Marbrume


-28%
Le deal à ne pas rater :
Brandt LVE127J – Lave-vaisselle encastrable 12 couverts – L60cm
279.99 € 390.99 €
Voir le deal

Partagez

 

 Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : Précédent  1, 2
Landric L'OiseauMilicien
Landric L'Oiseau



Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 EmptyDim 28 Juil 2019 - 21:33
Landric avait un peu la tête qui tournait, et des picotements dans la mâchoire. Passant sa langue sur ses dents, il constata qu'aucune ne s'était brisée dans sa chute, ce qui n'aurait pas été étonnant vu l'impact. Alaïs, quand à elle, lui assura qu'elle n'avait rien, ce qui était déjà bien. Il resta là, à frotter son menton endolori, mais sursauta à l'unisson avec la jeune fille quand la porte se rouvrit. Il n'avait sûrement pas envie de se battre une seconde fois ce soir là, déjà, il n'aimait pas ça et il avait prit assez de coups pour la nuit. Heureusement, ce n'était que la tavernière, maternelle, qui vint déposer une clé et une cuvette d'eau à leur intention. Elle leur laissa aussi quelques paroles rassurantes, assurant que le triste individu avait été mis dehors, à la merci des miliciens qui sauraient bien quoi en faire.

Landric n'aimait pas du tout le sort qui lui serait réservé si il se faisait prendre par une patrouille, mais à cet instant, il n'était pas d'humeur à être compatissant avec l'ivrogne.

"Merci beaucoup." dit-il sincèrement, alors que l'imposante bonne femme les laissait à nouveau seuls, puis il ajouta à l'intention d'Alaïs: "J'ai pris quelques coups mais ce n'était pas grand chose."

L'Oiseau ne s'était pas trompé sur le compte de la tenancière: c'était une brave dame. Elle aurait très bien pu les mettre tous les trois dehors comme des chats malpropres, pour le grabuge causé, mais avait prit le temps de déterminer qui était vraiment fautif et encore une fois, il n'était que trop soulagé d'être à l'abri du sort réservé à ceux qui violaient le couvre-feu. Les gens comme elles n'étaient que trop rares, même avant toutes les catastrophes récentes. C'était une vraie bénédiction pour eux, et les lèvres de Landric s'animèrent en une silencieuse prière à Anür, pour la remercier d’insuffler encore un peu de sagesse à certains de ses enfants, alors qu'il se penchait pour redresser le tabouret et s'y assoir pour soulager ses jambes tremblantes.

"Non, si j'étais allé ouvrir la porte on aurait pas eu de soucis." répondit-il aux excuses d'Alaïs. "Tu n'es pas allé chercher la bagarre avec lui avant de te cacher derrière moi que je sache."

Elle n'y était pour rien si les hommes, acculés dans leur désespoir, perdaient progressivement tout sens commun au point d'adopter ce genre de comportements absurdes. Dans la chambre fermée à clé, il espérait qu'elle se sentait enfin un peu en sécurité après cette agression aussi brève que violente. C'était à ça que devait ressembler le quotidien dans les bas-fonds, et d'ailleurs déjà le cas quand il était jeune. Mais Landric avait à l'époque une cour d'auberge défendue par un tenancier farouchement allergiques aux voyous pour se mettre à l'abri en toutes circonstances, un toit sur la tête et un travail qui lui assurait d'avoir le ventre plein tous les soirs. Il réalisa alors qu'il avait déduit naturellement qu'Alaïs était à la rue, mais peut-être logeait-elle quelque part malgré tout?

A cette instant, elle revenait vers lui, un lambeau de tissu à la main, qu'elle lui plaqua au menton d'un geste un peu hésitant. Délicatement, il prit la compresse improvisée de ses doigts, effleurant les siens au passage. Il se sentait à l'aise, ne retrouvant pas cette sensation qu'il avait habituellement avec les femmes avec lesquelles il s'entendait bien, de devoir la repousser doucement et régulièrement pour ne pas faire de drame. Il appuya le linge frais contre sa contusion, ce qui acheva de le dégriser en plus de soulager la douleur.

"Ce n'est pas grand chose, j'ai beaucoup plus souffert quand on m'a cassé le nez! Par contre tu devrais te passer un peu d'eau sur le visage, je vois la trace d'ici. Ce n'est pas trop douloureux?"

