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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice)   [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice) EmptySam 22 Juin 2019 - 13:41
Ferme Pessan
23 mars 1166

Quand Aymeric explique que parfois les choses s'accélèrent sans qu'on s'y attende, il sait de quoi il parle. L'automne n'était pas encore là qu'il était contraint de quitter la milice externe, rappeler auprès de son Comte de père en tant qu'unique héritier du nom. Pour lui qui était, selon les rumeurs, à deux doigts de décrocher un poste de Sergent, le coup était rude. Sa vie simple, mélangeant missions en extérieur et repos dans la Caserne, avec ses temps libres où il retapait sa fermette sur les falaises, lui a semblé d'un coup bien loin.

En tant que futur Comte, il lui fallait réapprendre l'étiquette et l'écriture, domaines dans lesquels il était d'une nullité abyssale, et se trouver une épouse riche, vu les finances familiales désastreuses. Et l'héritier, pas né de la dernière pluie, en découvrant que sa préceptrice était une noble déchue mais riche, lui a proposé une alliance de bon aloi. Il l'épouse pour sa fortune et elle héritera de son titre à la mort du Comte. Le fait qu'elle soit déjà enceinte ne le dérangeait pas outre mesure.

Et pourtant, plus les problèmes trouvaient solution, plus Aymeric rentrait dans son rôle de futur Comte et plus il était malheureux. Depuis petit, c'est un rural, pas un citadin. Lui, il aime la nature, les arbres, la chasse et le silence. Il déteste les pierres, les faux semblants, les jeux de cour. Le coup de grâce aura probablement été porté par Alexandre de Terresang, fantastique guerrier mais qui a vendu sa protégée au pire margoulin de Marbrume en échange d'une forte somme d'argent. Les valeurs auxquelles Aymeric croit sont bafouées par les meilleurs à l'Esplanade et il nourrit de plus en plus le projet de partir, quitte à renoncer à son titre.

Jusqu'à un nouvel événement, surprenant au possible. Une ancienne conquête de noble lignée avec qui il avait fauté plus jeune lui apprend que de leur unique nuit est née une petite fille qu'elle a dû abandonner. Aymeric finit par la retrouver. Elle est tellement à la fois le portrait de feue sa mère et le portrait de sa génitrice qu'il ne doute pas un instant de la filiation (et son Comte de père non plus). L'adoption prendra quelques temps mais désormais, l'ancienne gamine des rues est Alix, Vicomtesse de Beauharnais. L'apparition d'une bâtarde pousse son épouse, enceinte d'un autre, à exiger d'Aymeric un choix. Soit son épouse, soit sa fille. Aymeric n'est pas homme qu'on fait chanter et son épouse profite d'un de ses voyages en extérieur pour fuir. Depuis, elle est portée disparue. Et peu de temps après, le Comte meurt, faisant d'Aymeric le nouveau Comte de Beauharnais.

Rien n'interdit désormais à Aymeric, qui ne souffre visiblement ni du départ de son épouse, ni du décès de son père, de mener à bien ses projets. Rien, sinon une chose, son titre est une protection pour sa fille et il ne peut y renoncer pour retourner dans la Milice. Mais l'installation au Labret, loin de l'Esplanade et de ses manigances, reste d'actualité. Ayant eu vent de l'information, Apolline de Pessan, qui possède une ferme dans le Labret, verrait d'un bon oeil un noble s'en occuper et la tenir informée de ce qui se passe là-bas. Après d'âpres négociations, Aymeric accepte.

Encore faut-il se rendre sur place pour voir ce qui est réalisable. La négociation pour le rachat d'une forge à Usson ne pose pas grand problème. Bien informé par Mathilde, fermière du Labret en passe de devenir une réelle amie, Aymeric a appris que ce forgeron souhaitait revenir à Marbrume car il gagnait de l'âge mais qu'il refusait d'abandonner sa forge à "n'importe qui", car elle aidait beaucoup de gens. Un Comte, définitivement, n'est pas n'importe qui et il emmène avec lui un forgeron expérimenté et qui sera ravi de retrouver la campagne. Mais Aymeric a payé le prix juste, le bougre qu'il avait en face de lui ayant conscience de la valeur de l'affaire qu'il abandonne.

La surprise est bien plus forte quand Aymeric découvre la ferme Pessan. En guise de ferme, il ne connaissait pour ainsi dire que la sienne, et un peu celle de Mathilde, où il a passé une demi journée. Et sa ferme à lui fait deux hectares. Celle de la Comtesse de Pessan tient plus du domaine que de la ferme, car elle doit bien être 100x plus grande que sa fermette à chèvre. Le "logement" qu'elle nomme "ferme" est un château s'élevant sur 3 étages sans compter la cave et les greniers, avec six grandes pièces par étage, le tout en brique. Et pourtant, le personnel fermier de la Pessan ne loge pas sur place mais dispose de deux fermes, des vraies celle-là, sur les terres. 8 adultes et deux adolescents se partagent les lieux sans se marcher dessus. Et ajoutons à cela une grange et une étable. Quand Aymeric s'est engagé à entretenir le truc (au frais de la Comtesse), il avait imaginé des bâtiments bien plus petits et a le sentiment d'avoir été arnaqué. Aussi, la première mission qu'il a confiée à celui à qui il rachète la forge sera de lui fabriquer les blindages pour les portes et fenêtres. La sécurité de sa fille étant prioritaire. Et il songe à faire abattre les escalier en bois pour les remplacer par des échelles. Si un fangeux pénètre au rez-de-chaussée, il ne pourra atteindre l'étage.

L'inspection des toits l'a mis de mauvaise humeur, il y a du boulot là aussi, même si celui-là, il pense pouvoir s'en charger seul. Et de là, il a vu que pour les clôtures pour ce qui concerne son élevage, il y aura des frais. En étant très optimiste, il pourra réellement installer un vrai élevage que fin d'été début automne, les réparations seront longues et douloureuses. Bon point, les meubles sont de bonne facture et n'ont pas trop souffert, pas plus que la cuisine. S'il y a des réparations et des frais, ça reste habitable.

Il en est là de ses réflexions, alors qu'il est ressorti inspecter les façades, lorsqu'il aperçoit une jeune femme venant vers lui. Elle ne fait pas partie des fermiers de la Pessan. Une visite de courtoisie d'une voisine ? Quelque chose d'autre ? Dans le doute, il se déplace vers elle, tout en surveillant les alentours. Bien qu'il fasse jour, la menace fangeuse reste présente. Son arc et ses dagues sont à portée de main, pour le cas où. Bien que la dame ne semble pas être une guerrière.


Dernière édition par Aymeric de Beauharnais le Ven 30 Aoû 2019 - 14:47, édité 1 fois
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Bérénice MonetPaysanne
Bérénice Monet



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MessageSujet: Re: [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice)   [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice) EmptyDim 30 Juin 2019 - 21:32
Elle esquissa quelques pas, timides, remercia le fermier qui lui avait indiqué du bout du doigt l’intendant du domaine, s’avança quelque peu vers lui, puis s’arrêta tout à fait lorsqu’elle l’aperçut qui marchait vers elle.

Les précédents mois à Genevrey s’étaient écoulés avec une lenteur inquiétante, comme des milliers de fragments d’instant de vie collés les uns à côté des autres dans le désordre, dans un équilibre fragile qu’une simple attaque pourrait fracasser. Cette menace latente était une inquiétude suspendue au-dessus de son front, comme une épée, une pointe à quelques millimètres et qui laissait courir sur son visage coloré des perles de sueur. Si bien qu’elle se demanda si elle avait seulement bien fait de venir jusqu’ici.

Malgré la Fange, la campagne demeurait toujours ce qu’elle avait toujours été ; un milieu rude et ingrat où l’oisiveté était un luxe dont peu de paysans pouvaient se gorger. Cependant il était un fléau qui perdurait, colporté de villages en villages, de foyers en foyers. Les rumeurs allaient toujours bon train, parfois timides ou avec entrain, sous le joug de simples nouvelles ou d’un semblant de conversations, elles attiraient les oreilles abandonnées. Parfois il ne s’agissait que d’anecdotes inintéressantes, des noms qui ne voulaient pas dire grand-chose pour l’étrangère qu’elle était sur cette terre. Le temps pouvait passer mais ce fait demeurait profondément ancré dans sa chair. La nuit où les fangeux l’avaient chassé de chez elle en apportant sa famille, Bérénice avait avorté sa vie. Ces souvenirs la hantaient encore nuit et jour, et peut-être était-ce la similitude entre la petite maison qu’elle partageait avec un fermier du Genevrey, et la maisonnée de ses parents qui l’avait poussée à prendre la route jusqu’ici. Ces petites bicoques pouvaient tenir un temps, un jour cela ne suffirait plus. Elles étaient faîtes pour s'effondrer. Voilà alors une angoisse supplémentaire qui s’était logée, une idée fixe et obsédante contre laquelle il ne servait à rien de lutter. Bluffer avec la peur ne menait à rien : elle gagnait toujours, un atout caché dans la manche.

C’était une après-midi pluvieuse, où ils s’étaient terrés comme des rats dans leur bicoque, qu’était venu le sujet de la ferme Pessan. Une grande baraque avec tout ce qui faut, qu’ils avaient dit en confidence sous la lueur d’une chandelle. Le fermier qui l’abritait en était venu à parler de ces choses qu’il ne connaissait pas, mais qu’il avait assez bien entendu pour répéter et amplifier. Une grande maison de pierre sur plusieurs étages, c’est ça qu’il faut pour repousser les fangeux. Les nobles savent mettre les moyens pour protéger ce qui leur appartient. Et tandis qu’il parlait de la ferme Pessan comme de la nouvelle terre promise, Bérénice était venue s’asseoir sur le tabouret en face du fermier, et sa bouche avait heurté le petit verre en terre cuite pour y recueillir un fond de ce vin chaud et immonde, cette vieille piquette qui vous restait dans le gosier, que l’on ne buvait seulement par fierté, parce qu’on l’avait fait. Presque religieusement, elle avait écouté, avec ce silence et cette docilité qui lui appartenaient. Elle avait mis quelques jours à se décider, jusqu’à ce qu’un voisin ne se décide à faire le chemin jusqu'à un village non loin du domaine Pessan, pour y livrer quelques marchandises. Bérénice avait décidé de tenter ce qui s’apparentait à une opportunité.

Elle était descendue de la charrette. Le fermier avait jeté un coup d’œil rapide, avant de donner un petit coup sec au canasson, les roues avaient dessiné un arc de cercle, il lui avait soufflé une adresse du bout des lèvres où elle pourrait le rejoindre plus tard, et presque simplement la charrette avait disparu au loin.
Bérénice était restée dans un état de contemplation quasi pitoyable. Cela ne ressemblait pas à ce qu’on lui avait décrit. Une rougeur honteuse et colérique avait empourpré ses joues tandis qu’elle se rendait compte de sa seule naïveté.

La jeune femme percevait réellement l’inquiétude que représentaient des portes et des fenêtres non calfeutrées. Le potentiel demeurait cependant, cela même une pauvresse pouvait le percevoir. Elle détailla la hauteur du bâtiment, puis les combles. Il lui vint à l’esprit qu’elle dormirait plus tranquille si ses nuits pouvaient être le plus possible éloignées du sol. Mais enfin, c'était immense. Depuis longtemps elle n'avait plus l'habitude de ce faste, à force de vivre dans ces endroits étriqués et pauvres, l'impression de grandeur qui se dégageait à présent du lieu lui offrait d'étranges vertiges.

