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 Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]

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Landric L'OiseauMilicien
Landric L'Oiseau



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MessageSujet: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyVen 9 Aoû 2019 - 22:26
Landric connaissait chaque pouce de cette route, chaque ruine au bord du chemin, chaque mare d'eau croupie, chaque arbre, chaque pierre. Il l'avait parcourue dans un sens comme dans l'autre, des centaines de fois depuis l'année passée et en ayant assez de chance pour ne pas subir d'incident majeur. Il savait aussi qu'étant un cavalier, il était bien plus utile sur la route qu'entre les murs de la ville. Pourtant, malgré touts ses efforts pour rationaliser, l'angoisse ne le quittait pas quand il s'agissait de se lancer sur ce court trajet entre Marbrume et Usson. Après deux mois en ville, il était temps de retrouver son affectation principale.

Dans un sens, il n'en était pas mécontent: L'Oiseau avait le sentiment de rentrer à la maison, lui qui s'était toujours senti assez mal à l'aise dans l'agitation grouillante de la grande cité, mais n'était pas plus rassuré de traverser, encore, les marais vers le Labret. Des mathématiques élémentaires, instinctives, lui permettait de comprendre parfaitement que plus il faisait ce trajet, plus il avait de chance d'y trouver le funeste point final de son existence. D'autant plus que les unités avaient été quelques peu bouleversées, pour le renvoyer à Usson, on lui faisait compléter une escorte essentiellement composés d'inconnus pour accompagner des voyageurs se rendant hors de la ville. Landric évoluait comme un fantôme au milieu de tous ces gens qu'il n'avait jamais vraiment cotoyé, obéissant aux ordres sans rien dire, d'autant qu'il était mal à l'aise avec le fait de protéger des gens pour ce type de voyage: la reconquête du Labret était encore fraîche dans son esprit.

Ce trajet avait donc tout pour l'inquiéter, alors que tous étaient groupés près des portes de la ville avant le départ. D'une main moite, il resserrait la sous-ventrière de sa monture qui s'agitait, indisciplinée. Par dessus le garrot de son cheval, il jeta un œil au convoi qui s'organisait petit à petit. Il y avait deux chars à bœufs, l'un transportant des passagers dans un confort sommaire et l'autre des tonneaux que l'on retournait à l'envoyeur après usage, prêts à être remplis à nouveau par des denrées venant de tout le Labret, vin, bière, huile, salaisons. Une grande majorité des personnes voyageraient à pied, ce qui ralentirait considérablement leur progression. Le trajet durait généralement deux jours, il leur en faudrait trois, voir plus selon la condition physique des marcheurs.

Si marcher dans les marais n'avait jamais rien de réjouissant, y passer la nuit était pire et Landric priait pour que le voyage ne s'allonge pas sur un quatrième jour, ce qui poserait problème au vu du peu d'étapes sûres où passer la nuit. Des marcheurs capricieux, un bœuf blessé, une roue enlisée, même sans compter sur les fangeux et les pillards, il y avait de multiples façon d'être ralentis en route. Alors qu'il mettait le pied à l'étrier, il s'efforçait de se concentrer sur autre chose que sur sa peur, une technique qui avait souvent fait ses preuves par le passé. Il avait après tout, promis à Alaïs de fureter à droite et à gauche, pour voir si il pouvait remettre la main sur son père. Landric s'y était bien sûr tenu, et sitôt de retour à la caserne, il avait commencé à demander autour de lui.

Le nom de Marlot n'avait pas été complètement inconnu à ses camarades. Un des miliciens, natif de Usson, se souvenait du raffut qu'avait fait une épouse infidèle, ou de quelque chose du genre, ce qui correspondait assez bien au récit qu'Alaïs avait fait sur l'histoire de sa famille. Un autre c'était souvenu qu'un homme avait aussi tenté de retrouver sa fille en s'adressant à lui, mais si le nom de famille lui avait été familier, il n'avait pas su dire si les prénoms correspondaient. Landric était donc assez optimiste quand à la survie de Colman Marlot, même si les quelques informations qu'il avait pu glaner étaient assez floues. Une fois à Usson, qui n'était pas si grand, il serait facile de retrouver sa trace.

Le début du voyage passa vite, trop vite au goût de L'Oiseau. Les faubourgs et les alentours de la ville lui semblaient encore assez sûrs, mais bien rapidement, le convoi fut au milieu des marais, livré à lui même. Les petites gens vulnérables n'étaient protégés que par le faible rempart des miliciens qui seraient bien impuissants en cas d'attaque massive. Les chariots ouvraient et fermaient la marche, pour servir de barricades de fortune au besoin, celui transportant les voyageurs en tête, pour assurer leur fuite si la situation était désespérée. Entre eux, marchaient en silence ceux qui n'avaient pas les moyens de se payer une place dans un chariot, une grosse trentaines de personnes qui avançaient du pas pesant de celui qui s'économise pour tenir la longueur.

Les miliciens encadraient tout ce monde comme autant de bouviers menant un troupeau, Landric était positionné plutôt à l'arrière, au niveau des bœufs tirant le chariot de tonneaux. Son cheval connaissait le chemin et son travail aussi bien que lui, il n'avait pas à le guider, tout au plus à le freiner un peu car l'animal s'impatientait d'avancer au rythme lent des piétons. Leur première étape serait à Conques, pour y passer la nuit. Aussi, il surveillait le soleil avec la plus grande attention: il n'était même pas midi, mais il craignait que le convoi n'avance pas assez vite pour atteindre le bourg avant la nuit. Pour l'instant, le délai qui leur restait lui semblait raisonnable, mais personne n'était jamais à l'abri d'une surprise au milieu des marais.


Dernière édition par Landric L'Oiseau le Dim 11 Aoû 2019 - 20:14, édité 1 fois
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Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptySam 10 Aoû 2019 - 14:39
Alaïs sentait sa respiration s’emballer comme si son coeur allait traverser sa cage thoracique. La peur lui tenaillait le ventre, les grognements se rapprochaient à chaque battement de coeur. Mais ils ne se rapprochaient pas d’elle, non, et malgré tout elle continuait de courir droit devant elle, zigzagant au milieu de marécages infâmes et légèrement vaporeux. Comme un animal paniqué, elle était incapable de s’arrêter, ses pieds la portaient malgré elle, toujours en avant. Trouver la hauteur, trouver les étoiles et le ciel. Finalement, il n’y avait que les Trois pour les sauver, pour la sauver. Ou était-ce une illusion ? La lune restait muette, contemplant ses enfants en perdition mourir et s’entre-dévorer. Alaïs poussa un cri de pure désolation. Elle s’écorchait maintenant les mains à grimper le long d’un arbre dépouillé, et elle montait toujours plus haut, lorsqu’elle le sentit. Cette traction brutale vers le bas, l’arrachant aux étoiles et à la salvation. Quelque chose la tirait brutalement pour la faire retourner à la boue à laquelle elle appartenait, corps et âme.

Tu ne t’échapperas pas, pas cette fois. Cette voix c’était la voix des dieux, accusatrice, porteuse du châtiment. Elle sentait l’haleine fétide du monstre qui la surplombait, ses griffes plantées dans ses côtes. Regarde, Alaïs. Regarde les ténèbres en face. Mais elle s’y refusait. Tout son être se rebellait contre l’évidence. Elle aurait voulu être aveugle et sourde, mais elle entendait les cris autour d’elle. Des cris inhumains et les images s’imposaient à elle, avec ou sans l’aide de ses yeux. Les créatures étaient partout. Elles avaient le visage des vivants, mais pourtant leur expression n’était plus que rage et fureur. Impossible d’échapper à pareil courroux. Rejoins-nous. Retrouve-moi. Le timbre de la créature avait changé. Elle ne pouvait résister à celle-ci, comme le chant irrépressible des sirènes entraînant les marins dans les abysses. Alaïs ouvrit les yeux et réprima un profond sanglot. C’était le visage de son père, déformé par la Fange et qui luisait d’une expression féroce qu’elle n’avait jamais lue chez lui, si doux et si taciturne. Les miasmes du marais avaient commencé à le changer à le déformer, tordant ses traits et ses membres de manière aberrante. Regarde ce que tu m’as fait.

Les Fangeux ne parlent pas. Les Fangeux ne ressentent rien. Ni regret ni haine. Chiche. Tu veux t’en convaincre ? Viens avec moi et tu sauras. Les yeux de son père, son timbre glacial l’enlisaient plus profondément dans la glaise grasse à chaque seconde, bientôt la boue la mangerait à son tour, la transformant plus sûrement que les crocs de la bête, devenue son père ou inversement. Et maintenant, elle criait ses regrets, elle implorait son pardon, mais nul salut ne vient jamais de la Fange sinon la mort. Les griffes de la bête l’enfonçaient inexorablement dans la terre, prête à la dévorer autant qu’à l’étouffer. Et tandis qu’elle sombrait, le visage du monstre se déforma, les excroissances végétales se modifiant. Elle n’en aurait donc jamais fini avec l’horreur. Ces yeux tristes et gris. Non, non. Pas lui. Ce visage émacié, ces lèvres fines et serrées par la douleur. Pitié. Elle suppliait les dieux à nouveau, avec plus de ferveur, retrouvant la fureur de ses bras et de ses jambes, refusant cette nouvelle vision.

Mais la transformation continuait, inexorable, et la pression des griffes contre ses côtes perçaient plus sûrement ses chairs à mesure qu’elle se débattait, l’irradiant de douleur. Un fin rideau de végétation verdâtre poussa sur le crâne de la créature, entourant les traits familiers qu’elle chérissait encore. Maintenant tu vois, maintenant tu sais. Rejoins-nous, et tu n’auras plus jamais froid. Elle sanglotait d’impuissance et de terreur, et l’abomination aux traits familiers eut comme un rictus de tendresse tandis qu’elle se penchait vers elle, lèvres retroussées, apposant ses lèvres glacées contre sa peau comme pour l’embrasser. Avant qu’elle ne lui arrache la gorge, annihilant sa vie et son humanité, Alaïs hurla.

