Supervision [PV Rougelac & Sombrebois]

Si la situation a l'extérieur du château devenait inquiétante, le Baron semblait garder un certain sang froid à tout épreuve. Un sourire aux lèvres suite à la réaction du Gouverneur, peu habile dans l'art de l'archerie, Hector ne semblait désireux de rabaisser en quelques manières son riche allié, l'invitant alors à récupérer sa coupe de vin pour ensuite reprendre de la hauteur dans la pièce dédiée au banquet. Observateur, le Comte de Rougelac devait bien admettre que le Baron possédait une certaine aptitude à rassurer et mener les hommes. Si l'inquiétude pu se lire sur le visage de certains ouvriers, nul vent de panique s'immisca dans les rang des convives.

Un certain naturel, une décontraction évidente donnaient à l'illustre seigneur de la place forte une dimension telle qu'on ne pouvait nier ses racines à la fois nobliales et guerrières. Une maîtrise de soit indispensable à qui souhaitait régner sur un lopin de terre reclu au cœur d'une forêt dont la menace pouvait surgir de chaque buisson. Lorsque Victor fut enfin rejoint par son semblable, il sirota bien volontiers le précieux nectar avant d'offrir ce qui s'apparentait à un aveux jusque là connu de peu de marbrumiens.

- Pour tout vous dire, j'ai connu l'année passée un siège fangeux. Sur le domaine de Ventfroid. Une visite d'affaire plutôt mouvementé. Je ne vous apprend rien si je vous disais avoir assister à cette attaque du haut de la plus haute tour du château, en compagnie de la Comtesse Ambre tandis que son époux vendait chèrement sa peau sur le champ de bataille. Mais il faisait nuit et les combats sévissait à quelques lieux, n'ai-je surtout qu'appercu les torches au loin. Mais j'ai pu tout de même ressentir cette tension et cette peur.

Loin de vouloir le faire participer, Hector invita le Comte à l'accompagner sur les hauteurs du château et ainsi voir de ses propres yeux ses compagnons et lui abattre les fangeux qui étaient attirés par la chair humaine. Malgré un léger frisson lui parcourant l'échine, le quadragénaire gardait son sang froid et sa prestance, une obligation pour ne pas paraître être un homme de peu de courage. Il assista alors à la volée de flèches s'abattant sur les horribles créatures, s'imprégnant de cette atmosphère lourde et ténébreuse. Le déluge d'acier se mêlait au vent, à l'arrivée d'un épais nuage gorgé d'eau et menaçant, rendant la scène presque épique. Victor en tira des enseignements et le premier d'entre tous était bel et bien la solidité de la structure. Ce château se dressait depuis des générations et pouvait se targuer d'être un rempart efficace face à toute menace. Les hommes et femmes qui y residaient semblaient solidaires, un autre facteur positif. L'entraide était nécessaire, plus qu'elle ne pouvait l'être dans la capitale du Duché.

Victor, les yeux plissés, la mine grave, ne manquait rien de ce spectacle funeste ô combien symbolique. De toute évidence, le choix de son investissement se confirmait être le bon. La capacité à se défendre ne faisait aucun doute et lorsque le mur serait totalement réhabilité, le challenge n'en serait que plus savoureux. Avec une certaine décontraction et apres avoir félicité ses sujets, Hector reprit sa coupe lorsque le dernier fangeux s'écroula au sol. Donnant des consignes à Hilde et Rodron, le Baron reporta alors son attention sur le Comte qui s'appuyant contre une pierre du chemin de garde pour regarder en contre bas. Se redressant, il avisa son homologue dont la demande était étrangement peu précise. Mais c'était bien dans cet art que le Comte excellait, loin de maitriser le fer, il pouvait compter sur sa verbe et son discernement comme arme.

La quiétude avait reprit ses droits et Victor balaya longuement du regard le paysage qui s'affichait devant lui. C'était la première fois qu'il pouvait observer le domaine d'un point de vu plus large. S'attardant un instant sur la forêt qui entourait le domaine, il déporta son attention vers les remparts en construction avant de finir son observation sur le Bourg en ruine. Attrapant la bouteille de rouge, il se servit une autre coupe de vin, pour ensuite garder longuement en bouche le nectar carmen, plongé dans quelques réflexions. Ce ne fût que lorsqu'il déglutit que le Comte répondit à son allié.

- Ce que j'en dis ? C'est un pari fou et c'est en cela que le jeu en vaut la chandelle. Vos illustres n'ont point choisir par hasard d'investir ses terres. Il y a tant à exploiter et la mer est proche. Les fangeux ne sont pas en capacité de fondre en hordes sur votre domaine, c'est là l'avantage d'un terrain forestier plutôt qu'une plaine.

Il acquiesça pour lui-même de la tête avant de reprendre.

- Il y a une bonne base de travail... et le projet semble plus que viable si nous prenons les bonnes décisions. Lorsque le rempart sera achevé, un grand pas sera fait et votre château assure une position stratégique non négligeable.

Il est vrai qu'à cette hauteur, on pouvait discerner l'horizon à plusieurs lieux, offrant un panorama exceptionnel sur la région boisée. Au Nord la capitale, à l'Ouest le Labret et à l'Est la Mer. Sombrebois jouissait indéniablement d'une position avantageuse et il faudrait en tirer profit à l'avenir. Les événements n'avaient évidemment pas laissé insensible le sang-bleu, il ne pouvait éluder de son esprit cette offensive de la Fange, aussi bénine soit-elle et sa mine s'en retrouvait grave, conscient du long travail qu'il fallait encore accomplir. Humble, il montrait une facette bien différente du jeu d'influence et de faux semblant qu'il exerçait avec un certain talent sur l'Esplanade. Etait ce dû à la crise de la quarantaine ? Son épouse, la Dame de Rougesoleil qui lui donnait à la fois une sérénité naissante et l'avait vu se remettre en cause dans cette configuration familiale nouvelle ? C'etait peut-être une somme de facteurs qui l'avait vu changer de cette vie de dupe et de luxure.

- En hordes, certes non... mais je vous avouerais qu'ils sont souvent plus nombreux que ça !

La vision stratégique du comte de Rougelac surpris légèrement le baron. S'il savait que son nouvel allié n'était venu ici pour le plaisir de la chasse en forêt, il n'avait pas imaginé que la position géographique de ses terres pouvaient intéresser tout particulièrement le noble mondain. Bon, peut-être le découvrait-il seulement aujourd'hui, grâce à la hauteur offerte par le point de vue. C'était une sorte de bonus, de potentiel exploitable, en plus des revenus que rapporteraient, à terme, les investissements fait dans le bourg. Hector avait également commencé à envisager quelques activités secondaires après tout...

- Il y a une bonne base de travail... et le projet semble plus que viable si nous prenons les bonnes décisions. Lorsque le rempart sera achevé, un grand pas sera fait et votre château assure une position stratégique non négligeable.
- Je n'ai eu grand choix sur la position du château... Mais je suis heureux qu'elle vous convienne. Il serait ardu de le déplacer, à dire vrai !

Les deux hommes profitèrent de l'agréable point de vue et du bon vin, discutant quelques instants avec bonhommie. Ils purent voir les hommes de Sombrebois récupérer les flèches, déplacer les cadavres des morts-vivants - bien morts cette fois ! - vers l'arrière du château et puis, après quelques minutes, quelques ouvriers et gardes du mur commencèrent à prendre l'air, restant néanmoins à proximité des murs rassurants du fort. Le ciel était toujours couvert. Ce n'était effectivement pas le meilleur jour pour une balade en forêt.

Hector pensa un moment donné à la rénovation du restaurant de Piana qui allait bientôt s'achever. Devait-il en parler à Victor ? Ce "relai" qui était en passe d'être achevé était, a priori, destiné à lui et ses hommes. Pouvait-il en faire profiter Rougelac ? Pouvait-il déjà le considérer - au delà du serment qu'il avait fait - comme l'un des siens ? Quel risque courait-il à lui laisser un double des clés ? Qu'il annexe ce bâtiment - pour le coup très stratégique - entre les deux dernières cités encore debout du Morguestanc. Tout était imaginable...

Attendons ce soir, j'aurais une meilleur idée du personnage... Se dit-il en jetant un œil à la bouteille vide, L'alcool délie les langues...

- Allez, retournons en bas, voyons comment se poursuit cette petite fête !

Et le baron prit le chemin de la descente pour retourner dans le hall où les hommes avaient retrouvé une certaine allégresse. Le buffet avait été consommé. De la nourriture et du vin ne restaient que des miettes et des bouteilles vides. Certains hommes avaient bu un peu plus que de raison et riaient aux éclats. L'un d'eux s'approcha de Pénélope dans une manœuvre de séduction de bien mauvaise facture... et se fit rabrouer par la cuisinière. L'instant d'après, un second - un soldat - fit de même auprès de Marie-Ange, la prêtresse, et se vit offrir un baiser. Quelques sifflets et applaudissements s'élevèrent de ces hommes.

- Marie-Ange vient de faire un heureux ! Glissa Hector à son invité.

Il se dirigea d'un pas tranquille vers sa prêtresse qui déjà s'était écartée de l'homme afin de lui signifier sans ambiguïté qu'il n'aurait rien de plus. Hector apprécia la clairvoyance de la jeune femme et, finalement, arrivé à sa hauteur, ne lui fit aucune remarque sur le baiser, se contentant de lui présenter Rougelac.

- Marie-Ange, je vous présente le comte de...
Elle l'interrompit.
- Enchanté, monsieur de Rougelac... Fit-elle avec un sourire charmeur.

Le baron regarda la blonde au long pendentif avec surprise. Comment connaissait-elle son nom ? Il ne lui semblait pas les avoir déjà présenté... S'étaient-ils déjà vu à Marbrume ? Avait-elle usé d'un de ses pouvoirs mystiques pour deviner son nom ?

Bizarre, bizarre.

Hector connaissait mieux que quiconque l'environnement dans lequel son invité de marque œuvrait depuis le mois d'avril et une fois n'était pas coutume, le quadragénaire se reposait volontiers sur l'expertise de son semblable. Si la menace de la Fange était bien réelle, la preuve en était présentement, elle restait sommes toute mesurée, grâce sans doute à la topographie du terrain, mais Victor se permit toutefois un bémol qui n'avait pourtant pour objectif de contredire le Seigneur des lieux.

- Le risque pourrait être plus important dans les prochaines années... nous devons anticiper cette éventualité. Pourquoi me direz-vous ? Si nous redonnant vie à votre domaine, vos terres qui jusqu'à présent n'étaient point peuplé que d'une poignet d'hommes et de femmes, devraient attirer ces monstres qui sentiront indéniablement une plus forte odeur humaine, et ne parlons pas non plus de l'accroissement d'activité qui éveillera l’ouïe de ses abominations.

Hector devait le savoir, évidemment, mais un simple rappel cela ne mangeait pas de pain après tout. La note d'humour du baron qui s'en suivit trouva évidemment écho chez son partenaire qui continuait à profiter de la vue non sans le moment venu, s'attarder sur les vassaux du seigneur guerrier déblayant en contre bas le terrain et ainsi faire disparaître toute trace de la Fange. Si l'on ne pouvait encore parler d'une franche complicité et amitié entre le mondain et le légendaire porteur de hache de guerre, leur relation continuait à s'affiner, une nécessité. Finalement, en chef d'orchestre de cette soirée bien mouvementé, Hector de Sombrebois invita son allié à reprendre le chemin des festivités au sein du château. Il était plaisant de constater l'atmosphère bon enfant qui y perdurait malgré les événements survenus à l'extérieur. Une femme, paré d'un long pendentif s'offrait même un court instant de lumière sous les vocalises enjouées de l'assistance avant de rejoindre le Baron.

Ce dernier n'eut d'ailleurs pas l'occasion de finir les présentation que cette fameuse "Marie-Ange" s'imposa pour, dans une attitude charmeuse, saluer le Comte de Rougelac. Il semblait donc que la jeune femme était bien informé quand à l'identité de l'homme qui se tenait tout à coté d'Hector. Victor ne cacha pas sa surprise, car ce joli minois lui semblait totalement inconnu jusqu'à aujourd'hui.

- Tout le plaisir est pour moi, madame... Nous nous sommes nous déjà croisé quelque part ?

Il interrogea du regard Hector, peut être ce dernier pouvait-il l'aider à replacer la jeune femme dans son esprit, seulement, il n'en fut rien et avisant à nouveau Marie-Ange, il reprit usant de son éternelle aptitude à l'étiquette.

- Vous avez là, un ravissant pendentif. Et dois-je vous féliciter de cette subtile façon d'avoir éconduit ce soldat.

Lâcha-t-il, un léger sourire à la commissure de ses lèvres, comme pour donner un sincère crédit à la démarche impeccable de la jeune femme. Il reporta son attention sur Hector avant d'achever.

- J'imagine que cette dame compte parmi votre proche cours ?

Curieux, il fallait bien achever les présentations après tout et qui sait si marie-Ange allait laisser le soin au Baron de Sombrebois de s'exprimer ou plutôt continuer à prendre la conversation à son propre compte. Qui puis-est, son attitude charmeuse avait de quoi interpeller le mondain...

Hector sourit au questionnement de Rougelac face à son imprévisible prêtresse. Il ne savait pas plus que lui comment elle le connaissait. Une chose était certaine, le comte n'était nullement perturbé par cette surprise et apparut même légèrement charmeur vis à vis de la jeune femme. Hector, en séducteur patenté, apprécia sa rhétorique... Marie-Ange, sur ce plan là, n'était jamais en reste :
- Je n'ai jamais eu l'honneur de vous parler... mais, vraiment, monsieur le comte, qui n'a pas entendu parler du sire de Rougelac ? et... si les descriptions les plus folles circulent sur votre compte, aucune ne semble digne du visage courtois que j'ai l'honneur de mirer séant.

Elle offrit un joli sourire plein de malice et de séduction (elle non plus n'en manquait pas) au comte avant de reprendre :
- J'aime les présents et je crois en leurs multiples bienfaits. J'en ai offert un à ce soldat et ce pendentif en est un qu'un de vos semblables, feu le comte de Jourdan, m'avait fait. Les présents ravissent autant ceux qui les reçoivent que ceux qui les font... pour peu qu'ils soient fait de bon cœur.

De ses robes elle sortit une longue plume de faisan, aux multiples nuances de bruns, beiges et striée de noir.
- En voici un pour vous, cher comte.

Hector sourit. Cette Marie-Ange avait décidément bien plus d'un tour dans son sac.

- Elle n'est pas dans ma cour. Et cela pour deux bonnes raisons : la première est que je n'ai pas de cour, voyons ! nous sommes à Sombrebois ! La seconde est qu'elle n'est point et ne sera jamais - je crois - une courtisane !

Marie-Ange sourit et acquiesça d'un discret mouvement de tête.

- Mais n'hésitez point à me faire la cour, il était toujours agréable de se sentir désiré, n'est-ce pas Messieurs ?

Hector ne put s'empêcher de rire de bon cœur à l'énonciation de cette vérité si rarement franchement formulée. Cette petite, d'esprit, était tout à fait Sombreboisienne ! Et même si certains de ses traits lui restaient encore inconnus, il ne regrettait nullement de l'avoir amenée ici même.

Et pendant qu'ils bavardaient gaiment, certains hommes commençaient à quitter le château. Ils rejoignaient probablement le temple de Sombrebois, là où se trouvait leur dortoir. Après tout, le danger passé, mieux valait ne pas attendre que la nuit tombe pour regagner ses pénates. Hector hésita un instant à en faire officiellement l'annonce... mais il lui sembla qu'il n'était pas encore si tard que cela et, même s'il n'y avait plus rien à manger, le château était encore un lieu agréable pour ceux qui souhaitait prolonger ce moment de convivialité simple mais authentique.

Mais qui était donc cette étrange mais non moins ravissante créature. Interpellant l'esprit du Comte, Marie-Ange semblait savoir capter l'intérêt d'autrui à n'en pas douter et sa prestation face aux deux nobles en était la preuve. Doué d'un savoir vivre certaine, elle semblait bien habile à l'étiquette. Non sans gène, la prêtresse flattait l’ego de l'invité de marque du Seigneur de Sombrebois ce qui n'était évidemment pas pour déplaire à ce dernier. Malicieuse, séductrice, Marie-Ange prenait à son compte les échanges poussant son opportunisme coup sur coup. Dans un premier temps, elle s'offrit le luxe de donner un présent au Comte, une plume de faisan, quel message subliminal devait-t-il y voir ? Il n'en savait que trop rien, remerciant la jeune femme en la gratifiant d'un sourire charmeur alors qu'il flattait la plume du bout des doigts.

- Ce présent m’honore très chère. J'ose espérer pouvoir vous retourner un tel geste de sincérité à l'avenir.

Mais pas le temps de noyer son regard sur ce petit bout de femme aussi intriguant qu'alléchant, que le Baron réfuta toute idée de cours dans le domaine que foulait le Comte de Rougelac. Ainsi, Hector restait humble, ne s'adonnant à quelques luxe de prestige, une information à prendre en considération et pas des moindre. Révélant à son semblable que leur comparse de bavardage n'était et ne serait jamais considéré comme une courtisane, Victor dévisagea une fois de plus l’intrigante. Qui était-elle ? Quel rôle officiait-elle sur le domaine ? Pourquoi se comportait-elle ainsi devant lui ? Des questions jusque là sans réponse qui poussait à accroître l'intérêt sur sa personne. Son regard perçant n'obtenait pourtant toujours pas la moindre réponse et il s'en retrouva plus encore déconcerté lorsque de son ravissant minois, elle l'invitait à le courtiser sous les rires amusés du Baron de Sombrebois en personne.

Alors que la salle se vidait, le trio campait toujours dans le lieu des festivités et Victor semblait désireux de ne pas écourter sa présence, autant par intérêt auprès de son allié que par l'agréable compagnie de Marie-Ange dont il ne voulait se séparer prématurément, faute au pouvoir d'attractivité qu'elle commençait à clairement exercé sur le mondain de la Capitale. La prêtresse qui offrait une contradiction plutôt amusant avec les propos tenu par Hector, était de bonne compagnie oui et il ne fallait pas demander deux fois à Victor pour courtiser une femme, conscient que son hôte l'était tout autant avec la gente féminine, sa réputation le précédait et les deux hommes devaient sans doute rivaliser par un tableau de chasse de conquêtes des plus étoffés.

- Prenez garde madame, si vous avez réellement entendu parlé de moi, vous n'êtes pas sans savoir que je ne manque d'aucune ressource lorsqu'il s'agit de courtiser ces dames. Cet exercice est d'ailleurs bien plus savoureux lorsque la dite dame en connaît les règles du jeu.

Dit-il sur un ton léger et taquin, cherchant l'approbation du Baron en personne.

- Mais il me reste à savoir quel rôle vous jouez en ce lieu et si mon instinct s'avère toujours affûté, je dirais que votre importance en ce lieu est non des moindre.

Lui roulant un regard subtilement charnel alors qu'il détaillait discrètement les courbes de la dite Marie-Ange, il reposa un instant son attention sur Hector qui ne devait manquait de complicité avec la demoiselle.

- Votre domaine cache quelques joyaux et non des moindre. Cette soirée est en tout cas réussit. Mais me voilà devant un dilemme qu'il va falloir résoudre. Serait-ce bien poli d'éconduire une si intrigante créature. Il se retourna un instant vers marie-Ange. Vous auriez sans nul doute une place de choix dans la société mondaine de la capitale. Avant de reporter son attention sur Hector après cet aparté. Pour évoquer plus en détails nos projets futurs. Ou alors m'autorisez vous à combler les attentes de votre mystérieuse vassale ? Vous êtes maître en ce lieu après tout et qui sait, peut être incarne-t-elle une conseillère de choix qui pourrait apporter sa contribution à nos tractations ? Je n'ai hélas pas assez de matière pour me prononcer et requiert votre avis, il en va de soit.

Acheva-t-il non sans lui adresser un clin d'oeil complice. Quelques soit le jugement du Baron, Victor cherchait à s'attirer ses bonnes grâce, sa sympathie pour soigner leur relation qui tendait à prendre un tournant des plus symbolique. Hector était après tout son allié et pour de longues années durant.

Marie-Ange sourit et le baron leva un sourcil. Il avait beau vivre aux côtés d'elle depuis presque six mois, il ne savait absolument pas ce qu'elle avait en tête, quels étaient ses désirs, ses envies, etc. Elle était toujours surprenante, répondant l'inverse de ce à quoi ses interlocuteurs pouvaient s'attendre.

- Je suis suffisamment bien protégée, séant, pour ne pas avoir à me méfier de vous, Monsieur de Rougelac. Quant à mon importance, c'est à Hector d'en juger.
- A vrai dire, Victor, chacun ici joue un rôle important. Pénélope nous nourrit, Rodron et Florian lui fournissent sa matière première, Hilde rapporte de l'argent par sa production de bois, Alaric chasse et défend le fort, les enfants gardent notre moral au plus haut... et Marie-Ange, soigne nos blessures physiques et nos doutes mentaux... Elle est la prêtresse de Sombrebois. Bon, pour l'instant, son Temple est réquisitionné pour les travaux... mais ça ne l'empêche pas d'y faire son office, ainsi qu'ici, au château, pour nous autres. Finalement, je dirais que c'est moi le personnage le moins important de Sombrebois !

Il fit un petit clin d’œil à Rougelac qui l'interrogea ensuite, de manière détournée, sur la suite à donner à cet étrange conversation à trois. Hector, légèrement décontenancé, regarda Marie-Ange. Celle-ci lui sourit sans mot dire, le laissant se dépatouiller avec les mots et les intentions emberlificotés de Rougelac.

- Ma foi, Victor, je... j'ai deux ou trois petites affaires internes à régler aujourd'hui... Alors, puisque vous deux semblez vous entendre à merveille, je me permets de vous laisser continuer... de faire connaissance et je vous retrouverais tout à l'heure pour le souper.

Et c'est ainsi qu'Hector s'en fut accompagner les derniers ouvriers et gardes au dehors, puis alla assouvir un besoin naturel, puis alla rejoindre Pénélope pour la remercier plus personnellement, puis alla voir Hilde pour lui poser quelques questions à propos des dernières livraisons de bois... Bref Marie-Ange avait un long moment à passer avec le noble mondain, chose qui ne sembla pas du tout l'effrayer.

- Je peux vous faire visiter le petit Temple du château, si vous le souhaitez, Victor, j'aime parler en mouvement, les idées me viennent plus facilement quand je vais à leur rencontre...

Elle offrit sa fine main au comte et le guida dans le grand escalier du château, sous le vitrail forestier, en direction du 3ème et dernier étage qui abritait le petit sanctuaire dédié tout particulièrement à Serus. Chemin faisant, elle demanda :

- Quel rapport entretenez-vous avec les Trois, monsieur de Rougelac ?

L'intrigante Marie-Ange ne manquait pas de répartie, l'ai-je peut-être déjà évoqué d'ailleurs ? Toujours est-il qu'elle c'était admirablement bien posé au centre des intérêts de l'invité du Baron de Sombrebois. Ce dernier dévoila alors enfin la nature de la mystérieuse jeune femme, listant au passage le rôle de chaque résident du château et se montrant d'ailleurs capable de minimiser son importance au sein de cette place forte de Marbrume qui était resté débout malgré la menace de la Fange. Les Sombreboisiens étaient certes peu nombreux mais chaque œuvrait pour maintenir une communauté viable. Complémentaires, tous incarnait un rouage indispensable au bon fonctionnement du château.

- Malgré ce que vous pouvez en tirer comme conclusion, ne soyez point si modeste. Vous êtes le fils, le maillon qui relie cet ensemble de facteurs.

S'en suivi une sorte de pavé lancé dans la marre de la part du Comte de Rougelac, n'osant décider de la suite à donner à ce bavarde bon enfant à trois. Ne manquant l'échange de regard entre Prêtresse et suzerain, il laissait donc maître à son hôte de se libérer provisoirement de son hospitalité afin de laisser Marie-Ange le soin de prolonger son entrevue avec le mondain tout droit venu de la capitale.

- Prenons donc rendez-vous au souper Hector. Et si je ne puis respecter cet engagement, c'est que votre Prêtresse n'aura su soigner mes maux et que mort m'aura fauché.

Le ton était évidemment léger, Victor rebondissant volontiers sur quelques mots évoqués plus tôt par ses deux interlocuteurs avant de gratifier la jeune femme d'un léger sourire en coin taquin. Chemin faisant, suite à la prise de congé d'Hector le noble guerrier a la hache légendaire, Victor se saisit délicatement de la main tendue par la demoiselle qui l'invitait à arpenter les lieux jusqu'au petit Temple du château, sans doute une chapelle présumait le mondain.

La vue, la contemplation du vitrail forestier était une chose à voir que ne regrettait pas le Comte et surtout en si charmante compagnie. Si Marie-Ange restait encore une énigme, Victor savait donc qu'elle officiait comme prêtresse et l'homme comptait parmis ces amantes l'une d'elle en la personne de Kristina de la Broye, ainsi il savait ne pas se fier aux apparences de telles créatures qui voulait leur cause aux Trois. Le chemin était encore long pour arriver à destination mais déjà l'esprit de la demoiselle s'éveillait, piqué de curiosité sur les rapports qu'entretenait son cavalier de promenade avec la religion.

- Cordiaux ? Taquina volontiers Victor en adressant un clin d'oeil complice à Marie-Ange pour ensuite reprendre tour son serieux. Pour tout dire, jusqu'a la perte de ma première seconde fiancée, Grâce de Brasey, je n'ai point été un bon fidèle... A présent, je m'efforce de prier et faire mes devoirs de fidèle du mieux que le temps me le permet. De là à dire que je suis pieux... Il souria un instant.

Il évita d'évoquer son mariage et son serment auprès des Trois, des vœux qui naturellement pouvaient être pour certains interprétés de différentes manières. Et puis, si Marie-Ange prétendait connaître son interlocuteur, devait elle savoir qu'il avait épousé la dame de Rougesoleil l'alliance qu'il portait le prouvait d'ailleurs. Quelques regards suggestifs, des airs charmeurs, Victor n'en restait pas moins prudent mais se plaisait à ce jeu aussi dangereux qu'agréable face à une femme qui semblait savoir mener la danse à son compte.

- Vous officez quotidiennement je suppose ? Le projet qui me mène ici va vous donner si je puis me permettre l'expression, plus de "pain sur la planche".

Manière détournée pour le Comte de sonder un peu plus les convictions et les motivations de la jeune femme. Il profita toutefois d'un virage dans les dédales de couloirs pour se rapprocher un peu plus des délicieuses courbes de sa guise, mais rien qui puisse choquer, tout restait "subtile".

Suite au départ du baron, le visage de la prêtresse se ferma légèrement. Craignait-elle quelque chose ? N'était-ce que la bonne humeur transmise par le baron qui s'évanouissait à présent ? Nul n'eut pu le dire. Heureusement, la langue du comte fourcha et le sourire revint sur le visage lumineux de la belle demoiselle.

- Votre "première seconde fiancée" ? Est-ce le vin qui vous fait perdre vos notions arithmétiques ? Ou bien est-ce le nombre de vos conquêtes qui n'est plus tout à fait certain ?

Marie-Ange marchait à pas légers et répondit cordialement à la question de Rougelac.

- Bien sûr, tout le monde a besoin des Dieux en ce moment. Il y a tant de questions, de mystères, de doutes... Je suis là pour transmettre le message des Trois à nos ouailles, et les réponses à leurs interrogations...

Les regards de Victor sur sa personne n'effrayèrent pas la prêtresse. Elle était habituée, ici, à vivre sous ceux des hommes. Même si, au début, il n'y avait presque que Florian pour la regarder avec envie, depuis l'arrivée des constructeurs, ce genre de regard était monnaie courante.

- Je n'ai pas peur d'avoir plus de fidèles, Victor... J'aime aider les gens car de chaque personne, j'apprends les idées, les envies, les buts, les secrets... La richesse de ce monde n'est ni dans l'or, ni dans les terres, ni dans les armes, elle est dans la tête des hommes et des femmes qui y vivent.

Les hanches des deux héros se frôlèrent après le dernier escalier, dans le petit couloir qui débouchait sur le petit temple intérieur, au dernier étage du château.

- Nous y voilà, fit Marie-Ange en entrant dans "son templet" comme elle avait l'habitude de l'appeler, Joli, n'est-ce pas ?

En effet, les détails du vitrail étaient ici bien visibles, l'irrégularité des verres qui composait l'arbre translucide donnait à ses reflets des teintes variables qui brillaient sur le parquet de chêne avec harmonie. Les bancs étaient usés mais ils étaient la mémoire des fidèles disparus. Les murs de pierre symbolisaient quant à eux, la solidité de la religion. Ce temple vivrait tant que Sombrebois vivrait.
Sans mot dire, la blonde guida de sa main légère le comte jusqu'à l'autel sur lequel une jolie nappe verte cousue de fil d'or aux motifs courbe était déposée. Là, elle lâcha la main du comte et fixa son regard intense dans le sien. Elle sortit de sous l'autel - ou de sous sa robe, ses mouvements fluides et rapides ne permettaient d'être sûr de rien - un couteau, un carré de soie rouge et une fiole de terre cuite.

- J'aimerais apprendre à mieux vous connaître, messire de Rougelac... Pour cela j'ai besoin de votre consentement et de votre préférence... Le couteau, le tissu ou la fiole ? Quel médium préférez-vous que nous employions ?

La lame du couteau mesurait environ 20 centimètres, brillait magnifiquement et son tranchant semblait parfait. Son manche était d'un bois presque noir ; on devinait sur lui quelques motifs sculptés. Nul doute qu'avec ce couteau en main, l'on pouvait couper presque tout avec précision et facilité.

Le tissu, quant à lui, était brillant, d'un rouge relativement sombre - sang aurait-on dit. Le carré déplié mesurait bien un pas et demi de côté mais là, plié, il ne mesurait qu'une quinzaine de centimètres de coté. Il était d'un douceur divine.

La fiole, enfin, mesurait environ 6 à 7 centimètres de haut et sa base était conique. La terre dont elle était faite était d'un marron virant légèrement sur le beige, mat, et à l'intérieur, le liquide était presque transparent. Une légère teinte verte se serait vue si l'on avait eu du papier sur lequel y déposer une goutte. Il ne dégageait presque pas d'odeur sinon une lointaine odeur de plantes ; sauge peut-être, ou ortie, les nez les plus fins eurent pu y sentir de la bardane.

La prêtresse passa sa main dans ses cheveux d'or avant de faire un pas vers Rougelac.

- Il ne vous arrivera rien... Chuchota-t-elle, sensuelle, à son oreille.

La petite bourde verbale du Comte avait permit d'une certaine façon de détendre l'atmosphère qui avait semblé légèrement se tendre entre les deux protagonistes durant cette visite guidée du château. Déliant sa langue, la prêtresse ne semblait nullement effrayé par la tâche qui l'incomberait d'ici à ce que le domaine s'en retrouve repeuplé et cela était de bonne augure. Souriant en réponse, il semblait au quadragénaire bien agréable de sentir les hanches de Marie-Ange frôler les sienne avant qu'enfin ne duo n'accède au lieu de culte des Trois.

A dire vrai, le lieu possédait une âme et Victor ne manquait pas de perdre son regard aux quatre coins de la pièce fasciné par les détails qu'offrait le vitrail. C'est alors qu'une main légère l'entraîna jusque devant l'autel aménagé avec soin et goût. Que lui réservait la jeune femme ? A la fois intrigué et curieux, de Rougelac se prêta volontiers à s'y laisser guider sans crainte. Seulement a mesure que la Prêtresse réalisait son étrange prestation, son acolyte s'en montrait perplexe. Pourtant, rien ne semblait vouloir lui faire faire marche arrière alors que Marie-Ange exposait tour à tour une lame longue de vingt centimètres, un carré de soie rouge et une fiole de terre cuite.

Avait-elle fait apparaître ces objets de sous sa robe ? Rien n'était moins sûre mais la seule pensée de cette possibilité possédait une saveur quelque peu "fantasmante". Le mondain devait alors consentir à accepter les mystérieux termes de cette soif de connaissance que semblait réclamer la Prêtresse et Victor observa alors un long moment les trois objets d'un air pensif... Détaillant finalement la belle et intrigante jeune femme qui passait une main dans ses longs cheveux blond avec une sensualité certaine, Victor n'eut le temps d'exprimer ses doutes que cette dernière les anticipa dans un délicieux chuchotement qui invitait sans conteste à obtenir l'aval du noble.

La situation était à la fois dangereuse et excitante... une lame tranchante pouvait biensure lui nuire tout comme le contenu de la fiole, ainsi Victor porta son dévolu sur le bout de tissu qui d'apparence était l'option la moins risqué, mais était ce là le simple fait d'une duperie ?

- Bien, je vous fais confiance, je choisit le tissu.

Il l'effleura du bout des doigts pour en prendre la mesure et la texture, douce, avant de replonger son regard azur sur le minois tentateur de Marie-Ange, expliquant faussement son choix bien qu'avec un soupçon de vérité.

- Si j'ai le palais fin et ne manque pas de manier le couteau pour un bon festin, je préfère de loin le touché et la délicatesse des tissus. Je pourrais d'ailleurs vous faire faire une ravissante et fine livret à mon retour à la capitale en remerciement de votre precedant cadeau.

S'il n'était plus un invétéré coureur de jupons, on ne transformait pas du jour au lendemain un homme et ainsi loin de son épouse, il pouvait s'offrir quelques plaisant écarts sans chercher absolument à obtenir quelques faveurs mais son petit doigt lui disait que le Seigneur de Somtebois avant possiblement réclamer son droit de cuissage sur cette femme qui semblait aimé à jouer avec les mâles qui croisaient son chemin.

- Bien, en quoi consiste votre épreuve pour me percer à jour, Marie-Ange ? Je suis votre dévolue dans ce lieu sacré.


Lui tendait on un piège ? Pour l'heure rien ne valait que le Comte s'inquiète, il n'y avait aucune raison après tout ? Mais il restait tout de même intérieurement sur ces gardes.

Marie-Ange sourit au choix du comte. A sa question intérieur - qu'était prêt à risquer de Rougelac ? - elle avait sa réponse.

- Bien, en quoi consiste votre épreuve pour me percer à jour, Marie-Ange ? Je suis votre dévolue dans ce lieu sacré.

La prêtresse, sans hésiter, prit le tissu plié entre ses doigts et le déploya dans un noble geste, le faisant claquer dans l'air silencieux du petit temple. Tel un étendard mystique, il la séparait du noble qui, elle le sentait, voulait au contraire se rapprocher d'elle. Il était amusant de constater que cette étoffe, pourtant si fine, constituait en cet instant un mur infranchissable entre le fougueux courtisan et sa mystérieuse proie. Et quand le noble employa le terme d'"épreuve", la belle blonde ne put s'empêcher de sourire.

- J'espère ne pas être une épreuve, pour vous, Victor...

Elle enroula le tissu sur lui-même et passa dans le dos du noble pour lui bander les yeux. Elle fit un nœud derrière la chevelure du comte et s'en retourna face à lui. Comme elle avait bien fait son travail, le noble ne put rien voir de l'action suivante de la prêtresse ; et pourtant, nul doute qu'il eut apprécié voir cette dernière faire glisser les courtes manches de sa robe bleu-mauve le long de ses bras et ainsi, dans un doux bruissement de tissu, se mettre nue devant lui.

- Décrivez, je vous prie, ce que vous imaginez se trouver face à vous...

Elle resta un instant là, à observer le langage corporel du comte pendant qu'il commençait à répondre... puis se baissa, sans un bruit, ses longs cheveux d'or s'éparpillant sur son dos délicat et le long de ses fines épaules blanches, ramassant sa robe et observant le corps du comte pendant qu'il répondait à sa demande. Lorsqu'elle se redressa, sa main effleura dans une longue caresse la cuisse, l'abdomen et la joue de son intéressant invité.

Il y avait quelque chose de "mystique" dans les gestes de la Prêtresse alors qu'elle manipulait le bout de tissu devant les yeux du mondain dont l'attention lui était toute acquise. A quoi jouait la jeune femme ? Que lui réservait-elle ? Il était une certitude, Marie-Ange nourrissait la plus grande curiosité du Comte de Rougelac dans l'intimité de cette petite mais non moins chaleureuse chapelle qui se trouvait au cœur même du château du Baron de Sombrebois.

Il en fallait peu en tout cas pour que la protégée d'Hector n'entretienne le mystère dans une représentation tout aussi angoissante qu'attrayante. L'attention de Victor se posa sur le bout de tissu qu'elle enroula alors que sa bouche s'entre-ouvrit pour lui répliquer. Le prenant de cours, il se laissa sans défiance se faire bander les yeux, un sentiment d'excitation de d'angoisse envahissant son esprit tourmenté.

- Pour connaître la justesse d'un esprit, il faut le mettre à l'épreuve de l'intérêt. Et l'intérêt en cet instant n'est que vôtre, mademoiselle.

Une pointe de philosophie pour éluder toute franche réponse que souhaitait semble t il obtenir son interlocutrice, était la bienvenue alors que l'obscurité prenait finalement toute sa place dans le champ de vision du sang-bleu. Alors, à mille lieux de s'imaginer que Marie-Ange se trouvait finalement totalement nue devant le fidèle, Victor restait interdit de tout geste, laissant certains sens prendre la relève d'une vue obstruée et gage d'épreuve que l'intrépide Prêtresse se hâta d'énoncer et provoquant un redressement de sourcils chez son interlocuteur. Un long silence s'en suivit, le Comte pensif et perplexe exprimait ce que recherchait la donzelle, des expressions corporelles troublées, gage en était de ses membres se raidissant.

- Je... j'imagine l'envoyée des Trois... m'observer... mais dans quel but ? Vous recueillez-vous peut-être devant l'autel ? Je ne sais... l'obscurité m'entoure je dois bien vous avouer que je suis homme à voir plutôt qu'à croire. Désolé de vous...

Il s'interrompit soudainement, retenant un léger sursaut lorsqu'il sentit le contact d'une main flirtant tour à tour sur sa cuisse, son abdomen puis sa joue. Une sensation étrange l'envahit à la fois délicieux et enivrante. Devait-il usait des sens qui lui restait à disposition ? Le tactile par exemple ? Mais en ce cas... Marie-Ange lui laisserait-elle cette faveur ? A tâton il leva les mains en quête d'un contact qui lui serait peut-être proscrit.

- Vous jouez avec mes sens ma Mère... est ce bien cela cette épreuve ? Ou me fourvois-je ? Qu'attendez-vous exactement ?

Dans un coin de son esprit restait indélébile cette possibilité que la jeune femme se joue de lui et l'empoigne la dague pour le faire taire à jamais. Sur son front, une goutte de sueur perlait pour l'en attester.

Étonnant de voir l'importance que certains mots peuvent avoir dans l'oreille de ceux qui les perçoivent. La belle Marie-Ange, en s'entendant appeler "ma mère", cru s'évanouir un instant. Était-ce seulement possible que cet homme, plus âgé qu'elle, dans cette situation surtout, l'appelle ainsi ? C'était la première fois, depuis le début de la conversation avec Rougelac... et peut-être même depuis qu'elle avait mis les pieds à Sombrebois, qu'elle était si décontenancée. Elle prit une longue inspiration pour reprendre contrôle d'elle-même, heureuse de savoir le comte aveugle en ses instants troublés, puis enfila sa robe et s'enfila le contenu de la petit fiole de terre cuite.

- Si vous le souhaitez, je voudrais parler avec votre être profond... Celui qui existe, au delà de la façade imperturbable et charmante que vous maniez si bien. J'aimerais connaître celui que personne, je crois, ne connais ; sans doute pas vos amantes, et encore moins les nobles que vous côtoyez sur l'Esplanade. Pour cela il me faut deux choses. Votre assentiment et... votre main droite.

Elle avança lentement sa main vers celle du noble, prête à la recueillir entre ses doigts fins et doux. Elle connaissait l'art de la chiromancie plus que quiconque. Et même, au delà de la simple lecture des lignes de la main, elle sentait les moindres vibrations que ces membres sensibles offraient à qui les écoutaient avec attention.

Et de sa voix légèrement grave, telle une invocation, elle déclara :

- Si vous préférez rester secret, sentez-vous libre de refuser. Il n'y a aucune obligation à cela... Sachez également que vous pourrez arrêter cette expérience à tout moment. Je ne prendrais aucunement le contrôle de votre esprit. Je ne ferais qu'écouter ce qu'il a à me dire... Victor... êtes vous prêt à rappeler auprès de moi, celui qui est né des entrailles d'une mère aimante, qui a aimé sincèrement, qui n'a qu'un cœur pour vivre et qui, au dernier jour qui lui sera offert, regardera son passé pour en expier ses fautes ?

Ces mots dits, un silence de mort se fit dans le petit temple de Sombrebois ; un silence comme une barrière entre l'étrange prêtresse et le noble mondain. Comme si toute vie s'était arrêtée dans la demeure du baron, comme si les Dieux eux-mêmes écoutaient la réponse du comte de Rougelac, le soir attendait.

Ainsi aveugle à toute perception du monde réel, le Comte de Rougelac s'en remettait à l'étrange cérémonie de la Prêtresse sans en connaître le moindre tenant et aboutissant. Que lui réservait Marie-Ange, lui, dépourvu de toute faculté visuelle. Devait-il s'en remettre à la volonté des Trois par l'intermédiaire de cette jeune femme encore bien mystérieuse ? Victor n'était pourtant pas homme à accorder aveuglément sa confiance et même si par la force des choses on le privait d'un sens qui lui était souvent précieux et indispensable, nul doute qu'il chercherait à maintenir intact une certaine forme de retenue.

Pourtant, voilà que la protégée d'Hector reprit la parole pour enfin lever le voile sur ces intentions. Était-ce là une simple épreuve divine ? Ou alors le besoin que la jeune femme avait de percer la carapace du noble mondain avait été savamment orchestré par le seigneur des lieux, le Baron de Sombrebois. A cet instant, Rougelac ne put le dire tandis que la Prêtresse cueillait sa main droite qu'il tendit , entre ses doigts aussi fin que doux. Comme pour lever certains doutes, Marie-Ange laissa le choix au Comte d'arrêter à tout moment cette étrange expérience, lui garantissant qu'aucun acte de duperie ne lui serait fait sur son esprit.

Prenant une grande inspiration alors qu'un long silence de mort s'installait dans le lieu sacré, les muscles du sang bleu se défendirent finalement, prêt à partager cette expérience et peut-être même cette épreuve qui se trouvait sur son chemin. Rare étaient les personnes en ce bas monde à jouir de l'authenticité de ce maître intriguant et il était à présent temps de goûter à une forme de rédemption de l'âme que seul une certaine Kristina de la Broye avait eut l'honneur de consommer.

- Si tels sont les désirs des Trois... vous avez mon assentiment ma Mère. Seulement prenez bien soin de ne pas réveiller mon esprit Malin que je cherche à enfouillir au plus profond de mon âme depuis ces derniers mois...

Dit-il avec solennité, feutré d'une mise en garde. Certes, sonder le Gouverneur était une expérience peut-être riche d'enseignement pour Marie-Ange mais comme toute expérience, il y avait son lot de risque à ne pas négliger. Portait-il la jeune femme en estime ? Avait il d'autre desseins pour elle que de la voir briguer le rôle de représentant des Trois à Sombrebois. Le domaine du Baron Hector représentait un tout nouveau échiquier et Victor allait certainement en apporter quelques pièces, quelques "gardes fou" afin de ne pas se voir spolier de ces efforts. Ainsi dans les ténèbres qui l'entourait, Rougelac rajouta.

- Par où et quoi souhaitez-vous commencer ? Mais prenez garde, certains secrets ne sont jamais bon à dévoiler... à la risques et périls.

S'amusa-t-il a souffler de manière certes taquine mais saupoudré d'un réel avertissement dont saurait sans doute prendre la mesure la Prêtresse.

La prêtresse sourit aux mots du comte. Il était plus joueur avec les mots qu'avec les actes... Elle défit le bandeau du noble - elle aurait besoin d'explorer son regard par la suite - puis reprit sa main pour le guider sur une des chaises en bois du petit temple. Elle s'assit face à lui et d'une voix assurée, grave et avec un soupçon de commandement, commença :

- Respirez tranquillement... Regardez mes yeux et imaginez qu'il y a un point sensible posé là sur mon front, entre mes yeux. C'est un point rouge... C'est vivant... ça bouge, ça vibre... Vous remarquez que vos yeux sont attirés par la lumière colorée, n'est-ce pas ? Vos pupilles pointent vers la lumière rouge... Gardez la tête bien droite, à l'horizontal. La lumière va venir vers vous. Regardez la traverser l'ether entre vous et moi, lentement... Elle s'approche de votre front. Elle se pose sur votre front. Fermez les yeux. La lumière est visible à travers vos paupières. Elle monte sur votre front et vos yeux vont la suivre... La lumière monte très doucement, vous pouvez quasiment la sentir... la sentir vraiment... Et cela contracte certaines muscles de votre visage... et de vos yeux... Votre tête a tendance à vouloir basculer vers l'arrière, retenez-là... Laissez la juste se balancer... Vous pouvez croire qu'elle va se balancer de plus en plus et que cela pourrait se voir, de dehors, mais en vrai, le mouvement est imperceptible - c'est vrai - et c'est curieux de savoir cela : vous sentez que cela bouge de plus en plus, et en même temps vous savez que je ne verrais rien du tout, vous êtes calme, bien plus calme que d'habitude... Vous êtes bien, vous souriez...

La prêtresse passa silencieusement derrière le comte en continuant de parler.

- La lumière s'éloigne tout doucement de votre front... Vous ne la sentez plus vraiment, n'est-ce pas ?... Parce qu'elle s'éloigne... et c'est normal... Suis-là !... Elle monte... Elle monte... Haut devant toi... Garde la tête bien droite et laisse tes yeux la suivre... Et le noir de derrière les paupières peut devenir plus lumineux, étrangement... Cela brille comme des éclairs, au coin des yeux ou devant les yeux... Parfois, on dirait qu'on a comme des yeux, brillants, qui nous regardent de très près, juste en face de nos yeux à nous ... ça fait bouger les globes oculaires... Alors, tu vas faire deux choses : d'abord, tu suis la lumière, aussi loin qu'elle t'emmène... La tête bascule de plus en plus fortement vers l'arrière : commence à la laisser faire... et désire que la main droite s'envole à la suite de la lumière... Ce n'est pas vraiment que la main est accroché à la lumière, c'est plutôt comme si la force de la lumière redescend en toi - cela se sent dans le ventre - et emporte la main... Pas besoin faire quoi que ce soit... Juste désirer que la main se soulève et s'envole... Parfois, il faut la pousser un peu, pour qu'elle bouge plus vite... la décider à bouger, maintenant... et puis aussitôt la remercier d'un sourire intérieur, dès qu'elle commence... Voilà... c'est très bien... Alors, elle va se diriger à son rythme vers le visage... et tu n'as même pas besoin de t'en occuper... Car ton esprit peut s'envoler avec la lumière bleue, encore et toujours plus loin... Et tu sais pourquoi tu fais ça... Alors, pas besoin d'en dire plus... Rien à penser... Tout se met en place... tout seul... Laisse juste faire... Laisse faire... et aies le désir de te séparer de tes secrets... Et quand la main va... toucher le visage... alors lâche tout !!... Laisse-toi aller... Peut-être l'esprit va s'envoler encore plus loin, plus haut ?... Et qu'y a-t-il, tout là-bas ?... Ou peut-être tu te sens plus aspiré en toi ?... Parfaitement conscient des bruits et du monde autour... ou peut-être plus du tout... cela n'a aucune importance... LAISSE FAIRE !... Aie confiance... Tu baignes dans des forces de vie que personne ne contrôle volontairement... LAISSE FAIRE... et profite... Souris intérieurement et remercie déjà la vie pour tout ce qu'elle va t'apporter de bon...
Marie-Ange passa son bras à côté de la joue de Victor et posa sa main droite sur le visage souriant et détendu du comte et celui-ci s'affaissa dans sa main... La prêtresse mystique l'attira alors doucement contre sa poitrine pour la laisser reposer.

- Ensemble, nous allons discuter, Victor. Tu peux tout me dire, tu le sais... La vérité est ton alliée.

Elle sourit, certaine que ça avait fonctionné. Elle pouvait sentir les pulsations lentes et régulière du corps du noble contre son propre cœur et allait pouvoir lui poser les questions qu'elle désirait.

- Victor, que ressens-tu pour ta femme ?

Elle laissa tout le temps nécessaire au comte pour répondre à sa question. Elle l'écouta attentivement. La réponse était intéressante. Elle en disait énormément sur le comte et sa philosophie. Marie-Ange gardait tout en tête. Elle n'avait pas été mandaté par Hector pour en savoir plus. Elle ne lui dirait rien d'ailleurs... elle aimait garder ses secrets pour elle. Bien sûr ses intérêts étaient liés à ceux du baron mais elle ne ferait que le conseiller avec ses connaissances. Le baron l'écoutait bien alors il n'avait pas besoin de tout savoir.

- Victor, que cherches-tu à Sombrebois ?

Voilà la question qui taraudais le plus la prêtresse. Elle voulait connaître les intentions réelles du comte. De nouveau elle le laissa développer sa réponse avant de lui poser la troisième et dernière question - car elle savait, même si Victor avait l'air particulièrement réceptif à l'hypnose, que les personnes se fatiguaient vite dans cette situation :

- Victor, quel est ton souhait le plus cher ?

Un question moins précise mais qui pourrait éventuellement éclairer ce que le comte avait dis précédemment. De nouveau, elle lui laissa tout le temps pour développer sa réponse. Enfin, lorsqu'il eut finit, elle reprit la parole pour faire sortir le noble de l'hypnose.

- La lumière revient, elle a pris une teinte bleutée. Tu la vois descendre lentement. Elle veut te revoir. Elle descend tranquillement, doucement, elle se pose là, sur ton front, entre tes yeux. Elle vibre calmement... C'est sa manière de te saluer, de te remercier. Elle va te quitter maintenant. Regarde, elle commence à s'éloigner. Elle me rejoint à nouveau. Elle s'approche de moi. Elle se pose sur mon front...

Marie-Ange, tenant la tête du comte entre ses mains, le contourna pour se repositionner face à lui.

- Vous allez rouvrir vos yeux et regardez les miens... Vos muscles se resserrent de nouveau, vous revenez avez moi. Vous êtes calme, serein. Nous somme calmes, sereins... Je vais vous embrasser et vous serez de nouveau parfaitement éveillé...

Elle déposa un tendre baiser sur les lèvres du noble, fermant les yeux à son tour... Et, doucement, s'écarta de lui, ses mains caressant avant de les quitter les joues parfaitement rasé du noble comte, constatant que l'éclat malin de son regard était revenu. Satisfaite, elle se tourna, et se dirigea vers l'autel.
Elle rangea l'un après l'autre les trois objets qu'elle avait sorti, prenant son temps pour laisser Rougelac reprendre ses esprits puis revint vers lui.

- Je crois que l'on nous attend pour le dîner. Vous m'accompagnez ?

Avec un sourire mutin elle tendit sa main vers Victor.


Elle se trompait. Dans la cuisine, il ne restait plus que Pénélope et Hector. Le repas était terminé et Pénélope rangeait son antre bénéfique. Hector était installé, une bouteille d'eau de vie à côté de son verre. Il semblait préoccupé. Les deux assiettes des absents se faisaient face, à la gauche et à la droite d'Hector.

- Et bien !? commença le baron en voyant entrer les deux héros, vous avez été bien longs.

C'était dit d'un air bizarre. Il semblait avoir voulu s'amuser de leur longue "entrevue" - il était persuadé qu'ils avaient fait l'amour - mais n'avait, visiblement, pas le cœur à rire...

Toujours se méfier des femmes, TOUJOURS ! Preuve en était une fois de plus au Grand Damne du Comte de Rougelac qui n'eut pas le temps de comprendre la supercherie avant de se faire littéralement hypnotisé par la prêtresse de Sombrebois. Était-il utile de revenir sur l'habile mise en scène de Marie-Ange ? Berné, envoûté par la voix et la tentatrice proximité de cette Succube qui affichait pourtant Foi pour les Trois ? La jeune femme avait exécuter son plan à la perfection jusqu'à contrôler le corps et l'esprit du mondain. Sous l'emprise de la prêtresse ne put-il que ressentir une forme d'apaisement l'envahir lorsque sa tête reposa sur la poitrine de la perfide créature bien maline et manipulatrice. Mais dans quel objectif la protégée du Baron de Sombrebois avait-elle pu œuvrer ainsi pour duper le riche Gouverneur du Bourg ? La réponse ne se fit point attendre puisqu'elle se lança ni plus ni moins dans une parodie bien huilée d'interrogatoire.

Le Comte de Rougelac ne pouvait indéniablement pas mentir et ce malgré son expérience affinée dans ce domaine. Sourire béa, Victor était presque méconnaissable, réduit à simple pantin de chair et d'esprit. Ainsi, la tête niché entre les seins de la perfide, le mondain, contre son gré, passait si l'on puis dire à table. Réceptif, le quadragénaire répondit successivement aux différentes requêtes de la Prêtresse. Le premier sujet abordé était celui de sa femme et si on lui aurait posé la question un mois plus tôt, sa réponse aurait été bien différente mais à présent... :

- De la haine... de la fascination... de la fierté et... un amour pourtant naissant. Adélaïde est une femme de conviction qui j'en suis sûre ne pourra que porter et améliorer les valeurs de ma famille que j'ai pu ternir avec les temps à cause de mon égoïsme. Je crois en elle, je l'ai choisi par intérêt, mais j'ai la sensation que je serais incapable de la contrôler. Elle m'aimera ou... me tuera.

Dit-il sans hésiter non sans respirer avec une fascinante tranquillité. Marie-Ange sonda alors les réelles intentions du Comte de Rougelac quand à sa présence et son affiliation auprès du Seigneur des lieux. Là aussi, impossible pour lui de lutter contre son esprit que venait de s'accaparer la prêtresse.

- Une issue... Sombrebois est mon échappatoire à une Esplanade vouée au déclin. Je n'ai pas l'étoffe d'un Seigneur terrien mais je sais que Sombrebois m'apportera prospérité et sécurité. Errer sans autre but que de chercher toujours plus d'influence à Marbrume ne me suffisait plus. Je resterais peut-être sournois et manipulateur mais la perspective d'avoir entre mes mains, ici à Sombrebois, nourrir l'Espoir de refonder une communauté, atténuera cette réputation qui me fait défaut. Je n'aspire qu'à être une pierre à cette édifice.

Si Marie-Ange pouvait s'inquiéter que le mondain puisse lorgner le titre de Seigneur de Sombrebois, là voilà rassurée car il n'en était rien. L'homme cherchait certes à gagner en influence, mais il semblait conscience de ne pas avoir de trop grandes aspirations. Chemin faisant, la prêtresse énonça sa troisième et dernière question, bien plus flou. Pourtant, Victor restait totalement sous son emprise et aucun trait sur son visage ne venait trahir d'autre sentiment que le bien être intérieur et l'acceptation de ne plus être maître de lui même.

- Mourir entre les cuisses de mon épouse.

Dit-il en riant bêtement avant de retrouver un visage plus neutre comme si venait se succédait à ce doux et funeste rêve une autre réalité bien moins fantasque.

- Que ma Maison puisse trouver une place dans les livres d'histoire, ici ou ailleurs. Que mon passage sur ces terres ait eut un sens et que l'on me craigne tout autant que l'on me respect enfin.

L'hypnose porta alors à sa fin. Sage décision de la part de Marie-Ange qui devait savoir mieux que quiconque comment usait de cette "magie". Se noyant sous la voix douce et rassurante de la jeune femme, Victor retrouva finalement la raison, senti à nouveau ses membres lui appartenir. Son réveil semblait très étrange, aussi confortable qu'inconfortable... quelle sensation déroutante alors qu'il fixait le sourire mutin que lui adressait la prêtresse.

- Que... que s'est-il passé ?

Sans vraiment s'attarder sur son trouble, il offrit volontiers sa main à Marie-Ange qui lui proposait de rejoindre le lieu du dîner où l'on devait les attendre. Là, avec stupeur, il se rendit également compte que le festin avait touché à sa fin et que leur assiette trônait là, tout à coté d'un Hector de Sombrebois loin d'être aussi jovial et chaleureux qu'avant leur séparation.

Perplexe, Victor avait du mal à remettre ses esprits totalement au clair et les traits de son visage trahissait cet état de fait. Avait-il pour autant la tête d'un homme comblé par les plaisirs de la chair ? Pas vraiment et sans doute qu'en fin connaisseur, Hector pouvait bien se forger cette idée, à moins qu'il ne se fasse aveugler par d'autre sentiment comme la jalousie ?

- Je... heuu...

Bredouilla-t-il, quelque peu perturbé. Il tourna alors la tête vers Marie-Ange afin que la jeune femme lui vienne en aide pour se dépatouille de cette situation étrangement inconfortable. Après tout ? N'avait-elle pas une certaine influence sur le noble guerrier ? Et... n'était-elle pas la mieux placer pour expliquer ce retard inattendu et inapproprié à l'heure du dîner ?