faire parler davantage. Comprendre sa vision des choses, savoir un tant soit peu comment fonctionnait Rougelac. C’était une expérience intéressante, beaucoup étaient sûrement tentés de savoir lire dans l’esprit du comte. Parmi les faux-semblants, où se situait la fine barrière entre mensonge et vérité ?

Victor lui énonça qu’il allait synthétiser ses paroles, enfin son ressenti suite aux réponses que le blond lui avait fournies. Ce dernier bu une nouvelle gorgée, plongeant son regard captif, dans celui de son nouveau précepteur.
Roland le laissa poursuivre, notant son attitude. Le Rougelac était un homme particulier, mais fortement enrichissant, c’était indéniable. Il appréciait, bien étrangement, ce nouvel aspect de son interlocuteur.

Il n’avait vraiment pas tort concernant la future mariée, il était bien inquiet pour elle. Certainement qu’elle serait déjà bien cocue avant même que leur mariage ne soit consommé. Enfin cela, ce n’était réellement pas ses affaires. Mais cela en disait long sur le fond de sa pensée.
Victor appuya, sur la fin de sa tirade sur le manque d’expérience de Roland sur ce domaine. Le comte de Rivefière ne s’en offusqua naturellement pas. Ce n’était pas son domaine. Est-ce que Victor s’était offusqué lors de leur première séance de monte, des conseils et remarques de son cadet ? Nullement. Alors il était normal qu’il en soit de même, à présent que les rôles étaient inversés.

- « Mais cela doit être bien épuisant, de toujours tout calculer de la sorte. Jamais vous avez une discussion spontanée avec autrui ? Je vous avoue que tout cela me dépasse un peu, je n’y suis pas habitué. Mais vos conseils très avisés me seront très certainement utiles. Vous excellez dans un domaine dont j’en ignore les rouages. Mais je suis avide d’en apprendre davantage. »

Roland faisait par de ses impressions quand aux enseignements rendus verbalement par son invité de marque qui venait le surprendre et faire valoir ses droits d'instructeur en matière d'Intriguant de Cours. Roland se montrait bien avisé d'ailleurs et ne prit ombrage des méthodes de son aîné qui avait joué de roublardise pour initier l'apprentissage d'un exercice ô combien indispensable pour s'offrir le luxe d'être en capacité de se mesurer aux plus mondains des nobles que comptait l'Esplanade. Victor savait son hôte quelque peu introverti et le dévergonder serait une tâche qui lui demanderait des efforts certains, mais le jeu en valait la chandelle. Se montrant donc réceptif, le beau blond dont le destin serait bientôt scellé à celui de la sergente de la milice, commençait même à se prendre au jeu sous l’œil averti du Comte de Rougelac qui saluait intérieurement sa réactivité.

- La flatterie, une arme "tellement" efficace, surtout auprès de la gente féminine. Je ne suis point dupe, vous cherchez à me brosser dans le sens du poil et c'est une initiative des plus encourageante. Une simple remarque, dosez cela avec justesse. Il ne sert à rien de dire "admirer sincèrement une chose", cela renvoi à un sentiment "d'insistance" inutile voir qui peut trahir votre intention première. Restez bien dans la mesure lorsque vous ne connaissez point encore suffisamment les faiblesse de votre proie. car oui, il s'agit bien d'une sorte de "chasse". Malgré les apparences, l'Esplanade est une "jungle", l'apparat et les manières ne sont que fluette, poudre de perlimpinpin.

Lui adressant un large sourire entendu, il croisa les jambes avant de reprendre.

- Le contrôle est en effet la base même de la réussite de cet art. Et oui, vous avez raison, l'objectif est bien de pousser sa proie à se trahir et à obtenir d'elle ce que vous recherchez.

Puis Roland se montra curieux, cherchant à percer certains mystère chez son précepteur non sans maintenir l'attrait pour ce domaine dont les tenants et aboutissant semblaient encore lui échapper. Comme il pouvait l'être à la discipline équestre, son semblable était un homme qui ne s'offusquait pas d'avoir quelques lacunes à résorber et c'était bien pour ce motif là que le Comte de Rougelac n'allait point jouer de couardise à son endroit.

