Marbrume


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 Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]

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Alaïs Marlot



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MessageSujet: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyJeu 25 Juil 2019 - 23:10
Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] 1564088877-955047ce087f49bb80cc74097e92027f

Un bar obscur dans les quartiers sud de Marbrume, un soir d’été presque banal. La soirée bat son plein. Le décor ? Figurez-vous n’importe quel bouge des Bas-Fonds, avec son lot de chaises bancales, d’odeur de bière et de tables étroites qui vous collent sous les coudes, et vous aurez une idée plutôt précise des lieux. Les personnages ? Une foule bigarrée de maris (pas si) fidèles, ajoutez quelques jolies filles pour leur faire oublier leur calvitie naissante, un ou deux voyageurs égarés, des miliciens ayant abandonné leur insigne à la caserne, des serveuses à la croupe arrondie poussant les obstacles à coups de hanches dévastateurs, les bras en l’air chargés de plateaux. Une pluie fine d’éclaboussures de bière dans l’air surchargé d’effluves, un rafraîchissement bienvenu en ces temps de crise. Du reste, l’ambiance respire la joie de vivre, comme si le monde extérieur n’existait plus, comme si la menace était suspendue quelque part, ailleurs, épargnant la foule simplement heureuse de vivre encore un peu, de profiter de cette petite rengaine reprise en coeur sur des tons plus ou moins discordants, au rythme des mains frappant le bois des tables.

Martha la tenancière, dirige tout ce beau monde, comme un chef d’orchestre armé d'un chiffon. Elle met du coeur à l’ouvrage, Martha, installant les nouveaux venus d’autorité sur quelque tabouret, s’arrangeant toujours pour servir sa piquette sans qu’on lui demande rien. Pas besoin de carte, ni de réponse au sempiternel “Ca sera quoi ce soir ?”, elle a déjà tourné les talons vers d’autres horizons. Mais pour sûr, elle s’occupe de tout et le client en aura pour son argent. Du reste, elle n’en est pas peu fière de cette soirée, Martha. Il était difficile de faire oublier la misère à sa clientèle ces derniers temps, et elle avait même craint qu’avec l’attaque des Fangeux, tous ses fidèles se tournent vers d’autres temples de débauche avant peu. Alors, elle avait organisé cette petite soirée, entre filles de joie aguicheuses, jeux d’ivrognes et spectacles improvisés. On entend les bruits de la fête depuis l’autre bout de la rue, comme un appel du pied bien difficile à ignorer.

C’est comme ça qu’elle avait trouvé l’entrée, Alaïs. Avec son air de garçon manqué un brin canaille et son joli minois, Martha l’avait inspectée comme un maquignon tourne autour d’une pouliche. Un peu fluette, mais d’un charme indéniable, avait-elle jugé. La jeune fille n’avait pas moufté, il lui fallait du travail et de quoi se remplir le ventre. Elle avait même fait quelques tours devant la tenancière histoire de lui prouver qu’elle valait bien deux sous et Martha s’en était trouvée assez convaincue pour l’employer le temps d’une soirée. Et voilà que l’heure de son entrée en scène se fait entendre, à grands renforts de sifflets et de quolibets égrillards sur son postérieur affuté.

Alaïs ignore les malotrus et se fraie un chemin jusqu’au plateau du bar, qu’on libère pour elle. La scène est étroite mais elle s’en satisfait bien. Peu importe l’endroit, tant qu’on a du public. Elle tire son beau foulard d’un bleu nuit parsemé d’étoiles et elle virevolte. Bien vite, une écuelle se transforme en tambourin improvisé, et elle se laisse entraîner par le rythme, virevoltant en quelques pirouettes sur le comptoir, puis en quelques sauts agiles et de plus en plus périlleux. Quelques acclamations l’encouragent et la voilà lancée, oublieuse du temps et de la fatigue d’une vie sans pain. Elle distribue quelques clins d’oeil à ses admirateurs, chipe quelques chopes vides qu’elle fait voler autour de sa tête, jonglant d’un rien, captant un éclat de lumière dans sa chevelure dorée. Non, en cet instant, elle ne pense à rien. Elle sourit au monde pour ne pas pleurer, elle marche sur les mains pour oublier que le monde entier l’écrase. Et elle perçoit soudain, dans sa folle déambulation un regard mélancolique, comme un reflet du sien, dans un miroir brisé.

Pourquoi il ne rit pas, ce visage là ? Cerné de gris, il semble emprisonné dans sa mélancolie, les épaules crispées d’une angoisse qu’il est seul à cerner. Elle déambule vers lui, sans réfléchir, et lui tire une grimace comique, un sourire à l’envers, la tête en bas. Elle courbe les reins pour retrouver sa gravité dans un pont souple, avant de venir lui chiper quelques gorgées de sa bière, juste pour attirer son attention, ou lui tirer une réflexion outrée. Tout est mieux que le vide et l’indifférence. Et elle repart dans l’autre sens, en quelque roulade impétueuse, faisant onduler son foulard et son corps souple, comme une vipère des sables. Lorsque l’exaltation est à son comble, Alaïs sent que la salle vibre comme un seul coeur et elle s’élance au milieu de la nuée, rattrapée par quelque complice improvisé. Et peu importe la chute, tant qu’il y a l’ivresse !


Dernière édition par Alaïs Marlot le Mar 30 Juil 2019 - 15:32, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyVen 26 Juil 2019 - 1:46
On avait donné relâche aux hommes de son unité, leur laissant une soirée pour se distraire. Ils avaient bien mérité ce soir de repos et de plaisirs, après les atrocités des dernières semaines, les morts par milliers. Landric n'était pas d'humeur, s'amuser lui semblait encore bien plus vain que de se débattre. A quoi bon s'imaginer que tout irait pour le mieux, qu'on était sûrs de voir un autre matin? Il lui semblait moins rude d'y penser en permanence plutôt que de l'oublier et de se le remémorer au matin une fois dégrisé. La joie de ses compagnons lui semblait forcée, hystérique, alors qu'ils descendaient une rue à dix gaillards, L'Oiseau fermant la marche.

On l'avait convaincu de ne pas venir en armes, et même de laisser sa broigne à la caserne. Juste vêtu d'une tunique, il se sentait aussi vulnérable que si il parcourait ce qui restait des quartier de son enfance entièrement nu. La moindre ombre semblait cacher un danger: il était bien aise de marcher en queue du groupe, le moindre geste brusque, le moindre bruit, le faisant sursauter. Il ne tenait pas à se montrer à ses compagnons sous ce jour. La gargote qui faisait l'objet de leur visite était heureusement proche à présent, débordante de la lumière dorée des chandelles. Landric ne lui trouva pas le charme de l'auberge qui l'avait vu grandir, désormais perdue dans le Chaudron. La maison de son enfance avait disparue, et personne ne pourrait la lui rendre. Oubliées, les dernières traces de sa mère, du brave aubergiste et des clients si promptes à lui conter les merveilles du monde.

On installa L'Oiseau et ses compagnons dans un coin du comptoir, sur des tabourets dépareillés. Il n'avait aucune envie d'être là, il n'était venu que pour ne pas rester seul dans les ombres de la caserne avec ses terreurs nocturnes, sans le sommeil de ses frères d'armes pour le bercer. Landric préférait encore ça au bordel et aux mascarades risquées que cela impliquait pour lui. Il y avait trop de bruits, trop de gens, et par ennui, il bu tout ce qu'il pu. Sa choppe semblait toujours se remplir par magie et il lui fallu moins d'une heure pour être plongé dans l'état presque catatonique de celui qui boit sans en avoir l'envie, mi-méditatif mi-somnolent. Les conversations de ses compagnons étaient tout juste un bruit de tambour à ses oreilles. Finalement, un peu de remue-ménage attira son œil: on faisait de la place sur le comptoir.

Il avait à peine eu le temps de tourner la tête qu'un petit chat doré sautait sur le bar. Il songea qu'elle allait certainement danser et se dénuder, mais il était loin du compte. La jeune fille s'était mise à sauter dans tous les sens, accompagnée dans ses arabesques par un foulard étoilé, enchainant les figures le long du comptoir avec une agilité insensée. Elle était toujours au bord du déséquilibre, souriant trop pour que ce soit sincère. Encore une orpheline de la fange, privée de ses parents et condamnée à se débrouiller par ses propres moyens, songeait Landric, profitant de la qualité esthétique et technique des acrobaties de cette enfant montée en graine. Menton dans la main et coude sur le bar, il la regarda faire un long moment, retrouvant un peu de vie en regardant la jeune hirondelle prendre son envol au dessus des choppes.

Elle fini par s'approcher de lui, à l'envers, et lui sourit. Par mimétisme, un coin de la bouche de L'Oiseau se souleva, juste avant qu'elle ne se serve dans sa bière. Ce n'était pas plus mal qu'il l'aide un peu à finir, il en avait déjà assez bu. Elle était un peu plus âgée qu'il ne l'avait cru au premier abord, mais restait d'une jeunesse émouvante pour quelqu'un qui tentait de se faire quelques pièces en virevoltant dans une gargote des bas-fonds. Son talent la protégeait de la nécessité d'avilir sa jeunesse et cela lui souffla un peu, juste un tout petit peu d'optimisme. Pour Landric, la parenthèse enchantée se clôturait déjà, alors qu'il retombait dans son apathie, pour un court instant. Elle tombait! La fragile frontière entre équilibre et déséquilibre venait de se fracturer et l'hirondelle perdait ses ailes. Ses réflexes reprirent le dessus et il pu la saisir par le bras, pour la remettre sur ses jambes, le cœur affolé par la peur qu'il avait eu de voir la jeune acrobate mordre la poussière.

"Tu as failli faire connaissance avec le plancher." lui fit il remarquer stupidement.
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyVen 26 Juil 2019 - 10:31
Et soudain, deux bras forts et fermes l’encerclent et la retiennent dans sa chute éperdue. Et ce contact chaud et brusque par sa promptitude est aussi bienfaisant que la caresse d’une brise d’été. Comme c’est agréable de se sentir tenue, pressée même brièvement ! Ni une ni deux, la voilà de nouveau sur ses pieds de retour sur le plancher des vaches et ses yeux rencontrent une poitrine large couverte d’une tunique simple, ne distinguant qu’un mur d’étoffe rugueuse au premier abord. Une voix douce et grave la cueille et elle redresse le museau vers le visage qu’elle reconnaît soudain. C’était l’homme cerné de gris qui l’avait rattrapée et à qui elle avait chapardé sa bière quelques instants plus tôt ! Ses traits graves et mélancoliques semblent désormais empreints d’un souci qui la touche plus sûrement encore que ses deux bras solides qui l’avaient empêchée de mordre la poussière.

“Tu as failli faire connaissance avec le plancher.”

Et cette remarque lui tire un rire joyeux et sincère, tandis qu’elle le dévisage plus attentivement, son habile bien qu’involontaire partenaire.

“Et voilà qui je rencontre à la place ! Je testais tes réflexes, voilà tout ! Et je t’embauche, tu fais un excellent rattrapeur !”

Alors que la masse avinée reprend son babillage bruyant et que les filles se glissent de nouveau vers leur proie docile, l’une d’elle passe tout près du milicien dans un déhanché ravageur. “Gaffe à la minette, elle te fera les poches, mon beau. Si tu cherches une vraie femme, par contre...” Et d’une oeillade, elle s’éloigne non sans décocher un regard noir à sa rivale présumée, se cherchant déjà une nouvelle victime dans la salle bondée. Mais Alaïs n’y prête guère d’attention, toute intriguée par le solide gaillard qui lui tient le bras. Ses yeux clairs ont l’air toujours aussi tristes, bien qu’embrumés par les vapeurs de l’alcool. Elle aimerait bien lui tirer encore un demi-sourire, lui qui semble perdu au milieu de la foule, et elle ne s’explique pas très bien pourquoi. Seulement, elle ne se sent déjà plus la force de faire encore une pirouette pour l’amuser, ses doigts tremblent, et puis il fait terriblement chaud, si chaud qu’elle se sent blêmir. Elle tâche d’oublier le sang qui lui bat aux tempes, et elle rive un joli sourire sur ses lèvres, embrayant déjà sur des présentations plus formelles.

“Au fait, moi c’est Alaïs. Mais mes amis m’appellent Al’.”

Et alors qu’elle veut lui tendre la main, sa tête lui tourne pour de bon. Des milliers de petits points blancs dansent devant ses yeux, comme de minuscules papillons entourant la silhouette de l’inconnu. Elle tressaille tandis qu’un long sillon d’une sueur froide lui coule le long de la colonne vertébrale. Bon sang qu’il fait chaud dans cette taverne ! Son sourire se crispe dans un petit rictus laborieux, et elle trébuche un peu en arrière, cherchant le comptoir du bout des doigts. Juste une seconde pour se reprendre, pour respirer un peu… Elle aurait dû manger quelque chose, sûrement, avant de se retourner la tête dans tous les sens. Mais la paie se mérite aussi sûrement qu’un beau sourire dans les yeux d’un homme triste.
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyVen 26 Juil 2019 - 13:08
"L'Oiseau a une touche!" beugla un de ses compagnons derrière lui.
"Pour l'amour d'Anür, Gautier, ferme-là! Tu vois bien que c'est une gosse!" répliqua Landric, tournant la tête sans lâcher la petite acrobate.

Son geste n'était pas passé inaperçu, et une des filles qui trainaient leurs jupons dans l'auberge passa tout près de lui, frottant suggestivement sa hanche à la sienne et lui murmurant quelques paroles d'invitation. Il l'aurait probablement trouvée tentante si ses penchants n'avaient pas été différents, mais elle ne lui causait même pas un frisson. L'Oiseau ricana: si la putain pouvait s'imaginer à quel point il était indifférent, à ses charmes comme à ceux de l'hirondelle de taverne! Celle-ci semblait au bord du malaise, mais ne perdait pas son bagout, embrayant sur une plaisanterie à peine remise sur ses pieds. Landric lui sourit et la lâcha, s'assurant qu'elle avait bien retrouvé son équilibre.

"Ça aurait été avec plaisir, mais j'ai déjà fort à faire avec ces imbéciles." répondit-il, pointant du pouce ses camarades par dessus son épaule, retournés à leur beuverie et à leurs conversations paillardes, l'un d'eux ayant saisi l'ancienne prétendante de L'Oiseau par la taille.

La jeune fille vacillait toujours un peu et ses yeux étaient vagues, malgré son sourire. Le rouge lui était monté au joues: c'était cela qu'on récoltait à se servir dans les chopes des autres, tout en s'agitant comme une diablesse. La chaleur des hommes ivres s'ajoutant à celle de l'été dans cette salle d'auberge mal ventilée n'avait pas dû aider. Elle se présenta comme répondant au nom d'Alaïs, qui lui allait admirablement, toujours souriante, d'une voix toujours guillerette malgré la faiblesse qu'il lisait dans sa posture. Landric avait vu assez d'hommes exsangues ou épuisés pour reconnaître les signes d'un malaise imminent et restait vigilant.

Depuis combien de temps cette hirondelle n'avait-elle pas mangé, ou bu autre chose que la bière de ceux qui la regardaient se produire? Cela ne pouvait pas venir de nul part, il avait veillé à ce qu'elle ne se fasse pas mal en tombant.

"Je suis Landric." répondit-il, la main à demi levée pour la rattraper si elle tombait à nouveau. "Landric L'Oiseau."

Il avait à peine fini sa phrase que la chute qu'il voyait arriver survint. Alaïs se rattrapa d'elle même au comptoir, mais Landric crocheta du pied le tabouret qu'il avait abandonné en la retenant la première fois. Il la saisi par les épaules et la fit assoir fermement, se plantant entre elle et les autres miliciens. Ses compagnons n'étaient pas de mauvais hommes, mais leur statut de protecteurs de la cité leur donnait trop souvent l'impression d'avoir touts les droits. Aussi jeune soit-elle, une femme restait une femme à leurs yeux et Landric ne savait que trop bien le sort qu'ils réservaient à celles chez qui ils percevaient une invitation, souvent à tort. Autant les laisser croire que c'était chasse gardée, c'était la meilleure protection qu'il pouvait lui offrir contre les convoitises des autres.

"C'est un beau spectacle que tu nous as offert, mais tu ne devrais pas faire ce genre de chose ventre vide." continua-t-il, paternel, hélant la patronne d'un geste.

Il se sentait en bonté ce soir et préférait lui offrir une assiette bien pleine que des pièces qui pourraient être volées par des malandrins ou prises de force par un amant violent. C'était la meilleure chose à faire, personne ne pourrait lui arracher un repas offert. Landric avait dégrisé et se sentait un peu mieux maintenant qu'il n'était plus lesté vers le bas par l'alcool. Il se pencha par dessus le comptoir pour parler à la patronne, haussant le ton pour se faire entendre au dessus du brouhaha qui avait reprit, alors que plus personne ne prêtait attention à L'Oiseau et à l'hirondelle:

"Tu devrais nourrir ton amuseuse, elle se trouve mal. Et donne lui aussi un grand verre d'eau! Met tout sur ma note."
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyVen 26 Juil 2019 - 14:11
“Mais tout de suite mon joli !” Et Martha joue du torchon pour lui dégoter une écuelle de ragoût qui contient davantage de légumes que de viande, denrée de plus en plus rare et chère, à laquelle elle ajoute quelques quignons de pain un peu sec, il faut bien le dire, et un peu de ce fromage qui pique la langue et le palais, dur comme de la pierre. Elle repousse un chat - vrai celui là - qui traîne dans ses pattes, d’un geste vif de son torchon, et glisse l’assiette en direction de Landric et de sa nouvelle protégée, accompagnant la première d’un verre d’eau, comme il lui a demandé. Le client est roi, surtout s’il a de quoi payer !

“Et voilà ! Et si tu veux une chambre, il faut payer d’avance, à l’heure ou à la nuitée.” Elle ajoute ça comme de hasard, sans méchanceté ni mauvais esprit. C’est juste qu’elle la connaît la ritournelle, Martha, et la fille n’est pas vilaine, loin de là. Plus fraîche et innocente que toutes les catins qui se servent de son bouge comme d’une passerelle, et elle préfère les voir tapiner dans ses chambres que dans l’arrière cour d’une ruelle miteuse où elles risquent de se faire trucider par un mauvais payeur. Ainsi, tout le monde y gagnait et Martha n’était pas la dernière à monter quand elle entendait du mauvais raffut.

Elle laisse donc le duo à ses affaires, se gardant bien de mettre son nez là où on ne voulait pas qu’on l’y voit, déjà hélée ailleurs pour ses bons et prompts services. Alaïs oscille un peu sur son tabouret, perchée là habilement par les mains lestes et efficaces du milicien, la tête toute engourdie. C’était donc un milicien, elle avait compris ça quand il avait désigné sa bande d’amis bruyants attablés plus loin. Elle le comprend maintenant, à sa façon de prendre les choses en main, efficace et vigilant. Et pourtant, quelque chose n’est pas comme d’habitude. Elle fuit les miliciens la plupart du temps, Alaïs, pour de bonnes raisons. C’est qu’ils lui attiraient plus souvent des ennuis qu’autre chose. Mais lui n’est pas comme eux, il leur tourne même le dos pour les garder à bonne distance d’elle. C’est alors qu’elle est tirée de ses réflexions par le fumet d’une assiette qui vient d'apparaître sous ses yeux et son estomac joue du quadrille dans son ventre, lui tirant une exclamation enthousiaste.

L’odeur en est si alléchante qu’elle se jette sur la nourriture, incapable de la moindre politesse, et elle soupire et ferme les yeux en mangeant, de ce jus et de ses légumes qui fondent dans sa bouche comme un festin d'un jour de noces. Bon sang que c’est bon ! s’exclame-t-elle malgré elle, la bouche pleine. Sa tête lui fait soudain moins mal, elle se sent respirer de nouveau, et avale quelques gorgées d’eau pour faire bonne mesure, réalisant soudain que l’assiette n’est pas apparue par la magie des Trois, mais bien de la générosité de Landric, qui attend en observant ce spectacle bien éloigné des convenances. Elle lui sourit alors, avec gratitude, de cette gratitude sincère et pudique, essuyant quelques miettes au coin de sa bouche, ralentissant la cadence pour ne pas voir son repas expulsé aussitôt par son estomac trop souvent vide et malmené.

“L’Oiseau c’est un joli nom. C’est vrai que tu ressembles à un étourneau ! Tu sais ces oiseaux avec de jolies plumes d’un gris perlé… Pas que t’aies l’air vieux, hein.” le taquine-t-elle gentiment avant de reprendre. “Tu n’es pas banal, toi, pas comme les autres miliciens du coin. Et je voulais te dire… Merci pour le dîner, je te revaudrai ça, bientôt !”

Et elle sourit d’un air un peu penaud, pendant qu’elle essuie son assiette d’un morceau de pain pour ne pas en laisser une miette. Elle rive son regard au sien si clair, comme s’il avait été délavé d’avoir trop pleuré, et la suite se déverse d’elle-même sans qu’elle la réfrène, penchant son cou de cygne blanc de côté pour l’observer.

“Tu avais l’air bien triste tout à l’heure… Qu’est ce qui te chagrine ainsi ?”

Parfois, elle se mordrait la langue de trop parler, mais c’est plus fort qu’elle, et puis, la sensation de son ventre plein, la satisfaction de son estomac enfin apaisé, la chaleur paternelle de son vis à vis, tout ça lui donne une confiance incroyable tout à coup, comme s’il ne faisait plus si sombre, dehors.
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyVen 26 Juil 2019 - 15:44
"On verra, on verra..." répondit Landric, évasif, à la proposition de la patronne.

La tavernière lui semblait une femme bien, mais contrairement à ce qu'elle semblait croire, il n'avait aucune envie de croquer dans ce petit corps svelte. Elle avait beau être maigrichonne, Alaïs avait encore trop de seins à son goût. Il se gifla mentalement: L'Oiseau ne se serait jamais autorisé une pensée aussi littérale en étant sobre, lui qui tentait d'éloigner toute sa concupiscence tordue de son esprit. Dans tout les cas, la jeune fille restait un peu vaporeuse, même une fois assise. Landric veillait, suffisamment proche pour dissuader ses compagnons d'armes, suffisamment loin pour qu'Alaïs elle même ne se méprenne pas sur ses intentions. Il ne voulait pas qu'elle s'inquiète de devoir finir dans une chambre pour lui rembourser le prix de son plat, alors même qu'il n'en avait aucune envie.

Son expression, quand la tavernière posa sous son nez une généreuse écuelle, n'avait pas de prix: Landric se sentit dédommagé de sa dépense rien qu'à l'entendre miauler de joie face à la nourriture. Il avait l'impression d'avoir jeté un bout de gras de viande à un chaton, des miettes à une nuée de moineaux. Lui n'avait pas fait grand chose, mais ça avait tout changé pour quelqu'un. Au vu de l'enthousiasme qu'Alaïs mettait dans son repas, il comprit que ce ragoût n'était pas offert pour rien. Les affamés n'avaient pas à se préoccuper de convenance, la regarder manger avec bonheur était son meilleur remerciement. Elle se précipita ensuite sur son eau et en bu quelques longues goulées, avant de se tourner vers lui, tout sourire.

"Je suis vieux, ne t'inquiète pas!" s'esclaffa-t-il, balayant ses remerciements du revers de la main, avant d'ajouter: "J'ai presque l'age d'être ton père!"

Les dernières miettes de pain et de ragoût avait déjà disparu et l'hirondelle semblait se sentir mieux. La faim lancinante avait disparu du fond de ses yeux, elle ne donnait plus l'impression d'être au bord de s'écrouler d'inanition. Elle vivrait un autre jour, et y croiserait peut être la chance, qui ne lui avait que peu sourit jusqu'ici de ce qu'il pouvait deviner. La petite avait l’œil vif, il voyait d'ici qu'elle était futée: avec des forces neuves, elle pourrait faire de grandes choses. C'était un vrai gâchis qu'elle soit à la rue, sans autre moyen de subsistance que ses talents d'acrobates. Dans des temps plus calmes, elle aurait pu se faire une vraie petite renommée et s'assurer au moins un toit sur la tête. On avait pas beaucoup le loisir de s'occuper des petites gens ces dernières années, et encore moins des artistes, si doués pourtant pour soutenir le moral de leurs concitoyens.

La question suivante fit glisser la joie du visage de Landric. Pourquoi était-il triste? Vaste question, il avait autant de raison de l'être qu'il n'y avait de fangeux rampant dans les marais. Mais ce n'était pas comme si tout cela avait commencé avec ce fléau, la peur et la tristesse était ses deux plus vieilles amies.

"Je suis triste de naissance." répondit-il, laconiquement, un sourire raide sur le visage. Il n'avait pas envie d'en discuter, avec la peur de trop en dire qui lui tordait toujours les tripes. Une parole de trop et il se trahirait, rongé de l'intérieur par son secret. Aussi changea-t-il de sujet, sur le ton le plus léger qu'il pouvait prendre: "Et toi, qu'est ce que tu fais toute seule ici, alors que tu as encore le lait de ta mère barbouillé sur le visage?"

Il jeta un regard noir de fauve accroupi sur sa proie à son voisin, qui lorgnait d'un peu trop près sur leur conversation. Il n'aimait pas avoir à jouer au mâle dominant, mais pour l'amour d'Anür, qu'on laisse au moins cette petite digérer tranquillement avant que ne recommence la ronde des hommes en rut. Quelque chose lui disait que Malfort non plus n'apprécierait pas qu'on traîne leur réputation dans la boue en serrant les dames de trop près.
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Alaïs MarlotVoleuse
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyVen 26 Juil 2019 - 17:11
Il y a bien longtemps qu’Alaïs ne s’est pas sentie aussi bien. La chaleur de l’auberge, étouffante quelques instants auparavant, est maintenant comme une bénédiction, les entourant elle et ce drôle d’étourneau dans une chape bienfaisante et presque protectrice. A moins que ce ne soit ce grand dos large qui les protège tous deux de la moindre nuisance extérieure. Elle avait ressenti une pointe de doute quand il avait répondu vaguement à Martha à cette histoire de chambre. Elle se serait trompée bien cruellement sur la nature de son camarade d’un soir, si c’était pour la mener dans une chambre avant la fin de la soirée. Elle est peut être jeune, Alaïs, mais pas complètement stupide. Jusque là, elle a échappé à ce genre de travail, et elle compte bien y échapper encore. Peut être une fierté mal placée, elle qui avait failli s’évanouir de faim au milieu d’une taverne. Mais elle a peu de trésors, et elle les garde jalousement. Si sa vertu n’en est pas vraiment un, vu le milieu d’où elle vient, au moins son âme, elle, demeure encore intacte.

En tout cas, elle tente de s’en convaincre. Mais elle est vite rassurée. Elle voit bien qu’elle ne l’intéresse pas, Landric. Il ne la reluque pas comme ces chiens affamés qu’elle croise trop souvent et qu’elle doit chasser à coups de pied, ou en filant bien vite. Il lui dit qu’il est vieux, qu’il pourrait être son père, et cette pensée lui cause un bien cruel rappel, qu’elle camoufle aussitôt sous un sourire.

“D’accord papy, si tu le dis !”

Mais dans le fond, elle lui donne mille fois tort. Elle le trouve beau avec son air mélancolique et ses yeux tristes, et ce rideau de cheveux gris-blanc. Il ne le sait pas sans doute, et c’est cela sûrement, qui ne le rend que plus charmant. Il est bon et désintéressé, et elle s’en veut déjà de lui avoir posé cette question trop directe, qui lui voit perdre le sourire qui commençait à poindre sur son visage émacié. Triste de naissance ? Comment est-ce possible ? Elle est presque sur le point de répondre qu’elle n’y croit pas un instant, mais cette fois, elle se fait violence et réprime cette répartie lourde et malvenue. Il a ses secrets sûrement, comme elle garde les siens, comme tout un chacun ici, et ce n’est pas à elle de les lui arracher.

Et puis ce serait trop bête de le fâcher vraiment et de lui voir tourner les talons, maintenant qu’elle se sent si bien, et qu’il lui semble si naturel de s’adresser à lui. Elle a trop peu d’amis pour s’en passer d’un. Alors qu’il la questionne et qu’elle remarque à son tour les vauriens qui les reluquent tous deux, elle grogne sur le voisin indiscret :

“Qu’est ce que tu regardes comme ça, toi ? Va donc te rincer l’oeil ailleurs, j’ai déjà trouvé mieux !”

Et elle se rapproche d’un cran de son voisin, donnant le change, posant une main aussi légère qu’une plume sur son avant-bras, et profitant pour lui parler plus bas, afin qu’ils soient tranquilles. D’un coup d’oeil entendu, elle sait d’avance qu’il sera assez malin pour n’y voir qu’un moyen de discuter sans être dérangés.

“Les autres peuvent bien jaser, va !” C’est dit dans une petite mimique douce teintée d’amertume, mais aussi de cette tranquille assurance qu’il ne craint rien avec elle et n’aura jamais rien à craindre. Elle a l’intuition sourde à la crainte qu’elle lit dans son regard que dans le fond, il a autant besoin d’être protégé qu’elle même, bien qu’il fasse deux fois son poids et sa taille. Et voilà maintenant qu’il lui parle de sa mère et veut savoir comment elle est arrivée là… Une façon discrète de demander comment elle est tombée si bas. Triste sujet à la vérité, encore un. Elle serait tentée de noyer le poisson une fois de plus, de répondre par une phrase insignifiante, mais elle se rend compte qu’elle n’en a nulle envie, ce soir. Pas envie de feindre, pas envie de mentir. Pas envie de jouer le miroir aux illusions. Elle soupire un peu, et répond tout bas, pour n’être entendue que de lui seul.

“Ma mère est partie quand je n’étais encore qu’un bébé. C’est pas comme si elle avait eu le temps de me nourrir beaucoup, avant de courir on ne sait où, avec un autre homme il paraît. Mais mon père s’est bien occupé de moi, même si j’lui ai fait plus de mal que de bien. Peut être qu’on est jamais très juste avec ceux qui nous aiment.” Elle marque une pause pour déglutir, ravalant la honte que le nom de sa mère lui porte encore. Elle en dit trop, c’est certain, noyée dans ces yeux d’un matin pluvieux qui la regardent sans la juger encore. Mais tant pis, comme elle est partie, autant continuer.

“Je viens du Labret, avant que les Fangeux débarquent… Et puis on a fui ici, je pensais que je serai plus en sécurité dans les murs… Idiot, hein ?” Elle étire un sourire douloureux, toutes ses désillusions perdues depuis un bon moment. Elle ne peut s’empêcher de frémir d’une peur à peine contenue en évoquant les Fangeux, réminiscence qui hante ses nuits d’insécurité. Maintenant, elle triture les bords de son verre vide, poursuivant d’une voix douce et calme.

“Alors voilà, avec la famine, le travail court pas les rues… Et comme j’ai toujours été un vrai chat de gouttière, eh bien je viens de temps en temps dans les bars pour gagner ma graine. C’est comme ça qu’on attrape des étourneaux, gentils comme toi.” Elle lui dédie un sourire lumineux cette fois, pas moqueuse pour un sou.

“T’es différent des autres, il n’y a pas à dire. Les gens de la milice, d’habitude, ce sont des brutes, avec les gens comme moi. C’est quoi ton histoire ?”

Et elle attend, tranquillement, espérant cette fois qu’il lui répondra.
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Landric L'OiseauMilicien
Landric L'Oiseau



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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyVen 26 Juil 2019 - 18:23
Alaïs, malgré son apparence fragile, avait les moyens de se défendre: Landric le vit à la façon dont elle aboya sur l'indiscret. Le type replongea le nez dans sa choppe, mais il ne le lâcha pas des yeux pour autant, s'assurant qu'il avait bien ravalé sa convoitise et ne relèverait pas son vilain museau vers sa protégée. La verve de la jeune fille lui avait redonné le sourire, quelque part il était rassuré sur son sort. Elle avait posé sa petite main sur son avant-bras noueux, sans qu'il sache si elle jouait dans sa pantonymie de séduction ou espérait acheter sa protection. Landric décida de lui laisser le bénéfice du doute et ne se dégagea pas de sa prise. Ce ne serait pas une mauvaise chose que les autres miliciens le voient ainsi: c'était du gagnant-gagnant.

Elle répondit à sa question, cette fois, c'était lui qui l'avait attristée de toute évidence, hélas, les passés douloureux étaient légion. Il avait espéré entendre l'histoire d'une famille unie et solitaire qu'elle faisait vivre par son art, mais hélas, bien peu de gens avaient cette chance. Alaïs était restée évasive, et Landric n'osa pas demander ce qui était advenu de son père, pour ne pas raviver d'avantage de souvenirs douloureux. Pour le reste, son histoire était tristement commune: des gens terrifiés qui s'étaient réfugiés derrière les murailles de Marbrume, pour y trouver un semblant de sécurité, mais qui y avaient trouvé une souricière plus qu'un refuge, entre fangeux et misère.

"Un bien gros étourneau pour un si petit chat." plaisanta-t-il avec un sourire tremblant, espérant que cela lui changeait un peu les idées. Il s'astreignit à l'optimisme, pour ne pas faire déteindre son tempérament gris sur elle: "Ce n'était pas si bête, c'est sûr que ces derniers temps les choses ne se sont pas toujours passé comme prévu, mais tu étais plus en sureté ici que dehors."

Il ne comprenait trop bien la terreur que provoquait les fangeux, qui hantaient ses nuits, qu'il voyait dans tous les coins sombres, ravivant son antique peur de l'obscurité. Landric avait parfois envie de mettre le feu au monde pour qu'ils brûlent tous. Il y avait bien longtemps qu'il avait oublié le sentiment de sécurité et le sommeil profond. Mais déjà, c'était à son tour de raconter et le souvenir d'une peau douce, d'un regard tendre, d'un prénom musical, lui brisa le cœur. Les années avaient passées mais pas la douleur, ni la honte que provoquait cette envie de mourir douce amère quand il y repensait. Il prit un peu de temps, pour formuler son histoire d'une façon agréable, qui serait réconfortante à écouter.

"Ma mère... ma mère était une prostituée, je ne vais pas te mentir. C'est peut-être ça qui m'a inculqué le respect des femmes. J'ai grandi dans une auberge, qui a disparue dans le Chaudron depuis, mais qui ressemblait un peu à celle là. Ce n'était pas une enfance désagréable, j'ai eu mille parrains et marraines pour me raconter des histoires." commença-t-il, désignant le décor de la main. "C'était une femme bonne, mais elle est morte quand j'avais onze ans. Heureusement, j'ai pu compter sur l'aubergiste, qui m'a fait palefrenier dans son écurie. C'est le travail que j'ai fait la plus grande part de ma vie, jusqu'à ce que je m'engage dans la milice, il y a deux ans."

Il n'avait pas voulu faire mention des fangeux, leur offrant à tout deux un peu de déni, n'y faisant qu'à peine allusion pour expliquer ce qui l'avait motivée à prendre les armes. Il avait édulcoré son récit, en retirant l'atroce maladie de sa mère, les bagarres pour son honneur, l'alcoolisme rampant qui sclérosait le Goulot et les heures passées en prière pour demander pardon. Il avait voulu la faire sourire, lui conter une histoire agréable plus qu'une histoire véritable. Venait maintenant le moment de prononcer son éternel mensonge, vieux de quinze ans, qu'il récitait machinalement à chaque rencontre, pour ne jamais prendre le plus petit risque à ce sujet. Landric n'avait aucune envie de mentir, d'autant que cela entacherait sa belle histoire, mais pas plus de rejoindre ceux qui brûlaient Place des Chevaliers, alors il reprit:

"J'ai été fiancé, aussi, brièvement, mais ça n'a pas duré et je n'ai jamais eu l'envie de la remplacer." conclu-t-il, avant de se tourner à nouveau vers Alaïs. "Et c'est à peu près tout, je n'ai pas eu une vie très intéressante!"
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyVen 26 Juil 2019 - 20:12
Alaïs raffole des histoires, drôles ou tristes, et naturellement quand il prend la parole avec ce timbre de conteur naturel, elle pose son menton dans sa petite main et l’écoute religieusement, les yeux grands ouverts pour capter la moindre de ses expressions. Il y a autant à lire qu’à entendre, elle qui n’a jamais eu la science des lettres, elle a celle des visages. Et celui de Landric est un fleuve tumultueux, aussi changeant que le cours d’eau qui se jette dans la mer. Il a des regards tragiques et des sourires doux, des expressions amusées et des élans d’optimisme. Elle n’avait lu nul jugement dans ses yeux, et lorsqu’il évoque sa mère avec tendresse, elle ne peut que sourire, malgré la fin qu’elle devine affreusement douloureuse, pour sa mère comme pour lui.

Dans son pays, les filles de joie - comme on les appelait - ne duraient jamais bien longtemps, toujours rattrapées par une vilaine maladie, et Alaïs devine comment la mère de Landric a fini. Au moins avait-elle eu la chance d’avoir un fils aimant à ses côtés jusque dans ses derniers instants, ce qui fait ressurgir de nouveau la triste culpabilité de ce qu’elle avait infligé à son père, quelques mois plus tôt. Mais elle s’empresse de chasser ces pensées de sa tête, préférant au contraire s’intéresser à son voisin, et plonger dans cette vie qui ne lui appartient pas. Lui aussi, il était né de rien. Et il avait su se faire une place à grands renforts d’huile de coude et de quelques bourre-pifs, en témoignent son visage marqué et les cicatrices sur ses avant-bras dévoilés.

Des mains calleuses comme celles de son père qui ont dû manier bien des outils dans leur vie de labeur. Cela aussi, elle le lit sur lui et tout ce qu’il ne dit pas. Lorsqu’il évoque la milice, il évite les Fangeux, et la misère des Bas-Fonds. Il est peu difficile de songer que le sort d’un milicien, même en première ligne est plus enviable que la crasse du Goulot. Elle y vit et elle sait ce qu’il en est. Lorsqu’il évoque cette fiancée perdue, il ne dit rien des longues années qui ont suivi. Elle décèle cette distance et ce regard fuyant. Elle sourit doucement. Parce qu’elle aussi sait mentir, lorsqu’il le faut. Cette fiancée était-elle morte ? Lui avait-elle brisé le coeur d’une façon ou d’une autre ? Ou avait-il fui autre chose ?

Elle se garde de poser trop de questions, Alaïs. Après tout, il ne l’a pas questionnée sur son père et peu s’en seraient privés. Alors qu’il achève de parler, elle creuse frénétiquement sa cervelle pour relancer la conversation, cherchant à les garder tous deux sur ce fil ténu qui s’est tissé au détour de cette rencontre somme toute banale.

“J’adore les histoires. Et crois moi j’en ai entendu plein ! Et je trouve pas que la tienne soit si peu intéressante que tu le dis. Tu peux me croire, j’en connais un rayon !”

Elle fanfaronne un peu, mais demeure sérieuse malgré tout. Elle ajoute tout bas.

“Je suis désolée pour ta mère et pour ta… fiancée.” Elle bute un peu sur la dernière partie, mais n’en demeure pas moins sincère, quel que soit son secret. Mais alors qu’elle voudrait rebondir sur un autre sujet, on entend partout des raclements de chaises sur le parquet signant l’arrivée du couvre-feu. Alaïs tourne un regard alarmé vers les vitrages crasseux, tandis qu’on la bouscule un peu de dos. Le soir tombe déjà, et avec lui son lot de terreurs nocturnes. Martha la lorgne du coin de l’oeil, et la jeune fille ravale sa peur pour lui adresser un clin d’oeil un brin insolent. La bonne femme grogne un peu, oh que non, elle ne donnera pas le logis gratis. Elle regarde alors le milicien, dont les camarades s’apprêtent à plier bagage.

“Alors mon gars, tu la prends cette chambre, ou pas ?”
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyVen 26 Juil 2019 - 23:14
Le récit en demi-teinte de Landric semblait avoir plu à Alaïs, mais il en restait chamboulé. Remuer le passé était pour lui comme agiter l'eau d'un étang saumâtre: il fallait quelques minutes pour que toutes les minuscules particules de ses souvenirs retombent et cessent de brouiller la réalité. Il avait terminé son récit en fixant le vide, un léger sourire sur les lèvres alors qu'il contemplait des images fugitives venues de temps meilleurs. Était-ce vraiment le même monde, celui de ses souvenirs et celui dans lequel il se trouvait? Même ceux qui étaient morts à cette époque avait eu un sort plus enviable que celui des vivants de ce présent maudit.

Il était prit d'une légère bouffée de mélancolie, revoyant le visage de sa mère, avant la maladie. Quand elle n'était pas encore défigurée de souffrance, déjà sur la pente de la vieillesse, mais toujours belle, souriante. Aude était toujours si calme, même dans la douleur elle avait toujours continué à lui sourire, jusqu'à ses derniers instants. Les condoléances d'Alaïs le ramenèrent à la réalité: elle eut l'air d'avoir un doute et buta sur la fiancée imaginaire de Landric. Il se tendit, comprenant qu'elle tiquait. Il ne restait plus qu'à espérer qu'elle n'y réfléchisse pas trop, car il ne voyait pas cent motifs pour un homme de s'inventer une fiancée. Elle était définitivement plus intelligente que les troupiers qui entouraient L'Oiseau au quotidien.

"Ne le sois pas, tout cela est très vieux." répondit-il, machinalement, avant d'ajouter un peu plus sincèrement: "Je ne veux pas être moralisateur, mais si ton père est toujours en vie, profite de lui. On ne sait jamais quand nos parents peuvent nous être arrachés, mais on sait qu'ils ne nous reviennent jamais."

Il avait hésité avant de prononcer ces mots: à l'âge qu'avait Alaïs, on se braquait facilement et il ne voulait pas qu'elle pense qu'il essayait de lui prêcher la bonne parole, ce qui n'était pas son genre. Mais elle lui semblait assez sage pour pouvoir lui parler ainsi sans craintes, malgré la sensation qu'il avait de répéter un discours tenu par toutes les générations les unes après les autres, d'autant qu'il avait parlé avec son cœur. Était-ce cela, être un vieux barbant? Cela importait peu après tout, il le pensait sincèrement. Leurs existences étaient trop fragile pour qu'on se prive de sa famille quand on avait la chance d'en avoir encore une. La tavernière revint alors se planter devant lui, exigeant de savoir si il prenait une chambre.

Landric se retrouva prit au dépourvu: il ne s'était pas aperçu que l'heure du couvre-feu approchait. Ses camarades se levaient déjà, prêts à rentrer pour les uns, à monter avec leurs conquêtes pour les autres. Confus, son regard passa du visage renfrogné de la tavernière à celui, rayonnant d'innocence d'Alaïs. Il aurait volontiers prétendu être attendu à la caserne, mais il avait quartier libre jusqu'à l'aube et ses camarades ne le laisserait pas feindre de l'avoir oublié. Il n'avait pas du tout réfléchi à cela quand il avait temporisé la question de la chambre. Si il ne la prenait pas, il laissait peut-être Alaïs à la rue, ce qu'il avait des scrupules à faire. Si il la prenait, il ne pourrait pas juste la payer et s'en aller, au risque de sérieusement passer pour un aliéné parmi ses camarades. Il se tourna finalement vers Alaïs, la laissant répondre. Si elle déclinait, il pourrait toujours prétendre avoir été repoussé, sinon, ma foi, il se contenterait du plancher pour cette nuit.
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptySam 27 Juil 2019 - 12:35
Martha attend de pied ferme, son trousseau de clés suspendu à sa ceinture. Qu’ont-ils donc à pinailler ce soir, ces deux-là, comme deux jouvenceaux timides le soir de leur nuit de noce ? Il faut qu’elle ferme, et s’assure que tous les volets soient bien fermés, les portes barricadées. Elle n’a pas le temps pour ça. Alaïs est déjà sur ses pieds, résolue à partir, alors qu’elle croise le regard confus de Landric. Elle cligne un peu des yeux, surprise. Elle capte le regard de ses comparses qui les jaugent de côté, comme s’ils attendaient la suite, bande de charognards avides de ragots et d’histoires croustillantes à raconter au petit matin.

Pourquoi Landric hésite-t-il ? Il est évident qu’il ne la désire pas, et bien qu’elle ait quelque peu conscience de ses charmes, Alaïs sait qu’elle n’est pas la plus jolie, qu’elle n’a rien d'irrésistible. Elle n'espère pas même qu’il s’intéresse à elle. N’a aucune envie de lui abandonner son innocence en cette chaude soirée de juillet. Un instant, une pensée triste lui parvient que ce ne serait pas le pire sort que lui réserverait le destin. Et si cet homme seul, ce gentil milicien avait besoin de réconfort ? Serait-ce un crime que de lui céder, le temps d’une nuit, alors qu’il lui avait offert à manger et l’avait écoutée, s’était inquiété de sa survie, lui donnant même quelque conseil paternel. Elle sent sa douceur et sa bonté. Non, ce ne serait pas le pire sort.

Mais il y a autre chose dans ce regard confus. Elle devine son malaise, et elle retrouve dans ses yeux clairs qu’il aimerait fuir, tout en demeurant incapable de faire un geste pour s’esquiver. Et c’est à elle qu’il s’en remet pour trouver une issue à ce piège dressé devant lui. Elle dévisage le milicien. Lui qui semble si solide et si sage, il devrait savoir quoi faire, non ? Elle pourrait le repousser, faire mine d’être outragée, et ainsi lui ouvrir une voie royale pour s’échapper. Mais un désir plus pernicieux, une angoisse sourde lui ronge les entrailles lorsqu’elle regarde la porte de la taverne qui l’attend, et surtout ce qui se trouve derrière, dans la nuit. Elle songe un instant au confort d’une chambre, et ce désir égoïste l’appelle aussi sûrement qu’une assiette pleine le ventre vide.

Que se passera-t-il dans cette chambre là-haut, après cet escalier exigu d’où s’échappent quelques ricanements gras et des petites bribes de conversations échauffées ? Pourrait-il s’avérer que Landric soit un de ces malades qui cachent leur jeu avant de s’adonner à de sombres pratiques ? Elle avait entendu quelques histoires sordides dans les rues. Etait-ce là son grand secret, cette chose dont il ne voulait pas lui parler ? Alaïs secoue ses boucles blondes. Elle se monte la tête toute seule, que ça en devient ridicule. Rien qu’une chambre, rien qu’une nuit.

Quelques quolibets fusent à mi-voix, les frères d’armes de Landric ayant l’air de se goberger de son hésitation. Alaïs se sent frémir. Elle leur retournerait bien un tabouret sur la trombine pour les faire taire. Si seulement elle n’était pas si petite, si insignifiante. De quel droit se permettent-ils ? Elle prend les dés de la partie et leur lance à la figure, dans un sourire carnassier. Elle se suspend au bras de Landric avec fermeté, jouant la pantomime, ce qu’elle sait faire de mieux. Elle lui adresse un sourire malicieux, une lueur rassurante dans le regard. Fais moi confiance, semble-t-elle lui dire. On les fera taire, les mesquins et les jaloux. C’est une promesse muette, un échange de bons procédés. Elle se dresse sur la pointe de ses pieds avec la grâce d’une danseuse, réduisant l’écart de leur taille et pose une main délicate sur son visage. Habilement, elle lui fait tourner la tête de côté, ferme les yeux, et lui donne un baiser langoureux… sur la joue. L’illusion est parfaite pour le public qui n’y verra que du feu dans la semi-pénombre.

Elle attend quelques sifflements avant de le relâcher et d’énoncer la sentence d’une voix crâne devant Martha, les joues en feu.

“Bien sûr qu’il la veut cette chambre.”

Et sans laisser à Landric le temps de les trahir ou de faire quelque chose qu’il pourrait regretter, elle les entraîne vers l’étage, se frayant un passage parmi les miliciens goguenards, le menton dressé comme une reine traversant la foule de ses sujets. Elle ne s’arrête qu’une fois la porte de la chambre poussée derrière eux. Elle s’adosse à la porte, soufflant un bon coup, à la fois satisfaite et un peu troublée, et regarde Landric, avant de se prendre à rire subitement, avec ce regard de sale gosse fière de sa bêtise.
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptySam 27 Juil 2019 - 17:38
Encadré entre le regard lourd de la tenancière méfiante et les ricanements de ses compagnons d'armes, Landric commençait à transpirer, d'autant qu'il voyait une lueur d'hésitation dans les yeux d'Alaïs. Elle n'allait quand même pas faire ça? Les moqueries enflaient derrières eux: tout ça allait faire le tour de la caserne avant l'aube, il avait intérêt à leur inventer une histoire digne d'une chanson paillarde à leur raconter à son retour. Et surtout à trouver une bonne excuse à déballer si la jeune fille essayait de l'inviter dans le lit. Il jeta un coup d’œil par dessus son épaule, vers les miliciens ricanants massés autour de la porte qui lui adressaient d'obscènes gestes d'encouragement. Avant d'avoir pu réaliser ce qui lui arrivait, il fut tirée vers le bas dans la direction d'un petit visage aux lèvres retroussées. Elle le tenait pas le visage et lui tirait le bras, il ne pouvait pas vraiment résister.

Landric eu dix fois le temps de paniquer, mais quand elle l'embrassa, ce fut presque chastement sur la joue, sous une explosion de plaisanteries paillardes. Son mouvement joué, elle accepta la chambre en son nom, les joues roses et l'entraîna derrière lui au milieu d'une haie d'honneur formée d'ivrognes et de putains, sans qu'il puisse réagir. Au moins, il échappait au costume que lui aurait taillé les autres miliciens s'il s'était esquivé, mais il allait maintenant devoir trouver une bonne excuse pour expliquer son manque d'intérêt pour les charmes juvéniles d'Alaïs, bien qu'il ne fut pas certain de ce qu'elle avait en tête. Le couloir sombre était étonnamment bruyant, on gémissait derrière chaque porte et le bruit ne s'atténua qu'à peine quand ils s'engouffrèrent dans une chambre

Alaïs claqua la porte derrière eux et s'adossa au battant, alors que Landric resta debout bras ballant au milieu de la pièce. Il porta sur elle un regard médusé, et c'est à ce moment là qu'elle éclata de rire, comme une gamine qui se cache de ses parents. Elle n'avait pas du tout l'air d'essayer de le séduire, à son grand soulagement: ça lui éviterait d'inventer quelque chose au pied levé pour la repousser. Elle semblait plus enthousiaste à l'idée de dormir dans un lit que d'y mettre L'Oiseau. Soulagé, il se mit, lui aussi à rire: c'était la scène la plus burlesque qu'il n'ai jamais vécu, et Alaïs ne semblait pas avoir plus d'arrière-pensées que lui.

"Eh bien, on n'écoutera pas nos conversations ici! Les voisins ont mieux à penser!" constata-t-il, toisant la chambre.

Mains sur les hanches, il jaugea la chambre à l'ameublement sommaire du regard: un lit étroit avec une couverture jetée dessus, et un tabouret, semblables à ceux qui remplissaient la salle du bas. Pour marquer sa volonté de ne pas mettre un orteil sur la paillasse, il s'installa sur ce dernier, coudes sur les genoux. Le couvre-feu tombait, ils étaient coincés ici pour la nuit, trop tard pour tourner les talons à moins de vouloir être ramassé par ses collègues dans la rue. Landric préférait encore dormir par terre que de faire du cachot, d'autant qu'il était censé retourner à son affectation d'Usson dans moins de quelques jours. Il se prendrait au mieux une sévère volée de bois vert si il se faisait prendre dans la rue à cette heure, autant attendre l'aube ici.

"Je viens de réaliser que je n'ai pas payé la tenancière." songea-t-il à voix haute, puis considéra Alaïs, toujours appuyé à la porte. "Le lit est tien, j'ai l'habitude de dormir par terre pendant les convois."

On toqua au battant à cet instant, lui n'avait peut-être pas eu l'occasion d'y penser, mais la tavernière ne les avait pas oubliés. Landric se redressa et porta la main à son escarcelle, comptant déjà les pièces pour leurs consommations et pour la chambre. Il était nourri et logé à la caserne, mais ses gages étaient raisonnables malgré tout. Il pouvait se le permettre, lui qui ne s'enivrait pas tous les soirs, il avait eu l'occasion de mettre un peu de coté.

"Tu ouvres? La patronne n'avait pas l'air commode, je n'ai pas envie de me faire gronder."
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptySam 27 Juil 2019 - 20:27
Elle l’avait faussement embrassé, sur un coup de tête, rien que pour donner le change à tous ces hommes lubriques qui les jugeaient tous les deux. Elle parce qu’elle était une fille, à peine une femme, et lui parce qu’il était trop peu entreprenant, trop doux, sûrement. Dans le monde où ils vivent, il vaut mieux être une brute avide. Ca, Alaïs ne le sait que trop bien. Et finalement, elle se demande bien dans quel guêpier elle s’est mise. Parce qu’il a l’air drôlement empoté au milieu de la petite chambre, le temps qu’elle se prenne à rire. Son hilarité se propage lorsqu’il s’y met aussi, et une onde de soulagement les traverse tous les deux. Alaïs s’en sent même revigorée, toute sa malice réactivée, comme s’ils étaient les escrocs associés d’une gigantesque mascarade. Elle est aussi légère qu’il est séducteur. C’est à dire pas du tout.

Elle prend le temps de l’observer, appuyée au battant de la porte, en sécurité. Il n’a pas changé d’attitude. Il ne tombe aucun masque qu’il lui aurait dissimulé. Tout juste s’il la regarde, plutôt pressé de se percher sur ce tabouret miteux. Un pincement lui vient au coeur. Evidemment, qu’allait-elle s’imaginer ? Elle chasse cette idée saugrenue de la tête. Pauvrette à l’âme trop romantique, ou poussée par l’instinct d’une ardeur juvénile aussi fugace qu’illusoire. Néanmoins, elle prend subitement conscience de la dépense qu’elle va lui occasionner, et de la nuit inconfortable qu’il s’apprête à passer, et à cet égarement passager lui monte un vague remord, un élancement de culpabilité.

Culpabilité dont elle n’a pas le temps de se préoccuper, aussitôt rattrapée par la réalité. Alors qu’il évoque le paiement de la chambre, le battant sur lequel elle est appuyée résonne de coups frappés avec force. C’est que Martha a une sacrée poigne ! Elle décide de ne pas la faire attendre, entrebaillant la porte. Elle cligne des yeux en distinguant le visage d’un homme qu’elle ne reconnaît pas. Indubitablement ce n’est pas Martha qui se tient là. Elle en est si déroutée sur l’instant qu’elle n’a pas le temps de réagir, lorsqu’il esquisse un sourire aviné en la poussant à l’intérieur.

“Oh bah c’est gentil de me tenir compagnie ma jolie !” Et de l’attraper aussitôt par la partie la plus charnue de son anatomie, cherchant à l’étreindre d’une poigne aussi brutale que malhabile.

“Eh vire tes sales pattes de là, malotru !”

Elle se débat pour se dégager, et n’y parvenant pas, elle lui envoie un solide coup de genoux entre les parties, non sans une satisfaction certaine quand elle le voit ouvrir la bouche dans un cri qui n’a rien de viril, écarquillant les yeux sous la douleur lancinante de son entrejambe maltraitée. Hargneuse, elle profite du moment où il se plie en deux pour se dégager et lui envoyer son petit poing serré en plein figure, dans un direct des plus expéditifs. L’homme grogne, ne sachant plus où porter les mains pour se protéger, et semble soudain remarquer que la harpie qu’il croyait s’approprier n’est pas seule dans la chambre.

Une vague lumière traverse son regard tandis que l’information remonte lentement dans sa cervelle embrumée, mais déconfit de se voir aussi mal reçu par une gamine haute comme trois pommes, il la gifle à toute volée dans le faible espace qui les sépare.

“Catin !”

Alaïs vole contre le mur, la tête sonnée, le visage en feu, et dans sa chute se mord la langue, qui lui emplit aussitôt la bouche d’un goût de sang. Il n’y est pas allé de main morte, et Alaïs voit un instant les contours de la chambre se flouter tandis qu’elle secoue la tête pour se reprendre et se redresser sur ses jambes.
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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptySam 27 Juil 2019 - 23:06
Landric avait renversé le contenu de sa bourse dans sa main, comptant les pièces à l'aveuglette dans la semi-obscurité. Il ne vit pas ce qui se tramait avant qu'Alaïs soit brutalement repoussé à l'intérieur. Avant de comprendre ce qui arrivait, il avait sauté sur ses jambes. La monnaie qu'il tenait dans la main tomba au sol dans une fine pluie métallique, se répandant sur le sol et sous les meubles. Le tabouret se renversa avec un fracas de fin du monde sur le plancher. Tout se passa très vite, sans qu'il comprenne bien ce qui se passe, dans la lumière qui filtrait du couloir. La jeune fille protestait, un homme grognait des paroles d'ivrogne quasi incompréhensibles.

Il y eut plusieurs chocs sourds, des insultes et avant qu'il n'ait fait les trois pas nécessaires à traverser la pièce, l'intrus avait décroché une gifle monumentale à Alaïs, qui heurta le mur dans un bruit inquiétant. Elle y resta immobile, sans qu'il parvienne à voir dans quel état elle se trouvait, mais Landric vit rouge. Qui était cet abruti qui entrait dans leur chambre, pour violenter une gamine innocente? Il fit la seule chose qui devait être faite, précipitant sa haute silhouette vers l'ivrogne. Trop lentement, hélas: lui aussi avait bu tout son saoul. Le réflexe de l'homme, qui recula la tête suffit à esquiver le poing de L'Oiseau qui aurait dû lui écraser le nez

Landric changea alors d'avis, se précipitant pour le saisir au col et le sortir sans plus de procès. Ce faisant, il se déséquilibra et l'ivrogne n'eut besoin que de lui faire un léger croche-patte pour le faire tomber lourdement à plat ventre. Son menton heurta le sol et ses dents claquèrent dans un bruit désagréable. Il ne s'était pas battu à coups de poings depuis trop longtemps pour être efficace et il n'eut même pas le temps de reprendre son souffle, coupé par la chute, que le pied de son adversaire le frappa en plein flanc, juste sous les côtes. Le peu d'air qui lui restait dans les poumons, Landric l'aboya douloureusement sous l'impact.

Il reprit une lente inspiration sifflante entre ses dents: au moins, encaisser, il savait le faire. L'intrus retournait déjà vers Alaïs, mais pour cela, il devait passer près de L'Oiseau, qui s'il n'avait pas récupéré, avait au moins la force de tendre le bras pour attraper la cheville de leur agresseur. Il manquait de poigne, le poignet tordu dans un angle inconfortable et encore sonné par sa chute, mais parvint au moins à ralentir l'homme. Il tenta de se dégager d'une secousse de la jambe, mais Landric commençait à se remettre et pu se redresser. D'un saccade, il réussit à renverser le sale type, qui à son tour, s'étala de tout son long en grognant.

Ce duel n'avait rien de glorieux, c'était une bagarre pataude d'hommes ivres, où les coups manquaient de précision et de force, roulant au sol en grognant comme des chiens affamés. Un exercice auquel L'Oiseau avait excellé en son temps, mais il ne s'était pas battu ainsi depuis longtemps. Finalement, il parvint à rouler au dessus de l'ivrogne. Il y eu un petit flottement, mais Landric parvint à placer un crochet qui porta suffisamment pour assommer à demi son adversaire. Hébété, il resta à cheval de tout son poids sur le torse de son adversaire, se massant les côtes. Le silence retombait sur la chambre: on entendait plus que les bruits venant de la pièce d'à coté, les autres n'avaient pas été le moins du monde dérangé.

Il chercha du regard Alaïs dans la semi-obscurité. Il espérait qu'elle n'ai pas eu peur au point de détaler: c'était bien le pire moment pour sortir, avec le couvre feu qui venait de tomber. D'autant que de ce qu'il avait pu voir, elle avait prit un sacré coup au visage. Il fini par la trouver, et demanda avec dans la voix une inquiétude palpable:

"Est-ce que ça va?" il se leva lourdement, pour mettre l'homme dehors. Il ne serait pas tranquille tant que ce fou furieux ne serait pas de l'autre coté de la porte. "Je viens regarder ce que tu as tout de suite."

Le malappris fut poussé dehors et la porte claquée derrière lui. Landric n'avait aucun moyen de barrer la porte, il n'y avait qu'à espérer qu'il ne revienne pas une fois ses esprits retrouvés. Il s'approcha d'Alaïs, pas trop brusquement pour ne pas l'effrayer: il lui semblait qu'elle avait du sang sur le visage.
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Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



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MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] EmptyDim 28 Juil 2019 - 20:10
Des bruits de lutte, des grognements, les meubles et les mâchoires qui souffrent, la lutte s’engage, et Alaïs se rencogne contre le mur. Une silhouette menaçante s’était avancée vers elle, mais Landric avait bondi sur elle avant qu'elle ne l'atteigne. C’est tout ce qu’elle avait vu. Et maintenant la porte se claque, et Landric revient vers elle, le regard soucieux dans la demi-pénombre. Alaïs secoue doucement ses boucles blondes, tâchant de faire le point sur ce visage protecteur qui l’examine. Elle grimace en remuant la mâchoire mais elle articule enfin :

“C’est rien… Je me suis mordu la langue en tombant. Il est parti ?”

Le calme revenu lui donne la réponse et elle essaie de sourire, l’examinant à son tour.

“On dirait qu’il t’a pas raté toi non plus.”

La porte s’ouvre de nouveau, avec moins de brutalité et Alaïs sursaute. Cette fois, c’est bien la tenancière qui se tient dans l’embrasure.

“Mes pauvres petits ! Je suis désolée, j’ai viré ce goujat de ma maison, vous en faites pas ! On a assez de viande saoule comme ça ! Fallait me demander la clé avant de filer comme des sauvages ! Ah les amoureux de nos jours… Enfin, voilà, vous serez tranquilles comme ça. Je vous ai apporté un peu d’eau, au cas que vous en auriez besoin.”

Et comme une mère sans gêne, elle entre dans la chambre, dépose une petite vasque remplie d’eau, ainsi que la clé de leur antre, gage de leur tranquillité. Alaïs la remercie d’un hochement de tête gracieux et la brave femme lui dédie un clin d’oeil.

“Le fatigue pas trop ton milicien ! Ils se lèvent tôt ces gars-là.”

Et elle sort sans plus de considération, tandis qu’Alaïs hausse une épaule. Elle étire un pauvre sourire à Landric, qui se tient devant elle.

“Je suis désolée, je crois que je t’attire plus d’ennuis qu’autre chose, ce soir.”

Et elle se redresse en grognant un peu, et ferme la porte à double tour avant de se diriger vers la coupelle d’eau pour y tremper un linge.

“Assied-toi que je regarde ton visage.”

Elle n’a pas envie de se morfondre sur la brûlure de son visage, une énième blessure d’amour propre. Et puis, elle en a assez d’être toujours la plus vulnérable. Assez d’être une petite fille seule perdue au milieu d’une foule hostile. A croire que les Fangeux ne sont qu’un reflet amplifié de l’avidité des hommes. Mais ça, elle se refuse à y penser. Ce serait admettre que les hommes sont responsables. Et le monde a beau être laid, il n’a pas mérité cette malédiction. Elle s’avance vers Landric d’un pas plus ferme, sa coupelle dans les mains, qu’elle pose à côté de lui, tendant le linge humide vers sa mâchoire martyrisée.

“Bouge pas. Là, c’est frais, ça te fera du bien, ça évitera que ta peau marque trop. Sinon, les autres vont croire que je t’ai cogné demain matin.”

Elle lui dédie un petit clin d’oeil, pour détendre l’atmosphère et applique le linge frais sur sa peau, comme on approche un animal un peu farouche.
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