Marbrume


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 Jeux de mains [Magda/Alaïs]

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MessageSujet: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptyMer 4 Sep 2019 - 18:13
Marbrume, Avril 1166

Même à son pic, le soleil n’arrivait pas à chasser toutes les ombres des ruelles des bas-quartiers. L’obscurité se réfugiait sous les porches, protégée par les arches en pierre dans une vallée de maisons serrées les unes aux autres. Des intersections encore plus étroites, comme de petits vaisseaux, émergeaient des artères principales et s’enfuyaient sur des trajectoires labyrinthiques. Les tristes couleurs des murs, grises ou noires de sale, contribuaient à nourrir les ténèbres collées aux façades. Personne n’était épargné, mais le pire se réservait à ceux vivants dans la rue. Parfaitement intégrés dans ce décor d’ordure, la peau incrustée des mendiants se confondait avec la pierre crasse. Ils prenaient malgré eux le rôle de gargouilles, à surveiller ce dédale dans l’espoir qu’une âme ne leur adresse un regard.

Les passages les plus fréquentés s’encombraient d’une foule nerveuse - on jouait souvent des coudes pour traverser la jungle de corps - qui ne suivait pas de courant particulier, juste des mouvements chaotiques. A cela s’ajoutait les marchands à la sauvette, acharnés à attraper l’attention du chaland à renfort de cris, avec leurs clients qui s’arrêtaient sans réfléchir en bloquant la route. Les croisements majeurs restaient les zones les plus avantageuses pour les commerces de toutes sortes, et formaient de véritables places ouvertes à l’échange. Ce qui comprenait une ribambelle de prostituées aux promesses aussi affriolantes que leur tenues, le sang se mettait à bouillir très vite et il n’était pas rare d’en voir quelques unes en besogne dans un recoin à peine abrité ; le temps est de l’argent. Cette ambiance pouvait vite submerger les moins habitués et on se perdait facilement dans les méandres de Marbrume. Mais Magda connaissait sa voie.

Elle rentrait après avoir délivrée une commande à une échoppe du centre-ville, forcée de prendre ces chemins moins recommandables. A première vue, elle ne détonnait pas le moins de monde au milieu des tuniques poussiéreuses et des visages tannés comme du cuir, seul son accent de la campagne pourrait trahir son origine. Le risque provenait de l’argent tout juste empoché, glissé dans sa chemise contre son flanc. Pourtant, elle ne marchait pas avec la vigilance d’un convoyeur de fonds, au contraire, son esprit errait au loin.

Magda fonctionnait avec des phases, soit suractive au point de risquer une fracture du neurone, soit emportée dans une rêverie. A cet instant, elle collectionnait des images troubles dans sa tête, des émotions et des idées, sans la moindre définition. Les sons se cognaient dans ses oreilles sans parvenir à l’alerter, et sa vue procédait automatiquement pour éviter les obstacles. Sa taille l’aidait sans doute à écarter la foule, elle fendait les eaux tumultueuses à la façon d’un vieux navire. C’était peut-être justement cette avancée inébranlable qui pourrait attirer l’attention, ce pas trop sûr et ces traits doux, ce visage qui ne criait pas la douleur malgré les apparences. Par rapport au foutoir ambiant, Magda était trop sereine.


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MessageSujet: Re: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptyJeu 5 Sep 2019 - 19:35
Jour d’affluence, jour de paie, c’était du pareil au même, pour Alaïs. Elle serpentait dans la foule, le nez à l’affût, guettant sa chance, une bonne opportunité de se remplir le ventre. Elle naviguait dans ce fleuve bouillonnant comme un poisson dans l’eau, discrète et attentive. Si elle se débrouillait bien, elle aurait de quoi manger ce soir, et peut être un peu plus pour ses amis de la troupe des Macchabées. Elle était prête à ramasser à peu près n’importe quoi, tant que c’était mangeable, et ses poches étaient déjà pleines de quelques restes extorqués sur les étals de marchands à la sauvette trop étourdis. Ca ne durerait pas, comme toujours, et il faudrait se résoudre à revenir arpenter les rues, prendre le risque, se laisser griser par ce moment délicat entre le glissement de ses doigts dans une tunique ou une escarcelle et cet inconnu de ce qui allait se faire découvrir ou non.

Parfois, elle tombait sur des choses inattendues. Voler quelqu’un c’était apprendre à le connaître un peu, subtiliser une partie de son être, comme l’écho d’une pensée ou d’un moment venu d’ailleurs. Elle ne se l’expliquait pas bien. Il le fallait pour survivre, et d’un autre côté, à mesure que son art s’affinait, elle y voyait une forme de philosophie ambiguë qu’elle était seule à saisir. Peu à peu sa stratégie s’élaborait, et des règles s’ajoutaient au fil des jours et des expériences, comme on corse un jeu qui se complexifie pour lui rendre une certaine noblesse au milieu des déchets de Marbrume. Etait-ce un reflet de son ambition, ou seulement une manière de se voiler la face sur ses actes peu recommandables ?

Elle ne le savait plus très bien, et ne prenait guère le temps de s’y attarder. Sinon on ne volerait plus personne, c’était certain, et alors autant mourir de faim. Mourir honnêtement était tout de même mourir, en définitive, ce qu’elle n’était pas prête à concéder à la faveur des Trois. La journée avait été bonne, du reste, mais elle se laissa emporter par son appétit. Un dernier et elle pourrait rentrer satisfaite. Elle remarqua soudainement cette silhouette un peu plus haute que la moyenne, et capta aussitôt l’air rêveur qui l’accompagnait. Elle détonnait fort dans l’environnement affairé de la foule. D’habitude, les gens avançaient tête baissée ou la mine fermée, tout plongés qu’ils étaient dans leur propre misère. Mais celle là était différente et Alaïs se mit à la suivre tout naturellement, autant par curiosité que par envie.

