Equitation après révélations... ♠ [Victor].

Manquer d'un brin d'audace était peu dire, mais au moins l'héritier des Rivefière confessait ses lacunes en la matière. A l'énoncé du courroux que pouvait lui porter la domestique si d'aventure Victor salissait le tapis, ce dernier ne put retenir un sourire amusé, conscient, depuis le temps qu'il côtoyait ces lieux, que Margareth était un poil "maniac" de la propreté. Il cessa donc son improvisation en reposant sa coupe à moitié pleine.

- Ô je n'en doute pas une seule seconde. Loin de moi le désir de la tourmenter et de subir ses foudre.

Se faisant, Roland s'employa à tirer quelques conclusions sur cet mise en situation où le Comte de Rougelac avait exposer quelques divergences d'opinions. Duper, profiter, voilà des verbes possédant tout leur sens, seulement le beau blond devait encore travailler son esprit d'analyse afin de balayer tout le champ des possibles et ne pas s'arrêter sur une vision simpliste des choses. Ainsi, hochant la tête en guise de désapprobation, le noble mondain se permit de le contredire un fois n'est pas coutume, toujours en y mettant les formes.

- Si la duperie et la tromperie sont des armes indispensable dans les intrigues de la Haute, elles ne sont point une fin en soit. Dans quelques cas, j'approuverais volontiers vos dires, mais dans la majorité des situations, je dirais plutôt que ses armes sont là pour garantir votre succès. Elles doivent être employées avec "parcimonie". L'objectif n'est pas forcément de surpasser l'autre, mais plutôt de rester maître des débats. Le contrôle, voyez-y cette finalité. La nécessité étant d'éviter toute fâcheuse surprise.

A vrai dire, il était bien complexe d'exprimer par les mots un état d'esprit, mais Roland était un homme d'arme et le parallèle avec les compétences tactiques sur un champ de bataille pouvait peut être l'aider à mieux cerner son précepteur. Le sujet des discussions s'en retourna alors sur un aspect, plus qu'un détails soyons franc, prédominant des joutes de la Haute. La femme, sa place et ses talents. Lorsqu'on évoquait les Intrigues de Cours, on devait irrémédiablement s'intéresser à ces créatures au paraître si raffiné qui pourtant dissimulait de redoutable adversaire et qui par déduction représentait la majorité des intriguants, l'homme préférant les armes aux mots.

S'il avait été malchanceux en amour, Roland se trompait lourdement et Victor n'avait en aucun cas dresser ce constat après ses échecs successif en la matière. Non, il n'était pas non plus misogyne pour un sous. Rougelac constatait que son élève avait encore beaucoup à apprendre et ne lisait pas suffisement entre les lignes, interprétant maladroitement la pensée de son aîné.

- Vous partez bien hâtivement en besogne mon ami et cela peut vous causer bien des tracas dans quelques cercles mondains. Je ne vous en tiens pas rigueur, après tout, vous êtes là pour apprendre ?

Il roula theatralement des yeux avant de se lisser la barbe et reprendre un posture plus protocolaire et instructive.

- Mépriser la gente féminine serait la pas grave erreur à faire. C'est même tout le contraire. Les femmes tendent à gouverner dans l'ombre des hommes, il faut donc s'assurer de maintenir un juste équilibre entre elles et nous au risque d'un jour, si la Fange venait à être éradiquée, se voir réduit à l'état de servitude. Votre interprétation est bien erroné voyez-vous et je vais vous l'avouer, en ce monde mes plus redoutables ennemis sont des femmes.

Prenant quelques instants pour laisser Roland consommer ses mots, Victor reprit le cours de sa leçon en forme de plaidoyé et conseil.

- J'insiste sur ce point car vous allez certainement épouser une influente demoiselle de la milice. Une femme redoutable qui n'à nullement volé ou usurpé son titre de Sergent et qui renforcera indéniablement la place de votre Maison sur l'Esplanade. Et pour être franc, il s'agit là d'un fort bon parti pour vous, bien plus que vous ne pourriez l'imaginer pour l'heure. Mais il va vous falloir garder votre statu de chef de famille et c'est là où je puis vous être utile. Croyez bien que mes intentions ne sont nullement perverses ou de l'ordre de la duperie, des oiseaux de mauvaise augure se chargeront de cette basse besogne. Si vous souhaitez toujours apprendre, il faudra nécessairement me faire confiance et passer outre les ouï dire à mon sujet.

La synergie était la base de tout échange constructif et si Victor était en conflit ouvert avec la demoiselle d'Algrange, il savait faire la part des choses et la considérer différemment celon le contexte.

Victor avait stoppé son geste visant à faire tournoyer son vin à l’intérieur de son verre, jusqu’à la limite de se renverser. Ce petit manège ne le dérangeait pas plus que cela, mais ravi qu’il comprenne de lui-même qu’il ne fallait point trop pousser la gentillesse de la petite domestique.

Le comte lui apprenait ensuite que tout était une question de contrôle, encore une fois. Trop de personnes sur Marbrume pensait pouvoir contrôler la situation, mais il ne fallait pas se méprendre, l’homme ne maîtrisait plus tout. Le fléau prenait ses droits et était bien décidé vraisemblablement, à anéantir l’humanité. Faire des profits, manigancer, ce n’était tellement pas aux centres de ses intérêts.

- « Tout n’est plus question que de quête de contrôle, j’ai l’impression. »

Mais soit, il avait voulu en apprendre davantage, il tacherait alors de se montrer patient, à l’écoute. Il rechignait beaucoup et allait par delà les dires du maître de l’intrigue, mais il était ainsi. De toutes les manières, leur séance, bien que basée sur l’instruction, n’était pas non plus fermée au débat. Converser allait parfois dans un sens, puis dans l’autre. Il pouvait s’en accommoder.

- « Mais d’accord, je comprend à présent la nuance. »

Le sujet avait ensuite dérivé sur les femmes, de la supposition de mauvaises relations que Victor entretenait avec elles. Ils n’étaient pas vraiment en accord sur le sujet. Peut être que Roland se méprenait sur les réelles intentions du comte. Toutefois, avec tout ce qu’il se racontait sur lui, encore davantage maintenant après les révélations que Sydonnie lui avait faites, il avait énormément de mal à lui accorder, ne serait-ce qu’une once de confiance. Il écoutait néanmoins attentivement, il pourrait peut être se trahir, au sujet de ses pensées concernant sa promise.

- « Ah oui ? »

Dit-il en apprenant que les plus farouches ennemis du comte de Rougelac étaient des femmes. Au fond, cela ne l’étonnait pas plus que cela. Il jouait dans un monde de femmes, les mondanités, les intrigues de cour, etc, ce n’était pas du tout le milieu de l’aîné Rivefière, mais bien celui de sa mère.

Le blond laisse son interlocuteur s’exprimer sur la question, prenant bonne note de ces paroles. C’était enrichissant de connaître son point de vue sur ses fiançailles avec Sydonnie. Il la voyait comme une femme très forte, capable de l’épauler et d’être une alliée fidèle. Seulement, quelque chose clochait.

- « Je vous écoute. Je vous fais suffisamment confiance pour partager mon temps libre avec vous. Nous échangeons. Je sens néanmoins que vous ne me dites pas tout. Vous m’indiquez que je dois me méfier des femmes, vous vous souciez de mon rôle légitime après ce mariage. J’ai bien senti qu’entre vous et Sydonnie d’Algrange, la tension était palpable. Mais je ne sais guère pourquoi, si vous avez des choses à m’apprendre, n’hésitez pas. »

Ils avaient là une conversation d’homme à homme, il espérait pouvoir tirer des informations de Victor. Non pas pour lui soutirer des vérités dans le but de les utiliser contre lui, il n’était pas encore assez machiavélique pour cela. Mais peut être avait-il aussi des doutes, une incompréhension. Peut-être Victor pourrait lui apprendre des choses que Sydonnie lui cachaient. Il ne remettait pas en doute sa parole, simplement parfois, avoir les deux versions des faits, pouvait s’avérer utile. Il se redressa sur sa chaise, attentif à la réponse du quadragénaire. Il pouvait très bien refuser, ou même lui mentir. Mais il savait des choses dont Victor n’avait pas conscience, c’était un point non négligeable.

Il fallait bien l'avouer, la compagnie de l'héritier des Rivefière lui était bien agréable. Un homme pure, un poil naïf, mais ô combien intelligent, bien que l'art des intrigues mondaines lui échappaient. Devisant dans le but de le familiariser avec cet univers gouverné par les femmes, il en était arrivé à lui exposer cette conclusion toute réaliste qu'elle soit. En maître d'orchestre, Rougelac avait habilement mener les échanges pour très justement s'attarder de fils en aiguille sur le sujet de la promise de Roland. Une femme à l'influence et au pouvoir certain. Une femme qui a l'état brut, représentait un fort profitable parti, mais qui, par son poste au sein de la milice, pouvait déséquilibrer le rapport de force dans le couple naissant.

Les fiançailles allaient ou venaient d'être actées, d'ailleurs, Victor les y avaient poussés durant le tournoi qu'il avait organisé. Il semblait donc que la première leçon touchait à sa fin lorsque le beau blond chercha alors à percer les mystères entourant la relation qu'entretenait sa promise et son précepteur. Bien légitime à réclamer quelques explications à son invité, Roland dérivait à l'endroit même où Rougelac voulait l'y guider. Sourire aux lèvres, le quadragénaire croisa à nouveau les jambes, signe distinctif et volontaire pour ainsi exprimé à son interlocuteur qu'il prenait le sujet avec le plus grand sérieux. Mais... Victor jouerait-il de duperie, de sournoiserie ou d'une totale transparence ? Peut être un savant mélange de tour cela après tout. Il ne connaissait pas encore le degré d'attachement entre les deux tourtereaux et voyait donc là l'occasion de le mesurer.

- Vous n'êtes pas sans savoir mon passif. Il n'est de secret de polichinel connu sur l'Esplanade quand à la nature de mes anciennes affaires. Et naturellement, demoiselle d'Algrange, en représentante de la Loi, s'est vu contrainte de fouiller dans mes affaires. Dois-je lui en vouloir ? Après tout, elle oeuvra dans l'exercice de ses fonctions. Vous l'aurez comprit, nous sommes loin d'etre les meilleurs amis du monde. Une ennemi pour autant ? Je crois que si je lui vouait une haine certaine, ferais-je mon possible pour vous dissuader d'une telle union.

Il inclina la tête sur le côté, fixant son cadet avant de balayer le salon du regard de long en large. Après tout, il avait été tributaire du maintien de cette famille sur l'Esplanade, les Rivefiere lui devaient beaucoup et cette union aurait même pu ne jamais voir le jour si cette famille croupissait dans les faubourgs.

- Je souhaite attirer votre attention sur le fait d'être prudent et de ne point prendre argent comptant les dires d'une femme, même si vous pensez que par sa proximité, elle se montre totalement transparente et sincère. Garder bien en tête notre leçon du jour, "tous les moyens son bon pour arriver à ses fins". Vous êtes l'avenir de la Maison Rivefiere, ne l'oubliez jamais. C'est vous et vous seul qui déciderait de son orientation, de ses alliés et ennemis. Votre épouse aura naturellement un rôle de conseil à votre endroit mais n'oubliez jamais qu'elle oeuvre dans un autre univers, aussi complexe que peut l'être la Haute et toute ingérence peut lui et vous causer du tord.

Il se releva et alla se poster à la fenêtre pour observer la cours extérieur non sans reprendre ses propos.

- N'y voyait nul démarche de corruption à votre endroit. Suis-je simplement là pour vous prévenir et peut etre même vous conseiller si vous le réclamez. Vous êtes un homme bon et estimable, plus que je ne le serais jamais même si je m'efforce de le devenir. Vous l'avez fort bien comprit aujourd'hui, mes paroles sont souvent à prendre dans un second degré bien particulier, le tout étant de lire entre les lignes et cela vaut pour tout mes interlocuteur, votre promise comprise. Et je vais vous le dire avec la plus grande sincérité, je ne sais aujourd'hui si demoiselle d'Algrange sera sur une quleçon que liste noire ou dans mes bonnes grâces. Biensure, votre rôle future sera de la protéger et la soutenir, c'est votre devoir, mais n'en oubliait jamais de faire la part des choses entre votre vie personnelle et publique.

Il reporta finalement son attention sur Roland puis acheva son intervention sans jamais évoquer le prochain rendez-vous avec Sydonnie, mais toujours en laissant quelques indices derrière lui.

- J'en viens à une conclusion : faite vous votre propre opinion, ne prenez jamais argent comptant les dires des gens qu'ils vous soient plus ou moins proches car se cache souvent derrière des desseins personnels. Prenez le non pas comme un avertissement mais comme un conseil, autant face au détracteurs éventuels de votre future union que face à votre promise. Soyez votre propre juge et... garder l'emprise sur votre titre et votre famille. Le temps viendra un jour où votre dette sera remboursé et ce jour, je ne serais plus là à pouvoir protéger mes et vos intérêts, alors j'eu espérer que vous serez en capacité d'affronter vents et marés et protéger les vôtres.

Nul menace, peut être un appel du pied tout au plus. Victor sentait de tout évidence que prochainement, il ne savait encore comment, mais son influence auprès des Rivefières allaient s'éteindre, à moins qu'une officieuse alliance ne soit sceller. En tout cas, il fallait saisir cette maigre chance.

Victor semblait fort intéressé par la tournure que prenait la discussion. Cela tombait parfaitement bien parce que c’était également le cas de l’héritier. Il voulait en connaître davantage sur cette relation qui les liait, avoir sa version à lui. Il ne remettrait pas en doute les paroles de sa promise, mais cela lui permettait de se positionner de l’autre côté du tableau, en savoir tous les tenants et les aboutissants.

Il lui expliquait que Sydonnie avait enquêté sur lui, dans le passé. Le comte de Rougelac était en effet connu pour avoir été dans de sales affaires, commerces de prostitution etc. Il voulait se racheter une conduite, Roland avait d’abord essayé de le croire. Mais les aveux de la sergente l’avait très vite fait déchanter. Il ne la disait pas ennemie, mais l’avait menacé de mort par étranglement, ce n’était pas rien. Avec également une promesse de la trousser. Il avait envie de lui lancer au visage, peut être qu’il crispa très légèrement le poing, sans que cela ne paraisse suspect. Il tenta de sourire, de sauver les apparences. Il ne devait pas savoir à quel point cette histoire le touchait de près. Il revêtit son masque d’impassibilité, offrant un mince sourire, sans réelle expression.

- « Effectivement, son métier lui tient à cœur et elle fait toujours preuve de rigueur en l’exerçant. Mais vous n’avez pas été emprisonné ni exécuté, vous ne seriez sinon pas là pour m’en parler. Donc en effet, inutile de parler de haine à son égard je suppose. »

Apaisez la rancœur que le comte avait à son égard, ce n’était peut être pas une mince affaire.
C’est vrai que les univers des deux fiancés étaient bien différents. Sydonnie était noble certes, mais elle s’était beaucoup détournée de la noblesse. Elle était rentrée dans la milice, avait gravit les échelons pour s’élever au rang de sergente. Elle avait vécu beaucoup de choses, c’était certain. Aussi bien mentalement que physiquement, certaines blessures restaient encore ouvertes. Mais cela n’effrayait pas Roland. Car malgré sa force de caractère, leur univers éloigné, elle l’avait choisi lui. Et elle l’aimait. Avait-il besoin d’une autre preuve pour lui faire confiance ? Non. Elle n’était pas manipulatrice, il le sentait. Il croyait en leur avenir commun. Et si jamais il devait en tomber, la chute serait certes terrible, mais il aurait au moins eu le privilège de vivre une histoire exceptionnelle. Leur couple pouvait être très fort, destructeur. Mieux valait qu’ils s’unissent pour lutter contre les autres plutôt que de détruire mutuellement. Il espérait que tout se passe pour le mieux à présent. Mais ce ne serait pas simple, c’était une évidence.

- « Je comprends bien, merci pour ces précieux conseils. »

Roland s’était aussi levé, allant rejoindre Victor près de la fenêtre. Son discours allait provoquer une vague de questionnements. Cela pousserait l’héritier à la réflexion, c’était certain. Étrangement, il avait une certaine estime pour lui, qu’il n’arrivait pas complètement à gommer. Malgré les paroles qu’il y avait pu avoir, malgré tout ce qu’il représentait. Simplement, cet aveu dissimulé, il savait que le rendez-vous avec sa fiancée allait possiblement faire changer la donne. Il ne serait peut être plus le créancier des Rivefière après cela, mais tentait tout de même de lui faire comprendre que tout n’était pas forcément terminé entre eux.

Le sang bleu lui serra la main, comme pour conclure quelque chose. Il ne savait pas encore quoi. Mais il sentait qu’il ne serait pas forcément ennemi avec le comte. La situation financière les liant, était complexe. Mais après cela, peut être que leur entente évoluerait. Cette poignée de main, signe qu’il n’était pas totalement fermé à l’idée.