- Épuisant ? Que nénies ! Certes les premiers mois d'exercice éprouverons votre esprit mais vous allez rapidement prendre quelques "automatismes" et puis c'est toujours dans l'erreur qu'on apprend le mieux n'est-il pas ? Si cela vous dépasse, bientôt vous réviserez ce jugement et verrez toutes les opportunités que vous offrira tel art. Mais soyons honnête, je ne suis point sans spontanéité, je reste un humain avec ses faiblesses. A la longue, vous saurez interpréter ce qui du domaine du calcul de que ce qui est du domaine du spontané.

Reprenant une courte pause, il semblait donc devenir plus méthodique dans le cours de ses propos. Le première exercice venait d'être instruit et il fallait avancer par étape.

- Une chose est également très importante. Il faut savoir nourrir une certaine forme de respect dans crainte et la méfiance. Ohhhh évidemment, ce n'est pas sans risque et vous pourriez être sujet à de basse pensées à votre endroit. Mais les insultes et autres noms d'oiseaux ne feront que renforcer vos compétences en cet art, croyez-le bien.

Il reprit une douceur qu'il dégusta à sa juste valeur avant de prendre une pose bien plus concerné, bien moins aise en tout cas et cela lui rappela d'ailleurs aux affres que subissait son fessier.

- Passons à la pratique si vous le voulez bien mon ami. Partons du principe que nous nous rencontrons pour la première. J'endosse le rôle d'un jeune et naïf héritier d'un vaste empire fluvial et vous le rôle d'un propriétaire de mines du Labret. Vous voyez en cette passation de pouvoir l'opportunité de faire affaire afin de sécuriser vos marchandises par voie maritime. Baisse de risques et gains de temps vous pousse à forcer une rencontre alors que votre réputation n'est guère bonne auprès de la maison de ce potentiel partenaire. De quelle façon allez-vous procéder pour parvenir à vos fins ? Sachant que vous avez tout à apprendre de l'héritier avec qui vous souhaitez nouer alliance. Cadre, façon d'agir et j'en passe. Allez y, exposez moi votre "plan de bataille".

Roland restait bien stupéfait par ces premières leçons, l’apprentissage du comte de Rivefière dans ce domaine n’allait pas être de tout repos. Mais c’était une bonne chose pour lui, qui ignorait encore tellement sur les intrigues des sang-bleu. Écouter les paroles de Victor et comprendre à quel point chaque mot, chaque geste, chaque expression pouvaient être utilisés contre lui. Il n’était pas dupe non plus, mais jamais il ne s’était montré aussi calculateur. Ce n’était pas dans sa façon d’être, tout cela lui semblait très complexe à maîtriser. Et il ne savait pas s’il était d’ailleurs convaincu que c’était la meilleure chose à faire. Il en apprenait davantage, mais il connaîtrait sans nul doute quelques limites à sa progression. Après tout, le but de la manœuvre n’était pas le moins du monde devenir un Rougelac en herbe. Il ne s’approprierait jamais cette manière de fonctionner.

L’héritier hochait la tête aux dires de son précepteur, qui lui expliquait sa vision, s'accordait même avec sa remarque précédente. Il commençait à assimiler les concepts.

- « Vous m’en voyez ravi, au fur et à mesure de mon apprentissage, nous verrons si mes potentiels talents en ce domaine se révéleront. »

La suite lui fit froncer légèrement les sourcils, la crainte, la méfiance, les insultes, ce n’était pas du tout ce qu’il cherchait à transparaître, ce n’était pas lui, point du tout. Bien sûr, il savait se faire respecter, néanmoins il n’était pas certain que ce soit le seul moyen d’y parvenir. Lui-même respectait beaucoup plus un homme intègre, honnête, faisant le bien autour de lui, plutôt qu’un vil manipulateur tel que le comte de Rougelac.