***

Le soleil. Le soleil se levait chaque jour, quelles que soient les horreurs de la nuit. Alaïs avançait à vive allure, la mine basse et fermée. Elle tâchait de se faire discrète, et commençait à maîtriser l’art de se fondre dans la foule des Bas Quartiers, exploitant la moindre ombre qui s’offrait à elle. Elle avait volé quelques atours sur une corde à linge, se rendant moins facilement reconnaissable. Rien qu’une robe simple et terne qu’elle avait passée sur son pantalon, et un grand carré d’étoffe qu’elle avait noué autour de son visage en capuchon, à la manière des gens du Labret, dissimulant ainsi l’éclat trop reconnaissable de ses cheveux. Elle retrouvait la pesanteur de l’épaisse chemise et de la cotte qui constituaient la robe, et elle soufflait déjà de se trouver ainsi entravée et alourdie. Le trajet jusqu’à la caserne n’avait pas pris beaucoup de temps, et elle avait encore la tête plongée dans ses adieux - même temporaires - avec la troupe des Macchabées, quand elle heurta un milicien de plein fouet.

L’homme ne la rabroua pas, se montrant au contraire aimable et courtois, ses atours féminins en étant probablement la cause, et il l’aida à se redresser, lui signalant même où se tenaient les préparatifs du départ. Elle devrait songer à se déguiser plus souvent. Elle scruta la foule, entre paysans et miliciens, boeufs et chevaux, se mettant à l’abri d’un auvent d’écurie. Ses yeux passaient en revue chaque visage, chaque silhouette, quand elle l'aperçut, un peu à l’écart, forcément, en train de sangler son cheval. Il avait la même expression qu’elle lui avait connue lorsqu’ils s’étaient rencontrés, grave et mélancolique, bien que ce jour-ci, ses gestes se faisaient plus secs et plus nerveux. Il était inquiet. Et malgré elle, elle poussa un lourd soupir. Il était vivant. Une vérité stupide et évidente, mais jusque là le soleil n’avait pas réussi à lui réchauffer les os. Un sourire naquit sur son visage alors que la réalité reprenait souffle et vie dans sa poitrine, chassant les ténèbres de la nuit. Elle savait ce qu’elle avait à faire.

Se joignant à la foule des paysans, elle tira la petite bourse qu’elle avait dérobée à l’aimable milicien qui l’avait redressée sur ses jambes si galamment. Un petit tour qu’elle lui rendrait sous peu, en payant son passage de ses propres deniers. Elle se glissa entre deux femmes d’un certain âge dans le faible espace du chariot, tout en veillant à garder la mine basse et un air timoré. Elle ne répondrait aux questions que par de timides réparties. Elle n’était pas très connue, mais il valait mieux éviter de tomber sur une ancienne connaissance. Elle n’avait aucun plan, et alors que le cortège commença à s’ébranler, elle eut un sursaut, prête à se jeter hors du chariot. Elle faisait exactement ce qu’elle s’était juré de ne jamais faire. Elle allait sortir de la ville. Elle allait rejoindre le Labret.

Elle aurait pu rester en ville en attendant le retour de Landric mais son rêve était trop réel, trop présent alors même que le soleil grimpait au Zénith. C’était stupide et incontrôlable. Et il était trop tard pour revenir en arrière. Déjà les solides murailles de la ville s’éloignaient, et le cortège avançait bien trop lentement à son goût. On ménageait trop de pauses, bien que nécessaires, et même les bêtes s’impatientaient, conscientes du danger qui les guettait probablement. L’angoisse lui sourdait sournoisement la poitrine alors qu’elle reconnut l’odeur des marais, avant même d’en apercevoir les contours. Un petit cahot, et le chariot s’arrêta. Quoi, on allait pas faire une pause ici ? Alaïs réprima un grognement angoissé.

“Tout le monde descend ! Le chariot est embourbé !”

C’était donc ça. Alors que tous les paysans se glissaient déjà en dehors de leur véhicule de fortune, les hommes furent réquisitionnés pour dégager la roue prise dans la glaise épaisse d’un trou d’eau que les conducteurs n’avaient pas su distinguer. Et déjà Alaïs scrutait les brumes alentours, la main crispée sur le manche de sa dague attachée à sa ceinture. Elle ne s’était jamais sentie si vulnérable.
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Élisabeth BlanchevigneCoutilier
Élisabeth Blanchevigne



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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyLun 12 Aoû 2019 - 13:16
C’est le coeur battant et les yeux pleins d’espoirs qu’Elisabeth ajusta son carquois sur son dos, accompagné de son nouvel arc qu’elle avait obtenu en récompense de ses services lors de l’invasion. Il avait été longtemps synonyme de frustration tant obtenir un nouveau jouet et être incapable de s’en servir pendant plus d’un mois relevait de la torture, et elle avait longtemps hésité à tenter de décocher un trait pendant cette période. Mais sa blessure douloureuse et les préconisations des prêtres avaient été formelles : Aucun effort ni exercice avec son bras meurtri. Et elle s’y était tenu malgré elle.

Mais aujourd’hui, alors que la milice avait été cantonné presque complètement à la sécurité de la ville... Aujourd’hui elle allait enfin retourner à l’extérieur. Certains étaient bien moins heureux, mais elle, malgré les dangers, avait hâte de retrouver les étendues sauvages et d’enfin quitter cette ville étouffante. Mais son enthousiasme et cet appel de la nature était teinté d’appréhension. Elle n’avait pas recotoyé la fange de près depuis l’invasion et rien que cette pensée continuait de lui rappelait la vision cauchemardesque qu’elle avait eu à ce moment. Là où elle avait contemplé la mort en face, la mort personnifiée par des griffes et des dents effilées.

Cette fois, elle n’aurait pas sa coutellerie avec elle, en plus. Le groupe d’escorte avait été recomposé de divers miliciens. Le voyage aller se ferait presque à vide, avec quelques passagers, et le retour devrait ramener des provisions à la ville fortifiée. D’ailleurs, un cavalier était cette fois ci de la partie. La jeune femme prit le temps de contempler quelques instants la bête. Elle n’avait jamais eu de chevaux, ni elle ni sa famille, préférant les boeufs en général. Plus forts, moins rapides, mais surtout moins chers. Pour posséder un tel animal, il devait certainement avoir eu à l’époque au moins une certaine somme d’argent. Ou bien était-il un cavalier émérite et le cheval appartenait à la milice. Elle ne s’en formalisa pas.

Le voyage commença alors dans un sol boueux malgré la météo assez clémente. La nuit n’avait été bien différent et la pluie était tombée en masse. Le petit convoi agrémenté de plusieurs miliciens dont elle était d’ailleurs la seule femme et de quelques civiles se mit alors en route. Elisabeth voulait se faire discrète, certains miliciens l’avaient regardé avec des yeux blasés, la jugeant déjà comme inutile avant même qu’elle n’ait pu faire quoi que ce soit. Heureusement, pas spécialement de regard lubrique cette fois ci. Elle ne tarda pas à se saisir de son arme, et y encocher une flèche sans tendre la corde bien sur. Simple mesure de précaution pouvant lui faire gagner une seconde, ce qui était suffisant pour parfois changer la donne et sauver peut-être une vie.

Vu qu’elle ne connaissait personne, elle n’osait pas vraiment adresser la parole à d’autres, surtout que la plupart ne semblaient pas vraiment ouverts à la discussion. Alors l’archère fit ce qu’elle faisait d’habitude : Observer les alentours. Sa vision examinait les abords de la route, les côtés, essayant de détecter une menace, une embuscade, des lieux particulièrement dangereux où elle devait redoubler d’attention. Mais le souci n’arriva pas de l’environnement, mais plutôt du chariot lui-même qui s’embourba. Les ordres ne tardèrent pas à fuser.

Les passagers durent descendre, les hommes les plus forts se préparèrent à aider le convoi à repartir. Ce n’était bien sur pas le cas d’Elisabeth, toujours assez frêle malgré sa profession. Elle continua alors à observer les alentours, resserrant sa poigne sur son arc. Son regard se posa sur une jeune femme, encore plus qu’elle, une civile qu’elle avait vu monter dans le convoi. Elle semblait stressée, la main sur la manche de sa dague, à observer les alentours nerveusement.

La milicienne, à un mètre d’elle, semblait plus sereine, bien qu’une concentration certaine se lisait sur son visage alors qu’elle scrutait un peu plus professionnellement les environs. Elle posa une main bienveillante sur l’épaule de la blonde, agrémenté d’un sourire qui se voulait rassurant. « Ne t’inquiètes pas, ça n’a rien d’un piège. Juste un petit contretemps. On ne risque rien de plus qu’en avançant sur la route. C’est ton premier voyage vers le Labret ? » déclara-t-elle alors. Qu’ils soient à l’arrêt ou non, le convoi était bien incapable de distancer un fangeux, voire des bannis. Cela revenait basiquement au même.

Alors que les gens s’activaient pour pouvoir reprendre le voyage, l’attente se prolongeait, les efforts s’intensifiaient pour dégager le convoi de ses entraves. Pour certains le stress augmentait à chaque seconde un peu plus alors que l’opération s’éternisait. La milicienne laissa échapper un petit soupir. Du coin de l’oeil, elle pouvait voir certains civils s’agiter, peu rassurés. Des murmures inquiets s’élevaient de certains, des regards qui l’étaient tout autant s’échangeaient. La brune, elle, faisait de son mieux pour rester impassible. Après tout elle était bien plus habituée.

« Calmez-vous, il n’y a pas de dangers dans les environs. Une embuscade nous aurait déjà attaqué. Et on a encore le temps d’arriver à bon port avant le crépuscule. On pressera un peu le pas. » déclara-t-elle alors d’une voix rassurante. Ses mots eurent un certain effet, et certains se calmèrent un peu. Elle-même ne savait pas si presser le pas suffirait vu le temps qu’ils venaient de perdre, mais avoir des civils paniqués à bord du convoi n’apporterait rien, à part du bruit supplémentaire qui l’empêcherait peut-être d’entendre une menace arriver. Quoi qu'il en soit, ils avaient pris du retard sur leur prévision, et ils allaient bien devoir le rattraper d'une façon ou d'une autre.

Voyant que cela ne progressait pas vraiment dans la bonne direction, ordre fut d'ailleurs donné à tous d'essayer d'aider, même les femmes. Elisabeth rangea alors provisoirement son arc et ses flèches, avant de se mettre à aider également. Après quelques minutes de plus, le chariot était enfin désembourbé, et ils pouvaient repartir... Restait à espérer que cela n'arrive plus. Ils n'avaient pas beaucoup plus de temps à perdre que ça.
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Landric L'OiseauMilicien
Landric L'Oiseau



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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyLun 12 Aoû 2019 - 18:21
Du haut de son alezan sans nom, Landric avait une meilleure vue que les piétons et conscient de cet avantage, balayait les environs du regard en permanence, croyant déceler un danger dans chaque tâche d'ombre. Il était si peu concentré sur le convoi en lui même qu'il sursauta quand il s'arrêta brutalement. Toute la ligne de marcheurs s'immobilisa, si soudainement son cheval nerveux se déroba et fit un écart, ses sabots émettant un bruit de succion dans la boue du bord du chemin à chacun de ses pas de danse. Sa prise se renforça sur la hampe de sa hallebarde, qu'il tenait de la main droite, la gauche serrée sur ses rênes alors qu'il luttait avec sa monture qui trouvait trop belle l'occasion de n'en faire qu'à sa tête.

L'incident n'avait rien d'un drame heureusement: le pire qui pouvait arriver était qu'ils soient retardés, car une des roues du chariot de passager s'était prise dans la glaise. Certes, il était problématique de perdre du temps, très ennuyeux même, mais Landric n'en fut pas moins immensément soulagé de constater que leur arrêt n'était dû qu'à un incident mineur, d'autant qu'il ne voyait aucune trace de pas autre que les leurs dans terre meuble. Il poussa son cheval vers l'avant, et étant le seul cavalier, prit l’initiative de mettre pied à terre. Sa monture était une bête de selle, relativement légère, mais il pouvait au moins joindre ses forces à celles des bœufs, ce ne serait pas perdu. Le charretier approuva son idée, et à eux deux, ils harnachèrent avec les moyens du bord le cheval à l'avant de l'attelage .

Il fut compliqué de fixer une corde autour du poitrail de l'animal sans l'étrangler, mais finalement, il fut lié juste devant les bœufs, prêt à les seconder. Sa conduite fut confiée au charretier, qui tirait l'animal par la bride tout en encourageant ses bêtes de la voix. Landric était passé derrière le véhicule, poussant avec les autres miliciens, sans succès. La roue était profondément enlisée, malgré tous leurs efforts. Le troupeau humain commençait à s'agiter, comme si tous y comprit les guerriers n'étaient pas inquiets à l'idée d'être immobilisés au milieu des marais. La nervosité des autres vint alimenter la sienne et il sentait ses mains trembler: il avait jeté sa hallebarde, trop encombrante pour cette tâche à l'arrière du chariot. Si la moindre menace apparaissait, son temps de réaction serait rallongé et en cas d'attaque, aucune seconde ne serait superflue.

Les louables paroles rassurantes de sa collègue, à l'attention de leurs protégés n'y changea rien: lui n'était pas dupe, il n'y avait peut-être pas d'embuscade de hors-la-loi, mais les fangeux avaient l’ouïe fine. Plus ils restaient en place, plus ils auraient la tentation de quitter leurs bourbiers quitte à affronter la lumière du soleil. Finalement on ne pu dégager la roue qu'avec l'aide des miliciennes et de quelques voyageurs, après plusieurs minutes d'efforts intenses. Le chariot parti un peu en avant, sous l'élan de la poussée, puis s'immobilisa, retenu par les bœufs. Ils allaient pouvoir reprendre leur route! Soulagé, Landric se pencha en arrière pour soulager son dos mit à rude épreuve et étira les épaules d'avant en arrière avant de récupérer son arme.

L'escorte et leurs protégés étaient toujours mêlés, les civils se rassurant mutuellement. En se retournant, il vit sous un châle un éclat doré familier, le profil d'un petit visage de passereau. Il n'eut même pas le temps de froncer les sourcils que l'officier en charge rempli son champs de vision.

"Toi le cavalier, tu remontes sur ta rosse et tu passe devant. Je veux que tu vérifie la route, qu'on puisse décharger le chariot à temps avant de s'enliser si on a d'autres petits cadeaux qui nous attendent, mais tu reste à vue. Encore une comme ça et on va pas atteindre Conques avant la nuit."

Par ses trois phrases maladroites, il avait réussi à ruiner les efforts de la milicienne de tout à l'heure pour calmer le groupe qui fut parcouru d'un murmure général comme un grand corps aurait été parcouru d'un frisson. Landric dissimula son irritation envers l'officier indélicat et la foule imprudente, puis se touchant le front en signe d'approbation en retournant vers son cheval. Se mettant en selle, il ne parvint pas à retrouver la jeune fille qu'il avait prise pour Alaïs. Il avait dû rêver, c'était absurde: ne lui avait-elle pas admit à demi-mot qu'elle était terrifiée à l'idée de sortir de Marbrume. Elle avait dû avoir l'intelligence de rester à l'abri.

Lui-même, qui y était habitué, avait toujours la peur au ventre, surtout à l'idée de s'éloigner du groupe. Certes, ce n'était pas une mauvaise idée, mais c'était tout de même mortellement dangereux: il était en première ligne. Landric eut toutefois la satisfaction de constater que la route se surélevait un peu et malgré la pluie, était plus sèche. Le risque d'enlisement était désormais bien moindre, bien qu'il faille rester prudent et se tourna sur sa selle après avoir fait une centaine de mètres. Le convoi avait reprit sa lente avancée, tous savaient qu'il n'y avait pas une seconde à perdre. Il adressa un petit geste de validation, pour indiquer qu'il n'y avait pas de danger jusque là, puis se remit d'aplomb sur sa selle. Il était comme seul au milieu des marais, n'entendant plus les conversations, ne voyant plus ses compagnons. Landric avala péniblement sa salive: il n'aimait pas du tout cette situation.
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Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyLun 12 Aoû 2019 - 22:41
Alaïs avait suivi anxieusement l’extraction du chariot du bourbier, et elle avait presque sursauté quand la milicienne avait posé une main rassurante sur son épaule. Elle lui avait répondu d’une voix mal affermie qu’elle était du voyage pour la première fois, ce qui en un sens était vrai, puisqu’elle n’avait pas remis les pieds au Labret depuis qu’elle l’avait quitté des mois plus tôt dans l’urgence. Elle avait écouté le discours rassurant de l’archère sachant pertinemment qu’il n’avait rien de certain quant à leur avenir, et que les Fangeux étaient loin de suivre un plan logique ou particulièrement stratégique. Ils avaient faim, et quand on a faim, et qu’on n’a même plus l’excuse d’être humain, tout était possible, surtout l’impensable. Néanmoins, elle s’était forcée à esquisser un faible sourire, reconnaissante des efforts que la jeune femme déployait pour garder son sang froid et celui de tous.

Elle n’avait pas cherché à pousser plus loin la conversation, par souci de discrétion et surtout parce qu’entre temps tout le monde ou presque avait été réquisitionné pour tirer le chariot de son guêpier vaseux. A ce moment là, elle avait vu le cheval de Landric se rapprocher, et elle avait baissé les yeux vivement, dans l’espoir qu’il ne la reconnaisse pas. Probablement une seconde trop tard, car elle avait malgré tout saisi l’éclat de son regard une fraction de temps infime, avant qu’un rustaud de la milice ne lui offre un paravent bienvenu. Elle aurait été presque soulagée d’être découverte à cet instant, juste pour qu’il la rejoigne, et qu’ils se rassurent mutuellement. Elle le sentait plus tendu encore que la corde de l’arc de l’archère qui lui avait adressé la parole une minute plus tôt. Mais c’était une idée stupide, presque aussi stupide que celle qu’elle avait eue de le suivre à cause de ce maudit rêve. Que changerait-elle au juste ? Cherchait-elle seulement à apaiser la culpabilité qu’elle portait comme un fardeau durant tous ces longs mois ?

Elle n’était qu’un poids de plus, incapable de se protéger par elle-même, effrayée par l’ombre d’un buisson, par sa propre silhouette dans le reflet d’une mare. Qu’avait-elle cru en venant ici ? Elle se maudissait un peu plus à chaque minute, mais rien de ce qu’elle pouvait faire maintenant ne pourrait la tirer de ce mauvais pas. Le chariot sortit enfin de son trou, et on ordonna à tous de reprendre la route au plus tôt. Elle entendit le rustaud s'adresser à Landric, et elle se mordit l'intérieur de la joue d'inquiétude. Et maintenant voilà que Landric était forcé de chevaucher en avant du convoi, juste à côté d’elle, ce qui compliquait singulièrement ses affaires.