C'était une femme d’un âge mûr à en juger par son visage de parchemin et son corps asséché par le temps comme une pierre trop battue par la pluie. Malgré tout, elle avançait d’une bonne foulée, et ne semblait pas souffrir des rigueurs de l’âge. Nez en l’air, elle se déplaçait au dessus de la foule, tandis que les autres s’enfonçaient, elle semblait s’élever dans des rêveries insondables. Alaïs aimait tout autant observer les gens que leur dérober une partie d’eux-mêmes. Elle adorait par dessus tout tenter de déchiffrer les mystères de ces vies petites ou grandes qui s’animaient tout autour d’elle. Comme des livres ouverts tout prêts à se laisser découvrir. Celle-là était certainement une proie de choix. Que faisait-elle ici ? Malgré son allure humble, elle détonnait trop parmi le flux du Goulot pour en être.

Elle comprenait maintenant comment Kryss qui avait toujours vécu ici réussissait à distinguer qui était ou n’était pas du Goulot. Les Bas Quartiers laissaient une empreinte indélébile sur les êtres une fois qu’ils y étaient intégrés pour de bon. Aussi, Al’ se fondit dans le sillage de la femme qui avait attiré son attention, et s’approchait mètre après mètre, jusqu’à frôler son dos. Elle aurait pu respirer l’odeur de ses cheveux rien qu’à tendre le nez en avant, mais n’en fit rien, bien entendu. C’était là l’infime limite entre le voleur et sa victime, la frontière invisible qu’elle ne franchirait que succinctement, fugacement du bout des doigts, avant de se séparer à jamais. Par instinct plus que par la vue, elle tendit la main sous les replis de tissu qui couvraient la femme, devinant la rondeur d’une bourse maigrelette mais prometteuse. Toute occupée à sa tâche, elle n’entendit pas le badaud dans son dos qui la bouscula sans la voir pour la dépasser et trébucha en avant sur sa victime. La limite avait été franchie, ses doigts avaient senti les côtes de sa victime, rompant l’accord tacite de tout chasseur avec sa proie, l’exposant au grand jour. Elle était découverte et si elle ne disparaissait pas rapidement, le rapport de force pourrait bien s’inverser tragiquement.
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MagdaArtisan
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MessageSujet: Re: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptyVen 6 Sep 2019 - 3:03
L'agitation qui entoura Magda suffit enfin à la faire redescendre sur terre. Elle ne saisit pas tout de suite la nature de la commotion, mais on poussait dans son dos alors ses pieds pivotèrent sur place pour faire face au mouvement. Son regard croisa celui d'une gamine, ou plutôt d'une presque femme, aussi surprise qu'elle, comme une chatte que l'on prendrait sur le vif d'une bêtise. Un moment de flottement enveloppa les deux femmes puis un homme de passage s'interposa, un type trapu au cou de taureau qui voulut attraper la voleuse avec ses mains d'ouvrier. La fille se contorsionna assez pour éviter l'étreinte, mais les gros doigts réussirent à s'accrocher à la manche d'Alaïs et l'empêchèrent de partir en courant.

"C't'une chapardeuse ! J'l'ai vu ! Viens-là j'te tords le cou, vilaine !"

Magda fronça les sourcils, elle avait sentit des choses horribles au cours de sa vie, la mort et le meurtre. Son expérience ne l'épargna pas, elle du secouer la tête pour s'arracher à l'odeur : cet homme avait une haleine à tuer un cheval. Après l'étourdissement, l'artisan se recomposa avant que les choses ne dégénèrent trop. Elle posa une main apaisante sur l'épaule du héro.

"Il y a erreur, c'est une amie à moi, rien qu'un jeu entre nous."

Il regarda d'un côté, puis de l'autre, haussa les épaules, et relâcha Alaïs non sans maugréer quelques malédictions sur la stupidité des femmes. A peine fut-il éloigné que Magda lança un sourire entendu à l'importune. Elles se décalèrent hors du flux continu de la foule, dans une allée moins fréquentée. Entre les façades décrépies, les deux s'observèrent avec circonspection. Un chien se mit à aboyer en fond, le pauvre cabot s'arrêta dans un jappement aigu. Magda décida de calmer la tension.

"Hé, fille, je ne vais pas appeler la milice, ou rien.."

Elle lui donna un second regard. Encore bien jeune, taillée comme une pixie avec ses cheveux de garçon, des yeux intenses à piquer le moindre détails des alentours, juste au cas où. Bien sûr qu'elle avait déjà identifié au moins deux voies de sortie, son corps ne mentait pas, tourné d'un côté et sa tête vers Magda pour surveiller le moindre de ses gestes. L'artisan gloussa.

"Je veux juste discuter, rien d'autre. T'as quel âge ? Quoi, vingt ? Si tu as le culot pour chaparder je suis sûre que tu peux faire mieux. Pourquoi tu fais ça ? Tu crois que c'est le seul moyen ?"

Le sermon avait été prononcé sans agressivité, mais les mots sonnaient comme des reproches. Il y avait tant à faire dans cette ville au bord du gouffre. Magda comprenait parfaitement que le désespoir poussait aux mauvais choix, et elle en connaissait même trop les conséquences. Mais cette apathie, celle qui naissait de la crainte et menait à rationaliser des actions de plus en plus mauvaises, pouvait être vaincue. Être voleuse pour survivre un autre jour, pour terminer acculée le lendemain ; pour devenir une bête traquée. Et la bête devra alors tuer pour survivre. Magda soupira en sentant son esprit s'agiter à nouveau, les évènements venaient de donner un coup de pied dans la fourmilière, elle passait dans son autre phase.