Cela répondait à une motivation un brin égoïste de Landric: il ne voulait pas qu'on pense que c'était lui qui l'avait frappée. Il n'était pas un homme violent, et c'était de notoriété publique, mais les gens devenaient fous avec la menace permanente des fangeux et il ne voulait pas qu'on pense que c'était son cas. Accessoirement, un si gros coup pour un si petit visage l'impressionnait, de même que le flegme avec lequel Alaïs l'encaissait. Elle devait pourtant avoir eu une sacrée frousse, en plus d'une gifle qui avait dû lui retourner la tête. Tout en admirant son courage, il commença à s'inquiéter un peu, craignant qu'elle n'en subisse le contre-coup plus tard, autant physiquement que mentalement. Pourtant, elle restait là debout à s'occuper de lui, bien plus vieux, bien plus fort et en théorie, bien plus solide.

"Là, ça ira pour moi, j'en ai vu d'autres, tu devrais t'assoir maintenant." déclara-t-il sur un ton apaisant, en la poussant doucement vers le lit. Il se pencha sur la cuvette pour rincer le bout de tissu et l'imbiber d'eau fraiche, avant de lui tendre. "Tiens, toi aussi tu va gonfler sinon. Je ne veux pas que tes amis s'inquiètent pour toi." il laissa passer un petit moment essuyant sa mâchoire humide, et posa finalement la question qui lui brûlait les lèvres: "Où est-ce-que tu dors habituellement?"
Revenir en haut Aller en bas
Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 EmptyLun 29 Juil 2019 - 10:00
Ils sont seuls et la porte hermétiquement close. Alaïs frissonne un instant en songeant à une autre nuit, pas si loin de là, derrière une autre porte aussi fine que du papier à parchemin et secoue son angoisse qui remonte le long de ses veines comme une insidieuse compagne d’infortune. Elle s’efforce de river son regard à celui de Landric. Il semble inquiet son brave étourneau, et elle a envie de lui dire qu’un ivrogne de plus ou de moins, ce n’est pas le pire qui pouvait arriver. Mais ça, elle sait qu’il le sait aussi et se contente de lui sourire.

Lorsqu’il effleure ses doigts pour récupérer le fin tissu, un autre frémissement parcourt son bras, un frémissement doux et subtil, qui fait trembler son jeune coeur d’une vibration délicieuse. Elle ne dit rien et en savoure seulement l’écho, qui se répercute en elle comme une douce onde de chaleur et de réconfort. Nul besoin d’y mettre des mots ou de trop y réfléchir. C’est trop rare et trop précieux, aussi fugace qu’un battement d’ailes de papillon et elle l’enferme dans son esprit entre mille petites miettes de souvenirs heureux. Il la repousse doucement sur le matelas et bien qu’il ne soit pas de toute première fraîcheur, elle se sent soudain envahie d’une sensation de volupté incomparable.

Un matelas. Un vrai matelas. Elle y enfonce brièvement ses doigts, comme pour s’assurer de la réalité d’une chose si douce, et ce confort perdu depuis si longtemps est comme une résurgence d’une vie simple et insouciante, loin de toute véritable menace, si ce n’est celle d’un lendemain chargé du labeur de la terre. Landric lui retourne leur compresse improvisée, et elle palpe du bout des doigts la meurtrissure de ses lèvres et la chaleur de ses joues endolories, qui se rappellent à elle comme un désagréable retour à la réalité. Elle tamponne maladroitement son visage d’eau fraîche. Quoi qu’elle fasse, elle sait que son visage portera des bleus demain, sa peau de blonde pâle et fine avait toujours été susceptible à n’importe quelle atteinte, le soleil lui causant de graves morsures chaque été.

Mais elle ne dit rien, préférant se noyer un peu dans l’eau pâle des yeux de son vis à vis, se rendant soudain compte qu’il la questionne et qu’il attend sûrement une réponse de sa part. Reprenant quelque peu ses esprits et un semblant de contenance, la voilà partie dans un haussement d’épaule pudique.