Il serait probablement furieux de la découvrir là, elle qui n’avait rien à y faire, et il était fort probable qu’il la questionne sur le moyen qu’elle avait trouvé de payer son passage. Le convoi s’ébranla de nouveau, avec cette lenteur épouvantable, rythmé par le pas pesant des boeufs et des gens restés à pied. Elle aurait au moins tout le loisir de réfléchir à ce qu’elle ferait une fois arrivée à Conques. Fallait-il qu’elle se signale auprès de Landric dès leur arrivée ? Il semblait visiblement trop alerte pour qu’elle échappe à sa vigilance et elle avait sous-estimé sa capacité à scruter tout ce qui l’entourait. Elle aurait dû se douter que ce ne serait pas si facile… Elle tournait et retournait la question dans son esprit et n’y voyait aucune solution… Et la journée avançait, beaucoup trop vite à son goût. Les bestiaux peinaient sous la chaleur, et les hommes encore plus…

Ils finirent néanmoins par quitter peu à peu les zones les plus humides des marais, et quelques trouées apparurent de plaines vallonnées. Et la course du soleil, implacable, poursuivait son avancée, jusqu’à ce que finalement, le jour ne tombe sans qu’ils aient atteint leur premier point de relai. L’inquiétude était palpable, et les femmes se serraient un peu plus les unes contre les autres dans le chariot, comme si se rassembler pouvaient constituer une défense acceptable. Alaïs savait qu’il n’en était rien, et elle commençait à prier en guettant les étoiles que rien de terrible ne leur arrive.

C’est alors qu’un cri perça l’obscurité, parmi les gens qui avançaient à pied. Un fourré s’était animé non loin et la panique se répandit parmi les rangs comme une traînée de poudre, avant que le rustaud ne se mette à beugler : “Calmez vous ! Ce n’est qu’un sanglier !” Mais c’était déjà l’affolement général, et même les boeufs se mirent à ruer dans les brancards, menaçant de renverser le chariot ou de l’emporter dans un fossé. Alaïs se trouva pèle-mêle avec les passagers qui se débattaient tout aussi vainement que le bétail et joua des coudes de son mieux pour s’extirper de ce nouveau piège. Ni une ni deux, elle sauta hors du chariot avant de se trouver embarquée dans une course effrénée, et se reçut durement sur le sol de terre battue, heurtant la pointe de son épaule contre une pierre. La douleur l’irradia aussitôt dans tout le dos, mais elle se redressa aussi prestement que possible, rageant contre les lourdeurs de sa robe pour se mettre sur ses pieds avant que les gens à pied ne la piétinent à leur tour. Instinctivement, elle cherchait la silhouette de Landric sur sa monture, le sang lui battant frénétiquement dans les tempes. S’il ne s’agissait que d’un sanglier, pourquoi n’avait-elle pas vu passer la bête ?

Quoi qu’il en soit, sanglier ou pas, un tel raffut et une telle débandade pouvait alerter des prédateurs bien plus dangereux. Et dire qu’ils n’avaient même pas fait la moitié du trajet.
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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyMar 13 Aoû 2019 - 2:17
Le voyage se poursuivi, à la vitesse d'un escargot, une journée entière alors qu'inéluctablement, le soleil montait vers son zénith, écrasant largement les voyageurs de sa chaleur, avant de décliner, ramenant la fraîcheur et les dangers de l'obscurité. Landric regardait comme dans un cauchemar son ombre s'allonger dans son sillage, lentement, très lentement, sans toutefois l'être plus que leur avance indolente, surtout par comparaison avec le pas alerte de son cheval. Il aurait suffit qu'il effleure ses flancs du talon pour que l'animal s'envole vers la sécurité, l'emportant avec lui, laissant les humains aux petits pas et au souffle court loin derrière eux. Mais ce n'était qu'un doux fantasme: il savait bien quelles conséquences auraient un tel geste et lui même ne pourrait plus dormir tranquille s'il abandonnait ces pauvres gens à leur sort.

Alors Landric retenait son cheval aussi frustré que lui par l'avance bien trop lente, sous un coucher de soleil qui se fit crépuscule, puis nuit noire. Dans la lenteur exaspérante du convoi, il tentait de se concentrer sur sa respiration pour ne pas penser à tout ce qui pouvait se tapir dans l'ombre, de se convaincre qu'une armure légère et une hallebarde suffisait à faire la différence entre sa personne et une proie vulnérable aux crocs de son terrifiant prédateur nocturne, entre un milicien sans peur et les voyageurs à la vie fragile qu'il était censé protéger. Landric avait beau faire, la nuit au milieu des marais il n'était qu'un enfant terrifié à qui on avait donné une arme en lui affirmant qu'il était temps pour lui d'être un héros.

Dans le noir, face à un ou plusieurs fangeux au meilleur de leur forme, il ne vaudrait pas mieux qu'un mulot caparaçonné de cuir dans les serres d'une chouette monstrueuse. Plus il y pensait, plus il était effrayé: le moindre bruit le faisait réagir comme si il s'était agit d'une menace en soit et il commençait à craindre que ses nerfs lâchent avant qu'un véritable danger ne se profile. Le bond qu'il fit sur sa selle quand un froissement plus important se fit entendre manqua de lui faire vider les étriers. Ses réflexes prenant le pas, Landric fit volter sa monture, prêt à retourner sa terreur contre ce qui l'avait provoqué, mais le cri de l'officier assurant qu'il ne s'agissait que d'une bestiole, le coupa dans son élan.

Cela ne suffit pas, cependant, pour la masse de gens peu habitués aux marais qui paniquèrent au point d'affoler les bœufs. On paniquait, on gesticulait, certains hurlaient, dans un réflexe primitif qui risquait de mener à une fin, elle aussi des plus primaires, dans l'estomac de plus fort que soit. Lui était au milieu de cette cohue, maitrisant tant bien que mal un cheval qui ne demandait pas mieux que de prendre ses jambes à son cou alors que défilait devant ses yeux les souvenirs insoutenables d'une matinée de printemps qui avait prit une tournure similaire. Hurler des ordres ne servirait qu'à attirer plus vite sur eux les meutes sanguinaires et il était de toute façon trop paralysé pour cela.

En désespoir de cause, Landric sauta à terre: que ce satané cheval n'en fasse qu'à sa tête, il le gênait plus qu'il ne l'aidait. Sans oser lâcher sa hallebarde, il tenta de faire physiquement barrière à ceux qui tentaient de fuir, pensant ainsi sauver leurs vies. Ils ne devaient surtout pas se disperser, c'était la pire chose à faire, mais cela impliquait de lutter contre un instinct viscéral. Désespéré, il cherchait des yeux les autres miliciens, à bout de solution. La panique avait saisi le groupe et il le savait d'expérience, rien ne pouvait réparer ça. Il attrapa n'importe qui à la volée, secouant l'homme qu'il avait prit au col pour essayer de lui faire retrouver un peu de raison:

"Restez calme je vous en prie! Vous êtes en train de les attirer!" la fin justifiait les moyens et il ajouta, versant dans le pur mensonge: "C'était un sanglier, je l'ai vu s'il vous plait, restez calme."

Le bougre se dégagea et fit quelques pas en arrière, trop surprit pour réagir. Landric tenta de lancer quelques autres appel au calme, mais son ton était trop inquiet pour être crédible et il fut réduit au silence par le passage des boeufs de l'attelage qui s'enfuyaient de toutes leurs jambes, manquant de justesse de le renverser.
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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyMar 13 Aoû 2019 - 15:32
C’était la débandade générale. Mais les miliciens s’avérèrent assez efficaces pour contenir les gens à pied, tandis que le chariot transportant les voyageurs s’égarait dans la nuit, emportant avec lui quelques bonnes âmes qui n’avaient pas osé ou réussi à sauter à temps. Alors que le calme revenait enfin, on entendait plus que les sanglots des femmes et des enfants terrifiés par l’incident, et les hommes grognaient d’avoir été bousculés ou jetés à terre par le passage du chariot. Alaïs avait réussi à esquiver les coups et la bousculade, sautant habilement de droite et de gauche, maudissant ses jupons qui l’empêchaient de grimper sur le premier arbre qui passait. Instinctivement, elle s’était rapprochée de Landric quand elle avait entendu sa voix, et réussi à distinguer sa silhouette.

Il n’était plus à cheval et celui-ci semblait avoir disparu. Avant même d’avoir réfléchi à ce qu’elle faisait, elle lui avait saisi le bras quand les boeufs étaient passés en trombe près de lui, le ramenant vivement en arrière. On ne pouvait plus rien pour les malheureux coincés dans le chariot, pas durant la nuit en tout cas et elle espérait que Landric ne se lancerait pas à leur poursuite.

“Tu vas bien, Landric ?” Elle se mordit ensuite l’intérieur de la joue, réalisant que tous ses plans de filature venaient de voler en éclat. Il l’aurait mauvaise probablement, mais ce n’était pas encore l’heure des explications. Finalement, elle aida de son mieux une femme terrorisée, non loin d’eux, et ils se rassemblèrent tous sur les ordres des miliciens. Le convoi était délesté d’un chariot, et chacun marchait vite et silencieusement, la tête basse. Déjà Conques se profilait vaguement à l’horizon et ils auraient tout le loisir de pleurer ce qu’ils avaient perdu. Au moins ils leur restait les provisions. Ils pénétrèrent enfin aux abords de la ville, quelques barricades gardées se dressant au devant d’eux. Alaïs poussa un soupir de soulagement.

Elle se sentait soudain abattue et épuisée, et n’avait qu’une envie : rejoindre l’abri d’une maison, entre quatre murs épais. Elle jeta un regard craintif vers Landric.

"Tu m'en veux ?"
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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyMar 13 Aoû 2019 - 23:07
Trop tard pour agir: le mal était fait. Landric laissa retomber ses bras, impuissant, regardant les bœufs et leur chariot disparaitre dans l'obscurité à la suite de son cheval. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'ils trouvent d'eux même le chemin vers Conques. Il se sentait comme engourdi, estomaqué par la bêtise de cet incident. A la sidération succéda une forme de colère: tout ça à cause d'un tas d'imbéciles incapable de rester un tant que ce soit peu disciplinés! Et à cause de lui aussi, qui n'avait pas su les protéger, et du destin qui s'en était prit à leur roue plus tôt dans la matinée.

"Oui... oui ça va." répondit-il machinalement, quand on lui posa la question.