- « Je vois. » Se contenta-il de dire. De toutes les manières, il savait pertinemment que l’expression de son visage avait dû se lire. Mais il était en phase d’apprentissage, il n’était pas obligé de réagir positivement à toutes les remarques qui lui étaient faites. Toutefois, cela restait enrichissant, comprenant à quel point les points de vue des deux comtes divergeaient.

Victor lui proposa ensuite de passer à une épreuve pratique, bien curieux de ce qu’il pourrait lui proposer, il s’installa un peu plus avant sur son siège, attrapant au passage son verre pour boire une nouvelle rasade de poiré.
Victor allait jouer le rôle d’héritier d’un empire fluvial et Roland celui d’un propriétaire de mines situées au Labret. Intéressant, le blond n’avait jamais participé à une telle mise en situation, jouant le rôle d’autre personnes. L’exercice n’allait pas être des plus simples. Il attendait que le contexte soit exposé entièrement, puis il se laissa le temps de la réflexion. Il devrait exposer son plan. Il se leva, faire quelques pas dans le salon l’aiderait peut être à trouver l’inspiration. Il scruta l’extérieur à travers une fenêtre, laissant son esprit s’aérer pour se concentrer que sur les faits.

- « Sachant que ma réputation n’est guère bonne au niveau de votre famille, je n’enverrais pas de missive officielle à votre résidence. J’essaierais plutôt de vous approcher en tant que futur héritier, indirectement, profitant d’une rencontre fortuite pour converser, voir si je peux me faire un allié, sans vous parler d’un quelconque marché au premier abord. »

Il quitta la fenêtre, revenant s’asseoir à sa place, face au comte de Rougelac.

- « Puis, après plusieurs entrevues, où j’aurais travaillé votre confiance et votre sympathie à mon égard, en vous proposant par exemple mon aide, ou en vous divertissant selon vos loisirs, j’exposerais ma vision. Comme si cette pensée me serait venue spontanément, Il me faudrait trouver également un arrangement qui vous serait profitable, de manière à ce que vous ne vous sentiez pas lésé par ce contrat. Un pourcentage sur mon affaire peut être, ou alors un avantage en nature, si mes minerais pourraient vous être utiles. »

C’était le plan qui lui était venu, après ce n’était pas certain que Victor voit les choses sous cet angle, mais pour Roland, cela semblait tenir la route. Il verrait bien, selon les remarques du maître en la matière.

Si ces potentiels talents en cet art se révéleront ? Victor se garda bien pour l'heure de donner son avis sur la question, mais le Comte avait déjà quelques éléments de réponse à l'esprit. C'est ainsi qu'en consciencieux instructeur, il mettait à l'épreuve l'héritier de la Maison Rivefiere. Bien entendu, nul désir de le voir se convertir à sa philosophie au risque d'en faire un adversaire redoutable seulement il consentait à aider cet homme à ne point oeuvrer dans un univers de faux semblant. Oui, la Haute était un vaste échiquier, et sans doute même un océan où évoluait toute sorte de requin et les plus faibles ne faisait qu'illusion. Si Roland pensait que l'honnêteté et l'intégrité étaient des valeurs qui lui offrirait une place de choix sur l'Esplanade, il se rendrait tôt ou tard compte de son erreur.

Dressant alors une situation où chacun des sang-bleu ici présent jouait un rôle, de Rougelac cherchait à mesurer la vivacité d'esprit de son cadet. Le moins que l'on puisse dire c'est que le beau blond prenait le défi à bras le corps, quittant son assise pour faire les cents pas dans la pièce, songeur, perplexe, sans doute en pleine réflexion. Le quadragénaire quand à lui, ne bougea de son fauteuil, scrutant le jeune homme sans jamais le quitter des yeux.

L'extérieur de la résidence était elle source d'inspiration ? Il semblerait alors que Roland émit ses premières déductions. Acquiescant, Rougelac semblait satisfait, son élève n'était tombé dans la simplicité et l'erreur, jugeant de la façon d'aborder son potentiel allié avec un certaine subtilité et prudence. Parfait, Roland n'était pas un idiot et cela semblait prometteur. Toujours silencieux, Victor le suivi du regard jusqu'à ce qu'il se rassoit, là il exposa son plan pour s'attacher les bonnes grâces du futur partenaire d'affaire. Son procédé tenait évidemment la route à quelques détails près.

De façon théâtrale, le Comte et Gouverneur de Sombrebois se mit à frapper dans ses mains, applaudissant avec retenue son élève avant de reprendre sa coupe et jouer lentement avec le liquide carmin qu'il faisait tournoyer dans sa coupe sans qu'aucune goutte ne quitte le récipiant.

- Parfait mon ami. Vous usez donc de sympathie pour gagner la confiance. Vous provoquez une rencontre fortuite. Vous chercher à proposer un juste milieu, une équité dans l'affaire. Tout ceci me semble fort raisonnable. Mais voyez vous, il vous manque quelque chose. L'audace! Je vous sent comme... introverti, sauf votre respect. Comment dirais-je pour être plus exact... oui voilà, vous restez dans une certaine zone de confort. C'est tout à votre honneur, seulement vous n'êtes pas sans savoir que le temps nous est précieux et vaut se pensant d'écu. Certes, certes, vous arriveriez sans nul doute à vos fins, mais... d'ici combien d'années ? Hm?

Il tendit alors sa coupe, offrant le spectacle du vin frôlant les rebords extérieurs sans jamais quitter son réceptacle.

- Voyez, dans la vie, il faut prendre des risques. Tout s'apprend et de maîtrise à force d'exercice, comme avec cette coupe ici présente. Un faux mouvement et votre tapis sera bon à lessiver. En intrigue c'est pareil et comme nous n'avons que peu de temps pour tirer notre épingle du jeu, au risque de se voir devancer par un adversaire, concurrence plus... opportuniste et audacieux. Alors oui, jouez le bon samaritain si cela vous sied, mais n'oubliez pas un chose des plus primordiale : percer les points faibles de votre cible.

Reposant sa coupe après s'être soigneusement nettoyé le gosier, Victor reprit une pose plus détendue, avec cet air légèrement impérial avant de poursuivre.

- La faiblesse de votre ennemi ou allié vous donnera un coup d'avance dans votre partie. Faites en bon usage et imposez alors votre choix à ce dernier, soit de façon directe, frontale ou de manière plus fluette, subtile. Ainsi vous obtiendrez bien plus facilement ce que vous cherchez à acquérir. Mais...

Et c'est là qu'après avoir donné son avis correctif, il aborda un autre sujet qui mérité que l'on si attarde.

- ... Mais lorsqu'il s'agit d'une femme! Alors là ! L'histoire est tout autre. Je vais vous dire, il n'y a plus fourbe et calculatrice qu'une femme en ce bas monde. La Dame, de la Haute, se consacre naturellement à la bonne marche de la Maison, mais attention cette apparente oisiveté dans leur quotidien n’empêche pas ces Dames de se montrer dans bien des cas plus fort actives dans l'Intrigue. Et je vous le dis sans retenue, nul homme ne pourra jamais connaître une femme sur le bout des doigts, même pas sa propre épouse. Bien trop complexe, bien trop rusée, il faut y porter une confiance toute mesurée. Alors dans l'art que je vous enseigne, prenez bien en compte ce paramètre et si j'ose vous le conseiller, dans votre vie privé également. L'homme doit rester le maillon fort et toujours se montrer méfiant quand au fait et gestes de la gente féminine. Croyez-le, mon expérience parle pour moi, elle sont redoutables, bien plus redoutable que nous en offre leur apparence.

Un appel du pied à se méfier de Sydonnie d'Algrange ? Non, c'était bien trop finement dosé pour qu'il puisse y voir la moindre défiance vis à vis d'elle, mais cela avait le mérite d'immiscer, il l'espérer, le doute dans l'esprit du son jeune apprenti noble.

Victor avait laissé son élève réfléchir, se lever, faire quelques pas dans la pièce, revenir s’asseoir tout en énonçant son plan. La maître était resté silencieux, à l’écoute. À la fin du discours de Roland, il applaudit. Le blond fut stupéfait du geste, ne s’attendant pas à recevoir l’éloge du comte pour qui le sujet était plus certainement maîtrisé.
Rougelac commençait à élucider son plan, vantant ses idées. Simplement, il s’en doutait bien, l’héritier sentait quelque chose de moins positif venir. Et c’était tout naturel. Après tout, ce genre de négociation n’était pas réellement dans ses habitudes. Même si son père lui avait inculqué les rudiments des affaires, il n’avait pas encore eu le loisir de le mettre en application. À Marbrume, il ne possédait plus grand-chose, alors cela pouvait s’avérer effectivement plus compliqué. Mais il ne s’en faisait pas trop, gardant l’équilibre, son tour viendrait.

La remarque de Victor tenait la route, son approche était certes encourageante et réfléchie, peut être manquait-elle de réactivité, d’une touche plus surprenante. Victor l’avait bien cerné, le blond était quelque peu introverti, ne se mettant pas sur le devant de la scène, préférant parfois le recul et l’observation. Enfin, cela dépendant des situations. Il pouvait très bien prendre le contrôle, lorsque les faits l’exigeaient.

- « Je vous l’accorde, je manque peut être un brin d’audace, préférant les situations plus posées. Mais je comprends le fait de forcer parfois le destin. »

L’héritier observait à présent le comte et le jeu dangereux auquel il s’adonnait avec son verre vin.

- « Margareth est bien gentille, mais qu’elle ne vous voit pas taquiner ainsi ce tapis de sol, elle vous le ferait regretter ! »

La domestique avait en effet cette réputation de maniaque. Une tâche sur ce beau l’aurait bien ennuyée. Elle aurait usé et abusé d’astuces dont elle avait le secret pour parvenir à bout de la saleté. Mais quand même, inutile de la tenter de la sorte. Roland laissa ensuite au comte le loisir de poursuivre sur cette image. Il l’accusait indirectement de jouer les bons samaritains, il était souvent comme tel, c’était indéniable. Même si ses récentes épreuves, le rendait moins naïf et lui faisait souvent douter en l’être humain. À juste titre.

Il comprenait où le comte voulait en venir, percer la faiblesse de son ennemi pour mieux attaquer et faire mouche. Le noble usait déjà de cette tactique d’un point de vue plus guerrier. Mais il se souvenait que Rougelac avait déjà lié les deux, rassembler les mondanités et les combats à l’épée, sous des mêmes règles tactiques, c’était intéressant.

- « Donc dans cet exercice, je ne devrais pas vous voir comme un potentiel allié, mais plutôt comme un homme dont je pourrais duper et profiter, c’est bien cela ? Il n’est pas question de contrat profitable à chacun, mais de qui surpassera l’autre pour le tromper. »

C’était peut être raccourci, néanmoins c’était l’idée qu’il en tirait.
La suite en disait toujours aussi long sur les fourbes pensées de son interlocuteur. À l’entendre, la femme n’était qu’un être calculateur et manipulateur, conçue que pour faire le mal autour d’elle. Souhaitait-il le mettre en garde subtilement, le détourné de son amour pour la sergente ? Il n’en savait rien, il ne comprenait pas tellement où Victor voulait en venir. Il reprit une petite douceur, certainement la dernière, avant de répliquer.

- « Vous avez, d’après vos propres dires, été malchanceux en amour, mais est-ce suffisant pour mettre toute la gente féminine dans le même panier ? Je comprends tout à fait qu’une femme est dotée d’une forte intelligence, cela je ne peux vous l’enlever, alors que certains hommes les croient stupides, elles en surpassent beaucoup. Toutefois, je trouve votre idée bien arrêtée et un brin misogyne. »