“Un peu partout, ça dépend des jours. Parfois chez dame Rosélia, la tisserande, ou parfois à la Chope Sucrée, quand il y a un peu de place. Elle est gentille Estelle, elle me laisse dormir sur un banc quand les clients sont partis. Sinon, j’ai quelques cachettes dans le Goulot, ou je rejoins Kryss, mon ami saltimbanque. Mais il a déjà pas mal à faire avec sa troupe… Avec le couvre-feu, il vaut mieux trouver un abri rapidement, si on ne veut pas finir en geôle.”

Elle lui sourit un peu bêtement. Bien sûr qu’il sait comment terminent les gens qui trainent dehors après le couvre-feu. Mais étrangement, depuis ce décret, des toits supplémentaires ne s’étaient pas mis à fleurir au dessus des têtes des plus miséreux de Marbrume. Alors on s’entassait de ci de là sous des abris de fortune, le plus loin des patrouilles si possible. Alaïs tente d’éviter de son mieux ces endroits où les gens se faisaient plus souvent égorger qu’autre chose, proies faciles de toutes sortes de prédateurs de la nuit qui n’avaient à rien à voir avec la Fange. Alaïs baisse les yeux sur ses mains, triturant la pauvre compresse devenue tiède, se sentant soudainement plus apte à la confidence dans cette semi-pénombre de la chambre.

“Tu sais… Avant tout ça, je ne pensais pas que je finirais dans la rue, à vivre comme une malpropre. J’ai fait des choses pour survivre… Dont je ne suis pas très fière.” Elle se sent soudain lestée d’un poids, d’un poids énorme qui ressemble au masque qu’elle porte tous les jours, et qui lui pèse parfois comme une chape de plomb. Lui aussi, il le porte ce masque, elle le sait sans qu’il lui dise rien. Ca se lit dans l’angoisse muette qu’ils ont dans le regard tous les deux et qui ne tient pas qu’au danger qui rôde dehors. Non c’est plutôt le danger d’être découvert, des monstres qui se tapissent en eux. Monstres du passé, monstres du présent. Noirceur dissimulée ou blessures impossibles à refermer. Et elle tend la main instinctivement vers lui, serrant ses doigts entre les siens, comme pour se rassurer avant de poursuivre. Et tant pis s’il la juge à présent, s’il la repousse.

“Je ne sais pas si mon père est toujours en vie. Il est retourné au Labret, quand les hommes du Duc ont voulu reprendre le plateau. Mon père voulait tellement y retourner ! Il s’est tout de suite porté volontaire… Seulement, quand on est arrivés devant les portes de la ville… Je ne pouvais pas, je ne pouvais pas retourner dehors. Et j’ai été lâche… si lâche… Je me suis enfuie, j’ai couru loin. J’ai entendu mon père crier, mais il y avait tellement de monde. Des milliers de gens qui quittaient la ville. Personne n’a réagi. Et je suis restée ici.”

Son aveu terminé, elle sent soudainement l’humidité de ses joues, une ondée imprévue, comme après un jour de soleil trop lourd, un orage sur une terre asséchée. Elle s’en étonne elle-même, depuis combien de temps n’a-t-elle pas versé une larme ? Elle essuie ses joues vivement d’un revers de main, mais les larmes continuent de s’échapper encore et encore, comme son secret trop lourd et cette pensée qui lui pèse, qui hante ses nuits aussi sûrement que les Fangeux.

“Je ne sais même pas s’il est en vie. Pauvre papa… Il avait raison dans le fond, je suis comme ma mère. Je l’ai abandonné comme elle.”

Et maintenant que c’est dit, lâché dans l’air, elle n’ose plus le regarder, le doux Oiseau. Elle ne trouve pas d’excuse, rien d’autre à dire à cet aveu pathétique et impromptu. Elle sait que le masque est tombé et qu’il peut la voir dans toute sa laideur et toute sa faiblesse. Et elle pousse un long soupir, mêlé de soulagement. C’est douloureux et bon, de ne plus avoir à se cacher.
Revenir en haut Aller en bas
Landric L'OiseauMilicien
Landric L'Oiseau



Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 EmptyLun 29 Juil 2019 - 14:59
Les yeux dans le vague, Alaïs semblait pleinement goûter le confort d'un matelas. Landric ne pouvait que le comprendre: même après trois nuits à dormir au sol c'était une véritable extase de retrouver un vrai lit, et Anür seule savait depuis combien de temps elle n'avait pas eu ce luxe. Il lui abandonnait la couche sans regrets, même si une nuit sur le plancher ne serait pas idéale, après avoir été tabassé par un ivrogne, mais lui au moins, avait un semblant de foyer. Cette chambre le désorientait bizarrement, habitué qu'il était aux dortoirs bondés pleins d'allers et venues. Il lui semblait qu'il n'avait pas dormi dans une pièce privée une fois ces deux dernières années et en l’occurrence, c'était presque le cas, puisqu'il était seul avec Alaïs.Heureusement, celle-ci semblait moins encline à ronfler que ses camarades de caserne.