Le retour automatique, systématique à cette question qui n'appelait qu'une affirmative. Même quelqu'un dans l'état de profonde confusion de Landric, se devait d'y répondre par le positif. Il mit un long moment à réaliser qui l'avait ainsi interpellé, confirmant un bref soupçon qu'il avait eu plus tôt dans la journée. Il se retourna, sidéré sur Alaïs, reconnaissable même au milieu de la nuit noire des marais. Cela ne fit qu'ajouter à sa confusion et pour dissiper un peu cette bouillie d'émotion, se frotta le visage de la main gauche. Il ne manquait plus que quelqu'un envers qui il avait une responsabilité personnelle.

La marche reprenait, à un rythme qui aurait dû être sien toute la journée durant. Alaïs marchait près de lui à présent mais Landric ne se sentait pas la force de la rassurer, bien trop vidé pour prononcer une parole apaisante à son égard. Il aurait pu se sentir réconforté de trouver une présence amie en ces lieux hostiles, mais ne pouvait penser qu'au risque absurde qu'elle avait prit. Qu'est-ce qui lui était passé par la tête? Il lui avait clairement demandé de rester à l'abri des murs de Marbrume, lui avait qu'il s'en chargeait! Il n'était pas en colère, tout au plus las et confus, ce qui ne le changeait pas beaucoup de l'état d'esprit qu'il avait eu depuis le début de cette nuit maudite.

Enfin, la petite silhouette de Conques apparu au loin, noir sur noir, mais visible quand même. La sécurité, finalement! Landric retrouva à l'abri des barricades un peu d'énergie. Son dos courbé se redressa, et à la question d'enfant triste que lui posa Alaïs, il répondit avant tout par un geste affectueux, posant sa main sur son épaule.

"Non, je ne t'en veux pas, tu es assez grande pour prendre tes propres décisions. répondit-il dans un soupir. "Mais c'est terriblement dangereux d'avoir fait ça. Et ça m'a fait un choc de te trouver là."

Jetant un œil circulaire, autour d'eux, entre les maisons borgnes, il pu voir que les bestiaux échappés étaient comme eux tombés sur Conques et avaient été rattrapés par la milice locale, avec leur chargement. Les gens semblaient secoués, il entendait un enfant pleurer jusqu'ici, mais ils étaient vivants. Tout allait bien, c'était difficile de s'en persuader tant ils étaient passés près du drame. Landric vit également sa monture, attaché près des bœufs.

"Il faut que je m'occupe de mon cheval."

C'était sa responsabilité de prendre soin de l'animal, au même titre qu'il était censé entretenir le reste de son matériel, armes et armure. Il ne lâcha pas l'épaule d'Alaïs alors qu'il se dirigeait vers la bête, non seulement pour le plaisir de sa compagnie, mais surtout pour la garder à l’œil: elle lui semblait douée pour s'attirer des ennuis et cette tendance semblait se confirmer.
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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyMer 14 Aoû 2019 - 20:31
Il semblait las et déçu. Il avait presque eu le même regard que son père lui lançait lorsqu’il découvrait la dernière bêtise qu’elle avait faite. Et cette réalité lui frappa le coeur aussi sûrement que la bise glacée d’un hiver rigoureux. Il n’avait même pas l’air en colère, ce qui dans le fond, était presque pire. Il s’était adressé à elle comme on s’adresse à une enfant capricieuse, pour tenter de lui inculquer un peu de sagesse, un pardon plus qu’amer qui lui laissait un goût désagréable dans la bouche. Qu’allait-elle s’imaginer ? Il la voyait pour ce qu’elle était : une gamine du Goulot à laquelle il s’était attachée par la force des choses, par le poids d’un service, ou par la lourdeur d’un quotidien harassant et chargé d’angoisses nocturnes. C’était ainsi, et elle devait s’en faire une raison. Elle même ne se trouvait plus la moindre excuse. Elle était là parce qu’elle avait été poussée par un désir irrationnel de le retrouver, par un maudit rêve. Si ce n’était pas la preuve qu’elle n’était qu’une gamine imbécile…

Elle se morigénait de la sorte tandis qu’il posait une main sur son épaule en revenant à des choses prosaïques. S’occuper du cheval. Bien sûr. Elle ne mouftait pas, et le suivit jusqu’à l’endroit où le cheval était attaché. Elle se saisit d’un seau d’eau qu’elle plaça devant le cheval afin qu’il s’y abreuve et chercha une brosse et de la paille pour chasser l’humidité du poil de l’animal encore suant. Il ne fallait pas qu’il attrape un coup de froid sur les reins. Elle tendit machinalement tout ce qui était nécessaire à Landric, se transformant en assistante zélée. Elle connaissait le travail mieux que quiconque, des gestes anciens qui la ramenaient à une vie passée, presque oubliée. Assez grande pour prendre ses décisions. C’était presque un aveu du contraire. Grande supposait qu’il y avait un doute, qu’elle n’avait pas franchi le seuil d’une maturité qui peinait à s’inscrire sur son visage et sur son corps. Etait-ce sa faute si elle ne mangeait pas à sa faim tous les jours ? Si elle devait martyriser ses muscles et ses articulations, les empêchant de croître pour effectuer les cabrioles qui feraient peut être naître un sourire chez ceux qui s’attardaient pour la regarder ?

Elle se mordit l’intérieur de la joue. Elle devait calmer ses pensées et vite. Landric n’avait pas besoin d’une scène, et il serait trop facile de le perdre maintenant. Elle remuait dans sa caboche de quoi se rattraper mais rien n’y faisait, elle ne trouvait rien d’intelligent à lui répondre ou même de quoi l’attendrir, le faire sourire comme elle avait réussi à le faire dans cette taverne si lointaine qu’elle paraissait appartenir à une autre vie, un autre monde. Alors elle garda le silence, passa la paille, puis la brosse, puis le cure-pied, et enfin quelques poignées d’avoine pour combler l’estomac de l’herbivore. Déjà tout le monde avait plus ou moins rejoint un abri pour la nuit, envahissant la seule auberge du coin assez grande pour accueillir les voyageurs de passage.

“Tu devrais te reposer.” Voilà la seule phrase intelligente qui lui vint quand ils en eurent fini de prendre soin de ce cheval qui n’avait jamais été si bien brossé. Et elle l’invita presque timidement à la suivre vers l’auberge qui fleurait des odeurs de lapin en ragoût, et du gruau qui collait au ventre. Une fois installés dans l’auberge, elle retrouva le confort d’un intérieur familier, de ces lieux qui se ressemblent quelle que soit la ville. Mais ce soir, elle n’avait pas le coeur à virevolter pour amuser la galerie. Elle était engoncée dans sa robe, s’y trouvait ridicule sans savoir pourquoi, et abaissa sa capuche pour dégager sa tête et sa gorge. Elle avait déjà chaud, et se sentait presque étouffer par l’ambiance surchargée des lieux. On s’y entassait comme on pouvait sur un bout de banc ou un tabouret. Pas si différent du contexte où ils s’étaient rencontrés.

“Tu te souviens de cette soirée ? Quand tu m’as rattrapée avant que je tombe. J’avais si faim que j’allais m’écrouler…” Elle était sûre qu’il s’en souvenait aussi bien qu’elle, et elle essaya de lui sourire tout en s’asseyant à côté de lui. C’était même la raison de leur présence ici. Mais cette entrée en matière lui facilitait la tâche. Elle avait besoin de se raccrocher à ce souvenir qui les liait tous les deux, juste pour ouvrir la brèche, s’y faufiler et oser s’aventurer plus loin.

“J’ai déconné, Landric… Je le sais.... Mais. C’était plus fort que moi… Complètement stupide, je te l’accorde. Il fallait juste que je m’assure…” Mais elle ne put pas terminer sa phrase, c’était au dessus de ses forces. Elle revit le visage torturé de ses rêves, et elle avait beau essayer de l’oublier, il lui revenait même en plein jour, même les yeux grands ouverts. Et voir Landric en chair et en os, bien vivant et en bonne santé ne lui apportait qu’un réconfort provisoire. Rien qui puisse chasser réellement les ombres qui la hantaient. Elle lui jeta un regard éperdu. Comment pourrait-il comprendre une chose pareille ?
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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyJeu 15 Aoû 2019 - 14:36
Pourquoi acceptaient-ils toujours d'avoir des civils agités dans leurs convois? Elisabeth avait toujours trouvé que laissés libres ainsi ils ne faisait qu’accroître l'agitation générale, des miliciens et des bêtes. La meilleure solution était presque encore de les rendre aveugles dans une carriole fermée, afin de limiter le grabuge qu'ils pouvaient en faire. Avec le premier souci de l'embourbage réglé, ils avaient néanmoins pris du retard. Trop de retard même. Ils se firent surprendre par la nuit malgré la période estivale. Si avant c'était sa vue qui était à l’affût, c'était désormais son ouïe. Un sens qu'elle avait un peu moins l'habitude d'utiliser mais qui était tout de même essentiel pour la chasse.

Et, en pleine nuit, avec les bruits nocturnes, le stress s'emparait d'elle comme de la plupart des gens. Une nuit dans un marais était synonyme de mort si l'on était pas préparé à cela. Les gens le savaient, et elle savait tout aussi bien que quoi qu'elle leur disait cela n'arrangerait rien. Jusqu'à ce qu'un sanglier soit effrayé par le convoi dans des buissons proches, avant de s'enfuir dans la pénombre de la forêt. Mais c'était trop tard, le mal était fait. La panique s'empara du convoi.

La milicienne avait bien sur sursauté et immédiatement bandé son arc en direction du bruit avant de se rendre compte de la cause de celui-ci. Mais les animaux étaient agités et les civils également, alors que d'autres intimaient de se calmer, ce fut trop tard. Le convoi s'ébranla et les animaux partirent droit vers l'obscurité. Impensable de les rattraper à pied, ni eux, ni les gens à l'intérieur qui n'avaient pas osé sauter. Elle soupira. Ils étaient sûrement morts. Du moins aussi bons que morts à ses yeux. Des morts qu'elle n'avait que trop vus et constatés depuis la fange pour se sentir réellement touchée par cette perte. Elle était presque bien plus gênée pour l'attelage qui aurait tout de même servi à transporter plus de provisions pour le voyage retour.

Elle-même se surprenait de cette pensée macabre. Depuis l'invasion, elle entretenait des pensées sombres qui ne l'avaient jamais vraiment quitté jusqu'ici. Elle était bien sur prête à aider quiconque en avait besoin mais là, ce convoi qui s'enfuyait, c'était au-delà de ses moyens. Elle allait juste perdre sa vie comme eux. Et le groupe de miliciens et de civils maintenant amoindri allait devoir continuer sa route dans la pénombre.

Du coin de l’œil, elle remarqua et entendit que la petite et le cavalier se connaissaient apparemment. Rien de bien important. Elle, elle ne connaissait personne, mais elle était habituée à affronter les dangers presque seule. Ses collègues de coutillerie n'avaient jamais dépassés le stade de camarades, du moins pour l'instant.

La suite du voyage se passa heureusement sans encombre et ils retrouvèrent d'ailleurs le reste du convoi intact à la ville. La milicienne cligna des yeux quelques instants, ils avaient eu une chance monstrueuse, mais cela voulait aussi dire qu'ils allaient encore se les coltiner pour le reste du voyage. Roulant des yeux, se détendant enfin une fois entre les murs du petit village, elle prit la direction de l'auberge comme la plupart des gens. A priori, ils allaient avoir au moins un lit de paille pour passer la nuit. Et la garantie d'une certaine sécurité.

La jeune femme n'hésita pas vraiment avant de commander une bonne chope de bière. Ce n'était pas vraiment dans ses habitudes, mais la chaleur estivale, et cette longue marche épuisante aussi physiquement que moralement, lui avait donné envie de boire un peu. Retrouver un peu de cette fausse joie que l'on ressent parfois en buvant alors que ça apporte souvent plus de problèmes que ça n'en résout vraiment. Pas question d'être ivre morte, juste de quoi un peu chasser ces pensées sombres, et ne plus penser au fait que demain à la première heure, il allait falloir remettre ça.

La plupart des groupes de miliciens étaient déjà formés dans la taverne, des gens qui se connaissaient, forcément. Elle, pour une fois, n'attirait personne, ce qui n'était pas plus mal. Elle se contentait de savourer sa boisson jusqu'à être dérangée par le cavalier et la petite d'avant qui avaient fait elle ne savait quoi à l'extérieur. Il fallait dire que les seules places - qui n'en étaient même pas vraiment - de l'auberge restantes étaient celles-ci. Ils semblaient proches, assez pour ne pas que la milicienne ait envie de les déranger. Elle se demandait combien de personnes ici savaient qu'elle était une mordue. Avec de la chance, aucune. Ce n'était pas forcément pour cela qu'on ne lui parlait que peu, après tout elle n'avait capté aucun regard dégoûté ou inquiet à son sujet. Elle semblait être une milicienne lambda. C'était tout.

Une grande rasade d'alcool, un ragoût enfin servi qu'elle avala sans trop de mal. Il avait le mérite d'être un petit peu meilleur que ce qu'ils servaient à la caserne, au moins. Mais une fois son repas terminé, l’atmosphère étouffante de l'auberge ne lui convenait plus vraiment, alors elle se leva avant de s'éclipser en dehors du bâtiment. A priori, aucun risque, le village était fortifié et gardé. L'air frais de l'extérieur glissa sur son visage, et la milicienne prit une grande inspiration, observant la silhouette des arbres au loin, derrière les fortifications, se découpant dans la faible lueur de la lune.

" Contente de vous retrouver... " déclara-t-elle à mi-voix pour elle-même. Bien qu'un peu déçue que ce soit dans de telles circonstances. La brune avait parfois juste envie de partir, partir dans les marais et de tenter de s'y établir. Comme Cécilia l'avait fait. Elle en avait marre de Marbrume, et de ses rues qui sentaient l'urine. Au moins, maintenant, elle était à l'extérieur pour un voyage. Et elle comptait bien faire en sorte que cela continue ainsi.

C'était une nuit paisible qui s'annonçait. Elle espérait juste que les Trois lui donneraient raison sur ce point. Demain, ils allaient devoir partir à l'aube, car le voyage était loin d'être terminé. Le Labret les attendait. Et les soucis sur la route aussi. La jeune femme releva calmement la tête vers les étoiles, l'agitation de l'auberge se faisant entendre derrière elle. C'était une belle soirée, et ils avaient tous été très chanceux d'arriver jusqu'au village. Ou bien peut-être que pour une fois les Trois veillaient sur eux.
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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyJeu 15 Aoû 2019 - 16:27
Alaïs l'aida efficacement avec le cheval, s'occupant de l'abreuver et le seconder alors qu'il s'occupait de l'animal qui avait la frousse de sa vie. Si elle venait d'Usson, elle avait probablement grandi dans une ferme, ce qui expliquait son adresse avec l'alezan. Ils pansèrent chacun un coté du hongre, ce qui permit à Landric de gagner un temps non négligeable pour son propre repos. Tout cela s'effectua dans un silence qu'il jugea confortable et reconstituant après l'agitation de la journée. Ce ne fut que quand ils eurent fini leur tâche, libéré de la confusion des derniers incidents, qu'il réalisa que la petite acrobate avait toujours l'air aussi piteux qu'à l'instant de leur arrivée à Conques, dans sa grosse robe mal ajustée. Hésitant, il n'osa pas lui demander ce qui gâchait ainsi son humeur.

Il supposa qu'elle était déçue de l'accueil qu'il lui avait fait, et secouée par les dangers rencontrés sur la route, ce qui était bien normal. Après tout, il était jusqu'à peu dans l'exercice de ses fonctions, il n'avait pas eu l'occasion d'être bien chaleureux avec elle et se promit de se rattraper au courant de la soirée.

"On a tous besoin de se reposer." lui répondit-il alors qu'ils regagnaient l'auberge, qui débordait d'une belle lumière dorée et d'une délicieuse odeur de nourriture chaude par toutes ses ouvertures. "Le trajet n'est pas si éprouvant d'habitude! Mais par Anür, voici une auberge accueillante!"

Alaïs avait retrouvé un peu le sourire quand ils eurent retrouvé le confort d'un intérieur sécurisant, la lumière et la foule chassant la terreur rampante de l'extérieur. Landric fut soulagé de la voir retrouver un peu de bonne humeur: désormais, il se sentait responsable d'elle, comme il se serait senti responsable de sa nièce s'il en avait une. Finalement, il se réjouissait tout à fait de sa présence, même si elle n'était pas au mieux de sa forme, la soirée serait un peu plus gaie si elle était à ses cotés, bien plus en tout cas, que si il avait passé son repas seul le nez dans sa choppe. Les évènements de la soirée alimenteraient sûrement à l'avenir les cauchemars obscures qui le réveillaient plusieurs fois par nuit, mais pour l'instant ils étaient oubliés: Landric avait envie de profiter d'être toujours en vie.

Il éclata de rire quand Alaïs lui rappela l'épisode mémorable de leur rencontre, assez marquant pour être ajouté au répertoire des histoires qu'il racontait pour faire rire les dortoirs de la caserne le soir.

"Comment l'oublier! J'ai bien cru qu'on allait devoir ramasser toutes tes dents sur le plancher de cette taverne!"

Son rire s'évanouit aussi vite que l'éclat de bonne humeur d'Alaïs. Voilà qu'elle retrouvait déjà cet air sombre, bien triste sur un si petit visage. Elle leva des yeux désespérés vers lui qui lui firent l'effet d'un poignard en plein cœur. Plaise à Anür qu'elle n'en attende pas trop de lui: elle allait être fortement déçue. Landric se morigéna intérieurement, il était bien trop vieux pour lui plaire, heureusement pour lui! Il détourna les yeux, pour voir une de ses collègues qui était assise près d'eux, quitter les lieux pour regagner l'extérieur. Elle aussi avait l'air bien triste et bien seule. Toutes ces humeurs sombres influèrent sur la sienne, et il sentit les coin de sa bouche s'affaisser, silencieux, peinant à trouver quelque chose d'optimiste à répondre à Alaïs.

"C'est la fatigue qui te rend pessimiste, tu te sentira mieux demain matin." improvisa-t-il, éludant une partie de son propos. "Je te l'ai dis, je ne t'en veux pas. Ce serait bien tard de toute façon, tu es là maintenant et j'avoue que je me réjouis de ta présence. Je ne connais pas ces miliciens on m'a fait compléter l'unité pour me renvoyer à Usson. Le voyage est assez difficile pour que je n'ai pas envie de le faire seul."

C'était une demi-vérité: si il était content de l'avoir avec lui en cet instant, ce voyage était bien trop risqué pour qu'il soit serein à l'idée qu'elle l'effectue avec lui. Il n'en dit rien, Landric ne voulait surtout pas qu'elle se sente rejetée, il était trop seul pour ça, et surtout pas qu'elle n'ai encore plus peur du trajet. Lui avait su apprivoiser son angoisse comme un loup menaçant dont il aurait fait son chien de garde, la changer en force, il avait apprit à s'en servir comme un stimulant pour ses sens et pour ses forces. Alaïs n'avait pas encore eut le temps d'en faire de même, surtout qu'elle n'aurait pas la chance de passer sa jeunesse dans un monde paisible. Il préféra changer de sujet, plutôt que de faire son vieux barbon sur d’abscons sujets philosophiques:

"Au moins, nous pouvons veiller d'un sur l'autre. Ça n'avait pas l'air d'être le cas de cette pauvre fille qui est sortie. Elle avait l'air bien mélancolique."
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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyVen 16 Aoû 2019 - 11:19
Elle l’avait vue passer également et en la reconnaissant, lui avait adressé un petit geste amical de salut et un sourire. Elle n’oubliait pas comment la jeune femme avait tenté de rassurer les gens avant que tout ça ne dégénère de façon absurde. Cela dit, elle n’était pas tout à fait d’accord avec Landric et lui fit savoir.

“Elle a plutôt l’air solide et sûre d’elle, si tu veux mon avis. Tu aurais vu son sang froid dans le marais, on aurait cru qu’elle était prête à affronter dix Fangeux en combat singulier… Mais c’est sûr qu’être une femme dans la milice, ça doit pas être facile…”

Dans un sens, il y avait presque un peu d’envie dans sa voix. Au moins la milicienne avait-elle tracé sa propre route, et personne ne pouvait plus lui dire ce qu’elle avait à faire. On ne pouvait que reconnaître sa force et son talent au combat quand le moment s’en faisait sentir et Alaïs avait ressenti cette tranquille assurance chez cette femme qui l’impressionnait assez, il faut bien le dire. Mais quand le dos de la milicienne disparut dans l’encadrure de la porte, Alaïs en revint bien vite à son voisin, dévoilant un sourire qu’elle avait eu de la peine à retrouver, quelques instants plus tôt.

Il ne lui en voulait pas, et tentait même de la distraire de ses pensées sombres. Aussi, elle n’osa pas raconter l’histoire du rêve. C’était un récit atroce, doublé d’une vision cauchemardesque, et Landric n’avait pas besoin d’entendre ça, ni qu’elle lui porte la poisse d’une quelconque façon. Après tout, ils avaient survécu à l’épisode du marais, c’était déjà conjurer en partie le sort qu’elle croyait s’abattre sur eux. Elle se contenta donc de serrer sa main par dessus le comptoir, comme pour lui assurer qu’elle allait bien, et que tout irait pour le mieux pour eux deux.

“Bien sûr qu’on veillera l’un sur l’autre, et puis je connais des tas de choses sur la région, ça n’a pas tellement changé depuis que je suis partie !” Bon, elle exagérait peut être un tout petit peu pour tenter de lui prouver qu’elle aurait son utilité, elle aussi. Pas qu’elle se soit rendue très efficace pendant le trajet du convoi jusqu’à Conques, mais ça, elle n’avait pas besoin de le préciser. Elle tâchait de se montrer à nouveau une compagne de soirée agréable, amusante, traquant ce fin sourire sur le visage du milicien comme d’autres partent à la chasse. Il continuait de la couver d’un regard fraternel ou paternel, cela elle le sentait bien, et qu’importe dans le fond, tant qu’ils étaient ensemble.

“Il faut que je te raconte les histoires du coin, avant qu’on arrive à Usson, il y en a de belles à savoir, je t’assure ! Juge un peu...” Et elle se lança dans les récits de son enfance, tout en prenant une posture théâtrale, s’animant au gré de ses réactions, racontant les bêtises qu’elle faisait, les petites manies des voisins et des habitants d’Usson, usant de mimiques et de voix différentes pour le faire rire et rendre ses souvenirs vivaces, tout comme celui de ces gens qui avaient sûrement disparu avec la Fange. La fois où elle avait attaché les lacets de la Mère Langlois au pied de la table, que celle-ci s’était relevée d’un bond en sentant du poil à gratter dans sa robe et que les mâtins de la maison s’étaient jetés sur la nourriture renversée par terre… Tout ça pour une sombre affaire de vengeance, parce que la mère Langlois était persuadée qu’Alaïs était le renard qui lui gobait les oeufs de son poulailler avant de les remettre à leur place… Elle l’avait donc attrapée un beau jour sans crier gare par la pointe de l’oreille et lui avait fait récurer tout le poulailler, agrémentant la punition de quelques coups de bâton. Alaïs jurait ses grands dieux qu’elle était innocente pour les oeufs, mais Landric pouvait bien voir qu’elle y était sûrement pour quelque chose, une lueur de duplicité qu’elle ne masquait même pas, juste pour l’amuser.

Et le père Miniot qui était si sale qu’on voyait le tour de sa chemise dessiné sur sa peau, qui empestant tant et si bien que les gars du village avaient profité d’un jour où il était saoul pour le pousser dans l’auge des écuries et le nettoyer à grande eau. Et que le père Miniot gueulait comme un cochon qu’on égorge mais voyait trop flou pour frapper juste ! Même que tout le monde avait découvert qu’il était blond sous cette crasse qui lui recouvrait le crâne et qu’ils avaient dû user d’une brosse à crin pour y arriver. Et une fois lancée, elle ne tarissait plus de ces petites histoires qui fourmillaient à la surface de sa mémoire. Mais elle ne parlait pas de son père, de la douceur de ses yeux ou de la délicatesse de ses gestes. Il y avait quelque chose qui l’en empêchait ou bien sa gorge se nouait sans qu’elle comprenne pourquoi. Et elle avait envie de sentir palpiter la vie et la joie entre elle et Landric, tant que c’était possible, tant qu’ils étaient là ensemble autour d’une assiette pleine, et une bière qui tiédissait trop vite. L’air surchauffé de la taverne ne la dérangeait pas pour une fois. C’était bon de sentir toutes ces âmes vivantes et bavardes autour d’elle.

La soirée avançait et quelques bougres assez fortunés commençaient à monter à l’étage pour occuper les chambres de l’aubergiste, tandis que les plus pauvres se massaient autour du foyer pour y dormir à même le sol. Elle eut une pensée pour la milicienne dehors qui n’avait toujours pas réapparu. Se pouvait-il qu’elle passe la nuit à faire le guet ? Et Landric, devait-il aussi monter la garde ? Ou aurait-il droit à un peu de repos ? Elle s’était tenue loin du rustre milicien qui les accompagnait, il avait quelque peu forcé sur la bière et braillait plus fort qu’un âne au milieu de l’assemblée encore présente. Elle sentait qu’il avait le vin mauvais et qu’il valait mieux s’en faire oublier. Elle fit un petit signe à Landric, alors qu’elle avait depuis un moment cessé de raconter ses souvenirs dans un joyeux désordre.

“On devrait se coucher non ?” Elle n’ajoutait pas “avant que ça dégénère”, car elle savait que c’était inutile. Landric aurait sûrement déjà flairé l’odeur de vinasse à même pas deux mètres d’eux, et elle le savait préférer le calme à une énième échauffourée. Heureusement, le rustre qui s’était perché sur une chaise pour brailler une chanson paillarde s’écroula au milieu des rires, et s’endormit exactement où il était tombé. A moins qu’il se soit assommé, mais au moins avait-il cessé de chanter.
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Élisabeth Blanchevigne



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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptySam 17 Aoû 2019 - 13:02
L'air était frais et l'ambiance apaisante. Au loin, les torches du chemin de ronde brillaient d'une faible lueur peinant à dissimuler le ciel étoilé qui se trouvait au-dessus d'elle. Loin de l'air vicié et malsain de Marbrume et de ses rues qui sentaient l'urine. Au milieu de ce village, elle se ressentait à nouveau un peu en enfance, et elle laissa son esprit vagabonder quelques instants... Juste quelques instants.

...

Elle rouvrit les yeux alors que le froid nocturne commençait doucement à la mordre à travers son uniforme. Combien de temps était-elle restée ici? S'était-elle assoupie ou bien ses pensées l'avaient-elle absorbée pendant un temps si long? La milicienne ne savait pas, mais ce qu'elle savait, c'était que la nuit était plutôt bien avancée. Et que demain, à l'aube, le convoi repartirai peu importe à quel point ils étaient en forme ou non. La jeune femme se releva sans mal, vérifia qu'elle n'avait rien oublié, et entra à nouveau dans l'auberge.

Le sol était jonché de miliciens fatigués ou bien trop ivres pour bien vouloir bouger. Certains ronflaient, beaucoup faisaient encore un peu de vacarme, et les chambres étaient surement déjà toutes prises. Elle ne dormirait pas vraiment à l'auberge ce soir, c'était quasi-certain, surtout avec tant de miliciens alcoolisés. C'était une très mauvaise idée. La petite qu'elle avait tenté de rassurer en cours de journée était encore là, réveillée, discutant avec le même milicien qu'avant, et elle l'entendit d'ailleurs suggérer d'aller dormir. Une sage idée. Mais pas ici, et pas dehors non plus. Même si l'on était en plein été, la nuit n'était pas toujours des plus clémentes si l'on avait pas au moins un petit quelque chose pour se couvrir. Elle s'approcha alors de la petite blonde.

« Tu as bien raison, le convoi repart aux premières heures du jour demain. » fit-elle alors remarquer en s'introduisant dans la discussion. La petite lui semblait assez sympathique, elle avait remarqué le petit signe qu'elle lui avait fait du coin de l’œil en sortant. Mais la milicienne savait à quel point ce genre de situations pouvaient dégénérer rapidement et le seul d'une auberge n'était pas vraiment un endroit pour une jeune femme comme elle.

« Je connais un endroit où passer la nuit sur de la paille, et pas au milieu de ronflements et de chansons paillardes, si ça t'intéresse. On sera bien plus au calme et loin de l'agitation. » proposa-t-elle alors d'un ton assez neutre. C'était un deal assez simple, à prendre ou à laisser. Elisabeth pouvait très bien aller y dormir seule. Mais si elle pouvait rendre service, et qu'elle ne faisait pas un boucan du diable en dormant, elle était tout à fait prête à l'inviter. Le milicien à ses côtés ne semblait pas spécialement saoul, et semblait également savoir se tenir. Elle le dévisagea méthodiquement, essayant de jauger le genre de personne qu'il était.

