Alaïs est née en 1148 d’un couple de paysans du Labret. Son père, Colman, homme timide mais d’une grande bonté, se maria à une femme de son village - bien trop belle pour lui et par trop rêveuse - mais dont il s’éprit éperdument. Cependant, Alma Marlot avait toujours rêvé secrètement d’un meilleur destin que celui d’une paysanne s’usant les mains dans les eaux des lavoirs ou les reins dans le travail des champs. Un matin qu’elle partait pour le marché avec son panier sous le bras, elle ne revint jamais. On sut plus tard qu’elle avait pris la fuite avec un soit-disant jeune seigneur de passage- laissant son mari seul avec un nourrisson sur les bras. Les ragots allèrent bon train, la honte s’abattit sur la maisonnée alors que Colman courbait la nuque sous les quolibets, passant du joyeux drille au voisin taciturne. Puis les villageois commencèrent à se lasser, à oublier, le temps passa et on finit par ne plus parler de cette histoire. Colman s’enterra dans son silence, vivant en reclus isolé avec sa fille.
L’homme abandonné encaissa la douleur de cette perte sans broncher et avec courage, il éleva de son mieux cette petite fille sur qui il reporta toute son affection et sa tendresse, défendant de son mieux la mémoire de cette femme qui lui avait brisé le coeur dans le peu de récits qu’il lui en fit quand elle fut en mesure de lui poser des questions sur le sujet. Un peu trop laxiste, tout en s’évertuant à lui inculquer de bonnes valeurs, il ne réussit cependant jamais à dompter cette jeune pousse décidée à grandir comme une mauvaise herbe.
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En effet, plus le temps passe, plus Alaïs semble être marquée de la même malédiction que sa mère, à rêver de liberté et d’ambitions trop élevées pour elle. Lorsqu’il s’en aperçoit, le vieux Colman décide de reprendre les choses en main, mais il est déjà trop tard. Trop tard pour contenir cette jeunesse impatiente et cette gamine qui est devenue presque une femme dont la finesse de chacun de ses traits ne rappelle que trop ceux de sa mère. Trop tard, parce que la menace des Fangeux arrive, tel le courroux divin s’abattant sur les hommes.
1164 - Alaïs vient d’avoir seize ans. On entend des récits terrifiants, mais son père n’y croit pas et après tout, il faut bien continuer à vivre et à travailler. Les récoltes en dépendent, la survie de tous en dépend, et Colman y voit un devoir sacré. Jamais il n’abandonnera la terre qu’on lui a confiée à cultiver, ni sa maison, ni ses souvenirs auxquels il s’accroche farouchement. Quand les Fangeux affluent et que les morts se relèvent, il se barricade avec sa fille dans le grenier à foin dont il tire l’échelle avec quelques vivres, et des fourches, maigre arsenal.
Alaïs entend les cris, et plus encore, les beuglements de terreur pure de la vache qu’ils gardaient, restée seule et enfermée dans son enclos. Ces cris animaux inscrivent à jamais la peur dans ses veines, et lorsqu’ils cessent enfin, le silence n’en est que plus angoissant. Alaïs ne dort plus, ne mange plus, ne respire plus, et l’attente immobile et silencieuse lui donnent la sensation de mourir à petit feu. Malgré tout ils survivent quelque jours ainsi, jusqu’à l’évacuation forcée, douloureuse. Colman est conscient que s’il s’obstine à rester, lui et sa fille mourront tôt ou tard et ils se mêlent à la foule des réfugiés en direction des remparts protecteurs de la grande ville.
Exode laborieux, affreusement lent en comparaison de ce qui les guette dans la nuit. Le soir, en effet, les convois sont attaqués, les défenseurs, peu expérimentés, tombent comme des mouches, les vieillards et les enfants les suivent rapidement, les mères rendues folles disparaissent dans l'obscurité en cherchant leur progéniture, comme les éléments trop faibles d'un troupeau. Alaïs comprend ce que c'est d'être le bétail d'un prédateur supérieur et rusé. Malgré tout, l'instinct de survie est plus fort, les hommes poussent la cadence, ils finissent par se presser avec les autres aux portes de la ville, si nombreux, si miséreux, la peur chevillée au corps de rester enfermés... Dehors. Seuls.
Alaïs voit sa bulle d’innocence voler en éclats. Elle rêvait d’Ailleurs, la voilà entassée avec la masse grouillante et miséreuse de ses semblables, impuissante et terrifiée à l’idée d’être dévorée vivante par ces choses dont personne ne sait comment elles ont éclos. Son père s’enlise dans une sorte d’apathie à mesure que le temps passe et que la famine s’amène, deuxième fléau s’ajoutant au premier, comme s’il ne suffisait pas. Dans toute ce chaos, Alaïs découvre la ville, une ville qu’elle n’avait certainement pas imaginée ainsi, mais elle s’adapte et vite. Rapidement, elle trouve quelques petits boulots, à droite et à gauche, elle rapine ce qu’elle peut, ramasse ce qui tombe, jouant de sa vitesse et de son opiniâtreté naturelle pour y parvenir. Sa gouaille et son naturel souriant lui valent quelques faveurs dans les quartiers populaires. Dynamique, intelligente, elle sait écouter et ne tarde pas à glaner de ci, de là quelques miettes pour subsister. Insuffisant pour vivre, mais assez pour voir le jour se lever.
1165 - Lorsque la ville est de nouveau attaquée, elle parvient à trouver refuge avec son père grâce à l’aide d’une lavandière à qui elle rendait des services. Nouvelle attente, nouveaux tourments. Mais cette fois, les hommes d’armes de la ville sont là pour repousser la menace. Alaïs comprend qu’il n’y a qu’ici qu’elle peut espérer trouver une véritable protection. Malgré tout, un grand appel est lancé. Les paysans sont mobilisés pour retourner au Labret. Comme mû par un élan vital, le vieux Colman s’éveille. Ils peuvent retourner chez eux, enfin ! Participer à la reconquête, retrouver leur terre et leurs souvenirs. Colman reprend vie, et se porte aussitôt volontaire, malgré les risques. Plutôt mourir au Labret, où il a toujours été chez lui, que dépérir à Marbrume. Mais alors qu’ils se dirigent vers les portes de la ville, ces portes grandes ouvertes sur l’extérieur enflamment Alaïs d’une panique impossible à réprimer. Non, elle n’y retournera pas. Elle lâche la main de son père pour la première et la dernière fois. Le vieux Colman veut s’arrêter, retourner en arrière, la chercher, mais il est trop tard. Alaïs est partie, et le cortège poursuit, implacable.
Au Labret, le père consumé de tristesse et d’angoisse pour sa fille, fait ce qu’il a toujours fait : encaisser la douleur, et travailler en silence. Lorsque des émeutes éclatent contre le Duc, il demeure insensible à la colère de ses pairs. La terre, elle, n’attend pas. C’est ainsi qu’il contribue à l’équilibre et à restaurer l’ordre, le vieux Colman : il fait son devoir et il obéit, quitte à mourir en le faisant. Il sait où est sa place, et c’est ce qui l’a toujours éloigné de la folie et du chaos. Il ne réclame qu’un peu d’aide aux hommes venus de la ville pour affronter les Fangeux, dans l’espoir qu’ils auraient vu sa fille ou pourraient diffuser un avis de recherche.
Mais Alaïs demeure introuvable et du reste, qui se soucierait d’une fille de rien dans ce climat de fin du monde ?
1166 - Vive le roi ! On entend partout la rumeur que le nouveau roi a été proclamé, un nouvel espoir souffle sur la ville... Alors même que la menace, elle, s'infiltre dans les murs et que l'horreur perce enfin les remparts si solides de la cité. Alaïs termine son service à la Chope Sucrée quand la panique se répand depuis les Bas-Fonds de la ville. Elle se fige, torchon en main. Pas encore. Pas ici. Pas maintenant. Et c'est de nouveau la fuite éperdue, les rues pleines de cadavres et de sang, les supplications, la nuée des morts qui débarque. Alaïs grimpe, grimpe, grimpe encore, ne songeant pas même à retrouver la masure d'Ambre Rosélias qu'elle occupe de temps en temps, quand cette dernière lui ouvre sa porte. Si la terre appartient aux morts, alors il lui semble qu'il ne reste que le ciel pour secours. Elle est agile et légère comme un chat, Alaïs. La peur lui donne des ailes, affûte ses réflexes. La peur chevillée au corps, elle peine à trouver l'air nécessaire pour respirer, même depuis les toits d'une maisonnée.
Et pelotonnée contre la charpente, les yeux fermés, elle se prend à prier.
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