Elle lui fit une belle liste de refuges potentiels, qu'elle lui détailla, entre autres les bancs de cette grande auberge de la Place des Chevaliers et la maison d'une tisserande. Landric en fut un peu rassuré: au moins n'était-elle pas à la merci de la milice. Ils devaient suivre les ordres, quoi qu'il advienne, la pitié n'avait pas sa place dans les rondes. Lui et ses collègues étaient tenus de rafler tous ceux qu'ils trouvaient sur leur chemin: hommes, femmes et enfants. C'était cruel, le coeur n'y était jamais quand venait le moment d'arrêter un vagabond, qui bien souvent n'avait pas grand chose à se reprocher. Mais c'était la meilleure chose à faire, on ne pouvait plus se permettre de prendre le moindre risque. Cependant, il était soulagé de savoir la petite acrobate à l'écart des geôles surpeuplées de Marbrume.

Alaïs avança soudain la main pour saisir la sienne et il ne se déroba pas: tous deux semblaient manquer sévèrement d'affection, il n'avait pas la volonté pour s'en passer, même si ce geste s'accompagnait de paroles inquiétantes. Il écouta l'histoire qu'elle lui conta, qui complétait celle qu'elle avait commencé en bas, comment elle s'était séparée de son père, trop effrayée pour quitter l'abri fantoche des murs de Marbrume. Comment, sans le savoir, Landric avait déchiré une famille en poussant la foule a l'extérieur, comme un troupeau de bétail, les menant à la mort aussi sûrement que des bœufs à l'abattoir. On ne pouvait pas reprocher à Alaïs d'avoir eu peur, au dernier moment, d'autant plus que son instinct lui avait donné raison.

Malgré tout les efforts des miliciens, l'extérieur de la ville restait dangereux. Avoir fuit n'était pas lâche, c'était presque raisonnable: pour voir au quotidien les périls qui guettaient les habitants du Labret, il ne pouvait que comprendre qu'on ne souhaite pas y vivre une existence périlleuse, à cloche-pied sur la corde raide séparant la vie et la mort. Il semblait qu'elle pleurait à présent, amère d'avoir choisi entre ce qui lui restait de sa famille et sa propre sécurité.

"J'étais là aussi, ce jour là. Je faisais partie de l'escorte qui devait mener tous ces gens au Labret." commença-t-il, hésitant. Pour lui aussi, cette radieuse journée de mars évoquait de mauvais souvenirs. "J'étais là, et j'ai vu tout ce qui s'est passé. Je peux te garantir qu'il n'y avait aucune bonne décision à prendre: on a rien pu faire pour empêcher la queue du convoi de s'éparpiller, c'était terrible... Terrible. Tu n'avais aucun moyen de savoir ce qui allait se passer, mais c'était la meilleure chose à faire."

Les hurlements de terreur de la meute humaine, les fangeux en plein festin, toutes ses images ressurgissaient sous ses yeux comme si cela s'était déroulé la veille. Landric n'avait oublié aucun de ses face à face avec les créatures, mais celui-ci était encore le plus terrifiant, accentué par ces gens qui s'égaillaient au petit bonheur dans les broussailles comme des moutons éparpillés par une meute de loups. C'était ce qu'ils étaient désormais, du petit bétail faible et vulnérable qui ne pouvait que regarder les fauves approcher, leur arrachant les leurs les uns après les autres. Il fut soudain prit d'une inspiration: lui pouvait peut-être quelque chose pour Alaïs! Au moins de lui permettre d'être rassurée sur le sort de son père.

"Je suis stationné à Usson, l'essentiel du temps je ne suis pas à Marbrume, mais j'escorte les convois, donc j'y passe de temps à autre!" s'exclama-t-il, soudain enthousiaste. Trop heureux de son idée, il posa sa deuxième main par dessus celle de la jeune fille sans y penser. "Si tu me dis comment s'appelle ton père, je peux peut-être demander autour de moi, si quelqu'un le connait! Je pourrais t'avoir de ses nouvelles, il n'y a pas tellement de gens qui vivent pas là-bas."
Revenir en haut Aller en bas
Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 EmptyLun 29 Juil 2019 - 15:49
Les déclarations de Landric tombent sur Alaïs comme la foudre. L’inquiétude laisse place à un espoir inouï, puis de nouveau une vague de questionnements. Et si son père fou de rage exigeait son retour et la bouclait à Usson ? Et s’il était mort ? Et si, et si… La main de Landric vient couvrir la sienne et avec elle une vague de chaleur nouvelle, s’ajoutant à leurs doigts joints. Elle lit la joie dans son regard, qui la laisse incrédule. Elle n’aurait imaginé personne qui puisse lui rendre pareil service, en ces temps où s’aventurer dehors pour chercher quelque nouvelle équivalait souvent à risquer la mort.

“Mais… Usson c’est de là que je viens. Mais c’est loin !” Les distances paraissent se distendre dans son esprit encore davantage qu’autrefois lorsqu’elle rêvait de Marbrume et de ce qu’elle pourrait y trouver. “Je ne voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose, ou à quelqu’un d’autre....” Elle se sent rougir d’embarras, et cela aussi est nouveau. Elle qui sait se montrer si insolente, si effrontée, comme si les convenances ne la touchaient que pour qu’elle leur fasse un pied de nez.

“Tu es sûr ? Mon père… mon père s’appelle Colman Marlot. On habitait une petite ferme en lisière du village, un peu à l’écart du centre-ville. Je ne sais même pas si elle tient encore debout.”

Elle soupire, serrant les mains de Landric entre les siennes, accrochées à ce vague espoir ténu, avec la crainte de le voir s’écraser en mille morceaux sur le seuil de ses rêves. Serait-ce plus facile de savoir ? Et si son père était mort depuis tout ce temps, que ferait-elle ? Valait-il mieux qu’elle le sache ou qu’elle l’ignore ? Elle chasse ses doutes et toutes ces images atroces qu’elle ne se figure que trop bien dans un coin de son esprit. Elle redresse finalement le visage vers ce milicien, ce bon ange tombé du ciel, avec l’incertitude de ces lendemains sans promesse ni garantie.

“Si tu y vas… Tu me promets que tu feras attention, pas vrai ?” Elle se mord la lèvre, songeant que ce n’était pas même le rôle de Landric d’aller quérir des nouvelles de son père à sa place.

“Je… je devrais peut être t’accompagner, qui sait.” Elle ajoute ça dans l’air, la poitrine serrée par l’angoisse, mais la certitude que ce serait le mieux à faire, ou à tout le moins son devoir de fille. Et rien que d’y songer, elle se sent trembler. Elle tâche de se raisonner, les derniers événements avaient montré qu’elle n’était nullement en sécurité en ville, loin de là. Et malgré tout, elle avait survécu. Elle avait même survécu à l’attaque de la Fange dans le Goulot. Elle n’a nulle envie de ressasser les images terrifiantes qui lui reviennent à l’esprit en ce moment même. Elle sait que ses cauchemars s’en chargeront assez pour elle.

Elle souffle un peu et retrouve une once de calme, observant la position inconfortable dans laquelle se tient Landric, sa grande carcasse entreposée sur ce tabouret ridiculement petit. Elle lui sourit avec un brin de malice retrouvée.

“Tu sais, je ne vais pas te manger. Il y a de la place pour deux dans ce grand lit, et je ne t’embêterai pas. Je te laisse la couverture, si tu veux.”

Elle sent bien qu’il a davantage besoin d’être rassuré qu’elle-même. Elle se retire un peu plus au fond du lit, et se cale sur un bord, lui laissant largement la place de s’installer, s’il le souhaite, croisant ses bras sur elle-même, comme pour lui signifier qu’elle ne compte nullement lui sauter dessus, ou quoi qu’il puisse s’imaginer. Elle a dépassé depuis longtemps le stade des convenances. Elle s’était serrée contre des inconnus du Goulot pour avoir moins froid, elle avait senti des mains étrangères la tenir, et désormais elle fait même croire qu’elle fait passer du bon temps à un milicien qui n’a pas le moindre désir pour elle.

L’ironie de cette situation inédite la fait sourire et elle s’étale un peu en arrière, savourant le contact moelleux d’un oreiller dans son dos. Elle jette ses bottes d’un coup de talon sur le bord du lit, avec un léger soupir d’aise. Un bref instant, elle se sent heureuse. Landric ne l’a pas jugée, lui trouvant même des excuses. Plus encore, il trouve encore le moyen de vouloir l’aider, lui qui ne lui doit rien, qui la connaît à peine. Le bonheur est une petite chose fragile qu’on savoure et sur lequel il faut veiller avant qu’il ne s’échappe trop vite. Pour une fois, Alaïs a envie de croire au lendemain.

“Alors, tu te décides ?”
Revenir en haut Aller en bas
Landric L'OiseauMilicien
Landric L'Oiseau



Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 EmptyLun 29 Juil 2019 - 17:52
"J'irai quoi qu'il arrive, c'est là qu'on m'a affecté depuis qu'on a réinvesti le Labret. Autant que je pose la question autour de moi." répondit Landric en haussant les épaules.

Il était arrivé à la mi-mai, avec une cargaison de vivres et de matériaux pour soutenir Marbrume après l'attaque et n'en était pas reparti depuis, l'affectation prioritaire étant la défense de la ville. Mais on avait malgré tout besoin de bras armés à Usson et il serait bientôt rappelé, ce n'était plus qu'une question de jours. Il faisait ce trajet au moins une fois par mois depuis plus d'un an: il connaissait la route aussi bien que le contenu de son propre sac, les points particulièrement dangereux, ceux qui étaient plus sûrs, les passages difficiles pour les chariots, ceux où on avançait vite, ceux où on avançait lentement. Landric ne se séparait jamais d'une extrême vigilance, inspirée par la plus viscérale terreur, mais il avait toute confiance en sa capacité à faire le chemin dans une relative sécurité. Mais delà à emmener Alaïs avec lui, il y avait un grand pas qu'il ne voulait pas faire sans être sûr qu'elle en retirerait quelque chose.

Il se frotta le menton, réfléchissant pour savoir si il avait déjà entendu parler d'un Colman Marlot, mais ce nom ne lui disait rien. Si l'homme était un fermier, il ne serait toutefois pas trop difficile de le retrouver avec les informations dont il pourrait disposer à la caserne, d'autant plus avec une indication géographique.

"Son nom ne me dis rien, mais je poserais la question à mes camarades. Quelqu'un aura bien entendu parler de lui! il marqua une pause, étirant son dos et reprit: "Je connais cette route par cœur, et je ne serais pas seul, il n'y a aucune inquiétude à avoir. Mais reste à l'abri des murs pour l'instant, je t'emmènerais quand je l'aurais trouvé."

Landric ne voulait pas la faire douter, et préféra faire comme si il ne faisait aucun doute qu'il trouverait un homme vivant et sain d'esprit au bout du voyage. Il y avait pourtant mille occasions durant lesquelles le père d'Alaïs avait pu perdre la vie: lors de l'attaque du convoi, puis des incidents qui arrivaient de temps en temps avec les fangeux, les bandits et autres bannis. Mais il ne voulait plus lui enlever ce frêle espoir, qu'il lui avait peut-être offert un peu vite. S'il ne trouvait qu'un cadavre au bout de sa quête, il serait toujours temps d'aviser.

Mais, tout en faisant sauter ses bottes, bien calée dans le lit, elle lui proposa de la rejoindre. Malgré ce qu'en disait Alaïs, ce serait un joli casse-tête de faire tenir deux corps sur l'étroit matelas. Il considéra les planches de bois mal dégrossies qui constituaient le sol avec bien peu d'envie, tout en ayant conscience que c'était prendre un risque que d'accepter de se serrer avec la jeune fille sur la paillasse. Mais il y avait une certaine connivence entre eux, une compréhension, même si, il fallait bien qu'il se l'avoue, n'avait pas joué franc-jeu avec elle autant qu'elle l'avait fait pour lui. Un jour, peut-être, trouverait-il la force d'avouer à quelqu'un le plus noir secret de son âme.

"Bon, c'est d'accord." répondit-il, tout en se penchant pour retirer lui aussi ses bottes, avant de se redresser en riant: "Mais seulement si tu n'attente pas à ma vertu!"

Il se redressa pour aller s'assoir sur le lit, dans l'espace qu'elle lui avait laissé et après un petit moment d'hésitation, s'allongea sur le dos, croisant ses longues jambes sur le matelas avec un long baillement sonore qu'il étouffa du revers de la main. La journée avait été longue pour lui, suivie d'une soirée riche en émotion: il commençait à se sentir las. A peine avait-il touché le matelas qu'il somnolait déjà, étrangement rassuré du simple fait de dormir avec quelqu'un, lui qui pouvait passer des nuits entières à fixer le plafond, pensant reconnaitre l'approche d'un fangeux dans le moindre bruit.

"La couverture est pour toi." marmonna-t-il.
Revenir en haut Aller en bas
Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 EmptyMar 30 Juil 2019 - 2:31
Ils avaient conclu une sorte de marché. Landric semble sûr de lui quant à l’idée de retrouver son père, lors de l’un de ses nombreux services à Usson. Sa parole suffit à Alaïs. C’est bien plus qu’elle ne peut espérer, et bien plus qu’elle n’aurait jamais espéré trouver durant cette soirée à gagner sa croûte. Tout lui semble désormais diffus, comme appesanti dans une douce torpeur où se mêlent des souvenirs de cette drôle de nuit. Le destin avait eu une drôle de façon de lui sourire. Mais elle n’en démord pas : Landric est un présent du destin, peut être un carrefour.

Elle ne sait pas ce qui se passera demain, et elle ne sait pas si elle retrouvera son père, ni si c’est ce qu’elle souhaite vraiment. Elle veut au moins s’assurer qu’il est vivant, et qu’il va bien. Ca lui donnerait le sentiment que sa survie à elle lui est moins coûteuse, moins sale. Ses pensées se perdent dans un fil trop difficile à suivre à présent. La fatigue la rattrape comme une gangue de plomb. Et pourtant, une fois n’est pas coutume, elle aimerait garder les yeux grands ouverts, pour profiter de chaque seconde avant l’aube.

Elle attend sur son bout de lit, doux comme un nuage. Elle fixe le plafond un peu crasseux, et il lui semble que c’est une toile tendue digne de la voie lactée. Finalement, le lit grince de nouveau, sous le poids de Landric. Un bref épanchement du matelas dans sa direction. Et le voilà qui lui demande à elle, de préserver sa vertu, à lui. Elle rit, comme s’il y a la moindre chance qu’elle et ses cinquante kilos tout mouillés puissent en imposer à un gaillard de la taille de Landric. Il s’étend sur le lit, envahissant l’espace du matelas de sa large stature.

Et Alaïs se demande si c’est ça, de dormir avec quelqu’un qu’on aime. Cette présence chaude et rassurante à côté de soi, cette ombre paisible qu’on peut dessiner sans la voir, dans le noir. Elle étend une main pour attraper la couverture et la rabattre sur eux, puisqu’il la lui laisse, autant la partager. Elle se tourne sur le flanc, pour libérer un peu d’espace, se roulant en chien de fusil, de son côté. Elle le fixe un peu, comme un animal qui cherche à apprivoiser une nouvelle présence, mi-familière, mi-étrangère. Les bruits autour d’eux se sont tus, à moins qu’elle ne s’y soit déjà habituée au point de ne plus les percevoir.

Ce soir, elle dormira en sécurité. Rien ne viendra les troubler, ni la peur des monstres, ni celle de cette grande et insupportable solitude. Et elle se laisse gagner par ce sentiment bienfaisant, son ventre se dénouant sans qu’elle s’en aperçoive. Elle approche vaguement son visage du sien, à tâton, et de l’effleurer de ses lèvres dans un baiser sur sa joue, avant de retomber de son côté.

“Dors bien, Landric.”

Et le sommeil l’emporte, comme une mer tranquille et tiède, lui tirant un léger ronflement de tourterelle, parfaitement calme et sans rêve. Sa tête se cale dans le creux de son épaule dans un geste inconscient, un léger sourire aux lèvres.
Revenir en haut Aller en bas
Landric L'OiseauMilicien
Landric L'Oiseau



Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 EmptyMar 30 Juil 2019 - 14:44
Landric était déjà presque entièrement endormi quand Alaïs lui souhaita bonne nuit et il ne répondit que par un gargouillement vague. L'obscurité bienveillante du sommeil l'englouti, apaisé malgré son menton endolori et son flan qui le lançait: on en parlerait plus le lendemain. Sous la couverture, ils étaient aussi innocents que des enfants qui se serraient dans un coin pour se tenir chaud l'hiver. Le sommeil de L'Oiseau fut profond et pour une fois, dépourvu de ses habituels cauchemars rampants, sans visages, qui au réveil ne laissaient que la sensation de la terreur la plus profonde.

Son esprit bien entraîné le réveilla avant l'aube, conditionné par deux années de discipline de caserne. Ses yeux s'ouvrirent sur le plafond, gris des rayons encore pâles du soleil. Alaïs ronflait légèrement et semblait encore profondément endormie. Il n'avait pas de temps à perdre si il voulait être rentré avant la fin de sa permission. Il se glissa lentement hors du lit, pour ne pas la réveiller: autant qu'elle profite encore un peu des draps encore tièdes et de la sécurité des lieux. Landric saisit ses bottes et tâtonna pour remettre la main sur la clé de la chambre. Il perdit un temps précieux à quatre pattes, cherchant les pièces qu'il avait fait tomber la veille, mais les récupéra toutes.

Il ne se faisait aucun soucis pour retrouver Alaïs le moment venu, si nécessaire, il pourrait lui donner rendez-vous par l'aubergiste de la Choppe Sucrée ou la trouver chez cette tisserande dont elle lui avait parlé. Quand à elle, ses camarades pourraient sûrement lui donner des nouvelles si elle s'adressait à la caserne: il n'y avait aucun doute qu'elle était assez maligne pour y penser elle même, inutile de la réveiller pour ça. Landric tira la couverture jusque sous le menton de la jeune fille et se tourna vers la porte, qu'il déverrouilla le plus doucement possible. Malgré tous ses efforts pour être discret, la serrure couina et les gonds gémirent.

Il n'osa respirer qu'une fois dans le couloir, alors qu'il s'accroupissait pour glisser la clé sous la porte, afin qu'Alaïs puisse ressortir. Appuyé au mur, il enfila ses bottes et fit jouer sa mâchoire: comme il l'avait prévu, les coups qu'ils avaient prit la veille ne le faisait presque plus souffrir. Au bas des escaliers, la tenancière se préparait déjà à ouvrir son commerce.

"Mon... mon amie va profiter de la chambre encore quelques heures." précisa-t-il, en lui réglant son dû.

La tavernière lui sourit d'un air entendu, rougissant le visage du milicien qui s'empressa de prendre congé. L'air frais de l'aube le gifla quand il reprit la route vers la caserne. Dans quelques jours, il serait en route vers Usson et il n'avait plus qu'à espérer qu'il aurait de bonnes nouvelles à ramener à sa nouvelle amie.
Revenir en haut Aller en bas
Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 EmptyMar 30 Juil 2019 - 15:37
Alaïs entend les tentatives maladroites de Landric pour s'extraire du lit puis de la chambre, gardant les yeux fermés, tout en retenant un sourire lorsqu'il ramène la couverture sur elle. Puis lorsqu'il est parti, lui laissant l'illusion d'avoir été assez discret, elle s'étire comme un chat dans la lumière du petit matin. Elle descend guillerette les marches de l'auberge, et sourit de toutes ses dents bien blanches à la tenancière qui secoue la tête avec un sourire amusé.

"On dirait bien que tu lui as fait de l'effet à ton milicien, il était rouge comme une pivoine en descendant !"

"Penses-tu Martha ! Ca ne rougit pas les étourneaux !"

Et devant la mine perplexe de la tenancière, Alaïs file par la porte entrouverte, s'enfonçant dans cette matinée radieuse d'un nouvel entrain.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]   Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé] - Page 2 Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Tant qu'il y a l'ivresse [Terminé]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 2 sur 2Aller à la page : Précédent  1, 2

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - Quartiers populaires ⚜ :: Bas-Quartiers-
Sauter vers: