[Terminé] Polychromatique [PV Lyanna & Hector]

La poésie de Lyanna était, elle aussi, d'une grande beauté et le baron, doucement, replaça sont attention dans les grands yeux clairs de sa compagne du jour qui l'emmenait d'un pas céleste dans un joli petit recoin à la lumière tamisée, sur un confortable fauteuil dont la couleur jaune passé lui rappela l'or des prés.

- Vous devriez vous asseoir un moment... L'émotion de nos découvertes vous ont sûrement monté à la tête !

Il se laissa tomber dans le fauteuil et s'y affala tout à fait !

- Oh oui, je suis ex-té-nué !

Le baron ferma les yeux, inspira une autre grande bouffée de cette pipe enchanteresse et pencha sa tête en arrière, laissant son imagination l'entraîner vers de nouvelles contrées mystérieuses et fantastiques. La paille s'affaissa et le baron se retrouva dans une position presque allongée, confortable et relaxante. Il releva lentement ses paupières. Du toit sombre de l'écurie qu'il avait face à lui, l'esprit d'Hector fit une voûte céleste et de ses aspérités des étoiles.

Approchez, Lyanna
Venez donc avec moi
Au dessus de mes yeux
Flottent des étoiles bleus
Venez les contemplez
Venez me réchauffer
Reposez-vous enfin
Aimez avant la fin

Dit-il lentement, en tendant la pipe à la jeune femme.

Les étoiles ondulaient au dessus de lui, et leur lumière passait du bleu scintillant au bleu tournoyant. C'était magnifique, comme un ballet de danseuses qui se seraient vêtues de robes ajourées. Si ce n'était ce froid, le baron ce serait senti infiniment bien. Il frissonna longuement mais, peu après, l'une des danseuses descendit des étoiles et vint se poser à côté de lui. La rousse était pour Hector un petit soleil qui réchauffait sa peau glacée. Peu à peu, son enveloppe corporelle monta en température. Peu à peu, ses muscles, ses nerfs, ses os, ses poumons, son cerveau et son cœur s'alignèrent sur cette chaleur nouvelle. Dieux qu'il était bien ! Sa main enveloppa le corps de Lyanna, son corps se colla contre le sien et ses yeux se plissèrent au contact enivrant de ses longs cheveux rougeoyants.

Il était définitivement mieux que dans l'espace infini, même aimé des étoiles. Il était au centre de l'univers, au plus près du soleil.

Les longues arabesques rouges aux mouvements lents et ondulants s'éteignirent et le baron s'assoupit complètement. Comme après l'amour, avec sa tendre Kira, il s'était lové contre le petit corps de Lyanna, comme après l'amour, avec sa tendre Kira, son bras s'était posé contre sa douce poitrine et comme après l'amour, avec sa tendre Kira, sa main, inconsciemment, caressait cette épaule fragile et le cœur féminin.

Si la journée semblait chaude et ensoleillée, il en était tout autrement à l'intérieur de la grange. Le soleil ne parvenait à percé que timidement les lattes du toit de la bâtisse et il y faisait très frais, de ce fait.
Le Baron se laissa faire et s'installa si tôt dans le fauteuil de fortune qu'elle lui avait trouvé.
Il était blanc et semblait subitement bien fatigué. Elle était loin de se doutée que sa propre tête n'était pas très éloignée de la sienne à cet instant. A vrai dire, le décor semblait tangué, comme une chaloupe sur des flots mouvementée. Les lumières qui lui étaient apparues si éclatantes quelques instants plus tôt lui semblaient à présent comme éteintes. Elle dansait d'un pied à l'autre, fixant le Baron avec une sorte de lassitude subite.
Celui-ci se remit à chanter et sa petite sérénade l'invitait à le rejoindre sur la paille à ses côtés. La rousse eut envie de refuser, peu à l'aise à s'étendre avec lui dans l'ambiance tamisée du fond de l'écurie. Mais sa fatigue, sa tête tournante, les petites paillettes dansant devant ses yeux achevèrent de la convaincre à céder au bon vouloir de son compagnon d'aventure.
Reprenant la pipe qu'il lui tendait, elle s'installa doucement, tout doucement, avec une lenteur qui lui semblait infinie, exagérée, à côté d'Hector sur la paille qui se modula pour épousée ses formes et lui offrir un matelas des plus confortables. Elle soupira de bien être, tout en tirant quelques bouffées de la pipe magique qui rendait son après-midi si agréable, en compagnie de son propriétaire. Elle se détendit, allongée sur le dos, son bras touchant celui du Baron qui l'imitait dans sa paresse. On eut dit deux chats se prélassant l'un à côté de l'autre, par une chaude journée de début d'été. A ceci près que Lyanna avait curieusement froid à présent. Le bras d'Hector contre le sien contrastait avec les frissons qui parcouraient à présent sa peau.
Ses paupières devinrent lourdes. Si lourdes qu'elle les laissa se fermer complètement. Un sommeil léger, aux parures colorées, aux formes dansantes, la gagna immédiatement et elle s'assoupie, sourire aux lèvres grâce au confort relatif que lui offrait leur paillasse et les effets que trop présent de la pipe à herbes.
Une main... Un contact... Une caresse...
Lyanna fronçait les sourcils, incapable d'ouvrir les yeux. Elle n'aimait pas cette approche, trop intrusive. Son esprit brouillé ne lui permettait pas de se rappeler qui était son voisin audacieux qui l’enlaçait de la sorte. La tendresse dont il faisait preuve était certaine, mais sa main se baladant sur son corps au travers sa chemise fine semblait chercher une manière plus intime de caresser sa peau, ses formes, et cela lui arrachait de terribles frissons.
Bien vite, le beau ballet de lumière se changea en un défilé de souvenirs sombres.
Les soirs de calvaire où les mains baladeuses de Dick parcouraient sans vergogne son corps à nu, caressant sans pudeur, impitoyablement, les zones les plus sensibles de son anatomie, cherchant le plus qui ne tarderait pas, provoquant l'horreur punitive qu'il lui avait infligée de longues années durant, sans qu'elle n'eut aucun moyen de se défendre... Son sourire effroyable et pervers hantait ses pensées...
Pourtant, la voleuse le savait bien : ce ne pouvait pas être lui. Elle en était sure et certaine, les preuves étant irréfutables. Elle revoyait le carmin de son sang tâchant les pavés, rougissant l'eau sombre du port, et dégoulinant du poignard serti d'un rubis aussi foncé que le liquide visqueux et qu'elle tenait encore en main...
Si ce n'était pas Dick... Alors qui était ce ? Quel monstre encore osait prétendre pouvoir abuser d'elle sans qu'elle n'y oppose aucune résistance?
Des yeux bleus glaçants... Le sourire vainqueur et vicieux... La voix triomphante et pleine de pouvoir d'un tout autre bourreau savourant avec un délice pervers l'autorité qu'il exerçait sur elle... Son visage était clair comme de l'eau de roche, et aussitôt son sang ne fit qu'un tour, la rage montant comme une éruption volcanique dans son corps.
Jamais plus !
Avec une violence dont Lyanna ne se serait pas cru capable, surtout en pareilles circonstances, elle repoussa le bras qui reposait sur sa poitrine. Agile et rapide comme un chat, elle se courba et tira de sa botte le poignard qui l'avait déjà libérée par le passé. Dans un même mouvement, enfin, elle grimpa sur son agresseur, trônant à califourchon sur le bas de son ventre, penchée vers son visage, ses longs cheveux roux cascadant sur lui. La lame froide et impitoyable de sa dague reposait contre la gorge de sa victime, menaçant de son tranchant de mettre fin à ses jours. Ses yeux d'azur fusillaient le malheureux, dont le visage lui semblait étrangement bien différent de ses souvenirs.

- Je vous avez bien dit de vous méfiez, Victor ! Qu'il viendrait un jour où je prendrais ma revanche !

Dans sa voix se mêlait la colère et le triomphe, la fierté, le dégoût et la jubilation dont elle faisait preuve...
La voleuse ne remettait pas un instant en doute ses convictions confuses, attisées par les effets de la drogue...

MJitage:

Hector étais si loin, si loin de cette peau délicieusement douce, si loin de cette paille, délicieusement molle, si loin de cette grange, délicieusement sombre, de ce quartier, délicieusement riche, de cette ville, délicieusement grande, de ce pays, délicieusement dangereux et de sa vie, délicieusement sexuée. Il était un ange ; innocent comme un bébé. Il caressait ce sein comme un nouveau-né cherchant à se nourrir. C'était son instinct, sa raison d'être. Y a-t-il plus humble plaisir qu'une caresse aimante sur un sein doux et moelleux ? Et celui d'Ambre... mes enfants... jamais nous n'en toucherons de plus touchant. Et, putain, comment a t-on pu lui faire tant de mal ? Dieux qu'Hector était loin de tout cela ! Il fut réveillé par les mouvements, la fureur, la lame et le chevauchement de sa tendre amie. Il était fatigué, semi-conscient, il l'aimait, il était interloqué, un peu apeuré. Cette lame qui lui caressait le cou, il avait un instant cru que c'était la langue caressante d'une amante éperdue. Mais c'était la contre-attaque d'une proie effrayée par un souvenir indicible.

Ses cheveux étaient des serpents venimeux, ses fesses sur le bassin du baron, étaient des poids étouffants et sa voix était un cri horrifique !

- Lyly, sauvez-moi !!!

Un nuage de fumée passa entre ce monstre pesant et les yeux mi-clos du guerrier désarmé. Et déjà la belle Lyanna avait terrassé le monstre prédateur. Rapide comme l'éclair, rapide comme toujours, elle avait supplanté la terrible déesse païenne qui avait tenté d'occire le baron et, maintenant, elle était à sa place, son arme vengeresse encore en main, ses cheveux rouges flottant au vent comme l'étendard du grand vainqueur... mais son regard n'était pas celui de la victoire. Elle était encore aux aguets...

- Merci Lyly, je savais que je pouvais compter sur vous... Où est-elle passée ?

Le baron regarda à droite et à gauche, en haut et bas... mais ne vit rien, pas de serpent, pas de fesses gigantesques... il n'y avait que sa belle Lyly, là, au dessus de lui... Et si, en d'autres circonstances, dans cette position, son mat s'eut élevé sans mal, là, dans son état, il n'en fut rien, ses bras ballants ne montèrent ni en direction des fesses de la belle, ni en celle de ses seins ; ils restèrent immobiles le long de son corps endormi.

- Je suis désolé Lyly, je crois que je suis blessé.... je n'arrive... plus à... bouger...

Sa voix même s'éteignit lentement. Il s'était endormi et s'endormait de nouveau... Avant de quitter sa tendre amie, il ne put que lui adresser un dernier sourire, désarmé, las et bienveillant.

Laure était une jeune fille d'une vingtaine d'années à peine. Elle était plutôt petite, rousse et son visage frais et juvénile révélait un certain charme qui plaisait à nombre de clients de l'auberge dans laquelle elle travaillait, l'auberge des Trois Sous. Elle était discrète et un peu timide, ne relevait jamais les phrases séductrices de certains hommes et jamais - ô grand jamais ! - ne répondait aux avances des plus intrépides d'entre eux. Elle avait toujours travaillé ici et, par conséquent, ne s'y laissait plus guère marcher sur les pieds. Et ce jour là, elle décida d'aller prendre l'air dans la cour quand un des commis lui fit une remarque désobligeante sur sa soi-disante lenteur en salle.

Moto n'avait pas été aussi tranquille que son maître. Elle avait d'abord dû supporter les pirouettes indignes d'Hector dans la grange et voilà que maintenant, lui et sa drôle de compagne se mettaient à batifoler dans la paille, à deux pas de son box ! D'un hennissement chafouin, elle indiqua sa désapprobation. Malheureusement pour elle, ce n'était que le début de ses ennuis. En effet, son sixième sens lui indiqua bientôt l'arrivée d'un danger imminent. La bête se mit à hennir avec plus de force encore, lorsque les premières effluves de paille fumée mêlées à celles de la pipe renversée vinrent lui chatouiller les narines. Elle était anxieuse et transmis ce sentiments aux autres cheveux de l'écurie.

Laure, surprise par le vacarme des chevaux, d'habitude si calmes, s'approcha de la grange. Elle ne put que piquer un fard lorsqu'elle vit sur une botte de paille un homme et une femme enlacés... mais étonnamment immobiles ! Elle-même resta immobile un instant, entre surprise et curiosité, jusqu'à ce qu'à ce que ses yeux eussent aperçu les premières volutes de fumées ondulantes, aussi gracieuses que dangereuses.

- Ah !

Un petit cri d'effroi et la tête de la jeune fille se mit à pivoter de droite et de gauche. Ce n'était pas elle qui s'occupait des bêtes d'habitude mais elle avait parfois entendu parlé de la problématique de l'eau : "Et merde, faut qu'j'apporte de l'eau aux ch'vaux", "Qui c'est-y qui va au puis ?", "Michel, y a plus d'eau dans les seaux !", "Bons Dieux le bac est vide !". Laure, pleine de ressources, fonça prendre un seau ; vide ! elle se rua avec vers le bac ; plein ! Elle plongea le seau dans le bac, retourna vers la paille fumante et balança sans attendre le contenu du seau.

Des tambours puissants martelaient une musique tribale et diaboliquement dansante. Le baron était là, au milieu d'une foule de danseuses possédées, tentant de suivre leur cadence infernale. Et ce n'était pas une mince affaire. Pourtant bon danseur, il se sentait, ce soir là, lourd et lent comme jamais. Par chance, une danseuse, une grande amazone à la longue chevelure brune, épaisse et soyeuse à la fois, s'approcha de lui - que dis-je ? - se colla à lui pour l'entraîner, le guider, dans ces pas rapides et instinctifs. Hector se sentait bien. Sous les mains caressantes de la danseuse, il comprenait la danse, sentait ses temps, ses hauts et ses bas, ses mesures et ses inflexions. Il se sentait chaud, il la sentait chaude... Et sous la lune brûlante, un orage violent, heureusement, vint refroidir les corps consumés des deux amants.

- Par Serus ! Qu'est-ce donc que ce... ? Fit Hector en ouvrant des yeux ronds et injectés de sang.
- Excusez-moi, messire, mais le... la paille brûlait et...
- La paille ? Vous... ?

Le baron n'avait jamais vu cette jeune fille. Que faisait-elle là ? Et... et Lyanna, son amie mercenaire, que faisait-elle allongée sur lui, là, son décolleté merveilleux juste sous son regard connaisseur ! Il inspira longuement et quelques bribes de réalité se réagrégèrent dans son esprit en réveil. D'un geste amical de la main, il tapota le bras de la belle endormie.
- Lyanna, je crois que la sieste est terminée... vous pouvez vous réveiller.

Il se tourna vers la jeune fille.
- Hector de Sombrebois, enchanté de faire votre connaissance...
- Euh... Laure, Laure Belmont, enchantée messire.
- et merci de nous avoir sauvé la vie. Dès que je pourrais me lever, je... attendez...

De sa main droite il tenta d'accéder à sa bourse pour récompenser la jeune fille mais il n'y parvint pas, gêné qu'il était par la jolie Lyly. Heureusement, cette dernière semblait finalement se réveiller...

- Non mais elle est passée où encore ?! LAURE ??! T'es là, Laure ?!! Entendit-on crier de la porte de derrière du restaurant.

Le baron pencha sa tête en arrière pour tenter de voir le visage associée à cette voix colérique mais l'un des piliers de bois de l'écurie l'en empêchait.

Lyanna se trouvait dans une plaine désertique dont les rayons de soleils aux multiples couleurs vives et sublimes illuminaient le décor plat, semblable à un océan de sable, qui s'étendait à perte de vue. Il n'y avait rien là au milieu... Rien, si ce n'était... Un zèbre.
La créature était magnifique, remarquable. Blanche zèbrée de noir, il semblait s'émaner d'elle un éclat de lumière tout particulier, rayonnant à mesure de ses battements de coeur, de sa respiration, qu'elle sentait pulser dans l'air calmement, comme si l'animal était endormi. Elle caressa son encolure, et quelle stupéfaction ! Alors que son pelage semblait fait de plumes bicolores, c'était la sensation d'un tissu de bonne qualité et d'une peau douce et chaude que lui procurait cette caresse.
Les grandes ailes qui ornaient son dos se déplièrent lentement, et l'une d'elle vint enlacer la jeune femme, l'attirant vers son corps paisible et confortable, dont l'odeur de paille entêtante rendait que plus appréciable l'étreinte.
Mais il faisait chaud... Si chaud... De plus en plus chaud... Et il semblait décelé l'odeur de quelques choses brûlant, non loin...

Sceau d'eau froide. La voleuse gémit. Elle s'agita sur sa couche de fortune, tournant sa tête pour se blottir contre l'animal qui émettait un hénissement, non loin. Elle ne voulait pas se réveiller de ce doux rêve, pas se lever. Elle était bien ainsi. Elle voulait rester. Et elle avait mal à la tête, ses paupières étaient bien trop lourdes pour être ouvertes.
On tapotait son bras, et la voix amicale du zèbre cherchait à la tirer de son sommeil. Elle grogna un instant, mais sentant qu'on s'agitait sous elle et perturbée par la multitude de voix qui semblaient mystérieusement émaner de toute part, elle finit par se faire violence et entrouvrir les yeux.
Or, ce n'était pas la créature formidable de son rêve contre laquelle elle demeurait blottit, mais ce cher Baron de Sombrebois. La rousse cligna des yeux, dans l'incompréhension. Le fil de ses idées semblaient intérompu, suspendu loin, innaccessible. Elle se rappelait à peine ce qu'elle faisait là. Elle leva la tête, trop faible à son réveil pour se déplacer tout à fait. Jetant un regard sur la grange, elle restait hébétée. Mais enfin, où était elle, et pourquoi? Et pourquoi se trouvait elle sur Hector, à somnolée?
La voix tonitruante d'un homme la tira tout à fait du vague, la faisant réaliser entre-autre que la position dans laquelle elle se trouvait était des plus ambigus. Prise d'un sursaut, elle se redressa en un bond, revenant en arrière, sur ses pieds, qui se dérobèrent et elle tomba mollement sur le sol, blanche et déconfite. Ses yeux tournèrent lentement vers la demoiselle qui avait fait irruption dans l'écurie. Elle parlait de feu et de paille, et Lyanna la regardait comme si elle ne comprennait pas en quelle langue elle pouvait bien s'exprimer. Plissant les yeux d'incrédulité, elle suivit sans regard pour comprendre la cause de tout ce remu ménage. Elle eut vite fait de trouver la réponse, en remarquant que leur couche de fortune avait noircie par endroit. Ils l'avaient échappé belle.
L'homme à l'origine de la beuglante ne tarda pas à les rejoindre. C'était le patron de l'établissement, l'air visiblement furibond, qui déboula dans l'écurie de bien mauvaise humeur. Il fusilla d'abord son employée du regard avec de tourner son attention sur la rousse toujours à demi assise par terre, puis vers le Baron qui se prélassait encore sur la botte de paille. Il fronça les sourcils, sans bien comprendre ce qui se passait.

- Monsieur le Baron de Sombrebois... Que se passe-t-il? Cette petite empotée vous ennuie-t-elle? Si c'est le cas, je m'en excuse...

Lyanna lança à son tour un regard mauvais au propriétaire, et tant bien que mal elle se releva, époustant sa tenue des plus originales pour une simple jeune femme. Les pantalons étaient d'ordinaire plutôt réservée à la milice féminine, ou aux mercenaires. C'est pour ceci qu'il dut d'ailleurs la prendre car il lui lança un regard réprobateur du coin de l'oeil.

- Cette jeune femme vient de nous sauver la vie...

Sa bouche était pateuse, et sa voix cassée. Le sol continuait à tanguer et des brins de pailles s'étaient coincés dans ses longs cheveux roux et sauvages. Autant dire qu'elle manquait cruellement de crédibilité.

- Peut on savoir à qui on a à faire, Mademoiselle? Oh et toi, qu'est ce que tu fous encore ici? Je ne te paie pas à bailler aux corneilles alors retourne faire ton boulot et que ça saute !

La patron attrapa le bras de la serveuse et la poussa sans grand ménagement vers l'extérieur. La pauvre rouquine s'exécuta, mine basse, rouge aux joues. Mais Lyanna, dont la violence de ces messieurs à l'égard des pauvres femmes qu'elles étaient mettait dans une rage sans égale, l'intercepta en route pour qu'elle n'aille pas plus loin. Avec plus d'assurance, elle reprit la parole.

- Qui je suis n'a strictement aucune importance. Et je vous le répète : Cette jeune fille nous a sauvé la vie, à Hector et à moi. Elle a éteint un incendie qui avait commencé dans votre stock de paille. Si elle n'avait pas été là, le Baron et moi même serions mort, et votre écurie ainsi que les chevaux présents seraient eux aussi partit en fumée. Aussi... Je pense que vous lui devez des remerciements, plutôt que des réprimandes.

Pas gênée, malgré le mal de tête atroce qui lui vrillait le crâne, elle regardait l'homme droit dans les yeux. La mignonnette, quant à elle, ne savait visiblement plus où se mettre. La patron renifla, vexé et offusqué, et il adressa un infime signe de tête en guise de merci à son employée. Puis il se tourna vers Hector, appréciant de toute évidence davantage les hommes aux femmes et les riches aux pauvres.

- Vous la connaissez, celle-là? Est elle toujours aussi arrogante? Et est ce qu'elle dit vrai? Comment ce feu a-t-il bien pu prendre?

Il désigna la voleuse par dessus son épaule.
Lyanna soupira, agacée d'être ainsi ignorée. Elle s'adossa contre l'un des pilliers de bois ornant la grange, et la petite serveuse lui lança un regard pleins de questions. La rousse lui adressa un faible sourire, comme pour la rassurer.

- Tu as dis que tu t'appelais comment déjà?

- Laure, Mademoiselle.

- Eh bien dis moi, Laure, tu le connais celui-là? Se comporte-t-il toujours comme un salopard?

Lyanna désigna le patron qui discutait de ce fait avec Hector. Elle parlait à voix basse, peu de chance que ce Monsieur l'entende. Mais la petite remarque, combinée au sourire de la sauvageonne encore endormie, arrachèrent un petit gloussement amusé à la jolie serveuse, qui sembla se détendre.

Le brouillard multicolore se dissipait très lentement depuis que l'eau avait éclaboussé le baron. Il écouta d'une oreille encore distraite les conversations, s'émouvant plus des tonalités des voix que des mots et des intentions qu'elles transmettaient.
Et quand le patron de l'établissement lui demanda ce qu'il se passait, il tenta de faire bonne figure :
- Oh, pas grand chose, cher monsieur, votre petite nous a aider parce qu'on était pas bien, là, y avait un petit souci, mais voilà... tout rentre gentiment dans l'ordre avec de la bonne volonté. N'est-ce pas ?

Le patron le regarda d'un air sceptique et Hector sourit. La conversation continua, entre le patron et Lyanna... qui s'en sortait plutôt bien, trouvait Hector. Il la regardait en hochant la tête, l'air de dire "Impeccable, continue comme ça, championne !" et lorsque l'homme lui demanda son avis sur la belle rousse, il confirma :
- C'est ma championne ça ! Lyly de Sombrebois. Elle a tué un ours à mains nues, elle me protège, elle me rassure, 'fin, honnêtement, si vous avez besoin de quelqu'un de confiance, faites appel à elle, c'est une crème caramel. Elle gère la crise, z'avez un problème, y a plus d'problème. Et là, y a plus de problème. Merci Lyanna ! Merci Laure.

Il regarda le patron dont les yeux ronds semblaient attendre quelque chose.

- C'est juste ma pipe qui est tombée... j'suis maladroit, parfois, personne n'est parfait, vous êtes parfait ? Il se tourna vers Lyanna. Même Lyanna n'est pas parfaite ? Ai-je dis qu'elle l'était ? Elle en est pas loin, en vérité, mais... une fois, moi aussi je l'ai sauvée ! Il faut bien s'entraider ! Elle s'était cru capable de se défaire d'une bande de milicien sanguinaire... mais elle a eu besoin d'un p'tit coup d'pouce, voyez ? Parce que bon, entre les ...

Laure, pendant ce temps, discutait avec Lyanna.
- C'est mon patron. C'est un con... mais c'est mon boulot... C'est déjà bien, un boulot ici... en ces temps...

Hector se mit à parler de plus en plus fort coupant maladroitement la parole à la serveuse mais permettant ainsi de conclure cette scène légèrement gênante :
- ... c'est pourquoi nous devons malheureusement vous quitter si vite. Je vous souhaite à tous une bonne fin de journée, il glissa une pièce dans la main de Laure, prit Lyanna par le bras et la guida vers le box de Moto, pouvez sortir ma jument ? je récupère le matériel...

Il fit le tour des bottes de pailles pour récupérer sa boite à feu - comme il l'appelait - et la fourra dans sa besace. Il trouva également sa pipe et la cala entre ses lèvres.
- La voilà, la coquine ! Bon ben Monsieur Mademoiselle, bonne continuation à vous et à la r'voyure !

Avec Lyanna, ils quittèrent la cour et se retrouvèrent sur le trottoir. Le soleil se couchait à présent et le ciel avait des teintes mordorées merveilleusement mélancoliques. Le baron serra la rousse très fort contre lui et lui souhaita plein de bonnes choses, de l'amour, du bonheur, de l'argent, du plaisir, des belles rencontres et du bon vin. Cela sonnait comme un étrange adieu. Pourtant, par Serus, ils allaient bien se revoir, non ?