Ses doigts se resserraient lentement autour de sa faux, plantée dans le sol, et si elle pouvait totalement disparaître derrière le fin manche, cela serait certainement déjà fait. Mais il était difficile, même pour une femme maigrichonne, d’anéantir complètement les bords du corps derrière une mince ligne droite. Elle guettait alors l’homme sans oser seulement s’approcher plus en avant. Naturellement intimidée par le charisme, ou bien par la vision de l’intendant précédé de l’imposant château, la jeune femme semblait inconsciemment se replier sur elle-même. Elle baissa la tête tandis qu’ils se retrouvaient en tête à tête. Mais le visage sérieux, elle se souvenait des restes d’une éducation maladroite mais stricte sur la façon de se présenter à un seigneur. Ce n’était certes pas le premier noble qu’elle rencontrait, et si un certain laxisme avait parfois dicté sa conduite, Bérénice ne perdait pas de vue ce qu’elle était venue quémander. L’étiquette alors serait utile. Elle agrippa sa robe, la souleva à peine sur ses chevilles et esquissa une courbette peu gracile derrière la mince armure que lui apportait sa faux de paysanne.

Elle se souvint de la diction parfaite d’une bourgeoise rencontrée il y a longtemps maintenant à Marbrume, et des mots qui ne lui appartenaient presque pas sortirent posément, avec une douceur empruntée.

« Mon seigneur, j’ai entendu que vous z’êtes à charge du lieu. Je suis la fille Monet. » Pour ce que cela signifiait encore à présent. Cela pourtant conservait à son sens toute son importance, résumant d’où elle venait. D’une simple famille paysanne comme on en fait tant. C’était bien son nom pourtant. Elle fit rouler délicatement ses doigts autour de la faux. Si tout se décidait dans les premiers instants, alors fallait-il au moins laisser une bonne impression. Elle releva ses yeux bleus dans ceux du noble, et son regard ne révéla point de timidité, sinon la détermination qui l’avait poussée jusqu’ici. « C’est un grand château, quand z’y finirez avec les réparations, mon seigneur, m’est avis qu’il vous faudra une petite femme pour tenir l’endroit propret. Une petite femme pour enlever les toiles d’araignées et mettre le couvert. Une petite femme qui prend pas de place, qui voit tout ce qui faut faire et qui vous dérangera pas. M’est avis oui, mon seigneur, que cette petite femme-là est indispensable pour une famille de votre… Rang ! » S’exclama-t-elle soudainement, le mot lui revenant. « Par chance mon seigneur, cette petite femme-là se trouve humblement sous vot’ œil. »
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Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice)   [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice) EmptyJeu 4 Juil 2019 - 17:45
Bon, ce n'est pas une voisine qui fait une visite de courtoisie, c'est clair. Mais dans le flot d'informations qu'elle m'envoie pour se vendre, il reste un paquet de questions. Certaines qu'on ne peut pas poser, comme "Vous êtes naturellement maigre ou c'est la faim qui vous a rendue famélique ?", et d'autres qui sont tout aussi intéressantes, mais moins dérangeantes. Quoique...

- Monet ? Ce nom est-il censé me dire quelque chose ?

Peut-être est-ce un nom important dans le Labret ? Peut-être descend-elle d'un aïeul prestigieux ?

- Parce que dans le cas contraire, votre prénom suffisait...

Cela s'engage mal ? Sans doute. Mais Aymeric est ainsi, assez franc du collier. Il ne se détend pas vraiment, observant les alentours et poursuit.

- En tout cas, vous avez du culot. Pour trouver un emploi, c'est plutôt une qualité, car c'est rare qu'un employeur vienne vers vous pour vous proposer un boulot. Mais il y a un point qui me dérange...

Il tend une main vers elle, comme pour la décrire de pied en cape, comme si la question semblait évidente, puis il attend une réponse. Mais voyant qu'elle n'arrive pas, il fait l'effort de s'expliquer.

- Si vous postulez comme domestique, ce que j'ai cru comprendre, pourquoi cette faux ? Soit vous êtes une paysanne et vous avez compris que nous n'engagerons pas et vous vous raccrochez à la première branche que vous trouvez, soit vous faites la cuisine et le ménage avec une faux. Et même si je ne suis pas très versé dans les arts domestiques, même si je le suis plus que vous ne le supposerez sans doute, j'imagine mal comment cet outil peut servir pour une domestique.

Il serre ses tempes entre deux doigts, grimaçant un peu, ce qui est un signe d'un violent mal de crâne, mais il se reprend rapidement.

- Alors, votre expression de "petite femme"... Est-ce un autre service que vous proposez, celui d'épouse. Outre la tenue de la maison comme maîtresse de maison, vous signalez que vous êtes ouverte à d'autres services, disons... "maritaux" ?

Aymeric évite de donner le moindre indice qui indiquerait si cette option l'intéresse ou le débecte, pas un éclair de lubricité dans son regard, pas un frissonnement de colère de sa narine, rien.

- Car parlons peu parlons bien, vous n'êtes pas une domestique. Tenir la maison d'un noble est un peu différent que de gérer des repas pour le paternel et les frangins. Quelle expérience du travail avez-vous ? En général déjà, puis dans les travaux domestiques ensuite. Vous pouvez vider un lièvre sans défaillir ? Repriser un vêtement ? Vous avez conscience qu'en une journée vous n'aurez pas le temps de nettoyer toute la maison ? Et accessoirement, si je vous prends, il y a des gens que vous amèneriez avec vous ? Des parents ? Un époux ? Des enfants ?

Cela commence à faire beaucoup de questions, mais Aymeric estime qu'il est temps pour lui de fournir quelques explications.

- Je suis Aymeric, Comte de Beauharnais et ancien milicien de l'externe. Ces terres ne m'appartiennent pas mais appartiennent à la Comtesse de Pessan. Elle m'autorise à loger ici en échange de quelques menus services, dont celui de protéger le lieu. Je compte dans un avenir proche y développer un élevage d'animaux, mais les réparations sont prioritaires. Si je me lance, alors ce lieu me rapportera quelques sous, que nous partagerons avec la Comtesse, dans un partenariat. Sans plus. Je suis marié, mon épouse est portée disparue. J'ai une fille, Alix, qui vivra ici également.

En gros, sa situation reste précaire, il peut être chassé par une lubie de la Pessan dans l'heure qui vient. S'il est viré, forcément, elle aussi. Il est important qu'elle en soit consciente.

- Si je vous engage, c'est à mes frais, et pour aider les gens qui vivront aussi. Il y aura moi, déjà, mais vous constaterez que je suis assez autonome. L'autre avantage est que je suis un bon chasseur, il y aura de la viande, même avant que je me lance dans l'élevage et nous disposons déjà des récoltes de vos collègues. Vous aurez un toit et de quoi manger. Ensuite, il y aura ma fille. Elle a neuf ans, bientôt 10. C'est une enfant charmante, qui aime apprendre et aider. Elle risque d'être dans vos pattes pour les travaux domestiques, souhaitant apprendre la cuisine ou la couture et différents arts ménagers. Bien qu'elle soit Vicomtesse, vous êtes l'adulte. J'ai aussi un palefrenier, qui préférera toujours l'écurie à la bâtisse qui est trop grande pour être juste une ferme. Il aura peu de demandes, mais je tiens à ce qu'elles soient honorées. Et enfin, il y aura une législatrice et probablement un garde-du-corps pour la Vicomtesse, mais je ne peux encore rien en dire car je ne les ai pas encore trouvés. Et effectivement, il me faudra au moins une domestique, mais pas n'importe laquelle.

Il n'a pas souri. Dans le paquet de questions, certaines réponses décideront de son choix. Mais étrangement, il l'observe peu. Les sens du Comte sont aux aguets, à l'écoute de la présence d'un visiteur indésirable. La Fange ne sort pas souvent, ou sort moins, le jour, mais elle sort quand même, et il n'a pas envie de se laisser surprendre.

- Et effectivement, personne ne vivra ici tant que je n'aurai pas fait blinder a minima les accès au rez-de-chaussée. Les autres réparations sont moins prioritaires. Au début, vous vivrez un peu dans la poussière. Ce qui augmentera votre charge de travail. Vous voulez visiter un peu ? Vous verrez, c'est meublé.

Faudra qu'il trouve le menuisier d'Usson aussi pour lui passer commande. Son séjour au Labret est loin d'être terminé. Et pour la première fois, il soupire devant l'ampleur de la tâche. Il va en baver avant de pouvoir s'amuser ici...
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Bérénice Monet



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MessageSujet: Re: [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice)   [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice) EmptyJeu 8 Aoû 2019 - 11:50
[hrp : c'est anormalement long lol, si y'a un soucis que j'aurai pas vu mp moi =) ]


Bérénice pouvait se tendre, bien que cela n’étant pas visible au premier abord, sa ligne de tension se trouvait quasi indéchiffrable derrière des doigts crispés, une raideur de la nuque, quelques gouttes de sueur qui venaient humidifier quelques mèches blondes plaquées contre ses tempes, huileuses. Et elle ne pouvait s’empêcher de se mordre l’intérieur des joues, creusant un peu plus encore son visage, persuadée que cela ne pouvait pas tant se voir derrière des traits finement émaciés. Et comment qu’il fallait se tendre ! Qu’était-ce donc encore que cette idée farfelue qu’elle avait eue ? Par les temps qui couraient, parcourir ces champs sauvages à la recherche d’un travail. Elle aurait dû prier Serus de lui donner la force de se contenter de ce qu’elle possédait déjà, ou ne possédait pas. Mais il était bien connu enfin que l’instinct de survie dépassait parfois ou souvent les aspirations divines. Et puis il en était un qui avait de quoi impressionner. Il avait une prestance cet homme, comme elle n’en avait peut-être jamais vu, quoique pas autant, et il fallait alors lui pardonner sa méfiance, sa crainte, sa peur, sa timidité. Bérénice ne connaissait rien du monde. Et les dernières figures imprimées dans sa mémoire se confondaient avec celles des quelques bouseux des fermes avoisinants celle où elle habitait pour l’instant. Alors devant pareille verbe, pareille assurance, elle se trouvait bien sotte.

« Bérénice. » Répondit-elle presque du tac-o-tac, presque nerveusement, sans pour autant être bien convaincue que cela ferait bien avancer les choses. Un prénom tout simple après tout, c’était presque aussi anonyme qu’un nom tout seul. Au moins la fille Monet descendait-elle de quelqu’un. Bérénice tout court sonnait comme une histoire avortée, comme la fille de personne, une orpheline en dérive. Mais à quoi bon, sa gorge à présent trop sèche se refusait à expliquer quoique ce soit. Elle lui jeta son nom avec une brusquerie pauvre.

Elle dévisagea l’air de rien sa main tendue, en se demandant avec une adorable naïveté ce que cela pouvait bien signifier. Quoi ? Il voulait qu’elle lui serre la main ? Elle retint à peine une grimace de dégoût. Toucher la main d’un homme, quelle horreur.

Elle ignora superbement ce geste dont elle ne comprenait manifestement pas la portée. Sait-on seulement ce qui peut chiffonner autrui lorsqu’on ne sait pas ce qui se dégage de son propre portrait. Et puis l’évidence manquée tomba. Cela peut-être déclamé un peu trop franchement aurait pu la brusquer plus encore, de là cet homme qu’elle trouvait antipathique lui aurait alors suscité un dédain nouveau, comme cela était bien souvent le cas dès lors qu’elle engageait une conversation avec le mâle alpha. Peu importait ce qui pouvait se dire, l’impression de Bérénice demeurait sensiblement la même. Et très au ras des pâquerettes celle-ci avait à loisir un univers des possibles qui n’aspirait qu’à descendre jusqu’à rejoindre le fond du gouffre, dans lequel l’infâme femme jetait tous les visages et les cadavres masculins, jusqu’à tapir le trou de toute l’étendue de sa basse estime du genre Humain. Déchets !

L’homme pourtant ici présent n’avait point encore quitté la barre des Accusés. Car dans le procès imagé qu’elle se représentait, voguant de pensées en pensées, l’hébètement qu’il lui provoqua soudain se fit comme l’avocat du diable. Les yeux de Bérénice s’arrondirent, et par un regard saupoudré de longues cernes, la jeune femme devenait un hibou. Et elle le regarda alors comme on regarde un hurluberlu, un fou, un simplet. Et comme lorsqu’on se retrouve tout étonné, son corps avait semblé toucher un mur de coton, les muscles se laissant aller, ne pensant à rien d’autre qu’à cette bêtise si rondement mené, avec des mots si bien en place que c’était presque effrayant de se dire qu’on pouvait parler si bien et si longuement pour presque dire des âneries. Enfin. De ce qu’elle en savait des âneries ! Les nobles, ça ne leur arrivait jamais ! Ils avaient une éducation. Ca savait lire, ça savait écrire, ça connaissait presque tout sur tout. Alors la bêtise, ça n’était pas de leur rang. La bêtise était trop pauvre pour sied à leurs belles étoffes.

« Ben quand on y a pas le sou pour s’offrir une belle épée ou une belle hache qui vous troue le corps de ces sales fangeux, ben on se rassure comme on y peut. J’habite pas ben loin m’enfin marcher comme ça le long des chemins sans rien, faut ben avoir une sacrée envie de crever. » Ah ça. C’était dit avec un tel accent. « Serus me pardonne mais j’vais pas v’nir rien qu’en priant. »

La suite manqua de la faire tressaillir comme elle comprit bien, cette fois, ce qu’il lui signifiait. Le sujet la fit rougir. Bérénice aurait semblé bien ingénue alors tandis que son visage cramoisi offrait un panel d’émotions diverses. Bien sûr ses traits angéliques auraient fait tendre l’impression d’une gêne, de cette pauvre jeune fille qui ne connaissait pas grand mot du désir charnel, pauvre bécasse pucelle. Du reste, sa gorge laissait plutôt remonter des tréfonds une colère qui habillait plus justement sa figure. Somme toute, elle se brusqua seule, comme cela lui arrivait parfois. Son regard courroucé alors ne trompait pas. Et on vit ses lèvres se bousculaient pour cracher sa hargne. Oubliée alors la timidité ! Le caractère belliqueux qu’elle étouffait avait tôt fait de poindre.

« Les seigneurs z’ont-ils pas un droit de cuissage sur leurs gens. Si c’est ça pourquoi vous posez la question ? Z’allez dire que j’ai le droit de dire non ? Seriez bien le premier à vous donner cette peine. Prenez vot’ droit ou le prenez pas, ça a rien d’un service. » Une pointe d’agressivité marquait ses mots. On ne s’était pas prié pour lui demander son avis lorsque le premier et le dernier avait balayé sa virginité, piétiner son honneur en lui refourguant un batard autour du nombril comme un poulet dont on aurait rempli le derrière de farce. Il était hors de question pour Bérénice d’être une fois de plus la dinde bien dodue qu’on dégusterait entre deux banquets et deux hoquets.

Son souffle se posa. Elle détourna légèrement le regard, retrouva un apaisement soudain, fit jouer ses doigts autour du manche de sa faux. Sa voix revint avec une tonalité plus neutre. « J’ai dit petite femme pour vos murs, pas fille de joie. Du reste, y’a des catins plein les rues de Marbrume. » Sa mère l’aurait fouetté de plusieurs coups de ceinture si elle l’avait entendue. Mais c’était cette petite insolence qui brillait là, au coin des mots, toujours avec cet air de rien. Le rouge avait fini par lui descendre, et son visage détendu offrait une nouvelle délicatesse que sa jeunesse rendait prude.

« J’avais six ans quand on m’a mise aux champs pour remuer la terre et planter les blés. Depuis j’y ai passé ma vie. J’sais manier la houe, l’araire aussi. J’sais comment bien s’occuper d’un sol riche, et comment qu’on s’occupe d’un sol pauvre aussi. Depuis p’tite, j’y ai vu dans les champs ce qu’on manquait pour avoir plus de blés. C’est facile d’avoir une bonne récolte, quand on y a les bons outils et les bons sols. Sinon on y bricole, on y fait diminuer la production mais pour pouvoir enrichir la terre avant qu’elle donne plus rien. » Une vraie paysanne, elle était. De vrai, si elle conservait son calme, sa neutralité était emportée par son léger engouement. Mais comme se rendant compte du semblant de passion qui l’animait, elle se retint. Elle n’était pas venue pour cela.

« Vider un lièvre ? » Les épaules haussées, cela ne lui paraissait pas grand-chose. Ce n’était certes pas un mets qu’elle avait l’habitude de consommer, après tout la situation de sa famille n’avait pas souvent permis de se cuisiner du gibier, gibier dont la chasse était somme toute réservée aux seigneurs. Toutefois les rares fois où c’était arrivé, il avait bien fallu s’y coller. Quoiqu’elle ne l’avait jamais réellement fait seule. Cependant vider un lièvre n’était guère une grande chose après les quelques horreurs qu’elle avait eu l’occasion de rencontrer. Cependant il était vrai que le sang déclenchait en elle une obsession. Ses yeux semblaient déjà égarés d’ailleurs, tandis que des reflets sanglants venaient obscurcir ses pensées. Pour sûr qu’elle saurait vider un lièvre, et surtout, oui surtout, parcourir la flaque de sang qui suivrait les entrailles de la bête, avant d’en être dégoûtée bien sûr comme le sang lui donnait toujours ce double revers. Alors seulement elle s’adonnerait à corps perdu dans la purification du sacrifice sanguinolent. « J’ai hâte. »

Cela lui avait échappé, mais perdue dans ses pensées elle sembla à peine s’en apercevoir. Cela bien sûr l’aurait rendue étrange, mais pouvait être relié à ces périodes de disette qu’elle avait connues.

« Oui ben sûr je sais coudre. Toutes les femmes savent faire ça non ? » C’était dit avec une simplicité presque désarmante. N’était-ce pas après tout obligatoire d’être capable de rapiécer ses vêtements lorsque la bourse ne permettait pas de s’en offrir de nouveaux ? « Enfin. J’sais pas broder, ni tisser. » se sentit-elle obligée de rajouter, des fois qu’elle aurait mal saisi la question. Elle fit mine de réfléchir, un doigt pinçant un lobe d’oreille. Cela faisait beaucoup de questions, il était vrai. Elle détailla la gigantesque bâtisse puis répéta sans gêne. « Vous avez conscience qu’en une journée vous n’aurez pas le temps d’user toutes les pièces de cette maison ? » Ah non cela était affaire de personnel et d’organisation. Les pièces les plus fréquemment utilisées primaient. Les autres devaient se contenter d’un nettoyage certes plus occasionnel, mais pour la simple et bonne raison qu’elles ne nécessiteraient pas un coup de balai quotidien.

« Un fils de un an. C’est pour lui que j’suis là. Mais y m’a jamais empêché de travailler, même quand j’étais en cloque. » Ca n’avait rien d’assez sûr dehors, et il n’y avait pas un jour où elle ne s’inquiétait pas. Qu’il lui arrive quelque chose et elle laissait un orphelin derrière elle. Cela n’était pas même envisageable. Elle préfèrerait que son fils meurt avant elle, car au moins ne serait-il pas livré au bon vouloir de la Fange ou de la Trinité, seul, abandonné. Mais il n’y avait pas un jour non plus où cette horrible pensée ne l’accablait pas de culpabilité, d’horreur. Car elle ne supportait pas non de rêvasser à la mort de son enfant, et l’idée même qu’il puisse se faire dévorer par ces monstres lui soulevait de terribles hauts le cœur et des crises de larmes paniques. Du moins cela l’homme pouvait-il sensiblement le percevoir sans qu’elle n’ait besoin de le détailler. Puisque lui-même se disait père, il devait bien savoir ce que c’était que la responsabilité d’avoir entre ses mains le poids d’une si petite et insignifiante vie. Et à l’évocation de la fille, les yeux de Bérénice s’illuminèrent un temps. Elle n’avait côtoyé que des enfants malingres, le ventre rond et les os sous la peau, squelettiques et affaiblis. Et l’horreur de la Fange et de la misère, souvent, avait cueilli leur étincelle de vie. Quoiqu’il s’en trouvait toujours qui avaient encore cette insouciance qui ne leur enlevait jamais le plaisir de jouer. Cela seulement attirait parfois son intérêt. Mais il était vrai qu’elle jetait des regards attendris sur les jeunes filles surtout, tant elle pouvait y projeter le souvenir de sa sœur.

« Je suis désolée pour votre épouse. » Formule certes toute simple mais sans doute le pensait-elle vraiment. On avait tous plus ou moins perdu quelqu’un voir plusieurs êtres chers.

Elle entendait bien la précarité de la situation. Sans doute d’ailleurs s’était-elle attendue à voir un domaine mieux entretenu. Mais enfin lorsque tout serait fin prêt, elle ne doutait pas qu’ici serait mieux qu’ailleurs. Cela durerait bien le temps que cela durerait. Au mieux, tout ce qui pouvait améliorer sa sécurité et celle de son enfant était le bienvenu, même pour un simple temps. C’était l’espoir qui l’avait animé.

« J’y peux faire avec et apprendre ce qu’jsais à votre petite. La cuisine et la couture. Ca c’est pas un problème. Mais j’lui apprendrai pas à faire le ménage, c’est sûr. Passer le balai et le plumeau si ça l’amuse et si ça l’occupe un petit temps. Pas plus. Une vicomtesse, ça a pas b’soin de se salir autant les mains. Mais vous l’avez ben dit j’suis paysanne, et vot’ fille elle risque plus de tenir de la paysanne que de la vicomtesse si elle traîne trop près. J’cause pas comme vous, et j’sais pas faire ce que les grandes dames font. Alors sûr si elle est là j’m’en occuperais ben, mais j’suis pas un bon modèle. » Ca il fallait se le dire. Déjà qu’elle était parfois dépassée par son marmot, si fallait en plus s’occuper de ceux des autres… Enfin il n’existait pas de notices du « bon parent » et elle faisait bien comme elle pouvait. Peut-être même qu’elle ne s’en sortait pas si mal. En tous les cas, un marmot et une petite de neuf ans, c’était peut-être beaucoup quand on avait que vingt ans. Et quoi ? Des fois la Vie est si moche qu’elle nous fait grandir plus vite. Elle opinait silencieusement tandis qu’elle prenait mesure des responsabilités qui pointaient dans le discours du Comte. « J’sais ben écouter. Et j’répondrais aux demandes si c’est possible. Par contre si c’est pas si important, et que ce que j’suis en train de faire si, ben j’abandonnerai pas la tâche. Mais j’répondrai en temps, sauf si y’a urgence ben sûr. » Toujours hiérarchiser le travail, ça permettait certes de ne pas s’éparpiller dans tous les sens. Car c’était bien en s’éparpillant qu’on n’achevait rien.

Vivre dans la poussière. Bérénice aurait bien eu envie de lui dire que c’était presque le cas. « J’vous suis mon Seigneur. » Et tandis qu’ils avançaient vers la bâtisse du domaine, et que le besoin du côté de Bérénice de se retrouver à l’intérieur se faisait de plus en plus pressant, elle en profita pour détailler les alentours. « Jamais vu de champs aussi grands. Les chevaux ça doit être ben pratique pour la récolte. La houe ça prend du temps pour rien. Pis avec le terrain, pouvez même vous permettre mon seigneur de laisser une parcelle en jachère. »
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice)   [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice) EmptySam 10 Aoû 2019 - 16:14
- Bien, vous êtes Bérénice et c'est ainsi que je vous nommerai, mademoiselle Monet. Si nous trouvons un accord, cela sera entre vous et moi et pas entre votre père et moi. C'est pour cela que votre identité m'importe plus que vos origines.

Après tout, quand il l'appellera pour un service ou l'autre, ça sera "Bérénice". Il explique la suite et la raison de son geste de la main.

- Vous ne ressemblez pas du tout à une domestique. Là, vous ressemblez à une paysanne et il n'y a aucune honte à cela et quitte à être franc, votre apparence, je m'en moquerais si ce domicile n'était pas aussi mon lieu de travail. Mais il me déplairait qu'on vous confonde dans vos éventuelles fonctions avec l'un de nos fermiers ou avec mon palefrenier. Il va donc falloir vous fournir un uniforme de domestique. Ca fera des frais, mais tant pis. Comme je présume que vous savez faire une lessive, trois robes et six tabliers devraient faire l'affaire. Les robes seront à vous mais si vous deviez nous quitter, je garderai les tabliers. Moui, ça me semble correct ainsi...

Le fait de réfléchir à voix haute devrait rassurer Bérénice, qui sait où le Comte en est de ses réflexions. Il n'exclut pas d'office de l'engager, cerne les divers problèmes que cela peut poser et envisage des solutions. Cela s'annonce donc plutôt positivement pour Bérénice jusqu'ici. D'autant qu'il se détend un peu plus quand elle lui explique pourquoi elle s'est baladée avec une faux.

- Ca, c'est une vraie bonne raison. Ceci étant, épée, hache ou faux, seul contre un fangeux, le résultat du combat sera connu. Mais effectivement, ça n'est pas une raison pour ne pas les combattre et leur faciliter le boulot, à ces choses !

Aymeric ne manquera pas une seconde de la transformation du visage de Bérénice, étonnamment expressif en la circonstance. Avant même qu'elle n'ait pris la parole, il comprend qu'elle n'avait pas même songé un instant à ce que sa façon de se présenter puisse sous-entendre un service "charnel". Elle semble s'en être voulue à elle, puis lui en vouloir à lui. Est-ce le fait qu'il ait pu comprendre cela qui la mette d'une humeur agressive ? Non, en fait, c'est pire et sans la balafre, son visage aurait frémi. Ce n'est que quand elle lui parle des catins de Marbrume qu'il retrouve l'usage de la parole.

- Nous ne sommes pas à Marbrume. Mais je n'ai jamais eu à leur louer leurs services ni à forcer une femme à réchauffer mon lit. Mais si j'ai bien compris, selon vous, je peux vous retourner et vous prendre, mais je ne dois pas espérer que vous mettiez du cœur à l'ouvrage... A cause du droit de cuissage...

Aymeric inspire fort en se pinçant l'arête du nez, puis expire pour retrouver son calme.

- Ce que je vais vous dire va vous surprendre, aussi ai-je envie que vous m'écoutiez bien et attentivement. Premièrement, je suis heureux que vous ne m'ayez pas proposé de services sexuels. Parce qu'une femme qui estime que son meilleur atout se trouve entre ses cuisses ne m'intéresse pas. Et ce n'est donc clairement pas ce que j'attends de vous.

Il appuie son propos d'un mouvement de tête qui invite Bérénice à acquiescer aussi pour montrer qu'elle a bien entendu.

- Deuxièmement, le droit de cuissage n'existe pas et n'a jamais existé. Nul homme, quelque soit son rang, n'a le droit de vous trousser, d'exiger de vous une faveur sexuelle, de vous toucher, de vous regarder dévêtue ou même d'exiger des confidences sur vos pratiques au lit. A l'exception, évidemment, de votre époux qui peut vous prendre où, quand et comme il veut. Hors mariage, pour autant que les amants ne soient pas mariés à une autre personne, c'est... autorisé, pour autant que les deux soient d'accord. Donc s'il s'avérait qu'un jour je veuille vous prendre et que l'idée ne vous enchante guère, oui, vous avez le droit, et même le devoir, de dire non. Et dans l'absolu, je vous invite à résister le plus fort que vous pouvez si vous ne voulez pas, cela pourra servir de preuve. Faut-il que j'explique ? Bien !

Il se doute que tout le monde n'a pas reçu d'éducation. Lui-même a appris ces choses non par l'éducation, mais pour avoir été coutilier, avoir été confronté à des cas de viols et avoir interrogé le clergé quant au positionnement des Trois face à ces pratiques.

- L'efforcement est une pratique réprouvée par le Temple. L'homme qui s'y adonne risque de s'attirer les foudres du Clergé, jusqu'à être interdit de Temple. Pour un non-croyant, vous me direz, cela n'est rien, mais peu nombreux sont ceux qui aiment commercer avec des hérétiques. Une telle condamnation exposera immanquablement à un rejet du milieu et un homme sans influence, sans moyen de commercer, sans argent, sans amis, est un homme perdu. La condamnation peut aller jusqu'à la peine de mort si la victime est de la haute. Alors, définitivement, non, il n'y a pas "droit de cuissage"

Et sachant cela, Bérénice devrait comprendre pourquoi le Comte a pu se demander si elle offrait aussi ce genre de service, puisque non, il ne va pas "de soi". Il n'insiste pas trop sur la nécessité d'apporter la preuve, la condamnation étant tellement lourde qu'il est difficile de faire condamner un haut personnage sur une simple accusation. Mais même si un homme peut penser que jamais le Clergé ne le condamnera (parce que ces dons, par exemple, permettent à la communauté cléricale de vivre), il devrait logiquement craindre pour son âme dans l'au-delà et ça, personne ne rit avec.

Aymeric écoute Bérénice lui parler de sa passion pour le travail de la terre et c'est quelque chose qu'il respecte. Il aime les artisans car il se considère artisan lui aussi. Cette dame a une passion pour la terre comme lui a une passion pour la chasse. Et il l'écoute d'autant plus doctement qu'elle réalise elle-même qu'elle dévie un peu de la discussion et y revient. Vider un lièvre ? Ils ne devaient pas en manger souvent. Donc, pour le cuire, ça ne sera pas simple non plus. Et il espère d'une domestique qu'elle fasse une bouffe meilleure que celle que lui peut faire. Bref, faudra la former, et on ne peut pas dire qu'il soit joie. Peut-être l'emmener dans une bonne maison de l'esplanade pour y apprendre des secrets de fabrication ? Il doit y avoir d'autres options. Après tout, Célestine ne l'avait pas déçu sur la cuisine. Une idée fait son chemin. Pour la couture, cela semblait aller.

- Vous avez confectionné cette robe vous-même ?

Si elle sait faire un vêtement, même moyennement, elle pourra rapiécer des robes d'Alix, car il y a les belles tenues, puis celles qu'on peut salir quand on joue dehors, qu'on patauge dans la boue ou qu'on grimpe aux arbres. Pareil pour lui, il va pas racheter une tenue dès qu'il aura fait un accroc dans les ronces en chassant. La broderie, c'est l'affaire des dames et sa fille apprend. Elle pourra toujours apprendre à Bérénice, si jamais ça l'intéresse et qu'elle trouve le temps. Quand elle lui retourne sa question sur l'organisation du travail dans une telle bâtisse, l'air de dire qu'il faut pas la prendre pour une idiote, Aymeric est satisfait. La petite a du caractère. Et il sent qu'il peut s'entendre avec. Ils vont vivre ensemble, mieux vaut éviter quelqu'un qui l'insupporte. Elle, elle le surprend, et les jours de pluie, on a tendance à bien s'ennuyer. Quelqu'un d'étonnant sera une bonne chose. Mais cet enthousiasme est vite refroidi par l'annonce qui suit : un fils d'un an...

- Un enfant... hors mariage, puisque vous vous êtes présentée comme étant la fille Monet et pas l'épouse ou la veuve machin. Et si je pousse la réflexion plus loin, un enfant sans père présent, puisque vous cherchez un boulot... et si je réfléchis plus loin, vu que j'aurais pas été le premier à vous prendre sans vous d'mander votre avis, ça n'a pas dû être une bonne surprise. L'un dans l'autre, ça donne de vous l'image d'une fille facile, voire d'une catin. Et si dans votre monde, l'image, on s'en fout un peu, dans le mien, ça n'est pas le cas. Je suis convaincu que la Comtesse de Pessan, la propriétaire des lieux, adorerait... Son intendant qui prend comme domestique une mère non mariée...

Il lève le doigt pour inviter Bérénice à se taire pendant qu'il poursuit sa réflexion. Le geste est assez simple, mais il ne manque pas d'autorité. Elle est assez naturelle chez lui, il n'a pas besoin d'en imposer pour l'avoir. Son passé militaire sans doute. Et cette étrange certitude qu'il a concernant les décisions qu'il prend. Aymeric n'est pas réellement un homme qui doute, et cela aide à ce qu'on l'écoute.

- Le monde est cruel avec les différents ou les mal-nés, ou les poisseux. Beaucoup penseront pis que mal de vous parce que vous avez enfanté hors mariage, moi, je trouve votre choix admirable. Non seulement celui de mener la grossesse à terme, mais aussi celui de garder l'enfant. Vous ne l'avez pas abandonné au Temple. En cela, vous valez plus à mes yeux que la mère de ma fille, qui n'a pas eu votre courage. Mais ils sont pas nombreux à penser comme moi dans mon monde. Aussi, je vous inviterai à répondre aux gens qui vous interrogent sur votre fils que cela ne les regarde pas. Ils pourront imaginer qu'il est né hors mariage, que vous avez été forcée, ou qu'il est le fils illégitime d'un haut placé, on pourrait même me le coller sur le dos, tiens, ou une histoire plus dramatique où vous auriez perdu l'amour de votre vie peu avant le mariage et ... fin bref, le doute vaut parfois mieux que la vérité !

Il ne réagit pas du tout aux condoléances sincères que Bérénice lui témoigne concernant son épouse. Aymeric est fait ainsi. Aalicia a voulu lui imposer de choisir entre elle et sa fille en quittant le domicile conjugal, une faute que le fier Comte ne pardonnera pas. On ne se délie pas d'un serment fait devant les Trois, et c'est ce que son épouse a fait. Dans le fond, il la préférerait morte que disparue, car il pourrait refaire sa vie, mais bon, on ne choisit pas. Quand Bérénice énonce ce qu'elle pourra faire ou ne pas faire pour Alix, Aymeric sourit, pour la première fois.

- Nous nous sommes mal compris. Vous aurez une petite tornade dans les pattes. Elle vous adorera, de base, car elle est ainsi. Elle se demandera si nous sommes amants et pourquoi nous ne le sommes pas. C'est une de ses obsessions, j'espère que ça lui passera. Elle a soif d'apprendre et vous posera plein de questions. Et elle aime aider. Mais elle aura des cours de noblesse. L'alphabétisation, l'étiquette, comment faire une révérence. Elle ira au Temple aussi. Et je m'en occuperai, pour lui apprendre des choses comme grimper sur les hauteurs, se déplacer en silence, l'arc peut-être, l'équitation sûrement, la fabrication des pièges, histoire qu'elle soit armée le jour où je disparaîtrai ou si je devais perdre mon titre pour une raison ou une autre...

Bérénice se vend ensuite, comme on peut s'y attendre quand on propose ses services. Il est d'accord sur tout, à un détail près.

- Si je vous demande quelque chose pour "tout de suite", même si ça vous paraît accessoire parce que vous avez quelque chose sur le feu par exemple, mon tout de suite passe avant le reste. Si je vous engage, c'est aussi pour que vous me fassiez gagner du temps les jours où j'en manquerai. Mais pour le reste, si le travail est fait, cela ira.

Il l'écoute quand elle parle des champs, de jachère. Il n'y connaît rien, mais comme elle semble s'y entendre, elle pourra lui dire si les fermiers de la Pessan tirent ou non au flanc et s'ils font du bon ouvrage, car ça, Aymeric est incapable de le dire. Si Bérénice lui signale que et que Mathilde par exemple lui confirme, il sera toujours temps d'intervenir. La jachère, ça permet un pâturage ? Bon, il évite la question, ça viendra plus tard, quand il sera installé. Il lui montre l'une des pièces les plus importantes : la cuisine.

- Je sais, elle est immense mais dans le monde des nobles, on donnait des réceptions par ici, dans ce qui était une maison secondaire, pour une trentaine de personnes parfois ? Je vous rassure, ça n'est pas mon intention. D'abord parce que les réceptions, c'est des trucs de mondain et que je n'en suis pas un, puis parce que ça coûte un bras et que je compte utiliser mes sous un peu plus intelligemment. Cela n'interdit pas qu'on aura parfois des invités. En comptant le personnel, votre fils, ma fille, moi évidemment, ça fera une dizaine de personnes maximum. Si on devait être plus, j'engagerai un extra ou deux pour aider à la cuisine et au service.

Le matériel est à la hauteur, tant casseroles que vaisselle, mais même lui n'a pas encore pris le temps de fouiller. Il poursuit la visite en indiquant le salon.

- Ce n'est pas un lieu que j'occuperai souvent, mais il est assez cossu. Je pense que vous y serez bien les jours où vous serez concentrée sur de la couture ou des travaux du genre. Puis ça sera sympa aussi pour les petits. Mais évidemment, c'est l'endroit idéal si on a des invités. Vous serez prévenue à l'avance pour ce genre d'invités-là.

Une salle d'eau qu'il montre simplement, puis il entre dans une pièce assez grande avec un bureau.

- Ici, ça sera mon lieu de travail pour les écrits, les calculs, les leçons, les négociations de contrat. Vous ne jetterez jamais un parchemin. JA-MAIS ! A ne nettoyer que quand j'y suis pas. Faudra éviter de venir m'interroger si possible. Si vous le faites et que je vous envoie balader, n'insistez pas. J'suis pas jouasse quand je travaille avec la tête. J'suis de bien meilleure humeur quand je suis dehors ou en train de faire des travaux manuels. Mais vous le constaterez facilement. Pour les étages, des chambres surtout, des locaux de travail qui ressemblent plus à des salles de repos. Il y aura une chambre pour vous et votre fils au premier. S'il faut, on pourra même avoir une chambre pour vous et une pour votre fils. Il y a des chambres au rez-de-chaussée mais avec la fange, inutile de vous dire pourquoi on ne les occupera pas de nuit. Bien, il faut parler contrat maintenant.

Il l'invite à s'asseoir sur une des chaises qui fait face au bureau et prend place de l'autre côté, pour discuter en face à face.

- Donc pour résumer, vous n'avez aucune expérience en tant que domestique, vous ne savez pas préparer les viandes, là où je compte me lancer comme éleveur et vous débarquez avec un bambin d'un an à peine dont les pleurs risquent fort de me taper sur les nerfs. En prime, il va falloir investir car pour une maison noble, il faut une tenue adaptée, histoire qu'on ne vous confonde pas avec nos fermiers, notre palefrenier ou notre érudite. Et ceci, sans savoir si le métier vous plaira car rien ne vous interdit d'aller voguer par monts et par vaux pour retourner travailler la terre, ce qui est quand même votre passion. Voilà donc la candidature qui m'échoit. Si j'étais malin et logique, j'vous renverrais sur le champ. Mais je déteste la logique, je me fie à l'instinct et aux signes. Alors j'vais vous engager, mais il faudra y mettre du vôtre...

Bon, il espère qu'elle va pas y voir une nouvelle demande pour la cuisser, avec son accord cette fois, aussi poursuit-il sans trop attendre.

- Premièrement, deux trois règles à respecter absolument. Je pourrais obtenir votre travail contre l'hébergement et la nourriture. Par les temps qui courent, ça ne serait même pas de l'exploitation. Mais vous recevrez une paie. Et cette paie, elle est là pour m'assurer votre fidélité et votre silence. Si on vous interroge sur moi, vous vous contenterez de dire que je bosse dur, que je paie honnêtement et que je traite bien mon personnel. Que ça soit vrai ou faux. Vous serez muette sur qui je reçois, sur le fait que j'aime chasser les chats à main nue ou que je change de maîtresse trois fois la semaine, même si ça serait drôle à raconter. Entendu ? En passant, je chasse réellement les chats à mains nues.

Il lève deux doigts pour indiquer qu'il en arrive au second point :

- Il y a deux trois choses que vous devrez faire même si ça ne vous plaît pas. Si vous vous trouvez un amoureux et que vous souhaitez batifoler avec lui, vous le ferez chez lui, jamais ici. Quand je dis jamais, c'est jamais. Ni dans ces murs, ni dans les champs, ni dans l'étable, ni sur les toits. S'il devenait votre époux, que les choses soient officielles, il pourrait éventuellement dormir ici, si je l'y autorise. Et pour me plaire, faut se lever tôt. Cette règle sera la même pour tous les membres de mon personnel. Ensuite, nous irons au Temple et je tiens à ce que vous nous y accompagniez au moins une fois par mois. La devise de la maison Beauharnais est Foi, Force et Honneur, avec la Foi en premier. Vous comprendrez donc qu'il convient à mon personnel de se montrer pieux.

Visiblement, il n'en a pas fini.

- Votre salaire s'élèvera à un écu par semaine. C'est quatre fois le salaire d'un ouvrier agricole de base et à parler franc, c'est le salaire d'un bon artisan. Car la domesticité, c'est de l'artisanat. Je vous paie trop cher au départ, parce que je vais vous demander de solides efforts. Vous ne pouvez plus vraiment choisir votre tenue, vous êtes tenue à une certaine discrétion, vous devrez présenter et parler plus correctement et cela prendra du temps. Et s'il faut qu'on confectionne votre nouvelle tenue, il va falloir qu'on se rende à Usson, voir une couturière que j'ai repérée lors d'un précédent voyage. On verra aussi le forgeron, qu'il vous fasse des couteaux de cuisine et une arme pour vous défendre de mâles trop entreprenants. Je vous apprendrai à vous en servir. Restera une semaine avant que je m'installe ici, et faudra que je rentre à Marbrume avant. Autant bien s'en servir.

Il se gratte la tête. Ca a un côté un peu énervant. Quand Aymeric décide de quelque chose, il fonce. Pas étonnant que son installation se soit faite si vite. Mais pour ses employés, faut suivre...

- J'pourrais vous faire engager à l'auberge. Le personnel doit apprendre à faire des lits, à cuisiner de la viande, des recettes, tout ça. Si c'est moi qui vous paie en plus de payer votre chambre pour la semaine, j'pense que l'aubergiste sera ravi de vous former. Et si j'ajoute que le premier qui pose la main sur vous goûtera de mes lames, cela devrait vous offrir une certaine sécurité. Quand l'heure sera à la boisson, vous serez pas en salle, quoi...

Moui, ça lui paraît bien. Reste à voir si Bérénice est d'accord. Apparemment, elle n'a pas grand chose à négocier.

- On ira prendre le petit au passage. Vu la commande que je vais faire à la couturière, car ma fille grandit aussi, elle pourra ajouter une liquette ou deux pour le petit bout, hein ?
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Bérénice MonetPaysanne
Bérénice Monet



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MessageSujet: Re: [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice)   [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice) EmptyLun 12 Aoû 2019 - 0:04
Elle n’ajouta rien, comme il lui semblait que les réflexions du Comte n’appelaient aucune réponse. Bien sûr, son apparence, elle n’y avait jamais songé. Il fallait dire aussi que personne ne lui avait donné le goût d’y réfléchir depuis longtemps. Lorsqu’on ne croise pas tellement son propre reflet, on évite soigneusement de se décevoir soi-même. Elle écouta sans réellement comprendre, ou toutefois sans réaliser. On ne lui avait jamais offert de robes. Et il n’était point question d’une ici mais de trois ! Somme toute le cheminement ne se faisait pas. Si on parlait déjà de tenue et d’apparence, la jeune Bérénice aurait pu percevoir l’encouragement qui lui était ici envoyé. Car pour parler solutions il fallait bien entrevoir la perspective d’être embauché. Mais ça ne lui venait pas non, comme elle n’avait pas l’habitude d’attendre grand-chose.

Elle avait cessé d’être émerveillée. Les victoires ne faisaient jamais de bruit mais s’efforçaient curieusement de remuer le couteau dans la plaie. Car chaque brin d’espérance et de joie n’était qu’une suite pathétique au grand drame de l’existence. Mais la vie était ainsi faîte pour tout un chacun, aussi ne se laissait-elle pas aller à la plainte. Il y avait tant de choses à faire qu’elle avait cessé de cueillir les miracles.

Elle pouvait se contenter d’écouter sagement, longtemps, sans ne rien laisser filtrer de ses pensées. Elle avait la bouche cousue du fil de ses silences, comme elle pouvait parler beaucoup et se taire tout aussi brusquement, sans ne jamais avoir l’envie d’ajouter quoique ce soit. Bérénice était ainsi faîte. Sans détourner le regard elle accusa le choc d’une révélation qui ne l’avait jamais effleurée auparavant. C’en était un, un terrible, d’apprendre comme ça quasiment au milieu de nulle part et bien loin de chez soi, lorsque le mal était déjà fait, que la souillure subie tenait plus du crime que du droit. Pourtant elle aurait bien voulu lui dire que cela ne changeait rien à la honte qui incombait à la victime, pourtant elle aurait bien voulu lui dire encore que le crime ne changeait rien à l’image de catin qu’on lui renvoyait, comme il le lui rappelait là. Alors si droit de cuissage il n’y avait pas, comment pouvait-il expliquer la répulsion dans le regard de ses pairs, comment pouvait-on réprouver l’auteur du viol en omettant d’absoudre la victime ? Cela ne faisait aucun sens. Mais elle se taisait, car elle n’était point venue pour faire étalage de sa honte, du préjudice subi, de l’injustice qui faisait rage dans son esprit. D’autant plus qu’elle savait qu’il n’y avait point de leçon à retenir, de réponses à quérir. Rien de tout ceci ne viendrait révolutionner ses angoisses ténues, comme elle s’y accrochait à présent si éperdument. Elle détestait enfin parler de ces choses-là, et sa colère maîtrisée, elle parvenait tout à fait à retenir d’inutiles propos. Mais elle ne se fichait pas, non de rien, car son regard s’il ne déviait pas de celui du Comte semblait se perdre pourtant. L’émotion timide avait soulevé le galbe de ses lèvres. Le grand Vide avait simplement submergé ses rétines. Rien d’autre ne s’était alors illustré. Point de regrets, de chagrin, de larmes embuées. Il y avait toutes ces fois où les souvenirs ne sont bons qu’à assécher des rivages. Rien cependant n’aurait pu l’empêcher de répondre, comme elle ne perdait pas le fil de la conversation.

« Oui c’est moi. C’est pas la plus belle, et le temps l’a pas arrangée. C’était pas mon souci. » Non, clairement ça ne l’avait pas été. Bien sûr elle n’avait jamais véritablement été coquette, mais elle avait rarement été aussi désintéressée. Elle avait oublié de prendre soin d’elle, et avait perdu le plaisir de ces petits artifices qui embellissent. Bérénice aurait souhaité s’en cacher, à l’ombre d’une nouvelle culpabilité, mais à quoi bon puisque son corps parlait de lui-même sans lui laisser la possibilité de se défendre. « J’étais pas comme ça avant. Je ferai attention maintenant. » Ce n’était pas que cela l’importait désormais, car après tout peut-être son apparence était-elle simplement le reflet d’un désir plus intime : celui de se faire oublier. Il pouvait y avoir pire. C’était peut-être l’idée qu’il n’y avait rien à mettre en valeur, à enjoliver. Ses douces rondeurs adolescentes avaient fondu au cours de ces deux dernières années, et bien qu’elle n’était plus aujourd’hui affaiblie d’un spectre famélique, elle se trouvait à présent si maigrichonne lorsqu’elle se pinçait les flancs qu’il lui arrivait de se demander ce qu’il était advenu de son corps. C’était la sensation inconfortable de ne plus tout à fait être soi. Enfin, puisque la jeune femme percevait l’importance que pouvait revêtir sa présentation dans le cadre d’une fonction de domestique, elle s’engageait par ces mots à prendre soin de son apparence.

Pour Alfred, les protestations lui tombaient sous le gosier. Mais l’index levé lui intimait si bien de se taire qu’elle ne protesta pas. Elle aurait voulu lui dire qu’il se trompait, et que cela importait. Elle aurait voulu lui dire qu’elle ne se fichait point de la honte, de cette image de fille facile qu’on lui avait déjà jetée auparavant à la figure, de ce fils qu’elle aimait au-delà de tout, mais qu’elle regrettait parfois chaque jour de son existence. Elle n’avait jamais autant senti le poids de ses pairs que lors de ces interminables mois de grossesse où son ventre proéminent avait absorbé toute la foudre du Jugement. Pour autant elle portait l’image jusqu’au bout, puisque c’était la voie choisie. C’était aussi le fil qui agitait encore ses articulations, comme un pantin à la verticale. Un fardeau, une passion. Elle savait qu’il avait raison. Ce batard était un problème.

« Je voulais le donner. » Elle afficha un sourire déconfit. Bérénice n’avait que faire d’une admiration qu’elle ne pensait pas mériter. Elle avait accepté les jugements pour la simple et bonne raison qu’ils existaient et qu’elle se trouvait forcée de composer avec. En cela, la fatalité lui était bien accommodante. « C’est là que j’ai pas eu le courage. »

Cela, elle en était intimement convaincue. Mais c’était bien la première fois que cette vérité sortait à voix haute. Et on n’aurait su ce qui invita à cet instant Bérénice à rectifier la réalité. Sans doute l’envie de ne point être confondue avec quelqu’un qu’elle n’était pas. Cet aveu presque cru ne la fit pas sourciller. Peut-être trouva-t-elle le jugement du Comte trop hâtif sur ces mères qui avaient abandonné leurs nourrissons, sur une perspective qui ne lui semblait pas autant cruelle. Elle pouvait comprendre les motivations de ces femmes, pour les avoir partagées.

« Vous en faîtes pas, j’y laisserai pas cette image-là vous causer du tort. Je dirai que mon époux est mort avec la Fange. Ce qui est pas ben loin de la vérité. » Ce qui faciliterait le mensonge. Encore qu’elle n’avait certes pas besoin que la besogne lui soit facilitée. Le mensonge n’est guère plus qu’une broutille pour peu qu’on arrive à se convaincre de ses mots lorsqu’on les lâche.

Elle guetta le sourire de l’homme, s’en émeut à peine, l’oublia presque aussitôt, noyée sous le flot. Elle aurait voulu lui demander encore s’il parlait toujours autant, s’il savait que cela demandait une certaine concentration d’écouter du début jusqu’à la fin sans oublier les trois quart de ce qui tombait entre. C’était engourdissant. La stabilité du timbre, du regard aussi peut-être, tout cela donnait une linéarité ennuyeuse mais rassurante en un sens. Rien ici n’appelait de surprise véritable. Quelque chose chez le gentilhomme semblait tenir du contrôle, du cadre. D’aucun aurait posé dessus une forme de rigidité. Bérénice préférait y voir une sévère assurance. L’éducation qu’il réservait à la Vicomtesse n’était pas banale, cela il fallait en convenir le différenciait de bien des nobles. Elle opina, signifiant par-là avoir intégré les rectifications apportées par le seigneur.

En réalité, ses sens étaient aux aguets, pas tant par la possible survenue d’un fangeux depuis l’un des bacs de la cuisine mais bien par le lieu lui-même. Ses yeux défilaient depuis la hauteur sous plafond jusqu’au sol qui accueillait ses pas légers. Elle avait abandonné sa faux à l’entrée, et les bras repliés sous la poitrine, elle suivait, effacée, la silhouette du Maître des lieux. Son nez frétillait. L’odeur de la pierre était particulière. Il faisait naturellement plus frais à l’intérieur. Comme évoqué précédemment, le tout était poussiéreux et les toiles d’araignées s’amassaient dans les angles. Alors, pour la première fois vraiment depuis le début de cet entretien, Bérénice se taisait d’admiration. L’étonnement aussi survivait à travers ses regards dérobés. Déjà, elle tournait sur elle-même. Ce n’était pas époustouflant non, ce n’était pas grandiose. Comment l’expliquer ? Les mots du Comte résonnaient entre les vieilles pierres, rendant l’endroit plus solennel. Et dans cette solennité, Bérénice y décelait des silences abandonnés ; il n’y avait pas de vie là-dedans. L’une de ses mains vagabonda contre un plan de travail, elle lissa machinalement la surface, frotta la poussière entre ses doigts. Puis, sans s’éterniser, elle s’évapora dans la pièce suivante.

De temps à autre, elle reportait son attention sur le Comte. Naturellement elle écoutait et jouissait de l’instant. C’était presque incroyable de se trouver là, dans un lieu si grand et si vide. La bâtisse s’offrait alors pour ses yeux curieux et proprement émerveillés. Bérénice ne savait pas parler pour le plaisir de ne rien dire.

Les pièces défilaient.

Lorsque son regard tomba enfin sur la table rectangulaire, elle sut d’instinct que cette pièce serait un important centre de convergence. Car tout ce qui se tisserait autour ne dépendrait que de ce bout de bois, et des piles de parchemins dont elle croyait déjà sentir l’odeur du papier jauni. Un jamais prononcé avec un peu trop d’insistance l’ancra de nouveau dans la réalité. Elle sursauta et acquiesça vivement, imprima immédiatement l’ordre dans sa tête, marqué au fer rouge pour sûr.

« Une seule chambre, ça suffira. » Corrigea-t-elle simplement. Elle ne s’imaginait certes pas dormir dans une pièce différente de son fils. Pour dire vrai, déjà qu’elle dormait peu, cela serait ouvrir la porte grande ouverte à l’insomnie. Enfin, elle ne se détendait vraiment le soir que lorsqu’elle pouvait glisser son nez dans les cheveux de son fils. S’en priver serait un odieux châtiment.

Mais comme il fallait parler contrat, elle chassa bien vite cette méchante idée, et vint s’asseoir comme indiqué sur une chaise. Le reste s’enchaîna sans qu’elle ne puisse rien y faire. Il avait dit « contrat », elle ne retenait qu’« aucune expérience ». Elle remua son petit nez, comme un bref mécontentement. Voilà. Il déclamait la liste de ses défauts. Clairement, elle n’était pas faîte pour le poste. Cet étalage était bien inutile, vraiment. C’était presque humiliant de voir qu’il prenait autant de temps pour lui refuser le poste. Et dire qu’il avait pris la peine de lui faire visiter l’intérieur. Vraiment, les hommes les nobles les convenances ! On osait dire ensuite que seules les femmes brassaient de l’air pour rien ! Bérénice s’impatientait alors, et ses jambes s’agitant, elle tapait nerveusement ses pieds par terre, les bras tout tendus de part et d’autre de ses cuisses. Voilà donc oui la piètre candidature qui lui incombait, de quoi la renvoyer sur le champ et dans les champs. Ah voilà ! Voilà ! Tant de mots, tant de questions gênantes, tant d’informations englouties pour ne connaître que le néant ! Voilà, voilà, voilà… Ce qui tournait dans sa tête. Voilà.

Elle attendait, attendait. Les secondes n’étaient-elles pas des heures ? Pourquoi était-ce si long ? Et ses frappes du pied qui continuaient à battre cette mesure qui n’en finissait plus. Ce verdict. Il l’avait sur le bout de la langue n’est-ce pas ? Sadique !

La brusquerie, l’agitation, l’empressement, l’affolement de Bérénice atteignait son versant. C’était là tout dans son corps, brûlant, de la fièvre ! Un grondement. Crache le verdict ! Crache !

Alors j'vais vous engager, mais il faudra y mettre du vôtre…

La cocotte tourne toujours, le sifflet est continu. Le couvercle tremble et le feu reste ardent. L’eau est plus qu’ébouillantée. Un peu plus et on passe à côté de la minute.

Un peu plus seulement…

Tout explose alors sans un bruit, sans un cri. L’explosion se trouve dans le ralentissement du temps. Quelque chose qui se fige. Le ton est immuable. Les jambes retombent platement dans leur inertie. L’effort se dépouille, les balancements du corps cessent. Les paupières s’affaissent enfin, les traits se défont d’une crispation douloureuse. Point de soupir heureux, point d’extase. La presque frénésie d’alors se montre décevante pour ce mutisme délivré. C’est dur de voir qu’il ne se passe rien, pas même un zeste, un vernis de reconnaissance. Juste un mouvement, quasi insignifiant : des paupières qui prennent le temps de se fermer pour se rouvrir dans l’instant.

Doucement, la jeune femme s’approcha du bord du siège. Légèrement penchée, elle posa deux mains timides sur le bureau de l’homme.

« Mon silence et ma dévotion vous sont toutes acquises mon seigneur. » Les Trois la flagellent si elle osait seulement manquer à son engagement ! Enfin, c’était presque impressionnant de voir la maîtrise de ce petit ton qu’elle prenait, trop tout neutre et tout posé, en tout contraste avec sa zone de turbulence passée. « J’emporterai tous vos secrets dans la tombe et dans les cendres et j’y cracherai dessus pour être sûre qu’on vienne pas les retourner. » C’était presque excitant.

Elle retint enfin à peine la grimace de dégoût que lui suscita l’idée même de pouvoir batifoler avec une quelconque créature. Inutile de revenir sur le sujet. En tout point, Bérénice n’était pas prête à franchir le pas. Et même plutôt jamais si l’on écoutait l’intéressée. Enfin ces choses-là étaient répugnantes. Serus la préserve de la souillure de l’engeance et de la perfidie charnelle !

« Mon seigneur, j’y sais avoir perdu ma précieuse vertu mais j’y prie Serus tous les jours de me montrer le chemin de la rédemption. J’y serai honorée de vous accompagner au Temple, et même plus souvent qu’une fois par mois si vous m’y permettez. »

Cela au moins était tout à fait sincère, et ce disant, elle s’était tout à fait courbée comme elle aurait demandé le pardon. La Foi maintenait un fragile équilibre.

La question de son salaire la laissa coite. Et pour être tout à fait honnête, elle se demanda ce qu’elle allait bien pouvoir faire de tant d’argent. Ca représentait beaucoup. Elle ne répondit pas, et resta au contraire toute songeuse, pensive à l’idée de coûter si cher et sur tous les niveaux en tout point de vue. Elle n’avait rien à redire en réalité, peut-être était-ce la honte d’une certaine forme d’inutilité. Il était gênant de nécessiter de tant de mesures et d’ajustement. Elle ne répondit pas de suite lorsqu’il lui proposa quelques emplettes pour Alfred. Quelques personnes s’étaient montrées généreuses dans sa misérable vie. Dame Vaughain lui avait offert la pitance, et elle s’était abreuvée de sa bonté. Le Seigneur de Sombrebois lui avait déniché un toit, et nul doute qu’elle lui devait beaucoup quand bien même elle ne le reconnaissait toujours pas à l’heure d’aujourd’hui. Les héros ont la vie dure ma foi. Mais c’était là pourtant, ici et maintenant, devant le seigneur de Beauharnais qu’elle ressentait pour la première fois depuis longtemps, vraiment longtemps, ce puissant sentiment. Mince ! Une vague de douce chaleur colorait gentiment ses joues, et rendait son visage... Radieux. Oui ! Il s'agissait d'un rare ravissement. Bérénice y goûtait pleinement comme on mord dans un fruit bien juteux. Ca débordait, lui dégoulinait sur le visage, tout autour de sa bouche. Un rictus. Furtif. De gratitude et de reconnaissance.

Elle oublia un temps sa qualité d’homme. Serus avait dû le mettre sur son chemin. Ah ! Elle ne méritait rien de tout cela. Pour la première fois, elle eut honte de ce qu’on lui offrait. Sans doute car il s'agissait en quelque sorte d'une forme d'abondance à laquelle elle n'était point accoutumée. Abondance qui passait certes par un dur labeur, mais ce n'était pas ce que la jeune femme contemplait. Le travail bien sûr ne l'effrayait pas, au contraire plutôt énergique et volontaire, elle avait même plutôt hâte.

Elle se redressa brusquement, et dévisagea sans détour l’Envoyé de Serus. Le visage de la jeune femme se montra plus sévère, ce qui somme toute ne voulait pas dire grand-chose. Sa figure était bien trop douce pour qu’on prenne seulement au sérieux cette apparente rigueur. Il y avait bien après tout une foutaise à négocier.

« Z’êtes trop bon mon Seigneur, mais j’aimerai revenir sur mon salaire. » Ah ! Elle osait ! Mécréante ! « J’y ai réfléchi. » Cela allait vite. « L’écu pourrait ben aller dans une petite boîte sous le lit, et ben l’argent dormirait ben longtemps. » Oh. Diantre. « J’y travaillerai pour être la petite pierre à l’édifice. Et quand toutes vos petites pierres seront ben posées, votre affaire-là, ça sera quelque chose pour sûr. Ce que j’y fais c’est tout pour mon fils. Moi, le salaire y m’y fera rien. Le sou ça rend les braves gens malades. Un écu par semaine et je m’y sens riche, vous imaginez ce que ça veut dire pour quelqu’un comme moi ? C’est à devenir fou. Je saurai jamais quoi faire de tout ça. Votre écu y va aller dans une petite bourse sous le lit, et y deviendra quoi ? Rien y dormira. J’oserai jamais dépenser des fois que j’aurai besoin. Et si rien se passe ici et qu'il faut partir, ben j'aurai trop peur d'arpenter le monde avec une somme comme ça. Faut juste assez pour s'en sortir ailleurs, pas vrai ? Mais on a jamais besoin de grand-chose finalement. Juste de quoi grailler, de quoi se protéger des Fangeux, et ça y’a ben que vous pour me l’offrir. Alors les écus dans la bourse, ce sera de l’argent perdu perdu. J’vais vous coûter cher, et puis là dedans et dehors, tout ce qui faut faire. Donnez-moi juste de quoi vêtir mon fils, que j’puisse le présenter fièrement aux Trois, pour que Serus y voit à quel point il a ben fait de me le laisser. Le reste ça m’importe pas. J’y ferai comme vous avez tout ben dit, et j’y travaillerai ben pour pas vous décevoir. Mais la vérité mon seigneur : ces écus, vous allez en avoir plus besoin que moi. »
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice)   [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice) EmptyVen 16 Aoû 2019 - 12:42
Cela n'était pas prévu, mais voilà donc que notre Comte parti pour estimer les travaux à faire s'en revient avec une nouvelle domestique. Aymeric est rassuré quand il apprend que Bérénice a fait sa robe elle-même et les soucis de "coquetterie" à laquelle la jeune mère n'était plus attentive ne l'émeuvent pas, puisque ça n'était pas l'objet de sa question. Bérénice semble avoir compris que l'apparence et la présentation auront un rôle à jouer. Pareil quand elle semble s'excuser de ne pas correspondre à l'image qu'Aymeric se fait d'elle quant à son enfant. L'important, pour le Comte, ait qu'elle se soit occupée de son enfant, ce qui demande du courage. Qu'elle ait songé à l'abandonner n'y change rien, mais le sujet étant privé, il ne reviendra pas dessus non plus.

Peu de doutes à avoir sur le fait qu'elle reste discrète sur les activités dans la Ferme. Si elle devait abandonner une information ou l'autre, cela ne serait pas volontaire, mais par perfidie de son interlocuteur ou maladresse de sa part. C'est que la drôlesse reste impressionnable et manipulable. Il convient d'espérer que cela n'arrive pas mais bon, dans les faits, Aymeric n'a rien à cacher, c'est juste qu'il tient à garder privé ce qui l'est. Là où ça coince, par contre, c'est quand elle pense mentir concernant son fils. Là, le Comte décide d'être clair.

- Il y a des registres de mariage. Comme vous n'avez pas été mariée, vous n'y apparaissez pas et un clerc un peu attentionné verra que vous avez menti, ce qui serait mauvais pour vous, et éventuellement pour moi. Votre futur époux sera tombé avant d'avoir pu vous épouser, et vous aviez pris un brin d'avance sur la nuit de noces. C'est pas bien, idéalement, faut attendre le mariage, mais la nature et Serus font que parfois, on craque. Et même chez les nobles ou les prêtres, il arrive qu'on faute. Alix est née hors mariage et j'avais déjà croqué mon épouse avant la date prévue pour. Et j'doute être le seul. Cela, les gens peuvent le comprendre. Et ça ne les regarde pas qu'au final, le géniteur de votre fils ne comptait pas vous épouser. Ca, c'est la partie qui doit être tue, sauf éventuellement à votre confesseur. D'accord ?

C'est un grand sourire qui accueille le propos de Bérénice quand elle indique vouloir aller plus souvent qu'une fois par mois au Temple. Si elle est vertueuse, c'est clairement un point en plus. Aymeric l'est, à n'en point douter, et Alix aussi. Elle l'était avant de connaître son père.

- Nous prions régulièrement, j'ai des statues dans mon bureau, et il y a assez de pièces ici pour prévoir un local de prière. Je ne vous interdirai jamais de prier ou de vous rendre au Temple, essayez juste que le travail urgent soit fait ou demandez-moi l'autorisation si je suis là. Je n'ai pas à savoir pourquoi vous vous y rendez, cela, c'est entre vous et les Trois. Mais je fais un don en argent une fois par mois, et si j'ai des surplus liés à la chasse, j'y vais aussi. Avant, il y avait la cueillette aussi, mais comme on vit sur des terres agricoles, ça sera moins utile. A Marbrume, c'était pas toujours simple de trouver des fleurs de framboisier sauvage. Paraît que ça sert pour la fabrication de certaines potions. Comme vous ferez des courses à Usson pour la maison, vous pourrez bifurquer par le temple, ça ne posera jamais problème.

Il soulève un sourcil en voyant Bérénice se redresser et il écoute patiemment son laïus, car pour elle cela semble important. Mais une fois qu'elle a terminé, il soupire...

- Ce que tu dis n'est pas dépourvu de bon sens, petite, mais ça manque de projection vers l'avenir. Tu penses trop à maintenant tout de suite. Pourtant, quand on sait travailler la terre, on sait aussi qu'il faut penser à demain. Ce que tu plantes au printemps, c'est pour le récolter en automne, non ? Bah, la vie, c'est pareil !

Il la regarde pour voir si elle le comprend et comme lui en doute, il décide de poursuivre.

- Je suis un noble guerrier. Cela signifie que si demain le Duc décide qu'on doit reprendre Traquemont ou le domaine de Ventfroid et qu'il a besoin de mon aide pour cela, je pars à la guerre. Et on n'est jamais sûr d'en revenir. Je suis chasseur aussi, intendant et éleveur, c'est nouveau pour moi. Et sortir dehors, chasser, c'est dangereux, encore plus avec la fange. Une simple glissade, un trou dans l'sol que l'cheval et moi n'aurions pas vu ou passer là où se trouve un nid de fangeux et s'en est fini de moi. Et si je ne te paie pas, il te restera quoi ? Trois robes et l'espoir qu'on t'embauche ailleurs. Avec les écus que tu auras mis de côté, tu pourras au moins te loger, toi et ton gamin.

Il sourit.

- Y'a pas que ça. Tu changes de statut social, ne l'oublie pas. Tu n'es plus une ouvrière agricole, tu es la domestique d'un Comte. Dans l'esprit des gens, tu deviens quelqu'un qui a grimpé les échelons. D'ouvrière, tu deviens bourgeoise. Et quelle impression ça fera si un jour de fête, bah tu sais pas mettre une belle robe ou te payer un bon repas ? Le jour où tu iras acheter du pain et qu'il y aura une pâtisserie qui te fera de l’œil, et que tu l'achètes, pour ton gamin ou pour toi, ça fera plaisir à la commerçante, ça te fera plaisir, et les autres se diront "Ben, ça doit être chouette de bosser pour le Comte si on peut s'offrir ça de temps à autre". Tu me feras ma pub, aussi, juste en vivant bien. Et les commerçants, quand je viendrai négocier avec eux un truc ou l'autre, en songeant à toi, ils se diront "C'est un gars honnête, on peut commercer avec lui"

En gros, oui, il la paie, mais il peut espérer un retour sur investissement. Mais il n'y a pas que ça.

- Imaginons maintenant que tout ne se passe pas trop mal. La Fange disparait ou décide d'aller voir sur un autre continent si on y est. La vie reprend, les commerces aussi, la famine disparait, on survit. Ma fille finit par se marier, ton fils grandit. Il se sera découvert une passion et pourrait en faire un métier. Pour l'heure, son seul avenir, c'était ouvrier agricole. C'est un honnête métier. Mais avec le salaire que tu auras économiser, peut-être que tu pourras lui acheter une terre qu'il exploiterait pour lui-même. Peut-être qu'il deviendra un commerçant et il faudra lui apprendre à compter, voire à écrire ? Ou alors il sera doué pour les armes et voudra devenir milicien ou mercenaire et il lui faudra un maître d'armes, puis une armure et une épée. Ou marin, ou joailler ou mineur. Tout cela, ça coûte. Ton salaire, c'est un avenir que tu peux offrir à ton fils. C'est pour ça que je bosse, moi aussi, pour offrir un avenir à ma petite. Lui montrer l'éventail de possibilité. Et si être vicomtesse l'amuse, on ira vers là, sinon, elle aura un commerce, comme couturière, parce qu'elle aime bien ça, ou l'élevage si elle a ma passion. Peut-être voudra-t-elle devenir Mère, aussi. Mais elle partira pas sans rien, je m'en suis assuré, même si je devais mourir en me levant de ce siège. Donc, définitivement, vous serez payée et ça n'est pas négociable. Mais promis, j'attends au moins un an avant d'envisager une augmentation. C'est la seule concession que je veux bien faire.

Et il se lève, s'apprêtant à partir avant de réaliser qu'il ignore s'ils ont un accord.

- J'ai mon cheval, un chariot acheté ce jour. Je n'en maîtrise pas la conduite, mais ça reste suffisant pour se déplacer à vide sans craindre l'accident. Alors, si vous voulez bosser avec moi, on va chercher votre fils, on descend sur Usson. Première étape, la forge, histoire qu'on prévoit vos couteaux. Ils seront faits à votre main. Des bons outils, c'est important. Ensuite, la couturière, pour vous et le petit. Puis l'auberge. J'y passerai la nuit de toute manière, vous, j'essaie de vous y faire engager, afin que vous appreniez la cuisson de la viande et comment faire des lits. Vu que je paie le tout, j'doute qu'il refuse de vous engager pour une semaine. Moi je repars demain matin, le forgeon blindera le rez-de-chaussée et je devrai être de retour le premier avril, avec ma fille et mon palefrenier. Je compte sur vous pour nous accueillir sur place le jour même ou le lendemain. Avec les longues distances, on ne peut jamais être totalement sûr du moment d'arrivée. Des questions ?

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Bérénice Monet



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MessageSujet: Re: [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice)   [Terminé] Premier contact dans le domaine Pessan (PV Bérénice) EmptyMer 21 Aoû 2019 - 12:31
-D’accord, se contenta-t-elle de répondre lorsque le Comte lui expliqua que mentir se révélait être une mauvaise idée. Bien sûr elle n’avait jamais pensé qu’un clerc irait vérifier une telle information à son sujet. De même que sa jeunesse ne lui avait pas fait réaliser que son nom ne figurait pas parmi les registres. C’était là après tout des choses auxquelles elle n’avait jamais eu l’occasion de s’intéresser.

Enfin savoir qu’elle pourrait se recueillir au Temple dès que l’occasion se présenterait la rassura malgré tout quelque peu. Mais plus encore le fait de savoir qu’il pourrait exister un lieu qui serait consacré à la prière. Cela lui importait tout particulièrement de pouvoir prier la Trinité en toute sécurité, sans avoir à sortir non plus son fils du domaine.

Elle écouta ensuite patiemment le discours du Comte, lui énoncer un potentiel devenir. Bien sûr il serait mentir d’affirmer qu’elle n’y avait jamais songé. Seulement l’idée demeurait toujours vague et elle craignait toujours de faire preuve d’une trop grande prétention à imaginer qu’elle pourrait grandir ou bien vieillir aux côtés de son fils, tandis que la Fange demeurait. Ah enfin avec tous ces morts elle n’osait pas se dire que son fils apprendrait à lire et à écrire dans quelques années et qu’il pourrait posséder son fonds de commerce ou bien sa terre. Ah ça non. C’était dire que lui parler de récolte, c’était une bien jolie comparaison de la vie. Elle eut au moins le mérite de comprendre où il désirait en venir. Cependant ces choses-là ne lui semblaient plus autant certaines qu’avant. La semence n’est pas grand-chose sans sa pauvre main d’œuvre. Cela elle le craignait, et elle pouvait sans mal imaginer la végétation recouvrir à présent les champs de son ancienne petite ferme, avec peut-être dessus un ou deux fangeux qui servaient d’épouvantail pour faire peur à quoi ? Aux oiseaux certainement. Il y avait de l’horreur à se dire qu’il n’y avait peut-être plus âme qui vivait au-delà de Marbrume et de ses environs. Alors en pensant comme ça, demain ce n’était pas dans un an deux ans trois ans ou bien des années. Demain, c’était juste demain.

Enfin pourtant, en l’écoutant, il fallait bien concéder une chose : « C’est bien joli ce que vous dîtes. » Mais c’était à peine dit dans un murmure. Elle se promit de réfléchir un peu sérieusement à ce qui se passerait pour la suite, mais sans trop y croire. Peut-être était-elle proprement incapable de concevoir des projets. Et peut-être que tout ce qui se déroulerait après sa mort ou celle de son fils ne l’intéressait pas.

Elle se leva en même temps que le Comte. « Oui, j’vais vous y montrer la route. Pas de questions non. J’y reviendrai le 1er au matin du coup, et pis, si des fois vous venez que le lendemain, puisque ce sera blindé, j’y passerai la nuit ? Comme ça j’en profiterai le jour pour faire quelques préparatifs. Pour que ce soit un peu plus accueillant pour vot’ fille. »

***

Ainsi les choses se déroulèrent-elles aux dires du Comte. Dans l’ordre du fils, des couteaux, la couturière, et puis l’auberge.

Bérénice fut presque assez fière lors du trajet qui les conduisirent jusqu’à Usson de montrer au Comte que son fils n’était point un petit brailleur. Si ce n’est bien sûr qu’il pointa plusieurs fois du doigt, en quittant la ferme, le fermier avec lequel ils avaient vécu pendant un an, et en poussant d’étranges sons comme pour signifier son attachement. Bérénice en ressentit une vive jalousie, mais se contint en la présence du noble d’ignorer son fils comme elle le faisait parfois lorsqu’il l’agaçait. Elle se força à prendre l’enfant dans ses bras pour essayer de le faire taire. Elle finit par lui sortir une petite figurine en bois empaquetée parmi ses autres maigres affaires –un baluchon tout au plus- et la lui donna afin de détourner son attention. Cela marcha et on ne l’entendit quasi plus du reste du trajet. Au moins cet enfant, parfois moribond, avait-il la qualité de ses silences. Bien sûr il y avait toujours cette appréhension qu’il se mette à crier et qu’on n’entende que lui dans la campagne environnante, il y avait toujours cette crainte oui que ce gosse soit une mouche à fangeux. Et c’était la raison pour laquelle Bérénice n’aimait pas le sortir. Toutefois, le bambin était taiseux et assez mal éveillé, et de fait souffrant sans doute d’un manque de communication, il se révéla plutôt calme, les yeux grands ouverts sur la nature environnante qu’il découvrait pour la première fois, ça et l’animal qui les conduisait et qu’il fixait tantôt de ses grands yeux admiratifs. La découverte vraiment le laissait pantois et il se contentait bien de pointer du doigt ce qui le rendait béat, en ouvrant une bouche ronde et un « wha » qui lui échappait parfois.

Bien sûr Usson fut une aussi grande découverte. Les commandes passées auprès du forgeron et de la couturière, ils se dirigèrent vers l’auberge. Le Comte s’occupa du reste, et elle assista silencieusement à l’échange avec l’aubergiste. Nul doute que le noble savait ce qu’il voulait. Somme toute l’aubergiste accepta promptement la proposition. Une main d’œuvre quasi gratuite, cela ne se refusait pas. « Elle commence tout de suite. » Ainsi soit-il.

Le Comte partit le lendemain comme il l’avait prévu, et elle le regarda s’éloigner depuis le seuil de l’auberge. Pourvu qu’il ne lui arrive rien entre temps, se dit-elle, car ça alors ce serait vraiment trop bête. Non pas que l’inquiétude guettait, seulement l’entretien de la veille lui avait fait miroiter une nouvelle réalité qu’elle ne désirait pas voir brisée. Et on ne savait jamais non à quel détour de chemin ces sales fangeux allaient pointer. Elle pria la Trinité pour qu’il ne lui arrive rien.

Ce n’était pas que le métier était difficile à l’auberge. Bien sûr il y avait ces moments d’agitation dans la journée. Et parfois l’effort était rude, mais bien moins qu’au champ. Il fallait quand même se baisser pour faire les lits, comme on se baissait pour faucher le blé. Mais ça durait moins longtemps. Pour autant le soir venu, le dos restait en vrac, mais pas longtemps. La jeunesse est bien douce avec les douleurs lombaires, et se laisse rattraper par la vieillesse. Il y avait de l’activité et dans la salle, ça grouillait bien un peu de vie, aussi bien dans la cuisine. Par hasard il se trouva qu’elle s’entendit assez bien avec une fille de cuisine qui se montra bien vite curieuse. Mais elle répondit exactement comme le Comte lui avait dit, « C’est pas tes affaires. Est-ce que j’te demande moi, où t’es allée la nuit dernière ? Parce qu’une chose est sûre, t’étais pas dans ta paillasse. »

Il se révéla au cours de la semaine que Bérénice aimait apprendre à cuisiner. Mais de la vraie cuisine, pas ces bouillis d’avoine et de blé ou ces soupes avec trois bouts d’oignons que l’on faisait chez elle. Quelque chose de bien différent avec une odeur alléchante. Et ça allait jusqu’à lui titiller les narines, ce que la nourriture de sa mère ne faisait pas avant pour sûr. Bien sûr, les débuts furent difficiles, car il y avait bien des produits que la jeune fille n’avait pas pour habitude de manipuler, et puis il fallait se rappeler de tous les ingrédients. Aussi ses mains déjà bien abimées par le labeur de la terre se retrouvèrent avec une multitude de petites coupures aux extrémités des doigts. Mais ça ne la rendait pas farouche pour autant, la paysanne avait l’habitude des mains douloureuses. L’aubergiste la fâchait parfois pour sa maladresse, sa lenteur, et plus encore lorsqu’elle brûlait trop la viande ou qu’elle laissait le ragoût entacher le fond de la marmite. Pour autant il la traita bien, et honora sa part du contrat.

Elle n’avait pas appris à faire de la grande cuisine, et elle avait bien conscience qu’il lui faudrait acquérir plus de finesse. Mais elle ne s’était pas montrée avare de travail au cours de la semaine, et faute de savoir écrire pour garder une trace, elle mémorisait ce qu’elle voyait au jour le jour, essayant de retenir des recettes appétissantes qu’elle n’avait que peu travaillé mais qu’elle pourrait refaire plus tard.

Bien sûr une semaine ne suffisait pas à faire des miracles, et c’est tout juste lorsqu’on commence à s’habituer au métier, à l’établissement, aux tâches, qu’il faut partir.
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