Marbrume


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 Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé]

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MalachiteMiséreux
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MessageSujet: Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé]   Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé] EmptyMar 24 Nov 2015 - 3:38
J'appuie comme un fou sur mon couteau. J'aurais jamais imaginé que c'était aussi dur, ça avait l'air tellement plus simple quand c'était un gros bourrin qui le faisait ! Puis si il arrêtait de bouger ce con aussi ! C'est pas comme si j'avais l'équipement pour immobiliser quelqu'un, en roulant dans la boue en plus. J'suis à peu près sûr que, normalement, la victime bouge pas pendant une décapitation bordel !

Figure toi, alors que je gambadais fièrement dans mon fief de bois pourri et d'eau stagnante, un Fangeux a voulu me boulotter ! C'est pas la première fois que ça arrive, note bien, mais l'innovation bah... c'est qu'il m'a coincé. J'ai été obligé de faire un truc qu'habituellement je cherche à tous prix à éviter : intervenir physiquement. C'est qu'il y a pas de recette pour tuer quelque chose de déjà mort. Il m'a sauté dessus, je me suis vu crever comme jamais, il était partout autour de moi à faire claquer ses dents près de mon visage. Par miracle, j'lui ai enfoncé ma lame entre deux côtes, ce qui l'a coincé pendant quelques précieuses secondes. J'ai pas souvent de la chance, mais quand j'en ai ça sauve bien mon cul, faut l'dire. On est tombé ensemble dans la boue, et on a roulé pour faire le combat de catch le moins sexy du monde. Je l'ai suriné comme jamais j'ai suriné dans ma vie. Il m'a griffé le ventre avec ses ongles de pied, sale bâtard !

Et à un moment, je lui ai enfoncé ma lame dans la gorge, loin. Ca me semblait un bon endroit pour insister, alors je me suis mis au dessus de lui et j'ai appuyé tout ce que j'ai pu. La pointe du couteau s'est lentement coincé entre deux cervicales, pendant que le motif des bandes de cuir du manche s'imprimaient lentement dans mes paumes. Aux exécutions, on les voit trancher ça comme dans du beurre, mais j'te garantie que j'ai dû pousser sur mes p'tits biceps à m'en faire péter les veines du front pour arriver aussi loin. J'ai essayé de faire levier pour séparer les deux vertèbres, histoire de décapiter la bestiole, le Fangeux s'est mis à pousser des gargouillements de plus en plus bizarre, et la chair s'est déchiré tout doucement, tout doucement...

- TU VAS CREVER SALE PUTE !

Mais c'est le couteau qui s'est brisé avant que sa tête de se désolidarise du reste. La lame a explosé en mille morceaux à l'intérieur, m'étonnerait qu'il re-gambade un jour celui là. Il a nettement perdu en coordination, déjà.
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MessageSujet: Re: Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé]   Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé] EmptyVen 27 Nov 2015 - 22:49
Lendemain était un homme entre deux âges. A Traquemont, on parlait de lui autant que lui parlait peu ; on ne lui connaissait aucune famille, étant une victime de la Fange parmi tant d'autres. A l'inverse de certains, il avait choisi de n'en pas chercher de seconde - il ne se plaignait jamais de ce coup du sort qui avait précipité le royaume à sa perte, ni de rien d'autre d'ailleurs. Il n'était à l'origine qu'un simple garde de Corbeval, mais avait su se montrer particulièrement astucieux et pertinent lors de la fuite vers l'Est de ces gens qui s'étaient désormais installés à l'abri des murs du fort. Pour cela, il était tacitement devenu une sorte de lieutenant de la châtelaine ; celle-là même qu'il avait connue alors qu'elle n'était encore qu'une gamine taquine venant s'asseoir sur les créneaux des remparts du château familial, balançant ses jambes dans le vide tout en écoutant les soldats bavasser.

C'était un guerrier d'assez haute stature, mais sec et noueux. Son visage buriné disparaissait dans une barbe épaisse quoique courte, brune ainsi que l'étaient ses cheveux bouclés. Comme tous les autres sous la bannière d'Yseult, il ne sortait de Traquemont qu'en arborant la sempiternelle livrée de cuir noir, un peu sinistre, alors qu'un lourd fauchon pendait à sa ceinture. Ce n'était pas une lame aussi noble qu'une épée pouvait l'être, plus courte et au fer plus large. Il s'en servait tant comme arme que comme outil, et pour ceux qui le connaissaient, ces mots étaient porteurs d'un sens similaire : il n'était tueur que par nécessité, et sûrement pas par vocation - à l'inverse, pourraient dire certains, de la maîtresse qu'il servait. Pour lui, le seul acier qui pouvait encore sauver le royaume de Langres était celui d'une bêche et d'une faux, d'un marteau ou encore d'une scie... bien qu'il admettait qu'il était plus aisé de renvoyer un Fangeux ad patres avec quelque chose d'un peu plus menaçant, telle qu'une hache ou une hallebarde.

A propos des Fangeux... il les combattait tous les jours, ou peu s'en fallait. C'était le lot des gens de Traquemont - ce fort n'avait pas été baptisé ainsi pour rien. Lendemain était dans les marais depuis une heure environ, ce qui était déjà un peu trop à son goût ; la lune avait beau briller haut dans le ciel, elle ne permettait que de promener un regard hésitant sur les alentours et tomber nez à nez avec un mort-vivant était le lot de bien des voyageurs nocturnes, voire la dernière chose qu'ils verraient jamais. Pour autant, il ne pouvait pas s'en retourner... ni lui, ni les trois guerriers l'accompagnant. Ils avaient été chargés d'une mission particulière par la châtelaine et pour déplaisante qu'elle leur apparusse, aucun n'avait exprimé la volonté de s'y dérober - car tous en avaient compris l'importance.

C'est pourquoi il retint l'un de ses camarades lorsque ce-dernier fit mine de s'élancer en direction du cri qui venait de retentir dans l'obscurité. Un cri de colère ou d'angoisse, le genre que l'on pousse lorsque tout va basculer. Lendemain était un homme droit qui n'avait pas peur de se regarder dans un miroir, mais c'était également un homme pour lequel la vie d'un autre n'était pas une valeur suprême. Les quelques secondes de silence qu'il imposa aux reîtres à ses côtés n'étaient pas tant de l'hésitation qu'un bref temps de réflexion, car il n'était pas du genre à agir dans la précipitation. Finalement, le soldat hocha la tête en signe d'assentiment et le quatuor obliqua dans la direction d'où ils avaient entendu la voix, dans un habile mélange de hâte et de discrétion.

La scène qui s'offrit à eux sous la chiche clarté des astres n'était pas surprenante, sans non plus leur être familière. En n'échangeant que quelques mots (ainsi que, peut-être, un juron ici ou là) à voix basse, les troupiers se séparèrent : l'un alla sans hésitation enfoncer une solide pointe de métal en plein crâne du Fangeux à terre, plus par mesure de précaution qu'autre chose ; deux autres vinrent flanquer l'inconnu, pour le relever en le saisissant chacun à une épaule. Une brève palpation et ils s'assurèrent sans préavis aucun que le jeune homme n'avait pas été mordu, ou qu'il ne lui manquait aucun bout de chair que le mort-vivant eût pu arracher. Lorsqu'on s'aperçut qu'un doigt était absent de sa main, un murmure de mauvais augure circula entre eux - rumeur que Lendemain dissipa d'un : « Non » ferme, remarquant l'ancienneté de la mutilation.

Et un étrange silence de s'abattre sur les cinq hommes. Il fallut plusieurs instants pour qu'il soit finalement rompu.

« T'as crevé un de ces monstres et je pense que ça mérite un verre. Ecoute, nous on repart à Traquemont. Si tu sais pas où c'est... moins d'une lieue vers l'Ouest. De beaux murs de pierre, on peut y dormir sur nos deux oreilles. »

Tous s'étaient écartés de l'étranger - qui ne l'était peut-être pas, tout bien considéré - après leur examen initial ; mais Lendemain, lui, s'était rapproché. Il le considérait d'un œil qui se voulait neutre.

« Quelque chose me dit que ça n'a pas dû t'arriver récemment » dût-il se sentir obligé de rajouter, détaillant le garçon des pieds à la tête. « Enfin, sinon, Marbrume est par là, mais t'as plus de chemin à faire. »
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MessageSujet: Re: Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé]   Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé] EmptyDim 29 Nov 2015 - 18:10
Et là, un truc bien plus dangereux qu'une armée de Fangeux arrive : des gens en armes. Ma première impression me dit "milicien", alors je recule en panique totale pour leur échapper. J'les ai pas entendu arriver, ces salauds, j'étais trop occupé à brailler en essayant de décapiter un mort. Ils ont aucun mal à me choper par les bras pour me soulever, et semblent même un peu surpris de la facilité de la manoeuvre. Les haillons que je porte en couches pour essayer vainement de me protéger du froid donnent du volume, mais en dessous il reste plus grand chose de vivant. Ca fait combien de temps, trois mois que je suis banni ? Quelque chose comme ça. Trois mois sans vrai repas chaud quoi. J'commence à me sentir plus mort que vif, je sens plus vraiment la faim, ce qui est pas vraiment bon signe pour mon espérance de vie. J'laisse mollement les tarés me tripoter, parce que je sais que contre une bande de miliciens armés si j'me débats ça va faire encore plus mal.
Mais c'est pas des miliciens.

J'tique le détail, et ça me remonte l'humeur d'un coup. Ils vérifient juste que je suis pas un Fangeux en puissance ! Peut être ils veulent même pas me tuer ! Ils sont content de m'avoir vu détruire un mort-vivant en fait ! J'ai failli me pisser dessus de soulagement. Un vieux - à mes yeux, tout ce qui a plus de trente ans est vieux - propose de me payer un verre à... Traquemont. Qui présente le grand avantage de ne pas être Marbrume. Ca fait trois mois que je vis seul dans les marais. Imagine ce que ça représente, en terme de solitude qui rend fou. Trois mois à se voir mourir à petit feu, en attendant de mourir pour de bon bouffé par un cadavre. Trois. Putain. De mois.

- J'ai rien à foutre chez ces connards de Marbrume m'sieur, c'est eux qui m'ont dégommé la moitié de la main, j'vis ici tout seul depuis le début, quasiment. J'veux bien vous suivre, j'pensais qu'ils butaient tout ceux qui approchaient de Traquemont, j'sais pas pourquoi.

Dis je crânement. J'ai maintenant peur qu'ils me laissent en arrière parce que j'suis tout faible et déjà moitié mort, alors j'parle avec tout l'aplomb dont je suis capable et j'essaye de prendre plus de place que je n'en prends réellement. Ils pourraient trouver ça classe que j'vive au milieu du danger tout seul comme un gros héros. J'peux pas m'empêcher quand même de voir un peu de pitié dans un des regards, et j'trouve ça très vexant.
La petite troupe repart donc vers la forteresse, et je les suis... avec quelques difficultés, j'dois avouer. Ils marchent vite, et après mon combat énergique contre un Fangeux j'suis un poil fatigué, et j'aurais plus tendance à m'écrouler pour faire la sieste que de crapahuter dans les marais. Je m'efforce de rester à la hauteur de celui que je classe comme le chef, le vieux qui m'a parlé, et je lui pose plein de questions. Qu'est ce que c'est Traquemont ? Qui dirige ? Pourquoi qu'ils se baladent dans les marais alors que c'est super dangereux ? Hein, pourquoi ? Je fais montre d'un dynamisme dont je n'ai pas les moyens, mais j'ai tellement pas envie qu'ils me laissent en arrière parce que j'ai l'air d'un gamin inutile... J'te garantie pourtant que j'en chie des ronds de chapeau pour marcher aussi vite que des gens en armes, entraînés et bien nourris, et en parlant à coté.

On arrive en vue de la forteresse, que j'avais jamais observé de près. Elle est impressionnante. Massive, austère, accrochée sur des cailloux arides. En haut d'une cote. Une putain de saloperie de cote. Elle a failli me tuer. Les soldats te grimpent le chemin comme si c'était un parcours santé de maison de retraite, mais moi j'suis en train de me faire doubler et de galérer comme un boeuf. Je commence à m'évanouir en fait, j'arrive plus à activer mes jambes et j'vois plein de tâches noires. Non ! Merde, merde merde merde ! Je veux aller au chaud entre les murs de pierre boire un coup avec le vieux monsieur moi ! Pas crever bêtement à vingt mètres du but.

Un des soldats soupire de lassitude, et me soulève comme si j'étais en plume pour me balancer sur son épaule. Je rage intérieurement contre cette offense à ma dignité, mais honnêtement... ben j'protesterai à haute voix en haut de la cote hein. En attendant, les os de mes hanches cognent contre son épaule au rythme de ses pas et je savoure pendant quelques minutes de ne rien foutre. Une fois à distance raisonnable de la porte principale, par contre, je commence à râler.

- Mais pose moi. Pose moi. J'veux pas me faire trimbaler comme une gonzesse, alleeeez pose moi.
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MessageSujet: Re: Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé]   Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé] EmptyLun 7 Déc 2015 - 13:44
Il ne fallait pas être grand clerc pour traduire l'avis du garçon sur les gens de Marbrume. Il était Banni, de toute évidence, et sans même avoir à vérifier son avant-bras Lendemain s'était fait cette déduction ; toutefois, il ne posa pas davantage de questions. Ce n'était pas de la délicatesse ou de la prévenance à l'égard du jeune paria, non... c'était simplement qu'il jugeait les hommes sur leurs actes d'aujourd'hui davantage que sur ceux d'hier et que de toute façon, le gamin aurait pu lui raconter à peu près n'importe quoi quant aux raisons de son exil.

C'est ainsi qu'ils repartirent pour le fort de la châtelaine, dans un silence relatif. Si les hommes ne cessaient de jeter des regards soupçonneux aux ténèbres qu'ils avaient appris à craindre, on pouvait malgré tout discerner une nouvelle lueur de soulagement au fond de leurs yeux. Le soulagement de se savoir posséder un refuge, de savoir qu'il existait, quelque part pour eux, une porte ouverte et une chandelle posée à la fenêtre - qu'on n'éteindrait pas avant leur retour. C'était, songea Lendemain, une espérance que leur invité nocturne avait probablement perdue. A sa façon, c'était ce qu'Yseult leur offrait lorsqu'on y réfléchissait. De l'espoir, pour ce qu'il pouvait valoir en ces temps troublés : l'espoir qu'un jour les Fangeux seraient défaits, puisqu'ils pouvaient être combattus. Que ce jour vienne de leur vivant ou non ne semblait pas trop inquiéter leur maîtresse, ce qui n'était pas nécessairement le cas de tous ; néanmoins lui-même avait fait le choix de lui faire confiance et il s'en tenait à cette décision.

***

Beaucoup parmi les miens se sont mis à haïr la nuit. A abhorrer ses secrets, ses opaques mystères, lesquels trop souvent à leur goût abritent des horreurs qui jusqu'à peu ne se seraient pas même tapies dans nos pires cauchemars. Ces êtres hideux font désormais partie de notre quotidien.
Les choses pourraient être autrement, je le sais bien. Nous pourrions nous installer à Marbrume, à l'abri de ses hauts remparts, et vivre des miettes que le Duc nous jetterait. Comme des chiens à la table d'un nobliau.

Ah... serait-ce si difficile ? Je ne crois pas avoir tant d'orgueil que je refuserais de survivre, quand bien même ce serait selon le bon vouloir d'un autre. Ce que je refuse, c'est de mourir à petit feu dans cet enclos à bétail qu'est devenu la Cité Franche. C'est de mourir sans me battre, mourir en ayant déjà accepté que l'humanité a perdu contre la Fange... mais elle n'a pas perdu !

C'est juste que... qu'elle ne s'en rend pas compte...

Mes paupières se crispèrent et ma gorge se noua, tandis que je me tenais roide sous la clarté lunaire, ma silhouette se découpant sur les remparts de la porte principale. Humanité, douce humanité... ouvre les yeux. Tu peux encore vaincre, si tu en acceptes le prix. Si tu acceptes de souffrir plus que de raison, comme j'ai pu le faire.

- Mais pose moi. Pose moi. J'veux pas me faire trimbaler comme une gonzesse, alleeeez pose moi.

Je perçois à peine les mots presque indistincts qui percent à quelque distance de là la trompeuse tranquillité de minuit. Mais quoi qu'il en soit, ce n'est pas très malin de faire du bruit à ce point... même morts, les macchabées ont une ouïe surprenante.

Un : « Moins de bruit. » neutre m'atteignit, probablement destiné à celui que j'apercevais transporté comme un vulgaire sac de patates sur l'épaule d'un des gardes de la patrouille. La taloche bien sentie que lui adressa Lendemain en guise d'accompagnement confirma mes soupçons quant au destinataire de l'injonction.

Un inconnu. Je m'interrogeais sur les raisons qui avaient pu pousser mon second à prendre cette initiative de ramener un... hôte... à Traquemont, si tant est que ma châtellenie puisse se vanter d'avoir assez de confort pour disposer d'hôtes.
J'observais sans un mot l'escouade franchir la herse qu'on releva pour l'occasion, l'homme un peu trop bruyant à mon goût ayant pu retrouver le plancher des vaches. Ils se dirigèrent sans attendre vers les baraquements jouxtant le donjon, traversant la cour intérieure boueuse pour disparaître dans le ventre du fort. Ma curiosité était piquée au vif. Qui diable était celui qu'ils avaient ramené ?

***

J'étais restée une bonne dizaine de minutes sur le chemin de ronde à défier la nuit du regard, m'assurant par-là qu'aucun Fangeux ne s'était retrouvé sur les talons de mes gardes avant qu'ils ne rentrent à l'abri des murs. Une fois rassurée, j'étais descendue de ce relatif perchoir afin de gagner l'édifice central. Quelques corridors chichement éclairés de torches huileuses plus tard et j'apparaissais dans l'embrasure des cuisines, vêtue de ma sempiternelle livrée de cuir noir et ceinte au flanc d'une épée longue.

Elles étaient assez peuplées, si l'on considérait cette heure indue. Une dizaine des habitants du château y conversaient à voix basse, dont quelques femmes ; dans un recoin de ce qui servait également de réfectoire, Lendemain et le fameux étranger, lequel était plus jeune que ce que j'avais pensé. Peut-être plus... misérable, également. C'est vers eux que je me dirigeais d'un pas vif, m'attirant les regards de tout ce beau monde.

« J'ignorais que la mission dont je vous avais chargé nécessitait que vous rameniez quelqu'un ici. » Ces mots, jetés d'une voix froide au visage de mon second, claquèrent dans la pièce où tomba aussitôt un silence pesant. Je me tournai au bout de quelques secondes vers son voisin de tablée, devant lequel on avait posé un plateau supportant un bol de brouet froid, une pièce de viande sur une épaisse tranche de pain et même un morceau de fromage de chèvre. Le regard que je lui adressai aurait pu transpercer une pierre. « Qui êtes-vous et pourquoi êtes-vous ici ? »
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MessageSujet: Re: Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé]   Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé] EmptyLun 7 Déc 2015 - 20:21
[si y a un truc qui va pas avec Lendemain tu m'envoie un MP.]

L'arrivée de la châtelaine m'a tétanisé. J'ai jamais croisé de noble en tant que chevrier, quand j'étais déserteur non plus, et encore moins en tant que vagabond au sein de Marbrume. La fois où j'ai été le plus proche d'un noble, c'est quand mon papy m'a raconté une anecdote de quand il était petit. Le fils cadet du roi est passé par son village, et tout le monde est venu l'acclamer. Il est resté que deux minutes pourtant, le temps de traverser la rue principale avec son escorte, mais ça restait un putain d'événement. Donc je sais pas quoi dire à une châtelaine qui me déboule sous le nez ! J'ai probablement pas le droit de lui adresser la parole directement de toute façon, en tant que métèque en dehors de toute condition respectable. Elle est belle en plus, habillée de façon militaire, les cheveux blonds bien propres. Elle respire pas la joie de vivre, par contre. J'imaginais pas les princesse comme ça. Elle me rappelle la grand mère de ma fille, à la ville. Fallait pas la faire chier, et en plus elle pouvait pas me saquer. Comme quoi j'étais un petit parasite, soit disant, qui foutait les filles en cloque. Déjà, j'tiens à dire, c'était pas "les filles", j'ai eu un accident qu'avec une seule, ensuite j'étais pas son premier bonhomme non plus.
Enfin bref.

Je pense que ça ferait pas plaisir à une châtelaine que je la compare à une vieille vendeuse de tourte de Marbrume, alors je ferme ma gueule en jetant des regards désespérés à Lendemain. Le silence se prolonge de façon douloureuse, et il est obligé de prendre la parole.

- Nous l'avons trouvé en train de tuer un Fangeux tout seul avec un couteau de cuisine madame. Apparemment il vit dans les marais depuis le début de... des événements.

J'approche de l'oreille de Lendemain pour lui chuchoter que c'était pas un couteau de cuisine, mais un couteau à pain. Ca fait une énorme différence, le couteau à pain coupe moins bien ! Il va pas me démolir le prestige de l'anecdote quand même ! Pour me remercier de mon intervention, il m'envoie une taloche. Pas assez forte pour faire vraiment mal, ça me projette juste un peu la tête en avant. C'est quand même chiant. Comme je veux pas me faire dégager dehors sans avoir fini mon repas, je laisse faire. Si je m'arrêtais de vivre à chaque fois que je me prends une micro-baffe, on en sortirait pas.

- Il est un peu simplet, mais on a perdu quelques hommes et je me suis dit... enfin vous voyez, madame.
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MessageSujet: Re: Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé]   Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé] EmptyJeu 17 Déc 2015 - 18:22
Un couteau de cuisine ? Je ramène brièvement mon attention sur le jeune homme, l'étudiant en détail. L'errance et les privations l'avaient émacié ainsi qu'un loup au sortir de l'hiver, bien que la comparaison avec un prédateur soit peut-être impropre. Je ne lisais pas au fond de ses yeux la soyeuse dureté qu'abritaient les miens, la signature de celles et ceux qui n'hésitent pas même le temps d'une respiration avant de tuer. Non, il n'était pas un tueur...
Mais il était un survivant. De ceci, j'en étais confusément convaincue.

« Dites-vous moins de choses, ça vous évitera des décisions irréfléchies » grinçai-je des dents avec un regard peu amène pour mon lieutenant. Une réprimande qu'il accueillit sans trop de contrition tandis que je tirais une chaise pour m'asseoir à mon tour, à la même table.

Ce n'était pas tout le monde qui pouvait abattre un Fangeux, je le savais bien. Ils n'étaient pas seulement plus vifs et robustes que nous ; ils inspiraient également une peur primale, une peur sourde au fond du ventre. Que je ne la montre pas était loin de signifier que je ne la connaissais pas... Pour la plupart, la terreur était telle qu'ils en étaient paralysés ou réduits à la fuite. Il y avait une forme de bravoure particulière dans l'acte de se retourner, de montrer les dents et de mordre.

L'être humain, face à la vie et face à la mort, ressemble à un chien sans maître par bien des côtés.

« Alors vous vivez dans les marais. Depuis le... début. » Rapide coup d’œil en direction de son avant-bras. Je n'ai pas besoin de le retourner pour deviner qu'on a marqué dans sa chair le sigle honni des parias de Marbrume. « Vous êtes un Banni et je veux savoir pourquoi. »

Une déclaration aux allures d'accusation, jetée sans pudeur ni fausse bienveillance. Je me moque parfaitement que la chose ne me regarde pas et je me moque tout autant que ce garçon en face de moi ait des airs de rescapé. La compassion est un luxe, qu'on n'en doute pas ; j'avais choisi de m'en priver, du moins lorsque j'en avais la force.
L'évocation du terme Banni soulève une discrète rumeur parmi les autres occupants des cuisines. C'est à ce moment que Lendemain fit une chose à laquelle je ne m'attendais pas ; il se leva pour s'adosser au mur, derrière l'étranger, les bras croisés. Son expression s'assombrit afin de marquer sa désapprobation, et les murmures se turent ; certains, même, se levèrent également pour quitter la salle, fuyant la colère silencieuse du guerrier taciturne.
Alors il se trouvait un protégé, hein ?

« On dirait que vous vous êtes fait un ami. »

Quelques mots servis d'une voix moqueuse, mais il s'agissait là de ma façon de taquiner Lendemain. L'intéressé lâcha un grognement incompréhensible en retour.
Je connaissais suffisamment l'homme pour savoir combien il fonctionnait à l'instinct, et je n'oubliais pas non plus que ce même instinct avait sauvé bien des personnes lors de notre traversée de Corbeval pour rejoindre la frontière de la cité ducale. Chercher la raison qui le poussait à prêter son aile au garçon serait probablement vain ; je préférais pour l'heure faire confiance à Lendemain et réserver mon jugement.

« Finissez votre repas. Vous pouvez dormir à Traquemont pour cette nuit. Le reste... nous aviserons demain. » La fin de ma phrase s'accompagna d'un regard pénétrant qui les engloba tous deux, avant que je ne fasse racler en arrière les pattes de mon siège. Le délaissant d'un mouvement souple, je m'en fus comme j'étais venue, mes bottes cerclées de fer tintant sèchement sur les dalles de pierre froide.

***
« Ça s'est pas trop mal passé, hein ? »

Il y avait une sorte de camaraderie bourrue dans le ton du soldat, tandis qu'il guidait celui qui lui semblait être encore un gamin à travers les couloirs du château.

« Bon, que je t'explique. Ici, ce n'est pas une garnison, on n'a pas de... de baraquements, comme une caserne. On vit avec nos familles. » Il s'exprimait quelque peu distraitement, ainsi que si quelque chose le préoccupait et qu'il cherchait un moyen de l'expliquer à son compère. « A la place de la châtelaine j'aurai pas dit devant tout le monde, comme ça, que tu es un Banni. Les nouvelles vont vite. Ça ne devrait pas te porter préjudice, mais... y en a quelques-uns dans nos rangs qui viennent de Marbrume. »

Là-dessus, il se passa une main sur le visage et s'arrêta afin de se tourner vers son interlocuteur. Une franchise un peu brutale se devinait au fond de ses yeux bruns.

« Je ne vais pas tourner autour du pot. Le mieux pour aujourd'hui, c'est que tu dormes dans les écuries. Y a de la paille, les chevaux tiennent chaud et ça évitera les problèmes si jamais quelqu'un les cherche. Si tu te tiens à carreau, tout se passera bien. »

Il le dévisagea quelques secondes, comme pour s'assurer que le message était bien passé ; hochant finalement la tête, le second d'Yseult reprit son chemin. Lequel ne tarda pas à les mener tous deux de retour à la cour intérieure, dont le versant Ouest présentait des box plutôt propres, si l'on excluait la boue qui maculait leur façade. Presque la moitié n'était pas occupés - on pouvait en déduire que le fort ne comportait pas tant de cavaliers.

« Si t'as des questions, je suis encore là » fit le grand reître en soulignant l'évidence. « Sinon, bonne nuit gamin. » Il ne connaissait toujours pas son prénom, mais « gamin » sonnait presque de la même façon dans sa bouche.
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MessageSujet: Re: Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé]   Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé] EmptyLun 21 Déc 2015 - 16:38
Si on m'avait dit, un jour, que je devrais parler de ma sexualité à une noble bah... je sais pas, j'y aurais pas cru en tous cas. J'aurais probablement dit au mec d'arrêter la picole, ou je me serais éloigné de ce barjot. Là maintenant je tords mes doigts en regardant le sol d'un air très embarrassé. Pourquoi j'ai été banni ? J'vois pas comment dire ça poliment. Comme ça se dit "niquer" en noble ? Ma connaissance de la langue est pas assez fine pour trouver des synonymes.

- Euh baaaaah euh...

Mentir ? Nan, j'me vois pas mentir à cette gonzesse là. T'as vu ses yeux ? T'as vu comment elle parle ? On ment pas à quelqu'un comme ça. Puis elle a probablement un sixième sens de noble pour savoir ces choses là.

- Ben j'ai... j'ai "fréquenté" la cousine du capitaine de la Milice. Voilà. Y a quelqu'un qui m'a chopé en train de bah euh... 'fin... la fréquenter quoi ! Puis ça leur a pas plu. J'ai pas vraiment commis de crime en fait.Petit pause où j'ai l'air de me rappeler soudain de quelque chose d'important. M'dame.

Si la dame me croit, ça a pas l'air d'être le cas de tout le monde dans la pièce. Lendemain affiche son soutien en se mettant derrière moi - brave homme - mais les autres me jettent des regards méfiants. Comme si j'étais plus dangereux qu'un gamin affamé. Je m'attendais pas trop à ça. La dame part, à mon grand soulagement. J'étais un peu tendu de la voir là. Je finis mon repas en silence, très lentement vu le peu de dents qu'il me reste. J'voudrais être l'ami de tout le monde, c'est beaucoup trop douloureux d'être un ennemi.

*
**

Je trottine derrière Lendemain, qui m'explique des trucs. Il fait ça bien. J'trouve sa présence... ben rassurante. Il provoque pas chez moi les petits mouvements de panique que j'associe habituellement aux hommes entre deux âges. Peut être parce qu'il sent pas la sueur et le dessous de couille. Quand il parle des famille qui logent ici, je me sens obligé de mentionner ma copine et ma fille qui va sur ses deux ans. Ca a l'air de salement l'emmerder, je comprends pas pourquoi. Puis il m'explique la réaction des gens par rapport au fait que je sois un Banni.

Vous inquiétez pas, j'saurais ne pas me mettre en galère avec les gens. Puis c'est déjà très bien les écuries.

Et j'mens pas : c'est Byzance les écuries. C'est presque aussi bien que la taverne de Soren. Comment te décrire l'épuisement que c'est de dormir sur des branches d'arbre, dans le froid et l'humidité, en gardant un oeil sur les Fangeux ? Là je serais au sec,au chaud, et surtout en sécurité.

Nan c'est bon m'sieur. Merci !

Lendemain est même pas sorti de la stalle que je suis déjà endormi, le ventre plein à exploser, vautré dans la paille.

*
**

Je trottine derrière Lendemain - encore, mais il est plus grand que moi et il marche vite. Il est venu me réveiller à l'aube avec du pain et un morceau de fromage, pour que je vienne faire la démonstration de mes talents guerriers dans la cour. Il a ébouriffé mes cheveux pour m'encourager à me lever, puis il s'est rendu compte que c'était une mauvaise idée en me voyant grimacer de douleur, puis en sentant des croûtes et du pus suintant sous ses doigts avant de retirer une bonne poignée de cheveux. C'est que j'suis pas vraiment dans la fraîcheur, et mes organes tournent en mode "bricolage". Mais j'veux bien agiter une épée dans tous les sens si ça me permet de manger tous les jours et de dormir dans une écurie bien sèche.

Donc c'est comme ça que je me retrouve comme un con sur un champ de sable en face d'un type qui fait le double de mon poids, avec une épée que je peux à peine soulever des deux mains. Il va me tuer ! Comme quoi c'est pour mesurer ma "technique". J'ai bien dit que j'en avais pas, de technique ! Je panique. Le type en face me faire le sourire méchant de celui qui se sait déjà gagnant. J'ai pas à faire un gros effort d'imagination pour imaginer les bleus que je vais récolter.
Dès qu'il amorce son premier mouvement, je lâche l'épée inutile et je me mets à lui courir autour. Qu'est ce que je pourrais foutre d'un gros bout de métal dont je sais pas me servir ? Je grimpe sur le dos du gars et commence à l'étrangler en plaquant mon avant-bras sur sa trachée. Il s'attendait pas à autant de vivacité de la part d'un gamin trouillard, mais c'est la peur qui justement me fait bouger aussi vite.

Bien sûr, Lendemain me sépare sur gars en faisant levier entre mes deux avant-bras pour que j'arrête de l'étrangler. Comme quoi c'est pas un duel à mort, juste des passe d'armes pour "voir où j'en suis". Mais j'en suis nul part ! J'ai dû faire une heure d'entraînement à l'épée e toute ma vie, et ça doit remonter à cinq six ans. Du coup je me retrouve à nouveau avec mon arme à la con et un type très vexé de s'être fait maîtrisé par un gamin à moitié mort de faim. Il se laissera pas avoir aussi facilement.
Encore une fois, dans la panique je lâche mon arme. Mais cette fois ci je saute pas derrière lui pour l'étrangler. Ca marcherait pas, il me voit venir. Je me content de lui mettre un immense coup de pied dans les couilles. J'peux te dire que ce pied, y a pas mal de monde qui a appris à le craindre. Anton, déjà, puis pas mal de connards des bas fonds de Marbrume. Quand on est un petit mec qui a pas fini sa croissance, on apprend à se débrouiller autrement.
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MessageSujet: Re: Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé]   Et in Arcadia ego. [Yseult] [Terminé] EmptyJeu 24 Déc 2015 - 1:16
« Hum... bon, ce n'est pas un guerrier... »

J'arquai délicatement un sourcil en jetant un coup d’œil à Lendemain, lequel se tenait à mes côtés en tentant de dissimuler son amusement. De toute évidence, les pitreries du gamin étaient à son goût. Et bien il était le seul.

« Et c'est de guerriers dont j'ai besoin » rétorquai-je d'un ton cassant.

Traquemont n'était pas un lieu de plaisance. Un refuge, peut-être... mais un refuge à partir duquel on livrait bataille. Si l'on ne souhaitait ou ne pouvait se battre, c'était à Marbrume qu'il fallait aller.

« Pourtant... »
« Pourtant quoi ? »

Je répondais sèchement, me sentant d'humeur peu charitable et nullement disposée à faire de cadeaux à mon lieutenant. Devant nous, le gamin de la veille faisait de son mieux pour se débarrasser de son épée. Et ma foi, il y arrivait très bien.

« C'est un survivant. Vous l'avez vu dans ses yeux. »

J'expirais avec force par le nez, haussant légèrement les épaules. Bien sûr que je l'avais vu. Il était possible que ce morveux nous enterre tous... S'il ne mettait pas ma patience à bout avant ça.

« C'est ce que nous sommes tous ici, châtelaine. Des survivants. Il saura se rendre utile. »

Je me permettais d'en douter en observant l'intéressé administrer un coup de pied bien senti sous la ceinture de son infortuné adversaire, s'attirant les rires des quelques matinaux vaquant çà et là à leurs occupations - j'apercevais une femme d'âge mûr qui, un broc de mortier dans les mains, allait s'affairer à colmater une discrète fissure dans le mur d'enceinte ; plus loin, c'était un cordonnier dont je savais également les talents de musicien qui s'installait à son appentis et commençait à clouer une botte.

Mon attention se ramena sur les deux duellistes, dont l'un était passablement occupé à se masser l'entrejambe.

« Je sais ce que vous voulez, Lendemain. » L'homme se raidit subrepticement devant ces mots, cette fois prononcés non sans douceur. « Vous voulez lui offrir un foyer et croire que nous en sommes capables. Que ce que nous faisons ici est juste et bon... mais rappelez-vous que je n'ai jamais promis ni la justice, ni la bonté. »

Je le regardais en coin : sur ses traits burinés se lisait un mélange d'acceptation et de rébellion. Il avait toujours été ainsi, d'aussi loin que je m'en souvenais... Bien trop pragmatique pour ne pas voir la réalité telle qu'elle était, et bien trop généreux pour ne pas la voir telle qu'elle pourrait être.

« C'est également un Banni solitaire. Vous savez, je ne suis pas certaine que... quiconque puisse avoir un foyer en ce bas-monde, s'il doit s'y sentir seul » avouai-je dans un murmure.

Bien sûr que je me sentais seule, même entourée de mes gens. Mes responsabilités, mon devoir et ma froideur creusaient un infranchissable fossé entre eux et moi.

« C'est pourquoi vous veillerez à ce que ce ne soit pas son cas. »

Mon verdict tomba avec cette simple recommandation, laquelle amena un sourire franc dans la barbe du guerrier. Je me pinçai l'arête du nez avec un soupir lorsqu'un énième éclat de rire salua quelque cabriole de notre nouveau résident. Quelques secondes s'égrenèrent pendant lesquelles, bien malgré moi, je me surpris à éprouver un sentiment qui n'était guère éloigné de la bienveillance ; quel mal y avait-il à offrir une seconde chance à ce garçon ?

Par certains aspects, sous sa crasse et la rage de vivre dont je le sentais instinctivement habité, il n'était encore qu'un enfant. S'il venait à mourir sous mes directives, parce qu'il aura souhaité prouver sa valeur, ou parce qu'il aura été naïf ou maladroit... J'inspirai profondément, levant mon regard limpide vers la voûte grisâtre du ciel.
J'espérais ne pas avoir commis une erreur.

***

Lendemain attendit quelques instants que la châtelaine soit repartie vers son donjon pour décerner un sourire jovial à Malachite, levant un pouce à son adresse. Oh, il allait le pousser un peu à bout dans les mois à venir, la question ne se posait même pas ; le grand reître avait un don tout particulier pour coller des corvées aussi fatigantes qu'irritantes aux jeunes gens du fort. Nettoyer les écuries, porter des seaux d'eau ou de pierres à ceux entretenant les murs, polir les armes, couper du bois de chauffe...
Il leur imposait des tâches qui, avec la chère abondante de Traquemont, leur donnait un corps vigoureux. Et seulement après il commençait vraiment à leur en faire baver...
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