« T'as l'air de bien t'entendre avec elle, tu peux venir aussi, tant que tu fais pas un bruit de charrette mal huilée en dormant. » proposa-t-elle ensuite au milicien. Ils semblaient trop bien s'entendre pour qu'elle ne daigne vraiment les séparer en espérant surtout qu'elle n'avait pas proposer cela à n'importe qui. Après tout, elle n'avait peut-être rien de valeur sur elle, mis à part son corps qui pouvait en intéresser certain. Mais ce milicien avait l'air un minimum droit dans ses bottes. Du peu qu'elle avait vu et entendu, il semblait même assez protectif envers elle. Elisabth ne savait pas bien quelle relation ils entretenaient ensemble... Tant qu'elle pouvait dormir paisiblement, elle s'en fichait.

« C'est une grange d'un fermier du coin que je connais assez bien, dans laquelle il stocke de la paille pour ses bêtes. Il ne m'en voudra pas d'y amener deux personnes de plus. On ne va pas le réveiller à cette heure pour le prévenir. Mais c'est un bon endroit pour dormir, complètement gratuit en plus. » expliqua-t-elle ensuite afin d'un peu préciser son offre. Quel que soit leur réponse de tout de façon, elle irait là bas pour y passer la nuit.
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Landric L'Oiseau



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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyMar 20 Aoû 2019 - 17:11
Landric passa une agréable soirée, accoudé à la table pour écouter les histoires d'enfance d'Alaïs. Il n'aurait rien eu d'aussi joyeux à raconter, même si son âge tendre avait été la plus belle époque de sa vie. Vu de l'extérieur, une enfance passée dans une taverne crasseuse, au milieu de voyageurs peu recommandables avec la bénédiction de sa mère prostituée n'avait rien de très réjouissant. Pourtant ce rade sinistre avait été son refuge face à l'extérieur, aux enfants cruels et violents qui lui jetaient des pierres, cela avait été son foyer, sa maison. Si lui avait eut un tout petit monde, celui que lui décrivait Alaïs semblait bien plus grand, à l'échelle de tout un village.

Il prit plaisir à écouter ces histoires, récit d'une enfance aux antipodes de la sienne. Sa vie avait été simple et insouciante avant la fange, là où celle de Landric avait été complexe aussi loin que sa mémoire portait. L'ambiance de la taverne était chaleureuse, la vie en débordait, chassant l'ombre de la mort aux confins des esprits, la peur écartée le temps de quelques heures par l'alcool et la camaraderie des compagnons d'infortune. Mais il était déjà tard au moment où ils étaient arrivé, et la soirée était déjà bien avancée. Vaincus par les beuveries et l'épuisement de la journée, certains s'effondraient où il se trouvaient, alors que d'autres montaient occuper une chambre de l'étage où s'installaient une couche de fortune, qui sur un banc, qui à même la jonchée du sol.

Un ivrogne donnait, dans ses braillements, le signal de la fin de soirée, et Landric commençait lui aussi à donner des signes de fatigue, entre sa journée à cheval et les quelques pintes qu'il avait bu au court de la soirée. Il opina du chef quand Alaïs lui suggéra qu'il était l'heure d'aller dormir, mais la question était: où? Lui avait prévu d'aller dormir près de sa monture, comme il le faisait habituellement ce qui lui permettait de la garder à l’œil en profitant de sa chaleur mais il fallait vivre dans une écurie depuis sa plus tendre enfance pour pouvoir dormir dans l'odeur puissante des chevaux. La milicienne dont il avait plus tôt dans la soirée remarqué les allées et venues vint le soulager de cette question, abordant Alaïs pour lui proposer de partager sa nuit dans le foin d'une grange.

C'était une femme dramatiquement jeune, comme beaucoup de miliciens. A la grande tristesse de Landric, il était un des plus vieux à même pas quarante ans. Comme tous ceux qui tentaient de survivre dans la fange, elle avait l'air intense, préoccupée et devait comme tous porter le poids de ses morts. Il était d'autant plus impressionné du fait qu'elle soit une femme. L'Oiseau avait certes rencontré des filles d'écurie qui aurait pu lui en remonter en matière de chevaux, mais de là à leur mettre des armes dans les mains, il y avait un pas qui n'aurait jamais dû avoir à être franchi. Il se laissa dévisager par sa jeune collègue, qui semblait essayer de lire sur son visage quel genre d'homme il était, jusqu'à ce qu'elle lui propose de venir avec elles.

Landric se tourna vers Alaïs, en haussant les épaules:

"Ça m'a l'air d'être la meilleure option. Tu y sera mieux qu'ici."

Il se leva pour marquer sa résolution, cela lui convenait assez de pouvoir dormir sur ses deux oreilles sans craindre qu'un indélicat laisse trainer ses mains sur son amie l'hirondelle. Il ne doutait pas qu'elle soit capable de faire ravaler son outrecuidance à l'hypothétique malotru, mais préférait trouver un endroit sûr pour elle. Alaïs serait en sécurité avec la milicienne et lui pourrait surveiller sa monture dont il avait la responsabilité. Le prix d'un cheval était assez élevé par les temps qui courraient pour vouloir s'épargner de voir le montant retenu sur sa solde. De plus, cela lui semblait plus correct de laisser les deux femmes entre elles. Son amie ne semblait pas avoir souvent l'occasion d'une compagnie féminine et jugeait sain pour elle qu'elle ai l'occasion de se trouver en tête à tête avec une femme plus âgée.

"Je te laisse le soin de veiller sur elle." déclara-t-il à l'attention de sa collègue. "Je vais dormir près de mon cheval, je n'ai aucune envie de finir la route à pied."

Souhaitant la bonne nuit à ses deux camarades, il s'enfonça dans l'obscurité pour aller s'aménager un nid près de l'animal qui profitait d'un rare moment de sommeil profond, allongée de toute la longueur de sa corde. Qu'il serait bon, de sombrer à son tour!
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MessageSujet: Re: Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne]   Corde raide sur les marais [avec Alaïs Marlot et Elisabeth Blanchevigne] EmptyMer 21 Aoû 2019 - 1:32
La milicienne qui lui avait paru si sûre d’elle était revenue dans l’auberge et en un rien de temps voilà que Landric la confiait à ses bons soins pour la nuit. Elle lui adressa un regard de reproche quand il l’abandonna à la garde de la milicienne, sans même bien savoir pourquoi. Elle avait vaguement l’impression d’être l’enfant qu’on trimballait et dont on se refilait la responsabilité pour passer une nuit paisible. C’était stupide, une fois de plus, et elle ravala une vague protestation, qui mourut aussi vite qu’elle était née. Elle ne pouvait pas se permettre de contrarier encore Landric, et après tout il estimait peut être le besoin de trouver un peu de confort et d’intimité. Loin d’elle de préférence.

Son sens aigu de l’observation s’exerça sur la milicienne. Après tout, maintenant que c’était fait, elle ne pouvait plus se permettre de refuser son offre et mieux valait savoir à qui elle avait affaire. Elle se fendit d’un sourire qu’elle voulait sincère, bien qu’elle gardait le coeur lourd de voir le milicien s’éloigner. Stupide, vraiment.

“Au fait, moi c’est Alaïs. Mais mes amis m’appellent Al’. Et toi c’est quoi ?” Ainsi les présentations d’usage étaient faites. Elle se redressa et sauta de son tabouret. Il ne servait plus à rien de rester ici, et elle n’avait aucunement l’intention de dormir au milieu de parfaits inconnus. A la place, elle suivit la milicienne, jusqu’à la grange dont elle avait parlé. Elle faillit se prendre les pieds dans sa jupe, et elle pesta intérieurement contre cette tenue qu’elle s’était imposée pour se faufiler parmi les paysans. Elle se sentait ridicule et gauche là dedans. Elle n’était plus à sa place parmi les gens de la terre, et elle s’en rendait compte avec une lucidité accrue en cet instant. Elle avait pris goût à la liberté dans Marbrume, aussi dangereuse soit-elle. Et ce retour à une sorte de chaperonage lui causait du souci, une frustration d’enfant tout juste émancipé.

Elle s’était débrouillée jusque là pour survivre, vaille que vaille. Que Landric ne la voie que comme une chose à protéger lui faisait bien plus mal que s’il l’avait simplement repoussée. Elle se sentait soudain lui pousser des ailes pour lui prouver qu’elle n’était rien de tout ça. Etait-ce seulement crédible ? Elle avançait dans la nuit calme sans dire un mot, sourcils froncés, la tête basse sous son capuchon remonté. La milicienne ne disait rien non plus, la guidant seulement jusqu’à une large porte de bois qu’elle poussa sans plus de formalités et elle l’invita à la suivre à l’intérieur. Il régnait là une tiédeur bienvenue, une odeur de paille fraîche et de foin coupé, un léger souffle de vent traversant les planches mal jointes des murs.

Alaïs se laissa tomber dans un coin avec son balluchon, rabaissant sa capuche, et réalisa qu’elle n’avait toujours pas décroché un mot, alors que la milicienne s’installait à son tour. La jeune fille se racla la gorge pour retrouver un peu de sa gouaille habituelle.

“Ca fait longtemps que tu es dans la milice ? J’avoue que je connais aucune femme qui fasse ça. C’est un bel arc que tu as là, qui t’a appris à le manier ? J’aimerais bien savoir me battre, aussi…”

Elle exprimait un regret amer. Elle maniait sa dague en dernier recours, plus à titre d’intimidation qu’avec une réelle habileté. A ce moment, elle aurait donné cher pour avoir la prestance de la milicienne, partager son air dur et l’assurance qu’elle dégageait.

“Et euh… merci pour l’invitation.” Ca ne payait pas de mine, comme remerciement, mais finalement, peut être qu’une nuit passée dans cette grange tranquille et confortable lui offrirait le calme dont elle avait besoin. Elle se sentait loin d’être encore capable de fermer l’oeil, cependant.

“C’est quoi ton histoire ?”

Elle espérait que la milicienne accepterait de lui parler un peu, lui offrant une diversion bienvenue à ses ruminations.
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