"Tu es chanceuse, fille, mais une fois tu vas finir morte dans une allée comme celle-là. L'honnêteté c'est dur, c'est plus dur même, mais qu'au début seulement."


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MessageSujet: Re: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptyVen 6 Sep 2019 - 18:46
En un instant sa victime était devenue sa complice, la tirant d’une situation qui aurait pu s’avérer plus que périlleuse pour son avenir proche. Finir en geôle par les temps qui couraient ne vous garantissait en rien de recouvrir un jour la liberté et toute votre intégrité physique. Al’ n’avait aucune envie d’y perdre une main, voire pire. Aussi, le soulagement succéda-t-il à l’étonnement lorsque la femme qu’elle avait tenté de chaparder avait pris sa défense et éloigné l’importun trop zélé. Les gens avaient cette fâcheuse manie de se mêler de ce qui ne les regardait pas surtout lorsqu’il était question de dénoncer ou d’enfoncer son prochain. Elle n’avait jamais compris cette lubie et raccompagna le rustre d’un sourire un peu trop aimable pour être honnête. Et bien vite, il disparut, ravalé par la foule et régurgité plus loin où il trouverait quelqu’un d’autre à asphyxier de son haleine de cheval.

Elle retourna bien vite à un souci plus urgent. Sa cible la détaillait du regard, et Al’ n’avait jamais été confrontée à ses victimes, s’y soustrayant toujours rapidement pour ne jamais en apprendre davantage sur elles. Voilà une expérience inédite pour la voleuse, et elle n’était pas des plus à l’aise. Allait-elle lui demander quelque chose en retour ? C’était fort probable, on ne donnait rien sans rien dans ce monde. Avec les hommes, c’était facile. Ils n’avaient en général qu’une ou deux motivations derrière leur amabilité : l’argent ou le sexe. C’était généralement la deuxième motivation qui supplantait la première en cas de défection. Mais elle doutait un peu que ce soit le motif de cette femme d’un âge un peu avancé, quoi qu’on ne pouvait jamais être sûr de rien, surtout dans les Bas Fonds. Néanmoins, la femme la rassura aussitôt sur l’intention qu’elle avait de ne pas la dénoncer de sitôt à la milice, ce qui, après tout, n’était pas rien.

Elle se laissa entraîner dans une ruelle, malgré les risques, s’extirpant de la marée humaine. Elle avait tout de même envie d’entendre ce que cet individu étrange avait à lui dire, sa curiosité reprenant le dessus sur sa méfiance naturelle. Et puis après tout, elle lui devait bien ça, après avoir presque réussi à lui chaparder sa bourse. Il était évident qu’elle n’était pas riche et qu’elle lui aurait subtilisé de quoi survivre pendant plusieurs jours au moins. Finalement, elle lui servit une sorte de sermon sur la survie, qui résonnait de manière assez familière à ses oreilles. Son père lui aurait fait le même et c’était donc sûrement une forme d’instinct maternel qui poussait cette femme à lui faire la morale, sur un ton où la raison dominait. Elle lisait dans ses yeux une forme de sagesse antique, accumulée au cours d’une vie qui n’avait pas dû être un long fleuve tranquille. Elle se plia presque malgré elle au jeu des questions, un peu gênée dans le fond. D’habitude, c’était elle qui volait ce genre de détails à ses victimes à travers ce qu’elle leur subtilisait. Elle essayait néanmoins de rester évasive sous la pression de son regard qu’elle sentait peser sur elle.

“C’est presque ça, madame. Je voulais pas te nuire, n’y vois rien de personnel. Seulement, oui, j’ai du monde à nourrir, et pas grands moyens d’obtenir ce qu’il me faut à moi et à mes amis pour survivre ici. C’est comme ça que ça tourne dans le coin.”

Elle ajouta néanmoins pour compenser la dureté apparente de ses propos.

“Je fais pas que ça, tu sais. Je vis de mon art aussi, et quelques petits services que je rends à droite à gauche, mais ça suffit pas. Et puis j’aime pas mendier.”

Elle tapotait de la pointe du pied le sol sous ses pieds, cherchant un moyen de se tirer de ce bourbier dans lequel elle savait qu’elle allait s’enfoncer, à discuter comme ça avec cette femme.

“Ecoute, on peut peut être trouver un terrain d’entente, tu vois, pour réparation. Si tu veux, je te rends un service, ce que tu voudras, et on sera quittes. Y’a bien quelque chose dont tu dois avoir besoin, non ? Je connais le quartier, je peux te dénicher ce que tu voudras, avec un peu de temps.”

Ca lui semblait être une proposition honnête. Elle espérait seulement que la dame n’avait pas des goûts de luxe, auquel cas, elle serait obligée de tempérer ses ardeurs et ne pas trop profiter de l’avantage qu’elle avait sur elle. Al’ avait court-circuité son discours sur l’honnêteté, elle le connaissait assez bien, mais pour l’avoir éprouvé, elle n’en avait hérité que d’un ventre creux et une vulnérabilité qui avait bien failli avoir raison d’elle plus d’une fois dans les entrailles du Goulot. Il fallait bien souvent manger ou être mangé, mais elle ne comptait pas s’étendre sur ces justifications, elle doutait que son vis à vis y soit sensible, et puis elle ne désirait pas non plus rentrer dans des questions morales, terrain miné au possible. Elle savait qu’elle ne pouvait y prétendre et n'aurait jamais eu l'idée de l’imposer aux autres.

“Tant que je dois pas vendre mon cul pour ça, du moins.” Elle tempérait sa proposition, à toutes fins utiles. S’il y avait bien une chose à laquelle elle ne se rabaisserait pas, c’était bien ça. A donner son corps, on perdait son âme.
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MessageSujet: Re: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptySam 7 Sep 2019 - 16:46
L'enfer était pavé de bonnes intentions. La voleuse dérobait ni pour le sport ni par avidité mais pour les siens, pour une bonne raison. Ce qui lui permettait de rationaliser si elle ne réfléchissait pas trop loin, au risque de réaliser que cela revenait à enlever le pain de la bouche d'un voisin. Elle se tenait forte pour les autres et prendrait le blâme sur ses épaules, prête à trouver un arrangement pour continuer. Et même si elle possédait plus d'une corde à son arc, ce n'était pas assez, car la force se trouve dans le nombre. Pour réussir à pourvoyer un groupe toute seule, elle devait pousser la morale dans ses retranchements ; alors, prendre ce qui trainait dans les poches des inconnus n'était plus un crime mais de la survie. Magda croyait que le salut de l'humanité, ou du moins, ce qu'il en restait, se trouvait dans le partage. Sans une entraide totale, la Fange triompherait.

A l'écoute de la proposition d'Alaïs, l'artisan verrouilla son regard sur la jeune femme. Les deux yeux d'un bleu pâle se firent rieurs. Un sourire se dessina lentement sur le visage de Magda, si joli qu'elle paraissait soudain avoir perdu une décennie, comme si son âge venait de glisser de sa peau. Malgré le temps passé, elle avait gardé un cœur jeune, et cela transpirait dans son attitude.

"Mais tu as les esgourdes ensablées, fille ?"
Elle ricana.
"Je ne veux rien de toi, et encore moins tes fesses, gardes-les là ou elles sont, merci !"

La voleuse avait de la fierté, ce qui était une très bonne chose, elle manquait juste d'un peu de conviction. En réalité, elle paraissait blasée. Une maladie qui touchait la jeune génération de Marbrume, assommée par le marasme qui baignait la cité. Beaucoup n'avaient simplement aucun guide pour les aiguiller. Magda savait qu'à cet âge, on pouvait être très créatif pour se tirer du pire, à court terme. C'était ça, que la jeune femme ne voulait pas entendre : qu'elle vivait au présent, un jour à la fois.

"Je ne veux pas que tu ailles te mettre dans de drôles de situation pour... quoi ? T'excuser d'avoir trébuché sur moi ? Ça va, je m'en remettrais, je ne suis pas si vieille."
Magda renouvela son air complice, puis reprit une expression un peu plus sérieuse.
"Juste, écoutes, elle plongea sa main sous sa tunique et révéla l'objet de la discorde, une vieille bourse en tissu, le bruit des pièces carillonna entre ses doigts, cet argent, c n'est pas pour moi. Je le donne, pour que les prêtres du temple puissent continuer à trouver de la nourriture et la distribuer aux gens comme toi et moi.
Elle marqua une pause et jeta la bourse à Alaïs qui la rattrapa contre sa poitrine.
"C'est ton choix. Prends-le et je ne t'arrêterais pas. Il y a... l'équivalent de presque trois écus là dedans, c'est beaucoup. Toi et les tiens, vous pourrez manger pour au moins plusieurs jours. Mais d'autres n'auront rien, des inconnus pour toi mais pas pour moi, je vois ces gens venir manger grâce au temple tous les jours. Peu importe, je trouverais un autre moyen, je ferais plus d'efforts pour compenser."

C'est ce qu'elle faisait depuis des années maintenant, un peu plus ou un peu moins, ça ne faisait aucune différence. Selon elle, le principal problème de Marbrume était que les gens n'avaient toujours pas réalisés que la vie avait changé, ils voulaient continuer comme avant. A vivre avec leur maison, leur famille et leur argent. Ce n'était plus possible, l'espace et les ressources de la ville atteignaient une limite. Alors certains faisaient plus que les autres pour que tout le monde puisse prétendre à une existence à peu près normale. D'autres choisissaient de tricher, pour de plus ou moins bonnes raisons, comme Alaïs.

"Ou alors, tu viens avec moi, tu partages ce que tu as et je ferais en sorte que toi et tes amis aient toujours de quoi manger. En faisant cela, tu nourrira encore plus de monde, et d'autres pourrons se joindre à la survie de la ville, et pas à la survie individuelle. C'est à toi voir, fille."

Voler un autre c'était aussi le pousser à ses propres extrémités. Il devait alors lui-même tricher pour s'en tirer. Les mauvais tricheurs se faisaient attraper et punir, ce qui engendrait la violence. A terme, cela créait la paranoïa, puis plus personne ne voulait aider personne. Dans un espace clôt comme Marbrume, cet effet de domino se démultipliait, personne ne pouvant fuir ce mal. A la fin il ne resterait que les meilleurs tricheurs, ou les tueurs.


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MessageSujet: Re: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptySam 7 Sep 2019 - 19:56
Al’ avait reçu la bourse presque en pleine poitrine, si surprise qu’elle avait failli la laisser tomber. Elle avait tenté pendant un fragment de seconde de s’enfuir avec, puisque la femme s’offrait si gentiment de lui en faire cadeau, mais l’image de son père s’imposa alors à elle et la jeune fille se reprit bien vite. Elle se sentait vaguement honteuse de tenir cet argent entre ses mains désormais. La femme avait réussi à lui donner une odeur que la voleuse n’était pas sûre d’apprécier. Elle ne volait pas pour faire du mal à autrui, elle chassait raisonnablement, juste pour trouver de quoi manger. Evidemment, il serait malhonnête de penser que ça n’aurait pas de répercussions sur autrui, mais elle n’avait pas l’abnégation ni la résilience de cette femme. Elle lui rendit sa bourse avec douceur.

“Garde ton argent, qui que tu sois. Tu devrais te ménager, on ne survit pas longtemps à s’oublier soi-même. C’est bien beau de se donner pour les autres, mais tu ne sauveras pas tout Marbrume, tu sais.”

Elle esquissa un sourire sincère, et renchérit finalement :

“Moi c’est Alaïs. Mais mes amis m’appellent Al’.”

Les questions d’argent étaient dépassées, l’histoire de vol également, il était temps d’aller de l’avant et elle lui tendit une main en guise de paix, ou d’un nouveau départ. Elle sentait le regard bienveillant de cette femme sur elle, et ce n’était pas tous les jours qu’on faisait preuve de générosité avec elle, surtout dans ces étranges circonstances. Quand la femme renchérit sur une nouvelle proposition, Al’ pencha la tête en fronçant les sourcils.

“Te suivre ? Mais où ? Et qu’est ce que tu fabriques d’ailleurs ? Désolée, mais je ne peux pas quitter ma troupe et le Goulot. C’est à eux que je dois ma survie jusque là. On s’entraide, on se débrouille. Ils comptent sur moi et je compte sur eux, comme on dit. C’est ma façon à moi de contribuer à la survie, tu vois.”

Elle dansait d’un pied sur l’autre. La femme avait l’air raisonnable, mais si elle poursuivait sur cette route, elle finirait par trouver des gens bien moins amicaux que la jeune voleuse, et qui profiteraient avidement de sa bienveillance.

“Tu as des proches, des gens sur qui compter toi ? C’est pas prudent à ton âge de rester seule. Il y a des assassins et des chapardeurs pires que moi ici. Tu veux que je te raccompagne quelque part ?”

Après tout, elle pourrait peut être faire quelque chose pour elle, finalement.
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MessageSujet: Re: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptyDim 8 Sep 2019 - 22:55
Magda récupéra l'argent et le remit à sa place. Elle n'allait pas se mentir, pour un moment, elle avait eu quelques doutes... Mais la réaction d'Alaïs confirma ce qu'elle pensait, la fille gardait toujours son cœur au bon endroit, elle était juste méfiante. Une attitude difficile à reprocher par les temps qui courent. Franchir cette barrière demandait des preuves de bonne foi, ainsi qu'une certaine énergie pour quitter l'inertie imposée par cet état d'esprit, elle le savait.

Sauver tout Marbrume à elle seule ? Peu probable. Pourtant, l'histoire avait montré comment un petit groupe de personne douée d'une volonté suffisante pouvait faire une énorme différence, et échapper au courant de la masse. Magda croyait sincèrement que l'effort d'un seul pouvait changer les choses, sinon elle ne se fatiguerait pas à essayer. Si ses actes arrivaient à décider un changement dans l'esprit d'une poignée de gens, et que ce groupe transmettait cette volonté à d'autres, alors le mouvement s'amplifierait jusqu'à toucher tout le monde. Malheureusement, cette idée simple s'entrechoquait souvent contre la méfiance, voir contre la violence. La lutte pouvait paraître inégale, mais l'espoir était là. Il fallait le chérir et la graine fragile réussira à pousser.

"Magdalena."
Plutôt que de simplement serrer la main d'Alaïs, l'artisan lui attrapa l'avant-bras dans un salut plus fraternel.
"Magda, ça va très bien. Évite juste la vieille Magda."

"Je fabrique des boîtes pour y mettre des choses, à l'origine. Maintenant, un peu toute sorte de réparations d'objets en bois. Par nécessité."
Elle comprenait la réserve d'Alaïs à s'aventurer hors de sa zone bien repérée.
"J'entendais, au cas où tu aurais besoin de quelque chose à manger, tout en gardant tes mains dans tes poches. Rien d'autre, elle ajouta : "c'est pas la cuisine royale mais ça tiens l'estomac."

Magda sourit à la proposition d'Alaïs. Avoir un groupe sur qui compter était une bonne chose, la notion de communauté prenait une importance encore plus grande dans ces temps troublés. Du fait de ses expériences passées, Magda cultivait son isolement avec un peu trop de zèle. Elle se rappelait non sans nostalgie de sa vie avec les Carant, qui l'avaient finalement acceptée comme partie intégrante de la famille. Jusqu'à ce la Fange ne détruise tout. Reconstruire quelque chose de similaire à Marbrume était quelque chose d'envisageable depuis sa rencontre avec l'étrange Esméra. Elle avait juste besoin de faire définitivement la paix avec ce qu'elle avait enfermée au fond de son cœur.

"A mon âge ? Bah !"
Ce qui faut pas entendre !
"Je suis arrivée à un point où je ne risque plus grand chose, c'est l'avantage quand plus personne ne veut te coucher sur la paille...."
Pas que ce me manque beaucoup, de toute façon.
A voir le nombre de marques et cicatrices juste sur les bras de Magda, on devinait qu'il ne s'agissait pas que d'accidents. Durant ses voyages elle avait été tabassée plus d'une fois, et même entaillé, au point que sens sentaient maintenant venir le vent tourner, ce qui évitait la plupart des problèmes. En général.
"Mais si tu proposes si gentiment, je ne vais pas refuser la compagnie, l'amie. Je me rends au Temple, si veux faire la marche."
Elle réajusta sa veste.
"Tu as parlée d'une troupe ? De quoi s'agit-il ?."


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MessageSujet: Re: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptyLun 9 Sep 2019 - 22:08
“Eh ben, c’est une bande de drôles, Kryss est le chef des Macchabées, c’est comme ça qu’on s’appelle. On se produit surtout dans le Goulot, mais on ne crache pas sur les étrangers. La plupart ont une allure à faire peur, mais ils ont grand coeur, Kryss m’a pris sous son aile, quand les Fangeux ont attaqué…”

Elle avait saisi le bras de Magda sans rechigner, lui adressant un sourire tout naturel quand elle s’était présentée à elle. Al’ admirait le parcours sinueux de ses rides comme le réseau d’un cours d’eau, petites rigoles qui lui rappelaient trop le visage parcheminé de son père. Il restait de la malice dans les yeux de Magda, et quelque part, Al’ espérait aller jusqu’à cet âge pour se vanter d’avoir une telle présence. Cheminant avec sa nouvelle compagne, elle l’interrogeait sur son métier.

“Des boites vraiment ? C’est qu’il faut avoir des choses à mettre dedans ! Moi tout tient dans mes poches !” C’était plus ou moins vrai, elle gardait sa sacoche usée uniquement pour ses rapines, et elle battait souvent vide à sa hanche. Elle voyait peu ce qu’elle pourrait traîner avec elle, de toute façon.

“Enfin c’est un beau métier de savoir sculpter et réparer des trucs. On peut pas trop se permettre de jeter quoi que ce soit désormais.” Commentaire des plus banals, mais des plus pragmatiques. Les riches devaient sûrement trouver utilité à passer commande auprès de Magda, ce qui expliquait sûrement son discours. Les pauvres gens réparaient eux-mêmes leurs propres bricoles, et n’avaient certainement pas besoin de boites pour y entreposer quoi que ce soit.

“Alors comme ça tu vis près du Temple ? Moi j’y vais jamais ou presque. Ca fait loin, et puis les thermes…”

Elle ne finissait pas sa phrase. On y trouvait plus de mains salaces que d’eau fraîche. Et puis il valait mieux exécuter ses méfaits loin du regard des dieux. Alaïs s’était toujours sentie mal à l’aise en présence des prêtres. Elle n’aimait pas les regards lourds d’une sentence muette qu’ils posaient sur elle, la fille de rien, la chapardeuse, l’acrobate (presque) sans vertu. Elle ne recherchait pas l’absolution, de toute manière. Les dieux sauraient bien venir la juger le moment venu. Et une vague colère bouillait dans ses entrailles. Qu’avaient-ils fait tous contre la malédiction des Fangeux ? Mieux valait ne pas s’égarer sur cette pente glissante, et elle n’aborderait pas ce genre de sujet avec une femme aussi pieuse que Magda.

“Enfin quoi qu’il en soit, ça me fera une balade, il fait beau, y’a rien qui presse.”

Elle allait toujours en avant, le nez vers le ciel, battant le pavé comme un rat des champs devenu rat des villes. Elle en oubliait où ses pas la menaient, suivant le vent et la présence de Magda à ses côtés, ses mains enfoncées dans ses poches trouées. Peut être un peu trop confiante ? En arrivant du côté du quartier de la milice, elle entendit soudainement le bruit caractéristique des semelles des gardes s’approcher en rang serré. Mue par un réflexe elle se tendit et baissa la tête. Trop tard. Le mouvement avait dû alerter un des miliciens car quelques instants plus tard, une grosse voix les interpella :

“Halte là !” Les deux femmes durent bien s’arrêter. Mais ils ne venaient pas pour Magda. Quatre hommes d’arme à la mine peu engageante se plantèrent devant les deux compagnes, mais leurs regards étaient braqués sur la voleuse. Celle-ci étira un sourire enjôleur, un peu fier.

“Que de braves hommes de la cité pour nous défendre ! Bonjour messieurs, qu’est ce qu’on peut faire pour votre service ?”

Les gardes n’avaient nullement envie de sourire, et l’un d’eux empoigna le bras de la voleuse sans ménagement pour l’approcher de sa vue.

“Je connais ton visage à toi, c’est quoi ton nom ?”

Alaïs avait frémi, mais elle se démena à peine.

“Alaïs. Mais mes amis m’appellent Al’ ! Enchantée ! Et toi c’est quoi ?”

L’homme la rabroua brusquement.

“Petite catin. Tiens ta langue, morveuse, ou je te la coupe !”

L’homme tenait visiblement au respect du grade, et Al’ dut se retenir de lui cracher à la figure. Elle dissimulait difficilement un air de défi à son adresse et le garde le perçut trop nettement pour l’ignorer. Il se tourna vers ses compères pour leur demander s’il n’y avait pas un avis de recherche sur la tête de la gamine et ils se consultèrent un instant à mi-voix, retenant toujours Alaïs par le bras. Elle fut soudainement repoussée contre un mur sale et subit une fouille des plus expéditives et abruptes. Serrant les dents, elle supporta le contact des mains rudes du milicien qui l’avait saisie, s’immisçant dans les replis de ses vêtements, malaxant sa chair sans égards, comme un bout de viande, retournant le contenu de sa sacoche sur le sol, rempli des dernières victuailles chapardées plus tôt dans la journée. Al’ sentait que le vent était en train de tourner et se débattit un peu dans la poigne du milicien, cherchant à se retourner.

“Eh, c’est à moi ! Je l’ai gagné !” Elle mentait effrontément, mais quoi, elle n’allait tout de même pas avouer à ces miliciens comment elle avait “gagné” son pain. Pour l’heur, elle en fut quitte pour une gifle appliquée avec force à l’arrière de son crâne et elle mordit la pierre de ce mur qui lui faisait face. Elle grogna mais cessa de bouger. Les miliciens interrogeaient maintenant Magda.

“Qu’est ce que tu fabriques avec la racaille, toi ?”
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Magda



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MessageSujet: Re: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptyJeu 12 Sep 2019 - 3:00
Alaïs était donc acrobate, dommage qu'elle se trouvait forcée à utiliser son adresse dans des méfaits pour gagner de quoi vivre. On regardait moins l'Art, trop préoccupé par la menace qui pesait sur la tête du monde. Pourtant, vivre était une chose, mais la vie sans plaisirs tenait de l'asservissement, la créativité et l'intention se retrouvaient étouffés et tout se couvrait de noirceur. Alors si on perdait la joie, la Fange n'avait-elle pas déjà triomphé ?

Le duo évita de reprendre la voie principale, trop encombrée par la foule. Alaïs connaissait quelques détours et guida Magda vers un passage bordé de maisons aux façades peintes, blanches ou rouges. Le revêtement brisait la monotonie des autres ruelles, épargnant aux marcheurs l'éternel dégradé grisâtre caractéristique des bas-quartiers. A dire vrai, il s'agissait d'une section plus agréable, un peu plus huppée même, plus sûre probablement, d'où le choix de la jeune femme. Il y avait aussi quelques lierres, qui parvenaient à crever le pavement pour s'accrocher aux surfaces de pierre. Les plantes têtues apportaient une touche de douceur aux angles durs des bâtiments.

L'artisan sourit au commentaire d'Alaïs. Elle avait un drôle de métier, ça n'en était pas vraiment un, au départ. Cela tenait plus de l'obsession, un mécanisme pour se vider l'esprit. Parmi les alternatives, elle avait sérieusement envisagé de planter des poteaux, pour faire des clôtures, à grand coup de marteau. Une activité sans surprise, qui ne ment pas, c'est simple et ça permet de ne penser à rien. Mais à l'époque, la violence des chocs suffisaient à lui rappeler trop de souvenirs. Il lui fallait quelque chose plus subtile, de complexe. Ce qu'elle aimait le plus dans les boîtes, c'était d'imaginer un mécanisme de verrou, toujours sans parties métalliques - comme un puzzle.

"J'ai commencé ça pour moi seule. Puis un jour un homme m'a vu et m'a proposé un prix. Alors... elle s'esclaffa, je peux te dire que je n'ai jamais rencontré de concurrence. Moi aussi je préfère les poches ..."

Elle ne pu s'empêcher de repenser succinctement au jour au elle avait enterré douze boîtes, de façon compulsive, acharnée, sous un soleil de plomb. Un autre de ses accès de folie. Le soulagement qu'elle avait ressenti cette fois-là... à s'arracher tout une collection de mauvaises mémoires. Le souvenir lui paru presque honteux, pour quelque raison, comme trop personnel même pour elle. Cela n'avait aucun sens, alors elle banni la pensée rapidement avant de se faire happer par une autre rêverie.

"Je vis dans un refuge installé par le Temple. C'est mieux que la rue, comme beaucoup d'autres migrants, mais je préférais l'extérieur. Dormir à la belle étoile, sans un seul mur, sans rien, ça m'allait très bien. Ici tout est si sale... j'aurais peur de me changer en poussière. Je pense que c'est pour ça que les gens ne font pas de vieux os."

Au détour d'un croisement, un bloc de quatre gardes débarqua, traversant la rue à une cadence martiale. Magda ne réalisa pas tout suite les implications, mais son instinct capta la soudaine raideur d'Alaïs, qui baissa nerveusement la tête. Lorsqu'elle entendit les deux mots fatidiques, la situation se révéla dans toute son évidence. L'artisan n'eut pas le temps d'esquisser le moindre geste que l'un des hommes s'en prenait déjà la voleuse. Et plutôt que de faire profil bas, la petite assuma un culot sans bornes en jouant des hyperboles. Son air de fête ne prit pas et le type se sentit provoqué, ou peut-être cherchait-il juste une excuse à l'être. Le butor entama une fouille arbitraire.

Magda avait toujours eu un problème avec l'abus d'autorité, un trait imprimé au fer depuis ses seize ans. Elle s'était assagie et ne cherchait plus le désordre, au contraire, mais la scène qui se déroulait sous ses yeux constituait un cas de force majeure. Ce ne fut que lorsqu'on lui adressa la parole que Magda s'arracha à la surprise. Abandonner Alaïs à son sort laisserait une marque honteuse. Malgré ses errances, la jeune femme ne méritait sûrement pas une telle violence, le comportement des soldats était d'une indignité frôlant l’infamie.

"Par les Trois, quelle est cette façon de faire ?"
Le milicien allait répliquer mais elle le prit de court, d'une voix bien tempérée.
"Ca vous prend souvent d'agresser les passants de la sorte ? Vous là, et l'autre aussi, pourquoi êtes-vous dans la milice ? Et votre serment de protection ? Vous devriez montrer l'exemple, être meilleurs que le reste ! De mon temps, soldat ça voulait dire quelque chose, ça signifiait loyauté, droiture et honneur, se dresser pour défendre le peuple et non pas à l'ostraciser !"
"L'austra-quoi ?"
"Je n'ai pas fini !"
Même si Magda ne mettait pas un mot plus haut que l'autre, l'homme eut un mouvement de recul. C'était un jeune, à l'expression moins dure que ses camarades.
"Mon frère était un soldat, un vrai, jamais il n'aurait fait une chose pareille, il serait mort de honte ! Voilà, votre comportement est une honte, pour le corps militaire, et face à la Trinité. Que Rikni est pitié, je pèse mes mots, excusez-moi ! Cette fille a sûrement fait des erreurs, c'est vrai, mais une jeune comme ça ? Vous êtes sûrement tous irréprochables ? On devrait s'entraider, non pas s'antagoniser."
Le type fronça les sourcils, encore perdu.
"Vous ne croyez pas qu'il y a mieux à faire ? Avec la Fange aux portes de la ville, que de courir après une gamine un peu paumée ? Vous avez l'impression qu'elle est une menace pour Marbrume ? Quand je vois les truands qui marchent dans la ville, en plein jour, et qui osent même porter l'uniforme de la milice ...'"
Le milicien regarda les alentours, alerté, puis réalisa que Magda parlait de lui.
"Sergent, j'ai besoin d'un coup de main, on fait quoi avec celle-là ? Je comprends vraiment pas tout ce qu'elle raconte, c'est trop difficile."

L'homme qui retenait Alaïs contre le mur se retourna, relâchant la pression sur la jeune femme. Il jaugea Magda un instant, aussi perplexe que son subalterne. Après s'être frotté le menton en faisant mine de réfléchir, le chef haussa les épaules.

"J'en sais rien. Elle a plus l'air de première fraîcheur de toute façon... les vieux ça sait plus trop ce que ça raconte des fois, laisses-tomber."
Magda resta bouche bée. Pour le première-fois depuis le début de sa tirade, elle monta de ton.
"Je vous demande pardon ? Bande de verges molles !"
"Bon, bah, dans le doute, on l'embarque avec l'autre."


Dernière édition par Magda le Ven 13 Sep 2019 - 3:35, édité 7 fois
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Alaïs Marlot



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MessageSujet: Re: Jeux de mains [Magda/Alaïs]   Jeux de mains [Magda/Alaïs] EmptyJeu 12 Sep 2019 - 14:11
Les méninges de l’acrobate faisaient des exercices de haute voltige. Elle était cuite. Magda était cuite. Elles allaient finir en geôles et Alaïs savait le sort qu’on réservait aux voleurs. Qu’elle ou Magda perdent une main et leurs vies seraient ruinées. On avait tout autant besoin de ses mains pour jongler et bondir que pour fabriquer des boites, aussi futiles soient-elles. Sans parler qu’à ce genre d’opération, on ne survivait que rarement dans le Goulot. Elle avait déjà vu de pauvres types avec leur moignon tout ensanglanté à peine enrubanné d’un tissu sale. Ils n’avaient pas passé la semaine. Elle trouva une certaine ironie à l’idée que c’était en voulant faire une bonne action qu’elle en était arrivée là. Tout ce que Magda essayait justement de lui inculquer avec sa sagesse ancestrale.

Sauf peut être en ce qui concernait les “verges molles”... Al’ doutait qu’elle eut voulu lui enseigner cette insulte, mais elle ne put retenir un léger ricanement quand elle fusa. Il faudrait qu’elle la ressorte un jour. Si elle retrouvait la lumière du jour. Les gardes l’avaient déjà saisie cependant et elle sentit le contact rude et froid d’une paire de menottes sur ses poignets. Elle retrouva tout son sérieux et un sentiment de panique s’empara d’elle quand elle comprit qu’ils allaient vraiment l’embarquer et qu’elle n’avait plus moyen de s’échapper. Ca ne pouvait pas être la fin. Elle n’avait aucun moyen de contacter Kryss, et elle doutait que ça soit une bonne idée. Le saltimbanque n’avait pas meilleure réputation qu’elle-même et sa troupe de monstres encore moins. Ils ne s’attireraient que des ennuis à tenter de la tirer de là et de toute façon, elle ne pouvait envoyer personne si loin dans le Goulot.

Il fallait trouver une solution et vite. Si elle entrait dans la prison, elle était persuadée que personne ne l’y trouverait à temps pour tenter de racheter sa liberté. Elle tourna des yeux affolés vers le garde qui la saisissait et l’implora de toute la force de son âme :

“J’vous en prie m’sieur, n’embarquez pas cette femme ! Elle me connait pas, on vient juste de se rencontrer… Je voulais lui faire les poches, je veux bien l’avouer, mais elle a appelé personne parce qu’elle voulait pas m’attirer d’ennuis ! Elle cherche juste à regagner le temple ! Elle aide les gens, c’est une bonne croyante ! Je suis sûre que vous trouverez un prêtre là bas qui pourra le confirmer ! Laissez la tranquille, elle ne supporterait pas la geôle à son âge, par pitié !”

Elle suppliait si bien le garde, les larmes aux yeux, que le type se laissa fléchir, l’air de douter. Embarquer une vieille femme, tout de même. Magda en fut quitte pour une fouille un peu plus délicate que celle qu’avait subie Alaïs et on constata effectivement qu’elle ne possédait rien qui ressemblât à de la marchandise volée. On lui demanda sa version pour la forme, afin de confirmer l’histoire de la voleuse. Al’ hochait vigoureusement du chef dans sa direction, la suppliant du regard à son tour. Si tu te fais embarquer avec moi, on trouvera personne pour nous aider. Finalement, on relâcha Magda, une insulte ne pouvait constituer un motif d’emprisonnement à elle-seule.

“Qu’on embarque la gamine ! Laissez la vieille à son sort.”

Alors que les gardes s’apprêtaient à l’embarquer, Al’ se jeta brutalement de côté presque dans les bras de Magda, comme pour l’embrasser une dernière fois mais aussi et surtout pour lui glisser quelques mots à l’oreille sans être remarquée des gardes.

“Va voir Karl Stanner sur le port, c’est un marchand de grains. Dis lui qu’Alaïs Marlot a des ennuis avec la milice… S’il rechigne, rappelle lui qu’il me doit une paire de doigts. Il comprendra.” Il était la seule personne qui pouvait la tirer de ce faux pas à cette heure. Il l’avait déjà sauvée par le passé, et il avait la mine respectable dont elle manquait. Elle espérait que le zèle dont elle avait fait preuve à son service lui donne un argument de poids pour le décider à venir la chercher. A ce stade, c’était la seule carte qu’elle pouvait abattre. Elle donna ensuite l’adresse du marchand à toute allure, en espérant que Magda ait bonne mémoire. L’homme était un commerçant relativement facile à trouver mais cela faisait pas mal à ingurgiter en quelques secondes. Elle jeta néanmoins tout son espoir en cette femme qu’elle connaissait à peine et se laissa embarquer.

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