Marbrume


Le Deal du moment : -45%
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre ...
Voir le deal
339 €

Partagez

 

 Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
Maralina de BransatMilicienne
Maralina de Bransat



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyLun 27 Mai 2019 - 21:47



Le temple, Marbrume, 8 Janvier 1166



C’était un grand jour aujourd’hui. Un jour important dans l’histoire d’une jeune femme. Le bruit de ses bottes sur la pierre froide résonnait énormément dans l’immense hall du temple . La jeune femme plissa doucement les yeux et s’arrêta pour observer les vitraux qui ornaient le magnifique bâtiment. Les couleurs enveloppaient doucement le temps, dansant sur les murs. Maralina déplaça soudainement son regard, balayant doucement la salle de long en large. Des fidèles s’étaient réunis dans le hall, tentant tant bien que mal de quémander la clémence du clergé. Un prêtre passa tout près d’elle, en ne la lâchant pas du regard. La jeune femme le soutint de son regard cendré, sans aucune expression. Au bout de quelques secondes, la jeune femme se remit à marcher, allant d’un pas ferme vers l’avant de la bâtisse. Elle avait toujours l’impression de pouvoir sentir le regard du prêtre qui la dévisageait. À croire que ce dernier avait deviné ses intentions. La milicienne alla repéra un banc un peu en retrait, et se mit a prié. Demandant aux dieux de lui pardonner ce qu’elle s’apprêtait à faire… Une fois qu’elle eut l’impression que plus personne ne la dévisageait, elle redressa la tête, avant de balayer une nouvelle fois la pièce du regard.


La jeune femme s’assura que personne ne se trouvait autour, et se dirigea rapidement vers le couloir à la droite. Se déplaçant avec une fougue toute nouvelle, la jeune femme sentit soudainement le sang bouillir dans ses veines, l’excitation était à son comble! Elle y était presque. Cela ne prit que quelques minutes avant qu’elle n’arrive dans la grande bibliothèque. Maralina resta surprise, cette pièce était énorme! Les nombreuses étagères y étaient toutes parfaitement alignées, et tout semblait être maintenu dans un ordre des plus rigoureux. La jeune femme s’assura qu’elle était bien seule, et voyant qu’il n’y avait pas d’autres âmes dans la pièce, elle se mit rapidement à chercher parmi les ouvrages sur les étagères. Elle trouva finalement ce qu’elle cherchait : un livre qui décrivait en détail les moindres plantes du duché. Maralina survola rapidement le livre, complètement absorbé par sa découverte. Avec cela, elle pourrait définitivement améliorer un peu sa position dans sa troupe, les gens arrêteraient peut-être de la regarder comme si elle était une étrangère? Qui sait? Elle s’assit à même le sol, avant de commencer rapidement à survoler les multitudes de pages. Cela lui prendrait définitivement des heures avant de terminer le livre! Elle devrait définitivement trouver un meilleur endroit pour le lire, s’installer en plein milieu des étagères était loin d’être une bonne idée. La milicienne se releva rapidement avant de rebrousser chemin. Elle sortit de l’allée d’étagère et s’arrêta net, lorsqu’elle tomba face à face avec un homme.


Elle sentit son souffle s’arrêter pendant que son cœur manqua un battement. Était-ce le même prêtre qu’elle avait aperçu un peu plus tôt? Peu importe, elle était dans de beaux draps en ce moment. Que pouvait-elle faire pour éviter toute réprimande? Et surtout qu’est-ce que son père dirait lorsqu’il s’apprendrait qu’elle s’était introduite sans invitation dans la bibliothèque du temple? Ou pire… que dirait son sergent? Elle se voyait déjà perdre la position pour laquelle elle avait été si durement travaillée. Non, mieux valait feindre l’innocence, faire celle qui n’avait que de bonnes intentions. « Mon père » dit-elle en baissant la tête pour le saluer. « Vous m’avez fait peur. » Maralina déposa doucement le livre sur la tablette de l’étagère, espérant que la brique de papier n’attirerait pas l’attention de ce dernier, puis retournant son regard cendré vers ce dernier, elle tenta de faire l’innocente. «Je suis venue pour me confesser, mais je crois que je me suis égarée et je ne crains que ma curiosité n’est pris le contrôle de mon esprit. Veuillez me pardonner mon intrusion. » Elle aurait voulu lui sourire, lui faire croire qu’elle était innocente, mais en fut incapable, elle resta de marbre, attendant patiemment que ce dernier ne la chasse. Peut-être aurait-elle du courir, mais aurais-ce réellement fait une différence? Il finirait bien pas la reconnaître un jour. Non, la jeune femme attendait son châtiment, prête à affronter la dure réalité qui l’attendait.

Revenir en haut Aller en bas
CesarePrêtre responsable
Cesare



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyDim 9 Juin 2019 - 19:04
Le novice avait une belle voix. Le timbre était doux, délicat et puissant. Quand il chantait la noblesse d’Anür, on pouvait sentir son esprit s’envoler vers les vastes océans et sentir le parfum salé imprégner nos narines. Quand il louait la bonté de Serus, les cœurs s’embaumaient dans un manteau de douceur et d’amour, comme si un doux brasier venait vous envelopper chaleureusement. Quand il glorifiait la force de Rikni, un frisson vous parcourait l’échine, vos cheveux s’hérissaient inconsciemment et on pourrait presque entendre le grattement d’écailles sur la surface rigide des pierres du Temple. Les chants épiques des nobles paladins, les récits tragiques des martyrs luttant jusqu’au bout pour leurs convictions, les péripéties des saints dont la vie exemplaire avait de quoi inspirer des générations et des générations entières, éternellement.

Doucement, le disciple reposa l’épais grimoire de cuir qui reposait entre ses mains pâles et referma la couverture épaisse avec un respect solennel. Puis il croisa les mains sous sa ceinture et releva son visage anguleux pour attendre le jugement de Père Cesare. Ce dernier se releva de son banc et écarta ses deux bras d’un air bienheureux avant de prendre le jeune garçon dans ses bras dans une affectueuse étreinte.

« Excellent, mon enfant, excellent. Tu as beaucoup progressé depuis notre dernière séance. Continue à t’entraîner chaque soir après les corvées et je puis te promettre que les prêtres responsables auront tôt fait de te réserver une place privilégiée pour les messes. J’en toucherais un mot aux frères supérieurs. »

Les prunelles du disciple s’illuminèrent d’une leur de joie à peine contenue mêlée à l’espoir, mais sa stricte éducation et la doctrine disciplinaire du Temple eurent vite fait de calmer ses expressions de joie enfantine. Prenant un air serein, l’apprenti ecclésiastique se pencha pour embrasser cérémonieusement la main du prêtre avant de prendre congé avec le lourd ouvrage entre ses bras. Cesare le fixait avec un air paternel, ses mains croisées derrière son dos, un petit sourire éclairant ses traits de nature si peu expressifs. Le flambeau du Clergé. Voir des jeunes aussi dévoués à la religion, aussi pieux et respectueux des traditions ancestrales donnait espoir pour l’avenir et surtout pour le salut de cette triste et agonisante cité qu’était Marbrume. Avec de nouveaux légionnaires de la Foi aussi bienveillants et rigoureux, la Fange aura tôt fait d’être exorcisée hors des murailles de la ville et au-delà, bannie à jamais dans les confins sombres et sordides d’où elle a surgi. Du moins, c’était la conviction sincère de l’ascète.

Le pratiquant fixa un court instant les alentours, ne se lassant jamais de voir les fidèles se rassembler dans cette sensation grisante de communion et prier à l’unisson les Trois pour leur accorder fortune, santé, protection, fertilité et bonne fortune. Un spectacle qui lui faisait oublier, l’espace d’un instant, la morne réalité de leur monde et la décrépitude qui gagnait les âmes de certains. Ils avaient beau prier avec ferveur, beaucoup d’entre eux retournaient chez eux pour s’adonner à Dieux seuls savent quels vices et plaisirs interdits.

Préférant ne pas laisser de morbides pensées effleurer son esprit, le fervent religieux quitta le grand hall pour se diriger vers un lieu de sérénité où il pourrait nourrir son âme tout en apaisant la tristesse de son cœur : la bibliothèque. Foyer de littérature, trésor de savoir, gardien de la culture de civilisations entières, témoin de l’histoire et écrin pour la méditation et l’épanouissement de soi. Oui, ce serait parfait pour délaisser l’espace d’un moment ses inquiétudes vis-à-vis de la gangrène qui dévorait petit à petit les fondations de la religion à mesure que l’Ennemi grossissait ses rangs derrière les remparts du dernier bastion de l’humanité.

Il emprunta donc le couloir faiblement éclairé qui menait vers les ailes privées, interdites d’accès au commun des citoyens, nobles y compris. C’était une aile que seuls les membres du Clergé pouvaient y évoluer afin de veiller sur les trésors précieux qu’il renfermait. Hors la surprise de Cesare fut complète lorsqu’en pénétrant les lieux il rencontra une femme qui n’avait rien d’une sœur ni d’une novice. Son accoutrement démontrait clairement qu’elle n’était pas une prêtresse et son visage lui était inconnu. Après tout, un regard cendré aussi particulier ne pouvait être oublié, surtout que Cesare pouvait se targuer d’avoir bonne mémoire.

Non, clairement il s’agissait d’une intruse. Et elle transportait un des livres de la bibliothèque ! Un haussement de sourcils témoigna de la surprise du clerc qui barrait l’étroit passage entre le grand hall et la bibliothèque. Aurait-elle eu l’audace de se faufiler discrètement dans une partie interdite du Temple, à l’insu de tous, dans l’espoir de fuir avec un précieux ouvrage qu’elle pourrait vendre à bon prix chez un érudit aisé ou un noble fortuné ? Ce serait une pensée logique, mais le prêtre ne se précipita pas dans son jugement et écouta les excuses de la demoiselle.

Sceptique, il demeura néanmoins neutre dans son attitude, ses yeux couleur d’ambre fixant sans méchanceté ni sévérité ceux de la curieuse sans pour autant démontrer une forme de laxisme, de laisser-faire.

« Parfois, quand l’ivresse religieuse nous prend l’esprit, il arrive que nous en perdions nos sens au point de s’égarer dans la vaste demeure des Dieux. Cependant je reste mitigé quant au fait que votre curiosité vous ait poussé à vous aventurer avec un de nos précieux livres. Vous vous doutez bien qu’il est formellement interdit pour un visiteur d’emporter quoi que ce soit ici, si ce n’est les bénédictions de nos membres. »

Sans brusquerie, il saisit le livre des mains de la milicienne, doucement mais avec assez de fermeté pour lui faire comprendre que toute tentative de résistance ne ferait qu’aggraver d’avantage sa situation déjà précaire. Que Cesare n’ait pas débuté un long sermon disciplinaire était assez surprenant mais certains diraient que la jeune femme l’avait rencontré à un moment de bonne humeur.

Examinant d’un plissement du nez le livre, il en caressa la couverture avec une certaine mélancolie, inspectant les pages avec le doigté d’un individu qui avait fait des livres une sacralité de son existence, avant de le porter contre son torse et d’ajouter sur un ton condescendant :

« Vous disiez venir pour confesser ? Vous aurez tout le loisir alors de me dire ce qui vous a motivé à choisir ce livre en particulier. J’imagine que vous savez lire, ce qui n’est pas à la portée de tous. Herboriste ? Apothicaire ? Ou simplement de la curiosité ? »

Multiplier les questions avait tendance à déstabiliser les plus habiles menteurs. De ce fait il escomptait la prendre de cours et obtenir la vérité et uniquement la vérité. Balbutiements, hésitations, tout signe de déstabilisation de la part de son interlocutrice jouera en sa défaveur.

Et c’était exactement ce qu’il souhaitait.
Revenir en haut Aller en bas
Maralina de BransatMilicienne
Maralina de Bransat



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyMar 11 Juin 2019 - 21:26

Le regard de glace se posa sur le prêtre, alors que ce dernier regardait l’ouvrage qui avait attiré l’attention de la milicienne. Peut-être devrait-elle saisir l’occasion et fuir? Le prêtre semblait totalement obnubilé par l’ouvrage à la couverture de cuir, il passait ses doigts sur la couverture comme si l’ouvrage qui était dans ses mains avait une valeur des plus inestimable, comme si le livre était l’un des plus délicats diamants. Maralina profita de ce moment et prit quelques secondes pour détailler l’individu devant elle. Le clerc était un peu plus grand qu’elle, ses cheveux bruns tombaient légèrement sur son visage, et son corps svelte était camouflé sous une longue robe en cuir. Mais ce qu’elle remarqua avant tout était cette attitude désagréable, ce ton cassant qui ne fait que vous sentir mal. Qu’il le veuille ou non, la milicienne trouvait le prêtre particulièrement intimidant. La jeune femme baissa soudainement le regard évitant l’ambre de ses prunelles alors qu’il lui adressa la parole. Restant silencieuse, sachant très bien qu’elle venait de causer un impair des plus graves. Même si ces intentions avaient été bonnes, sa curiosité l’avait emporté trop loin. Elle avait cru que sa détermination était la clé ouvrant les portes de la réussite, mais en ce moment, elle lui avait apporté beaucoup plus de problèmes qu’autre chose. Maralina écouta d’une oreille attentive les moindres paroles du prêtre, attendant que ce dernier termine sa phrase avant de prendre la parole. Elle se doutait bien qu’il la testait, qu’il voulait l’intimider et la mettre au pied du mur… Mais la milicienne n’avait pas froid aux yeux.


Maralina redressa soudainement la tête, et croisa finalement ce regard des plus surprenants. Elle leva doucement le menton, lui donnant un air fier, avant de prendre la parole; «En effet, mon père, je sais lire. Un avantage de nos jours. J’ai eu la chance d’avoir une enfance que certains qualifient de doré. Je ne peux me targuer d’herboriste, je ne suis qu’une simple milicienne. » Son ton était calme, posé, confiant et surtout très froid… Surprenant lorsque l’on savait que la jeune femme tremblait de peur à l’intérieur. La jeune fille se doutait bien que le prêtre voudrait le plus d’explication possible, lui avouer qu’elle s’était introduite dans la bibliothèque lui semblait hors de question, mais il y avait une façon de jouer avec la vérité. Ne suffisait que de rester le plus près possible de cette dernière. Maralina supporta le regard ambré du prêtre avant de continuer ses explications; «J’ai été impressionné par cette bibliothèque. Je n’en ai jamais vu de si grandes, de si garnis. Vous comprendrez que j’ai été totalement subjuguée lorsque j’y suis entré. » Elle passa doucement son doigt sur l’étagère à sa droite, pendant que son regard se portait à nouveau sur les nombreux ouvrages. «Je n’ai pas pu m’empêcher de me mettre à vagabonder dans les allées, jusqu’à ce que je tombe sur cet ouvrage. » Dit-elle, retournant son regard sur le prêtre avant de désigner l’ouvrage du menton. « Je suis milicienne affectée à l’exploration extérieure, je me suis toujours dit que d’en apprendre un peu plus sur les herbes médicinales pourrait être utile pour moi-même et mes semblables. » Peut-être ce dernier croirait-il que la trinité avait dirigé ses pas? Qui sait? Son visage de marbre ne laissait transparaître aucune émotion, aucune frayeur, et surtout aucune nervosité. Si le prêtre s’attendait à pouvoir lire son expression, il aurait une tâche des plus difficiles à accomplir. La jeune femme fit un pas de reculons, tentant de mettre une certaine distance entre sa personne et le prêtre.


«Vous savez autant que moi les dangers qui nous attende à l’extérieur, j’ai pensé que cela serait utile. Donc je n’ai pu m’empêcher de le prendre pour trouver un endroit où je pourrais le feuilleter en paix.» Le masque d’impassibilité de la jeune femme se détendit soudainement, comme si elle venait de faire une bourde. «Je me rends bien compte que cela n’aide en rien votre opinion de moi. Mon erreur a été de devenir trop enthousiaste et de le prendre sans demander une quelconque permission.» Elle fit un nouveau pas de reculons, tentant d’être le plus naturelle possible. Elle voulait être prête à partir à courir si la discussion dégénérait d’une quelconque façon, mieux valait prévoir chaque opportunité, chaque occasion. Certes la jeune femme était prête à accepter une punition, mais il y a avait quelques choses dans le regard du prêtre qui la mettait mal à l’aise, comme si ce dernier la déchiffrait totalement. Oui, elle avait fait une erreur en entrant dans la bibliothèque, mais elle n’avait jamais eu l’intention de dérober l’ouvrage. Tout ce qu’elle voulait était trouver un coin tranquille dans le temple pour dévorer l’ouvrage et ainsi gagner sa place dans sa coutilerie. La jeune femme expira doucement avant de soutenir une nouvelle fois le regard du prêtre. «Je suis prête à répondre à la moindre de vos questions, mon père. Je suis bien consciente que mes actions ont été irréfléchies, et j’accepterais le châtiment que vous jugerez nécessaire… » Elle frissonna sans le vouloir. Peut-être était-ce la fraicheur du temple, ou peut-être savait-elle au plus profond d’elle-même qu’elle regrettait ses dernières paroles…

Revenir en haut Aller en bas
CesarePrêtre responsable
Cesare



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyJeu 13 Juin 2019 - 16:07
Le peuple avait, depuis des siècles, une vision bien particulière de la religion et ses représentants. Quand on voyait un représentant du Clergé, enveloppé dans sa robe de bure, à psalmodier d’antiques versets ou à murmurer de douces bénédictions protectrices, les simples citoyens au plus fortunés seigneurs pliaient l’échine, baissaient le regard avec pudeur et respect et écoutaient. Quand un prêtre donnait une remarque, on considérait immédiatement qu’on est dans l’erreur et on prend note des paroles de sagesse. Quand il conseille, on marque chaque mot comme sur une pierre blanche, car les prêtres sont après tout les garants de leurs âmes. La seule présence de ces gens qui ont sacrifié toutes les opportunités que pouvait offrir leur existence pour se consacrer aux vœux de piété et de guidance avait le mérite de forcer le respect aussi aisément que la présence d’un roi affublé d’une cape aux fils d’or et de joyaux précieux, car après tout y’avait-il de biens plus précieux que la foi d’un individu pour la seule vraie croyance ?

Pourtant, certains esprits étaient de nature bien peu enclin à s’incliner devant quoi que ce soit. Indociles, tenaces, fiers, arrogants ou simplement trop stupides pour se rendre compte de leur bêtise, ils se dressaient comme un taureau au cœur de l’arène, faisant face à la foule spectatrice, au matador approchant avec assurance, à la lance dont la lame scintillait avec menace. Non, même face au danger ils soutenaient le regard du Destin sans se soucier des conséquences, ou les piétinant néanmoins comme un vulgaire nuisible. Braves, courageux, fous. Il était souvent difficile de faire la différence entre folie stupide et tenace adversité. Les deux, après tout, consistaient à faire face au danger sans oser fuir.

L’intruse semblait faire partie de cette catégorie d’audacieuses personnes à en juger par son menton dressé et son ton confident, ou du moins qui se voulait l’être. Elle se défendait vaillamment, il fallait l’admettre, mais le prêtre n’en était pas aveugle face aux signes de l’inconfort qui devait gagner la jeune dame à la chevelure de platine. Certains signes trompaient rarement ceux qui étaient si habitués aux relations humaines qu’ils pouvaient lire entre les lignes, deviner les subtils indices qui trahissaient les profondes émotions et pensées cachées de votre interlocuteur. Le fait qu’elle recule légèrement comme le ferait un individu acculé par une bête sauvage, par exemple. Ou encore sa tendance à argumenter davantage dans sa défense comme pour se convaincre elle-même d’un mensonge qu’elle tissait dans le feu de l’action. Elle ne semblait pas être ce genre de personne facilement manipulable et influençable, c’est ce qu’il pouvait supputer en plongeant son regard dans ces yeux vifs animés d’une intelligence qu’on ne pouvait attribuer aux communs provinciaux. Un curieux oiseau s’était aventuré dans sa chambre et le narguait, dirait-on.

« Mon enfant, si la curiosité a permis à l’humanité de découvrir bien des secrets et évoluer au fil des siècles, elle est aussi une sournoise maîtresse. Les livres de notre bibliothèque sont un de nos biens les plus précieux qui soient, ils renferment le savoir, l’histoire et les témoignages des plus précoces colons qui ont découvert ces terres. De ce fait, bien des parchemins sont dans un état d’extrême délicatesse et ne doivent nullement quitter leurs étagères au risque d’être à jamais abimés. »

Là encore, Cesare se montrait particulièrement conciliant. En réalité il aurait commencé par faire savoir à la milicienne qu’entre toutes les erreurs cumulées qu’elle venait de commettre, le simple fait qu’une femme envisage de se mettre en valeur au sein d’une caserne masculine avait de quoi titiller désagréablement son esprit conservateur. Ce n’était pas un esprit machiste ou une mentalité caractérisant le Clergé, mais bel et bien le royaume entier. L’ambition de la très jeune milicienne était donc, pour le moins, déplacée.

« Je comprends l’intérêt que vous portez à cet ouvrage, mais les règles sont les règles. Vous auriez très bien fait de demander conseil à des maîtres dans l’art des plantes et herbes médicinales, la chose aurait été plus pratique et vous éviterait la situation dans laquelle vous êtes à présent. »

Le pratiquant fit un geste de la main à une sœur qui passait, les bras chargés de rouleaux de parchemins. Presque cérémonieusement, il tendit l’épais livre à la prêtresse pour qu’elle aille le remettre à sa place avant qu’il ne croise les mains sous sa ceinture pour reporter son attention vers l’hermine espiègle qui lui faisait face.

« Un châtiment, dites-vous ? Bons Dieux, nous ne sommes pas dans une caserne, mon enfant ! Notre rôle est de guider, protéger et consoler, pas de sortir le fouet pour chaque bévue commise. Je souhaite sincèrement que vous compreniez néanmoins que votre petite aventure est un interdit très mal vu, mais je fermerais les yeux pour cette fois. Après tout … »

Un léger sourire vint se former sur les lèvres couleur de corail de l’enfant du Temple dont les sourcils se firent moins inquisiteurs, la tonalité de sa voix prenant presque une forme de malice quand il ajouta :

« … vous êtes venue ici pour vous confesser, m’aviez-vous dit, je me trompe ? Il serait regrettable que vous quittiez le Temple sans avoir libérer votre cœur du fardeau de vos doutes et craintes. Oublions donc ce petit incident, je me charge d’être votre confident en ce jour, si bien entendu vous n’y voyez aucun inconvénient, hm ? »

Mais avait-elle réellement le choix ? C’était peut-être ça, la punition cachée : se confesser sous le serment de la Trinité, dévoiler ses secrets au risque de déplaire aux Dieux, susurrer les plus noires pensées à un individu dont le comportement condescendant était aussi troublant qu’inquiétant. Était-il digne de confiance ? Pouvons-nous tout lui dire sans s’attendre à de terribles répercussions ? Tissait-il une toile si élaborée que la femme n’avait plus d’espoir d’en quitter les fils collants qu’en allant affronter l’araignée même ? C’était une machination relativement sournoise si l’on voyait la scène d’un point de vue de jeu d’intrigue, mais peut-être que tout cela n’était que le désir sincère d’un prêtre d’exercer ses fonctions sacrées sans aucune arrière-pensée ni désir mesquin.

Quoi qu’il en soit, le voilà qui, déjà se dirigeait hors de la bibliothèque, vers une des salles circulaires taillées dans la pierre où des pratiquants venaient murmurer leurs doutes et rejetaient le poids qui martyrisait leurs âmes pour regagner les ailes d’une liberté si ardemment désirée.

Mais est-que la milicienne allait répondre à cette invitation ? Ou en profitera-t-elle pour prendre ses jambes à son cou et disparaître hors de ce qui pourrait être un traquenard savamment dissimulé ?

« Vous venez ? »
Revenir en haut Aller en bas
Maralina de BransatMilicienne
Maralina de Bransat



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyVen 14 Juin 2019 - 18:27

Maralina sentit sa nervosité s’envoler alors que le prêtre lui mentionnait qu’il fermerait les yeux sur cet incident. Le fait d’avoir vidé son sac la soulageait du plus lourd des fardeaux. Elle était bien consciente que ce dernier aurait très bien pu l’accuser de vol et en tant que milicienne, elle connaissait que trop bien la peine qui attendait les criminels. Cela ne l’empêcha pas de suivre du regard la prêtresse qui s’engageait dans l’allée avec l’ouvrage qu’elle désirait tant dévorer. Elle sentit son cœur se serrer alors que la femme tourna dans une allée. Elle avait l’impression qu’un de ses rêves venait de fondre plus rapidement que neige au soleil. Maralina ne répondit point au sourire du prêtre qui s’engagea dans l’allée pour aller rejoindre une alcôve. Indécise, la jeune fille ne bougea pas tout de suite, ce ne fut que lorsque ce dernier l’invita à le rejoindre qu’elle trouva la force de le suivre dans la mystérieuse pièce. L’ambiance était lourde dans cette pièce, beaucoup trop lourde. Comme si les péchés des précédents fidèles avaient enrobé l’ambiance de la pièce. La jeune femme s’arrêta après avoir fait quelques pas, détaillant rapidement l’alcôve sombre. La pièce était sombrement décorée. Des bannières aux couleurs de la trinité rehaussaient les murs de pierre. Une simple chaise trônait au milieu de la pièce. Maralina frissonna, avant de replacer sa cape pour couvrir ses épaules. Elle avait un très mauvais sentiment quand à l’issue de cette rencontre… Ce fut le cliquetis de la serrure qui la fit sortir de ses pensées… Sans se retourner, la milicienne s’avança d’un pas confiant vers la chaise, avant de s’agenouiller à ses côtés, le regard baissé, attendant patiemment que le prêtre s’installe et l’invite à prendre la parole. Pendant ce court répit, Maralina prit quelques secondes pour reprendre le contrôle d’elle-même. Cesare la rendait nerveuse, elle avait l’impression que son regard ambré pouvait lire en elle comme un livre ouvert, et elle se devait de reprendre le contrôle. L’homme du clergé l’invita finalement à prendre la parole, et Maralina inspira doucement, sans relever son regard, et commença finalement sa confession.


« J’ignore comment aborder la situation mon père. J’ai l’impression de décevoir tous les gens autour de moi. » Le visage impassible, le regard toujours sur le sol, détaillant la moindre ciselure que le burin du tailleur de pierre semblait avoir laissée sur la pierre. Son regard sembla légèrement se voiler alors qu’elle reprenait la parole; « Je crois que je devrais commencer du début… Mon nom est Maralina de Bransat. Fille unique du Baron Ulric de Bransat et de Maria de Bransat. Ma mère est morte en me donnant naissance et j’ai été élevé par mon père. Certes, il y avait toujours des gouvernantes, et il avait toujours une armée de gouvernante et de professeurs autour de moi. Comme je l’ai dit plus tôt j’ai eu la chance d’avoir une éducation des plus complète. Mais j’ai toujours eu l’impression au plus profonde qu’il me manquait quelques choses. » La milicienne s’arrêta un moment, tentant de mettre de l’ordre dans ses pensées; « Lorsque j’ai eu dix ans, je me suis lié d’amitié avec un des écuyers, Pierre, qui est devenu un de mes plus proche ami et confident. J’ai réussi à le convaincre de m’apprendre tout ce qu’il apprenait à son tour, et nous passion ainsi des heures à combattre dans l’écurie, comme des vrais chevaliers. » Un léger sourire se dessina au coin de ses lèvres, un sourire franc qui semblait venir de loin. Un miracle en soi si l’on connaissait le moindrement la milicienne. En effet, les Bransat n’étaient pas reconnus pour leur trop-plein d’émotion. Mais ledit Pierre avait toujours eu cet effet sur la jeune fille, il avait toujours été le seul à lui arracher la moindre émotion… Puis au bout de quelques secondes, le miracle s’effaça alors que la blonde reprit son récit. « Puis la Fange est arrivée. » Son regard se durcit rapidement, se remémorant la fuite des Bransat vers Marbrume. Une dizaine de chevaliers survivant ainsi que le Baron et sa fille. C’était tout ce qui restait de cette autrefois grande maison. « Il est inutile de vous expliquer que la situation de notre famille est précaire. Malgré que mon père ait été craint ou puissant dans le passé, cela n’est plus le cas. Nous avons tout perdu durant les attaques de la Fange. »


Maralina fronça doucement les sourcils, en fixant une nouvelle fois le sol. « Je suis bien consciente que nous ne sommes pas la seule famille à vivre dans cette situation, et je crois que nous sommes très redevables au Duc pour sa générosité. Moi et le Baron savons que nous lui devons énormément et nous lui serons toujours loyaux. D’un autre côté, je sais que mon père essaie de se tirer de cette situation. Il a mis les quelques chevaliers qui nous sont encore loyaux aux services de la ville, mais cela n’est pas assez pour nous sortir du trou où nous sommes malheureusement tombés. » Maralina releva rapidement son regard cendré vers le prêtre, soutenant le regard ambré de ce dernier. « Vous savez autant que moi quels sont les intrigues de la noblesse et le sort qui m’attendait. Mon père s’est acharné à me trouver un mari qui pourrait nous aider à gagner de l’influence et aider notre maison à trouver la prospérité. Mais je lui ai coupé l’herbe sur le pied avant qu’un quelconque arrangement ait lieu et j’ai joint la milice extérieure. » Elle sentit sa respiration s’accélérer alors que la nervosité la gagnait peu à peu. Que penserait l’homme à ses côtés? Était-il de ses hommes révolutionnaires qui croyait en la femme? C’était rare, et disons que depuis son entrée dans la milice elle n’en avait rencontré aucun. Les hommes de ce royaume semblaient être des plus décalés. Tous les jours des jeunes femmes se battaient aux côtés de ces homologues hommes, brillait autant qu’eux devant l’adversité et pourtant elles étaient la source de railleries constante. Maralina avait perdu le compte des humiliations qu’elle avait suivi lorsqu’elle avait revêtu l’uniforme de la milice. Avait perdu le compte des attaques furtives, des menaces et des commentaires hargneux de ses collègues. Elle se battait pour deux raisons, deux raisons qui étaient nobles. Mais elle savait que seulement parce qu’elle était une femme, ces raisons ne seraient pas bien vues… Maralina expira doucement avant, de replacer une mèche de cheveux qui venait de tomber sur son nez. « Je suis prête à faire le serment devant la trinité que les raisons pour lesquelles je me suis enrôlée étaient nobles. Je ne l’ai pas fait pour humilier ma famille, ou éviter un quelconque mariage, mais pour honorer le nom de ma famille. » L’ambiance semblait particulièrement lourde dans la pièce… On aurait pu se demander si cette confession tournerait en un quelconque affrontement entre la jeune milicienne déterminée et l’homme de la trinité…


Revenir en haut Aller en bas
CesarePrêtre responsable
Cesare



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyDim 16 Juin 2019 - 12:19
La milicienne obtempéra docilement, rassurant ainsi le clerc qui soupira malgré lui de soulagement. Sa bienveillance et son comportement amical payaient, finalement. Il avait souvent eu quelques soucis quand son abnégation religieuse le poussait à afficher un caractère de zélée fureur, un courroux qu’il justifiait toujours par de bonnes intentions. Combien de fois lui avait-on conseillé qu’une main gantée de velours était plus efficace qu’un gant de fer ? Non pas qu’il était aussi inquisiteur et impitoyable que certains doyens jugés extrémistes, mais Cesare n’était pas pour autant un individu très tolérant face au laxisme d’une doctrine sacrée. Cependant il n’ignorait pas qu’entrer dans les bonnes grâces du peuple quémandait une certaine douce d’âme, l’encourageant ainsi à abandonner sa sévérité au profit d’une attitude plus adéquate pour un berger des âmes égarées.

La féline aux yeux cendrés n’en avait pas profité pour fuir dès qu’il tourna le dos, ce qui conforta davantage le prêtre tandis qu’il la guidait à travers de longs corridors faiblement éclairés par quelques fines fenêtres taillées à même la pierre, la lumière filtrant à travers les murs pour donner cette ambiance mystique à la demeure des Dieux et leurs servants. On pouvait facilement distinguer les particules de poussière flottant paresseusement dans l’air, à jamais lévitant par quelques forces inconnues ou tout simplement par le miracle des Dieux qui ont façonné ce monde avec leurs propres lois.

Ils atteignirent bien rapidement l’espace où la jeune femme allait pouvoir se confesser, une petite pièce sobrement décorée et dont l’air même semblait être imprégné d’une aura difficilement descriptible, un étrange mélange de paix et de honte, de tristesse et de soulagement, la sensation d’être jugé mais aussi écouté. Un mot pouvait venir à l’esprit de ceux qui franchissaient le pas de cette porte de bois empêchant tout son de sortir de cette antichambre : le pardon. Ou peut-être que les murs étaient juste englués par les terribles secrets dont ils s’étaient imprégnés comme une éponge, absorbant les sordides pensées et les remords de milliers de citoyens accablés.

Prenant place avec une prestance symbolique, rabattant les pans de sa robe derrière lui, il regretta ne pas avoir apporté avec lui les bâtons d’encens dont le parfum avaient cette fabuleuse capacité à apaiser les esprits et les transcender, sans doute la milicienne aurait ressenti un plus grand réconfort. Car elle devait être tendue et crispée, c’était une tension presque électrique qu’il ressentait en sa présence. Elle était méfiante, mais cette émotion n’avait point de place en ces lieux.

« Vous pouvez parler, mon enfant. Seuls les Dieux et moi-même garderont vos secrets. Nous sommes vos confidents. Puissiez-vous être libérée du fardeau de votre âme. »

Et il l’écouta. Ainsi il découvrit son nom, ses origines, son ancien statut de noble dame et sa décision controversée de rejoindre la Milice. C’était particulièrement ce dernier point qui intrigua le prêtre, même si son attitude affichait une neutralité digne d’une statue de marbre, l’oreille tendue, les paupières closes, son âme connectée à la sienne. L’empathie était un terrain puissant pour une confession, c’était la chaîne qui reliait les deux âmes pour qu’elles puissent se comprendre, partager leurs émotions et sentiments, surpasser les barrières de chair qui les entravaient pour atteindre ce plateau spirituel où le confesseur pourra trouver la force d’endurer les plus terribles révélations, et le pénitent trouver le courage de mettre à nu son cœur. Mais il y’avait toujours cette présence de logique humaine, de calculs froids, algorithmes d’un cerveau qui s’isolait de tout lien externe pour s’emmurer dans des codes, doctrines, lois et règles qui lui donnaient le pouvoir de juger sans pour autant proférer menaces ou sentences.

Hors Cesare ne pouvait s’empêcher de penser à la chance de la jeune dame. Naître d’une famille noble était un privilège, un don dont rêvait des milliers de simples gens affamées, vivant du labeur quotidien et de l’injustice du monde. Elle avait été éduquée, nourrie et protégée dans les plus excellentes conditions et voilà qu’elle lui avouait qu’elle avait abandonné ce vaste luxe pour rejoindre un corps d’armée où les femmes étaient bien plus que mal-vues. Leur place n’était pas au sein d’un régiment d’hommes rudes et rendus patibulaires par un mode de vie martiale. Qu’elle se joigne à eux en tant que femme était audacieux, mais en tant que noble, c’était presque de la folie ou un caprice naïf.

« Je … comprends vos bonnes intentions, notamment votre désir de venir en aide à votre père. C’est un noble sacrifice de votre part d’abandonner votre titre pour rejoindre les soldats qui défendent notre dernier bastion. Cependant, permettez-moi d’avoir des doutes non pas dans vos motivations, mais dans la justesse de votre choix. Vous êtes une fille de baron qui a décidé de s’enrôler au sein de troupes dont le seul objectif est d’assurer la sécurité du duché sans aucune réelle perspective d’évolution personnelle. Je ne vois pas, personnellement, comment vous pouvez honorer votre famille en laissant tomber ce qui vous offrait le pouvoir de faire changer les choses plus efficacement que porter une épée. »

S’humectant légèrement les lèvres, il se pencha un peu plus vers la dame à la chevelure platine sans pour autant la fixer, laissant ses yeux contempler le sol dallé avec une certaine intensité, comme s’il lisait dans la pierre même des lignes invisibles qui lui dictaient quoi dire. Ou souhait-il éviter le regard intense de la demoiselle ?

« Vous devez savoir mieux que quiconque que la place d’une femme au sein de la Milice est, hélas, sujette à bien des discriminations. Sans compter que vos racines nobles doivent sans nul doute attirer le mépris et la rancœur de certains qui envieraient votre place abandonnée. En abandonnant votre titre, vous perdez une valeur symbolique très prisée par bien des seigneurs et riches bourgeois qui auraient sans doute fortement contribué à aider votre famille financièrement. Le mariage était votre meilleur atout, mais à présent que vous êtes milicienne, aucun homme de haut rang ne voudra fragiliser sa réputation et ses intérêts en vous prenant comme épouse. »

Il se rendait bien compte qu’il était entrain de mettre le voile sur une dure réalité, que ses paroles pouvaient avoir l’effet d’un fouet lacérant, ou d’un glacial venin si elle savait déjà ce qu’elle avait fait en sacrifiant son titre. Était-ce de la cruauté, du mépris ? Non, juste une condescendance particulière, un peu comme un membre de la famille assez proche pour oser dire ce qu’il faut sans pour autant être assez éloigné pour que ça soit mal-perçu. Il était prêtre, la vérité était son serment, il se devait de lui faire part du monde dont lequel elle s’était aventurée.

« Après, si vous parvenez à gravir les échelons de la Milice et atteindre un poste prestigieux, voir même sergente, les choses seraient moins complexes, plus réalistes, mais connaissant l’ascension hiérarchique des casernes … »

Surtout pour les femmes, mais il n’avait pas besoin de le préciser. Pianotant du bout des doigts contre le dos de ses mains, il plissa ses lèvres couleur de corail avant de murmurer sur un ton plus doux :

« Comment comptiez-vous aider votre père, Maralina ? Qu’est-ce que la Milice a à vous offrir de si particulier ? »
Revenir en haut Aller en bas
Maralina de BransatMilicienne
Maralina de Bransat



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyDim 16 Juin 2019 - 14:40


«Les batailles ne sont pas gagnées par les plus forts ni par les plus rapides, mais pas ceux qui n'abandonnent jamais» murmura-t-elle en relevant la tête vers le membre du clerc, tentant sans le vouloir de croiser le regard ambré de ce dernier. Le crédo de sa famille ne lui avait jamais senti plus vrai qu'à ce moment précis. Jamais Maralina n'abandonnerait, elle avait commencé quelques choses et le finirait, et ce, même si elle risquait de perdre sa vie. La jeune milicienne se sentait soudainement beaucoup plus en confiance avec ce dernier, comme si ces paroles avaient levé le voile d’anxiété qui la paralysait. Ou était-ce un quelconque truc pour la faire avouer un crime qu’elle n’avait point commis? La jeune femme soupira doucement, fermant les yeux, avant de baisser une nouvelle fois la tête. «À quoi servent les titres alors que notre monde est au bord de l’extinction, mon père? La survie de l’humanité est-elle moins importante que conserver un titre de Noblesse? Nous n’avons plus rien. La seule chose qui nous distingue encore des membres du peuple est notre nom et les quelques chevaliers toujours fidèles à notre maison ruinée. Si ce n’était pas du Duc, notre famille serait à la rue. Est-ce que notre nom nous aurait aidés? Je n’étais plus un parti avantageux depuis un certain temps. Aucune dote, aucun territoire, rien d’attrayant pour un homme de la noblesse. Je suis bien consciente que j’ai ruiné tous mes espoirs d’avoir un quelconque mariage avantageux pour ma famille, mon père peut essayer autant qu’il le veut, mais ces chances de réussites sont minces… » La donzelle se mordilla délicatement la lèvre inférieure, comme si la réalité ne l’enchantait guère.


«Vous ne m’apprenez rien mon père, je savais les conséquences de mon choix lorsque j’ai joint la milice. Je savais pertinemment que chaque jour serait une épreuve. Il n’y a pas une seule journée ou je ne suis pas victime d’un de mes camarades. » Elle fronça les sourcils, comme si elle tentait de chasser les moqueries et les différents événements qui lui arrivaient quotidiennement. «Notre famille a toujours été crainte dans le passé. Je me souviens des histoires que mon père me racontait lorsque j’étais jeune… » Si son expression ne changea pas, ses yeux, par contre, s’illuminèrent d’une tout autre lueur alors qu’elle fixait le mur droit devant elle. «Un Bransat n’abandonne jamais qu’il me disait. Jamais un membre de notre famille ne s’était incliné devant l’adversité. » Maralina redressa fièrement la tête, fixant toujours le mur en face d’elle. Avant de replacer doucement une de ses mèches blondes derrière son oreille. « C’est à mon tour de montrer ce que nous savons faire, de redonner la gloire à notre famille. La milice est la seule chance que j’aie pour combattre ces créatures. » Elle se tourna une nouvelle fois vers l’homme, comme si elle cherchait une quelconque approbation chez lui. Comprendrait-il seulement sa façon de penser? Où verrait-il cela comme un caprice? Leurs regards se croisèrent une nouvelle fois et le visage de la jeune femme s’adoucit rapidement, suppliant presque qu’il comprenne son jugement. «Je le sais que je peux faire une différence, mon père. Je m’entraîne chaque jour pour y arriver et je n’ai pas peur de vous le prouver. »


Réalisant soudainement à qui elle s’adressait, la jeune femme ne put s’empêcher de rougir légèrement avant de baisser une nouvelle fois son regard. Mais qu’es qui lui prenait soudainement? Ce n’était pas le perdre le contrôle. Était-ce son inexpérience à converser avec les hommes qui la rendait autant nerveuse? Ou peut-être était-ce le fait qu’elle s’adressait à un homme de l’église aux yeux hors du commun? «Il n’y a pas une journée ou je n’essaie pas de m’améliorer, de dépasser les limites. D’où je n’ai plus m’empêcher de prendre le livre. Je sais que cela peut m’aider à faire une différence hors des murs. Ce n’est pas pour épater les autres que je voulais apprendre, mais pour pouvoir réellement protéger et aider les autres. » La jeune femme ferma les yeux en soupirant; « Je ne voulais pas voler cet ouvrage mon père, je voulais réellement trouver un coin des plus tranquille pour le lire…» Peut-être que ces confessions aideraient le membre du clerc à réellement voir clair dans ses intentions, peut-être comprendrait-il l’importance d’élargir ses compétences. C’était nécessaire aussitôt que l’on sortait à l’extérieur, nécessaire lorsque l’on faisait face à la mort à chaque jour qu’il passait. «Que feriez-vous si vous étiez à ma place mon père? Il est trop tard pour reculer maintenant… et je suis de moins en moins capable d'accepter la déception dans le regard de mon père...»


Revenir en haut Aller en bas
CesarePrêtre responsable
Cesare



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyVen 21 Juin 2019 - 18:56
La ténacité face à l’adversité. Voilà ce qu’il pouvait deviner dans ce regard farouche et déterminé. Malgré les problèmes que ses racines nobles causaient à sa réputation, malgré la probable rancœur de son père quant à ses choix, malgré l’enfer que devait être la vie d’une femme au sein d’une caserne traditionnellement masculine et très encline à faire regretter au sexe dit inférieur d’empiéter sur le territoire martial des hommes … sa décision était prise et elle allait lutter pour ses idéaux.

Cette … naïveté avait un certain charme qui ne laissa pas le prêtre indifférent. L’esprit rebelle était comme un feu follet qui brûlait les mains qui tentaient de la contenir, à jamais incandescente d’une fierté digne des familles seigneuriales les plus prestigieuses. Il cautionnait ses actes vu sa position de prêtre conservateur, respectueux des lois et traditions comme tout citoyen se devait de l’être sous le regard de la trinité mais d’un autre côté il respectait ce désir de prendre elle-même les armes dans une situation si dramatique que même des enfants étaient recrutés pour travailler tant la main-d’œuvre se faisait rare à mesure que la race humaine perdait du terrain face à la monstruosité rampante qu’était la Fange. Il avait vu de braves dames abandonner leurs foyers pour saisir l’épée et le bouclier de Rikni et défendre les intérêts de l’humanité. Mais toutes avaient des origines purement provinciales, des roturières ou de simples citoyennes. Aucune, de part sa connaissance, n’était d’origine aussi prestigieuse que Maralina. Ce sacrifice était aussi valeureux que fou, pouvant à la fois forcer une certaine admiration et tirer les railleries moqueuses.

« Votre cause est très noble, je le reconnais. On dit que c’est les intentions des hommes qui brillent de valeur au regard des Dieux, aussi futiles et vaines soient-elles. Comprenez seulement que le titre que vous semblez dédaigner tant peut vous ouvrir des portes que vous ne soupçonniez peut-être pas. Enfin, maintenant ce qui est fait est fait. »

Joignant ses deux mains sur ses jambes avec lenteur, son visage affichait cette attitude solennelle qu’on attribuait aux figures religieuses dans les tapisseries qui ornaient souvent les grands palais et autres demeures d’aisés personnages. L’homme prenait très au sérieux son rôle au vu de l’absence de toute forme de manipulation, que ce soit en susurrant de mielleux mensonges pour s’attirer les faveurs de la dame ou en la menaçant immédiatement de la corriger de ses propres mains si elle n’abandonnait pas ses caprices d’enfant gâtée. Sa neutralité était exemplaire, tout comme la justice des Dieux. Ou du moins essayait-il de s’en inspirer.

Levant lentement ses paupières, ses yeux couleur de miel avaient cette mystérieuse lueur qui rappelait un lever de soleil timide par-dessus des montagnes, la herse de ses cils libérant la place à ces deux éclats d’ambre intenses qui vous sondaient, vous jugeaient sans pour autant vous dénuder comme le ferait un sordide tortionnaire, mais plutôt un esprit vif cachant des années d’expérience dans le domaine spirituel.

« Je ne suis pas juge, seuls les Trois détermineront la justesse de votre cause et la valeur de vos efforts. Peut-être qu’à leurs yeux, votre sacrifice est destiné à servir une cause précise dans le vaste plan du destin qu’ils tissent de fils d’or et d’argent. Votre choix a été fait, le regret n’est plus permis. Vous devez faire en sorte que votre décision vaille tous les malheurs et les souffrances qui doivent vous encercler comme le vol de vautours affamés. Demandez toujours la bienveillance des Dieux avant votre sommeil, quémandez leur aide et leur guidance, priez et glorifiez Leurs Noms à tout instant et je puis vous assurer qu’ils prêteront une oreille attentive à vos supplications. »

Refermant doucement ses yeux, il pianota du bout de ses doigts la surface soyeuse de sa robe, pensif. Pourquoi avait-il la curieuse impression que la jeune femme cherchait plutôt à se libérer d’une influence paternelle ? On dirait la rébellion d’un adolescent, ce désir furieux de s’affranchir de l’autorité d’autrui et de prendre son destin en main. Certes, il pouvait sentir la fierté qui inspirait Maralina à chaque fois qu’elle mentionnait le nom de sa famille comme un chevalier faisant luire ses armoiries avec orgueil. Mais l’un n’empêchait pas l’autre, il se pouvait bien qu’elle utilise la noblesse de ses racines comme excuse pour voler de ses propres ailes, se libérer des chaînes familiales et faire resplendir son propre blason dans un ultime pied-de-nez à son père qui devait sans nul doute être particulièrement irrité et déçu par le comportement de sa fille. D’ailleurs Cesare était surpris que la Milice accepte en son sein des sangs nobles. Un sergent aurait sans doute refusé de recruter l’héritière d’un baron au risque de s’attirer des ennuis inutiles … à moins que leurs effectifs soient si faibles qu’ils ferment les yeux à toute apparence ? Le manque cruel de chair à canon était à ce point dramatique ?

Inspirant profondément, on pouvait entendre le son de l’air s’engouffrant dans ses poumons tant la cellule était d’un silence accusateur, comme si les murs même témoignaient des événements pour garder dans leur prisons rocheuses le moindre murmure, le plus faible soupir, le plus subtil son.

« À votre place, j’aurais peut-être envisagé d’apprendre un métier qui ne vous obligera pas à abandonner votre rang, recruter des gens pour vous venir en aide dans un quelconque artisanat ou commerce, participer à l’amélioration des conditions de vie de la cité plutôt que porter le glaive. Je sais ce dont la Fange est capable, nous prêtres avant déjà étudié les ravages que ces abominations impies peuvent causer. Votre grande bravoure et la justesse de votre cause, seules, ne peuvent rivaliser avec ces monstruosités alors pourquoi vous jeter en offrande comme un agneau devant un autel ? »

Le prêtre se mordilla la lèvre inférieure en se relevant, tournant autour de celle qui était agenouillée au cœur de la chambre d’un pas lent et calculé, ses mains jointes derrière son dos.

« Cherchez-vous à accomplir quelque chose d’autre, à prouver une chose que votre père n’a jamais cru ? Ou est-ce une promesse faite à quelqu’un qui vous est cher ? À moins que vous ne valorisiez guère votre vie et que vous êtes prête à mourir en martyr dans notre guerre éternelle contre les goules obscènes ? »
Revenir en haut Aller en bas
Maralina de BransatMilicienne
Maralina de Bransat



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptySam 22 Juin 2019 - 9:10


Maralina écouta sans interrompre le prêtre, la tête baissée, le regard ancré sur les dalles de pierre, évitant a tout prix une nouvelle fois le regard ambré du prêtre. Elle ferma doucement les yeux alors que ce dernier lui conseillait de demander la bienveillance de Dieux avant son sommeil… chose qu’elle faisait déjà… La milicienne avait arrêté de compter le nombre de fois qu’elle avait demandé à Rikni si elle avait fait le bon choix, si elle était réellement faite pour le combat et devant la réponse silencieuse de la déesse, elle avait continué. Se battant chaque jour pour devenir meilleure, pour faire une différence, pour sauver l’humanité. Elle avait beau s’imaginer comme Baronne, jonglant avec les intrigues de la cour, et c’était une image qui la répugnait au plus haut point. Pourquoi se soucier de ces intrigues quand les gens mouraient autour de vous? La jeune femme resta de marbre alors que le prêtre lui demanda pourquoi elle mettait sa vie en péril. Elle l’écouta poser ses questions pendant qu’elle écoutait le bruit de ses pas alors qu’il marchait autour d’elle. On presque dit un vautour qui tournait autour de sa proie, attendant le moment idéal pour donner le coup fatal… Puis soudainement un murmure vint briser le silence, «Non» murmura-t-elle avant de finalement lever la tête vers le prêtre. La jeune femme replaça habilement une mèche de ses cheveux blonds qui lui cachait la vue, avant de se relever doucement. Pourquoi allait-il si loin dans son raisonnement? Il semblait penser qu’elle n’était qu’une adolescente capricieuse… Si tel était le cas jamais elle n’aurait mis sa vie en péril ainsi. Maralina se mit à marcher doucement vers le membre du clerc qui était maintenant silencieux. Son regard était déterminé, comme si l’homme du clergé venait de réveiller une quelconque étincelle. « Je n’ai rien à prouver à mon père, il sait exactement de quoi je suis capable et je n’ai fait de promesse à personne outre qu’à moi-même. » Maralina avait murmuré ses paroles tout en s’approchant du prêtre, s’arrêtant a peine de quelques centimètres de ce dernier. Chose qui aurait outré de nombreux personnages, mais elle voulait qu’il voie, qu’il sache exactement ce qu’elle ressentait.


Leurs regards se rencontrèrent, et le silence vint soudainement s’abattre dans l’alcôve. Comme si une nouvelle tension venait de voir le jour… Un affrontement silencieux? Non… quelques choses de bien différent… Maralina respectait profondément l’homme qui était devant elle et contrairement aux autres, elle n’avait aucunement peur de montrer qui elle était réellement. Non pas parce qu’il était membre du clerc, mais bien parce que l’homme devant elle dégageait quelques choses de bien différent. La proximité avec ce dernier ne l’effrayait pas, ou du moins plus. Elle s’était mise à nue devant lui, lui avait révélé qui elle était vraiment, et cela semblait avoir capté son intérêt, car il la poussait encore plus loin dans ses confidences. Osant même déposer une main sur le bras de l’homme, elle glissa doucement sa main le long de son bras, le forçant délicatement à lui donner sa main. Serrant doucement cette dernière, elle soupira doucement avant que son autre main vint rencontrer celle du prêtre. Elle serra doucement ses doigts contre les siens, comme si elle lui faisait un quelconque serment, puis reprit la parole; « Vous pensez que je ne l’ai pas vu avant?» murmura-t-elle, le regard inquiet. « Je les ai vus arracher des têtes, tuer des gens de mon entourage. J’ai vu la violence inouïe de ces créatures, leur force hors du commun. J’étais là quand le sang coulait, et j’ai senti leur souffle et entendu leurs grognements alors que nous nous enfuyions.» Maralina baissa doucement les yeux, en fronçant légèrement les sourcils, ravalant difficilement sa salive avant de continuer; «Je n’ai jamais vu quelques choses d’aussi horrible que l’attaque sur Bransat. Des centaines de personnes abattues, blessées, pleurant pour leur merci, mais rien ne fit… » La jeune femme eut une drôle d’expression, comme si elle retenait ses larmes, elle était clairement tourmentée, comme si elle revivait les événements qui l’avaient amené ici. Au bout de quelques longues secondes, elle sembla avoir repris le dessus et remonta doucement ses iris cendrés vers son confesseur; « De Bransat il ne reste que moi et une dizaine de chevaliers… Douze personnes. Seulement douze…» Elle serra un peu plus les doigts du clerc, avant de continuer dans un murmure; «Et je le revis ce cauchemar à chaque nuit, et à chaque fois que je ferme les yeux. »


Maralina recula de quelques pas, lâchant doucement la main du prêtre et continue; «Le jour que je suis arrivé à Marbrume et que j’ai vu la désolation des gens, je me suis promis de venger mes gens. De tuer chacune de ces créatures qui croiseraient mon chemin. Je suis une Bransat et je me battrais pour repousser les limites, pour prouver au monde que les Bransat n’ont pas froid aux yeux, qu'ils sont toujours là, peu importe ce qui se passera.» Elle s’arrêta quand elle put sentir le mur de l’alcôve contre son talon. Espérant que le prêtre ne lui en veuille pas trop d’avoir rompu cette distance protocolaire, elle releva à nouveau le menton, avant de continuer; «Je n’ai pas l’intention de mourir en martyr ni de servir de chair à canon. » Son regard se durcit rapidement avant de continuer; «J’ai l’intention de me battre pour l’humanité, pour ce qui était ma baronnie et je n’ai aucunement l’intention de tomber. Je veux être un exemple, montrer aux gens que si je peux faire une différence, et si Serus veut bien me l’accorder, mes enfants continueront le combat que j’ai commencé.» La jeune femme voulait être clair qu’elle n’avait pas joint la milice pour fuir un quelconque mariage. Lorsque le temps sera venu, elle prendrait définitivement époux, certes le temps pressait. Être toujours célibataire à dix-neuf ans était incroyablement mal vu, mais le fait que la jeune femme était milicienne réduisait définitivement les options, car quel homme pourrait bien vouloir d’une femme qui porte l’uniforme de la milice? Maralina n’en avait que faire de ce que les autres pensaient… Elle avait d’autres idées bien plus importantes en tête. « Comme je vous l’ai déjà dit, mon père, je crois que la survie de l’humanité est beaucoup plus importante que les titres. Les dieux ont fait en sorte que je développe un certain talent avec une arme dès mon plus jeune âge, ne croyez-vous pas que c’était un chemin qu’ils me préparaient? Que Rikni a vu un potentiel chez moi? »


La jeune femme sentit son souffle s’accélérer, est-ce que Cesare comprendrait sa façon de penser? Ou au contraire la condamnerait-il? «Vous êtes membre du clerc, vous devez certainement savoir que rien n’arrive sans raison…» Défiait-elle Cesare? Non, aucunement. Elle mettait tout simplement cartes sur table, lui faisait comprendre sa façon de penser. La jeune femme n’avait pas la langue dans sa poche, et elle espérait sincèrement que le prêtre la comprendrait. Jamais elle n’aurait joint la milice comme caprice, aucune femme saine d’esprit n’aurait agi ainsi. Tout le monde savait ce qui attendait les miliciennes dans les casernes, et Maralina n’était pas une exception… Combien de coup, d’insultes et de railleries avait-elle dû encaisser depuis qu’elle avait pris les armes? Elle-même avait arrêté de les compter et elle savait pertinemment que ce n’était en aucun cas sur le point d’arrêter…



Revenir en haut Aller en bas
CesarePrêtre responsable
Cesare



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyMar 2 Juil 2019 - 20:33
La peur des Fangeux.

Cette puissante émotion avait gagné le cœur des survivants de l’humanité entière, hantant les nuits agitées, accablant les esprits, fascinant les plus dérangés et nouant les entrailles des braves qui sortaient hors du confort des remparts solides de Marbrume. Les macchabés mordeurs avaient laissé à jamais une emprunte noire sur le cœur des hommes et femmes qui tentaient tant bien que mal de survivre, celle d’une peur plus puissante que toutes les paniques et les cauchemars qu’avait engendré l’esprit humain. Ils étaient réels et ils venaient pour dévorer chaque citoyen, chaque villageois jusqu’au dernier enfant. Des armées s’étaient dressées sur leur passage et ont été brutalement éventrées par la sauvagerie surnaturelle qui caractérisait ce fléau indomptable.

Maralina avait bien décrit cette émotion, ses paroles étaient empruntes de sincérité et il pouvait sentir dans le timbre de sa voix cette peur devenue si naturelle chez eux. Parler de la fange, c’était comme mentionner la présence d’un démon en ces murs, de parler d’hérésie, de profanations, d’inconcevables sacrilèges et de pratiques païennes abjectes. Quand elle s’était saisie de son bras, le prêtre s’était aussitôt tendu comme un félin dont on aurait troublé le repos, mais il s’était contenu, avait cherché à voir outre ce contact et comprendre le sens de ses mots. Immobile, il écoutait les explications et les récits comme un jeune homme buvant les paroles d’une diseuse de bonnes aventures sous le couvert d’une petite tente. Et il comprenait un peu plus les positions de la milicienne, ses convictions aussi. Aussi contradictoire soit la volonté d’une femme de prendre les armes malgré ses obligations aussi bien en tant que potentielle épouse qu’en tant que descendante de sang noble, il pouvait respecter cette force de caractère, ce désir ardent de lutter contre le mal par l’épée. Par ailleurs, elle avait utilisé un argument risqué mais efficace, à savoir celui du plan céleste des Divins, que chaque chose qui se passait en ce monde faisait partie d’un vaste plan, que rient n’arrivait au hasard et que tout était planifié.

« Peut-être que c’est la volonté des Trois et dans ce cas, qui suis-je pour en juger ? Je ne vais pas vous obliger à abandonner la voie que vous choisit, surtout pas maintenant que vous arborez déjà les couleurs de la Milice. Mes prières se porteront vers Rikni afin qu’elle vous accorde la force nécessaire pour terrasser ces damnés et soulager notre cité de cet état de siège qui nous accable. C’est un lourd fardeau que vous avez décidé de porter et je ne peux que vous souhaiter force et courage pour surpasser les difficultés qui entraveront votre chemin. »

Lentement, il reprit sa place sur le siège qui lui était réservé, une chaise de bois dure et inconfortable qui convenait parfaitement au rigoureux ecclésiastique. Le confort était toujours un vil tentateur et l’allié de la paresse, que la chaise soit pénible pour son fessier l’obligeait à se focaliser sur sa tâche et à ne pas se prélasser avec aise là où la confessée délivrait ses doutes et ses peines à cœur ouvert. Le grincement du bois coupa un instant le silence de catacombe de la petite cellule, à peine altérée par le son régulier de leurs respirations communes. Le prêtre joignit ses deux mains sur ses cuisses, pensif. À présent il devait essayer de guider cette âme qui lui faisait face, mais la situation était complexe et particulière. Son cœur avait été touché par la sincérité de la demoiselle et son désir de combattre la fange de ses propres mains, mais sa conscience restait fermement ancrée dans ses fondations antiques, celles des règles, des traditions, des coutumes et des lois. Cesare aurait fait un excellent homme de loi mais un bien piètre comédien. Il ne pouvait caresser au sens du poil ceux avec qui il discutait, il n’avait pas ce don de faire des éloges souvent trompeurs, étaler du miel sur sa personne et lui susurrer des promesses pour lui plaire. Ce qui était inscrit dans les écrits ancestraux de la religion était mot de loi et devait être impliqué intemporellement, cela allait de même pour les coutumes et traditions qui avaient façonné la civilisation même qui les distinguaient, eux qui ont survécu au fléau fangeux contrairement au reste d’une humanité disparue, engloutie dans l’oubli. Pouvait-il réellement laisser la Bransat suivre ce parcours inédit qui lui vaudrait bien le regard méprisant et désapprobateur de bien des gens ?

Un faible soupir s’échappa des lèvres entrouvertes de celui qui devait incessamment peser le pour et le contre, trouver la force d’extirper un être égaré des ombres qui l’aveuglaient. Il devait être une corde vers la lumière, une échelle vers le salut. Ces temps étaient sombres, difficiles, impitoyables et beaucoup de choses furent à jamais altérées et changées, que ce soit de la main de l’homme ou par les griffes des goules. Des lois furent instaurées, d’autres abolies. La Milice qui, jusque-là, avait été du domaine des hommes accueillait désormais des femmes motivées pour défendre leurs foyers, leurs idéaux, leurs vies. Une chose impensable par le passé devint la norme en ces jours où les bras manquaient, la main-d’œuvre connaissant une pénurie inégalée en temps de troubles, les survivants tentant désespérément de ne pas succomber à l’extinction qu’ils affrontaient. Tout était plus simple avant …

« Suivez votre cœur tout en suivant les guidances des Dieux. Au fond de vous, vous sentirez si oui ou non, nos Divins Protecteurs approuvent votre choix ou pas. Rien n’est fait sans qu’ils en aient décidé du déroulement et de l’issue, ils ont un plan pour chacun d’entre nous et il se peut que le vôtre est de dresser l’étendard de la Trinité au-dessus des terres profanées par nos vils ennemis. Au-delà des murailles de Marbrume, des horreurs sont tapies dans l’ombre, complotant notre ruine. Pas seulement les monstres, mais aussi des brigands, des pirates, des hommes sans foi ni loi. Puis il y a les païens, les hérétiques, les apostats, ceux qui servent les forces de la désolation et ont juré notre perte à tous. Face à tant d’ennemis et tant de haine, je suis rassuré de savoir qu’il existe encore des gens qui ont le courage de se dresser face à cette marée hostile. »

Il leva lentement son regard vers elle, son visage affublé d’un petit sourire contrastant avec l’intensité de ses iris qui brillaient d’une féroce lueur.

« Vous demanderez les conseils avisés d’un de mes frères concernant les plantes médicinales, sans doute ceci sera plus pratique que tenter le diable à la bibliothèque. Les règles sont les règles, sans elles nous serions dans la plus totale anarchie. Néanmoins vous avez ma sympathie, maintenant que je comprends vos motivations. Auriez-vous autre chose à révéler ? Nous sommes après tout dans un cercle de secret, votre seule chance de vous soulager d’un poids qui vous accable. Il est bon, je le sais, de partager la noirceur de son cœur à ceux qui veulent bien vous tendre la main. »
Revenir en haut Aller en bas
Maralina de BransatMilicienne
Maralina de Bransat



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyMar 30 Juil 2019 - 20:40



La fraîcheur de la pièce fit frissonner à son tour la milicienne. À moins que cela soit la proximité qu’elle avait volontairement provoquée avec l’homme du clergé? Son expression était restée neutre, mais elle avait bien remarqué le malaise qu’elle lui avait causé, et avait vite ressenti ses mains se crispés entre ses longs doigts effilés, avant qu’il ne tente de ne rien laisser paraître. Néanmoins, le prêtre l’écouta sans l’interrompre, lui laissant la parole alors qu’elle déglutirait tant bien que mal sa façon de penser. Puis, lorsqu’il prit finalement la parole, la milicienne ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement. À croire qu’il l’avait compris, qu’il avait vu qui elle était réellement. Surprenant n’est-ce pas? Surtout pour un homme d’Église. Maralina suivit l’homme du regard, interdite alors qu’il reprenait doucement sa place sur l’inconfortable chaise de bois. La jeune femme le fixait intensément de ses prunelles grisâtres, tentant tant bien que mal d’analyser la moindre de ses réactions. Mais il reprit rapidement la parole, l’encourage dans ses démarches, l’encourageant à protéger non seulement l’humanité de ces infâmes créatures, mais aussi de tout autre menace qui se dresserait sur son chemin. Elle le comprenait parfaitement. Le monde ne serait pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. En entrant dans la milice, elle avait juré de faire bouger les choses, de déranger l’ordre établi et voilà finalement quelqu’un qui comprenait ce pour quoi elle se battait.


Et lorsque le prêtre croisa son regard, Maralina ne put s’empêcher de sentir son cœur s’arrêter. Il avait une expression si déstabilisante, un sourire qui contrastait au plus haut point avec son regard, comme si le prêtre préparait quelques choses. C’est parfois dans un regard, dans un sourire que sont cachés les mots qu’on n’a jamais su dire et la donzelle ne put s’empêcher de se demander ce que son confesseur pensait à cet instant précis. Néanmoins, les paroles qui franchirent ses lèvres la firent sourire. Un tout premier sourire, franc, sincère, qui contrastait au plus haut point avec son expression de marbre. Elle aurait voulu se jeter à ses pieds, lui baiser les mains pour lui témoigner toute sa gratitude, mais elle s’arrêta lorsqu’elle repensa à la réaction de ce dernier lorsque leurs mains s’étaient à peine effleurées. «Je vous remercie mon père. Je vous serais éternellement reconnaissante pour le privilège que vous venez de m’accorder. Je vous promets que je ne laisserais pas ces connaissances mourir. Ils nous aideront tous lors de nos missions hors des murs… » Oui, cela pourrait sauver des vies, pourrait servir à la milice. Maralina ne souhaitait pas briller, elle voulait réellement pouvoir aider. « Si un jour, je pourrais faire quoique se soit pour vous retourné la faveur mon père… » Elle s’arrêta une seconde en cherchant une nouvelle fois les yeux de son interlocuteur; « Sachez que je serais toujours là pour vous. Peu importe la requête. » Son sourire s’atténua légèrement avant qu’elle ne baisse une nouvelle fois la tête en signe de respect.


« D’autres péchés? » La jeune femme resta silencieuse un moment, comme si ses pensées prenaient le dessus. Quel impair avait-elle commis jusqu’à présent outre le fait d’avoir agi dans le dos de son géniteur? La jeune femme soupira avant de baisser les yeux. Puis se rapprocha doucement de Cesare avant de reprendre sa position. À genou au sol, son fessier reposant sur ses talons et la tête recourbé, alors que ses yeux grisâtres semblaient détailler la moindre zébrure des pierres qui ornaient le sol. « Outre ce que je viens d’avouer, mon père, j’ignore si je peux considérer mes autres actions comme un péché. » Elle resta silencieuse pendant quelques secondes, tentant de mettre de l’ordre dans ses pensées. Maralina se mordilla légèrement la lèvre inférieure, elle avait peut-être une idée, mais elle ignorait comment réagirait son interlocuteur. Néanmoins, la jeune femme releva doucement la tête, croisant de nouveau ce si charmant regard ambré, avant de reprendre la parole; « Pour vous remercier de votre écoute et surtout de votre générosité en me proposant d’apprendre aux côtés d’un de vos confrères, mon père, accepteriez-vous une humble invitation à vous joindre à notre humble table pour un dîner? » Maralina n’était pas dupe, elle savait pertinemment que son père n’aimerait pas cette surprise. Mais, Ulric de Bransat était un homme pieux, et jamais il n’oserait mettre à la porte un membre du clergé. Qui plus est, le prêtre pourrait bien apporter une aide des plus précieuse pour améliorer la relation entre le père et la fille, et soyons honnêtes, Maralina appréciait de plus en plus la compagnie de cet homme qui l’avait poussé à se mettre à nue. Réalisant soudainement l’audace dont elle fait preuve, la milicienne baissa doucement la tête, pour éviter le regard de Cesare. Ses joues devinrent légèrement rosées alors qu’elle murmura d’une voix à peine perceptible. « Pardonnez mon audace, je ne voulais aucunement vous mettre au pied du mur, sachez que la faveur que vous venez de m’accorder est un des plus magnifiques cadeaux auquel j’aurais pu aspirer. » Sa voix était douce, on pouvait sentir la sincérité avec un soupçon de gêne. Est-ce que la damoiselle avait une autre idée en tête? Qui sait? Ses yeux couleur miel ne laissaient personne de marbre…



Revenir en haut Aller en bas
CesarePrêtre responsable
Cesare



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyLun 5 Aoû 2019 - 22:44
Levant doucement la main droite pour dévoiler sa paume, il chercha par ce simple geste à empêcher que les remerciements émus de la jeune et douce milicienne ne touchent ce qu’il essayait de cacher au plus profond de son être, à savoir la graine de l’orgueil. La fierté n’était pas un péché dans les saints écrits du Temple, certes, mais son ancien mentor et père adoptif, le regretté Cuthbert au tempérament sévère et juste, avait toujours mentionné la fierté comme l’ombre qui camouflait l’orgueil et donc un ennemi de l’équilibre spirituel que tout homme de Foi se devait de garder. L’orgueil entraînait bien des vices, aveuglait son hôte et lui donnait l’impression d’être au-dessus des protégés dont il avait la charge. S’il acceptait chaleureusement les paroles de Maralina qui le réconfortaient comme la fraîcheur d’une gorgée d’eau de rose après une longue marche sous un soleil ardent, il n’empêchait que s’il se vautrait dans une condescendance hautaine alors il ne serait qu’un hypocrite de plus, un mauvais exemple, un faux instructeur.

« Enfant des Trois, je vous prie, je ne fais que le devoir que m’ont confié nos Protecteurs, que leurs Noms soient mille fois sanctifiés. Ma seule récompense est de vous savoir libérée du fardeau du doute et du remord maintenant que la route est claire et toute tracée devant vous. Servez la Volonté des Dieux, voilà comment vous pouvez me remercier. Ne vous détournez jamais de Leurs instructions quelque soit la tentation ou la confusion et Ils vous garderont sous Leur Aile, j’en ai l’intime conviction. »

Qu’elle dresse son épée face à la Fange, qu’elle repousse les hérétiques et les apostats, qu’elle défende l’innocent et le faible, qu’elle garde la Trinité de ses noirs démons. Voilà le vrai désir du prêtre à l’égard de cette fougueuse âme agenouillée devant lui. Il se releva avec cette prestance naturelle qui le caractérisait, des gestes qui n’avaient rien de forcés mais qui transpiraient d’une aura digne de ces saints qu’ont arboraient sur les fastueuses tapisseries des maisons nobles ou des sculptures murales des grands édifices de pierre. Mû par un sentiment qui dépassait de loin le simple rapport de confesseur et pénitente, il porta chastement ses deux mains sur chacune des joues de la noble rebelle, ses doigts pâles à la peau soyeuse parcourant les traits de celle qui désormais était débarrassée du fléau qui la rongeait. Cesare ne souriait pas mais son regard brillait d’une lueur compatissante. Les artistes les plus passionnés auraient donné un bras pour peindre cette scène particulière dont émanait la toute beauté de la Trinité, une image de pardon, d’absolution, d’acceptation de soi et d’élévation spirituelle.

« Nous sommes tous guidés par la main invisible des divins, mais parfois ces derniers laissent leurs servants choisir leur propre voie. L’humain est de ce fait à la fois béni et maudit du don de volonté. C’est une épreuve, un test pour que seuls ceux dignes de leur confiance puissent avoir droit à la récompense éternelle. Maralina, vous êtes libre de penser et agir, mais n’oubliez jamais que c’est grâce à la Trinité. »

Maintenant que la chose était faite, il pensait qu’ils allaient quitter la pièce close sur une dernière prière commune avant que chacun ne s’en retourne à son quotidien, mais la milicienne à la chevelure platine avait encore une surprise pour prendre de court l’ascète. Qui aurait pensé qu’une simple phrase sans arrière-pensée décontenancerait si fort l’humble pratiquant avec la même efficience qu’une bourrasque fulgurante ? L’invitation de l’héritière des Bransats était tout à fait charmante et aurait ravi bien des hommes qui rêveraient de pouvoir partager un excellent repas dans la demeure d’un seigneur, en particulier si c’était sa fille aux charmes certains qui était à l’origine de l’invitation. Pourtant Cesare entrouvrit les lèvres sans piper mot, soudain immobile et le regard vague. Une situation qu’il n’avait jamais envisagée venait de faire son apparition aussi brusquement qu’une flèche surgie de nulle-part l’aurait transpercé. Il cligna des yeux à plusieurs reprises et on put même discerner une légère rougeur sur ses joues. Lui, modeste prêtre issu d’une famille de paysans, invité à la table des puissants. C’était un honneur mais surtout une pression à laquelle il ne s’attendait guère. Avait-il les bonnes manières ? Était-il au point concernant l’étiquette ? Accepter cette invitation lui vaudrait-il une réputation d’ami de la noblesse avec ses mérites et rumeurs désagréables ? Qu’en est-il du baron, quel genre d’homme était-il ?

« Et bien … »

Se rendant compte que sa voix était ténue, en parfaite contradiction avec son ton de tout à l’heure si sûr et éloquent, il toussota délicatement pour reprendre contenance et se redresser légèrement. S’humectant brièvement les lèvres de corail, l’agitation subtile de ses doigts trahissait une certaine nervosité qu’il tentait de dompter comme un dresseur apprivoiserait le lion indocile.

« Je vous avoue que c’est la première fois de ma vie qu’on m’invite dans la demeure d’un seigneur, comprenez donc ma surprise. Je suis très touché par cette offre et je suppose que partager le pain avec votre père sera un excellent moyen de faire connaissance avec ce dernier. Feu mon maître me disait toujours qu’un homme de Foi se devait d’apporter la bénédiction des Trois dans toute demeure qui lui ouvre ses portes. »

Joignant ses mains sous sa ceinture, il pencha doucement la tête devant lui en fermant les yeux, un petit sourire aux lèvres. Sa décision était finalement prise maintenant qu’il avait écarté le doute du seul raisonnement logique qui se devait. Rejoindre les Bransat sera une excellente expérience qui aidera le prêtre à mieux comprendre le terrain brumeux et mystérieux de la cour des seigneurs tout comme une occasion d’élargir son réseau de connaissances. Trouver des donateurs pour le Temple et des défenseurs de la religion était toujours une excellente chose qui valait bien la peine de sortir un peu de sa zone de confort. Mine de rien l’héritière aussi l’intriguait énormément, elle n’avait rien de la fille du noble ni de la milicienne patibulaire qu’on avait pour habitude de voir dans la Caserne. Elle sortait carrément du lot et avait attisé la curiosité de l’ecclésiastique. Une alliée précieuse au devenir ?

« J’accepte avec reconnaissance votre invitation. Auriez-vous des règles à me faire part, des choses que je dois connaître avant ? J’aimerais être à la hauteur de votre maison et ne pas manquer de respect à vos coutumes. »

Voilà qui prouvait que l’ascète, s’il était un excellent théologiste et un ecclésiastique affirmé, était assez maladroit et indécis en matière de cour ! Voilà qui promettait un spectacle pour le moins original.
Revenir en haut Aller en bas
Maralina de BransatMilicienne
Maralina de Bransat



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyMer 2 Oct 2019 - 21:45



La milicienne redressa doucement la parole, son regard cendré dévisageant le prêtre qui avait un léger sourire aux lèvres. « Si. Soyez vous-même mon père. Le baron apprécie les hommes logiques et francs, tant que vous ne chercherez pas à le tromper, je crois que vous vous en sortirez très bien. » Laissant le silence s’emparer de la pièce pendant quelques secondes, la milicienne posa son regard sur la porte en reprenant; « Ne vous laissez pas impressionner par son air froid… » La jeune femme releva doucement son regard pour croiser une nouvelle fois celui de son interlocuteur. « Si vous n’y voyez pas d’inconvénient mon père, je vous demanderais de m’excuser. J’ose espérer vous voir au coucher du soleil au manoir de Bransat. » Ne demandant pas son reste, Maralina se redressa avant de s’incliner, un léger sourire aux lèvres… La soirée s’annonçait définitivement intéressante…



***


« Tu as fait quoi?!? »


Le regard glacial de son paternel semblait soudainement s’être voilé d’une violente colère. Elle pouvait voir un brasier se déclencher sous le masque de marbre de ce dernier. Mais la milicienne ne broncha pas, elle avait vu que trop souvent ce regard gorgé de colère, et les éclats du Baron étaient loin de la déranger, surtout depuis qu’elle était devenue milicienne. « Je l’ai invité à dîner pour le remercier. Vous n’avez pas a y assisté si l’envie n’y ait pas, Votre Honneur. » Elle avait mentionné son titre d’un ton froid, faisant par exprès pour lui faire comprendre qu’elle n’appartenait plus à cette caste. Le baron quant à lui, soupira avant de s’assoir de nouveau dans le fauteuil derrière lui. Son regard semblait s’être apaisé, mais ses doigts crispés sur la coupe qu’il tenait dans sa main ne trompaient personne. Son regard grisâtre ne lâcha pas sa fille, silencieux, il observa la jeune femme qui se tenait devant lui. Elle ressemblait tellement à sa mère à cet instant précis. Les mêmes cheveux blonds, presque blanc qui tombaient lâchement sur ses épaules. Qu’aurait dit Hélèna si elle avait vu sa fille en tant que milicienne? Aurait-elle été fière? Ou au contraire, aurait-elle agi comme lui? Il soupira, avant de porter la coupe à ses lèvres, prit une longue gorgée du Nectar sucré qui s’y trouvait, puis déposa sa coupe sur la table de bois modestement décorée qui se trouvait à sa gauche. « Va avertir Marie que nous aurons de la compagnie ce soir. Fais en sorte qu’elle serve un dîner digne de notre invité. Ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit le clergé. » Maralina acquiesçât rapidement la tête, avant de tourner les talons. À peine eut -elle le temps d’ouvrir la porte que son père ajouta; « Et laisse les habits de milicienne au placard pour l’amour de Rikni! »


***


À la nuit tombée…



Ses poings se serrèrent rapidement alors que Marie lassait fermement la robe de la milicienne. Ce qu’elle pouvait détester ses tenues d’apparats maintenant! Même si la robe n’avait rien d’extrêmement luxurieux si l’on comparait à certaines autres dames de la cour du Duc, cela n’empêchait pas que la pièce, impeccablement taillée, mettait bien en valeur la taille menue de celle qui la portait. Marie fit une rapide boucle avant de replacer rapidement les cheveux de la milicienne. « Voilà! Digne des femmes de la haute… » Maralina leva rapidement les yeux aux ciels à cette remarque, ce qui sembla amusé encore plus la domestique. « Allez, je retourne à mes occupations! Notre invité devrait arriver sous peu! Cela serait dommage de le faire trop attendre! » Bouclant une nouvelle fois une mèche de cheveux de la jeune femme, elle lui tapota l’épaule affectueusement, avant de sortir de la pièce, laissant une milicienne beaucoup trop nerveuse pour une si banale rencontre. La domestique retourna rapidement en cuisine, ajustant de quelques herbes aromatisées le chaud ragout qu’elle avait concocté. Une recette que sa grand-mère lui avait léguée! Un plat tout en raffinement, qui pourtant savait vous réchauffer et vous garder l’estomac bien rempli! Marie se retourna rapidement pour jeter un dernier regard sur ce qui se passait en cuisine, une nouvelle fournée de pain sera bientôt prête. Le dessert était prêt. D’un pas décidé, elle sortit rapidement de la pièce pour aller vérifier que tout était en ordre dans la salle à manger. Couvert parfaitement aligné, la coutellerie la plus fine que le baron possédait était sortie, tout pour que ce dîner soit parfaitement réussit.


Fière, la domestique mit ses mains sur ses hanches en regardant sa réussite, et ce fut à ce moment précis que le Baron entra dans la pièce. Marie lui fit un sourire satisfait et ce dernier impassible, ne se contenta que de rétorquer; « Tout est prêt à ce que je vois… Maralina aussi? » Marie se contenta de hocher la tête en souriant. Ah si seulement il l’avait vu! Il n’aurait pas l’air si inquiet! Et peut-être que cela l’aurait forcé à se dérider un tantinet! Et ce fut à ce moment précis que l’on put entendre les coups sur la porte. C’était le moment… Le baron soupira, avant de baisser le regard. « Très bien, j’attendrais notre invité dans le salon. » Pendant que ce dernier se rendit dans ladite pièce, Marie ne perdit pas son temps et alla rapidement ouvrir la porte pour laisser entrer le pauvre bougre qui s’était frotté à la morsure du froid. « Mais rentrez mon père! Restez pas dehors par ce temps! » Une fois que l’homme du clergé fut dans l’intérieur de la demeure, la domestique referma rapidement la porte derrière lui et tenta tant bien que mal de lui enlever son manteau encore enneigé. « La fange et la rigueur de l’hiver! Il faut croire que les trois ne nous ménagent pas! » Continuant de jacasser sans laisser la pauvre âme glissée un quelques mots, la domestique tenta tant bien que mal d’accueillir le membre du clergé et le guida rapidement au salon sombrement décoré, là, où un homme de grande stature, un air froid et des yeux aussi gris que celle de la milicienne se tenait debout.


Le baron était impatient de rencontrer l’homme si généreux qui avait laissé une chance à son enfant. Ce qu’elle avait commis était un impair hors du commun, et pourtant, cet homme semblait avoir vu quelque chose en elle pour la laisser partir. Ulric combla les quelques pas qui les séparaient, avant de prendre la parole; « Bienvenue dans mon humble demeure mon père. J’ose espérer que le chemin entre le temple et l’esplanade n’a pas été trop difficile? Cet hiver me semble beaucoup plus ardu que les précédents… » Ulric s’arrêta, laissant sa phrase en suspend pendant quelques secondes avant de montrer un des confortables fauteuils qui ornait le petit salon de la demeure prêter par le duc. Le Baron attendit que ce dernier soit confortablement installé avant de s’assoir en face de leur invité d’honneur. Il regarda la porte, alerte, avant de se retourner vers le prêtre. « Je tenais à vous remercier personnellement pour ce que vous avez fait et offert à ma fille. Et ce, malgré son approche, disons des plus inédites… » Le baron soupira avant de reprendre rapidement la parole; « Essayer de contrôler Maralina est probablement l’une des quêtes les plus vaines que j’ai tenté d’entreprendre. » Ulric attrapa doucement la carafe de vin qui ornait la table basse entre les deux hommes avant de verser un verre à son invité. Il déposa doucement la coupe devant ce dernier avant de s’en verser une bonne rasade à son tour. La soirée risquait d’être fort distrayante…


PNJ

Revenir en haut Aller en bas
CesarePrêtre responsable
Cesare



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptyMer 27 Jan 2021 - 17:39
L’Esplanade était impressionnante. Des demeures opulentes et fières, espacées les unes des autres par un vaste attirail de jardins et de murs bordés d’herbes folles, le dallage même du sol ne souffrait d’aucun interstice ni flaque nauséabonde qu’on rencontrait souvent dans les quartiers les moins favorisés de la grande cité. Des urnes garnies de plantes aux couleurs chatoyantes trônaient allègrement sur des socles de pierre immaculée tandis que nombre d’étendards et oriflammes saisissaient le regard fasciné du prêtre qui se serra davantage dans sa cape grisâtre. La neige ajoutait une ambiance surréelle aux vastes cours alambiquées et aux arbres aux branches alourdies qui pendaient vers le sol comme des nuages cotonneux. Le froid était particulièrement mordant et les sandales de cuir de l’agent du Clergé ne protégeaient aucunement ses pieds engourdis. Mais il était reconnaissant de ressentir pareilles sensations d’inconfort. La cruauté de la nature lui rappelait qu’il n’était qu’une insignifiante pièce dans l’immense échiquier du monde, un grain de poussière dans une mer de sable et que son existence dans le monde matériel n’avait pour unique but que de clamer haut et fort son amour et son indéfectible dévotion pour ses divins protecteurs. D’autre part, ces luxurieuses habitations n’étaient que des ersatz comparés à l’éternelle beauté du Haut Temple et de sa sacralité qui pouvait taire d’humilité le palais même du Duc récemment couronné.

C’est donc tremblant mais l’esprit illuminé que l’ascète prit congé d’un groupe de vougiers patrouillant aux alentours après lui avoir indiqué la direction à prendre pour rejoindre la demeure des Bransat, une bâtisse particulièrement imposante par rapport aux standards d’un simple provincial. Se frottant énergiquement les mains, il renifla bruyamment son nez rougi et toqua énergiquement à la porte, tentant de reprendre une contenance digne de son rang plutôt que garder cette apparence de mendiant emmitouflé dans ses haillons. Une brave servante à la mine joviale et au parler très amical l’accueillit avec plaisir et il la remercia humblement quand elle le débarrassa de sa cape ordinaire couverte de flocons. Non, il ne portait aucune tenue extravagante digne de ses généreux hôtes au sang noble, Cesare était si souvent affublé de sa robe cléricale aux couleurs de la Trinité indivisible et sans prédilection particulière que l’on pourrait se demander si la soutane n’était pas fusionnée à sa chair comme une seconde peau. La réponse était moins farfelue, le cénobite était juste un adepte de la modestie et de l’humilité et ne s’encombrait d’aucun ornement ou joyau précieux.

« Merci mon enfant. »

Vaste était le premier mot qui vint à l’esprit du pratiquant tandis que ses yeux exploraient avec curiosité l’intérieur de la demeure seigneuriale. Un luxe pareil était le Graal de tout citoyen cantonné dans les faubourgs délabrés et surpeuplés au-delà des herses séparant l’Esplanade du reste des roturiers, ce qui rendait le sacrifice de la jeune Maralina d’autant plus impressionnant. N’importe qui aurait préféré succomber à la Fange plutôt qu’abandonner une existence concupiscente et hédoniste, mais il commençait déjà à voir l’héritière déchue comme une personne peu commune, pour ne pas dire une anomalie dans l’ordre naturel de ce monde.

Le parfum qui vint caresser les narines humides du visiteur l’envouta aussitôt. Par la grâce des Trois, l’arôme alléchante qui venait des cuisines promettait les plus suaves caresses sur ses papilles gustatives. Honteux de ressentir un tel attrait pour la nourriture des gens aisées tandis que d’autres se battaient pour une croûte de pain pour survivre, le rigoureux religieux apaisa d’un froncement de sourcils l’appel de la gourmandise qui s’était éveillée en lui à la manière d’un chien indocile. C’est d’un pas mesuré qu’il suivit la servante pour rejoindre le seigneur dans le salon soigneusement rangé et sobrement embelli. Le baron ne semblait pas être de ces pompeux puissants qui se délectaient à exhiber leur fortune sous toutes les formes extravagantes d’ornements, tapisseries et trophées, ce qui était une très bonne première impression faite au clerc éternellement critique. Le seigneur l’attendait justement, droit et rigide comme une statue de marbre. Ses traits sérieux, ses yeux plus tranchants que l’acier dont il en exhibait les couleurs métalliques, sa posture digne d’un sergent, il avait l’impression de voir un étrange exemplaire de feu son mentor.

« Que la paix de la Trinité soit avec vous, seigneur Ulric. » répondit l’ascète en penchant doucement la tête devant lui. Joignant ses deux mains derrière son dos, il ajouta sur son habituel timbre de voix profonde et réfléchie « Remercions Les pour cet hiver rigoureux, car on ne saurait s’oublier dans le réconfort et la concupiscence. On apprend à apprécier la générosité de nos Dieux en ces moments d’épreuve, telle est Leur sagesse. ». Il n’y avait que Cesare pour voir dans les plus sévères saisons un bienfait quelconque, ce qui le distinguait déjà nettement du reste de ses confrères qui le voyaient, souvent, comme un cas particulier de ferveur zélée.

Sur invitation du baron, les deux individus de pouvoir s’installèrent sur les étonnamment confortables sièges disposés à leur égard. Ces fauteuils étaient considérablement plus doux et moelleux que le lit spartiate de l’exercitant, bien qu’il n’échangerait pour rien au monde son mode de vie austère. À la vue de la coupe de vin que lui tendait le maître des lieux, Cesare leva doucement sa main droite, paume révélée, pour refuser poliment l’offrande. « Merci pour votre générosité, mais je préfère souvent éviter tout ce qui trouble l’esprit et l’âme. Peut-être après notre conversation, si vous le permettez. »

Joignant ses doigts sur ses jambes, il entama un contact visuel prolongé avec Ulric, les deux regards se jaugeant respectueusement sans cacher une forme de curiosité réciproque à l’égard de l’autre. Quand il mentionna sa fille, le prêtre hocha lentement la tête. Le baron ne tournait pas autour du pot et exprimait ses pensées sans s’évertuer de subterfuges verbaux. Quoi de plus naturel, après ce que Maralina lui avait avoué dans le confessoire sur l'admonestation d’un père déçu que sa seule héritière abandonne son titre pour se mêler à la piétaille mal-lavée qui formait leur seule barrière face aux horreurs de la Fange.

« Les Trois connaissent votre peine et vous soutiennent dans cette épreuve, seigneur Ulric. Pour avoir sous mon égide bien des disciples souvent capricieux, je ne peux que compatir. » S’humectant les lèvres brièvement, il laissa un moment de silence planer avant de reprendre sur son ton paternel « Ces temps sont aussi étranges que difficiles. Tout ce que nous avions cru savoir sur le monde et sur notre rôle a été bouleversé, nos règles et nos coutumes sont défiées par les aléas d’un nouvel âge, une nouvelle ère dans laquelle nous tâtonnons craintivement en quête de la lumière de la Trinité, de la réponse à nos questions, nos doutes, notre confusion. »

Levant les yeux pour fixer le plafond, le bout de ses doigts se joignant les uns aux autres pour former une pyramide, il soupira légèrement entre la commissure de ses lèvres. « Le croyant ne peut qu’essayer de garder foi et faire confiance en l’immense sagesse de nos divinités. Leurs voies ont toujours été mystérieuses et la portée de leurs plans dépassent de loin notre compréhension mortelle de l’univers qui nous entoure. Nous sommes les pièces d’une immense fresque dont on ne voit qu’une kyrielle éparse et confuse. C’est ce que j’ai vu chez votre fille. »
Revenir en haut Aller en bas
Maralina de BransatMilicienne
Maralina de Bransat



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] EmptySam 6 Fév 2021 - 17:54



Le baron ne répondit rien alors que le clerc refusait l’aromatique breuvage, Maralina lui avait dit ce qui s’était passé dans la bibliothèque du temple. Elle lui avait raconté ses actes insensés, et le prêtre qui l’avait interpellé. Il devait avouer qu’il n’avait aucune idée de comment leur – disons – confession s’était déroulée. Surtout que l’homme s’était retrouvé invité à sa table. Tout cela n’était définitivement pas un acte farfelu ou impulsif de sa fille. Il la connaissait assez pour savoir que ce n’était pas son genre. Elle avait vu une opportunité, et l’avait prise. Mais son but, lui restait un mystère… Peut-être était-ce réellement pour se faire pardonner sa curiosité? Néanmoins, le baron l’écouta attentivement, le visage sans émotion alors que le prêtre prenait la parole. Ainsi donc c’était pour cela qu’il était là, pour lui parler de sa fille… Ulric se cala dans son fauteuil, les yeux sans émotion qui fixait son invité. « Maralina est en effet une jeune femme très particulière. » commença-t-il avant de se redresser pour aller observer les flocons de neige qui dansaient doucement devant ses yeux. « Je l’ai su bien vite. Elle était brillante, et logique. Et lorsque j’ai appris de sa gouvernante qu’elle répliquait les combats de chevaliers dans sa chambre. Je me suis dit qu’elle irait bien loin et qu’il n’était pas nécessaire de réagir. J’ai cru que c’était un prémice à quelque chose de plus grand. Qu’elle aussi, gèrerait la baronnie d’une main de fer. Qu’elle serait l’image même des Bransat. Et qui sait? Si nous étions encore à Bransat peut-être que les choses seraient différentes. » Ulric se retourna vers le prêtre, le fixant à nouveau avant de faire quelques pas vers ce dernier, s’arrêtant derrière le canapé où il était préalablement installé. Il déposa ses deux paumes sur le dossier, avant de se pencher légèrement vers l’avant alors que son regard sembla s’assombrir pendant une seconde.


« Tout ce que nous devons décider est ce que nous devons faire avec le temps et les opportunités qui nous ont été donnés par les dieux. Ma fille avait d’innombrables avantages, surtout si l’on compare aux autres gens qui vivent dans nos rues. Et elle l’a abandonné pour quoi? Mettre sa vie continuellement en danger? Par manque d’attention? » Ulric soupira avant de se réasseoir sur le confortable canapé alors que ses prunelles cendrées se portèrent sur le sol, comme s’il était perdu dans ses pensées. Ses paroles avaient été sèches et tranchante. Le baron peignait sa fille comme cette mauvaise personne qui avait rejoint un culte. Au fond de lui, Ulric savait pertinemment que ce n’était pas sa fille. Que jamais elle n’aurait abandonné tout cela sans un plan concis et logique. Mais il avait bien du mal à lire son plan, à lui faire confiance. Il ne voulait pas dépouiller la fierté de sa fille, Ulric la connaissait que trop bien et la voyait progresser tous les jours. Maralina travaillait très fort pour être une milicienne redoutable, et mettre toutes les chances de son côté. Combien de fois l’avait-il observé de la fenêtre alors qu’elle s’entraînait dans la cour avec ses chevaliers? Et les sentiments qui le submergeaient étaient si intense, qu’il avait l’impression de perdre le contrôle. Si un jour il était fier, le lendemain il avait honte…


Il se savait plein de contradictions, il savait pertinemment qu’il ne tolérait pas chez sa propre fille ce qu’il attendait des autres. Jamais il n’aurait laissé quiconque lui faire du mal, il avait toujours pris soin d’elle, et aurait probablement tué quiconque qui l’aurait touché… Cela avait toujours été son devoir en tant que père, mais ce n’était plus le cas. Maralina l’avait tellement repoussé en entrant dans la milice. Elle n’était plus sous son contrôle, plus sous sa protection. Peut-être était-ce cette émancipation qui l’enrageait le plus? Elle n’était plus une jeune fille, plus les jours passaient, plus Maralina devenait une femme. Une femme fière de son nom, fière de sa maison. Le baron soupira avant de redresser son regard une nouvelle fois vers le prêtre; « Vous savez aussi bien que moi que je donnerais ma vie pour cette enfant qui grandit, car c’est ce qu’elle est pour moi. Mon enfant. Mon sang et nul n’y changera quoi que ce soit. Pas même les dieux. C’est la dernière personne qui me reste. » révéla-t-il au prêtre.

Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
MessageSujet: Re: Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]   Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare] Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit [Cesare]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - Quartiers populaires ⚜ :: Temple de la Trinité :: Bibliothèque-
Sauter vers: